LETTRES de Saint Jérôme.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
Fin de cette Lettre.LETTRE LX.Page 377.À JÉRÔME.A son très-cher et très-aimant frère Jérôme,
Théophile évêque.
Le saint évêque Agathon a été envoyé pour une affaire de l'Église avec le très cher diacre Athanase, et, quand vous saurez ce dont il s'agit, nul doute que vous n'approuviez mon zèle , et que vous ne vous réjouissiez du triomphe de l'Église, car certains hommes, pervers et furieux, qui désiraient prêcher et établir dans les monastères de Nitrie les dogmes d'Origène, ont été abattus par la faux prophétique. Nous nous sommes rappelés cet avis de l'Apôtre : Reprenez-les sévèrement. 1 Hâtez-vous donc, vous aussi, pour avoir part à la récompense d'une telle œuvre, de ramener par vos discours tous ceux qui ont été séduits. Nous désirons, si faire se peut, garder en nos jours, avec les peuples qui nous sont soumis, et la foi catholique et les régies de l'Eglise, puis étouffer toutes les nouvelles doctrines.
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(1) I. Tim. V. 20.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
Fin de cette Lettre.LETTRE LXI.Pages 379-381.À THÉOPHILE.Au bienheureux pape Théophile, Jérôme.note de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
La lettre de votre Béatitude m'a fait un double plaisir, parce que ce sont les saints et vénérables personnages Agathon, évêque, et Athanase, diacre, qui me l'ont apportée, et parce qu'elle m'a fait connaître le zèle que vous mettez à soutenir la foi contre la plus criminelle des hérésies. La voix de votre Béatitude a retenti dans toute la terre , et pendant que toutes les Églises se livraient à l'allégresse, le venin du diable se taisait. L'antique serpent ne siffle plus ; mais, déchiré et mis en pièces , il se cache dans les ténèbres de sa caverne, parce qu'il ne peut supporter la clarté du soleil.
Avant de recevoir votre lettre, j'avais écrit déjà sur cela aux Occidentaux, pour leur dévoiler une partie des artifices des hérétiques. C'est, je crois, par une disposition spéciale de Dieu que vous avez, dans le même temps que moi, écrit aussi au pape Anastase, et que vous avez appuyé mon sentiment, sans le savoir. Averti maintenant par vous , je redoublerai de zèle, pour arracher les simples à l'erreur , non-seulement ici, mais plus loin. Ne craignons pas de nous exposer à la haine de certaines gens , car nous devons plaire, non point aux hommes, mais à Dieu. Du reste, ils mettent plus d'ardeur à défendre l'hérésie que nous n'en mettons à l'attaquer.
Je vous conjure en même temps , si vous avez fait quelques statuts synodaux, de me les envoyer, afin que je puisse , appuyé de l'autorité d'un si grand pontife , ouvrir la bouche pour le Christ avec plus de hardiesse et de confiance. Le prêtre Vincentius est arrivé de Rome ici, deux jours avant que j'écrivisse cette lettre. Il vous salue humblement, et publie partout que c'est à vos lettres, après le Christ, que Rome et presque toute l'Italie sont redevables de leur délivrance. Continuez donc, Pape très aimable et très saint et ne laissez échapper aucune occasion d'écrire aux évêques occidentaux, afin qu'ils ne cessent pas de couper les mauvaises herbes avec le tranchant de la faux comme vous le dites vous-même.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
Fin de cette Lettre.LETTRE LXII.Pages 383-385.THÉOPHILE À JÉRÔME.Au Seigneur très-cher,
au très-aimant frère Jérôme prêtre,
Théophile, évêque
J'ai appris que votre Sainteté connaît le moine Théodore, et je vous en félicite; car, sur le point de nous quitter, de s'embarquer pour Rome , il n'a pas voulu partir sans vous voir ni nous embrasser comme de tendres amis, vous et les saints frères qui sont dans le monastère. Quand vous l'aurez près de vous, réjouissez-vous-en pour la tranquillité de l'Église, car il a vu tous les monastères de la Nitrie, et il peut vous parler de la continence, de la douceur des moines; il peut vous dire comment, une fois que les sectateurs d'Origène ont été mis en fuite et anéantis la paix a été rendue à l'Église et comment se conserve la discipline du Seigneur.
Plût à Dieu que chez vous ils missent bas le masque de l'hypocrisie ceux qui passent pour détruire en secret la vérité ! Nos frères de ces contrées, n'ayant pas bonne opinion d'eux, m'ont engagé à vous écrire cela. Ainsi donc soyez sur vos gardes et fuyez des hommes de cette trempe, car il est écrit : Si quelqu'un n'apporte pas vers vous la foi de l'Église, ne lui dites point salut 1.
Au reste, c'est chose superflue de vous écrire ceci, à vous qui pouvez ramener de l'erreur ceux qui s'égarent. Néanmoins, ce n'est pas un mal, par sollicitude pour la foi, d'avertir des hommes et prudents et instruits. Je désire que tous les frères qui sont avec vous soient salués en mon nom.
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(1) II. Joan. X.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXIII.Pages 385-387.ÉPIPHANE À JÉRÔME.Au Seigneur très-aimant,
à son fils et à son frère Jérôme prêtre;
Épiphane, salut dans le Seigneur.
La lettre générale, qui a été adressée à tous les catholiques, vous regarde spécialement, vous qui, plein de zèle contre les diverses hérésies, déclarez la guerre principalement aux disciples d'Origène et d'Apollinaire, dont le Seigneur a étalé au grand jour les tiges empoisonnées, l'impiété profondément enracinée, et les a ainsi produites, afin que, dévoilées à Alexandrie, elles séchassent sur tout le globe. Sachez donc, mon fils très cher, qu'Amalech a été détruit jusqu'à sa souche et que le trophée de la croix a été élevé sur le mont Raphidim.
En effet, de même que lorsque Moïse élevait ses mains en haut, Israël triomphait 1, de même le Seigneur a conforté son serviteur Théophile, afin qu'il pût contre Origène placer l'étendard de la croix sur l'autel de l'Église d'Alexandrie, et que fussent accomplies ces paroles : Ecrivez ce signe, parce que je détruirai de fond en comble l'hérésie d'Origène, et que je la ferai disparaître de la face de la terre avec Amalech lui-même 2.
Or , afin qu'il ne semble pas que je répète les mêmes choses, et que j'écris une lettre prolixe, je vous ai adressé celle-là même qui m'a été adressée, et ainsi vous pouvez savoir ce que Théophile nous a écrit, et quelle grâce le Seigneur accorde à mes derniers jours, en me faisant voir, approuvé par l'autorité d'un si grand pontife, ce que je désirais sans cesse. Je pense que vous avez publié déjà quelque chose, et que, suivant la première lettre dans laquelle je vous engageais à cela, vous avez composé un ouvrage que puissent lire ceux qui savent votre langue.
J'apprends que le naufrage de certaines personnes a eu du retentissement jusque dans l'Occident, car, non contentes de se perdre elles-mêmes elles veulent avoir plusieurs compagnons de mort, comme si la multitude des pécheurs diminuait le péché, et qu'une plus grande quantité de bois ne rendît pas plus violent le feu de la géhenne ! Nous saluons beaucoup et avec vous et par vous les saints frères qui sont dans votre monastère et qui servent le Seigneur.
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(1) Exod. XVII. — (2) Ibid.
Fin de cette Lettre.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXIV.Pages 389-393.À THÉOPHILE.Au bienheureux pape Théophile, Jérôme.note de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Depuis que votre Béatitude m'a écrit une lettre qui était accompagnée du Livre Pascal Note (1), j'ai été si accablé de douleur, de sollicitude, et tellement tourmenté par les diverses rumeurs qui circulent çà et là sur l'état de l'Église, qu'à peine ai-je pu traduire en latin votre volume, car vous connaissez parfaitement cette vieille maxime Note (2), que l'éloquence et la tristesse ne sauraient aller ensemble, surtout quand viennent se joindre aux peines d'esprit les infirmités du corps. Au moment même où je vous écris cette lettre, je suis dans les ardeurs de la fièvre, et il y a cinq jours déjà que je garde le lit. J'ai donc dicté cette lettre avec beaucoup de précipitation, me bornant à vous dire, en peu de mots, que la traduction de votre volume m'a coûté infiniment, et que j'ai eu bien de la peine à rendre beauté pour beauté, puis à donner au latin une partie de cette grâce qui se trouve dans le grec.
Dès le principe, vous établissez, comme les philosophes, des principes généraux, dont vous usez pour instruire les hommes en général, et pour en accabler un en particulier Note (3). Dans la suite, chose extrêmement difficile , vous savez joindre la force de la philosophie à l'éclat de l'éloquence, et vous nous alliez Platon avec Démosthène. Oh ! que de belles choses vous dites contre la luxure ! par quels éloges vous relevez la continence ! avec quelle sage érudition vous décrivez la vicissitude du jour et de la nuit, le cours du soleil et de la lune, et la nature de cet univers ! Tout ce que vous dites, vous l'appuyez sur l'autorité des Écritures, de peur qu'on ne s'étonne de vous voir, dans un Livre Pascal, emprunter quelque chose aux sources profanes. Enfin, car j'appréhende que les éloges que je vous donne ici ne soient suspects de flatterie votre livre est excellent vous y suivez les vrais principes de la philosophie et vous traitez votre sujet sans offenser
personne.
Pardonnez-moi donc, je vous prie, d'avoir tardé si long-temps à traduire votre livre. Je suis tellement affligé de la dormition de la sainte et vénérable Paula, que, excepté la traduction de ce livre, je n'ai, jusqu'à présent, rien écrit sur un sujet sacré. Nous avons perdu tout-à-coup notre consolation, comme vous le savez , et si je m'attriste, ce n'est pas, Dieu m'en est témoin, ce n'est pas pour mon intérêt propre, mais c'est en vue de celui des saints qu'elle soulageait et servait avec sollicitude.
La sainte et vénérable Eustochium, votre fille, que rien ne peut consoler de l'absence de sa mère, puis tous nos frères vous saluent humblement. Les livres que vous me disiez, il y a quelque temps, avoir écrits, envoyez-les-moi pour que je les lise, ou bien pour que je les traduise.
Adieu, dans le Christ.
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Note (1) : Les lettres pascales étaient destinées à faire connaître quel jour ou devait célébrer la Pâque.
Note (2) : Cette pensée se retrouve dans Sidoine, epist, IX, 3.
Note (3) : Origène, dont Théophile combat les erreurs, dans ses lettres pascales.
Fin de cette Lettre.
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LETTRE LXV.Pages 393-395.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur très-cher, au frère qui doit être chéri
de la plus sincère amitié, à Jérôme co-prêtre, Augustin, prêtre.
Nul jamais ne fut mieux connu de quelqu'un, ni aussi aisément que ne m'est connue la paisible joie de vos études dans le Seigneur, de ces études vraiment libérales. Ainsi, au désir extrême que j'ai de vous connaître, il ne manque plus que la moindre partie de vous-même, c'est-à-dire, la présence de votre corps. Depuis que notre frère, le bienheureux Alipius Note (1), qui est aujourd'hui évêque, et qui dès lors était digne de l'être, vous a vu et a été vu de moi, à son retour, je dois avouer que, d'après ce qu'il m'a dit, j'ai en grande partie joui de votre présence. Avant qu'il revînt, et pendant qu'il vous voyait, moi je vous voyais aussi, mais par ses yeux. Quiconque nous connaîtra pourra bien dire que nous ne sommes, lui et moi, qu'un même esprit dans deux corps différents, et que s'il est au-dessus de moi par le mérite personnel, nous ne sommes qu'un par la conformité des sentiments, par l'étroite et sincère amitié qui nous unit.
Puis donc que vous m'aimez déjà en la personne d'un ami qui n'est qu'un avec moi, et qu'ensuite vous me donnez par sa bouche des preuves d'affection, je ne dois pas user de la réserve d'un homme qui vous serait inconnu, et je peux, sans indiscrétion, vous recommander notre frère Profuturus, qui, par mes soins et par vos conseils, vous deviendra, j'espère, véritablement utile Note (2). Peut- être même est-il plus digne de m'attirer votre estime et votre amitié, que je ne le suis de lui procurer le même avantage par ma recommandation. Peut-être encore devrais-je en finir là, si je voulais me contenter de la solennité habituelle des lettres; mais mon esprit est impatient de s'entretenir avec vous de ces communes études, que nous faisons en Jésus-Christ notre Seigneur, qui daigne nous donner, par votre charité, plusieurs choses fort utiles, et une sorte de viatique pour cheminer dans les voies qu'il nous a lui-même indiquées.
Je vous supplie donc, et tout ce qu'il y a d'hommes studieux dans les églises africaines vous supplie, avec moi, de vouloir bien mettre vos soins à traduire en notre langue…
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Note (1) : Alipius fut fait évêque de Tagaste, en 394, l'année même où saint Augustin écrivit cette lettre à saint Jérôme.
Note (2) : Saint Augustin fait allusion au mot Profuturus, lequel signifie, en latin, qui doit être utile.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXV.Pages 395-399.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur très-cher, au frère qui doit être chéri
de la plus sincère amitié, à Jérôme co-prêtre, Augustin, prêtre.SUITE
Je vous supplie donc, et tout ce qu'il y a d'hommes studieux dans les églises africaines vous supplie, avec moi, de vouloir bien mettre vos soins à traduire en notre langue les ouvrages des auteurs grecs qui ont le mieux travaillé sur nos Écritures; car vous pouvez faire que nous ayons aussi ces grands personnages, et surtout celui que vous citez le plus volontiers dans vos ouvrages.
Pour ce qui est d'une traduction latine des saintes Lettres canoniques, je ne voudrais pas vous la voir entreprendre, à moins que vous ne suivissiez la méthode que vous avez adoptée en travaillant sur Job; c'est-à-dire, à moins que vous ne montrassiez par l'emploi de certains signes, en quoi votre version différerait de celle des Septante, dont l'autorité est d'un très grand poids. Au reste, je ne saurais comprendre qu'il y ait encore dans l'hébreu quelque chose qui ait échappé à l'exactitude de tant d'interprètes, consommés dans la connaissance de cette langue. Je ne parle point ici des Septante, et, soit qu'ils aient travaillé de concert à leur version, soit qu'ils aient été inspirés d'en haut, je n'ose rien prononcer sur cette conformité de sentiments qui est plus grande que si la traduction venait d'un seul homme.
Toujours est-il que par là même on doit, ce me semble, lui accorder plus d'autorité qu'aux autres versions. Ce que j'ai bien plus de peine à concevoir, c'est que ceux qui ont travaillé les derniers à traduire les Écritures et qui, dit-on, savaient parfaitement le sens des mots, la marche et les règles de la langue, non-seulement ne soient pas d'accord entre eux, mais encore aient laissé de côté un grand nombre d'endroits qui ont besoin d'être retouchés ou expliqués. Car enfin, si ces passages sont obscurs, il est à croire que vous avez pu vous y comme eux. S'ils sont clairs, il est inutile alors que vous expliquiez ce qui n'a pu échapper à ces interprètes. Donc je vous prie de vouloir bien, dans votre bonté me donner sur cela quelques éclaircissements.
J'ai lu aussi quelques traités sur les Épîtres de l’apôtre Paul, traités qu'on vous attribue, et je suis tombé sur cet endroit de l'Épître aux Galates où vous tachez d'expliquer comment l'apôtre Pierre fut repris de sa pernicieuse dissimulation. Qu'un homme comme vous; ou que tout autre ait pris, dans cette occasion, la défense du mensonge, c'est pour moi, je l'avoue, une cause non médiocre de douleur, et elle durera jusqu'à ce qu'on ait répondu aux difficultés que je vois là, si pourtant l'on peut y répondre.
Je trouve, en effet, qu'il n'est rien de plus pernicieux que de croire qu'il y ait quelque mensonge dans les Livres saints, ou que ceux qui nous ont donné les Écritures aient dit, en leurs livres, quelque chose contre la vérité ; car, de savoir si un homme de bien peut quelquefois mentir, ou si un écrivain sacré le doit faire, ce sont deux questions très différentes. Bien plus, il n'en est point ainsi, mais il n'y a pas même là de question à former. Si l'on admet une fois quelque officieux mensonge dans ces livres dont l'autorité est si respectable, il n'y restera rien, d'après ce dangereux principe, que chacun ne puisse, à son gré, attribuer à la dissimulation d'un auteur complaisant et artificieux, dès que cela gênera ses mœurs, ou bien révoltera la raison.
En effet, si l'apôtre Paul mentait lorsque, réprimandant l'apôtre Pierre, il disait : …
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LETTRE LXV.Pages 399-403.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur très-cher, au frère qui doit être chéri
de la plus sincère amitié, à Jérôme co-prêtre, Augustin, prêtre.SUITE
En effet, si l'apôtre Paul mentait lorsque, réprimandant l'apôtre Pierre, il disait: Vous qui êtes juif, si vous vivez comme les gentils, et non pas comme les juifs, pourquoi donc forcez-vous les gentils de judaïser; 1 s'il lui semblait que Pierre avait sagement agi, tandis que, de vive voix, et par écrit, afin de calmer les esprits en fermentation, il disait qu'il n'avait pas bien fait, que répondrons-nous à ces hommes pervers qui, suivant la prédiction du même Apôtre, doivent s'élever un jour et interdire le mariage 2 ? Que leur répondrons-nous, lorsqu'ils objecteront que tout ce que l'apôtre Paul a dit pour établir les droits sacrés du mariage n'est qu'un mensonge dont il s'est servi, afin de ne pas effaroucher ceux qui avaient trop d'attachement pour leurs femmes, et que, bien loin de penser ainsi, il n'a eu d'autre vue que d'apaiser les murmures des personnes mariées ?
Il n'est pas nécessaire de rapporter ici d'autres exemples, car les louanges mêmes que les écrivains sacrés décernent à Dieu pourront passer pour d'officieux mensonges dont ils ont usé afin de rallumer son amour en des cœurs languissants, et ainsi il n'y aura dans les saintes Lettres ni vérité constante, ni autorité inviolable.
Ne voyons-nous pas que le même Apôtre, rempli de zèle pour les intérêts de la foi, disait encore : Si le Christ n'est point ressuscité, notre prédication est vaine, et vaine aussi est votre foi. Nous sommes alors convaincus d'être de faux témoins, à l'égard de Dieu, comme ayant rendu témoignage contre Dieu même qu'il a ressuscité le Christ , tandis qu'il ne l'a pas ressuscité 1.
Si quelqu'un lui dit: Que trouvez-vous de si horrible dans ce mensonge, puisque tout mensonge qu'il est, vous n'en avez usé que pour la gloire de Dieu, l'Apôtre détestant une impiété aussi extravagante, n'aurait-il pas cherché, par son langage et par tous ses efforts, à découvrir le fond de son cœur et la droiture de ses intentions ? n'aurait-il pas dit hautement qu'il n'y a pas moins, et que peut-être même il y a plus de péché à se servir du mensonge pour honorer Dieu, qu'il n'y en a à combattre ouvertement la vérité?
Il faut donc faire en sorte que celui qui veut s'appliquer à l'étude des divines Écritures, prenne une si haute idée de la sainteté et de la vérité des Livres saints, qu'il n'ait aucun plaisir à voir les endroits qui semblent favoriser les mensonges officieux, et passe plutôt ce qu'il n'entend pas, que de préférer à ces vérités les fausses lumières de son esprit. Dire que le mensonge officieux est permis, c'est vouloir s'établir pour règle de foi ; c'est faire en sorte que l'on ne croie plus à l'autorité des divines Écritures.
Pour moi, avec le peu de forces que le Seigneur m'a données,…
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(1) Gal. II. 14. — (2) I. Tim. IV. 3. — (1) I. Cor. XV. 14, 15.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXV.Pages 403-407.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur très-cher, au frère qui doit être chéri
de la plus sincère amitié, à Jérôme co-prêtre, Augustin, prêtre.SUITE
Pour moi, avec le peu de forces que le Seigneur m'a données, je pourrais bien montrer qu'il faut entendre dans un autre sens tous ces passages qui semblent autoriser l'utilité du mensonge, et qu'on ne saurait donner aucune atteinte aux vérités qu'ils nous enseignent; car de même qu'ils doivent être exempts de mensonge, de même ne doivent-ils pas le favoriser.
J'abandonne cela à votre habileté. Dès que vous examinerez la chose avec un peu d'attention, peut-être en verrez-vous mieux que moi le véritable sens. Votre piété vous portera à faire cet examen; car vous jugez bien que l'autorité des divines Écritures est en danger, que chacun est libre de croire ou de ne pas croire ce qu'il lui plaira, si une fois l'on se persuade que ceux qui nous ont laissé les Livres saints ont pu, de quelque manière, y glisser des mensonges officieux. Il en sera ainsi, à moins que vous ne donniez des règles pour distinguer les endroits où il faut mentir, d'avec ceux où il n'est pas permis de le faire. Si vous pouvez nous en donner quelqu'une, alors, je vous prie, qu'elle repose sur des principes solides et constants.
Je vous conjure aussi, par l'humanité de notre Seigneur, source de toute vérité, de ne pas me regarder comme un importun et un indiscret. Car enfin je ne crois pas être bien coupable, supposé que je le sois, de me déclarer par ignorance en faveur de la vérité, si vous croyez, vous, que vous soutenez la vérité, en favorisant le mensonge.
J'aurais encore bien des choses à déposer dans votre cœur si sincère, et à vous dire au sujet de nos études chrétiennes ; mais une simple lettre ne saurait suffire pour cela. Je ferai beaucoup mieux la môme chose par le frère Profuturus Note (2) , que je me réjouis d'avoir envoyé vers vous, et qui aura l'avantage de vous entretenir, de se nourrir de votre conversation, d'en goûter les douceurs. Néanmoins, je doute fort qu'il s'en remplisse autant que je voudrais m'en remplir moi-même, ce que je dis sans prétendre ni diminuer son mérite, ni m'élever au-dessus de lui. Je me sens plus avide de vous, mais je m'aperçois bien qu'il s'emplit de jour ou jour, et en cela il me surpasse incontestablement. Lorsqu'il sera de retour, et, Dieu aidant, son voyage sera heureux, alors, quelque part qu'il me fasse des grands biens dont vous l'aurez comblé, il ne pourra jamais remplir tout le vide qui est en mon cœur, ni satisfaire le désir que j'ai d'entendre quelque chose de vous. Ainsi, je serai même alors le plus pauvre et lui sera le plus riche.
Au reste, notre frère porte avec lui quelques-uns de mes écrits. Si vous daignez les lire, je vous prie d'user d'une sincère et fraternelle sévérité. Je n'entends pas autrement ce qui a été dit: Le juste me reprendra et me corrigera avec miséricorde, mais l’huile du pécheur ne touchera point ma tête 1. On n'a pas entendu autre chose, si ce n'est que celui qui nous reprend pour nous corriger nous aime plus que celui qui verse sur nous le parfum de la flatterie. Quant à moi, je suis un assez mauvais juge de mes écrits, soit que la timidité me trompe, soit que l'amour propre m'aveugle. Je reconnais bien parfois mes défauts, mais j'aime mieux que des hommes éclairés me les signalent, de peur que, après les avoir corrigés, même avec justice, je ne vienne à me flatter encore, et à me persuader que ma censure est reflet de ma timidité plutôt que de ma raison.
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(1) Ps. CXL. 5.
Note (3) : Ce Profuturus devînt évêque de Cirta, aujourd'hui Constantine, lorsqu'il était sur le point de faire le voyage de la Terre-Sainte, et il mourut peu de temps après son élection. Ainsi donc, cette lettre ne fut point rendue en ce temps-là à saint Jérôme, comme le témoigne saint Augustin, dans sa lettre LXXIe, écrite au même saint Jérôme.
Fin de cette lettre.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
Fin de cette Lettre.LETTRE LXVI.Pages 407-409.À AUGUSTINAu Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Note (1) Augustin,
Jérôme, salut dans le Christ.
L'an passé; j'eus l'honneur de vous écrire par notre frère, le sous-diacre Astérius, et je vous priais d'agréer mes salutations empressées, qui, sans doute, vous ont été offertes. Maintenant encore je vous prie, par mon saint frère, le diacre Præsidius, de vous souvenir de moi ; ensuite, je vous recommande le porteur, qui est mon intime ami, et je vous conjure de lui rendre toutes sortes de bons offices, de l'assister dans tous ses besoins. Ce n'est pas, grâces au Christ, que rien lui manque , mais c'est qu'il désire passionnément l'amitié des gens de bien, et qu'il regarde comme un insigne bienfait qu'on la lui ait procurée. Vous pourrez apprendre de lui-même pourquoi il a navigué vers l'Occident.
Quant à moi, bien que retiré dans un monastère, je ne laisse pas d'être ballotté par les flots, ni de souffrir les incommodités de l'exil. Mais je crois en celui qui a dit : Ayez confiance, j ai vaincu le monde 1 , et par sa grâce, par sa protection, j'espère triompher de la malice du diable. Je vous prie d'assurer de mes services et de mon obéissance notre saint et vénérable frère, le pape Alipius. Les saints frères qui servent ici Dieu avec moi, s'empressent de vous saluer. Que le Christ, notre Seigneur tout-puissant, vous conserve dans une parfaite santé , et me donne quelque place en votre souvenir , ô Pape vraiment saint et vénérable.
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(1) Joan. XVI. 33.
Note (1) : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité.
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LETTRE LXVII.Pages 411-413.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur très-cher,
au frère très-digne de la plus sincère
et de la plus respectueuse affection,
à Jérôme co-prêtre, Augustin,
Je vous rends grâces de ce que, pour une salutation mise au bas d'une lettre, vous m'avez écrit une lettre toute entière, mais beaucoup trop courte, cependant. Je voudrais recevoir de longues missives d'un homme tel que vous, qui ne sauriez en dire assez, quelque étendue que vous donniez à vos discours.
Ainsi, quoique je sois accablé d'affaires étrangères et purement temporelles, j'aurais néanmoins de la peine à vous pardonner la brièveté de votre lettre, si je ne songeais que je vous ai écrit en très peu de mots. Entrez donc avec moi, je vous prie, dans cet échange de lettres, afin que la distance des lieux ne nous sépare point tout-à-fait.
Du reste, quand même nous cesserions de nous écrire, notre silence ne nous empêcherait pas d'être unis dans le Seigneur par un même esprit. Au surplus, dans les ouvrages que vous avez faits sur les saintes Écritures, nous vous trouvons presque tout entier. En effet, si nous ne vous connaissions point, parce que nous n'avons pas vu votre visage, alors vous ne vous connaîtriez pas non plus vous-même, puisque vous ne le voyez pas. Mais si vous n'êtes connu à vous-même que parce que vous connaissez votre esprit, nous vous connaissons assez bien par vos ouvrages, qui nous obligent de bénir le Seigneur de ce qu'il vous a donné de si grands talents pour vous, pour nous et pour tous nos frères qui vous lisent.
II y a, entre autres, un livre de vous qui m'est tombé depuis peu dans les mains; j'ignore encore quel en est le titre, car le codex ne le portait pas, comme de coutume, écrit à la première page. Celui de nos frères chez qui nous l'avons trouvé disait que vous l'avez intitulé : Épitaphe. Je pourrais croire que vous auriez jugé à propos de lui donner ce titre, s'il n'y avait que les auteurs déjà morts dont vous rappelassiez la vie et les ouvrages. Mais, comme vous y parlez des livres de plusieurs écrivains qui vivaient quand vous composiez ce traité, et qui vivent encore maintenant, je m'étonne que vous lui ayez donné, ou que l'on puisse croire que vous lui avez donné ce titre. Au surplus, il me semble que vous avez fait chose fort utile d'écrire cet ouvrage.
Dans le commentaire sur l'Épître de l'apôtre Paul aux Galates…
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXVII.Pages 413- 417.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur très-cher,
au frère très-digne de la plus sincère
et de la plus respectueuse affection,
à Jérôme co-prêtre, Augustin,SUITE
Dans le commentaire sur l'Épître de l'apôtre Paul aux Galates, j'ai trouvé aussi quelque chose qui me cause beaucoup de peine. En effet, si une fois l'on admet dans les saintes Écritures une sorte de mensonge officieux, quelle autorité leur restera-t-il ? Quel passage assez convaincant et assez fort y trouvera-t-on pour confondre la malice opiniâtre du mensonge; car, dès que l'on viendra à les citer, si celui avec qui l'on disputera se trouve être d'un autre sentiment, il dira que le passage mis en avant est un de ces mensonges officieux dont les écrivains sacrés se sont servis ? Et quel est celui qui ne pourra pas être soupçonné de cette dissimulation, si l'on peut croire et affirmer que l'Apôtre, après avoir dit d'abord: En tout ce que je vous écris, Dieu m'est témoin que je ne mens pas 1, a menti néanmoins , lorsqu'il a dit de Pierre et de Barnabé : lorsque je vis qu'ils ne marchaient pas droit, suivant la vérité de /'Évangile ? 2
Car, si ces deux Apôtres marchaient droit, Paul a menti; et s'il a menti en cette circonstance, où a-t-il dit vrai? Là où il aura parlé selon nos sentiments, prétendrons-nous qu'il a dit la vérité, et que là où il ne concorde pas avec nos opinions, il nous en impose par un mensonge officieux ? Si une fois on admet ce principe, l'on ne manquera pas de prétextes pour soutenir que, dans ces endroits, non-seulement il aura pu, mais encore qu'il aura dû parler contre sa pensée. Il n'est pas nécessaire que je m'étende davantage sur cette matière, spécialement avec vous, qui devinez les conséquences, dès que vous entrevoyez les choses. Aussi n'ai-je pas la présomption de vouloir enrichir de ma pauvreté le génie merveilleux que vous avez reçu du ciel, et suis-je persuadé que nul plus que vous n'est capable de corriger votre ouvrage.
Ce n'est pas de moi que vous devez apprendre dans quel sens il faut expliquer ce que dit l'apôtre Paul : J'ai vécu avec les Juifs, comme Juif, pour gagner les Juifs 3, puis le reste, qu'il ajoute par un sentiment de compassion et d'indulgence, mais non point par un esprit de mensonge ni de dissimulation; car il est comme une personne qui, servant un malade, se fait, en quelque sorte, malade avec lui, non point en feignant d'avoir la fièvre, mais en songeant, par un sentiment de condoléance, comment elle voudrait qu'on la servit, si elle était malade elle-même. Sans doute, Paul était Juif, et même étant devenu chrétien , il n'abandonna pas le culte que le peuple juif avait reçu, et qui était convenable pour le temps où il lui fut donné. Paul se soumit donc à ces cérémonies légales, quand déjà il était Apôtre du Christ; mais c'était afin de montrer qu'elles n'étaient point pernicieuses à ceux qui, même après avoir cru en Jésus-Christ, voudraient les observer suivant l'usage de la loi et la tradition de leurs pères, pourvu néanmoins qu'ils ne missent pas l'espoir de leur salut en des cérémonies qui n'étaient que la figure du salut véritable qui nous était arrivé par le Seigneur Jésus.
Voilà pourquoi l'Apôtre ne voulait pas qu'on les imposât aux gentils, qui n'y étaient point accoutumés, et que ce fardeau pesant et inutile détournait de la foi.
Si donc Paul réprimanda Pierre, ce ne fut point de…
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(1) Gal. I. 20. — (2) Ibid. II, 14. — (3) I. Cor. IX. 20.
Dernière édition par Louis le Jeu 11 Mar 2021, 6:57 am, édité 2 fois (Raison : Correction du nº de I. Cor. IX. 20; reformater le paragraphe nº 3.)
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXVII.Pages 417- 419.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur très-cher,
au frère très-digne de la plus sincère
et de la plus respectueuse affection,
à Jérôme co-prêtre, Augustin,SUITE
Si donc Paul réprimanda Pierre, ce ne fut point de ce qu'il observait les traditions des aïeux, puisqu'il pouvait les observer sans déguisement, et sans qu'on y trouvât à redire. Il est vrai qu'elles étaient devenues inutiles, mais, autorisées par la coutume, elles n'avaient rien qui fut capable de nuire.
Ce que Paul blâmait, c'est que Pierre contraignît les gentils à judaïser, ce qu'il ne pouvait faire sans donner à entendre que l'observation des cérémonies de la loi était nécessaire au salut, même après la venue du Seigneur, opinion que Paul, ce ministre de la vérité, combattit sans cesse, pendant son apostolat.
Pierre aussi était convaincu de l'inutilité des cérémonies judaïques, mais il les observait, par égard pour ceux qui étaient sortis de la Circoncision. C'est donc sans feinte qu'il a été repris, et c'est la vérité que Paul a racontée. Si l'on admet le mensonge dans la sainte Écriture, qui est venue jusqu'à nous pour rétablissement de la foi, il n'y aura plus rien dans ces Livres sacrés qui ne soit incertain et flottant, qui ne menace ruine. On ne saurait dire, et il ne faudrait pas même s'en expliquer par écrit; combien de maux effrayants il en résulterait, si le principe était admis. Nous pourrions parler de cela plus commodément et avec moins de danger, s'il nous était donné de nous entretenir tête à tête.
Paul répondait donc seulement à ce qu'il y avait de mauvais parmi les Juifs.
II rejetait surtout leur fausse idée de la justice ; car, ne connaissant pas celle de Dieu, et voulant établir la leur propre, les Juifs ne s'étaient pas soumis à celle de Dieu 1.
II les blâmait ensuite de ce que, même après la Passion et la Résurrection du Christ, après la publication et l'établissement du sacrement de la grâce, suivant l'ordre de Melchisédec, ils pensaient encore qu'il fallait observer les anciennes cérémonies, non-seulement parce que la coutume les autorisait, mais aussi parce qu'ils les croyaient nécessaires au salut. Elles avaient été nécessaires, sans doute, car autrement les Macchabées eussent bien en vain souffert le martyre pour elles.
Enfin, il blâmait les Juifs de ce qu'ils persécutaient, comme ennemis de la loi, les prédicateurs de la grâce du Christ.
Voilà les erreurs, voilà les vices qu'il condamne, et qu'il regarde, dit-il, comme des maux et du fumier, afin de gagner le Christ 2; mais il ne condamnait pas…
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(1) Rom. X. 3. — (2) Philipp. III. 8.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXVII.Pages 419-423.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur très-cher,
au frère très-digne de la plus sincère
et de la plus respectueuse affection,
à Jérôme co-prêtre, Augustin,SUITE
Voilà les erreurs, voilà les vices qu'il condamne, et qu'il regarde, dit-il, comme des maux et du fumier, afin de gagner le Christ 2; mais il ne condamnait pas les cérémonies de la loi, pourvu qu'on les observai comme les observaient les anciens, comme il les avait pratiquées lui-même, sans croire nullement qu'elles fussent nécessaires au salut, et non point comme ils croyaient, eux, qu'il fallait les observer, ni avec cette dissimulation qu'il reprochait à Pierre.
Si l'on prétend que Paul, en observant les cérémonies, voulut faire semblant d'être Juif, afin de gagner les Juifs, pourquoi ne sacrifia-t-il pas aussi avec les gentils, puisque, dans la vue de les gagner, il vécut avec ceux qui ne savaient point de loi, comme s'il n'en eût point eu lui-même 1? — Il observa les cérémonies anciennes, parce qu'il était né Juif; et quand il tenait le langage que nous avons entendu, ce n'était pas qu'il feignit d'être ce qu'il n'était point, mais c'était qu'il croyait devoir, par charité, s'accommoder à leur faiblesse, comme s'il eût été dans la même erreur qu'eux; il obéissait en cela non point aux exigeances de la dissimulation, mais à un sentiment de compatissance affectueuse.
Aussi, quand il dit au même endroit, parlant en général : Je me suis rendu faible avec les faibles, pour gagner les faibles; c'est afin qu'on en conclue que lorsqu’il ajoute : Je me suis fait tout à tous, pour les sauver tous 2, il agissait par une pensée de commisération, qui lui rendait propres les faiblesses de chacun. Lorsqu'il disait ailleurs : Qui donc est faible, sans que je ne m'affaiblisse avec lui 3, il voulait donner à entendre, non point qu'il feignait d'être faible avec les faibles, mais bien qu'il compatissait à leurs faiblesses.
Ainsi, je vous en prie, armez-vous, pour corriger et retoucher votre ouvrage, armez-vous de cette sévérité droite et vraiment chrétienne, que la charité inspire, et, comme on dit, chantez la palinodie ; car la vérité des chrétiens est incomparablement plus belle que l'Héléna des Grecs, et nos martyrs ont combattu plus vaillamment pour celle-là contre Sodome, que les héros de la Grèce n'ont fait pour celle-ci contre la ville de Troie.
Je ne vous tiens pas ce langage, afin que vous recouvriez les yeux de l'esprit Note (1), que vous êtes bien loin d'avoir perdus; mais je veux vous dire que, quelque sains et quelque clairvoyants qu'ils soient, vous les avez néanmoins détournés par je ne sais quelle inadvertance, puisque vous n'avez pas songé aux choses fâcheuses qui pourraient s'ensuivre, si l'on venait une fois à croire qu'un écrivain sacré a pu, sans forfaire à la convenance ni à la piété, user de mensonge en quelque endroit de son ouvrage.
Je vous écrivis, il y a déjà du temps…
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(2) Philipp. III. 8. — (1) I. Cor. I. 11. — (2) I. Cor. IX. 22. — (3) II. Cor. XI. 29.
Note (1) : Saint Augustin fait allusion à ce que l’on raconte au sujet de Stésichore. Ce poète, dit-on, ayant attaqué, dans ses vers, la réputation d'Hélène, Castor et Pollux, ses frères, le punirent de sa témérité, en le privant de la vue. Ce châtiment le rendit sage, puis, comme il chanta la palinodie dans un ouvrage fait en l'honneur d'Hélène, il recouvra, par ce désaveu public, l'usage des yeux.
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Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXVII.Pages 423-427.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur très-cher,
au frère très-digne de la plus sincère
et de la plus respectueuse affection,
à Jérôme co-prêtre, Augustin,SUITE
Je vous écrivis, il y a déjà du temps, une lettre qui ne vous a point été remise, parce que celui que j'avais chargé de vous la porter n'a pas fait le voyage. Il me vint en pensée, lorsque j'écrivais cette lettre, de vous dire ce que je ne dois pas oublier de vous dire aujourd'hui, c'est que si vous n'êtes pas de mon avis, et que votre sentiment soit le meilleur, vous devez me pardonner volontiers mes appréhensions. En effet, si vous êtes d'un autre sentiment que moi, et si vous avez la vérité pour vous, — car, sans cela, notre sentiment ne peut être le meilleur, — vous conviendrez que je ne suis pas bien coupable, supposé que je le sois, d'avoir pris par ignorance le parti de la vérité, puisqu'il est permis aux autres de se servir de la vérité pour autoriser le mensonge.
Quant à ce que vous avez daigné me mander au sujet d'Origène, je savais déjà que non-seulement dans les lettres ecclésiastiques, mais encore dans toutes sortes de livres, on doit approuver et louer ce que l'on y trouve de bon et de vrai, puis condamner et censurer ce que l'on y rencontre de mauvais et de faux. Mais ce que je désirais et désire encore de votre prudence et de votre savoir, c'est que vous me fassiez connaître en quoi ce grand homme s'est écarté de la vraie foi. Quant au livre où vous avez rappelé tous les écrivains ecclésiastiques dont vous avez pu vous souvenir, et où vous indiquez leurs ouvrages, il me semble que, en nommant des hommes que vous savez être hérétiques , — et vous n'avez pas même voulu passer sous silence de telles gens, — il me semble qu'il serait bien de dire quelles sont, chez eux, les erreurs contre lesquelles on doit se tenir en garde.
Comme néanmoins vous en laissez quelques-uns de côté, je voudrais savoir pourquoi vous le faites. Si c'est de peur de charger votre ouvrage que, en nommant les hérésiarques, vous ne dites point quelles sont les choses condamnées en eux par l’autorité catholique, veuillez, après les ouvrages que, par la grâce de notre Seigneur, vous avez déjà composés en langue latine, et qui ont enflammé, qui ont aidé grandement les études des saints, veuillez, je vous prie, nous accorder encore ce que la charité fraternelle vous demande par ma bassesse; et, si vos occupations le permettent, exposer dans quelque petit traité les doctrines perverses des hérétiques qui, jusqu'à ce jour, se sont efforcés ou par imprudence ou par impéritie, ou par opiniâtreté, de corrompre la pureté de la foi chrétienne. Accordez-nous cela en faveur de ceux qui, tout occupés d'autres affaires, ou trop peu versés dans la connaissance des langues, ne peuvent pas lire los livres dont ils auraient besoin pour s'instruire de celle matière.
Je vous presserais davantage, si je n'appréhendais que ce ne fût trop se défier de votre charité.
Au reste, je recommande spécialement à votre bonté Paul notre frère en Jésus-Christ; il est estimé dans nos contrées, et je rends, devant Dieu, ce témoignage à sa vertu.
Fin de cette Lettre.
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Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
Fin de cette Lettre.LETTRE LXVIII.Pages 427-429.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur très-cher et très-aimé,
au frère très-honorable dans le Christ,
à Jérôme co-prêtre,
Augustin, salut dans le Seigneur.
J'ai appris que ma lettre est arrivée entre vos mains; et, quoique je n'aie point encore reçu de réponse, je me garderai bien d'accuser votre affection. Quelque chose apparemment vous a empêché de m'écrire. Aussi, je comprends que je dois prier le Seigneur qu'il vous donne une occasion de m'adresser une lettre. Quant à la lettre même, elle est déjà faite, car elle le sera facilement, dès que vous voudrez qu'elle le soit.
On m’a raconté une chose que j'ai peine à croire, mais dont je ne puis hésiter à vous parler. C'est très simple, du reste: je ne sais quels d'entre nos frères vous ont donc fait entendre, m'a-t-il été dit, que j'aurais composé un livre contre vous, et que je l'aurais envoyé à Rome. Sachez que cela est faux. Je prends à témoin Dieu notre Seigneur, que je n'ai rien fait de semblable. Si, par hasard, on trouve, dans mes ouvrages, quelque chose de contraire à vos sentiments, vous devez bien voir, je crois, ou du moins vous devez croire que je l'ai écrit non point contre vous, mais afin d'expliquer mon opinion. Je vous dis cela pour vous montrer que, s'il y a, dans mes écrits, quelque chose qui vous ait fait de la peine, je suis prêt non-seulement à recevoir fraternellement vos avis, — car j'aurai le plaisir ou de me corriger, ou de recevoir une preuve de votre amitié, — mais encore que je vous les demande avec la plus vive instance.
Oh ! que ne puis-je, sinon demeurer avec vous, du moins vous avoir pour voisin dans le Seigneur, et goûter fréquemment les charmes de votre conversation ! Mais puisque cette grâce ne m'est point accordée, veuillez, je vous prie, conserver et accroître le seul moyen que nous ayons d'être ensemble dans le Seigneur , et ne pas dédaigner quelques lettres assez rares. Saluez, de ma part, le saint frère Paulinianus, puis tous les frères qui se glorifient de servir Dieu avec nous. Gardez notre souvenir, et puissiez-vous être exaucé de Dieu, dans tous vos saints désirs, Seigneur très-cher, frère très-aimé et très-honorable en Jésus-Christ.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXIX.Pages 431-433.JÉRÔME À AUGUSTINAu Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.note de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Au moment même du départ de notre saint fils, le sous-diacre Astérius, mon ami, j'ai reçu la lettre par laquelle votre Béatitude m'assure qu'Elle n'a envoyé aucun écrit à Rome contre moi. On ne m'avait pas dit que vous l'eussiez fait; seulement j'avais vu la copie d'une certaine lettre, qui semblait s'adresser à moi, et qui a été apportée ici par notre frère le diacre Sysinnius, puis dans laquelle vous m'engagez à chanter la palinodie sur un certain passage de l'Apôtre, et à imiter Stésichore, qui, ayant dénigrée et loué tour-à-tour Héléna, mérita, en la louant, de recouvrer la vue, qu'il avait perdue en la dénigrant.
Pour moi, je vous l'avouerai franchement, quoiqu'il m'ait semblé voir dans cette lettre votre style et votre manière de raisonner, j'ai cru néanmoins que je ne devais pas légèrement ajouter foi à une simple copie, de peur que, blessé de ma réponse, vous n'eussiez droit de vous plaindra, et ne dis[s]iez qu'il me fallait, avant d'y répondre, prouver d'abord que cette lettre était de vous. La longue maladie de la sainte et vénérable Paula est encore venue retarder ma réponse. Retenu sans cesse auprès d'elle, à cause de sa souffrance, j'ai presque perdu le souvenir de la lettre, soit qu'elle vienne de vous, soit qu'elle vienne de quelqu'un qui l'a écrite sous votre nom. Je ne l'ignore pas, c'est de la musique en des jours de deuil qu'un discours importun 1. Si donc vous êtes l'auteur de cette lettre, écrivez-le-moi franchement, ou envoyez-m'en une copie plus fidèle, afin que nous disputions sans aigreur sur les Écritures, et que je puisse ou corriger mes fautes , ou montrer que c'cst à tort qu'on les a relevées.
Pour moi, à Dieu ne plaise que j'ose censurer quelque chose dans les livres de votre Béatitude. Je me contente d'examiner les miens, sans entreprendre de critiquer ceux d'autrui. Au reste, votre Prudence sait très bien que chacun abonde en son sens, et qui n'appartient qu'à un jeune homme de vouloir, par une sotte vanité, se faire de la réputation en attaquant des personnes d'un mérite distingué.
De même que vous n'êtes point choqué de ce que j'ai des opinions différentes des vôtres, de même ne suis-je point assez stupide pour m'offenser de ce que vos sentiments ne ressemblent pas aux miens. Nos amis, toutefois, ont le droit de nous reprendre, lorsque, ne voyant pas notre besace, nous allons, suivant le langage de Perse, considérer la besace des autres.
Que reste-t-il ? aimez quelqu'un qui vous aime, et jeune, gardez-vous, dans le champ des Écritures, de provoquer un vieillard...
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(1) Eccl. XXII. 6.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXIX.Pages 433-435.JÉRÔME À AUGUSTINAu Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITEnote de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français celle petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Que reste-t-il ? aimez quelqu'un qui vous aime, et jeune, gardez-vous, dans le champ des Écritures, de provoquer un vieillard. J'ai eu mon temps, moi, et j'ai couru autant que j'ai pu. Aujourd'hui que vous courez ; et que vous dépassez la carrière par moi four- nie, il m'est dû un peu de repos. Mais permettez , je vous prie, que j'emploie, à mon tour, quelque trait des poètes, et que je vous fasse souvenir de Darès Note (1) et d'EntelIus, aussi bien que de cet axiome : Le bœuf las pose un pied plus ferme. C'est avec tristesse que je vous parle de la sorte. Plût à Dieu que je méritasse de recevoir vos embrassements, et que nous pussions, en de mutuels entretiens, apprendre quelque chose l'un de l'autre !
Calphurnius, surnommé Lanarius Note (2), m'a envoyé un libelle où il me déchire avec son audace ordinaire. J'ai appris qu'il a eu soin également de le faire passer jusqu'en Afrique. J'en ai réfuté une portion en peu de mots, et vous ai envoyé une copie de cet écrit, me proposant de vous envoyer encore, lorsque j'aurai le temps de la faire, et à la première occasion, une plus ample réponse. Dans celle-ci, j'ai bien pris garde de flétrir, en quoi que ce soit, sa bonne réputation de chrétien, et je me suis borné à réfuter les impostures, les sottises que son impéritie et son extravagance lui ont prêtées.
Souvenez-vous de moi, saint et vénérable Pape. Voyez combien je vous aime, puisque je ne veux pas même répondre , quand je suis provoqué, ni vous attribuer ce que peut-être j'aurais condamné dans un autre. Mon frère, qui est aussi le vôtre, vous salue très humblement.
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Note (1) : Darès était un jeune homme qui, ayant voulut lutter contre Entellus, vieux, mais vigoureux athlète, fut vaincu, honteusement.
Note (2) :
Fin de cette Lettre.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXX.Pages 3-7.AUGUSTIN À JÉRÔMEAu Seigneur vénérable et désirable,
au saint frère et co-prêtre Jérôme,
Augustin,
salut dans le Seigneur.
Depuis que j ai commencé à vous écrire et a désirer de vos lettres, jamais il ne m'est venu meilleure occasion de vous adresser une missive que par un serviteur de Dieu, un fidèle ministre du Christ, un ami très cher, tel qu'est notre fils, le diacre Cyprien. Je compte si bien recevoir de vos lettres par lui, qu'il n'est rien, en ce genre, sur quoi je doive plus sûrement compter; car notre fils ne manquera ni d'empressement pour les demander, ni d'aménité pour les obtenir, ni d'exactitude pour les conserver, ni de zèle pour me les apporter, ni de fidélité pour me les rendre. Il ne me reste plus qu'à prier le Saigneur, si toutefois je mérite cette grâce, de vous rendre favorable à mes désirs, et de faire que nulle volonté plus puissante ne vienne dominer la vôtre.
Ainsi, puisque je vous ai déjà écrit deux lettres, sans recevoir de vous aucune réponse Note (1), je crois devoir vous en renvoyer une copie, pensant bien qu'elles ne vous ont pas été remises. Mais si elles vous sont parvenues, et si c'est moi qui n'ai point reçu les vôtres, envoyez-moi, dans le cas où vous l'auriez gardé, le contenu de ces lettres envoyées déjà; si vous ne l'avez pas gardé, écrivez-moi une seconde fois, touchant les choses sur lesquelles j'attends votre réponse depuis long-temps. Je vous envoie même la première lettre que je vous adressais, n'étant encore que prêtre. Elle vous devait être portée par un de nos frères, nommé Profuturus Note (2), qui fut ensuite mon collègue, et qui est mort à présent. Il ne put alors vous la porter, parce qu'il fut chargé du fardeau de l'épiscopat, au moment même où il se disposait à partir, et qu'il mourut peu de jours après. Cette lettre vous montrera combien il y a long-temps que je souhaite m'entretenir avec vous, combien je souffre de me voir privé de votre présence et du plaisir de répandre mon cœur dans le vôtre, ò mon frère très cher et très honorable parmi les membres du Seigneur.
J'ajouterai ici, — et nous avons depuis lors appris cela,— que vous avez traduit Job d'hébreu en latin , après avoir déjà donné, d'après le grec, une version latine du même prophète, version dans laquelle vous avez désigné par des astérisques ce que l'hébreu contient de plus que le grec, et par des obèles ce qu'il y a dans le grec de plus que dans l'hébreu, agissant en cela avec tant d'exactitude que, en certains endroits, nous voyons près de chaque mot une étoile, qui signifie que ces mots sont dans l'hébreu , mais ne se trouvent pas dans le grec.
Or, cette dernière version, faite sur l'hébreu, n'est point aussi exacte que l'autre, et l'on n'est pas médiocrement étonné que, ayant pris tant de soin, dans la première, de marquer avec des astérisques les moindres particules mêmes qui manquent dans le grec, mais qui sont dans l'hébreu, vous n'ayez pas en l'autre version, qui est faite sur l'hébreu, mis la même exactitude à placer à l'endroit voulu ces mêmes particules. Je voulais vous en donner ici quelque exemple, mais je n'ai point, pour le moment, votre traduction d'après l'hébreu.
Cependant, comme vous avez une grande pénétration d'esprit, vous comprenez assez, je pense, non-seulement ce que j'ai dit, mais encore ce que j'ai voulu dire, et vous me donnerez sur cela quelque éclaircissement.
Pour moi, j'aimerais mieux que vous nous traduisissiez les Écritures d'après la version des Septante; car…
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Note (1) :Il s'agit ici de ce que saint Augustin avait blâmé dans le Commentaire de saint Jérôme sur cet endroit de l'épitre aux Galates, où il est parlé de la correction que saint Pierre fit à saint Paul.
Note (2) : PROFUTURUS était un saint religieux, qui avait été formé à la piété dans le monastère d'Hippone et sous la conduite de saint Augustin. Celui-ci aimait tellement, ce cher disciple que, dans la lettre qu'il lui écrit, il l’appelle un autre lui-même. Il avait aussi en lui une confiance si particulière, qu'il lui communiquait les plus intimes secrets de son cœur; on voit une preuve de cette confiance, dans la mission même dont il le chargea auprès de saint Jérôme. Dans le temps où il se disposait à aller vers le solitaire, il fut fait évêque de Cirta, aujourd'hui Constantine, et mourut bientôt après.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXX.Pages 7-13.AUGUSTIN À JÉRÔMEAu Seigneur vénérable et désirable,
au saint frère et co-prêtre Jérôme,
Augustin,
salut dans le Seigneur.SUITE
Pour moi, j'aimerais mieux que vous nous traduisissiez les Écritures d'après la version des Septante; car, si plusieurs églises se servent de votre traduction et la lisent publiquement, il sera très fâcheux que les églises latines ne soient pas en cela d'accord avec les églises grecques, d'autant plus que, en présentant le texte d'une langue fort connue, on convainc facilement ceux qui trouvent à redire à notre version latine. Si, en effet, dans une traduction d'hébreu en latin, quelqu'un s'arrête à une chose insolite et vous accuse d'avoir falsifié un passage, il sera bien difficile, il sera impossible même de remonter aux sources hébraïques, pour réfuter l'objection. Quand on y arriverait encore, comment souffrir le rejet de tant de versions grecques et latines, qui sont d'une si grande autorité dans l'Église ? D'ailleurs, si nous consultions les Hébreux, il pourrait se faire qu'ils ne répondissent point en notre faveur. Ainsi nous serions obligés de recourir à vous pour les convaincre eux-mêmes; toujours aurions-nous de la peine à trouver quelqu'un qui puisse juger la chose.
En effet, il est arrivé qu'un évêque, de nos confrères, ayant ordonné qu'on lût votre version dans l'Église dont il est chef, on s'étonna que vous eussiez traduit un endroit du prophète Jonas d'une manière toute différente de celle que le peuple avait accoutumé d'entendre, et qui de tout temps avait été usitée chez eux. Une telle rumeur s'éleva, les Grecs surtout vous accusant hautement d'avoir falsifié le passage, que l'évêque fut contraint de consulter les Juifs, — car il y en avait beaucoup dans la ville, — et, soit par ignorance, soit par malice, ils lui répondirent que les livres hébreux présentaient bien ce que portaient les livres grecs et latins. Qu'en advint-il? l'évêque fut contraint, comme si cet endroit eut été fautif, de le corriger, afin de retenir son peuple qui avait été sur le point de l'abandonner. Je juge donc par là que vous pouvez bien vous être mépris en certaines choses, et je vous laisse à penser de quelle conséquence cela peut être dans des versions que l'on ne saurait vérifier par des originaux dont la langue n'est pas en usage.
C'est pourquoi je rends à Dieu de grandes actions de grâces de ce que vous avez traduit l'Évangile de grec en latin; car, en conférant votre version avec le texte grec, on s'aperçoit qu'elle n'a presque pas une tache; de manière que si quelqu'un veut encore se déclarer en faveur des anciennes versions, qui sont pleines de fautes, il suffit, pour l'éclairer ou le confondre, de produire l'orignal et de le confronter avec votre traduction. Si l'on y trouve quelque chose à redire, ce qui est très rare, où est le critique assez impitoyable pour ne rien pardonner à un ouvrage aussi utile, et qu'on ne saurait assez admirer ?
Mais, dites-moi, je vous prie, d'où vient, selon vous, cette différence qui existe en plusieurs endroits entre le texte hébreu et la version grecque dite des Septante? Daignez me dire ce que vous en pensez ; car enfin celle-ci doit être d'une grande autorité, puisqu'elle est devenue si célèbre, et que les apôtres mêmes s'en sont servis, comme on le voit par leurs citations, et comme vous le dites, si je m'en souviens bien. Vous rendriez donc un grand service, si vous nous donniez une version latine du grec des Septante, et plus pure et plus exacte que celle dont nous nous servons ; car nos exemplaires sont si différents qu'on peut à peine les souffrir , et si peu corrects, qu'on hésite à en tirer quelque passage, de peur qu'il ne se trouve pas conforme au texte grec.
Je pensais que cette lettre serait courte, mais je me suis insensiblement laissé aller au plaisir de vous écrire plus au long, tout comme si je m'étais entretenu avec vous. Je vous supplie, au nom du Seigneur, de me répondre sur toutes ces choses ; et de me donner ainsi, autant que vous le pourrez, la consolation de vous voir.
Fin de cette Lettre.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXI.Pages 13-17.JÉRÔME À AUGUSTINAu Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.note de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français celle petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Vous m'adressez de fréquentes lettres, et vous me pressez bien souvent de répondre à une de vos lettres, dont notre frère le diacre Sysinnius m'a remis, comme je vous l'ai déjà mandé, une copie qui n'était pas signée de votre main. Vous me dites que vous en aviez chargé d’abord le frère Profuturus, ensuite quelqu'un d'autre ; que celui-là avait été détourné de son voyage qu'on l'avait nommé évêque et qu'il avait été enlevé par une mort précipitée; que celui-ci, dont vous passez le nom sous silence avait appréhendé les dangers de la navigation et avait changé de dessein. S'il en est ainsi, je ne saurais assez m'étonner que cette lettre comme je l'ai ouï dire soit entre les mains de tout le monde et à Rome et en Italie, et que moi, à qui seul elle était adressée, je sois le seul qui ne l'aie pas reçue. J'en suis d'autant plus étonné que le même Sysinnius m'a dit avoir trouvé cette lettre, il y a cinq ans environ, parmi quelques-uns de vos ouvrages, non point en Afrique, ni chez vous, mais dans une île de l'Adriatique.
Il faut, en amitié, bannir toute suspicion, et parler à un ami comme à un autre soi-même. Quelques-uns de mes amis, grands serviteurs du Christ, — il y en a un fort grand nombre à Jérusalem et dans les saints lieux, — ont voulu me persuader que vous n'avez point agi en cela sans intention, mais que vous avez cherché à faire du bruit, à capter l'estime et les vains applaudissements des hommes, à vous acquérir de la réputation à mes dépens, en montrant à tout le monde que vous me provoquez, et que je vous crains; que vous écrivez, parce que vous êtes savant; que je me tais, parce que je suis ignorant; qu'enfin j'ai trouvé un homme qui a su m’imposer le silence et mettre un frein à ma démangeaison de parler.
Pourquoi, je l'avouerai franchement à votre Révérence, ce qui m'a d'abord empêché de répondre à cette lettre, c'est que je ne voyais pas nettement qu'elle fût de vous et que je ne vous croyais pas capable de m'attaquer avec un glaive trempé dans le miel, comme dit le proverbe. J'appréhendais ensuite qu'on ne m'accusât de répondre arrogamment à un évêque de ma communion et de critiquer avec amertume la lettre de mon censeur en certains endroits surtout qui me semblent hérétiques Enfin, je craignais de vous donner quelque sujet de vous plaindre avec raison et de dire: Quoi donc? aviez-vous vu ma lettre? aviez-vous dans la signature les traces d'une main connue? deviez-vous être si facile à outrager un ami et à lui imputer la malice d'un autre ?
Je vous prie donc encore une fois ou de m'envoyer cette même lettre signée de votre main, ou de ne plus attaquer désormais un vieillard caché dans sa cellule. Que si vous voulez exercer ou étaler votre savoir, cherchez ces jeunes gens nobles et diserts, qui, dit-on, sont fort nombreux à Rome, et qui pourront, qui oseront vous tenir tête, puis disputer avec un évêque sur les questions des saintes Écritures. Pour moi, qui fus soldat, et qui suis aujourd'hui vétéran, je dois célébrer vos victoires et celles des autres; mais je ne saurais combattre, ayant le corps tout cassé de vieillesse. Ne me pressez donc pas davantage de répondre à votre lettre, de peur que je ne me rappelle l'histoire de Q. Maximus, qui sut, par sa patience, rompre les desseins du jeune Hannibal,, enflé de ses victoires.
L'âge affaiblit tout, jusqu'à l'esprit. II me souvient que souvent, lorsque j'étais jeune, je passais des journées entières à chanter. Maintenant, j'ai oublié tous ces chants. Mœris même a presque entièrement perdu la voix.Virg. Êglog. IX. 51.
Mais, pour insister spécialement sur les saintes Écritures…
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Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXI.Pages 17-19.JÉRÔME À AUGUSTINAu Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITEnote de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français celle petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Mais, pour insister spécialement sur les saintes Écritures, lorsque Berzellaï, de Galaad, délègue à son fils. jeune encore, le soin de lui faire toutes les grâces qu'il voulait lui accorder, et tous les plaisirs de la cour du prince, il montre bien assez qu'un vieillard ne doit ni désirer, ni accepter des joies semblables.
Vous me protestez que vous n'avez pas écrit, que par conséquent vous n'avez pas envoyé à Rome de livre contre moi; et que, s'il se trouve dans vos ouvrages quelque chose de contraire à mes sentiments, vous n'avez eu aucune intention de me blesser, mais que vous avez seulement voulu dire ce que vous pensez. Je vous prie de m'écouter en toute patience. Vous n'avez pas écrit de livre ! Mais comment donc m'a-t-on apporté des copies de la censure que vous avez faite de mes ouvrages? Pourquoi l'Italie possède-t-elle ce que vous n'avez point écrit? Pourquoi demandez-vous que je réponde à des choses que vous prétendez n'avoir pas écrites ? Je ne suis point assez stupide pour me croire offensé parce que vous ne penserez pas comme moi. Que si vous relevez soigneusement toutes mes paroles, si vous me demandez compte de mes ouvrages, si vous m'obligez à corriger mes écrits, si vous m'engagez à chanter la palinodie, si vous m'arrachez les yeux, alors, l'amitié est blessée, alors les plus saintes lois sont violées.
Ne nous battons pas comme des enfants, ne donnons pas lieu à nos amis ou à nos détracteurs d'entrer en contention pour nous…
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
Fin de cette Lettre.LETTRE LXXI.Pages 19-21.JÉRÔME À AUGUSTINAu Seigneur vraiment saint,
au bienheureux pape Augustin,
Jérôme,
salut dans le Seigneur.SUITEnote de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français celle petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Ne nous battons pas comme des enfants, ne donnons pas lieu à nos amis ou à nos détracteurs d'entrer en contention pour nous. Je vous écris tout cela, parce que je désire vous aimer d'une manière sincère et chrétienne, et ne rien garder dans le cœur qui puisse démentir mes paroles; car il ne convient pas que, après avoir vécu depuis ma jeunesse jusqu'à ce jour, avec les saints frères, dans les austérités du cloître, j'ose écrire quelque chose contre un évêque de ma communion , contre un évêque que j'ai commencé à aimer avant de le connaître; qui le premier m'a demandé mon amitié, et que j'ai vu avec joie me succéder dans la science des divines Écritures.
Ainsi donc, ou bien désavouez votre livre, si par hasard vous n'en êtes pas l'auteur, et ne me pressez pas davantage de répondre à un écrit qui n'est pas vôtre, ou bien, s'il est de vous, confessez-le ingénûment, afin que, si j'écris quelques mots pour ma défense, vous ne vous en preniez qu'à vous-même, qui m'avez provoqué, et non point à moi, que vous avez contraint de répondre.
Vous ajoutez en outre que, s'il y a quelque chose dans vos écrits qui me fasse de la peine, et que je veuille corriger, vous accepterez fraternellement la censure. Vous me dites que, dans votre affection pour moi, non-seulement vous vous en réjouissez, mais vous me suppliez même de le faire. Je vous répète ma pensée. Vous défiez un vieillard, vous harcelez un homme qui se tait, vous semblez faire ostentation de votre savoir. Il me siérait peu, à mon âge, de montrer quelque malveillance contre celui dont je dois plutôt favoriser les intérêts.
Au reste, si des hommes pervers trouvent de quoi blâmer dans les Évangiles et dans les Prophètes, devez-vous être surpris que, dans vos livres, et surtout dans ceux où vous expliquez les Écritures, qui sont très obscures, on aperçoive certaines choses qui semblent s'écarter de la droite ligne ?
Si je tiens ce langage, ce n'est pas que je trouve dans vos écrits quelque chose de répréhensible, car je ne les ai jamais lus, et il n'y en a pas beaucoup d'exemplaires ici, nous avons seulement vos Soliloques et quelques commentaires que vous avez faits sur les psaumes. Encore, si je voulais les examiner de près, je vous montrerais que vous n'êtes nullement d'accord, je ne dis point avec moi, qui ne suis rien, mais avec les anciens interprètes grecs.
Adieu, mon très cher ami, vous, mon fils par votre âge, et mon père par votre dignité. Ayez soin, je vous prie, toutes les fois que vous m'écrirez, de faire en sorte que je reçoive vos lettres le premier.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXII.Pages 23-25.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur vénérable,
au frère bien-aimé, à Jérôme co-prêtre
Augustin,
salut dans le Seigneur.
Je ne doute pas que vous n'ayez reçu, avant celle-ci, la lettre que je vous ai envoyée par le serviteur de Dieu, notre fils, le diacre Cyprianus, qui a dû vous faire connaître d'une manière indubitable que la lettre dont vous me dites avoir vu une copie est véritablement de moi. C'est là, je m'imagine, ce qui m'a attiré cette réponse où vous me portez des coups de ceste aussi rudes et aussi terribles que ceux qu'Entellus Note (1) portait à l'audacieux Darès. Je ne laisserai pas néanmoins de répondre à la lettre que vous avez daigné m'envoyer par notre saint fils Astérius, et dans laquelle j'aperçois des signes nombreux d'une très sincère amitié, mais où se montre aussi quelque aigreur contre moi, de façon que là où je rencontrais les choses les plus flatteuses, là même j'étais soudainement frappé.
Ce qui m'étonne surtout, c'est que, après m avoir dit que vous n'avez pas cru devoir ajouter foi légèrement à une simple copie de ma lettre, de peur de me donner le droit de vous dire qu'il vous eût fallu, avant d'y répondre, vous assurer si j'en suis l'auteur, vous ne laissiez pas de vouloir m'obliger, supposé qu'elle vienne de moi, à vous le déclarer sans détour, et à vous en envoyer une copie plus fidèle, afin que nous puissions disputer sans la moindre aigreur sur le sens des Écritures.
Comment, en effet, pouvons-nous disputer sans aigreur, si vous vous disposez à me blesser ? Ou bien, si vous n'êtes pas dans cette disposition, comment se peut-il faire que, ne trouvant rien de choquant dans votre réponse, je me plaigne de vos procédés à mon égard, et vous objecte que, avant de me répondre, c'est-à-dire, avant de me choquer, vous deviez vous assurer si je suis l'auteur de la lettre en question? Car enfin, si je n'étais point offensé de votre réponse, je n'aurais aucun sujet de vous en faire des reproches. Puisque vous ne me répondez que d'une manière outrageante, comment sera-t-il possible qu'il n'entre aucune aigreur dans nos discussions sur les Écritures?
Pour moi, à Dieu ne plaise que je me pique, si vous voulez et si vous pouvez me démontrer, par de bonnes raisons, que vous avez mieux compris que moi le sens véritable de l'épître de l'Apôtre, ou de quelque autre passage des Écritures ! A Dieu ne plaise même que je ne reçoive pas vos conseils avec une grande reconnaissance, et que je ne profite point, ou de vos leçons, pour m'instruire, ou de vos censures, pour me corriger!
Au reste, frère très cher, vous ne penseriez pas que votre réponse pût me faire de la peine…
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Note (1) : ENTELLUS, était un vieux lutteur qui, dans ces jeux qu'Enée célébra en l'honneur de son père Anchise, fut défié au combat par Darès, et qui, tout cassé qu'il était, donna encore des marques de sa force, en assommant un taureau d'un coup de poing.
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Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXII.Pages 25-29.AUGUSTIN À JÉRÔME.Au Seigneur vénérable,
au frère bien-aimé, à Jérôme co-prêtre
Augustin,
salut dans le Seigneur.SUITE
Au reste, frère très cher, vous ne penseriez pas que votre réponse pût me faire de la peine, si vous n'aviez été blessé de ma lettre, et je ne vous crois pas capable de me répondre d'une manière offensante, si vous n'aviez sujet de croire que je vous ai offensé le premier. Que si vous avez cru que je serais assez stupide pour m'offenser d'une réponse qui n'aurait rien de désobligeant, cette idée-là. même que vous avez de moi est un outrage réel. Mais comment donc me croiriez-vous assez sot pour en venir là, vous qui jamais n'avez aperçu en moi aucun trait d'une telle extravagance, et qui n'avez pas voulu m'attribuer témérairement une lettre, où néanmoins vous reconnaissiez mon style?
Car, si vous avez eu raison de penser que, en m'attribuant, sans aucune preuve, une lettre qui ne serait pas de moi, vous me donneriez par là même un juste sujet de me plaindre de vous, quel sujet ne m'en donneriez-vous pas, si vous veniez, sans aucun fondement et contre votre propre expérience, vous former de moi une idée aussi désavantageuse? Vous ne pourriez vous oublier jusques à croire que, s'il n'y avait rien de choquant dans votre réponse, je serais assez sot néanmoins pour m'en offenser.
Par conséquent, vous devez avouer que vous étiez résolu à me blesser, dans votre réponse, si vous eussiez vu clairement que la lettre fut de moi. Cependant, comme je ne pense pas que vous ayez voulu me maltraiter sans motif, il ne me reste qu'à reconnaître ma faute, et à confesser que je vous ai offensé le premier, en écrivant une lettre que je ne puis désavouer.
Mais pourquoi me débattre contre le courant du fleuve. Pourquoi pas plutôt vous demander pardon ? Je vous conjure donc, par la mansuétude du Christ, de me pardonner, si je vous ai offensé , et de ne point me rendre le mal pour le mal, en m'offensant à votre tour. Or, ce serait m'offenser que de me dissimuler ce que vous trouvez à reprendre dans mes écrits ou dans mes paroles; car si vous repreniez en moi ce qui n'est point répréhensible, vous vous blesseriez vous-même plutôt que moi.
À Dieu ne plaise que, oubliant votre vertu et votre sainte profession, vous blâmiez en moi, par passion et par cette malignité que la médisance inspire, quelque chose que vous sauriez, au témoignage de votre conscience, n'être pas digne de blâme ! Ainsi, ou reprenez-moi avec une âme bienveillante, quoique je sois innocent dans ce qui vous paraît blâmable; ou traitez-moi avec une paternelle affection, si vous ne pouvez m'entamer par aucun droit. Car il se peut faire que vous ne jugiez pas toujours des choses selon la vérité, mais vous ne devez jamais agir que par un principe de charité. Pour moi, je recevrai toujours avec beaucoup de reconnaissance une correction bien amicale, quand même je croirais que l'on ne peut condamner avec justice ce qui peut se défendre avec raison. Je reconnaîtrai tout à la fois, dans une réprimande, et votre bienveillance et ma faute, puis, avec le secours de Dieu, je ne manquerai ni de gratitude pour remercier mon censeur, ni de docilité pour me corriger.
Pourquoi donc vos paroles, trop dures peut-être, mais salutaires assurément, me seraient-elles aussi redoutables que les cestes d'Entellus ? Son rival était meurtri de coups, mais il ne lui rendait pas la santé; il le terrassait, mais sans le guérir.
Quant à moi, si je reçois vos corrections avec docilité, je n'éprouverai pas de douleur…
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