LETTRES de Saint Jérôme.

De l'étude des Écritures.

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Les douze prophètes, resserrés dans les bornes étroites d'un seul volume,  présentent un sens bien différent de celui qui est exprimé par la lettre.

Osée nomme souvent Ephraïm, Samarie , Joseph, Jezrael ; parle d'une épouse fornicatrice , et des enfants de sa fornication ; d'une femme adultère, enfermée dans la chambre de son mari, assise long-temps solitaire et veuve, attendant, sous un habit de deuil , le retour de son époux.

Joël , fils de Phanuel, nous dépeint la terre des douze tribus, dévastée par les chenilles , par les sauterelles, par les vers et la nielle. Il prédit qu'après la destruction de l'ancien peuple, l'Esprit saint sera répandu sur les serviteurs et les servantes de Dieu, c'est-à-dire sur cent vingt croyants, et cela devait avoir lieu dans le cénacle de Sion. Ce nombre de cent vingt, multiplié depuis un jusqu'à quinze, présente quinze degrés, figurés par les quinze psaumes graduels, qui ont, dans le psautier, quelque chose de mystérieux.

Amos, qui n'était qu'un pasteur, un habitant de la campagne , et qui cueillait des mûres sur les buissons, ne saurait être expliqué en peu de paroles. Qui pourrait dire, en effet, ce qu'il entend par les trois ou quatre grands crimes de Damas, de Gaza, de Tyr, de l'Idumée , des fils d'Ammon et de Moab  et du peuple d'Israël et de Juda ,  qu'il nomme en dernier lieu ? Il s'adresse aux vaches grasses qui sont sur la montagne de Samarie, et prédit la ruine de la grande et de la petite maison. Il voit lui-même celui qui produit les sauterelles, et le Seigneur assis sur une muraille crépie, ou de diamant, et le croc qui fait tomber les fruits, image des supplices que s'attirent les méchants, et la famine envoyée sur la terre, non pas la famine du pain, ni la soif de l'eau, mais la famine et la soif de la parole du Seigneur.

Abdias,  dont le nom signifie serviteur de Dieu , tonne contre Édom, cet homme de sang et de terre ; il frappe de sa lance spirituelle ce rival éternel de son frère Jacob.

Jonas…

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Les douze prophètes

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Jonas, belle colombe , qui est, par son naufrage , la figure de la passion du Seigneur, rappelle le monde à la pénitence , et, sous le nom de Ninive, prêche le salut aux nations.

Michée,  de Morasthi, ce cohéritier du Christ, annonce à la fille du voleur qu'elle sera dévastée, qu'elle sera assiégée , parce qu'elle a frappé à la joue le prince d'Israël ¹ .

Nahum, consolateur de l’ univers, s'élève contre une ville de sang, et après en avoir prédit la ruine , il ajoute : Voilà sur les montagnes les pieds de celui qui évangélise et qui annonce la paix ².

Abacuc, lutteur fort et robuste, se tient en sentinelle, demeure ferme sur les remparts, afin de contempler le Christ sur la croix, et de dire : Sa gloire a couvert les deux, et la terre est pleine de ses louanges, — Sa splendeur brille comme le soleil; la force est dans ses mains, et c'est là que sa puissance est cachée  ³.  

Sophonias…
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(1) Mich. V. 1. — (2) Nahum. I. 15. — (3) Abac. III. 3,4.

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Les douze prophètes

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Sophonias, cet homme qui considère et qui connaît les secrets du Seigneur, entend des clameurs à la porte de la mer, des gémissements à la seconde porte , et le bruit du carnage sur les collines ⁴. Il commande encore aux habitants de la ville qui devait être broyée comme dans un mortier, de pousser des hurlements, parce que tout le peuple de Chanaan s'est tu, et que ceux qui étaient revêtus d'argent sont exterminés.

Aggée, solennel et joyeux, sème dans les larmes, pour moissonner dans l'allégresse ; relève le temple abattu, et fait dire au Seigneur Père : Encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel et la terre, la mer et tout l'univers. — J’ébranlerai tous les peuples, et le désiré de toutes les nations viendra ¹.  

Zacharias, souvenir de Dieu, prophétise beaucoup de choses. Il voit Jésus revêtu d'habits sales, une pierre à sept yeux , un candélabre d'or à sept lampes ; deux oliviers, l'un à la droite, l'autre à la gauche du candélabre; des chevaux mouchetés, roux et blancs ; les chars d'Ephraïm brisés et le cheval chassé de Jérusalem ; il annonce et prédit ensuite un roi pauvre, assis sur le poulain d'une ânesse qui est sous le joug ² .

Malachias, le dernier des prophètes, prédit ouvertement la réprobation d'Israël et la vocation des gentils : Mon amour n'est point en vous, dit le Seigneur des armées ; et je ne recevrai pas des présents de votre main. — Car,  depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, mon nom est grand parmi les nations; et l’on m'offre en tous lieux des sacrifices, et une oblation pure est offerte à mon nom ³.  

Qui pourrait entendre ou expliquer Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel ? …
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(4) Soph. I. 10. — (1) Agg. II. 7-8. — (2)  Zach. III. 3-9; IV. 2. 12; [VI. 20 (?)];  IX. 9,10.  — (3)  Malach. I. 10, 11.

De l'étude des Écritures.

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Qui pourrait entendre ou expliquer Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel ?

Le premier me semble moins un prophète qu'un évangéliste.

Le second voit une baguette de coudrier, une chaudière bouillante qui vient du côté de l’aquilon, et un léopard dont la peau n'est plus mouchetée ; il fait aussi plusieurs sortes de vers, en parcourant quatre fois l'alphabet.

Le troisième est enveloppé de si grandes ténèbres au commencement et à la fin, que ces parties, aussi-bien que l'exorde de la Genèse, ne se lisent pas chez les Hébreux, avant qu'ils n'aient l'âge de trente ans.

Le quatrième, qui est le dernier des quatre prophètes, habile dans la science des temps et de l'histoire du monde, annonce clairement qu'une pierre, se détachant d'elle-même de la montagne, doit renverser tous les royaumes de la terre.

David, notre Simonides, notre Pindare, notre Alcée, notre Flaccus, notre Catulle et notre Sérénus, chante le Christ sur sa lyre, et avec un psaltérion à dix cordes, le ramène glorieux des enfers. Salomon, ce roi pacifique, et bien-aimé du Seigneur, donne des règles de conduite, nous enseigne les secrets de la nature, unit l'Église au Christ, et chante le doux épithalame de ces noces sacrées.

Esther, cette image de l’Église , délivre le peuple du danger ; puis, après avoir fait mourir Aman, dont le nom signifie iniquité, lègue à la postérité le souvenir d'un festin et d'un jour à jamais célèbre.

Le livre des Paralipomènes, cet abrégé de l'ancien Testament, est d'une si haute importance , que celui qui , sans avoir l'intelligence de ce livre , prétendrait connaître l'Écriture , se ferait grandement illusion.

Il n'y a pas, en effet, jusqu'aux noms et aux liaisons mêmes des mots, qui ne servent, ou à éclaircir un point d'histoire omis dans les livres des Rois, ou à expliquer une foule de passages dans l'Évangile, Ezras et Néémias, l'un protecteur, l'autre consolateur du peuple de la part du Seigneur, sont réunis en un volume, où l'on voit le rétablissement du temple et des murs de la ville. Toute cette foule qui revient dans la patrie ; le dénombrement des prêtres, des lévites, d'Israël, des prosélytes, ces travaux des remparts et des murailles répartis entre les diverses familles: tout cela présente autre chose sous l’écorce de la lettre, autre chose dans l'intérieur même.

Vous voyez que, dans mon amour pour les Écritures, j'ai dépassé les bornes d'une lettre, sans avoir toutefois atteint le but que je me proposais. Je vous ai fait voir seulement ce que nous devons connaître, ce que nous devons désirer, afin que nous puissions dire, nous aussi : Mon âme se consume de jour en jour du désir de voir tes jugements ¹.  Après tout, elle s'accomplit en nous, cette parole de Socrate : Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien.

Je dirai aussi quelques mots du nouveau Testament…
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(1) Ps. CXVIII. 20.

De l'étude des Écritures.

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Je dirai aussi quelques mots du nouveau Testament. Matthieu, Marc, Luc et Jean peuvent être regardés comme le char du Seigneur et comme de véritables chérubins, nom qui signifie plénitude de science. Tout leur corps est plein d'yeux ; ce sont des étincelles qui brillent, des éclairs qui sillonnent les airs ; leurs pieds sont droits et s'élèvent en haut, ils ont des ailes et volent partout. Ils se tiennent l'un à l'autre, semblables à une roue emboîtée dans une roue, et vont toujours où les emporte le souffle de l'Esprit saint ².

Paul apôtre écrit à sept églises ; car plusieurs auteurs pensent que l’Épître aux Hébreux, qui est la huitième, ne vient pas de lui. Il instruit Timothée et Titus, et supplie Philémon en faveur d'un serviteur fugitif. Il vaut mieux se taire, je crois, sur cet Apôtre, que de n'en pas dire assez.

Les Actes des Apôtres semblent n'être qu'une simple histoire qui décrit l'enfance de l'Église naissante. Mais si nous considérons qu'ils ont pour auteur le médecin Luc, dont l'éloge se trouve dans l'Évangile, nous remarquerons encore que toutes ses paroles sont un remède aux langueurs de l'âme. Les apôtres Jacques, Pierre, Jean, Judas, ont donné sept lettres aussi mystérieuses que succinctes ; tout à la fois courtes et longues, courtes pour les paroles, longues pour le sens, de manière qu'il est peu de personnes qui n'y trouvent de l'obscurité.

L’Apocalypse de Jean renferme autant de mystères que de paroles ; j'ai dit peu encore, vu le mérite de l'ouvrage. Il est au-dessus de tout éloge ; il n'y a pas de mot qui ne cache plusieurs sens divers.
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(2) Ezech. I.