LETTRES de Saint Jérôme.

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Message  Louis Dim 18 Oct 2020, 6:23 am


LETTRE XVIII.

Pages 215-217.

A EUSTOCHIUM.

SUITE

Un vice que vous devez éviter encore, c'est l'avarice ; je ne vous dis pas de ne point convoiter le bien qui ne vous appartient pas, car les lois publiques punissent un tel délit, mais de ne point conserver vos biens qui sont à d'autres. Si vous n'avez pas été fidèle, dit le Sauveur, en ce qui appartient à autrui, qui vous donnera ce qui est vôtre 1?

Des amas d'or et d'argent, voilà des biens qui nous sont étrangers ; il n'y a que les biens spirituels qui soient en notre possession, suivant ce qu'il est dit ailleurs : L'homme trouve dans ses propres richesses, de quoi se rançonner 2. — Nul ne peut servir deux maîtres; car, ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il supportera l'un et méprisera l'autre. — Vous ne pouvez servir Dieu et mammona 3, c'est-à-dire les richesses, car, dans le langue des Syriens, on les appelle du nom de mammona. Les soins que l'on prend pour sa nourriture sont des épines qui étouffent la foi, une racine qui produit l’avarice, une occupation païenne.

Mais vous dites : Je suis une jeune fille délicate, et je ne saurais travailler de mes mains. Si j'arrive à la vieillesse, si je tombe malade, qui est-ce qui aura pitié de moi? Ecoutez Jésus disant aux apôtres : Ne vous inquiétez point, en votre cœur, de ce que vous mangerez, ni pour votre corps, comment vous vous vêtirez. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement?Regardez les oiseaux du ciel; ils ne sèment, ni ne moissonnent, ni n'amassent dans les greniers, et votre Père céleste les nourrit 4.

Manquez-vous de vêtements, considérez les lis. Avez-vous faim, songez que l'on appelle heureux les pauvres et ceux qui ont faim. Etes-vous affligée de quelque maladie, écoutez l'Apôtre : Je me complais dans mes infirmités 1. Et : Un aiguillon a été donné à ma chair, comme un ange de Satan, pour me donner des soufflets 1 , de crainte que je ne me laisse aller à l'orgueil. Réjouissez-vous dans tous les jugements de Dieu. Les filles de Juda ont tressailli de joie, à cause de vos jugements, ô Seigneur 2. Que ces paroles retentissent toujours sur vos lèvres : Je suis sorti nu du sein de ma mère et j'y retournerai nu 3. Et encore: Nous n'avons rien apporté en ce monde, et il est certain que nous ne pouvons non plus en rien emporter 4.

Nous voyons néanmoins aujourd'hui la plupart des femmes…
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(1) Luc. XVI. 12. (2) Prov. XIII. 8. (3) Matth. VI. 24. (4) Ibid. VI. 25. 26. (1) II. Cor. XII. 10. (2) [Ps. XCVI. 8.] (3) Job. I. 21. (4) I. Tim. VI. 7.

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Message  Louis Lun 19 Oct 2020, 7:02 am


LETTRE XVIII.

Pages 217-219.

A EUSTOCHIUM.

SUITE

Nous voyons néanmoins aujourd'hui la plupart des femmes remplir d'habits leurs garde-robes, changer chaque jour de tunique, et cependant ne pouvoir les garantir de la teigne. Celles qui sont plus religieuses n'ont qu'un seul vêtement, et, avec des coffres pleins, se couvrent de haillons. Pour elles, des membranes se colorent de pourpre, l'or se fond en lettres, les livres se revêtent de pierreries, et le Christ se meurt nu devant leurs portes. Lorsqu'elles ont tendu la main à l'indigent, elles sonnent de la trompette. Lorsqu'elles appellent aux agapes, elles ont un crieur à gage.

J'ai vu naguère une des matrones romaines les plus distinguées,  je ne la nomme point, de peur qu'on ne prenne ceci pour une satire, se faisant précéder dans la basilique du bienheureux Pierre, d'une troupe d'eunuques, donner de sa propre main, pour paraître plus charitable, une pièce de monnaie à chaque pauvre. Cependant, une vieille femme chargée d'années et couverte de haillons courant, comme on sait que cela arrive souvent aux pauvres, se placer plus haut, afin de recevoir une seconde fois l'aumône, la matrone, arrivée près d'elle, lui donne un coup de poing au lieu d'une pièce de monnaie, et la met tout en sang, pour la punir d'un si grand crime. L'avarice est la racine de tous les maux; 1 aussi l'Apôtre l'appelle-t-il une idolâtrie 2. Cherchez d'abord le royaume de Dieu, et toutes ces choses vous seront données par surcroît 3. Le Seigneur ne laissera pas périr l'âme du juste 4. J'ai été jeune, et j'ai vieilli, et je n'ai pas vu le juste abandonné, ni ses enfants mendier leur pain 5.

Elie est nourri par le ministère des corbeaux ; la veuve de Sarepta, sur le point de mourir avec ses enfants, endure la faim pour nourrir le prophète 6. Mais le vase à huile s'étant rempli d'une manière merveilleuse, elle reçoit de la nourriture de celui qui en venait chercher auprès d'elle. L'Apôtre Pierre disait : Je n'ai ni or ni argent; mais ce que j'ai, je te le donne. Au nom du Seigneur Jésus, lève-toi, et marche 7.

Bien des gens disent aujourd’hui, non pas de bouche, mais par leurs œuvres : Je n'ai ni foi, ni charité; mais ce que j'ai, mon or et mon argent, je ne vous le donne pas. Ayant de quoi nous nourrir et de quoi nous couvrir, nous devons être contents 8.

Ecoutez ce que Jacob demande en sa prière : Si le Seigneur Dieu est avec moi et me préserve en ce chemin dans lequel je marche, et me donne du pain pour me nourrir et des vêtements pour me couvrir je serai satisfait 9. Il ne demande que les choses nécessaires à la vie et après vingt années d'absence, riche en serviteurs plus riche en enfants il revient à la terre de Chanaan. L’Ecriture nous fournit infinité d'exemples, qui nous apprennent qu'il faut fuir l'avarice.

Mais, parce que j'en ai cité déjà quelques-uns, et que je me réserve, si le Christ me le permet, de…
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(1) I. Tim. VI. 10. (2) Coloss. III. 5. (3) Matth. VI. 33. (4) Prov. X. 3 (5) Ps. XXXVI. 25. (6) III. Reg. XVII. 17. (7) Act. III. 6. ( 8 ) I. Tim. VI. 8. (9) Gen. XXVIII. 20.

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Message  Louis Mar 20 Oct 2020, 6:07 am


LETTRE XVIII.

Pages 219-223.

A EUSTOCHIUM.

SUITE

Mais, parce que j'en ai cité déjà quelques-uns, et que je me réserve, si le Christ me le permet, de traiter cette matière dans un ouvrage spécial, je rapporterai seulement ce qui s'est passé à Nitrie, il y a peu d'années. L'un des frères, plus ménager qu’avare, et qui ne savait pas que le Sauveur a été vendu trente deniers, laissa en mourant cent pièces d'or, qu'il avait gagnées à tisser du lin. Les moines, qui habitaient en ce lieu, au nombre d'environ cinq mille, dans des cellules séparées, tinrent conseil sur ce qu'ils avaient à faire. Les uns disaient qu'il fallait distribuer cet or aux pauvres ; les autres, qu'il fallait le donner à l'Eglise; quelques-uns, qu'il fallait l'envoyer aux parents du défunt. Macaire, Pambo, Isidore et les autres que l'on nomme Pères, le Saint-Esprit parlant en eux, décidèrent qu'on l'enterrerait avec le mort, et dirent : Que ton argent périsse avec toi ! 1 Et qu'on ne s'imagine pas que cette conduite ait quelque chose de trop cruel; car, une si grande épouvante s'empara de tous les solitaires de l'Egypte, que c'est un crime, parmi eux, de laisser une seule pièce d'or, en mourant.

Mais, puisque nous avons fait mention des moines, et que d’ailleurs, je le sais, vous entendez avec plaisir ce qui est saint, prêtez un moment l'oreille. Il y a, en Egypte, trois sortes de moines, les Cénobites, que l'on appelle, dans la langue du pays, Sauses, ce que nous pourrions rendre par Vivant en commun.

— Les Anachorètes, qui habitent seuls, dans les déserts, et qui sont ainsi appelés, parce qu’ils se sont séparés du reste des hommes.

— La troisième espèce, est de ceux que l'on nomme Remoboth, gens fort déréglés et méprisés ; ce sont les seuls que nous ayons dans notre province Note 20, ou du moins y tiennent-ils le premier rang. Ils habitent ensemble deux à deux, ou trois à trois, rarement en plus grand nombre, vivant dans l'indépendance et au gré de leurs désirs. Une partie de ce qu'ils ont gagné avec le travail de leurs mains, ils l'apportent en commun, pour fournir aux dépenses de la table qui est commune entre eux. Le plus grand nombre demeure dans les villes ou dans les bourgs ; et, comme si c'était leur industrie qui fût sainte, et non pas leur vie, ce qu'ils vendent, ils le vendent à un prix plus élevé que les autres. Ils ont souvent des querelles entre eux, parce que vivant à leurs dépens, ils ne veulent relever de personne. Ils ont coutume de se disputer la gloire du jeûne ; et, ce qui devrait être une chose secrète, devient un sujet d'ostentation. Tout est affecté parmi eux ; ils portent de vastes manches, des souliers larges, des habits grossiers; ils soupirent fréquemment, visitent les vierges, médisent des clercs, et, les jours de fêtes, se gorgent de mets jusques à vomir.

Rejetant donc loin de nous ces moines-là comme des fléaux contagieux, parlons de ceux qui sont en plus grand nombre, qui habitent en commun, et que nous avons dit être appelés Cénobites
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 (1) Act. VIII. 20.

Note (20) : DANS NOTRE PROVINCE . — Dom  Roussel se trompe, en disant qu'il s'agit ici de la Pannonie; Jérôme veut parler de la Syrie ou de la Palestine.

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Message  Louis Mer 21 Oct 2020, 6:13 am


LETTRE XVIII.

Pages 223-229.

A EUSTOCHIUM.

SUITE

Rejetant donc loin de nous ces moines-là comme des fléaux contagieux, parlons de ceux qui sont en plus grand nombre, qui habitent en commun, et que nous avons dit être appelés Cénobites. Le premier lien de leur association, c'est d'obéir à leurs anciens, et de faire tout ce qu'ils ordonnent. Ils sont distribués par décuries et par centuries, de manière qu'un décurion commande à neuf moines, et qu'un centurion ait sous ses ordres dix décurions. Ils habitent séparément, mais en des cellules voisines les unes des autres. Jusques à la neuvième heure, suivant les règles, nul religieux ne peut aller vers un autre; les décurions seuls peuvent visiter leurs subordonnés, afin que si quelqu'un d'entre eux flotte en des pensées affligeantes, ils puissent le consoler par leurs allocutions. Après la neuvième heure, on se réunit, on chante des psaumes, on lit, suivant l'usage, les Ecritures.

Les prières achevées, et tous étant assis, celui qu'ils nomment Père se place au milieu d’eux, et se met à les instruire. Pendant qu'il parle, il se fait un si profond silence Note 21 que personne n'ose ni lever les yeux, ni cracher . L'éloge de son éloquence est dans les pleurs de ceux qui écoutent. Des larmes silencieuses sillonnent leurs joues, et la componction n'éclate pas même en sanglots. Mais lorsqu'il se met à leur parler du royaume du Christ de la future béatitude, et de la gloire à venir, tous alors, avec des soupirs, et les yeux levés au ciel disent en eux-mêmes : Qui me donnera des ailes comme à la colombe, et je m'envolerai  et je me reposerai! 1.

Après cela, ils se séparent, et chaque décurie, avec son chef, va se mettre à table ; ils y servent tour-à-tour, chacun sa semaine. Point de bruit, point de conversation pendant le repas. Ils n'ont pour nourriture que du pain, des légumes et des herbes, dont le sel fait tout l'assaisonnement. Les vieillards seuls boivent du vin; souvent on leur donne à dîner, comme aux plus jeunes, et par là on soutient l'âge avancé des uns, et l'on n'affaiblit pas les années naissantes des autres.

Ils se lèvent ensuite, chantent l'hymne d'action de grâces et retournent à leurs cellules. Là jusques aux Vêpres, ils s'entretiennent chacun avec les leurs et disent: Avez-vous remarqué de combien de faveurs le ciel a prévenu celui-ci? quel parfait silence observe celui-là? combien est grave la démarche de cet autre ? S'ils voient un Religieux faible, ils le consolent; et celui qui est fervent dans l'amour de Dieu, ils l'exhortent à la perfection. Et comme, la nuit, lorsqu'on ne prie pas en public, chacun veille en particulier dans sa chambre, il en est qui parcourent les cellules, et qui, prêtant l'oreille, examinent soigneusement ce que font les autres. Celui qu'ils ont surpris dans la tiédeur, ils ne le réprimandent pas ; mais, dissimulant ce qu'ils savent, ils le visitent plus souvent; et, commençant les premiers, ils l'engagent plutôt qu'ils ne le forcent à la prière.

La tâche du jour est réglée ; quand l'ouvrage est fini, on le rend au décurion, qui le porte à l’économe, et celui-ci va, tous les mois, avec une crainte respectueuse, rendre compte au Père de tous. C'est l'économe encore qui goûte les mets, quand ils sont apprêtés.  Et, comme il n'est permis à personne de dire : Je n'ai pas de tunique, pas de saie, pas de natte, l'économe règle toutes choses de manière à ce que l'on ne demande rien, à ce que l'on ne manque de rien. Si quelqu'un tombe malade, on le transporte dans une chambre plus spacieuse, et les vieillards en prennent un tel soin qu'il n'a lieu de regretter ni les délices des villes, ni l'affection d'une mère.

Les dimanches, on vaque seulement à la prière et à la lecture; ce que l'on fait d'ailleurs, en tout temps, une fois le travail achevé. Chaque jour on apprend quelque chose des Ecritures. Le jeûne, pour toute l’année, est le même, excepté pour la Quadragésime, où l'on est libre de redoubler d'austérité. Depuis la Pentecôte, on change le souper en dîner, soit pour se conformer à la tradition de l'Eglise, soit pour ne se point trop charger l'estomac, en faisant deux repas. Tels étaient ces Esséniens dont parte Philon, cet imitateur du langage de Platon, et que Josèphe, le Tite-Live des Grecs, nous dépeint, dans son second livre de la captivité des Juifs.

Mais puisque, en vous parlant des vierges, je ne vous ai déjà que trop entretenu des moines, je passe à la troisième espèce de solitaires, qu'on appelle Anachorètes,…
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 (1) Ps. LIV. 7.

Note (21) —  M. de Chateaubriand, dans le Génie du Christianisme, a dit quelque chose de semblable. « L'Apôtre de l'Evangile, revêtu d'un simple surplis, assemble ses ouailles devant  la porte de l'église; il leur fait un discours, fort beau, sans doute, à en juger par les larmes de l'assistance. » Tom. III , page 173 , édit. Ladvocat.

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Message  Louis Jeu 22 Oct 2020, 6:40 am


LETTRE XVIII.


Pages 229-231.

A EUSTOCHIUM.

SUITE

Mais puisque, en vous parlant des vierges, je ne vous ai déjà que trop entretenu des moines, je passe à la troisième espèce de solitaires, qu'on appelle Anachorètes, et qui, sortant des monastères, n'emportent avec eux, au désert, que du pain et du sel. Paul est le fondateur de cet ordre, Antoine en est la gloire; et, si l'on remonte à la source, Jean-Baptiste en est le chef. C'est un personnage de ce genre que le prophète Jérémie nous dépeint, lorsqu'il dit : Heureux l'homme qui porte le joug dès sa jeunesse.Il sera assis solitaire, et il se taira, parce qu'il l'a posé sur lui.Il tendra la  joue à celui qui le frappe; il sera rassasié d'opprobres.Le Seigneur ne s'éloigne pas à jamais 1.  Une autre fois, si vous le voulez, je vous parlerai plus au long et de leurs travaux, et de la vie toute céleste qu'ils mènent dans un corps de chair. Je reviens maintenant à mon sujet ; car, en parlant de l'avarice, je m'étais laissé aller à vous entretenir des moines. Si vous voulez suivre leur exemple, vous mépriserez, je ne dis pas seulement l'or l'argent et toutes les richesses mais encore la terre et le ciel ; plus, unie au Christ  vous chanterez : Le Seigneur est ma part 2.

Quoique l'Apôtre nous ordonne de prier sans cesse 3, quoique le sommeil lui-même soit pour les saints une sorte d'oraison, nous devons néanmoins partager en différentes heures le temps destiné à la prière, afin que s'il arrive que nous soyons retenus par quelque ouvrage, le temps lui-même nous rappelle un devoir à remplir. Qu'il faille prier à la troisième heure, à la sixième, à la neuvième, le matin et le soir, il n'est personne qui ne le sache. On ne doit point prendre de nourriture sans avoir prié d'abord, ni sortir de table, sans rendre des actions de grâces au Créateur. La nuit, il faut se lever deux ou trois fois, et repasser dans sa mémoire les endroits des Ecritures que l'on sait par cœur. Au sortir de notre demeure, que la prière nous serve d'armure; lorsque nous sommes revenus de la place publique, prions encore avant de nous asseoir, et que le corps ne se repose pas, avant que l'âme ait pris sa nourriture. A chaque action, à chaque démarche, que notre main retrace sur notre corps la croix du Seigneur. Ne parlez mal de personne, et ne tendez point de piège au fils de votre mère 1. Qui êtes-vous donc, vous, pour condamner ainsi le serviteur d'autrui? S'il tombe, ou s'il demeure ferme, cela regarde son maître: mais il demeurera ferme parce que Dieu est tout puissant pour le soutenir 2.

Quand vous jeûnerez deux jours, trois jours…
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(1) Tren. III. 27-28 ; 30- 31. (2) Ps. LXXII. 25. (3) I Thess. V. 17. (1) Ps. XLIX. 20. (2) Rom. XIV. 4.

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Message  Louis Ven 23 Oct 2020, 6:29 am

LETTRE XVIII.

Pages 231-233.

A EUSTOCHIUM.

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Quand vous jeûnerez deux jours, trois jours, n'allez pas vous croire meilleur que ceux qui ne jeûnent point. Vous jeûnez, mais vous êtes emporté ; celui-ci ne jeûne pas et peut-être qu'il est doux. Les peines de votre âme et la faim de votre corps vous les digérez, pour ainsi di[r]e, parmi les plaintes et les murmures ; celui-ci plus modéré dans sa nourriture rend grâces à Dieu. De là vient que le prophète Isaïe crie sans cesse : Je n'ai point choisi un tel jeûne 3 dit le Seigneur Et encore : En vos jours de jeûne, vous suivez vos caprices, et vous fatiguez tous ceux qui sont sous votre dominationVous jeûnez  parmi les procès et les querelles; vous frappez les petits, avec une violence impitoyable 4. Pourquoi jeûnez-vous pour moi ? Quel jeûne peut faire celui qui nourrit des sentiments de colère, je ne dis pas jusqu'à la nuit, mais durant des mois entiers? Attentive à vous-même, ne vous glorifiez pas dans la chute des autres, mais glorifiez-vous dans vos œuvres.

Ne vous proposez point pour modèle ces vierges qui, n'ayant soin que de la chair, supputent éternellement les revenus de leurs biens et les dépenses quotidiennes de leur maison. La trahison de Judas n'ébranla pas les onze apôtres; lorsque Phygélus 1 et Alexandre2 firent naufrage dans la foi, les autres ne faillirent point avec eux.

Et ne dites pas : Celle-ci jouit de son bien; elle est généralement honorée; les frères et les sœurs viennent la visiter; a-t-elle pour cela cessé d'être vierge? — D'abord, il est douteux que cette personne soit véritablement vierge; car Dieu ne voit pas comme l'homme voit. L'homme voit sur le front, mais Dieu voit dans le cœur. Ensuite, fût-elle vierge de corps, je ne sais si elle est vierge d'esprit. L'Apôtre définit ainsi une vierge: Il faut qu'elle soit sainte de corps et d'esprit 3. Au surplus, qu'elle jouisse de la vaine estime des hommes, qu'elle démente le sentiment de Paul, qu'elle goûte les délices du siècle et conserve la vie de l'âme; pour nous, suivons l'exemple de ceux qui valent mieux.

Proposez-vous pour modèle la bienheureuse Marie,…
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(3) Is. LVIII. 5.(4) Ibid. LV III. 4.  (1) II. Tim. I.15.  (2) I. Tim. I. 20.(3) [I. Thess. V. 23.]

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Message  Louis Sam 24 Oct 2020, 6:57 am

LETTRE XVIII.


Pages 233-237.

A EUSTOCHIUM.

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Proposez-vous pour modèle la bienheureuse Marie, qui fut si pure qu'elle mérita d'être la mère du Seigneur. L'ange Gabriel étant descendu vers elle, sous la forme d'un homme, et lui ayant dit: Salut, ô pleine de grâce, le Seigneur est avec vous 1,surprise et alarmée, elle ne sut que répondre, car jamais un homme ne l'avait saluée. Enfin, elle apprend le sujet du message, et parle. Et cette vierge qui tremblait devant un homme, n'appréhende pas de s'entretenir avec un ange.

Vous pouvez, vous aussi, devenir la mère du Seigneur. Prenez ce grand livre, ce livre nouveau du prophète, et écrivez en traits ineffaçables : HATEZ-VOUS D'ENLEVER LES DÉPOUILLES 2 ; et, lorsque vous vous serez approchée de la prophétesse, que vous aurez conçu et enfanté un fils, dites à Dieu : Par votre crainte, Seigneur, nous avons conçu, nous avons senti les douleurs de l'enfantement, et nous avons mis au monde l'esprit de votre salut, que nous avons répandu sur la terre 3. Alors votre fils vous répondra et dira : Voici ma mère et mes frères 4.

Et par un prodige étonnant, celui que vous aviez peu auparavant décrit dans l'étendue de votre cœur, que vous aviez gravé avec le burin dans une âme nouvelle, après qu'il aura enlevé les dépouilles de ses ennemis, après qu'il aura mis à nu les principautés et les puissances, après qu'il les aura attachées à la croix, il grandira, et parvenu à l'âge mûr, vous prendra pour épouse, de mère que vous étiez.

Il est difficile, mais il est bien méritoire d'être ce que furent les martyrs, ce que furent les apôtres, ce que fut le Christ. Tout cela devient utile, quand on le fait dans l'Eglise, quand on célèbre la Pâque dans une même maison, quand on entre dans l'arche avec Noé; quand, Jéricho tombant en ruines, Rabab, courtisane justifiée, nous donne asile chez elle.

Mais les vierges, telles qu'elles sont dans les diverses hérésies, telles qu'on les trouve encore, dit-on, chez l'impur manichéen, doivent être regardées comme des prostituées, et non pas comme des vierges. En effet, si c'est le démon qui a formé leur corps, quel respect peuvent-elles avoir pour l'ouvrage de leur ennemi? Mais, parce qu'elles savent que le nom de vierge est glorieux, elles cachent des loups sous des peaux de brebis. L'antéchrist simule le Christ, et couvre d'un nom faussement honorable l'infamie de leurs mœurs. Réjouissez-vous, ma sœur; réjouissez-vous, ma fille; réjouissez-vous, vierge du Christ, car ce que les autres feignent d'être, vous l'êtes véritablement.

Tout ce que nous venons de dire, semblera dur à ceux qui n’aiment pas le Christ…
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(1) Luc. I. 28. (2) Is. VIII. 1. 3. (3) Ibid. XXVI. 18. (4) Matth. XII. 49.  

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Message  Louis Dim 25 Oct 2020, 5:26 am



LETTRE XVIII.

Pages 237-239.

A EUSTOCHIUM.

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Tout ce que nous venons de dire, semblera dur à ceux qui n'aiment pas le Christ ; mais ceux qui regardent comme de la boue toute la pompe du siècle, et comme une vanité tout ce qui est sous le soleil, afin de gagner le Christ; ceux qui, étant morts avec le Seigneur et ressuscités avec lui, auront crucifié leur chair, ainsi que ses passions et ses désirs, ceux-là diront hautement : Qui donc nous séparera de l'amour du Christ? Sera-ce l'affliction, ou les angoisses, ou la faim, ou la nudité, ou les périls, ou h glaive ? Et encore : Je suis assuré que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les principautés, ni les puissances, ni les choses présentes, ni les choses futures, ni la violence,ni tout ce qu'il y a de plus haut ou de plus profond, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu dans le Christ Jésus notre Seigneur 1. Le Fils de Dieu s'est fait fils de l'homme, pour notre salut. Pendant dix mois, il attend, au sein de sa mère, l'heure de sa naissance ; il y souffre mille dégoûts; il en sort tout ensanglanté; on l'enveloppe de langes, on le flatte, on le caresse, et celui qui tient l'univers en sa main se renferme dans les étroites limites d'une étable.

Je ne dis pas que, satisfait de la pauvreté de ses parents, il mène jusqu'à trente ans une vie obscure; qu'on le frappe, et qu'il se tait; qu'on le crucifie et qu'il prie pour ses bourreaux. Que rendrai-je donc au Seigneur, pour tous les biens dont il m'a comblé?Je recevrai le calice du salut, et j'invoquerai le nom du Seigneur.La mort des saints du Seigneur est précieuse à ses yeux 1.

La seule digne rétribution, c'est de donner sang pour sang, et, après avoir été rachetés au prix de la vie du Christ, de mourir volontiers pour lui. Quel est celui des saints qui ait été couronné sans avoir combattu ? L'innocent Abel est mis à mort; Abraham court risque de perdre sa femme. Je ne m'étends pas davantage sur ce sujet; examinez vous-même, et vous verrez que tous les justes ont eu les adversités en partage. Salomon seul a vécu dans les délices, et peut-être ont-elles été la cause de sa chute ; car le Seigneur châtie celui qu'il aime, et il frappe de verges tous ceux qu'il reçoit parmi ses enfants 2. N'est-il pas mieux de combattre un peu de temps, de se retrancher, de demeurer sous les armes, de suer sous la cuirasse, et de goûter ensuite les fruits de la victoire, que de s'engager dans une peine éternelle pour s'affranchir d'une peine passagère?

Rien ne coûte quand on aime, rien n'est difficile à quiconque désire une chose...
_____________________________________________________________________

(1) Rom. VIII. 35. 39.  — (1) Ps. CXV. 12.13. 15. (2) Prov. III. 12.

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Message  Louis Lun 26 Oct 2020, 5:31 am

LETTRE XVIII.

Pages 239-243.

A EUSTOCHIUM.

SUITE

Rien ne coûte quand on aime, rien n'est difficile à quiconque désire une chose. Voyez combien de travaux Jacob essuie pour Rachel, qui lui avait été promise ! Il servit, dit l'Ecriture, sept ans pour Rachel; et ces années ne lui semblaient que peu de jours, parce qu'il l’aimait 1. Aussi dit-il lui-même dans la suite : J’étais exposé ô la chaleur pendant le jour, et au froid pendant la nuit 2.Aimons donc le Christ, cherchons ses embrassements, et tout ce qui est difficile nous semblera facile; blessés des traits de son amour, nous dirons à chaque instant: Malheur à moi, car mon exil a été prolongé! 3 Les souffrances de la vie présente n'ont aucune proportion avec cette gloire qui doit un jour éclater en nous 4 ; car l'affliction produit la patience ; — la patience, l'épreuve; et l'épreuve, l'espérance.Or, cette espérance n'est pas trompeuse 5.

Lorsque le poids de vos peines vous semblera trop lourd, lisez alors la seconde Epître aux Corinthiens : J'ai essuyé beaucoup de travaux, j'ai reçu un grand nombre de coups, enduré souvent la prison; je me suis vu plus d'une fois près de la mort,J'ai reçu des Juifs jusqu'à cinq fois trente-neuf coups de fouet,J'ai été battu de verges par trois fois, j'ai été lapidé une fois, j'ai fait naufrage trois fois, j'ai passé un jour et une nuit au fond de la mer.Souvent en péril dans les voyages, sur les fleuves, en péril parmi les voleurs ou au milieu des miens, en péril parmi les gentils, en péril dans les cités, en péril dans la solitude, en péril sur la mer, en péril parmi les faux frères ;dans les travaux et les chagrins, dans les veilles, dans la faim et la soif, dans les jeunes, dans le froid et la nudité 1.

Quel est celui de nous qui peut réclamer seulement la moindre partie des vertus ici énumérées ? Ce sont ces vertus qui lui faisaient dire plus tard, avec tant de confiance : J'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi.— Il ne me reste qu'à attendre la couronne de justice, que le Seigneur, comme un juste juge, me donnera en ce grand jour suppl.. — Nos mets sont-ils mal apprêtés, nous entrons en mauvaise humeur, et nous pensons faire quelque chose d'agréable à Dieu, si nous buvons notre vin avec un peu d'eau. On brise les coupes, on renverse la table, on frappe les esclaves, et l'on se venge par l'effusion de leur sang de l'eau que l'on a bue. Le royaume des cieux souffre violence, et les violents seuls le ravissent 2.

Si vous ne faites violence, vous n'emporterez jamais le royaume des cieux. Si vous ne frappez avec importunité, vous ne recevrez pas le pain du Sacrement. Ne vous semble-t-il pas que ce soit une violence, quand la chair veut être ce qu'est Dieu; quand, pour juger les anges, elle monte aux lieux d'où ils ont été précipités ?

Sortez un moment, je vous prie, de votre prison, et représentez-vous la récompense…
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(1) Gen. XXIX. 20. (2) Ibid. XXXI.40. (3) Ps. CXIX. 5 . (4) Rom. VIII. 18. (5) Ibid. V.  3- 5. (1) II. Cor. XI. 23- 27.suppl. : II. Tim. IV. 7-8. (2) Matth. XI. 12.

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Message  Louis Mar 27 Oct 2020, 5:56 am


LETTRE XVIII.

Pages 243-247.

A EUSTOCHIUM.

SUITE

Sortez un moment, je vous prie, de votre prison, et représentez-vous la récompense des peines présentes, récompense que l'œil n'a point vue, que l’oreille n'a point entendue, que le cœur de l'homme n'a point comprise. Quel jour ne sera-ce pas, que celui où Marie, mère du Seigneur, viendra au-devant de vous, accompagnée des chœurs des vierges ; lorsque, après le passage de la mer Rouge, Pharaon, se trouvant submerge avec son armée, Marie, sœur d'Araon, tiendra le tympanum dans sa main, et entonnera ce cantique de triomphe : Chantons le Seigneur, parce qu’il a fait éclater sa gloire; il a précipité dans la mer le cheval et le cavalier 1.

Alors Thécla volera, joyeuse, dans ses embrassements. Alors aussi votre époux lui-même viendra à votre rencontre, et dira : Lève-toi, hâte-toi, ma bien-aimée, ma toute belle, ma colombe; car l'hiver s'est éloigné, et les pluies ont cessé 2. Alors les anges seront saisis d'étonnement, et diront: Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore naissante, belle comme la lune, éclatante comme le soleil? 3  Les filles vous verront, les reines vous loueront, et les autres femmes publieront votre gloire.

D'un autre côté, un chœur de femmes chastes viendra à votre rencontre : Sara paraîtra avec les femmes mariées; Anna, fille de Phanuel, avec les veuves. Celles qui furent vos mères selon la chair et selon l'esprit Note (22) se verront en différents chœurs. Celle-là se réjouira de vous avoir mise au monde; celle-ci, de vous avoir élevée.

Alors véritablement le Seigneur s'assiéra sur une ânesse, et entrera dans la Jérusalem céleste. Alors, les petits enfants dont le Sauveur a dit, dans Isaïe : Me voici, moi et les enfants que le Seigneur m'a donnés 4,  portant les palmes de la victoire, chanteront d’une voix unanime : Hosanna au plus haut des cieux ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! 5

Alors, les cent quarante-quatre mille, qui se tiennent devant le trône et devant les vieillards, prendront leurs harpes, et chanteront un cantique nouveau, et personne, si ce n'est le nombre défini, ne pourra chanter ce cantique : Voilà ceux qui ne se sont pas souillés avec les femmes, parce qu'ils sont demeurés vierges. Voilà ceux qui suivent l'Agneau partout où il va 1.

Toutes les fois que la vaine ambition du siècle aura charmé votre cœur, toutes les fois que vous aurez vu dans le monde quelque chose de brillant, élevez-vous en esprit jusqu'au ciel, commencez à être ce que vous serez un jour, et votre époux Vous dira : Mets-moi sur ton cœur comme un sceau; comme un sceau sur ton bras 2; votre corps et votre esprit se trouvant à couvert, vous direz : Les grandes eaux n'ont pu éteindre la charité, les fleuves ne pourront l'étouffer 3.

La lettre que nous venons de commenter fut traduite en grec par Sophronius. Voyez le Catalogue des écrivains ecclésiastiques, chapitre CXXIV.
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(1) Exod. XV. 1.  —  (2) Cant. II. 10. 11. —  (3) Ibid. VI. 9. —  (4) Is. VIII. 18. —  (5) Marc. XI. 10. —  (1) Apoc. XIV. 4. — (2) Cant. VIII. 6. — (3) Ibid. 7.

Note (22)  —  Paula fut mère d'Eustochium, selon la chair, et de Marcella [n.d.l.r. et de la table ] , selon l'esprit; car saint Jérôme nous apprend, dans l'éloge funèbre de celle-ci, qu'Eustochium avait été élevée dans la maison de cette illustre veuve : In hujus (Marcellæ) cutbiculo nutrita Eustochium, virginitatis decus.

FIN de cette lettre.


Dernière édition par Louis le Sam 07 Nov 2020, 8:06 am, édité 2 fois (Raison : Insertion de 2 liens.)

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Message  Louis Mer 28 Oct 2020, 6:54 am


LETTRE XXII.

Pages 270-275.

A PAULA.

Sur la mort de Blésilla, sa fille.

Qui donnera de l'eau à ma tête, et à mes yeux une source de larmes, et je pleurerai 1, non pas , comme dit Jérémie, les morts de mon peuple ; ni, comme Jésus , les malheurs de Jérusalem ; mais je pleurerai la sainteté, la miséricorde, l'innocence, la chasteté;  je pleurerai toutes les vertus ensevelies dans un même tombeau avec Blésilla. Ce n'est pas qu'il faille donner des pleurs à celle qui s'en est allée, mais l'on ne saurait trop s'affliger de ce que nous avons cessé de voir une personne d'une si haute perfection. Comment, en effet, se rappeler, sans répandre des larmes, cette jeune femme de vingt ans, qui porta l'étendard de la croix avec une foi si ardente, et qui regretta plus la perte de sa virginité que la perte de son époux ? Comment redire, sans gémissements, et son assiduité à la prière, et la grâce de son langage, et la fidélité de sa mémoire, et la pénétration de son esprit? A l'entendre parler grec, on eût pensé qu'elle ne connaissait pas la langue latine.

Si elle se mettait à parler la langue romaine, son discours n'offrait aucun-accent étranger. Et même, ce que toute la Grèce admire dans ce fameux Origène, elle avait surmonté si bien les difficultés de la langue hébraïque, je ne dis pas en peu de mois, mais en peu de jours, qu'elle rivalisait avec sa mère pour l'intelligence et le chant des psaumes. La pauvreté de ses habits n'était point en elle, comme chez la plupart des femmes, l'indice d'une vanité secrète ; mais, comme son humilité était tout intérieure, il n'y avait, pour les vêtements, aucune différence entre elle et les vierges qui la servaient, si ce n'est qu'on la reconnaissait plus aisément à une démarche plus négligée. La maladie avait rendu ses pas chancelants ; son cou décharné soutenait à peine sa tête pâle et tremblante ; et cependant elle avait toujours dans les mains ou un Prophète ou l'Evangile. Mes joues sont baignées de larmes, les sanglots étouffent ma voix, et mes entrailles émues retiennent ma langue enchaînée.

Alors que l'ardeur de la fièvre brûlait le faible corps de la sainte, et que mourante, elle avait autour de son humble couche un cercle de parents, elle exprimait ainsi ces dernières volontés : « Priez le Seigneur Jésus de me pardonner, parce que je n'ai pu accomplir ce que je voulais. » Ne craignez rien, ma Blésilla, en pensant que vous avez toujours eu des vêtements blancs. La blancheur des habits,  c'est la pureté d'une virginité perpétuelle. Nous croyons certain ce que nous avançons : jamais la conversion ne vient trop tard. Ces paroles ont été consacrées pour la première fois dans la personne du larron : En vérité, je te le dis, tu seras aujourd'hui en paradis avec moi 1.

Mais aussitôt que, débarrassée de son enveloppe charnelle, l'âme se fut envolée vers son auteur, et que, après un long pèlerinage ici-bas, elle fut rentrée dans son antique héritage, on apprêta, suivant la coutume, les funérailles de Blésilla. Des personnes de distinction marchaient en ordre devant le cercueil qui était couvert d'un voile d'or. Il me sembla qu'elle me criait, du haut des cieux : « Je ne reconnais pas ces habits, ce vêtement n'est pas le mien, ces ornements ne m'appartiennent pas. »

Mais que faisons-nous là ? Je veux arrêter les larmes d'une mère, et je pleure moi-même…
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(1) Jerem. IX. 1. (1) Luc, XXIII. 43.

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Message  Louis Jeu 29 Oct 2020, 7:34 am


LETTRE XXII.

Pages 275-277.

A PAULA.

Sur la mort de Blésilla, sa fille.

SUITE

Mais que faisons-nous là ? Je veux arrêter les larmes d'une mère, et je pleure moi-même. Je ne puis dissimuler mes sentiments; ce livre est écrit tout entier avec mes larmes. Jésus lui aussi pleura Lazare, parce qu'il l'aimait. Celui-là n'est point un consolateur efficace qui succombe à sa propre douleur, et dont les entrailles sont émues, dont la voix est entrecoupée par les sanglots. Ma chère Paula, j'en atteste et Jésus que Blésilla suit maintenant, et les saints anges en la société desquels elle se trouve, je ressens les mêmes douleurs que vous; j'étais son père selon l'esprit, son nourricier selon la charité, et je ne puis ne pas dire quelquefois : Périsse le jour où je suis né 1.

Et encore : Malheur à moi, ô ma mère, pourquoi m'as-tu engendré pour que je fusse un homme de contradiction et de discorde dans toute la terre 2?

Et encore : Vous êtes juste, Seigneur, cependant je vous adresserai mes justes plaintes. Pourquoi les méchants prospèrent-ils en leurs voies 3 ?

Et encore : Mes pieds se sont presque égarés, mes pas ont presque chancelé, — parce que je me suis indigné contre les pécheurs, en voyant la paix des impies. — Et j'ai dit : Dieu les voit-il ? Le Très-Haut en a-t-ll connaissance ? Voilà que ces pécheurs, ces heureux du siècle, ont multiplié leurs richesses1. Mais en même temps ces paroles me reviennent à l'esprit : Si je raconte ces choses, voilà que la génération de vos enfants me nomme prévaricateur 2.

Combien de fois ces pensées orageuses ne sont-elles pas venues traverser mon âme?

Pourquoi des hommes qui ont vieilli dans le crime jouissent-ils des richesses du siècle ?

Pourquoi des jeunes gens qui ont encore toute leur innocence, qui sont sans péché, sont-ils moissonnés à la fleur de l'âge ?

D'où vient que souvent des enfants de deux ans, de trois ans et encore à la mamelle, sont possédés du démon, couverts de lèpre, dévorés par la jaunisse ?

Pourquoi, au contraire, voit-on des hommes impies, adultères, homicides, sacrilèges, jouir en paix d'une heureuse santé, et blasphémer contre Dieu, alors surtout que l'iniquité du père ne retombe pas sur le fils, et que l'âme qui a péché meurt elle-même ? 3

Ou, si l'antique sentence subsiste encore, et si les enfants doivent être punis des pèches de leurs pères, n'est-il pas inique de faire tomber sur un enfant innocent les crimes innombrables d'un père chargé d'années ? Et j'ai dit : C'est donc en vain que j’ai purifié mon cœur, et que j'ai lavé mes mains parmi les innocents,, — et que j'ai été frappé de verges durant tout le jour 4.

Et, lorsque je songeais à toutes ces choses, j'ai appris à dire avec le Prophète : J'ai médité pour savoir, et mes yeux n’ont vu qu'un grand travail ; — jusqu'à ce que je sois entré dans le sanctuaire de Dieu ; car les jugements du Seigneur sont un abîme impénétrable , et que j'aie compris la fin des pervers 5.

Et encore…
_____________________________________________________________________________

(1) Job. III. 1. (2) Jerem. XV. 10.(3) Ibid. XII. 1.(1) Ps. LXXII. 2 3. 12.(2) Ibid. 15.(3) Ezech. XVIII. 4.(4) Ps. LXXII. 13. 14. (5) Ibid. 16. 17.

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Message  Louis Ven 30 Oct 2020, 5:08 am



LETTRE XXII.

Pages 279-281.

A PAULA.

Sur la mort de Blésilla, sa fille.

SUITE

Et encore : O profondeur des trésors de la sagesse, et de la science de Dieu t Que ses jugements sont incompréhensibles ,et ses voies impénétrables ! 1

Dieu est bon, et tout ce que fait un être bon doit être bon nécessairement.

Si je perds un mari, je déplore cette perte; mais parce qu'il plaît ainsi au Seigneur, je supporterai cet accident sans murmurer.

La mort m'a-t-elle ravi un fils unique, cette disgrâce est cruelle sans doute, mais supportable néanmoins, parce que Dieu a repris ce qu'il avait donné.

Si je deviens aveugle, la lecture faite par un ami sera ma consolation.

Si mes oreilles me refusent la faculté d'entendre, je serai à couvert de la corruption, et je ne songerai à rien autre chose qu'au salut.

Si, pour comble de malheur, je me vois encore en butte à la dure pauvreté, au froid, à la maladie et à la nudité, j'attendrai que la mort y vienne mettre un terme; et tous les maux de la vie présente me sembleront courts, dans l'attente d'une vie plus heureuse.

Considérons ce que dit ce psaume d'une si haute morale : Vous êtes juste, Seigneur, et vos jugements sont droits 2. De telles paroles ne peuvent sortir que de la bouche d'un homme qui, dans toutes ses souffrances, bénit le Seigneur, et qui, attribuant à ses péchés les maux qu'il endure, ne cesse, au milieu des adversités, de louer la clémence divine.

Les filles de Juda ont tressailli de joie à cause des jugements du Seigneur 3. Si Juda se traduit par louange, si toute âme croyante loue le Seigneur, il est nécessaire que celui qui prétend croire au Christ se réjouisse dans tous les jugements du Christ. Me porté-je bien, je rends grâce au Créateur.

Suis-je malade, en cela encore je bénis la volonté de Dieu; car lorsque je suis faible alors je suis fort, et la force de l'esprit se perfectionne dans la faiblesse de la chair 1. L'Apôtre souffre, lui aussi, ce qu'il ne voudrait pas, et par trois fois il conjure le Seigneur de l'en affranchir, mais on lui répond : Ma grâce te suffit, parce que la force se perfectionne dans la faiblesse 2 . Afin de réprimer l'orgueil qu'il aurait pu concevoir de ses révélations, on lui donne un esprit de malice qui le fasse ressouvenir de la faiblesse humaine ; de même que, dans les triomphes, on plaçait derrière le char du triomphateur un homme qui lui disait, à chaque acclamation des citoyens : Souviens-toi que tu es homme.

Mais pourquoi trouver dur, ce qu’il faut souffrir une fois enfin? Pourquoi pleurer la mort de quelqu'un? Sommes-nous donc nés pour rester ici-bas éternellement? Abraham, Moïse, Isaïe, Pierre, Jacques, Jean, Paul, ce vase d'élection, et par-dessus tout le Fils de Dieu, ont été sujets à la mort. Et nous nous indignons, lorsque nous voyons abandonner son enveloppe mortelle à une personne qui a été enlevée peut-être, de crainte que le mal ne changeât son cœur, car son âme était agréable au Seigneur. C'est pour cela qu'il s'est hâté de la retirer du milieu des iniquités 3, afin que, dans ce long pèlerinage de la vie, elle n'allât pas s'égarer en des sentiers écartés.

Que l'on pleure un mort, mais un mort que la géhenne reçoit, que le tartare dévore, et pour le châtiment duquel brûlent des feux éternels...
_________________________________________________________________________________

(1) Rom XI. 33 —  (2) Ps. CXVIII. 137.(3) Ibid. XCVI. 8. (1) II. Cor, XII. 9. 10. (2) Ibid. 9. (3) Sap. IV. 11. 14.

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Message  Louis Sam 31 Oct 2020, 7:22 am



LETTRE XXII.

Pages 281-285.

A PAULA.

Sur la mort de Blésilla, sa fille.

SUITE

Que l'on pleure un mort, mais un mort que la géhenne reçoit, que le tartare dévore, et pour le châtiment duquel brûlent des feux éternels. Nous que les bataillons des anges escortent au sortir de ce monde; nous, à la rencontre de qui se présente le Christ, soyons, bien plutôt affligés d'habiter plus longtemps ces tabernacles de mort, car, pendant que nous demeurons ici-bas, nous sommes éloignés du Seigneur 1 . Que ce désir, que ces paroles soient toujours dans notre âme : Malheur à moi, car mon exil a été prolongé ! J'ai habité sous les tentes de Cédar; mon âme y a été  étrangère 2. Comme le mot Cédar signifie ténèbres, et que ce monde est enveloppé de ténèbres, parce que la lumière luit dans les ténèbres, et que les ténèbres ne l'ont point comprise 3, applaudissons à notre chère Blésilla, qui a passé des ténèbres à la lumière, et qui, par l'ardeur d'une foi naissante , a mérité la couronne d'une vertu consommée.

Si, en effet, pendant qu'elle aurait été occupée des désirs du siècle, Dieu veuille préserver les siens d'un pareil malheur ! si, pendant qu'elle n'aurait songé qu'aux délices de cette vie, une mort prématurée fût venue l'enlever, alors il faudrait la pleurer et répandre sur elle des torrents de larmes. Mais puisque, grâces au Christ, elle a su trouver, il y a quatre mois, comme un second baptême dans les résolutions qu'elle avait prises  Note (1), et que dès lors elle a vécu de manière à ce que, foulant aux pieds le monde, elle eût toujours sa pensée vers le monastère, ne craignez-vous pas que le Sauveur vous dise :

« Pourquoi t'irriter, ô Paula, de ce que ta fille est devenue la mienne? Pourquoi t'indigner contre mes jugements, et, avec des larmes rebelles, m'outrager, parce que je possède Blésilla? Peux-tu pénétrer les desseins que j'ai sur toi, que j'ai sur le reste de ta famille? Tu te refuses la nourriture, non point par un jeûne louable, mais par une douleur excessive. Je n'aime point celte frugalité-là. Ces jeûnes sont ceux de mon ennemi. Je ne reçois aucune âme qui se sépare du corps contre ma volonté. Que la philosophie insensée du siècle se glorifie de pareils martyrs. Qu'elle se glorifie d'un Zénon, d'un Cléombrotus, d'un Caton  Note (2).

» Mon esprit ne se repose que sur les humbles et les pacifiques, et sur ceux qui écoutent mes paroles avec tremblement 1. Est-ce donc là ce que tu promettais dans le monastère ? Est-ce pour cela que, te distinguant du reste des matrones par un costume particulier, tu semblais faire profession d'une vie plus religieuse? Cette âme qui pleure est bien digne d'un corps vêtu de soie. Te voilà défaillante et à demi morte; et, comme si tu ne devais pas tomber entre mes mains, tu me fuis comme un juge cruel. Ce prophète, dont l'âme était si grande, Jonas, avait autrefois voulu se dérober à mes poursuites, mais il fut à moi dans les gouffres mêmes de la mer.

» Si tu croyais que ta fille est vivante, jamais tu ne pleurerais de l'avoir vu passer à une condition meilleure. Est-ce là ce que j'avais ordonné par mon Apôtre, de ne point s'attrister, à la manière des gentils, sur ceux qui dorment  2 ? Rougis donc : une femme païenne te surpasse. La servante du démon vaut mieux que la mienne. Celle-là se flatte que son mari, qui était païen, a été transporté dans le ciel ; et toi, ou bien tu ne peux croire que ta fille habite avec moi, ou bien tu ne le veux pas.»

Vous me direz : Pourquoi me défendre de pleurer, puisque Jacob, lui aussi…
__________________________________________________________________________________________

(1) II. Cor. V. 6. (2) Ps. CXIX. 5. 6.(3) Joan. I. 5.(1) Is. LXVI. 2.(2) I. Thess. IV. 12.

Note (1) : LES RÉSOLUTIONS QU’ELLE AVAIT PRISES  — Saint Jérôme veut dire, sans doute, que Blésilla avait formé le projet de se consacrer à Dieu.

Note (2) : ZÉNON.  — Zénon, chef de la secte des stoïciens, s'étrangla, et ses disciples se maintinrent dans cette liberté de se faire mourir eux-mêmes.

Cléombrotus, né à Ambrasie, et philosophe académicien, se précipita du haut des murs de sa ville natale, après avoir lu le Phédon, et se tua. Callimaque l'a célébré dans une épigramme.

Caton, se voyant poursuivi par César, après la défaite de Pompée, se retira à Utique, où il se poignarda lui-même.

La triste et désolante philosophie, au bout du compte, que la philosophie de ces animaux de gloire, comme dit Tertullien!

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Message  Louis Dim 01 Nov 2020, 5:53 am


LETTRE XXII.

Pages 285-287.

A PAULA.

Sur la mort de Blésilla, sa fille.

SUITE

Vous me direz : Pourquoi me défendre de pleurer, puisque Jacob, lui aussi, couvert d'un sac, pleura Joseph, et ne voulut pas recevoir les consolations de ses proches, qui s'étaient tous rassemblés auprès de lui ? Je descendrai, disait-il, vers mon fils en pleurant jusqu'au tombeau 1; puisque David, la tête couverte, pleura la mort d'Absalon, en répétant ces paroles : Mon fils Absalon, Absalon mon fils, qui me donnera de mourir pour toi, mon fils Absalon 2? puisque les funérailles de Moïse, d'Aaron et des autres saints furent célébrées par un deuil solennel? — Il est aisé de répondre à cela : Jacob pleura son fils, qu'il croyait tué, auprès duquel il devait bientôt lui-même descendre au sépulcre, disant: Je descendrai tout en pleurs vers mon fils dans le tombeau 3;  parce que le Christ n'avait point encore forcé la porte du paradis, parce que son sang n'avait pas encore éteint ce glaive de feu que brandissent les chérubins.

De là vient qu'Abraham, quoique placé dans un lieu de rafraîchissement Note (3), nous est représenté néanmoins, comme étant dans les enfers avec Lazare 3.

David avait raison de pleurer un fils parricide; mais, un autre fils, à qui ses prières n'avaient pu conserver la vie, il ne le pleura point, parce qu'il savait que ce fils n'avait pas péché.

Que les funérailles de Moïse et d'Aaron aient été, suivant l'ancienne coutume, célébrées par un grand deuil, il n'y a rien là d'étonnant, puisque, dans les Actes des Apôtres, l'on voit que, dès les premiers jours de l'Evangile, les frères de Jérusalem célébrèrent les funérailles d'Etienne avec un grand deuil 4 ; ce qui doit s'entendre , non pas comme vous le pensez, de la douleur excessive des frères , mais de la pompe des obsèques et de la foule prodigieuse qui s'y trouvait.

Enfin, l'Ecriture parle ainsi de Jacob : ….
_______________________________________________________________________________

(1) Gen XXXVII. 35. (2) II. Reg. XVIII. 33.(3) Luc. XVI.(4) Act. VIII. 2.

Note (3) : LES ENFERS. — Apud inferos, au fond de la terre. Ce lieu est proprement les limbes, où les âmes des justes ont été jusqu'à la venue de Jésus-Christ.

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Message  Louis Lun 02 Nov 2020, 5:49 am



LETTRE XXII.

Pages 287-291.

A PAULA.

Sur la mort de Blésilla, sa fille.

SUITE

Enfin, l'Ecriture parle ainsi de Jacob : Et Joseph monta ensevelir son père; tous les serviteurs de Pharaon, et les anciens de sa maison, et les anciens de toute l'Egypte, et toute la maison de Joseph et ses frères montèrent avec lui 1. Et un peu après : Il  y eut aussi des chars et des cavaliers qui le suivirent, et il trouva là une grande multitude 2. Et ensuite : Ils célébrèrent les funérailles de Jacob avec beaucoup de pleurs et de grands cris 3. Ce deuil solennel ne témoigne pas des larmes et de la tristesse des Egyptiens, mais de la pompe des funérailles.

Il est manifeste aussi qu’Aaron et Moïse furent pleurés de la même manière. Je ne saurais assez louer les mystères de l'Ecriture, ni assez admirer le sens divin qu'elle présente sous des termes simples en apparence. D'où vient que Moïse est pleuré, et que le saint homme Jésus, fils de Navé, fut enseveli sans être pleuré cependant? C'est que, du temps de Moïse, je veux dire, dans l'ancienne loi, tous les hommes étaient enveloppés dans la condamnation prononcée contre le péché d'Adam, et qu'il était naturel de donner des larmes à ceux qui descendaient aux enfers, suivant ce que dit l'Apôtre : la mort a régné depuis Adam jusques à Moïse, même sur ceux qui n'avaient pas péché 4.

Mais sous l'Evangile, c'est-à-dire, sous Jésus, par qui nous a été ouvert le paradis, on célèbre avec joie les funérailles des morts. Aujourd'hui encore les Juifs donnent des larmes à ceux qui meurent, et, les pieds nus, se roulent sur la cendre, se couchent sur le cilice. Puis, afin que rien ne manque à cette superstitieuse cérémonie, ils ont coutume, d'après une vaine tradition des pharisiens, de prendre des lentilles pour première nourriture, faisant voir par là que ce mets fatal leur a fait perdre le droit d'aînesse. Mais leur aveuglement est mérité; car, ne croyant pas à la résurrection du Seigneur, ils ne peuvent attendre que la venue de I'antechrist. Mais nous, qui avons été revêtus du Christ, et qui sommes devenus, suivant l'Apôtre, une race royale et sacerdotale 1, nous ne devons pas nous affliger sur les morts. Et Moïse dit à Aaron, et à Eléazar et à Ithamar, ses fils qui étaient restés Note (4) ; Vous ne découvrirez point votre tête, vous ne déchirerez point vos vêtements, de peur que vous ne mouriez, et que la colère ne vienne sur tout le peuple 2.

N'allez pas, dit-il, déchirer vos vêtements, ni étaler un deuil de gentil, de peur que vous ne mouriez. Notre mort, c'est le péché. Et; ce qui semblera peut-être dur à quelqu'un, mais qui néanmoins est nécessaire à la foi, le même Lévitique défend au grand-prêtre d'approcher du cadavre de son père, de sa mère, de ses frères ou de ses enfants, de peur sans doute qu'une âme occupée d'offrir des sacrifices à Dieu et de méditer ses mystères, ne trouve une distraction dans des affections quelconques. La même chose n'est-elle pas recommandée en d'autres termes dans l'Evangile, lorsque le disciple reçoit ordre d'abandonner sa maison, de ne pas accorder la sépulture au cadavre de son père? Et il (le grand-prêtre) ne sortira pas des lieux saints, afin qu'il ne souille pas le sanctuaire dit Seigneur;  car il a sur la tête l'huile de l'onction sainte de son Dieu 3 .

Assurément, dès que nous croyons au Christ…
______________________________________________________

(1)Gen L. 7. (2) Ibid. 9.(3) ibid. 10.(4) Rom. V. 14. (1)I. Petr.II. 9. (2) Levit. X. 6. —  (3) Ibid. XXI. 12.

Note (4) : Nadab et Abia avaient été consumés par le feu.

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Message  Louis Mar 03 Nov 2020, 5:57 am


LETTRE XXII.

Pages 291-295.

A PAULA.

Sur la mort de Blésilla, sa fille.

SUITE

Assurément, dès que nous croyons au Christ, et que, après avoir reçu l'huile de son onction, nous le portons en nous, il ne faut pas que nous sortions du temple, c'est-à-dire, de la voie de la perfection chrétienne, ni que nous allions dehors pour prendre part à l'incrédulité des gentils; mais nous devons toujours rester au dedans, c'est-à-dire, observer la volonté du Seigneur. Je vous ai dit ces choses, de peur que, ne comprenant pas l'Ecriture, vous ne vous en servissiez comme d'une autorité dans votre deuil, et que vous ne justifiassiez ainsi votre égarement.

Et encore ne vous ai-je parlé jusqu'à présent que comme à une chrétienne ordinaire. Mais, puisque je sais que vous avez renoncé au monde entier, et que, après avoir dédaigné et foulé aux pieds les délices du siècle, vous vaquez chaque jour à la prière, au jeûne, à la lecture ; puisque, à l'exemple d'Abraham, vous souhaitez de sortir de votre pays et de votre parenté, d'abandonner la Chaldée et la Mésopotamie, pour entrer dans la terre de promission ; puisque, morte au monde avant même de mourir, vous avez distribué vos biens aux pauvres et à vos enfants, je m'étonne que vous fassiez des choses qui, dans les autres personnes, seraient dignes de blâme. Il vous souvient toujours de la conversation de Blésilla, de ses caresses, de ses paroles, de sa compagnie, et la perte de tout cela vous semble insupportable.

Nous excusons les larmes d'une mère, mais nous voulons des bornes dans la douleur. Si je songe que vous êtes mère, je ne vous fais pas un crime de vos pleurs. Si je me rappelle que vous êtes chrétienne et religieuse, je dis que ces deux noms excluent celui de mère. La plaie est récente ; et, quelque précaution que ma main prenne pour la toucher, elle l'irrite plutôt qu'elle ne la guérit. Cependant, un mal que le temps doit adoucir, pourquoi ne pas en triompher par la raison?

Noémie, pour se défendre contre la famine, s'étant réfugiée dans la terre de Moab, y perdit son époux et ses fils. Et, lorsqu'elle était privée du secours des siens, Ruth, quoique étrangère, ne s'éloigna pas de ses côtés. Voyez quel mérite ce fut d'avoir consolé une personne délaissée ! Le Christ naît de la race de Ruth.

Considérez quelles disgrâces Job a essuyées, et vous verrez que vous êtes trop délicate, pendant que lui, les yeux levés au ciel, au milieu des ruines de sa maison, avec les douleurs de son ulcère, après des pertes infinies, et en face des embûches de son épouse, fait preuve d'une patience invincible. Je sais ce que vous allez répondre : Toutes ces calamités ne fondirent sur cet homme juste que pour éprouver sa vertu.

De deux choses, choisissez donc celle que vous voudrez : ou vous êtes sainte et alors vous êtes éprouvée ou vous êtes pécheresse et alors vous vous plaignez injustement; car vous souffrez moins que vous ne méritez de souffrir.

Que parlé-je d'exemples anciens ? Imitez ceux que vous avez sous lez yeux…

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Message  Louis Mer 04 Nov 2020, 6:35 am



LETTRE XXII.

Pages 295-297.

A PAULA.

Sur la mort de Blésilla, sa fille.

SUITE

Que parlé-je d'exemples anciens ? Imitez ceux que vous avez sous lez yeux. La sainte Mélanie, cette véritable illustration chrétienne de nos temps (puisse le Seigneur, en son grand jour, nous accorder, à vous et à moi, une part avec elle !) pendant que le corps de son mari était encore chaud, et n'avait pas reçu les derniers devoirs, perdit en même temps deux fils. Je vais dire une chose incroyable ; mais, le Christ m'en est témoin, c'est la vérité. Qui ne penserait qu'alors Mélanie, comme une furieuse, les cheveux épars, les vêtements en lambeaux, n'allât se déchirer le sein ? Elle ne répandit pas une seule larme, se tint immobile ; et prosternée aux pieds du Christ, elle sourit, comme si elle l'eût tenu dans ses bras « Je vais, Seigneur, vous servir avec plus de liberté, puisque vous m'avez déchargée d'un fardeau si pesant. » Mais peut-être a-t-elle été vaincue par sa tendresse pour ses autres enfants ? Jugez de son détachement, par la manière dont elle en agit avec le seul qui lui restât; car, après lui avoir donné tous ses biens, elle s'embarqua, au commencement de l'hiver, pour aller à Jérusalem.

Epargnez-vous, je vous en conjure ; épargnez votre fille qui déjà règne avec le Christ ; épargnez du moins votre Eustochium, dont l'âge tendre encore, dont l'enfance encore extrême est guidée par vos enseignements. Aujourd’hui, le démon frémit de rage ; et, parce qu'il a vu triompher une de vos filles, irrité d'avoir été vaincu, il s'efforce de ressaisir en celle qui reste, la victoire qu'il a perdue dans celle qui est aux cieux. Trop de tendresse envers des enfants est une impiété envers Dieu. Abraham immole avec joie son fils unique, et vous voyez avec chagrin que sur plusieurs de vos enfants, l'un reçoive la couronne?

Je ne saurais exprimer sans gémissement ce que j'ai à vous dire. Lorsque, du milieu du convoi, l'on vous rapportait à demi-morte, le peuple murmurait tout bas :

« N'est-ce pas là ce que nous disions souvent? Elle s'attriste de ce que sa fille, tuée par les jeûnes, ne lui a pas laissé de petits-fils même d'un second mariage. Que ne chasse-t-on enfin de la ville cette race détestable des moines? Pourquoi ne pas les lapider? Pourquoi ne pas les précipiter dans les flots? Ils ont séduit cette pauvre matrone qui n'a embrassé que malgré elle, la vie monastique, on le voit bien car jamais païenne ne pleura de la sorte ses enfants. »

Quelle pensez-vous qu'ait été la tristesse du Christ, à de tels discours?...

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Message  Louis Jeu 05 Nov 2020, 5:59 am


LETTRE XXII.

Pages 299-301.

A PAULA.

Sur la mort de Blésilla, sa fille.

SUITE

Quelle pensez-vous qu'ait été la tristesse du Christ,  à de tels discours? Quelle joie n'a - ce pas été pour Satan, qui s'efforce aujourd'hui de vous ravir votre âme, et qui, sous le prétexte spécieux d'une pieuse douleur, pendant que l'image de votre fille est sans cesse devant vos yeux, désire tout à la fois tuer la mère de celle qui a triomphé de lui, et envahir la solitude d'Eustochium, sa sœur délaissée? Je ne dis point ceci pour vous alarmer, et le Seigneur m'est témoin que je vous parle avec autant de sincérité que si j'étais devant son tribunal.

Elles sont abominables, pleines de sacrilèges, plus remplies encore d'incrédulité, ces larmes qui n'ont pas de mesure, et qui vous conduisent presque jusques au tombeau. Vous poussez des hurlements, des cris continuels; et, devenue comme furieuse, vous vous faites, autant qu'il est en votre pouvoir, homicide de vous-même.

Dans l'état où vous vous trouvez, Jésus avec douceur s'approche de vous, et vous dit : Ne pleurez point, votre fille n'est pas morte, mais elle dort 1. Que les assistants se rient de ces paroles ; ils imitent l'infidélité des Juifs.

Vous encore, si vous voulez vous livrer à la douleur sur le tombeau de votre fille, vous entendrez ces reproches de l'ange : Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celle qui est vivante? 2
C'est ce que faisait Marie Magdeleine; mais aussitôt qu'elle reconnut la voix du Seigneur qui l'appelait, elle se prosterna à ses pieds, et le Christ lui dit : Ne me touchez pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père; 3 c'est-à-dire, vous ne méritez pas de me toucher à présent que je ressuscite, puisque vous me croyez enseveli dans le sépulcre.

Quels supplices, quels tourments pensez-vous que ce soit pour notre Blésilla de voir le Christ un peu irrité contre vous ?...
__________________________________________________________________

(1) Marc. V ; Luc. VIII. 52. (2) Ibid. XXIV. 5(3) Joan. XX. 17.

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Message  Louis Ven 06 Nov 2020, 7:06 am


LETTRE XXII.

Pages 301-303.

A PAULA.

Sur la mort de Blésilla, sa fille.

SUITE

Quels supplices, quels tourments pensez-vous que ce soit pour notre Blésilla de voir le Christ un peu irrité contre vous ? Elle vous crie maintenant, à vous qui pleurez :

« Si jamais tu m'as aimée, ô ma mère ; si j'ai sucé tes mamelles; si j'ai grandi au milieu de tes avertissements, ne m'envie point ma gloire, ne fais pas que nous soyons à jamais séparées l'une de l'autre. Penses-tu que je sois seule ? J'ai, pour te remplacer, Marie, mère du Seigneur. Je vois ici beaucoup de saintes personnes que je ne connaissais pas encore. Oh ! combien cette société est préférable ! J'ai ici Anna, cette prophétesse de l'Evangile; et, ce qui doit redoubler ta joie, j'ai obtenu en trois mois, la gloire qui lui a coûté, à elle, tant d'années d'un pénible travail. Nous avons reçu la même palme de chasteté.

» Me plains-tu d'avoir quitté le monde ? Je vous plains aussi vous que la prison du siècle retient encore ; vous qui chaque jour combattez et qu'entraînent dans une ruine fatale, tantôt la colère tantôt l'avarice tantôt la volupté, tantôt les charmes des vices divers. Si tu veux être ma mère, aies soin de plaire au Christ ; je ne reconnais pas pour mère celle qui déplaît à mon Seigneur.»

Blésilla vous dit encore beaucoup d'autres choses que je passe sous silence ; elle prie le Seigneur pour vous et m'obtient, car je connais ses sentiments, le pardon de mes fautes, en reconnaissance des avis que je lui ai donnés, des exhortations que je lui ai faites, du zèle avec lequel j'ai encouru la haine de ses proches, afin d'assurer son salut.

Ainsi, tant qu'un faible souffle animera mes membres, tant que je poursuivrai le pèlerinage de cette vie, je m'y engage, je le promets, je le jure, c'est Blésilla que ma voix célébrera ; c'est à elle que seront consacrés mes travaux, pour elle que se fatiguera mon esprit. Aucune page, dans mes livres, qui ne parle de Blésilla.

En quelque lieu que parviennent mes ouvrages, elle voyagera avec eux. Les vierges, les veuves, les moines, les prêtres liront ses traits gravés dans mon âme. En dédommagement d'une courte vie, elle obtiendra une éternelle renommée. Celle qui vit dans les cieux avec le Christ vivra aussi dans la bouche des hommes. Le siècle présent passera ; viendront les siècles futurs qui la jugeront sans amour et sans haine.

Je la placerai entre le nom de Paula et celui d'Eustochium ; elle vivra éternellement dans mes écrits ; elle m'entendra toujours parlant d'elle avec sa sœur avec sa mère.

Fin de cette Lettre.

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Message  Louis Sam 07 Nov 2020, 6:53 am


LETTRE XIX.

Pages 247-251.

A MARCELLA.

Sur la maladie de Blésilla.

Abraham est tenté dans son fils, mais Dieu le trouve plus fidèle encore. Joseph est vendu pour l’Egypte, mais c'est afin de nourrir son père et ses frères. Ezéchias, effrayé des approches de la mort, verse un torrent de larmes, et le Seigneur lui prolonge la vie de quinze ans. Pierre, l’apôtre, chancelle dans la passion du Seigneur, mais ses pleurs amers lui méritent ces paroles : Pais mes brebis 1. Paul, ce loup ravisseur 2, ce jeune Benjamin Note (1) , perd, dans une extase, la vue du corps, afin de trouver celle de l'âme 3, et, du milieu des ténèbres épaisses dont il est soudainement environné , il appelle son Seigneur celui que naguère il persécutait comme un homme.

Et nous aussi, ma chère Marcella, nous avons vu notre chère Blésilla livrée, durant trente jours environ, aux ardeurs d'une fièvre incessante ; mais c'était pour qu'elle apprît à ne pas nourrir dans les délices un corps qui devait être bientôt la pâture des vers. Le Seigneur Jésus est venu vers elle ; il a touché sa main, et voilà que, se levant elle le sert Note (2). Il perçait en elle je ne sais quelle négligence; enlacée dans les liens des richesses, elle gisait dans le tombeau du siècle. Mais Jésus a frémi, il s'est troublé en lui-même, et, criant, il a dit : Blésilla, viens dehors 4 Note (3). Elle s'est levée à cet appel et sortie du tombeau, elle mange avec le Seigneur. Que les Juifs menacent et s'irritent, qu'ils cherchent à faire mourir celle qui a été ressuscitée, que les Apôtres seuls triomphent. Elle sait qu'elle doit sa vie à celui qui la lui a rendue. Elle sait qu'elle embrasse les pieds de celui dont naguère elle appréhendait le jugement. Son corps était étendu presque inanimé et les approches de la mort ébranlaient ses membres haletants Où étaient alors les secours de ses parents ? Où étaient ces paroles plus vaines que la fumée? Elle ne vous doit rien, ô ingrate famille, celle qui est morte au monde, et qui est rressuscitée pour le Christ. Que celui qui est chrétien se réjouisse ; quiconque s'indigne montre par là qu'il n'est pas chrétien.

La veuve qui est dégagée du lien marital ne doit penser qu'à persévérer. Mais quelqu'un se scandalise-t-il de lui voir un vêtement brun? que l’on se scandalise donc aussi de ce que Jean, lui qui fut le plus grand parmi les enfants des hommes, lui qui fut nommé l'Ange, et qui baptisa le Seigneur lui-même, portait un habit de poil de chameau, et se ceignait d'une ceinture de cuir. Trouve-t-on mauvais qu'elle use d'une nourriture simple? mais rien de plus commun que des sauterelles Note (4).

Ah ! que plutôt un œil chrétien se scandalise de ces femmes qui peignent leurs joues et leurs yeux de vermillon, et de je ne sais quel autre fard; dont les visages de plâtre, défigurés par trop de blanc, ressemblent à des idoles; qui, laissant par hasard échapper quelques larmes involontaires, en conservent la trace et les sillons ; qui ne peuvent pas même apprendre des autres qu'elles sont déjà vieilles ; qui élèvent par étage sur leur tête des cheveux empruntés Note (5); qui veulent faire revivre sur des fronts ridés une jeunesse envolée; qui, chancelantes déjà, prennent des airs de jeunes filles, devant une foule de petits-fils et de neveux. Qu'elle rougisse, la femme chrétienne, si elle violente la nature pour paraître belle ; si elle prend soin de la chair, pour éveiller la concupiscence, qu'on ne peut suivre, au dire de l'Apôtre, sans déplaire au Christ 1 .

Notre veuve s'ajustait autrefois avec une affectation puérile et…
________________________________________________________________________________________________

(1) Joan. XXI. 17. (2) Act. IX.(3) Gen. XLIX. 27.(4) Joan. XI.(1) Rom. VIII, 8.

Note (1) : Comme saint Paul était de la tribu de Benjamin, saint Jérôme, en parlant de lui, fait allusion à ce que dit l'Ecriture : Benjamin sera un loup ravisseur, Gen. XLIX , et Ps. LXVII : Là était le petit Benjamin, dans un ravissement d'esprit.

Note (2) : Saint Jérôme fait ici allusion à la guérison de la belle-mère de saint Pierre. Luc, chap. IV.

Note (3) : Allusion à la résurrection de Lazare.

Note (4): Les sauterelles n'étaient point dans la classe des choses immondes, ainsi qu'on le voit par le Lévitique, II , 22 . Les anciens en parlent comme d'une nourriture ordinaire en Afrique, en Perse, en Syrie et en Palestine. Les voyageurs modernes assurent que, en quelques pays, on porte au marché une grande quantité de sauterelles, et que le peuple s'en nourrit, après les avoir fait frire dans de l'huile ou sécher au soleil. Voyez Stapleton,Antodot.  Evang. in Matth.   III. —  Canisius, de Corruptelis verbi Dei, I , 4. — La Synopsis Criticorum, — Corneille de la Pierre et D. Calmet. Les sauterelles, en Orient, sont aussi plus grosses que celles que nous voyons dans nos climats.

Note (5):  Ce trait satirique d'un tableau parfait et plein de malice nous l'appelle les fameux vers de Juvénal. Sat. X. :

Tot premit ordinibus , tot adhuc compagibus altum Ædificat caput;


imités par Boileau , qui a dit, Sat., VI, 502. :


C'est pour eux qu'elle étale et l'or et le brocard,
Que chez toi se prodigue el le rouge et le fard,
Et qu’une main savante, avec tant d’artifice,
Bâtit de ses cheveux, l’élégant édifice.

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Message  Louis Dim 08 Nov 2020, 6:49 am


LETTRE XIX.

Pages 251-255.

A MARCELLA.

Sur la maladie de Blésilla.

SUITE

Notre veuve s'ajustait autrefois avec une affectation puérile, et tout le jour demandait à son miroir ce qu'il manquait dans sa parure. Aujourd'hui, elle dit avec confiance : Nous tous qui contemplons la gloire du Seigneur sans avoir de voile sur le visage, nous sommes transformées en sa ressemblance et nous avançons de clarté en clarté, par l'illumination de l'Esprit du Seigneur 1.

Alors ses femmes arrangeaient ses cheveux avec art, et sa tête innocente était pressée sous des mitres de frisure; maintenant elle néglige sa coiffure, et sait qu'il suffit à sa tête qu'elle soit voilée. Alors, les lits de plume lui semblaient encore trop durs, et à peine pouvait-elle reposer sur une couche délicate; maintenant, elle se lève en toute hâte pour prier, et, d'une voix sonore, entonnant l'Alleluia avant toutes les autres, elle commence la première à louer son Seigneur. Elle s'agenouille sur la terre nue, et des larmes abondantes lavent une figure que salissaient naguère le fard et la céruse. Après la prière, elle chante des psaumes, et sa tête fatiguée, ses genoux chancelants, ses yeux accablés de sommeil, peuvent à peine, si grande est sa ferveur, obtenir un peu de repos.

Avec une tunique de couleur sombre, elle appréhende moins de se salir, quand elle se prosterne. Sa chaussure est modeste ; et le prix des souliers dorés, elle le distribue aux indigents. Sa ceinture ne brille plus d'or, ni de pierreries, mais elle est d'une laine simple et commune, et peut serrer ses vêtements plutôt que de les couper. Si le serpent jaloux de son choix de vie, veut l'engager, par un langage flatteur, à manger encore du fruit défendu, il faut qu'elle l'écrase par son anathème, et que, le voyant expirer dans sa poussière, elle lui dise : iRetire-toi, Satan 2; ce nom veut dire ennemi. Car, celui-là est un ennemi du Christ et un antéchrist qui ne peut souffrir les préceptes de Jésus.  

Je vous le demande, qu'avons-nous fait, pour que l'on ait droit de se scandaliser, qui approche de ce que les Apôtres ont fait ? Ils abandonnent leur vieux père, leur barque et leurs filets. Le publicain se lève de son comptoir, et suit le Sauveur. Le disciple veut retourner chez lui ? et dire adieu aux siens ; la voix du maître l'en empêche. Un autre ne peut rendre les derniers devoirs à son père : c’est une sorte de piété que d'être cruel envers ses parents pour obéir au Seigneur.

Nous, parce que nous ne sommes pas vêtus de soie, on nous traite de moines; parce que nous ne sommes point portés à l'ivrognerie et que nous ne rions point avec excès; on nous regarde comme des gens incommodes et d'une humeur chagrine. Si notre tunique n'est pas d'une blancheur éblouissante, on trouve aussitôt ces paroles banales : C'est un imposteur et un Grec. Qu'ils nous plaisantent d'une manière plus spirituelle encore, qu'ils déchaînent contre nous des hommes de bonne chère; notre Blésilla se rira d’eux, et ne craindra pas d'entendre les coassements impurs des grenouilles, elle qui sait que son Seigneur a été appelé Béelzebub.
___________________________________________________________

(1) II. Cor. III. 18. (2) Marc. VIII. 33.

Fin de cette Lettre.

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Message  Louis Lun 09 Nov 2020, 7:19 am


LETTRE XX.

Pages 256-259.

A MARCELLE.

Sur la mort de Léa.

Lorsque, vers la troisième heure de ce jour, nous avions commencé à lire le psaume soixante et douzième, c'est-à-dire , le commencement du troisième livre , et que nous étions forcé de faire observer qu'une partie du titre même tient à la fin du second livre, que l'autre partie doit être placée au commencement du troisième livre,  que ces mots : Ici se terminent les hymnes de David, fils de Jcssé, sont la fin du premier livre; que ces autres mots : Psaume d'Asaph, forment le commencement du livre suivant Note (1), et que nous en étions venus à cet endroit où le juste s'exprime ainsi : Je disais : Si je raconte ces choses, voilà que la génération de vos enfants me nommera prévaricateur 1, ce qui ne se trouve pas de la même manière dans les manuscrits latins, alors on est venu nous apprendre tout-à-coup que la très-sainte Léa était sortie de ce monde. A cette nouvelle, je vous ai vu devenir si pâle , que j'ai connu qu'il est peu d'âmes, ou qu'il n'en est pas du tout qui ne se contristent, en voyant se briser ce vase d'argile. Pour vous, si vous étiez chagrine, ce n'était pas qu'il vous vînt des doutes sur sa destinée, mais tous regrettiez de ne lui avoir pas rendu les derniers devoirs. Enfin, au milieu de nos entretiens, nous avons appris encore que ses restes avaient été déjà transportés à Ostia.

Vous allez me dire : A quoi bon me rappeler tout ceci ? Je vous répondrai, par les paroles de l'Apôtre, que ces détails sont avantageux en toute manière 1.

Premièrement, parce que chacun doit se réjouir de la mort de Léa, elle qui, après avoir triomphé du démon, a reçu déjà la couronne que nul ne peut lui ravir. Secondement, parce que nous vous ferons ainsi connaître sa vie en peu de mots. Troisièmement, parce que nous vous montrerons que ce consul désigné  Note (2), qui riait de la chaussure de Léa, est enseveli dans les enfers.

Et, certes, qui pourrait dignement louer la conduite de notre Léa, qui pourrait dire comment on l'a vue se donner toute entière au Seigneur, gouverner un monastère, devenir la mère des vierges; comment, après avoir été accoutumée à la mollesse des habits, elle déchirait ses membres avec un rude cilice, passait les nuits en prières, et instruisait ses compagnes, plus par ses exemples que par ses paroles ?

Elle était d'une humilité si grande et si profonde qu'on l'eût prise pour la servante de tous, elle qui jadis avait commandé à beaucoup de personnes; mais elle était plus véritablement la servante du Christ, en ne paraissant pas dominer sur les hommes. Ses habits étaient grossiers, sa nourriture commune, sa coiffure négligée; et toutefois, elle pratiquait ces vertus de manière à éviter l'ostentation, de peur de recevoir sa récompense en ce monde.

Maintenant donc, pour de courtes souffrances…
______________________________________________________________

(1) Ps. LXXII. 15. (1) I. Cor. VI. 12 (?)

Note (1):  Saint Jérôme , écrivant à un prêtre nommé Cyprianus , dit que les Hébreux divisaient le Psautier en cinq livres, et que chaque livre finissait aux psaumes qui se terminent par ces mots: Fiat, fiat, comme porte notre Vulgate, ou Amen, amen, comme il y a dans l'hébreu. Il dit la même chose dans sa lettre à Sophronius ; mais il ajoute qu'il n'est pas de ce sentiment, et qu'il croit que tous les psaumes ne font qu'un seul livre.

« Il est, en effet, difficile de voir la raison qui avait porté les Juifs à diviser les psaumes en cinq livres, et nous trouvons souvent dans l'un de ces livres des cantiques qui, sous le rapport des temps où vraisemblablement ils ont été composés, devraient faire partie d'un autre livre. » J. B. M. Nolhac, Etudes sur le texte des Psaumes,  tome I, page 51.


Note (2) : CONSUL  DÉSIGNÉ.  — Ce consul s'appelait Prétextatus. II fut désigné consul, c'est-à-dire, nommé au consulat; mais il mourut avant d'avoir exercé cette charge. Saint Jérôme, parlant de lui, dans sa Lettre XXXVIIIe, rapporte qu'il avait coutume de dire, en riant, au pape Damase : Faites-moi évêque de Rome, et aussitôt je serai chrétien.




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Message  Louis Mar 10 Nov 2020, 7:14 am


LETTRE XX.

Pages 260-263.

A MARCELLE.

Sur la mort de Léa.

SUITE

Maintenant donc, pour de courtes souffrances, elle jouit d'une béatitude sans fin ; elle est admise dans les chœurs des anges; elle se repose dans le sein d'Abraham, et, avec Lazare autrefois pauvre, elle voit ce riche couvert de pourpre, ce consul couvert non plus de la palmée, mais d'un vêtement de deuil, demander que, du petit doigt de Léa, une goutte d'eau tombe sur sa langue.

Oh ! quel étrange changement !

Cet homme que naguère précédaient les insignes de toutes les dignités; qui montait au capitole, comme pour triompher des ennemis subjugués; cet homme que le peuple romain accueillait avec des applaudissements et des acclamations; cet homme, à la mort duquel toute la ville s'est émue, désolé maintenant et dépouillé de tout, bien loin de siéger dans les palais étoilés du ciel, comme se l'imagine faussement sa malheureuse épouse  Note (3), est enseveli dans d'horribles ténèbres.

Cette femme, au contraire, qui se retranchait dans le secret d'une chambre solitaire, et qui semblait pauvre et obscure, dont la vie passait pour une folie, marche maintenant à la suite du Christ, et dit : Tout ce qui nous avait été annoncé nous l'avons vu dans la cité de notre Dieu1, et le reste.

C'est pourquoi je vous préviens et vous en conjure avec pleurs et gémissements : pendant que nous cheminons sur la route de ce monde, n'ayons pas deux tuniques, c'est-à-dire, deux sortes de foi.. Ne nous chargeons pas de souliers, c'est-à-dire, d'œuvres mortes ; que le poids des richesses ne nous entraîne point vers la terre. Ne cherchons pas l'appui d'un bâton, c'est-à-dire, de la puissance du siècle. Ne nous efforçons pas de posséder en même temps et le Christ et le siècle ; mais faisons en sorte que des biens éternels succèdent à des biens caducs et de courte durée. Et, puisque chaque jour nous mourons, je parle du corps, ne nous flattons pas d'être immortels quant au reste, afin que nous puissions jouir de l'éternelle béatitude.
____________________________________________________

(1) Ps. XLVII, 9.

Note (3) : SA MALHEUREUSE ÉPOUSE. — Elle s’appelait Paulina, et était prêtresse de Cérès. Saint Jérôme en parle dans la Lettre XXIIe.

Fin de cette Lettre.

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Message  Louis Mer 11 Nov 2020, 6:49 am


LETTRE XXI.

Pages 263-265.

A MARCELLA.

Éloge d’Asella.

L'on ne doit pas me blâmer si, dans mes lettres, je vante ou je censure quelques personnes ; parce que reprendre le vice c'est corriger les méchants, et que louer les gens de bien c'est inspirer aux autres l'amour de la vertu. Dernièrement, j'avais dit quelques mots de Léa, d'heureuse mémoire. J'éprouvai aussitôt un remords, et il me vint en pensée que je ne devais pas me taire au sujet d'une vierge, après avoir parlé d'une chasteté du second ordre. Je vais donc décrire en peu de mots la vie de notre Asella, mais je vous prie de ne lui pas lire cette lettre, car elle ne peut souffrir qu'on la loue; montrez-la plutôt aux jeunes filles, afin que, se modelant sur son exemple, elles regardent sa conduite comme la règle d'une vie parfaite.

Je ne dis point qu'elle a été bénie dans le sein de sa mère, avant sa naissance ; que son père la vit, durant le sommeil, dans une fiole de verre plus pur et plus éclatant qu'une glace, emblème de sa future virginité.

Je ne dis pas qu'enveloppée encore des langes de l'enfance, et dépassant à peine sa dixième année, elle a été consacrée au Seigneur et embellie déjà des prérogatives de la béatitude future. Imputons à la grâce toutes les faveurs dont elle a été comblée,  avant de pouvoir combattre, quoique, au reste,  Dieu qui sait l'avenir, sanctifie Jérémie dans le sein maternel, fasse tressaillir Jean dans le ventre de sa mère, et, avant la création du monde, réserve Paul pour l'Evangile de son Fils.

J'en viens à ce qu'elle a fait elle-même depuis sa douzième année; au genre de vie qu'elle a choisi, embrassé et suivi avec persévérance; aux devoirs qu'elle s'est imposés et qu'elle a remplis.

Renfermée dans les bornes étroites d'une petite cellule, elle jouissait de la vaste étendue du paradis. La terre nue lui servait à la fois d'oratoire et de lieu de repos. Le jeûne était son plaisir, et la faim son aliment. Ce n'était pas pour contenter un désir naturel, c'était pour satisfaire les besoins du corps qu'elle se laissait entraîner à prendre de la nourriture; du pain, du sel et de l'eau froide, tels étaient les aliments qui servaient plutôt à irriter sa faim, qu'à l'apaiser.

J'oubliais presque ce que je devais vous dire d'abord. Aussitôt qu'elle eut embrassé ce genre de vie, elle vendit, à l'insu de ses parents, son collier d'or, que l'on appelle communément une murène Note (1) , parce qu'il est composé de plusieurs petits filets d'or entrelacés les uns dans les autres, et qui s'allongent en serpentant. Puis, elle se revêtit d'une tunique de couleur brune, qu'elle ne pouvait obtenir de sa mère; et, par un pieux début de renoncement au monde, elle se consacra tout-à-coup au Seigneur, de manière que toute sa parenté comprît que l'on ne pouvait obtenir autre chose de celle qui, dans ses vêtements, avait déjà condamné les vanités du siècle.

Or, comme j'avais commencé de le dire…
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Note (1) : MURÈNE.  —  La murène est un poisson qui ressemble à la lamproie, et qui a la forme d'un serpent. Saint Jérôme expose lui-même le motif pour lequel on donnait le nom de murène au collier que portaient les dames romaines.

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