LETTRES de Saint Jérôme.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXII.Pages 29-33.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur vénérable,
au frère bien-aimé, à Jérôme co-prêtre
Augustin,
salut dans le Seigneur.SUITE
Quant à moi, si je reçois vos corrections avec docilité, je n'éprouverai pas de douleur. Et lors même que, par une faiblesse commune à tous les hommes, ou par ma faiblesse propre, je ne verrais pas sans quelque peine que l'on me corrigeât, fût-ce avec raison, toujours est-il mieux de guérir une tumeur à la tête, mais en causant quelque souffrance, que de l'épargner aux dépens de la santé. C'est ce que sentait bien celui qui a dit que des ennemis qui nous reprennent sont ordinairement plus utiles que des amis qui n'osent nous reprendre; car, ceux-là, à travers leurs emportements, nous signalent quelquefois de véritables défauts dont nous pouvons nous corriger, tandis que ceux-ci n'usent pas de toute la liberté de la justice, dans la crainte d'empoisonner les douceurs de l'amitié.
Puisque, ce vous semble, vous êtes un bœuf qui, fatigué par la vieillesse du corps, conservez néanmoins la vigueur de l'esprit, et suez d'un fructueux travail dans l'aire du Seigneur, me voilà; si j'ai dit quelque chose de mal, posez fortement sur moi votre pied. Le poids de votre âge ne me doit point être pesant, pourvu qu'il brise la paille de ma faute.
Voilà ce que je désire, voilà ce qui fait que je ne puis lire, ni me rappeler qu'en soupirant, les derniers mots de votre lettre (1). « Plût à Dieu, dites-vous, que je méritasse vos embrassements, et que, dans un mutuel entretien, nous enseignassions ou bien nous apprissions quelque chose ! » Mais moi, je dis : Plût à Dieu qu'il nous fût donné, au moins, d'habiter des lieux voisins les uns des autres, et, si nous ne pouvions avoir de fréquents entretiens, d'échanger alors de fréquentes lettres.
Maintenant, au contraire, nous sommes séparés par une bien grande distance ; il me souvient que, dans ma jeunesse, j'écrivis à votre Sainteté sur les paroles de l'Apôtre aux Galates, puis voilà que, déjà vieux , je n'ai point encore été honoré d'une réponse, et que, par je ne sais quelle occasion rapide, la copie de ma lettre vous est arrivée plus facilement que, par mes soins, ma lettre elle-même ; car celui qui s'en était chargé ne vous l'a pas remise, et ne l'a pas davantage rapportée.
Au reste, dans vos lettres qui ont pu me tomber entre les mains, il y a tant de choses que je ne souhaiterais, pour l'avancement de mes études, rien tant que d'être attaché à vos côtés. Comme je ne le puis moi-même, je songe à vous envoyer et à mettre sous votre discipline quelqu'un de mes enfants dans le Seigneur, pourvu toutefois que vous m'honoriez d'une réponse à ce sujet. Il s'en faut bien que je vous égale, ni que je puisse jamais vous égaler dans la science des divines Écritures. Le peu que j'ai d'acquis en cette partie, je le dispense au peuple de Dieu le mieux qu'il m'est possible, mais les occupations du ministère ecclésiastique ne me permettent de m'appliquer à cette élude qu'autant que cela est nécessaire pour instruire les peuples qui m'écoutent.
Il est parvenu en Afrique je ne sais quel libelle où vous êtes fort maltraité…
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(1) La LXIX.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXII.Pages 33-35.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur vénérable,
au frère bien-aimé, à Jérôme co-prêtre
Augustin,
salut dans le Seigneur.SUITE
Il est parvenu en Afrique je ne sais quel libelle où vous êtes fort maltraité. J'ai reçu la réponse que vous y avez faite, et que vous avez daigné m'envoyer. Je vous avoue que je ne l'ai pu lire sans être vivement affligé de ce que, entre deux personnes, autrefois unies d'une si étroite amitié, et dont la liaison, formée par l'affection la plus tendre, était connue de presque tontes les Églises, il existe aujourd'hui une si funeste division.
Néanmoins, vous faites paraître dans votre lettre beaucoup de modération, et une attention spéciale à réprimer les saillies de la colère; cependant, si je n'ai pu la lire sans être pénétré de douleur et saisi de crainte, quelle impression ne me ferait pas ce que votre adversaire a écrit contre vous, si cela venait à me tomber entre les mains ! Malheur au monde, à cause des scandales 1 ! Voilà qu'arrive, voilà que s'accomplit tout-à-fait ce que dit la vérité: Parce que l'iniquité a abondé, la charité de plusieurs se refroidira 2. Quel cœur, en effet, pourra désormais s'épancher sûrement dans un autre cœur? Vers qui l'affection pourra-t-elle se rejeter en toute tranquillité? De quel ami dorénavant ne se méfiera-t-on pas, comme d'un homme qui peut devenir un ennemi, puisque cette division qui fait notre douleur a pu s'élever entre Jérôme cl Rufin? Oh ! le triste et malheureux sort !
Combien peu nous devons compter sur ce que nous croyons savoir des dispositions présentes de nos amis, dès que nous n'avons nulle prescience des choses futures ! Mais pourquoi gémir sur ce peu de fond que l'ami doit faire sur la fidélité de son ami, puisque l'homme ne se connaît pas lui-même pour l'avenir ? Peut-être bien sait-il, quoique avec peu de certitude, quel il est à présent, mais ce qu'il doit être plus tard, il l'ignore.
Puisque nous en sommes là, je désirerais savoir non-seulement si les saints et les bienheureux anges connaissent ce qu'ils sont, mais encore…
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(1) Matth. XVIII. 7. — (2) Ibid. XXIV. 12.
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LETTRE LXXII.Pages 35-39.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur vénérable,
au frère bien-aimé, à Jérôme co-prêtre
Augustin,
salut dans le Seigneur.SUITE
Puisque nous en sommes là, je désirerais savoir non-seulement si les saints et les bienheureux anges connaissent ce qu'ils sont, mais encore s'ils ont la prescience de ce qu'ils doivent être dans la suite. Comment le démon , lorsqu'il était bon ange a-t-ii pu être heureux, s'il prévoyait sa future iniquité, son éternel supplice? voilà ce que je ne comprends pas du tout. Je voudrais que vous me dissiez votre sentiment là-dessus, si toutefois c'est une chose qu'il soit besoin de connaître. Voyez pourtant ce que font les terres et les mers, qui nous séparent l'un de l'autre ! Si j'étais à la place de cette lettre que vous lisez maintenant, vous me répondriez sur-le-champ à ce que je vous demande. Mais à présent, quand me récrirez-vous? quand m'enverrez-vous votre lettre ? quand me parviendra-t-elle ? quand la recevrai-je? Plaise à Dieu que je la reçoive enfin; car, si ce ne peut être aussi tôt que je voudrais, j'attendrai avec toute la patience dont je suis capable.
Ainsi, j'en reviens encore à ces expressions de votre lettre, expressions si douces, si pleines de votre saint désir, et je me les approprie à mon tour : « Plût à Dieu que je méritasse vos embrassements, et que, dans un mutuel entretien, nous enseignassions ou bien nous apprissions quelque chose, » s'il est possible toutefois que je puisse vous rien enseigner ! Ces paroles, qui maintenant sont autant les miennes que les vôtres, me charment et m'encouragent, et le désir ardent, quoique inutile, que nous avons l'un et l'autre de nous voir, ne me donne pas peu de consolation.
Mais d'ailleurs je suis pénétré d'une profonde tristesse, lorsque je pense que, après avoir, largement et long-temps reçu de Dieu ce que vous aviez désiré de part et d'autre; après avoir, dans une étroite union dans une tendre amitié, goûté ensemble le miel des saintes Écritures, vous avez néanmoins entre vous aujourd'hui un ressentiment si amer. En quel temps, en quel lieu, l'amitié la plus solide ne pourra-t-elle pas appréhender ces fâcheux retours, si, dans le temps même où, déchargés du poids des affaires du siècle, et dégagés de tout, vous suiviez le Seigneur, vous viviez ensemble sur cette terre que le Christ a foulée de pieds humains, et où il a dit : Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix 1 , — si, dis-je, étant l'un et l'autre avancés en âge, et uniquement absorbés par l'étude de la parole du Seigneur, telle chose néanmoins a pu vous arriver? Véritablement, c'est une tentation que la vie de l'homme sur la terre 2.
Hélas ! que ne pouvons-nous donc nous rencontrer quelque part ensemble ! Peut-être que, dans l'émotion, la douleur, la crainte qui m'agitent, je tomberais à vos pieds, je pleurerais tant que je pourrais, je prierais autant que j'aimerais. Je supplierais chacun de vous pour lui-même, je vous supplierais l'un pour l'autre , je vous supplierais pour tous les chrétiens, et surtout pour les faibles, pour qui le Christ est mort, et à qui vous donnez sur le théâtre de ce monde un si dangereux spectacle; je vous supplierais de ne point écrire ni répandre contre vous des écrits que, un jour, lorsque vous aurez fait la paix, vous ne pourrez détruire , vous qui ne pouvez maintenant vous accorder; ou que vous appréhenderez de lire, après votre réconciliation , de crainte de vous brouiller de nouveau.
Je parle franchement à votre charité…
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(1) Joan. XIV. 27 — (2) Job. VII. 1.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXII.Pages 39-41.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur vénérable,
au frère bien-aimé, à Jérôme co-prêtre
Augustin,
salut dans le Seigneur.SUITE
Je parle franchement à votre charité; rien ne m'a tant alarmé que cet exemple, quand j'ai lu dans votre lettre certains endroits où vous montrez de l'aigreur. Ce n'est point celui d'EntelIus, ni du bœuf lassé qui m'a fait le plus de peine ; car il me semble que là vous avez plutôt voulu plaisanter que menacer avec colère ; mais c'est celui où vous dites d'une manière sérieuse, — et je vous en ai déjà parlé plus au long peut-être que je n'aurais dû , non pas plus toutefois qu'il ne fallait pour apaiser ma crainte , — c'est donc celui où vous dites : « De peur que, me trouvant offensé, je n'eusse bien lieu de me plaindre. » Si donc nous voulons nous instruire l'un l'autre, et nous entretenir de choses propres à nourrir nos âmes, je vous en prie , faisons-le, si cela se peut, sans aigreur, ni désaccord. Mais si nous ne pouvons, sans quelque jalousie, ni sans blesser l'amitié, nous dire mutuellement ce qu'il y a de défectueux dans nos ouvrages, laissons là toutes nos questions, et ne faisons rien contre les intérêts de notre conscience et de notre salut. Mieux vaut ne pas avancer beaucoup dans cette science qui enfle, que de blesser la charité qui édifie.
Je sens que je suis bien loin de cette perfection dont il est écrit: Si quelqu'un ne commet point de fautes dans ses discours, est un homme parfait 1, mais j'espère, par la miséricorde du Seigneur , que je n'aurai aucune peine à vous demander pardon, si je vous ai offensé en quelque chose. C'est ce que vous devez me dire franchement, afin que, si je vous écoute, vous ayez gagné votre frère 2; car, sous prétexte que cette vaste étendue de pays qui nous sépare ne nous permet pas de nous reprendre entre vous et moi, vous ne devez point me laisser dans l'erreur. Quant aux choses sur lesquelles nous voulons nous instruire, si je sais, si je crois, si je pense que j'ai quelque raison d'être d'un sentiment contraire au vôtre, alors, avec la grâce du Seigneur, je tâcherai de me défendre sans vous offenser. Quant à ce qui vous blesserait, dès que je m'apercevrai que vous êtes peiné, je n'aurai pas d'autre soin que de vous demander pardon.
Je crois que je n'ai pu vous offenser qu'en disant ce que je ne devais pas dire, ou en ne le disant pas comme je devais, et je ne m'en étonne point…
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(1) Jacob.III. 2. — (2) Matth. XVIII. 15.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
Fin de cette Lettre.LETTRE LXXII.Pages 41-45.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur vénérable,
au frère bien-aimé, à Jérôme co-prêtre
Augustin,
salut dans le Seigneur.SUITE
Je crois que je n'ai pu vous offenser qu'en disant ce que je ne devais pas dire, ou en ne le disant pas comme je devais, et je ne m'en étonne point; car nous ne nous connaissons pas l'un l'autre comme se connaissent des amis très étroitement, très intimement liés. Lorsque j'en suis là avec quelqu'un, je me donne facilement tout entier à lui, surtout quand je me trouve fatigué des scandales du siècle , et je m'y repose sans inquiétude aucune dans le sein de l'amitié, parce que je sens que Dieu y est, que c'est vers Dieu que je me jette en toute sécurité, et en lui que je trouve mon repos. Dans cette heureuse tranquillité, je ne crains nullement cet incertain lendemain de la fragilité humaine, sur lequel je gémissais tout-à-l'heure.
Et, en effet, lorsque je sens qu'un homme embrasé de la charité chrétienne est devenu pour moi un fidèle ami, tout ce que je lui confie de mes desseins et de mes pensées, ce n'est point à l'homme que je le confie, mais c'est à celui en qui il demeure, et qui l'a fait ce qu'il est ; car Dieu est charité, et quiconque demeure dans la charité demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui 1.
Que si cet homme vient à se départir de la charité, nécessairement il causera autant de douleur qu'il causait de joie en restant fidèle. Cependant il faut vivre avec lui de telle manière que si, d'intime ami qu'il était, il devient ennemi déclaré, il ne puisse nuire que par ses impostures, et non pas, en trahissant dans sa colère, des secrets confiés. Or, tout homme peut facilement en venir à ce point, non pas en cachant ce qu'il fait, mais en ne faisant rien qu'il soit obligé de cacher.
Aussi Dieu accorde-t-il à tous les gens de bien la grâce de vivre librement et tranquillement avec leurs amis, quelque destinée, du reste, que puisse avoir leur amitié, et les rend-il incapables de découvrir les fautes d’autrui à eux confiées, ou de rien faire eux-mêmes qu'ils appréhendent qu'on ne découvre. Car, lorsqu'un médisant invente quelque chose, ou bien on ne le croit pas, ou bien il ne fait tort qu'à la réputation, sans donner atteinte à l'innocence; au lieu que le mal que nous commettons est un ennemi intérieur, quand même notre faute ne peut être découverte ni par l'indiscrétion d'un ami, ni par une difficulté.
Qui donc serait assez peu sage pour ne pas voir que, affermi par le témoignage de votre conscience, vous supportez bien patiemment les incroyables inimitiés d'un homme qui fut autrefois si ami, si lié avec vous, et que les calomnies dont il vous charge, calomnies auxquelles peut-être quelques personnes ajoutent foi, sont à vos yeux comme ces armes de la gauche qu'il faut employer aussi bien que celles de la droite pour combattre le démon Note (2) ?
Cependant, j'aimerais mieux qu'il fût un peu plus modéré, votre ennemi, et que vous fussiez moins bien armé. C'est un grand et triste miracle que de descendre d'une telle amitié à une inimitié de ce genre; mais c'en serait un bien plus grand, un bien consolant de revenir d'une telle inimitié à l'amitié première.
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(1) Joan. IV. 16.
Note (2) : Saint Augustin fait allusion à un passage de la seconde Épître de saint Paul aux Corinthiens, VI. 7 , où cet Apôtre appelle la bonne réputation les armes de la droite et la mauvaise réputation, les armes de la gauche.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIII.Page 47.AUGUSTIN À PRÆSIDIUS Note (1).Au bienheureux Seigneur,
au frère vénérable à juste titre,
à Præsidius, co-prêtre,
Augustin,
salut dans le Seigneur.
De même que, étant avec vous, je priai votre Sincérité de vouloir bien envoyer ma lettre au saint frère, Jérôme, notre co-prêtre, de même encore je vous prie maintenant de le faire.
Mais, afin que votre Charité puisse savoir comment, pour ce qui me concerne, Elle doit lui écrire, je vous envoie une copie des lettres que je lui ai adressées et de celles qu'il m'a écrites.
Quand vous les aurez lues, votre sainte prudence verra facilement quel est le ton que j'ai cru devoir prendre, et quelle est, à lui, sa vivacité, que je n'ai pas en vain appréhendée. Si j'ai écrit quelque chose que je n'aie pas dû écrire ou si je l'ai fait comme je ne devais pas le faire, ne lui en parlez point; mais écrivez-m'en plutôt à moi, avec une fraternelle amitié afin que , me corrigeant par là, je le prie de me pardonner, si je reconnais ma faute moi-même.
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Note (1): PRÆSIDIUS. — C'est apparemment ce même Præsidius pour qui saint Jérôme avait écrit à saint Augustin la lettre LXVIe, et qui avait été fait évêque depuis ce temps-là.
Fin de cette Lettre.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 49-53.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.note de Louis: Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
J'ai reçu tout à la fois par le diacre Cyprianus trois de vos lettres, ou plutôt trois petits livres, où vous me proposez différentes questions, dites-vous, mais où je trouve, moi, que vous faites la critique de mes ouvrages. Si je voulais y répondre, il me faudrait un volume tout entier; je m'efforcerai néanmoins, autant que je pourrai le faire, de ne pas dépasser les bornes d'une lettre un peu longue, afin de ne pas trop long-temps retarder le porteur, qui ne m'a demandé une lettre que trois jours avant son départ.
Ainsi, lorsqu'il était sur le point de s'embarquer, je me suis vu forcé de vous mander ceci n'importe comment de trouver une réponse à la hâte, et non point avec la maturité de quelqu'un qui écrit, mais avec la rapidité hardie de quelqu'un qui dicte.
Or, il arrive presque toujours par là qu'on ne peut nettement traiter une question, mais qu'elle se déroule au hasard, de même qu'une attaque soudaine trouble les plus valeureux soldats, et qu'ils sont obligés de fuir, avant même de pouvoir saisir leurs armes.
Au reste, nos armes c'est le Christ, c'est l'enseignement de l'apôtre Paul, qui écrit aux Éphésiens : Prenez les armes de Dieu, afin que, au jour mauvais, vous puissiez résister 1 Et encore : Soyez fermes, que la vérité soit la ceinture de vos reins, la justice votre cuirasse ; que vos pieds aient une chaussure qui vous dispose à l'Évangile de paix. Avant tout, prenez le bouclier de la foi, afin de pouvoir repousser tous les traits enflammés du malin esprit. Prenez encore le casque du salut, et le glaive spirituel, qui est la parole de Dieu 2.
Voilà de quels traits s'arma le roi David quand il alla au combat. Il choisit dans le torrent cinq pierres polies 3, faisant voir ainsi que, au milieu des flots orageux du siècle, ses sens n'avaient contracté aucune rudesse, ni aucune impureté, et, buvant du torrent en chemin; puis, à cause de cela, élevant la tête; abattant avec son propre glaive le superbe Goliath, frappant au front le blasphémateur, le blessant à cette partie du corps où Ozias, téméraire usurpateur du sacerdoce, avait été frappé de la lèpre, et où le saint est glorifié dans le Seigneur, suivant cette parole : La lumière de votre visage est gravée sur nous, Seigneur 4. Disons donc aussi, nous : Mon cœur est prêt, ô mon Dieu, mon cœur est prêt ; je chanterai et je psalmodierai dans ma gloire, levez-vous, psaltérium et cithare; je me lèverai dès le point du jour 1, afin que puissent s'accomplir en nous ces paroles : Ouvre ta bouche, et je la remplirai 2; et encore : Le Seigneur donnera une parole pleine de vertu à ceux qui évangélisent. 3
Je ne doute pas que vous ne demandiez aussi à Dieu la même chose, c'est-à-dire qu'il fasse triompher la vérité à travers nos contestations…
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(1) Ephes.VI. 13. — (2) Ibid. XIV. et seq. — (3) I. Reg. XVII. 40. — (4) Ps. IV. 7. — (1) Ps. LVI. 8. — (2) Ibid. 9. — (3) Ibid. LXXX. 11.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 53-55.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.note de Louis: Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)SUITE
Je ne doute pas que vous ne demandiez aussi à Dieu la même chose, c'est-à-dire qu'il fasse triompher la vérité à travers nos contestations; car vous cherchez non point votre gloire, mais celle du Christ. Si vous êtes victorieux, je le serai aussi, pourvu que je comprenne mon erreur. Si, au contraire, je triomphe, vous triompherez également; car ce ne sont pas les enfants qui thésaurisent pour leurs pères, mais les pères qui thésaurisent pour leurs enfants 4. Aussi lisons-nous, dans le livre des Paralipomènes, que les fils d'Israël allèrent au combat avec un esprit de paix 5, ne songeant, au milieu des épées, des ruisseaux de sang et des cadavres étendus sur le champ de bataille, qu'à faire triompher la paix, et non point à triompher eux-mêmes. Tâchons donc de répondre à tout, et, si le Christ le veut, de résoudre en peu de mots vos nombreuses questions. Je ne m'arrête point aux salutations ni aux compliments flatteurs dont vous me comblez; je me tais sur les gracieusetés par lesquelles vous cherchez à adoucir l'amertume de votre censure, et je viens au fait.
Vous me dites que vous avez reçu d'un de vos frères un livre fait par moi, livre qui n'a pas de titre, et où j'énumère les écrivains ecclésiastiques, tant grecs que latins. Vous dites encore que lui ayant demandé, — ce sont vos propres termes, — pourquoi la première page ne portait pas de titre, ou comment se nommait le livre, il vous a répondu qu'il s'appelait Épitaphe, et vous prétendez que j'aurais eu raison de lui donner ce titre, s'il n'y avait que les auteurs déjà morts dont il racontât la vie, dont il mentionnât les ouvrages, mais que puisqu'il mentionne les écrits de beaucoup d'auteurs qui étaient vivants, lorsque je le composai, et qui vivent aujourd'hui encore, vous êtes surpris que je l'aie intitulé de la sorte. Car vous n'ignorez pas que les auteurs grecs et latins qui ont écrit les vies des hommes illustres, n'ont jamais donné le nom d'Épitaphe à ces genres de livres, mais les ont intitulés : Des hommes illustres , par exemple, des grands Capitaines, des grands Philosophes, des grands Orateurs; des grands Historiens, des grands Poètes Épiques, Tragiques, Comiques. Pour ce qui est du mot d'Épitaphe, on l'emploie spécialement en parlant des morts, comme je me rappelle avoir fait autrefois, à la dormition du prêtre Népotianus, de sainte mémoire. Ce livre donc doit être intitulé : Des Hommes illustres, ou proprement : Des Écrivains Ecclésiastiques, bien qu'un grand nombre de censeurs ignorants l'intitulent : Des Auteurs.
Vous me demandez, en second lieu, pourquoi, dans les Commentaires sur l'Épître aux Galates, j'ai dit que…
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(4) II. Cor. XII. 14. — (5) I. Paral. XII.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 55-59.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITEnote de Louis: Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Vous me demandez, en second lieu, pourquoi, dans les Commentaires sur l'Épître aux Galates, j'ai dit que Paul n'avait pu condamner en l'apôtre Pierre ce que lui-même avait fait, ni le blâmer d’une dissimulation dont il était lui-même réputé coupable. Vous soutenez, au contraire, que la réprimande de Paul n'était point simulée, mais qu'elle était sérieuse ; que je ne dois point enseigner le mensonge, et qu'il faut expliquer les Écritures selon leur sens naturel.
A cela je réponds, premièrement, qu'il était de votre prudence de ne point oublier la petite préface de mes Commentaires, où je dis, en parlant de moi :« Quoi donc ? suis-je un insensé ou un téméraire, moi qui promets ce que n'a pu faire cet homme Note (1) ? — Point du tout. II me semble, au contraire, que je suis assez prudent et assez réservé, puisque, sentant bien tout mon peu de force, j'ai suivi les Commentaires d'Origène, qui a composé cinq volumes sur l'Épître de saint Paul aux Galates, et qui termine, par une explication abrégée de cette même Épître, son dixième livre des Stromates. Il a composé aussi divers traités et quelques extraits, qui seuls pourraient suffire.
Je passe sous silence Didymus, mon voyant; Apollinaire de Laodicée, sorti naguère de l'Église; le vieil hérétique Alexandre; Eusèbe d'Émèse, et Théodore d'Héraclée, qui nous ont aussi laissé quelques Commentaires sur cette Épître. Si j'empruntais seulement de petits morceaux à ces auteurs, il en résulterait quelque chose qui ne serait pas tout-à-fait méprisable.
J'avoue donc avec franchise que j'ai lu tous leurs ouvrages, et que, ayant beaucoup de choses entassées dans mon esprit, j'ai appelé un notarius, à qui j'ai dicté ou mes pensées, ou les leurs, sans trop me souvenir ni de l'ordre gardé par eux, ni des termes qu'ils ont employés, ni du sens qu'ils ont suivis. Dieu veuille que je n'aie point gâté, dans mon impéritie, ce qui a été bien dit par d'autres, et que des choses qui plaisent en leur langue naturelle ne viennent point à déplaire en une langue étrangère. »
Si donc vous trouviez quelque chose à reprendre dans mon explication, il était du devoir d'un homme aussi érudit que vous d'examiner si ce que j'ai écrit se trouve dans les auteurs grecs, afin de pouvoir alors, eux n'ayant pas dit cela, condamner véritablement mes propres opinions. Vous deviez d'autant mieux agir ainsi que, dans la Préface, je confessé que j'ai suivi les Commentaires d'Origène, que les miens sont un tissu et de mes pensées et de celles des autres, puis ensuite que je dis à la fin du chapitre même par vous critiqué :« Si quelqu'un trouve mauvais que j'aie avancé que Pierre n'avait rien fait contre son devoir, que Paul n'avait point été assez téméraire pour reprendre cet apôtre, qui était au-dessus de lui, il faut qu'on m'explique comment Paul a pu condamner dans un autre ce qu'il avait fait lui-même. »
Ces paroles montrent bien que mon but a été non pas de défendre ce que je lisais dans les écrivains grecs, mais seulement d'exprimer ce que j'avais lu, et de laisser au lecteur la liberté d'approuver ou de rejeter leur opinion.
Vous donc, pour ne pas faire ce que je demandais, vous avez changé la face de cette question…
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Note (1) : Il parle de Victorinus.
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LETTRE LXXIV.Pages 59-63.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITEnote de Louis: Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Vous donc, pour ne pas faire ce que je demandais, vous avez changé la face de cette question, prétendant que les Gentils qui avaient cru en Jésus Christ étaient délivrés du joug de la loi, et que ceux d'entre les Juifs qui croyaient lui étaient soumis; que par conséquent Paul, en tant que docteur des Gentils, avait raison de reprendre ceux qui observaient les cérémonies de la loi, et que Pierre, qui était le chef de la circoncision, avait tort de vouloir forcer les Gentils à l'observation d'une loi qui obligeait les Juifs seulement.
Si vous pensez, ou plutôt puisque vous pensez que ceux des Juifs qui croient en Jésus-Christ sont obligés d'observer la loi, il est du devoir d'un évêque connu, comme vous l'êtes, dans tout l'univers, de publier ce sentiment, et d'engager tous vos collègues à le suivre. Pour moi, qui suis caché sous un pauvre petit toit rustique, avec des moines, c'est-à-dire avec des pécheurs comme moi, je n'ose pas prononcer sur ces grandes questions. Tout ce que je puis faire, c'est d'avouer ingénûment que je lis les ouvrages des anciens, et que, suivant la coutume de tous les interprètes, je marque dans mes commentaires leurs différentes explications, afin que, sur un grand nombre, chacun adopte celle qui lui plaira. Vous savez, je pense, que l'on agit ainsi et dans la littérature profane et dans les livres divins, et vous approuvez sans doute cette manière de faire.
Quant à cette interprétation qu'Origène a donnée le premier, dans son dixième livre des Stromates, où il explique l'Épître de Paul aux Galates, et que les autres interprètes ont ensuite adoptée, le motif principal pour lequel on s'en est servi, c'est qu'elle répond aux blasphèmes de Porphyre Note (2), qui prétend que Paul n'a pu, sans une téméraire insolence, reprendre Pierre, prince des apôtres, le blâmer en face, ni le convaincre par raison d'avoir mal fait, c'est-à-dire, d'être tombé dans la faute dont il était coupable, lui qui en reprenait un autre.
Que dirai-je de Jean qui, élevé à la dignité épiscopale, gouvernait naguère l'Église de Constantinople, et qui a écrit sur ce même passage Note (3) un livre fort étendu, où il suit le sentiment d'Origène et des anciens? Si donc vous m'accusez d'erreur, souffrez, je vous prie, que je m'égare avec de tels hommes et comme je vous produis ici plusieurs partisans de mon erreur, produisez-nous du moins un interprète qui soutienne la vérité que vous défendez. Voilà ce que j'avais à vous dire touchant l'explication que j'ai donnée à ce passage de l'Épître aux Galates.
Mais, de peur que vous ne m'accusiez de…
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Note (2) : PORPHYRIUS était né à Tyr, selon Eunape, ou, selon saint Jérôme, dans une petite ville de Judée, laquelle s'appelait Batane. Il avait séjourné long-temps en Sicile, auprès de Plotinus, son maître. De chrétien qu'il était, Porphyrius devint le plus furieux ennemi du christianisme, qu'il attaqua dans des livres remplis de la plus noire et de la plus audacieuse calomnie. Les Pères de l'Église l'ont réfuté, toutes les fois qu'ils en ont trouvé l'occasion; c'est principalement pour lui répondre qu'Eusèbe de Césarée composa son livre de la Préparation évangélique
Note (3) : Il y a dans le texte : Qui dudum .... Constantinopolitanium rexit Ecclesiam. Du Bois , traducteur des Lettres de ¬saint Augustin, a rendu ainsi ces paroles : Qui a tenu long-temps le siège épiscopal de l'Église de Constantinople. Nous n'avons pas cru devoir suivre cette version, qui, pour s'attacher trop scrupuleusement à la lettre, semble s'éloigner de la vérité de l'histoire. Saint Jean Chrysostome fut fait évêque de Constantinople en 397, et déposé en 404; il ne gouverna donc cette Église que l'espace de six à sept ans. Saint Jérôme écrivit la présente lettre une année environ après la déposition de ce grand évêque.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 63-67.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITEnote de Louis: Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Mais, de peur que vous ne m'accusiez de n'opposer à vos raisons que le témoignage de plusieurs écrivains, puis de me prévaloir de l'autorité de ces grands hommes pour éluder la vérité, et pour me dispenser d'entrer en lutte avec vous, je vous citerai en peu de mots quelques endroits des Écritures.
Nous lisons dans les Actes des Apôtres que Pierre entendit une voix qui disait : Lève-toi, Pierre ; tue et mange 1 ; c'est-à-dire, mange de toutes sortes d'animaux à quatre pieds, et de reptiles, et d'oiseaux du ciel: paroles qui nous montrent que nul homme n'est impur suivant la nature, et que tous également sont appelés à la grâce du Christ. Pierre donc répondit : A Dieu ne plaise, car je n'ai jamais rien mangé d'impur, ni de souillé . Mais une voix du ciel se fit entendre une seconde fois, et lui dit : Ce que Dieu a purifié ne l'appelle pas impur.
Il alla donc à Césarée, et étant entré chez Corneille, et ouvrant la bouche, il lui dit : En vérité, je vois que Dieu ne fait point acception des personnes; — mais que, en toute nation, celui qui le craint et qui pratique la justice lui est agréable 2.
Enfin, le Saint-Esprit descendit sur eux, et les fidèles circoncis, qui étaient venus avec Pierre, furent étonnés de ce que la grâce de l'Esprit saint se répandait aussi sur les Gentils.
— Alors Pierre dit : Peut-on refuser l'eau du baptême à ceux qui ont reçu l'Esprit saint, comme nous l'avons reçu ?
— Et il ordonna qu'ils fussent baptisés au nom de Jésus-Christ 1.
— Or, les apôtres et les frères qui étaient dans la Judée apprirent que les Gentils mêmes avaient reçu la parole de Dieu.
— Et lorsque Pierre fut monté à Jérusalem, les fidèles circoncis disputaient contre lui, disant :
— Pourquoi êtes-vous entré chez des hommes incirconcis, et avez-vous mangé avec eux? 2
Après que Pierre leur eut dit comment la chose s'était passée, il acheva son discours en ces termes : Si donc le Seigneur leur a fait la même grâce qu'à nous, qui avons cru au Seigneur Jésus-Christ, qui étais-je, moi, pour m'opposer à Dieu?
— Ayant ouï ces paroles, ils se turent et glorifièrent le Seigneur, disant: Dieu a donc aussi donné la pénitence aux Gentils, pour les conduire à la vie 3.
— Long-temps après, lorsque Paul et Barnabas furent arrivés à Antioche, et que, ayant assemblé l'Église, ils eurent raconté les grandes choses que Dieu avait faites avec eux, puis comment il avait ouvert aux Gentils la porte de la foi 4;
— quelques hommes, qui étaient descendus de Judée, instruisaient les frères, et disaient: Si vous n'êtes circoncis selon la loi de Moïse, vous ne pourrez être sauvés.
— Une grande sédition s'étant donc élevée contre Paul et Barnabas, il fut résolu que les accusés et les accusateurs monteraient à Jérusalem, vers les apôtres et les prêtres, pour cette question.
— Quand ils furent arrivés à Jérusalem, quelques hommes de la secte des Pharisiens qui avaient cru en Jésus-Christ, se levèrent, disant: Il faut les circoncire et leur ordonner de garder la loi de Moïse1.
Comme il s'élevait à ces mots une grande discussion , Pierre leur dit, avec sa liberté accoutumée :
Frères , vous savez que, dès les jours anciens, Dieu m'a choisi entre vous, afin que les Gentils entendent par ma bouche la parole de l'Évangile, et qu'ils croient.
—Et Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage, en leur donnant l'Esprit saint, comme à nous ;
— et il n'a pas fait de différence entre eux et nous, puisqu'il a purifié leurs cœurs par la foi.
— Maintenant donc pourquoi tentez-vous de mettre sur la tête des disciples un joug qui n'a été supportable ni à nos pères, ni à nous ?
— Mais nous croyons que, par la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, nous serons sauvés comme eux.
— Alors toute la multitude se tut 2, et l'apôtre Jacques, avec tous les prêtres, fut de l'avis de Pierre.
Ces choses-là ne doivent point être ennuyeuses pour le lecteur; elles nous sont utiles, à lui et à moi, afin de prouver…
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(1) Act. X. 13. — (2) Ibid. 34. 35. — (1) Act. X. 44-48. — (2) Act. XI. 1-3. — (3) Ibid. 17. 18. — (4) Ibid. XIV. 26. — (1) Act. XV. 1.2. 5. — (2) Ibid.7-12.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 67-69.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Augustin,
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salut dans le Seigneur.SUITEnote de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Ces choses-là ne doivent point être ennuyeuses pour le lecteur; elles nous sont utiles, à lui et à moi, afin de prouver que, avant même que Paul fût élevé à l'apostolat, Pierre n'ignorait point, lui qui était l'auteur du décret publié là-dessus, que ceux qui avaient embrassé l'Évangile n'étaient plus obligés d'observer la Loi.
Enfin, l'autorité de Pierre fut si grande que Paul écrivit dans une de ses épîtres:Ensuite, au bout de trois ans, j'allai à Jérusalem, voir Pierre, et je restai quinze jours avec lui 1. Et un peu plus bas : Quatorze ans après, je montai de nouveau à Jérusalem avec Barnabas, et je pris aussi Tite.
— Or, j'y montai suivant une révélation, et avec eux j'exposai l'Évangile que je prêche parmi les Gentils 2, ce qui fait voir que Paul n'eût pas prêché en toute confiance, s'il n'eût fait approuver son Évangile par Pierre et par les autres apôtres qui étaient avec lui. Il ajoute aussitôt: Afin de ne pas courir ou de n avoir pas couru vainement, j'exposai mon Évangile en particulier à ceux qui semblaient être quelque chose. Pourquoi en particulier, et non en public ? — C'était de peur que les fidèles d'entre les Juifs, qui croyaient que, avec la foi en notre Sauveur Jésus, on devait observer encore les cérémonies de la Loi, ne vinssent à être scandalisés.
Pierre donc étant alors venu à Antioche, Paul, comme il le dit lui-même,..
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(1) Gal. I. 18, — (2) Ibid. II. 1 et seq.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 69-73.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITEnote de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Pierre donc étant alors venu à Antioche, Paul, comme il le dit lui-même, — et nous devons le croire sur son témoignage, bien que les Actes des Apôtres ne parlent point de ce fait, — Paul lui résista en face, parce qu'il était répréhensible, — car, avant que fussent arrivées quelques personnes qui venaient d'auprès de Jacques, il mangeait avec les gentils; mais aussitôt leur arrivée il se retira secrètement et se sépara d'avec les Gentils, dans la crainte de blesser les incirconcis. — Les autres Juifs recoururent comme lui à cette dissimulation, et Barnabas s'y laissa également aller. — Mais, ajoute Paul, quand je vis qu'ils ne marchaient pas selon la vérité de l'Évangile, je dis à Pierre, devant tout le monde : Si vous, qui êtes Juif, vous vivez comme les Gentils, et non pas comme les Juifs, pourquoi contraignez-vous les Gentils à judaïser? et le reste.
Il n'y a donc pas de doute que l'apôtre Pierre ne fût le premier auteur du règlement qu'on l'accuse ici d'avoir enfreint. Or, ce qui l'avait porté à l'enfreindre, c'est qu'il craignait les Juifs ; car l'Écriture nous dit qu'il mangeait d'abord avec les Gentils, et que, lorsque furent arrivés ceux qui venaient d'auprès de Jacques, il se retira secrètement et se sépara d'avec les Gentils, de peur de blesser les circoncis.1 Il appréhendait que les Juifs, dont il était l'apôtre, ne voulussent, à l'occasion des Gentils, abandonner la foi du Christ, et, de même que le bon pasteur, il craignait de perdre le troupeau qui lui était confié.
Mais comme nous avons montré que Pierre a sagement pensé sur l'abolition de la loi de Moïse, et que la crainte seule le porta à faire semblant de l'observer, voyons si Paul lui-même, qui le reprenait, n'a pas fait quelque chose de semblable. Nous lisons au même livre : Paul traversa la Syrie et la Cilicie, affermissant les Églises. — Or, il parvint à Derben et à Lystra. Et voilà qu'il y avait là un disciple , du nom de Timothée, fils d\'une femme juive fidèle et d'un père Gentil. — Les frères qui étaient à Lystra et à Ionium lui rendaient témoignage. — Paul voulut qu'il partit avec lui, et, le prenant, il le circoncit à cause des Juifs, qui se trouvaient en ces lieux-là; car ils savaient tous que son père était Gentil 1.
O bienheureux apôtre Paul, toi qui avais repris de sa dissimulation l'apôtre Pierre, et qui le blâmais de s'être séparé des Gentils, de peur de blesser les Juifs qui étaient venus d'avec Jacques, pourquoi, contre ton propre sentiment, as-tu forcé à se faire circoncire Timothée, fils d'un père Gentil, et Gentil lui-même ; — car, n'étant pas circoncis, il n'était pas Juif de naissance ? — Tu me répondras : C'est à cause des Juifs qui se trouvaient dans ces lieux-là. Mais toi, qui te pardonnes, quand tu circoncis un disciple qui vient d'avec les Gentils, pardonne donc à Pierre, qui est ton ancien, pardonne-lui ce qu'il a fait dans l'appréhension de blesser les Juifs devenus fidèles.
Il est encore écrit :…
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(1) Gal. II. 12. — (1) Act. XVI. 1-3.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 73-77.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITEnote de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Il est encore écrit : Paul, ayant demeuré là (à Corinthe) plusieurs jours, dit adieu aux frères, et fil voile vers la Syrie, avec Priscilla et Aquilas, s'étant fait couper les cheveux à Cenchrée à cause d’un vœu 2. Eh ! bien, soit ! qu'il ait été obligé, dans la crainte des Juifs, de faire là ce qu'il ne voulait pas faire ; mais pourquoi avait-il fait vœu de laisser croître sa chevelure , et pourquoi la fit-il ensuite couper à Cenchrée, suivant ce que la loi de Moïse ordonnait aux Nazaréens qui se consacraient à Dieu ? Ceci est peu de chose toutefois en comparaison de ce qui vient ensuite.
Quand nous fûmes arrivés à Jérusalem, dit Luc, auteur de l'Histoire sacrée, les frères nous reçurent avec joie.
— Le lendemain, Jacques et tous les anciens qui étaient avec lui ayant approuvé l'Évangile que Paul prêchait, ils lui dirent : Vous voyez, frère, combien de milliers d'hommes de toute la Judée ont cru en Jésus-Christ, et tous sont zélés pour la Loi.
— Or, ils ont ouï dire de vous que vous enseignez aux Juifs qui sont parmi les gentils à renoncer à Moïse, disant qu'ils ne doivent pas circoncire leurs enfants, ni suivre l'ancienne coutume.
— Que faire donc ? Toute cette multitude s'assemblera; car ils savent que vous êtes arrivés.
— Ainsi, faites ce que nous vous disons. Nous avons ici quatre hommes qui ont fait un vœu ; prenez-les avec vous, purifiez-vous avec eux, en faisant les frais nécessaires, afin qu'ils se rasent la tête et tous sauront que ce qu'ils ont ouï dire de vous est faux ; mais que vous marchez observant la loi.
— Alors Paul, ayant pris ces hommes, et s'étant purifié avec eux, entra le jour suivant dans le temple, annonçant combien de jours devait durer leur purification, et quand l'offrande serait présentée pour chacun d'eux 1.
O Paul, ici encore je t'interrogerai : Pourquoi avoir rasé ta tête? pourquoi, suivant une cérémonie judaïque, avoir marché pieds nus ? pourquoi avoir offert des sacrifices, et, selon la Loi, immolé pour toi des victimes? Tu me répondras sans doute que c'était afin de ne pas scandaliser ceux d'entre les Juifs qui avaient cru. Tu as donc fait semblant d'être Juif pour gagner les Juifs, et tu as appris de Jacques et des autres prêtres à user de cette dissimulation; mais avec tout cela, tu n'as pu éviter ce que tu appréhendais; car, dans la sédition qui s'éleva, tu allais être tué, si un tribun ne t'eût pris aux mains du peuple, et envoyé à Césarée, sous bonne escorte, de crainte que les Juifs ne te fissent mourir comme un imposteur et un destructeur de la Loi. Arrivant ensuite à Rome, tu prêchas le Christ aux Juifs et aux Gentils, dans une maison que tu avais louée, et, sous le glaive de Néron, tu scellas de ton sang la doctrine que tu avais annoncée.
Nous venons de voir que, dans la crainte des Juifs, Pierre et Paul ont tous deux fait semblant d'observer les préceptes de la Loi. De quel front, par quelle audace Paul aurait-il donc repris dans un autre ce qu'il avait fait lui-même? J'ai dit, ou plutôt d'autres ont dit avant moi, quelle raison pouvait avoir guidé Paul, et ils ne défendent point, comme vous le prétendez, le mensonge officieux, mais ils montrent qu'il agit avec sagesse et mesure, ils font voir la prudence des apôtres, ils réfutent les blasphèmes et répriment l'impudence de Porphyre qui dit que Pierre et Paul avaient eu entre eux une querelle d'enfants; que Paul même, jaloux des vertus de Pierre, s'était emporté contre lui, et se vantait ou de ce qu'il n'avait pas fait, ou de ce qu'il n'avait pu faire qu'en portant l'insolence jusqu'à condamner dans un autre la faute qu'il avait lui-même commise. Nos anciens interprètes ont expliqué ce passage comme ils ont pu. Vous, comment l'expliquerez-vous? Sans doute, vous avez quelque chose de mieux à nous dire, puisque vous rejetez le sentiment des anciens.
Vous me dites, dans une de vos lettres…
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(2) Act. XVIII, 18. — (1) Act. XXI. 17-26.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 79-81.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape (Note de Louis) Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITE
Vous me dites, dans une de vos lettres *, que « ce n'est pas de moi que vous devez apprendre en quel sens il faut expliquer ces paroles de Paul : J'ai vécu avec les Juifs comme Juif 1, et le reste qu'il ajoute par un sentiment de compatissance et de miséricorde, et non point de dissimulation et de mensonge, semblable en cela à une personne qui, servant un malade, se fait en quelque sorte, malade avec lui, non point en feignant d'avoir la fièvre , mais en se mettait elle-même, par un sentiment de compatissance, à la place du malade, pour voir comment elle voudrait qu'on la servit, si elle était malade. Car, il est certain que Paul était Juif, et que, devenu chrétien, il ne renonça point aux sacrements des Juifs, sacrements qui allaient au caractère de ce peuple, et qui lui avaient été donnés dans un temps convenable. Si donc il se mit en devoir de les célébrer, quoique déjà il fût apôtre du Christ, c'était pour montrer qu'ils n'étaient point nuisibles à ceux mêmes qui, après avoir embrassé la foi du Christ, voudraient les observer, suivant l'usage de la Loi et la tradition de leurs pères, pourvu néanmoins qu'ils n'y missent point l'espérance de leur salut, le salut véritable nous étant arrivé par le Seigneur Jésus. »
Tout ce discours, toute cette longue discussion ne signifie rien autre chose, sinon que l'erreur de Pierre ne consistait pas à croire que ceux d'entre les Juifs qui avaient cru au Seigneur devaient observer la loi, mais qu'il s'était écarté de la ligne du vrai, en forçant les Gentils à judaïser, quoiqu'il ne les y portât que par son exemple, sans le leur ordonner expressément, et que Paul n'avait rien dit qui fût contraire à ce qu’il avait fait lui-même, puisqu'il reprenait seulement Pierre de ce qu'il forçait les Gentils à judaïser.
Ainsi, le résumé de cette question, ou plutôt de votre sentiment, c'est que, après avoir embrassé l'Évangile du Christ, les fidèles d'entre les Juifs faisaient bien de garder les préceptes de la loi, c'est-à-dire, d'offrir des sacrifices comme Paul en avait offert; de circoncire leurs enfants, comme Paul avait circoncis Timothée 1, et d'observer le sabbat, comme les Juifs l'avaient observé jusqu'alors. Si cela est vrai, nous tombons dans l'hérésie de Cérinthe et d'Ébion, que les évêques n'ont anathématisés que parce que, après avoir embrassé la foi du Christ, ils voulaient allier les cérémonies judaïques à l'Évangile , et professer la religion nouvelle sans renoncer à l'ancienne. Mais que parlé-je des Ébionites, qui feignent de paraître chrétiens?
II y a encore aujourd'hui parmi les Juifs, et dans toutes les synagogues de l'Orient, une secte qu'on nomme la secte des Minéens, ou plus ordinairement des Nazaréens…
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(*) La XLe, n.4. — (1) I. Cor. IX. 20. — (1) Act. XVI. 3.(*) Augustin. Lettre XL e, n. 4. a écrit:
4. Ce n'est pas moi qui vous apprendrai comment on doit entendre ce que dit le même Apôtre: « Je me suis fait juif avec les juifs pour gagner les juifs (1), » et le reste qui est dit par compassion de miséricorde et non point par dissimulation de tromperie.
C'est ainsi que celui qui sert un malade se fait en quelque sorte malade comme lui; il ne dit pas qu'il a la fièvre avec lui, mais il pense, avec le sentiment même du malade, à la manière dont il voudrait être servi s'il était à sa place.
Saint Paul était juif; devenu chrétien, il n'abandonna point les sacrements que le peuple juif avait reçus en son temps, quand ils lui étaient nécessaires. Il les garda lorsque déjà il était apôtre du Christ; mais c'était pour montrer que ces signes religieux n'avaient rien de pernicieux pour ceux qui, les ayant reçus de leurs pères, y demeuraient attachés, même en croyant au Christ, sans toutefois y mettre encore l'espérance du salut: ce même salut que représentaient les sacrements anciens, était arrivé par le Seigneur Jésus.
C'est pourquoi saint Paul ne jugeait pas à propos d'imposer aux Gentils un fardeau pesant et inutile auquel ils n'étaient pas accoutumés, et qui pouvait les éloigner de la foi (2).
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(1) I. Cor. IX, 20. — (2) Actes XV, 28.
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Dernière édition par Louis le Ven 12 Mar 2021, 8:16 am, édité 3 fois (Raison : Insertion de la XL e Lettre de S. Augustin, n. 4. et recadrage.)
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 81-83.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape (Note de Louis) Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITE
II y a encore aujourd'hui parmi les Juifs, et dans toutes les synagogues de l'Orient, une secte qu'on nomme la secte des Minéens, ou plus ordinairement des Nazaréens, gens que les Pharisiens eux-mêmes condamnent, et qui croient en Jésus-Christ, Fils de Dieu, né de la Vierge Marie, qu'ils disent être celui qui est ressuscité, après avoir souffert sous Pontius Pilatus, et qui est le même Sauveur en qui nous croyons; mais, en voulant être et Juifs et Chrétiens, ils ne sont ni Chrétiens, ni Juifs.
Je vous prie donc, vous qui pensez que je dois guérir la plaie que j'ai faite à l'Église, et qui n'est qu'un trou, une piqûre d'épingle, comme on dit, — je vous prie de guérir la plaie que, par la nouveauté de votre sentiment; vous lui faites avec une lance, et, pour ainsi dire, avec la pesanteur d'une phalarica. Si, en effet, c'est une faute, en expliquant les Écritures, que de rapporter les différentes opinions des anciens, quel crime n'est-ce pas de renouveler dans l'Église une hérésie pleine d'impiété ? Mais si nous ne pouvons nous dispenser de recevoir les Juifs avec leurs cérémonies, ni de leur laisser observer dans les Églises du Christ ce qu'ils ont pratiqué dans les synagogues de Satan, je ne crains pas de le dire, ils ne deviendront pas Chrétiens, mais ils nous feront Juifs.
Quel est donc le Chrétien qui pourrait ne pas être choqué de cet endroit de votre lettre? « Paul était Juif, dites-vous, et, bien que devenu Chrétien, il n'abandonna pas les sacrements des Juifs, sacrements qui allaient au caractère de ce peuple, et qui lui avaient été donnés dans un temps convenable. Si donc il se mit en devoir de les célébrer, quoique déjà il fût apôtre du Christ, c'était pour montrer qu'ils n'étaient point nuisibles à ceux qui voudraient les observer, suivant la loi et la tradition de leurs pères. »
Je vous en prie de nouveau, souffrez que je vous fasse entendre la voix de ma douleur…
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 83-87.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape (Note de Louis) Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.
Je vous en prie de nouveau, souffrez que je vous fasse entendre la voix de ma douleur. — Paul, quoique déjà il fût apôtre du Christ, observait les cérémonies des Juifs, et, selon vous, elles n'avaient rien de pernicieux pour ceux qui voulaient les observer comme ils les avaient reçues de leurs pères ?
Moi, au contraire, je dirai et je soutiendrai hardiment contre le monde entier que l'observation des cérémonies judaïques est pernicieuse et mortelle pour les Chrétiens, et que quiconque les observe , soit Juif, soit Gentil, est tombé dans la fosse du diable; car le Christ est la fin de la loi, pour justifier tout croyant 1, c'est-à-dire le Juif et le Gentil, puisqu’il ne serait pas la fin de la loi pour justifier tout croyant, si l'on exceptait les Juifs.
Nous lisons dans l'Évangile : La Loi et les Prophètes jusques à Jean-Baptiste 2.
Et en un autre endroit : C'est pourquoi les Juifs cherchaient avec plus d'ardeur à le faire mourir; car non-seulement il ne gardait pas le sabbat, mais encore il disait que son père c'était Dieu, se faisant ainsi égal à Dieu même 3.
Et derechef : Nous avons tous reçu de sa plénitude grâce pour grâce, car la loi a été donnée par Moïse, mais la grâce et la vérité ont été données par Jésus-Christ 4.
A la place de la grâce de la loi, qui n'a fait que passer, nous avons reçu la grâce permanente de l'Évangile, et à la place des ombres et des figures de l'Ancien Testament, la vérité que Jésus-Christ nous a apportée. Jérémie prophétise aussi, au nom de Dieu même : Voici que les jours arrivent, dit le Seigneur; je ferai une nouvelle alliance avec la maison d'Israël et avec la maison de Juda, mais non point comme l'alliance que je fis avec leurs pères, au jour où je les pris par la main pour les retirer de la terre d'Égypte 5.
Remarquez-le donc, ce n'est pas au peuple Gentil, qui n'avait pas reçu encore de Testament, mais c'est au peuple Juif, à qui il avait donné la loi par Moïse, que Dieu promet le Nouveau Testament de l'Évangile, afin qu'ils vivent, non plus dans la vieillesse de la lettre, mais dans la nouveauté de l'esprit.
Paul lui-même, qui fait le sujet de notre querelle, confirme souvent cette vérité. De crainte d'être trop long, je ne citerai que quelques passages : Voilà, que moi, Paul, je vous déclare que , si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous sert de rien 1. Et encore : Vous n'avez plus de part au Christ, vous qui êtes justifiés par la loi; vous êtes déchus de la grâce 2. Et plus bas : Si vous êtes conduits par l'esprit} vous n'êtes plus sous la loi 3. Ce qui fait voir manifestement que celui qui est sous la loi, non point par condescendance, comme nos anciens l'ont prétendu, mais en toute sincérité, comme vous le comprenez bien, — que celui-là, dis-je, n'a pas l'Esprit saint.
Or, ce que c'étaient que les observations légales, apprenons-le de Dieu même. Je leur ai donné, dit-il, des préceptes qui n'étaient pas bons, et des justifications où ils ne pouvaient trouver la vie 4. Si je parle de la sorte, ce n'est point pour condamner, à l'exemple de Manichée et de Marcion, la loi que je sais, par l'apôtre Paul, être sainte et spirituelle 5, mais je veux montrer que, la foi étant venue, que les temps se trouvant accompli, Dieu a envoyé son Fils unique, formé de la femme, et assujetti à la loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la loi, et de nous rendre enfants d'adoption 6, pour que nous ne vivions plus sous le pédagogue 7, mais que nous vivions sous un héritier qui est le maître et qui se trouve dans un âge parfait 8 .
Vous dites encore dans votre lettre : « Paul ne reprenait pas l'apôtre Pierre de ce qu'il observait les traditions des ancêtres ; puisqu'il pouvait les observer sans aucun déguisement, sans inconvenance aucune. »…
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(1) Rom. X. 4. — (2) Luc. XVI. 16 — (3) Joan. V. 18. — (4) Ibid. I. 16. 17. — (5) Jerem. XXXI. 31. 32. — (1) Gal. V. 2 — (2)Ibid. 4. — (3) Ibid. 18. — (4) Ezech. XX. 25. — (5) Rom. VII. 12. — (6) Gal. IV. 4. 5. — (7) Ibid. III. 24. — ( 8 ) Ibid. IV. 7.
Note de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 87-91.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape (Note de Louis) Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITE
Vous dites encore dans votre lettre : « Paul ne reprenait pas l'apôtre Pierre de ce qu'il observait les traditions des ancêtres ; puisqu'il pouvait les observer sans aucun déguisement, sans inconvenance aucune. »
Je vous le répète encore, vous qui êtes évêque, qui êtes maître dans les Églises du Christ, souffrez, afin de prouver que ce que vous dites est véritable, souffrez que quelque Juif, qui sera devenu Chrétien, fasse circoncire ses enfants, observe le sabbat, s'abstienne des viandes que Dieu a créées pour que l'on s'en serve avec actions de grâces 1, et que, le soir du quatorzième jour du premier mois , il immole un agneau 2. Quand vous aurez fait cela ; — mais vous ne le ferez pas assurément, car je sais que vous êtes chrétien, et incapable d'un tel sacrilège. — alors, bon gré malgré, vous condamnerez votre sentiment, et vous saurez, par expérience, qu'il est plus facile de censurer les opinions des autres que d'établir les siennes.
Mais, de peur que l'on ne vous crût point, ou plutôt que l'on ne comprît pas ce que vous disiez ; — car il y a souvent de l'obscurité dans un long discours, et moins l'on comprend, moins aussi l'on trouve à reprendre, — vous répétez et répétez toujours : « Paul avait rejeté ce qu'il y avait de mauvais dans les Juifs.» Et qu'y avait-il donc en eux de mauvais, et qu'est-ce que Paul avait rejeté?
« C'est sans doute, dites-vous, l'ignorance où ils sont de la justice de Dieu, c'est l'ardeur à établir leur propre justice, ardeur qui les rend indociles à la justice de Dieu 3. C'est encore que, après la Passion et la Résurrection du Christ, après l'institution et la manifestation du sacrement de grâce, suivant l'ordre de Melchisédec, ils pensaient toujours qu'il fallait célébrer les sacrements de l'ancienne loi, non point seulement comme établis par la coutume, mais encore comme nécessaires au salut; et assurément ces cérémonies avaient été de nécessité de salut, sans quoi les Machabées eussent bien vainement souffert le martyr pour elles. Enfin, c'est parce que les Juifs persécutaient comme des ennemis de la loi les Chrétiens prédicateurs de la grâce. Ce sont de pareils vices que Paul condamne, et qu'il regarde comme du fumier, dit-il, afin de gagner Jésus-Christ *. »
Nous avons appris de vous ce que l'apôtre Paul avait rejeté de mauvais dans les Juifs; apprenez-nous donc aussi ce qu'il en avait retenu de bon…
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(1) I. Tim. IV. 3. — (2) Levit. XXIII. 5. — (3) Rom. X. 3. — (*) Augustin. Lettre XLe, n. 6.(*) Augustin. Lettre XL e, n. 6. a écrit:
6. Saint Paul avait quitté ce que les juifs avaient de mauvais; et d'abord il s'était séparé d'eux en ce que, ne connaissant pas la justice de Dieu et voulant établir leur propre justice, « ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu (1); » un autre mauvais côté délaissé par saint Paul, c'était la croyance qu'il y avait dans l'observation des pratiques anciennes plus qu'une coutume, mais une nécessité de salut, après la passion et la résurrection du Christ, après l'institution et la manifestation du sacrement de grâce selon l'ordre de Melchisédech. Il y eut un temps où ces pratiques furent de nécessité; il n'en faut pas d'autre témoignage que le martyre des Machabées qui, autrement, eût été sans fruit et sans but (2).
Enfin, le grand Apôtre se séparait des juifs dans leurs attaques contre les prédicateurs chrétiens de la grâce qui n'étaient à leurs yeux que des ennemis de la loi. Ce sont des erreurs et des dispositions vicieuses de ce genre qu'il « méprisait et regardait comme des ordures, résolu de tout perdre pour gagner Jésus-Christ (3), » et non pas l'observation de la loi selon la coutume des ancêtres, observation pratiquée par lui-même sans aucune nécessité de salut, comme les juifs le croyaient, et sans dissimulation fallacieuse, comme celle qu'il avait reprochée à saint Pierre. Si saint Paul a pratiqué les cérémonies anciennes pour faire croire qu'il était juif afin de gagner les juifs, pourquoi n'a-t-il pas sacrifié avec les gentils, lui qui a vécu comme sans loi avec ceux qui n'en avaient point, pour les gagner aussi? C'est qu'il était juif par nature, et qu'il dit tout cela, non point pour feindre ce qu'il n'était pas, mais pour venir miséricordieusement en aide aux juifs et aux gentils: pour mieux se faire compatissant, il semblait se livrer aux mêmes erreurs; ce n'était pas la ruse du mensonge, mais l'attendrissement de la pitié. L'Apôtre nous le déclare d'une manière générale dans cet endroit même : « Je me suis fait, dit-il, faible avec les faibles, pour gagner les faibles (4); » la conclusion qui suit: « Je me suis fait tout à tous pour les gagner tous,» a pour but de nous montrer les faiblesses de chacun apparaissant dans la compassion de l'Apôtre. Et quand il disait : « Qui souffre sans que je souffre aussi (5) ? » il ne simulait pas les faiblesses d'autrui, il les ressentait.
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(1) Rom. X, 3. — (2) II, Mach. VII, 1. — (3) Philip. III, 8. — (4) I. Cor. IX, 22. — (5) I. Cor. XI, 29. (?)
note de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 91-95.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape (Note de Louis) Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITE
Nous avons appris de vous ce que l'apôtre Paul avait rejeté de mauvais dans les Juifs; apprenez-nous donc aussi ce qu'il en avait retenu de bon. — Les cérémonies de la loi, dites-vous, qu'ils observaient comme leurs pères avaient fait, comme Paul fit lui-même, quoiqu’elles ne fussent pas de nécessité de salut. Ce que vous entendez par ces mots : nécessité de salut, je ne le comprends pas bien; car, si ces cérémonies ne font point arriver au salut, pourquoi les observer?
Mais s'il faut les observer, sans doute qu'elles opèrent le salut, puisque c'est être martyr que de mourir pour les observer, et on ne les observerait pas, si elles ne conduisaient point au salut. Car elles ne sont pas de ces choses indifférentes, qui tiennent le milieu entre le bien et le mal, comme parlent les philosophes. La continence est un bien, l'impureté est un mal. C'est une chose indifférente, et placée entre le bien et le mal, que de marcher, de rejeter les superfluités de la nature, de se moucher ou de cracher. Voilà qui n'est ni bien ni mal; car, que vous le fassiez ou ne le fassiez pas, vous n'en serez ni plus juste, ni plus criminel.
Mais observer les cérémonies de la loi, ce ne saurait être chose indifférente; ou cela est bien , ou cela est mal. Vous dites que c'est bien ; moi, je dis que c'est mal, et un mal pour ceux d'entre les Gentils qui ont cru en Jésus-Christ, aussi bien que pour ceux d'entre les Juifs qui ont cru également. En ceci donc, si je ne me trompe, vous tombez dans un abîme, tandis que vous en évitez un autre; car, pour vous garantir des blasphèmes de Porphyre, vous vous engagez dans les erreurs d'Ébion, lorsque vous prétendez que les fidèles d'entre les Juifs étaient obligés d'observer la loi. Comme vous sentez bien la dangereuse conséquence de votre principe, vous tâchez, mais inutilement, de l'adoucir, et vous dites qu'il ne fallait ni croire que l'observation de ces cérémonies fût de nécessité de salut, ni user de cette fallacieuse dissimulation que Paul reprenait en l'apôtre Pierre.
Alors Pierre fit donc semblant d'observer la loi, tandis que Paul, qui le reprit, l'observait ouvertement. Nous lisons, en effet, dans la suite de votre lettre :
« Si l'on prétend que Paul, en observant les cérémonies de la loi, a fait semblant d'être Juif, afin de gagner les Juifs, pourquoi n'a-t-il point sacrifié aussi avec les Gentils, puisque, afin de gagner ceux qui n'avaient point de loi, il a vécu avec eux comme s'il n'en avait pas eu lui-même ? — Paul a observé les cérémonies, parce qu'il était Juif de nation ; et, quand il dit qu'il a vécu avec ceux qui n'avaient pas de loi, comme s'il n'en avait pas eu lui-même, il n'entend pas dire qu'il feignit d'être ce qu'il n'était, point, mais bien qu'il croyait devoir, par charité, s'accommoder à leur faiblesse, comme s'il avait été travaillé des mêmes erreurs, et il agissait en cela, non point par mensonge ni dissimulation, mais par tendresse et compatissance *.
C'est bien défendre Paul que de dire, comme s’il avait été travaillé des mêmes erreurs…(*) Augustin. Lettre XL, n. 6. a écrit:
6. Saint Paul avait quitté ce que les juifs avaient de mauvais; et d'abord il s'était séparé d'eux en ce que, ne connaissant pas la justice de Dieu et voulant établir leur propre justice, « ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu (1); » un autre mauvais côté délaissé par saint Paul, c'était la croyance qu'il y avait dans l'observation des pratiques anciennes plus qu'une coutume, mais une nécessité de salut, après la passion et la résurrection du Christ, après l'institution et la manifestation du sacrement de grâce selon l'ordre de Melchisédech. Il y eut un temps où ces pratiques furent de nécessité; il n'en faut pas d'autre témoignage que le martyre des Machabées qui, autrement, eût été sans fruit et sans but (2).
Enfin, le grand Apôtre se séparait des juifs dans leurs attaques contre les prédicateurs chrétiens de la grâce qui n'étaient à leurs yeux que des ennemis de la loi. Ce sont des erreurs et des dispositions vicieuses de ce genre qu'il « méprisait et regardait comme des ordures, résolu de tout perdre pour gagner Jésus-Christ (3), » et non pas l'observation de la loi selon la coutume des ancêtres, observation pratiquée par lui-même sans aucune nécessité de salut, comme les juifs le croyaient, et sans dissimulation fallacieuse, comme celle qu'il avait reprochée à saint Pierre. Si saint Paul a pratiqué les cérémonies anciennes pour faire croire qu'il était juif afin de gagner les juifs, pourquoi n'a-t-il pas sacrifié avec les gentils, lui qui a vécu comme sans loi avec ceux qui n'en avaient point, pour les gagner aussi? C'est qu'il était juif par nature, et qu'il dit tout cela, non point pour feindre ce qu'il n'était pas, mais pour venir miséricordieusement en aide aux juifs et aux gentils: pour mieux se faire compatissant, il semblait se livrer aux mêmes erreurs; ce n'était pas la ruse du mensonge, mais l'attendrissement de la pitié. L'Apôtre nous le déclare d'une manière générale dans cet endroit même : « Je me suis fait, dit-il, faible avec les faibles, pour gagner les faibles (4); » la conclusion qui suit: « Je me suis fait tout à tous pour les gagner tous,» a pour but de nous montrer les faiblesses de chacun apparaissant dans la compassion de l'Apôtre. Et quand il disait : « Qui souffre sans que je souffre aussi (5) ? » il ne simulait pas les faiblesses d'autrui, il les ressentait.
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(1) Rom. X, 3. — (2) II, Mach. VII, 1. — (3) Philip. III, 8. — (4) I. Cor. IX, 22. — (5) I. Cor. XI, 29. (?)
note de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 95-99.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape (Note de Louis) Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITE
C'est bien défendre Paul que de dire, comme vous faites, non pas qu'il ait feint d'être dans l'erreur des Juifs, mais qu'il y ait été effectivement, et que, loin d'imiter la dissimulation de Pierre, en feignant, pour ne point offenser les Juifs, d'être ce qu'il n'était pas, il se soit librement déclaré Juif. Étrange condescendance de l'Apôtre, qui, voulant faire les Juifs Chrétiens, est devenu Juif lui-même ! Quoi ! il ne pouvait ramener a la sobriété les intempérants, sans se montrer intempérant, lui aussi; ni les secourir miséricordieusement, comme vous dites, sans se rendre compagnon de leur misère ! Qu'ils sont véritablement misérables, et d'une misère qu'on ne saurait assez déplorer, ceux qui, par leur opiniâtreté et leur attachement à une loi abolie, ont fait un Juif d'un apôtre du Christ !
Après tout, il n'y a pas grande différence entre votre sentiment et le mien. Je dis, moi, que Pierre et Paul, de crainte de scandaliser les Juifs, ont observé, ou fait semblant d'observer les préceptes de la loi, et vous prétendez, vous, qu'ils ont agi en cela charitablement, non point par une artificieuse dissimulation, mais par une compatissance affectueuse. Que ce soit par crainte ; que ce soit par compatissance, peu importe, pourvu que vous conveniez qu'ils feignirent d'être ce qu'ils n'étaient pas.
Quant à ce que vous m'objectez, que Paul a dû aussi se faire Gentil avec les Gentils, s'il s'est fait Juif avec les Juifs, c'est un raisonnement qui milite pour moi plutôt que pour vous ; car, de même que Paul n'a pas été véritablement Juif, de même n'a-t-il pas été véritablement Gentil, et de même qu'il n'a pas été véritablement Gentil, de même n'a-t-il pas été véritablement Juif. Si donc il est imitateur des Gentils, c'est en recevant les incirconcis au nombre des fidèles, et en leur permettant de manger indifféremment des viandes que les Juifs condamnent, mais non point en adorant les idoles, comme vous le croyez ; car, dans le Christ Jésus, ni la circoncision, ni l'incirconcision ne servent quelque chose, mais tout consiste dans l'observation des commandements de Dieu. 1
Au reste, je vous prie et vous conjure de me pardonner cette petite discussion. Si j'ai dépassé les bornes que mon caractère me prescrivait, prenez-vous-en à vous-même, qui m'avez forcé à vous répondre, et qui m'avez rendu aveugle, comme Stésichore. N'allez pas me prendre pour un docteur de mensonge, moi qui marche à la suite du Christ; qui a dit : Je suis la voie, la vérité et la vie 2 ; car il est impossible que, étant adorateur de la vérité, je courbe ma tête sous le joug du mensonge.
Ne soulevez point contre moi une populace ignorante, qui vous honore comme son évêque, et, quand vous parlez dans l'église, vous admire avec le respect dû à votre dignité, mais qui fait peu de cas d'un homme sur le déclin de l'âge, comme moi, et presque décrépit, et se tenant à la campagne, renfermé dans le fond d'un monastère. Cherchez d'autres gens à instruire et à censurer; car, séparés que nous sommes par une si grande étendue de terre et de mer, le son de votre voix arrive à peine jusqu'ici, et, quand même vous m'écririez, vos lettres seraient publiques à Rome et dans l'Italie, avant que je les eusse, moi pour qui elles seraient faites.
Quant à ce que vous me demandez dans vos autres lettres…
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(1) Galat. V. 6. — (2) Joan. XIV. 6.
note de Louis: Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 99-101.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape (Note de Louis) Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITE
Quant à ce que vous me demandez dans vos autres lettres, pourquoi, après m'être servi d'obèles et d'astérisques Note (4) , dans ma première version des livres canoniques, j'en ai publié une nouvelle où ne se trouvent pas ces signes, vous me pardonnerez si je vous dis qu'il me semble que vous n'avez pas bien compris ce que vous vouliez me demander.
La première version est celle des Septante, et, partout où il y a des traits, c'est à-dire des obèles, on fait entendre que les Septante mettent quelque chose de plus que l'hébreu. Là, au contraire, où il y a des astérisques, c'est-à-dire de petites étoiles, c'est un indice de ce qu'Origène a emprunté à la version de Théodotion.
La première fois, j'ai traduit sur le grec ; la seconde, j'ai rendu ce que j'ai vu dans l'hébreu, m'attachant au véritable sens, plutôt qu'à l'ordre des mots.
Au surplus, je suis surpris que vous lisiez la version des Septante, non pas dans sa pureté, ni telle qu'ils l'ont faite, mais telle qu'Origène l'a corrigée, ou plutôt corrompue par des obèles et des astérisques, et ensuite que ce qu'il y a ajouté se trouvant emprunté à une édition donnée, depuis la Passion du Christ, par un Juif, par un blasphémateur, vous ne suiviez pas de préférence la traduction d'un Chrétien. Voulez-vous aimer véritablement les Septante ? ne lisez pas ce qui est marqué par des astérisques, ou plutôt effacez-le de vos exemplaires, afin de prouver que vous êtes partisan des anciens. Mais si vous faites cela, vous êtes forcé de condamner les Bibles de toutes les Églises; car à peine trouvera-t-on un ou deux exemplaires qui n'aient pas ces additions d'Origène.
Vous me dites encore que je ne devais pas, après les anciens, traduire l'Écriture…
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Note (4) :
note de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 101-105.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape (Note) Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITE
Vous me dites encore que je ne devais pas, après les anciens, traduire l'Écriture, et vous vous servez d'un dilemme assez nouveau. — Ou bien le texte que les Septante ont traduit est obscur, dites-vous, ou bien il est clair. S'il est obscur, nous avons le droit de croire que vous avez pu vous y méprendre aussi bien qu'eux; s'il est clair, évidemment ils n'ont pu s'y méprendre. — Je vous répondrai par votre propre dilemme.
Ou bien ce que tous les docteurs anciens, qui nous ont précédés dans le Seigneur, ont expliqué des saintes Écritures est clair et manifeste, ou bien cela est obscur. Si cela est obscur, comment avez-vous osé entreprendre, après eux, d'expliquer ce qu'ils n'ont pu interpréter? Si cela est clair, il était inutile que vous entreprissiez d'expliquer ce qui n'a pu leur échapper, spécialement dans l'explication des psaumes, puisque nous avons sur ce sujet plusieurs volumes des interprètes grecs, d'Origène d’abord, ensuite d'Eusébius de Césarée, puis de Théodorus d'Héraclée, d'Astérius de Scythopolis, d'Apollinaire de Laodicée et de Didymus d'Alexandrie. Il existe aussi des opuscules de divers auteurs sur quelques psaumes séparés; mais nous ne parlons maintenant que du livre entier des Psaumes. Chez les Latins, Hilaire de Poitiers, Eusébius, évêque de Verceil, ont traduit Origène et Eusébius, et notre Ambroise a suivi en quelque chose le premier de ces deux écrivains.
Que votre Prudence me dise pourquoi, après des interprètes si renommés et si nombreux, elle a voulu, dans l'explication des psaumes, prendre des routes différentes ? En effet, si les psaumes sont obscurs, il est à croire que vous avez pu vous tromper comme les autres. S'ils sont clairs, il n'est pas croyable que ces hommes-là aient pu s'y méprendre, et alors, de quelque côté que vous vous tourniez, vous aurez fait un travail inutile. Mais, suivant cette règle, personne n'osera parler après les anciens; et, dès que quelqu'un se sera emparé d'un sujet, il ne sera plus permis à un autre d'écrire sur ce sujet-là.
II est donc de votre honnêteté d'avoir, en ceci, pour les autres, la même indulgence que vous avez pour vous. Quant à moi, je n'ai point eu le dessein d'abolir les anciennes versions, puisque je les ai corrigées et traduites en latin, pour ceux qui n'entendent que notre langue; mais j'ai voulu rétablir les endroits que les Juifs avaient ôtés ou corrompus, et faire connaître à nos Latins ce que présente le texte hébreu. Ceux qui ne veulent pas lire ma version, nul ne les force à la lire. Qu'ils boivent délicieusement le vin vieux, et qu'ils méprisent mon vin nouveau, c'est-à-dire, ce que j'ai fait pour éclaircir les versions anciennes, et pour rendre intelligibles des endroits qui ne le sont point.
Quant aux règles que l'on doit suivre, en l'interprétation des Écritures saintes, elles se trouvent expliquées dans le livre que j'ai écrit sur la meilleure manière de traduire (Note de Louis, en bas), et dans toutes les petites Préfaces qui sont en tête de mes traductions des Volumes divins. Je crois devoir y renvoyer le sage lecteur.
Que si vous recevez, comme vous le dites, ma correction du Nouveau Testament, parce qu'il est, ajoutez-vous, bien des gens qui, sachant le grec, peuvent juger de la fidélité de mon travail, vous deviez croire qu'elle n'est pas moindre dans ma version de l'Ancien Testament, que je n'y ai rien mis de moi, et que je me suis borné à rendre ce que j'ai trouvé dans l'hébreu. Si vous en doutez, consultez les Hébreux eux-mêmes.
Or, me direz-vous peut-être : Que faire, si les Hébreux y ou ne veulent pas répondre, ou bien veulent mentir? …
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Note de Louis : Le livre de saint Jérôme sur la meilleure manière de traduire est sa Lettre XXXIII.
note de Louis: Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Dernière édition par Louis le Jeu 18 Mar 2021, 7:53 am, édité 1 fois (Raison : Insertion du lien de la Lettre XXXIII.)
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 105-107.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape (Note de Louis) Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITE
Or, me direz-vous peut-être : Que faire, si les Hébreux, ou ne veulent pas répondre, ou bien veulent mentir? — Est-ce donc que tout ce qu'il y a de Juifs se taira sur ma traduction, et ne se trouvera-t-il pas une seule personne qui sache l'hébreu? Est-ce que tout le monde imitera ces Juifs qui, dans une petite ville d'Afrique, se sont, me dites-vous, entendus pour me calomnier ?
Car voici le conte que vous me faites, dans une de vos lettres :
« Il est arrivé qu'un évêque, de nos confrères, ayant ordonné qu'on lût votre version dans l'église dont il est chef, on s'étonna que vous eussiez traduit un endroit du prophète Jonas d'une manière toute différente de celle que le peuple avait accoutumé d'entendre ; et qui de tout temps avait été usitée chez eux. Une telle rumeur s'éleva, les Grecs surtout vous accusant hautement d'avoir falsifié le passage, que l'évêque fut contraint de consulter les Juifs, — car il y en avait beaucoup dans la ville, — et, soit par ignorance, soit par malice, ils lui répondirent que les livres hébreux présentaient bien ce que portaient les livres grecs et latins. Qu'en advint-il ? L'évêque se vit forcé, comme si cet endroit eût été fautif, de le corriger, afin de retenir son peuple, qu'il avait été en grand danger de perdre. Je juge donc par là que vous avez bien pu vous méprendre en certaines choses *. »
Vous dites que j'ai mal traduit un endroit du prophète Jonas Note (5), et que, un seul mot auquel on n'était pas accoutumé, ayant soulevé tout un peuple, l'évêque se vit sur le point de perdre son troupeau. Mais vous ne me dites point quel est cet endroit que j'ai mal traduit, et par là vous m'ôtez le moyen de me défendre, car peut-être ma réponse anéantirait tout ce que vous objecteriez. Ne voudriez-vous point renouveler l'affaire de la citrouille, et prétendre, comme fit, il y a plusieurs années, le Cornélius, l'Asinius Pollion de ce temps-là, que j'avais traduit par le mot de lierre celui de citrouille?
Dans mon Commentaire sur le prophète Jonas, j'ai répondu amplement à cette objection…
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(*) Voyez la lettre LXX, page 9 de ce volume.
Note (5) : Saint Jérôme, dans son Commentaire sur le IVe chapitre de Jonas, appelle cet homme Canthérius. Voici ses propres paroles:
« In hoc loco, quidam Cantherius, de antiquissimo genere Corneliorum, sivem, ut ipse jactat, de stirpe Asinii Pollionis, dudum Romæ dicitur me accusasse sacrilegii, quod , pro cucurbita, hederam transtulerim. »
Le Père Martianay pense que, dans ce passage du Commentaire sur Jonas, il faudrait lire Cornélius, au lieu, de Canthérius.
note de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXIV.Pages 107-109.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape (Note de Louis) Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITE
Dans mon Commentaire sur le prophète Jonas, j'ai répondu amplement à cette objection. Je me contenterai de dire ici que, à l'endroit où les Septante ont mis le mot de citrouille, et Aquila, avec les autres interprètes, celui de [GREC] ; qui signifie lierre, il y a dans le texte hébreux, ciceion, mot que les Syriens traduisent ordinairement par celui de ciceia. Or, le ciceia est une espèce d’arbrisseau, qui a de larges feuilles, comme celles de la vigne. Quand il est planté, il s'élève en peu de temps à la hauteur d'un arbrisseau, et sa tige se soutient d'elle-même, sans qu'il soit besoin de l'appuyer, comme le lierre et la citrouille, avec des perches et des échalas.
Si donc, traduisant mot à mot, j'avais employé le terme de ciceion, personne ne m'aurait compris; et si j'avais employé celui de citroullle, j'aurais dit ce qui n'est point dans l'hébreu. J'ai donc mis l'expression de lierre, afin de me conformer aux autres interprètes. Que si vos Juifs, soit par malice, soit par ignorance, assurent, comme vous le dites, que le texte hébreu porte la même chose que le grec et le latin, il est manifeste, ou bien qu'ils n'entendent pas la langue hébraïque, ou bien qu'ils ont voulu mentir, pour se jouer des partisans de la citrouille.
Je vous prie, à la fin de ma lettre, de ne plus forcer au combat un vieillard qui se repose et qui fut soldat jadis; ne le contraignez point à risquer de nouveau sa vie. Vous qui êtes jeune, et placé sur une chaire pontificale, instruisez les peuples, et enrichissez des nouvelles productions de l'Afrique les magasins de Rome. Il me suffit, à moi, de chuchoter dans un coin de monastère avec quelque pauvre pécheur qui m'écoute ou me lit.
note de Louis: Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Fin de cette Lettre.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXV.Pages 111-113.JÉRÔME À AUGUSTIN.Au Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape (Note de Louis) Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.
Je me suis enquis, avec grande sollicitude, auprès de notre saint frère Firmus, de ce que vous faites, et j'ai appris avec joie que vous êtes en bonne santé. Comme je lui demandais s'il n'avait point quelque lettre de vous, car non-seulement j'en attendais une, mais encore je l'exigeais, il me répondit qu'il était parti d'Afrique, à votre insu.
Je vous présente donc mes devoirs et mes salutations par un homme qui vous aime d'une amitié unique, et, en même temps, je vous prie de me pardonner, si, me voyant, de longue main pressé de vous répondre, j'ai enfin cédé à vos ordres; j'en suis confus, quoique, après tout, ce ne soit pas moi qui vous parle mais que ce soit mon sentiment qui se défend contre le vôtre.
Si c'est un tort d'avoir répondu, permettez-moi de vous dire que c'en est un plus grand de m'avoir provoqué. Mais laissons là toutes ces querelles; ayons l'un pour l'autre une fraternelle affection et que nos lettres ne soient plus des lettres de disputes mais des lettres d'amitié.
Les Saints frères qui servent Dieu avec moi vous saluent bien respectueusement. Je vous prie de saluer de ma part les saints qui portent avec vous le joug léger du Christ, et surtout le saint et vénérable pape Alypius. Que le Christ notre Dieu vous conserve sain et sauf, et vous fasse avoir souvenance de moi, ô vraiment saint et très-bienheureux pape.
Si vous avez lu mon livre de notes sur Jonas, je pense que vous n'aurez pas approuvé le ridicule procès de la citrouille. Que si j'ai repoussé avec le style un ami Note (1) qui, le premier, m'a attaqué avec l'épée, il est de votre bonté et de votre justice de donner tort à l'agresseur, et non point à celui qui s'est défendu.
Jouons, si vous le voulez, dans le champ des Écritures, mais évitons l'un et l'autre ce qui nous blesserait.
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Note (1) : Saint Jérôme veut parler ici de Rufin d’Aquilée.
Fin de cette Lettre.note de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
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