Rome souterraine.
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Re: Rome souterraine.
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SUPPLÉMENT.§ 5. Le christianisme de Flavius Clemens et
l'existence de Flavia Domitilla la jeune.
Quand on vient de parcourir le cimetière de Domitille, tout rempli de la mémoire des Flaviens chrétiens, on comprend difficilement que des critiques distingués, mais enclins à pousser la prudence historique jusqu'au scepticisme, aient pu à la fois contester le christianisme de Clemens et de sa femme Domitilla, et révoquer en doute l'existence de la seconde Domitilla, nièce de Clemens, à laquelle la tradition romaine attribue la fondation de la catacombe qui porte son nom. Telle est la thèse soutenue par M. Aubé dans un chapitre de sa récente Histoire des persécutions de l'Église jusqu'à la fin des Antonins. Nous ne pouvons terminer cette étude sans en dire quelques mots.
1° Le consul Clemens et sa femme Domitilla professèrent-ils la religion chrétienne et furent-ils condamnés comme chrétiens? Le passage de Dion, ou de son abréviateur Xiphilin, d'où l'on a induit ce fait, est ainsi conçu: « Dans la même année (95), Domitien mit à mort, avec beaucoup d'autres, Flavius Clemens, alors consul, son propre cousin, et le mari de Flavia Domitilla, sa parente. Tous deux furent condamnés pour crime d'athéisme. De ce chef on condamna un grand nombre d'autres qui avaient adopté les mœurs des Juifs : les uns furent mis à mort, les autres punis de la confiscation. Quant à Domitilla, elle fut seulement reléguée dans l'île de Pandataria (2). » Malgré la contexture un peu compliquée de cette phrase, sa signification est claire : Clemens, Domitilla et beaucoup d'autres personnes, qui avaient adopté les mœurs des Juifs, furent déclarés coupables d'athéisme, et punis de diverses peines. Cela veut-il dire qu'ils aient été chrétiens ? Oui, s'il est vrai qu'au Ier siècle les chrétiens aient été accusés, et seuls accusés, d'athéisme. Or, ceci n'est pas douteux. Saint Justin, qui écrivait sa première Apologie cinquante ans environ après la mort de Clemens, s'exprime ainsi : « On nous appelle athées : et nous avouons que nous le sommes, s'il s'agit des dieux inventés, mais non s'il s'agit du vrai Dieu (1). »
Quand on voulait flatter la foule ennemie des chrétiens, c'est encore ce mot qu'on employait : « Parlant de ce qu'il ignore, Crescent, dit encore Justin, appelle les chrétiens athées et impies, pour plaire à une populace égarée (2). « Athénagore, qui écrit sous Marc-Aurèle, énumère les crimes que l'opinion reprochait aux chrétiens, et met au premier rang l'athéisme (3). Le païen Lucien, le chrétien Minutius Félix, s'expriment de même (4). C'était contre eux, à la fois, le cri populaire (5) et l'accusation officielle : elle n'avait aucun rapport avec le vague reproche d'impiété que les délateurs jetaient à la face de ceux qu'ils voulaient noircir auprès du prince, et que rappelle à ce propos M. Aube (6): ce n'est pas, en effet, d'impiété au sens politique du mot, mais d'athéisme,que parle Dion : et l'on cherche vainement contre qui, sinon contre les chrétiens, fut jamais, dans le monde romain, portée une semblable accusation. A qui, sinon à eux, pouvait-on dire : « Vous n'avez ni statues des dieux ni autels sur lesquels vous répandiez le sang des victimes (7)? » Toutes les religions païennes adoraient des simulacres, le sacrifice sanglant faisait partie de la loi des Juifs : seuls les chrétiens pouvaient paraître, aux yeux de leurs ennemis, n'avoir ni dieu ni culte. Quand donc on voit accusées d'athéisme des personnes qui avaient abandonné les mœurs païennes pour embrasser un genre de vie qui se rapprochait de celui des Juifs, il paraît impossible, dirons-nous avec Gibbon, d'admettre qu'il s'agisse d'autres que de chrétiens ( 8 ).
Suétone, il est vrai, ne nomme pas le christianisme parmi les causes de la mort de Clemens ; mais il n'en nomme aucune. Il dit seulement que Domitien fît périr celui-ci sur un très-mince soupçon, ex tenuissima suspicione (1). Suétone put, en effet, considérer comme très-futile une accusation de cette nature, comme très-futiles surtout les craintes que le changement de religion de Clemens excita peut-être dans l'esprit de Domitien. Suétone, d'ailleurs, si curieux de songes, de présages, de superstitions de toute espèce, est absolument indifférent aux vraies questions religieuses ; il ne semble pas s'apercevoir qu'au moment où il écrit la conscience humaine est agitée jusque dans ses fondements ; il ignore l'histoire du Christ, dont il fait un vulgaire agitateur juif ayant vécu à Rome sous Claude : quoi d'étonnant s'il n'a pas pris soin de noter, autrement que par un mot vague et peut-être dédaigneux, la véritable cause de la mort de Clemens ?
2° La question soulevée à propos de l'existence d'une seconde Domitilla chrétienne est plus délicate…
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(1) Pages 140-142, et les fils suivants (N.D.L.R.) . — (2) Dion Cassius, Hist. LXVII, 13. — (1). S. Justin, Apolog., I,6, — (2). Ibid., II, 3. — (3). Athénagore, Légat. pro Christ., 3. — (4). Lucien, Philomantis, 25 ; Minutius Felix, Octavius, 8, 10.— (5).Eusebe, Hist. eccl., IV, 15. — (6) M. Aubé confond, p. 164 et surtout p. 424, le crime d'impiété et le crime d'athéisme, qui sont tout à fait différents. (7). Arnobe, Contra Gentes, IV,36. — ( 8 ). The guilt imputed to their charge was that of atheism and Jewish manners, singular association of ideas, which cannot with any propriety be applied except to the christians. Gibbon, Decline and Fall, ch. xvi. Cf. Baur, Paulus, p. 472. — (1). Suétone, Domit., 15.
Rome Souterraine, p. 616-7Traduction de la note 8, ci-haut, a écrit:La culpabilité imputée à leur charge était celle d'athéisme et des mœurs juives, association singulière d'idées, qui ne peuvent convenablement être appliquée, sauf aux chrétiens.
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Louis- Admin
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Re: Rome souterraine.
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Rome Souterraine, p. 618-19.SUPPLÉMENT.§ 5. Le christianisme de Flavius Clemens et
l'existence de Flavia Domitilla la jeune.(suite)
2° La question soulevée à propos de l'existence d'une seconde Domitilla chrétienne est plus délicate. L'Église vénère une Flavia Domitilla, vierge et martyre, dans laquelle nous voyons une nièce de Clemens, fille de sa sœur Plautilla. Son existence nous paraît établie par les documents suivants:
1° Les Actes de Nérée et Achillée, qui racontent son exil dans l'île de Pontia, son martyre, et indiquent le nom de sa mère ;
2° deux passages d'Eusèbe, l'un emprunté à son Histoire ecclésiastique (III, 18) : « Notre foi avait déjà jeté un si grand éclat, que même les historiens païens ont fait mention dans leurs récits de la persécution dirigée contre nos frères et des supplices auxquels ils furent condamnés. Quelques-uns même en ont marqué avec soin la date, citant, par exemple, dans la quinzième année du règne de Domitien (2) , Flavia Domitilla, fille de la sœur de Flavius Clemens, un des consuls, qui, pour avoir confessé le Christ, fut reléguée dans l'île de Pontia » ; l'autre tiré de sa Chronique, où il cite le nom d'un de ces écrivains païens : « Brutius écrit que beaucoup de chrétiens souffrirent le martyre sous Domitien, parmi lesquels Flavia Domicilia, nièce (ex sorore neptem) de Flavius Clemens, consul, qui fut reléguée dans l'île de Pontia, parce qu'elle s'était dite chrétienne » ;
3º un passage d'une lettre de saint Jérôme, qui montre la sainte veuve Paula visitant, dans l'île de Pontia, la maison qu'avait habitée l'exilée (1). M. Aubé, après Scaliger, pense qu'il y a dans tout ceci une confusion, et qu'il s'agit, dans ces divers documents, de la même Domitilla dont parlent Dion, Suétone et Philostrate (2), c'est-à-dire la femme du consul Clemens : il raye de la généalogie des Flaviens, du martyrologe et de l'histoire Domitilla la jeune, qu'Eusèbe dit nièce de Clemens.
Le savant critique fait bon marché de l'autorité des Actes et même de celle d'Eusèbe : les premiers sont, dit-il, un document légendaire, qui ne peut faire preuve ; Eusèbe, lui, ne nomme qu'un des écrivains sur lesquels il s'appuie, et c'est un Brutius, parfaitement inconnu, sur la personne de qui les hypothèses les plus contradictoires ont été émises, dont tous les écrits sont perdus, et dont le témoignage, qui ne peut être contrôlé, reste sans valeur historique. N'est-il pas possible qu'Eusèbe ait nommé l'île de Pontia pour celle de Pandataria, où Dion place la femme de Clemens? Saint Jérôme, il est vrai, rapporte que de son temps on visitait encore, dans l'île de Pontia, la maison de Domitille; mais il se pourrait que Dion, et non Eusèbe, se fût trompé, et que l'épouse du consul ait été reléguée à Pontia et non à Pandataria: les deux îles sont voisines, toutes deux sont célèbres par d'illustres exils (3), et la confusion de l'une à l'autre était facile.
Cette argumentation n'est pas sans réplique…
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(2). L'an 96 (et non 97, comme une faute d'impression, que le lecteur aura corrigée de lui-même, nous fait dire p. 53). — (1). S. Jérôme, Ep. 86. — (2). Philostrate, Vita Apollonii, VIII, 25. — (3). La veuve de Germanicus avait été reléguée à Pandataria, et Néron, l'un de ses fils, à Pontia. Suétone, Tiberius, 53, 54.
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Louis- Admin
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Rome Souterraine, p. 619-620.SUPPLÉMENT.§ 5. Le christianisme de Flavius Clemens et
l'existence de Flavia Domitilla la jeune.(suite)
Cette argumentation n'est pas sans réplique. D'une part, l'autorité des Actes de Nérée et Achillée, très-faible dans la partie qu'on pourrait, avec M. Aubé, appeler romanesque, est, au contraire, très-forte sur d'autres points ; ainsi, les indications données par eux sur les sépultures de Nérée, d'Achillée, de Pétronille, sur le lieu où elles se trouvaient, sur la distance où ce lieu était de Rome, ont été de tout point confirmées par les découvertes modernes : il est probable que leur rédacteur eut sous les yeux des renseignements exacts, qu'il a malheureusement gâtés. Aurait-il inventé le nom de la mère de Domitille, qu'il appelle Plautilla? Rien n'autorise à le penser : il se peut, comme le conjecture M. de Rossi, que cette sœur inconnue de Flavius Clemens descende, par sa mère, de Plautius, le mari de la célèbre Pomponia Græcina. Il est vrai qu'aucun historien profane ne nomme cette Plautilla : mais aucun d'eux ne nomme davantage la femme de T. Flavius Sabinus, père du consul Clemens : en conclura-t-on que celle-ci n'a pas existé ?
Le témoignage, allégué par Eusèbe, d'écrivains païens, et en particulier de Brutius, est en réalité considérable. Que ce dernier soit, ou non, Brutius Præsens, l'ami de Pline le Jeune et le possesseur de domaines funéraires voisins de la catacombe de Domicilie, ses écrits n'étaient certainement pas perdus au VIe siècle, car ils sont cités, à plusieurs reprises, par Malala (1), qui l'appelle « un savant chronographe » : et comme il n'est jamais invoqué pour des faits postérieurs au règne de Domitien, il paraît vraisemblable qu'il fut contemporain ou à peu près de cet empereur. Brutius dit expressément que Domicilia, nièce de Clemens, fut exilée comme chrétienne, quia se christianam esse testata sit : M. de Rossi fait à cette occasion une remarque fort importante.
Si Brutius avait parlé en termes aussi clairs des motifs de la condamnation de Clemens et de sa femme, Eusèbe n'eût pas manqué de le citer, comme il le cite à propos de leur nièce. Il est probable que l'annaliste païen avait raconté la mort de Clemens en un autre endroit, la rattachant au récit de l'assassinat de Domitien, dont elle fut peut-être l'occasion, comme Suétone semble l'insinuer et comme l'indique cette circonstance, que le chef de la conjuration ourdie contre le cruel empereur fut un procurator de Domitilla, sans doute désireux de venger ses maîtres. Les conséquences politiques de la condamnation de Clemens et de sa femme détournèrent probablement de ses causes intimes l'attention de Brutius comme de Suétone, et sans Dion elles seraient demeurées inconnues. Il en fut autrement de leur nièce, jeune fille sans situation politique, et que son baptême et l'exil qui le punit avaient seuls mise en évidence. Ainsi s'explique qu'Eusèbe, qui prend ici Brutius pour guide, nomme une seule Flavia Domitilla, exilée à Pontia, et passe sous silence l'exilée de même nom et de même race à Pandataria.
Je dois indiquer en finissant une autre objection…
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(1). Malala, éd. Bonn, p. 34, 193, 262.
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Louis- Admin
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Rome Souterraine, p. 620-1.
A suivre : III. FOUILLES DANS LE CIMETIÈRE DE CALLISTE.
SUPPLÉMENT.§ 5. Le christianisme de Flavius Clemens et
l'existence de Flavia Domitilla la jeune.(suite)
Je dois indiquer en finissant une autre objection que je trouve dans une note de l'ouvrage de Lighfoot sur l'Épître de saint Paul aux Corinthiens (p. 22). D'après le savant professeur de Cambridge, dans la phrase de la Chronique d'Eusèbe : Plurimos christianorum sub Domitiano fecisse martyrium, inter quos et Flaviam Domitillam Flavii
Il semble donc, conclurons-nous avec Tillemont (1), qu'il n'y ait point de raison suffisante pour refuser de prendre comme s'appliquant à deux Domitilles distinctes le texte de Dion, d'une part, ceux d'Eusèbe, de saint Jérôme et des Actes de Nérée et Achillée, de l'autre. Ces Actes, et le martyrologe romain, font de la Domitille dont ils parlent une vierge et une martyre, et toute son histoire, telle que les premiers la racontent, roule précisément sur son refus d'épouser un jeune patricien de Rome nommé Aurélien. Si, comme on le prétend, la Domitille des Actes et celle de Dion étaient une seule personne, comment expliquerait-on que même l'imagination des légendaires ait osé travestir l'histoire jusqu'à faire de la veuve du consul Clemens, de la mère des deux fils adoptifs de l'empereur Domitien, une jeune martyre de la virginité?
La plupart des arguments que j'ai employés ici pour défendre l'existence de deux Domitilles chrétiennes ont déjà été opposés par M. de Rossi à l'illustre Mommsen, qui, au tome VI du Corpus inscriptionum latinarum (p. 172, 173), avait proposé une nouvelle généalogie des Flaviens, d'où était exclue la nièce de Clemens (2).
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(1). Tillemont, Mémoires d'histoire ecclésiastique, t. II, p. 126. (2). Bullett. di arch. crist., 1875, p. 69-77.
Rome Souterraine, p. 620-1.
A suivre : III. FOUILLES DANS LE CIMETIÈRE DE CALLISTE.
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Rome Souterraine, p. 621-23.
A suivre : IV. VERRES CHRÉTIENS ORNÉS DE FIGURES.
SUPPLÉMENT.III. FOUILLES DANS LE CIMETIÈRE DE CALLISTE.
Le Bullettino de 1874, 1875, 1876 contient le récit de fouilles entreprises, soit par la commission d'archéologie sacrée, soit par des particuliers ou des communautés religieuses, dans les catacombes d'Ostrianus, sainte Agnès, sainte Generosa, saint Cyriaque, saint Calliste. Cette dernière a été l'objet de travaux considérables, dont les résultats seront consignés dans le IIIe volume de la Roma sotterranea, annoncé par M. de Rossi, et doivent seulement être indiqués ici.
Des fouilles faites à Saint-Calliste, les unes ont eu pour objet de continuer l'exploration des areae souterraines, les autres de mettre au jour le cimetière créé au-dessus d'elles après la paix de l'Eglise. A la fin de 1873, les travaux exécutés à la surface du sol, autour de la basilique désignée sous le nom de cella aux trois absides (p. 192; sur le plan, V, c e I ), firent découvrir par hasard trois fragments originaux de l'éloge du pape Eusèbe, ce qui porte à douze le nombre des fragments retrouvés de cette célèbre inscription damasienne, et permet de corriger une erreur de la copie du VIe siècle : il ne faut pas lire, avant le nom de Philocalus, Damasis papæ cultor, etc., comme le dit inexactement cette copie, ni Damasi sui, comme avait cru pouvoir corriger M. de Rossi, mais DAMASI PAPAE (1).
En 1875 eut lieu une découverte du plus haut intérêt : en fouillant le cimetière extérieur, on mît au jour le côté méridional du mur d'enceinte qui le séparait des propriétés voisines : or, ce mur suit exactement la ligne par laquelle est limitée, sous terre, la première area (III) de la catacombe : preuve frappante du soin avec lequel les fossores observaient, dans les excavations souterraines, les dimensions des areae sépulcrales qui avaient été légalement concédées à la surface du sol (2).
Sous terre, les fouilles ont eu d'importants résultats. La région de Sainte-Soteris (3) (VIII, IX, X) a été explorée. Dans l'area XII, qui fut adjointe au cimetière de Calliste après le IVe siècle, et où a été trouvée toute une riche série d'inscriptions datées se succédant en ordre chronologique, de 342 à 376, M. de Rossi a découvert, dans une vaste crypte décorée de marbres et de mosaïques, un fragment de l'éloge funèbre du diacre Redemptus, dont le texte avait été conservé par les manuscrits. L'area contiguë (XIII), où se trouve un arénaire qu'un vaste escalier, découvert en 1868, met en communication avec la surface du sol, a été, pendant l'année 1875, fouillée à plusieurs reprises. M. de Rossi espère y retrouver un souvenir des martyrs grecs, saint Hippolyte et ses compagnons, qui avaient l'habitude de se réunir, pendant la persécution de Valérien, dans un arénaire, et y furent inhumés après avoir versé leur sang pour le Christ (4). Des éboulements ont sans cesse interrompu les travaux et mis en danger les travailleurs : on a seulement découvert, au pied de l'escalier, l'épitaphe d'un fidèle nommé Basileus, enterré AD DOMINVM.....près du seigneur (c'était le titre qu'on donnait aux martyrs)... Le nom manque : faut-il suppléer Hippolytum? Quoi qu'il en soit, cette expression montre bien que le lieu où ces fouilles ont été tentées est voisin d'un des centres historiques de la catacombe (1).
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(1). Voir pages 251-253 [NDLR : et les fils qui le suivent] , et planches XII, XIII. Cf. Bull, di arch. crist., 1873, p. 158 et tav. XIII. — (2). Pages 67,180, 483 et suiv. — Bull, di arch. crist., 1875, p. 137. — (3). Page 189. — (4). Page 472. — (1) Bull, di arch. crist., 1875, p. 77, 133; 1876, p. 31.
Rome Souterraine, p. 621-23.
A suivre : IV. VERRES CHRÉTIENS ORNÉS DE FIGURES.
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Rome Souterraine, p. 623-24.
SUPPLÉMENT.IV. VERRES CHRÉTIENS ORNÉS DE FIGURES..
L'opinion à laquelle nous faisons allusion page 406, et d'après laquelle les vetri chrétiens des IIIe et IVe siècles auraient eu Rome pour centre unique de fabrication, paraît aujourd'hui trop absolue. Outre les deux patènes trouvées en 1864 et 1866 à Cologne (2), on a découvert à Trêves, en 1873, dans un antique cimetière chrétien, une tasse de verre représentant le sacrifice d'Abraham, dans un style fort différent de celui des vetri romains, et un vase à boire (diatræta) entouré de poissons et de coquillages de verre, soudés en relief tout autour. M. de Rossi pense qu'il a existé, au IVe siècle, un grand centre de fabrication de verres sur les bords du Rhin, et que les vases ornés de poissons en relief, qui ont été trouvés à Ostie, à Rome, à Milan, à Arles, en Hongrie, et ne paraissent point romains par le style, en proviennent. Les fabriques rhénanes, comme celles de Rome, auraient beaucoup travaillé pour les chrétiens (3).
Une remarquable tasse de verre a été découverte en 1873, à Podgoritza, en Albanie (4). La plupart des peintures du cycle biblique des catacombes y sont gravées au trait. Au centre est le sacrifice d'Abraham; tout autour se déroulent les sujets suivants : Jonas, Adam et Eve, Lazare, Moïse frappant le rocher, Daniel dans la fosse aux lions, les trois enfants hébreux, la chaste Suzanne, représentée par une orante près de laquelle est écrit SVSANNA DE FALSO CRIMINE (liberata) . Le plus singulier de ces sujets est le Moïse : il frappe de sa verge, non un rocher, mais une sorte d'arbre (c'est peut-être une erreur de l'artiste) d'où l'eau s'échappe avec abondance : mais ce n'est pas le nom de Moïse qui est écrit au-dessus : on y lit PETRVS VIRGA PERC (utit), puis une ligne indéchiffrable, suivie de ces mots FONTES CIPERVNT (cæperunt) QVA (e) RERE. La compénétration des deux types de Moïse et de saint Pierre, déjà manifestée par les peintures des catacombes, les bas-reliefs des sarcophages et plusieurs verres chrétiens (1) , est ici évidente : la verge mystique a passé des mains de Moïse dans celles de Pierre, chef du peuple nouveau, et à partir de ce moment les nations ont couru se désaltérer aux sources sacrées (2).
Un fragment d'une tasse de verre ornée de figures gravées en creux, et certainement de fabrication romaine, a été trouvé, en 1876, à Rome…
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(2). Page 405 et page 422, figure 40. — (3) Bull, di arch. crist., 1873, p. 140-147. — (4). Albert Dumont, Bulletin de la Société des Antiquaires de France, 1873, p. 71 ; de Rossi Bull, di arch. crist., 1874, p. 152 et tav. XI. — (1). Voir pages 368, 388, 416, 420,437, 440. — (2) S. Augustin complète ce symbolisme en voyant dans la verge de Moïse une image de la croix: Significata est ergo de Christo profluens gratia spiritualis, qua interior sitis irrigaretur. Sed quod virga petra percutitur, crux Christi figuratur. Ligno enim accedente ad petram, gratia manavit : et quod bis percutitur, evidentius significat crucem : duo quippe ligna sunt crux. Quæst. in Heptat., IV, 15.
Rome Souterraine, p. 623-24.
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Re: Rome souterraine.
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SUPPLÉMENT.IV. VERRES CHRÉTIENS ORNÉS DE FIGURES.(SUITE)Un fragment d'une tasse de verre ornée de figures gravées en creux, et certainement de fabrication romaine, a été trouvé, en 1876, à Rome, dans le voisinage des thermes de Dioclétien, près d'un oratoire domestique appartenant au IVe ou Ve siècle. Il vient illustrer une remarque fort importante que nous avons faite en décrivant une peinture de la première area du cimetière de Calliste : dans un des cubicula connus sous le nom de Chambres des sacrements (3) est représenté un enfant debout dans un fleuve, et qu'un homme baptise en lui jetant de l'eau sur la tête (4) : c'est le baptême à la fois par immersion et par aspersion, point fort important, dit M. de Rossi, dans la controverse avec les Grecs modernes, qui contestent la validité de cette dernière manière de baptiser.
Le verre dont nous parlons représente également une scène baptismale : l'eau s'échappe d'un vase suspendu au-dessus de la tête d'une jeune fille, tombe abondamment sur elle, et se répand en grosses gouttes autour de sa personne : le rite sacramentel paraît accompli, car le prêtre placé près d'elle détourne la tête (5), comme pour faire signe aux parents de venir reprendre leur enfant, et celle-ci, revêtue de la robe blanche des nouveaux chrétiens, semble se préparer à sortir de la cuve baptismale : ainsi du moins le fait supposer le mouvement de son corps, car la partie inférieure du verre est brisée, et l'on ne peut voir si l'enfant était représentée les pieds plongés dans un bassin, et s'il s'agit ici du baptême par immersion et aspersion réunies, ou seulement par aspersion : de toute façon, l'antiquité de ce dernier rite est encore établie par ce monument. Il semble qu'on ait là l'image d'un baptistère du IVe ou Ve siècle, où, quelquefois, l'eau s'échappait du haut de la voûte, et venait tomber, comme une rosée céleste, sur le néophyte, pendant que le prêtre en recueillait et lui en versait sur la tête quelques gouttes, en prononçant les paroles sacramentelles. C'est ainsi qu'Ennodius décrit le baptistère construit dans les premières années du VIe siècle, par Eustorge, évêque de Milan (1). M. de Rossi rapproche de ce précieux verre un marbre d'Aquilée, déjà plusieurs fois publié, mais dont il reproduit un calque exact : un enfant y est représenté debout dans la cuve baptismale, recevant d'en haut un large torrent d'eau qui s'échappe d'un cercle au milieu duquel est la colombe symbolique, tombe sur sa tête, et enveloppe tout son corps ; deux personnages se tiennent près de lui : l'un, qui a la tête nimbée, est sans doute le ministre du sacrement, et l'autre le père ou le parrain, qui présente l'enfant au baptême. Je me borne à signaler ici ces monuments, et je renvoie à la savante dissertation que leur consacre M. de Rossi (2).
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(3). Marqué A3 sur le plan détaillé de la première area du cimetière de Calliste. — (4). Pages 386, 389 et planche VI, nº 3. — (5). Il est représenté la tête nimbée, comme celui du marbre d'Aquilée dont nous parlons plus loin : sur les monuments des Ve et VIesiècles, le nimbe est quelquefois donné à des personnages vivants, en signe de pouvoir et de prééminence (voir pages 282, 283). — (1). Ennodius, Épigr., II, 149, éd. Sirmond. — (2). Bull, di arch. crist., 1876, p. 7-15, 37-58, et tav. I, VII, VIII. Cf. Revue archéologique, septembre 1876, p. 205.
Rome Souterraine, p. 624-25.
FIN.
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