LETTRES de Saint Jérôme.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXI.Pages 265-269.A MARCELLA.Éloge d’Asella.SUITE
Or, comme j'avais commencé de le dire, elle se conduisit toujours avec tant de régularité, et mit tant de soins à se cacher dans le secret de sa cellule, que jamais on ne la vit paraître en public, jamais parler à un homme; et, ce qu'il y a de plus merveilleux, c'est qu'ayant une sœur vierge aussi, elle se contentait de l'aimer, et se privait du plaisir de la voir. Elle travaillait de ses mains, sachant qu'il est écrit : Que celui qui ne travaille pas ne mange pas 1 . Elle s'entretenait avec l'époux céleste, ou par l'oraison, ou par la psalmodie. Elle allait visiter les tombeaux des martyrs, sans presque se laisser voir. Au milieu des jouissances que lui procurait son genre de vie, elle trouvait son plus grand plaisir à n'être connue de personne. Un jeûne continuel faisait sa nourriture durant toute l'année ; souvent même elle vivait ainsi deux, trois jours, mais c'était en carême surtout qu'elle déployait l'ardeur de son zèle, passant de la sorte , et l'air joyeux , presque toutes les semaines.
Ce que l'on regarderait peut-être comme impraticable, si la grâce de Dieu ne l'eût rendu possible , c'est qu'elle a vécu de cette manière jusqu'à cinquante ans, sans éprouver aucune douleur d'estomac, ni d'entrailles ; sans que ses membres se crispassent à coucher sur la terre nue, sans contracter, dans le sac dont sa peau était déchirée, ni malpropreté, ni odeur fétide; le corps toujours sain, l'esprit plus vigoureux encore, elle faisait de la solitude toutes ses délices, et savait trouver au milieu d'une ville bruyante le calme des moines au désert.
Au reste, ces détails vous sont mieux connus qu'à moi, puisque vous m'avez appris le peu que j'en sais; puisque vous avez vu de vos yeux le calus, pareil à celui des chameaux, qu'elle a contracté à force de prier.
Moi, je dis ce que je peux savoir. Rien de plus enjoué que sa gravité, rien de plus grave que son enjouement; rien de plus triste que sa douceur, rien de plus doux que sa tristesse. La pâleur de son visage est telle que, en étant un indice de ses austérités, elle n'a rien qui sente l'ostentation. Elle parle sans rien dire, et ce silence même est éloquent. Sa démarche n'est ni précipitée, ni lente. Toujours le même maintien. Ses vêtements sont d'une propreté simple et sans recherche, d'une élégance sans ornements.
Par la seule égalité de sa vie, elle a mérité que, dans une ville de luxe, de plaisirs et de délices, où l'humilité passe pour misère, les gens de bien la comblent d'éloges, et les méchants n'osent la calomnier; que les veuves et les vierges l'imitent; que les matrones la respectent; que les femmes de mauvaise vie la redoutent, que les prêtres l'admirent.
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(1) II. Thess. III. 10.
Fin de cette Lettre.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXIV.Pages 308-311.A MARCELLA.
Si je ne vous ai pas écrit plus au long, c'est pour un double motif: d'abord, le porteur était sur son départ, et, comme je me trouvais occupé d'un autre ouvrage, je n'ai pas voulu l'interrompre. Vous demandez quel est cette chose si grande, si importante, qui m'arrache au plaisir d'une causerie épistolaire. — Depuis longtemps je collationne avec le texte hébraïque l'édition d'Aquila, afin de voir si la synagogue, dans sa haine pour le Christ, n'y aurait pas fait quelque changement; et j'y trouve, il faut l'avouer à une personne amie, beaucoup de choses bien capables de consolider notre foi.
Après avoir scrupuleusement revu les Prophètes, Salomon, le Psautier et les livres des Règnes, j'en suis à l'Exode que les Hébreux appellent ELLE SEMOTH, après quoi je passerai au Lévitique. Vous voyez donc bien qu'il ne faut rien préférer à un ouvrage de cette importance. Cependant, de peur que notre courrier ne fit une course inutile, j'ai voulu joindre à ce petit billet deux lettres Note (1) que j'adresse à votre sœur Paula et à sa fille Eustochium ; vous pouvez les lire, et si, vous y trouvez quelque chose qui vous instruise et vous plaise, regardez comme écrit à vous-même ce qui est écrit pour d'autres.
Je désire que notre mère Albina se porte bien, je parle de la santé du corps ; pour l'esprit , je n'ignore pas comment il se porte. Je vous conjure de la saluer, et de lui rendre tous les devoirs de piété que nous lui devons, comme à une chrétienne et à une mère.
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Note (1) : La première de ces lettres se trouve parmi les Lettres critiques , et commence par ces mots : Nudius tertius. La seconde est la XXIIe de ce volume.
Fin de cette Lettre.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXV.Pages 3-9.A MARCELLA.
Depuis ma dernière lettre, dans laquelle je vous expliquais quelques mots hébreux, j'ai appris soudainement que certaines personnes s'acharnent à me décrier, et se plaignent de ce que, au mépris de l'autorité des anciens et de l'opinion générale, j'ai eu la témérité de corriger quelques endroits dans les Évangiles. Je pourrais fort bien mépriser ces sortes de gens, car il est inutile de jouer de la lyre devant un âne; mais, de peur que, suivant leur coutume, ils ne m'accusent d'orgueil, je répondrai que je ne suis ni assez inepte, ni assez stupide (eux font consister toute leur sainteté dans la sottise et l'ignorance, disant qu'ils sont disciples des pêcheurs, comme s'ils étaient saints parce qu'ils ne savent rien), pour croire, ou qu'il y a quelque chose à corriger dans les paroles du Seigneur, ou que tout n'est pas inspiré dans les Évangiles.
J'ai voulu seulement, d'après l'original grec, sur lequel mes censeurs eux-mêmes avouent que les versions ont été faites, corriger les exemplaires latins qui sont altérés, comme cela se prouve par les différences que l'on voit dans tous les livres. Si mes adversaires dédaignent de puiser à une source très-pure, qu'ils boivent l'eau bourbeuse des ruisseaux ; qu'ils n'apportent pas, dans la lecture des Livres saints, l'attention spéciale qu'ils mettent à savoir en quelles forêts se trouvent les oiseaux les plus délicats, sur quel rivage l'on pêche les meilleures huîtres; qu'ils ne montrent de la simplicité que pour dire que les paroles du Christ sont impolies, et que tant de sublimes esprits qui ont travaillé, depuis tant de siècles, à chercher le véritable sens de chaque parole, l'ont deviné bien plus qu'ils ne l'ont expliqué; qu'ils accusent d'ignorance l'Apôtre, lui à qui l'on disait que son grand savoir lui faisait perdre le sens 1.
Je n'ignore point qu'en lisant ces lignes, vous froncerez le sourcil; que vous craindrez que ma liberté d'expression ne devienne un nouveau sujet de querelles, et que vous voudriez, s'il était possible, mettre votre doigt sur ma bouche, pour m'empêcher de dire ce que les autres ne rougissent pas de faire.
Je le demande, que m'est-il donc échappé de trop libre ?
Ai-je fait graver dans des bassins les images des faux dieux?
Parmi des convives chrétiens, ai-je exposé aux yeux des vierges les embrassements des Bacchantes et des Satyres?
Ai-je parlé jamais de quelqu'un avec trop d'aigreur ?
Ai-je déclamé contre ceux qui, de pauvres, sont devenus riches?
Ai-je blâmé ces héritages pris sur la mort?
Malheureux ! j'ai dit seulement que les vierges devraient être plutôt avec des femmes qu’avec des hommes, et voilà que j'ai encouru l'indignation de toute la ville, voilà que tous me montrent au doigt. Ils sont plus nombreux que les cheveux de ma tête, ceux qui me haïssent sans motifs, — et je suis devenu pour eux un sujet de risée 1 , et vous pensez que je dirai quelque chose encore ?
Mais, de peur que Flaccus n'aille rire de moi, et dire :Tu promis une coupe, ignorant ouvrier,
Et ta roue, en tournant, donne un vase grossier,TRAD., DE DARU.
revenons à nos ânes bipèdes, et, au lieu de jouer de la harpe devant eux, sonnons de la trompette à leurs oreilles.
Qu’ils s'obstinent à lire : Réjouissez-vous dans votre espérance, accommodez-vous au temps; pour nous, lisons : Réjouissez-vous dans votre espérance, servez le Seigneur 2 .
Qu'ils disent que l'on doit recevoir les accusations contre un prêtre ; pour nous, lisons : Ne recevez d'accusation contre un prêtre que sur la déposition de deux ou trois témoins. — Reprenez devant tout le monde ceux qui pèchent 3.
Qu'ils approuvent cette leçon: C'est un discours humain et digne d'être reçu avec une soumission parfaite ; pour nous, dussions-nous errer, attachons-nous aux exemplaires grecs et à l'Apôtre, qui a dit en grec : C’est une vérité certaine et digne d'être reçue avec toute la soumission possible 4.
Enfin, qu’ ils se plaisent à soutenir que le Christ monta sur un de ces chevaux qui viennent des Gaules ; quant à nous, aimons à dire qu'il prit cet ânon dégagé de tout lien, préparé, suivant Zacharie; pour le Sauveur, et qui, en servant de monture au Christ, justifia cette prophétie d'Isaïe : Heureux celui qui sème sur les bords de toutes les eaux, où travaillent le bœuf et l'âne! 5
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(1) Act. XXVI. 24. — (1) Ps. LXVIII. 5. — (2) Rom. XII. 12 — (3) I. Tim. V. 19. 20. — (4)I. Tim. I. 15. — (5) Is. XXXII. 20.
Fin de cette Lettre.
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Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXVI.Pages 9-11.A MARCELLA.Au sujet d’Onasus.
Les médecins, que l'on nomme chirurgiens, passent pour des gens cruels ; moi, je les trouve malheureux. N'est-ce pas être malheureux, en effet, que de toucher sans miséricorde les blessures d'autrui, et de porter un fer impitoyable sur des chairs mortes ; de traiter de sang-froid une chose que le malade lui-même ne peut regarder sans horreur, et de passer pour un ennemi?
Tel est le caractère de l'homme : la vérité lui semble amère, et le vice a des attraits pour lui.
Isaïe, pour figurer la captivité à venir, n'a pas honte de marcher nu. Jérémie est envoyé du sein de Jérusalem vers l'Euphrate, fleuve de Mésopotamie , afin de cacher, au milieu de peuples ennemis, chez l'Assyrien et dans le camp du Chaldéen, sa ceinture, et l'y laisser pourrir 2.
Ezéchiel reçoit ordre de manger un pain, cuit d'abord sous des excréments humains, puis sous de la bouse, et composé de plusieurs espèces de grains. II voit, d'un œil sec, mourir sa femme 2.
Amos est chassé de Samarie 3. Pourquoi, je le demande? Si ce prophète est banni, c'est que les chirurgiens spirituels, qui emploient le fer pour guérir les plaies faites par le péché, exhortent à la pénitence. L'apôtre Paul a dit: Je suis devenu votre ennemi, parce que je vous ai dit la vérité 1. Et comme les discours du Sauveur semblaient trop durs à ses disciples, plusieurs d'entre eux l'abandonnèrent.
Il n'y a donc pas lieu de s'étonner, si, déclamant contre le vice…
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(2) Jerem. XIII. 7.— (2) Ezech. IV. 12. — (3) Amos. VII. 12. — (1) Galat. IV. 16.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXVI.Pages 11-13.A MARCELLA.Au sujet d’Onasus.SUITE
Il n'y a donc pas lieu de s'étonner, si, déclamant contre le vice, j'offense beaucoup de gens. Je veux couper un nez qui sent mauvais; c'est à ceux qui ont les écrouelles de trembler. Je veux rabattre le caquet de la corneille; que la corneille reconnaisse qu'elle n'est qu'une babillarde. N'y a-t-il dans Rome qu'un seul homme à qui l'on ait coupé le nez et défiguré le visage? N'y a-t-il que le seul Onasus de Ségeste Note (1) qui, d'une voix emphatique, pèse gravement comme dans une balance, des mots sonores et enflés outre mesure ? Je dis que certaines gens, à l'aide du crime, du parjure et du mensonge, sont parvenus à je ne sais quelles dignités. Que te fait cela, toi qui te sens innocent? Je ris d'un avocat qui a besoin de patron ; je me moque de son éloquence de bas aloi ; que le fait cela, toi qui es disert? Je veux m'élever contre des prêtres amis de l'or ; toi qui n'es pas riche ; quel sujet as-lu de te fâcher ? Je veux enfermer Vulcain, et le consumer dans ses propres feux; es-tu son hôte ou son voisin, toi qui t'efforces d'écarter l'incendie des temples de l'idole?
Il me plaît à moi de tourner en dérision les larves, le chat-huant, le hibou et les monstres du Nil ; tout ce que je dis, tu crois qu'on te l’applique. Dès que ma plume s'efforce de stigmatiser un vice, tu vas criant que c'est à toi qu'on en veut. Là-dessus tu me prends à partie, et tu m'accuses sottement de faire des satires en prose. Te semble-t-il que tu sois beau parce que tu as un nom qui porte quelque chose d'heureux ? Comme si l'on ne donnait pas à un bois le nom de lucus, parce que la lumière ne peut y pénétrer ; aux déesses qui président à la vie, le nom de Parcœ, justement parce qu'elles n'épargnent personne; aux furies, celui d'Euménides, parce qu'elles sont loin d'être bienveillantes; aux Ethiopiens, celui d'hommes argentés ! Que si toujours tu te fâches, quand on décrit des objets hideux, je te dirai avec Perse :
« Puissent un roi et une reine désirer de t'avoir pour gendre ! Puissent les jeunes filles se disputer ta main ! Que les roses naissent en foule sous tes pas ! » (SAT. II. 37. 38.)
Je te donnerai néanmoins un conseil, et te dirai ce qu'il faut que tu caches, afin de paraître plus beau. Que l'on ne voie pas ton nez au milieu de ton visage ; que l'on n'entende pas le son de ta voix ; tu pourras sembler alors et beau et éloquent.
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Note (1) : ONASUS DE SÉGESTE. — Erasme et Marianus Victorius pensent qu'il faudrait peut être lire Bonasus, attendu qu'il est dit, à la fin de la lettre : que l'on ne voie pas ton nez au milieu de ton visage , et un peu avant la fin : Te semble-t-il que tu sois beau, parce que tu as un nom qui porte quelque chose d'heureux? Martianay veut qu'on lise Onasus, d'après les manuscrits; ce nom avait, suivant lui, quelque chose d'heureux, puisque Onasus , ou autrement Onasimus, Onesimus signifie utile, et dans le livre des noms hébraïques, veut dire beau.
Ségesta est une ville de Sicile.
Fin de cette Lettre.
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Louis- Admin
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LETTRE XXVII.Pages 14-17.A MARCELLA.
Un certain sectateur de Montanus a voulu vous objecter des passages de l'Évangile de Jean, dans lesquels notre Sauveur parle de retourner vers son Père, et promet d'envoyer le Paraclet Note (1). Pour quel temps a été faite cette promesse, en quel temps elle a été accomplie, c'est ce que nous apprennent les Actes des Apôtres. Il est raconté que dix jours après l'ascension du Seigneur, c'est-à-dire, cinquante jours après sa résurrection , le Saint-Esprit descendit, et que les croyants parlèrent diverses langues, en sorte que chacun d'eux s'exprimait dans la langue de tous les peuples.
Alors, quelques hommes d'une foi encore faible prétendaient qu'ils étaient ivres de vin nouveau, mais Pierre, se levant au milieu des Apôtres et de toute l'assemblée , dit : Hommes de la Judée, et vous tous qui habitez Jérusalem, considérez ceci, et prêtez l'oreille à mes paroles; — car, ceux-ci ne sont pas ivres, comme vous pensez , puisqu'il n'est que la troisième heure du jour. — Mais c'est ce qui a été dit par le prophète Joël ; — il arrivera dans les derniers jours, dit le Seigneur: Je répandrai mon esprit sur toute chair, et vos fils et vos filles prophétiseront, et vos jeunes gens verront des visions, et vos vieillards auront des songes. — En ces jours-là, je répandrai mon esprit sur mes serviteurs et sur mes servantes. 1
Si donc l'apôtre Pierre, sur qui le Seigneur a fondé l'Eglise, affirme que la prophétie et la promesse du Seigneur ont eu leur accomplissement en ce temps-là, comment pouvons-nous assigner un autre temps?
Mais si les montanistes veulent répondre
que les quatre filles de Philippe ont prophétisé ensuite,
— qu'il s'est trouvé un prophète Agabus,
— que, dans le dénombrement des dons de l'Esprit, Paul a placé aussi des prophètes parmi les apôtres et les docteurs,
— que lui-même a prédit beaucoup de choses touchant les hérésies futures et la fin du siècle ;
si les montanistes nous objectent cela, qu'ils sachent que nous ne rejetons pas une prophétie scellée par la passion du Seigneur, mais que nous n'avons point de communion avec ceux qui refusent de se rendre à l'autorité de l'ancienne et de la nouvelle Écriture.
D'abord, nous différons quant aux règles de la foi…
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(1) Joel. II. 28 ; Act. II. 14. 18.
Note (1) :
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Louis- Admin
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LETTRE XXVII.Pages 17-19.A MARCELLA.SUITE
D'abord, nous différons quant aux règles de la foi. Nous disons que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont des personnes distinctes, tout en n'ayant qu'une même substance ; mais les montanistes, suivant la doctrine de Sabellius Note (2), resserrent la Trinité dans les bornes étroites d'une seule personne.
Nous permettons les secondes noces, plutôt que nous ne les autorisons, selon le précepte de Paul qui veut que les jeunes veuves se remarient; eux, au contraire, regardent les secondes noces comme quelque chose de si criminel qu'ils traitent d'adultère quiconque se marie une seconde fois.
Nous ne jeûnons, avec tout l'univers chrétien, qu'un seul carême, suivant la tradition des Apôtres; les montanistes font trois carêmes par an, comme si trois Sauveurs avaient souffert. Ce n'est pas qu'il ne soit permis de jeûner pendant toute l'année, excepté les jours de la Pentecôte ; mais autre chose est d'offrir un présent par nécessité, autre chose de l'offrir de son propre mouvement.
Chez nous, les évêques tiennent le rang des apôtres; chez les montanistes, l'évêque n'occupe que la troisième place. Ils mettent au premier rang leurs patriarches de Pépusa Note (3) en Phrygie ; au second, ceux qu'ils appellent Cenonas, et dès lors, les évêques sont relégués au troisième, c'est-à-dire, presque au dernier rang, comme s'ils relevaient l'éclat de leur religion, en rejetant chez eux à la dernière place ceux qui chez nous occupent la première.
Ils ferment les portes de l'Eglise, presque pour chaque faute ; nous autres, nous lisons chaque jour : J'aime mieux la pénitence du pécheur que sa mort 1 ; et encore : Celui qui tombe ne se relèvera-t-il pas 2, dit le Seigneur ? et encore : Revenez à moi, enfants rebelles, et je guérirai vos plaies 3 . S'ils sont rigides, ce n'est pas qu'ils ne pèchent plus grièvement eux-mêmes; la différence entre nous et eux, c'est qu'ils rougissent de confesser leurs péchés, comme se croyant justes ; tandis que nous, en faisant pénitence, nous obtenons plus facilement le pardon.
Je ne dis rien de ces mystères criminels où ils emploient le sang d'un enfant à la mamelle …
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(1) Ezech. XVIII. 23. — (2) Jerem. VIII. 4. — (3) Ibid. III. 22.
Note (2) : LES MONTANISTES, SUIVANT LA DOCTRINE DE SABELLIUS. — Saint Épiphane, Hæret. II, 48, dit que les Cataphryges, ou Montanistes , avaient les mêmes sentiments que les Catholiques, touchant le mystère de la Trinité : De Patre et Filio , et Spiritu sancto, eadem cum Ecclesia catholica sentiunt. Pour accorder ce Père avec saint Jérôme, il faut savoir que les Cataphryges se divisèrent en deux sectes; l'une s'appelait de Proclus, l'autre d'Æschinés. Ceux-là admettaient, dans la Trinité, une nature en trois personnes, mais ceux-ci disaient que Jésus-Christ est tout à la fois le Père et le Fils, dans la Trinité.
Note (3) : PÉPUSA. — Pépusa fut jadis un bourg de Phrygie, qui, du temps de saint Jérôme, était entièrement ruiné ; les disciples de Montanus y tenaient leurs assemblées, et voilà pourquoi on les appela Cataphryges ou Phrygiens.
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Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
Fin de cette Lettre.LETTRE XXVII.Pages 19-21.A MARCELLA.SUITE
Je ne dis rien de ces mystères criminels où ils emploient le sang d'un enfant à la mamelle, qui doit être regardé comme un martyr. Oui, j'aime mieux n'y pas croire; tenons pour faux tout ce qui est sanguinaire.
Ce que nous devons confondre, c'est le blasphème qui leur fait dire ouvertement que Dieu avait voulu d'abord, dans l'Ancien Testament, sauver le monde par Moïse et les prophètes; mais, que n'ayant pu le faire , il a pris un corps dans le sein de la Vierge, qu'il a prêché, qu'il est mort pour nous dans le Christ, sous la figure du Fils ; que, n'ayant pu sauver le monde par ces deux degrés, il est descendu enfin par l'Esprit saint dans Montanus, Prisca et Maximilla Note (4), ces deux femmes insensées, et que Montanus, cet efféminé, ce demi-homme, a reçu la plénitude que Paul n'a pas eue, puisqu’il dit : Nous ne connaissons, nous ne prophétisons qu'en partie ; et encore : Nous voyons maintenant comme en un miroir, et en énigme 1.
Voilà des choses qui n'ont pas besoin d'être relevées; c'est confondre leurs erreurs, que de les dévoiler. Il n'est pas nécessaire non-plus , dans une courte lettre , de chercher à détruire toutes les rêveries qu'ils débitent, puisque, possédant très-bien les Ecritures, vous n'avez pas été ébranlée par leurs arguments, et que vous avez simplement voulu me demander ce que j'en pense.
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(1) I. Cor. XIII. 9. 12.
Note (4) : PRISCA et MAXIMILLA. — Femmes de qualité, que Montanus avait séduites, et qui, d’élèves qu’elles étaient, devinrent bientôt doctoresses.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XLIV.Pages 99-101.PAULA ET EUSTOCHIUM A MARCELLA.Sur les lieux saints.
La charité n'a pas de mesure ; toujours empressée, elle ne connaît pas de retard, et ne peut supporter d'attente. Oubliant donc notre faiblesse, et consultant nos désirs plutôt que nos forces, nous voulons, nous, tes écolières, instruire celle qui nous a façonnées, et, comme dit le proverbe, en remontrer à Minerve, inventrice des arts.
Toi qui as jeté la première étincelle dans nos âmes, qui nous a invitées à ce genre de vie, et par tes discours, et par tes exemples, et qui nous a défendues comme la poule défend ses petits rassemblés sous ses ailes, peux-tu bien aujourd'hui nous laisser aller sans mère, exposées à la rapacité de l’épervier, et à tous, les oiseaux de proie qui voient autour de nous, et dont l'ombre seule nous épouvante?
Ainsi donc , la seule chose que nous puissions faire , éloignées que nous sommes de toi, c'est de répandre des prières avec des larmes; c'est de témoigner, moins par nos pleurs que par nos sanglots, l'impatience que nous avons de te revoir ; c'est de te demander que tu nous rendes notre Marcella, elle si aimable, elle si bonne, elle dont la douceur surpasse la douceur du miel et toutes les douceurs du monde, et que tu ne viennes pas, avec un front sévère et sillonné par la tristesse au milieu de nous qui fûmes entraînées par ta bonté à embrasser un genre de vie pareil au tien.
Au reste, si nous ne demandons de toi que des choses d'une plus haute perfection, nos désirs n'ont rien de téméraire. Si toutes les maximes des Écritures sont d'accord avec notre sentiment, nous n'avons point agi avec trop de hardiesse, en t’invitant à prendre une détermination vers laquelle tu nous as tant de fois poussées. Dès que Dieu parle à Abraham, il lui dit : Sors de ton pays et d'avec ta parenté, et viens en la terre que je te montrerai 1.
Ce patriarche le premier à qui fut promis le Christ, reçoit ordre de…
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(1) Gen. XII. 1.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XLIV.Pages 101-105.PAULA ET EUSTOCHIUM A MARCELLA.Sur les lieux saints.SUITE
Ce patriarche, le premier à qui fut promis le Christ, reçoit ordre de quitter les Chaldéens, d'abandonner la ville de Confusion et Rohoboth, c'est-à-dire ses grandes rues; de s'éloigner des champs de Sennaar où la tour d'orgueil s'éleva jusque vers le ciel; puis au sortir des flots de ce siècle, loin des fleuves sur les rives desquels les saints furent assis, et pleurèrent, en se rappelant Sion; loin des vastes eaux du Chobar, d'où le prophète Ézéchiel fut transporté par un cheveu jusqu'à Jérusalem 1, d'habiter le pays de promission, qui n'est point arrosé, comme l'Égypte, des eaux de la terre, mais des eaux du ciel 2, et qui ne produit pas ces légumes, nourriture des faibles, mais qui attend les rosées du soir et du matin.
Cette région montueuse et élevée 3 présente des délices spirituelles d'autant plus grandes, que les plaisirs du siècle en sont entièrement bannis. De là vient que Marie, la mère du Seigneur, après avoir entendu les promesses de l'ange, après avoir compris que son sein allait devenir la demeure du Fils de Dieu, quitta la plaine et se dirigea vers les montagnes.
Ce fut de cette ville que notre David, ayant terrassé jadis l'ennemi philistin et abattu l'audace de ce front diabolique, vit, après sa victoire, s'avancer une foule joyeuse et un chœur de dix mille personnes qui célébraient son triomphe par leurs cantiques 4.
Ce fut là que l'ange, armé d'un glaive, et ravageant cette ville impie, désigna la place du temple de Dieu dans l'aire d'Ornam, roi des Jébuséens, pour faire voir dès lors que l'Église du Christ devait s'élever, non point en Israël, mais parmi les gentils.
Consultez la Genèse, et vous verrez que Melchisédech, roi de Salem, fut prince de cette ville ; il offrit alors du pain et du vin, comme figure du Christ, et consacra le mystère chrétien dans le corps et le sang du Sauveur.
Peut-être me blâmerez-vous en secret de ce que, au lieu de suivre l'ordre des Écritures, je prends les passages çà et là, tels qu'ils se présentent à mon souvenir, et sans ordre aucun. Mais, au commencement de cette lettre, nous vous avons déjà dit que l'affection n'a pas d'ordre, et que l'impatience ne connaît pas de mesure. C'est pourquoi, dans le Cantique des Cantiques, il est écrit comme d'une chose difficile: Mettez de l'ordre en mon amour 1. Et maintenant, nous le disons, ce n'est point par ignorance, mais c'est par affection pour vous, que nous errons ainsi. Enfin, pour mettre plus d'ordre dans notre langage, nous reprendrons les choses de plus loin.
On dit qu'Adam a demeuré et qu'il est mort dans cette ville…
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(1) Ezech. III. 14. — (2) Deut. XI. 10. — (3) Ibid. 11. — (4) I. Reg. XVII et XVIII. — (1) Cant. II. 4.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XLIV.Pages 105-107.PAULA ET EUSTOCHIUM A MARCELLA.Sur les lieux saints.SUITE
On dit qu'Adam a demeuré et qu'il est mort dans cette ville, ou plutôt dans le lieu où elle a été bâtie ensuite. De là vient que la montagne sur laquelle a été crucifié notre Seigneur, s'appelle Calvaria, parce qu'on y a enterré la tête du premier homme, afin que le sang du second Adam coulât sur le tombeau du premier , effaçât ses péchés, et qu'on vît l'accomplissement de ces paroles de l'Apôtre : Debout, vous qui dormez ; sortez d'entre les morts , et le Christ vous illuminera 2.
Tous les prophètes, tous les saints personnages que cette ville a produits, il serait trop long de les nombrer. C'est dans cette province dans cette cité que se sont accomplis tous les mystères de notre religion. En ses trois noms divers elle désigne le dogme de la Trinité. Elle s'appelle Jébus, Salem et Jérusalem. Le premier nom veut dire foulée aux pieds, le second signifie paix et le troisième vision de paix Car ce n'est que peu à peu qu'on arrive au terme, ce n'est qu'après avoir été foulé aux pieds qu'on est élevé à la vision de paix.
Ce fut dans cette ville que naquit Salomon, dont le nom veut dire pacifique, dans ce lieu de paix qu'il établit sa demeure. Comme il était la figure du Christ, on l'appela, suivant l'étymologie du nom de Jérusalem, le Seigneur des seigneurs, le Roi des rois. Que dirons-nous de David, et de toute sa descendance, qui a régné dans cette ville ? Autant la Judée est au-dessus des autres provinces, autant cette ville est au-dessus de toute la Judée.
Pour parler avec plus de justesse, la province est redevable de sa grandeur à la métropole, et tout ce qu'il y a de gloire dans les membres retourne de droit à la tête.
Il y a long-temps que nous connaissons l'envie que vous avez de nous interrompre, et nous pressentons déjà l'objection que vous allez nous faire. Vous nous direz sans doute que cela était vrai jadis, quand le Seigneur aimait Sion plus que toutes les tentes de Jacob, et que les fondements de Jérusalem étaient assis sur les montagnes saintes1, quoique l'on puisse, au reste, donner à ce passage une interprétation plus relevée. Mais depuis que le Seigneur s'est levé, direz-vous , et que sa voix a fait retentir ces mots : On vous laissera votre maison toute déserte 2, et que les larmes aux yeux , il a prédit la ruine de leur ville en disant : Jérusalem, Jérusalem qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui sont envoyés vers toi combien de fois j'ai voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes et lu ne l'as pas voulu ! Voilà qu'on vous laissera vos maisons toutes désertes 3.
Depuis que le voile du temple a été déchiré, que Jérusalem…
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(2) Eph. V. 24. — (1) Ps. LXXXVI. 1. 2. — (2) Matth. XXIII. 38. — (3) Luc. XIII. 34. 35.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XLIV.Pages 107-111.PAULA ET EUSTOCHIUM A MARCELLA.Sur les lieux saints.SUITE
Depuis que le voile du temple a été déchiré, que Jérusalem s'est rougie du sang du Seigneur, et qu'elle a été assiégée par une armée, depuis lors elle n'a plus ni la grâce du Christ, ni la protection des anges.
Vous direz encore que Josèphe, qui est un écrivain juif de nation Note (1), assure que, lorsque le Seigneur fut crucifié, les voix des Vertus célestes s'échappèrent du fond du Temple, et crièrent : Sortons d'ici. Par ce passage, comme par plusieurs autres, on voit que là où la grâce a abondé, là aussi a surabondé le péché.
Vous direz enfin que depuis que les apôtres ont entendu ces paroles : Allez, enseignez toutes les nations 1 et qu'ils ont dit eux-mêmes aux Juifs: C'était bien à vous, d'abord, qu'il fallait annoncer la parole de Dieu; mais puisque vous l'avez rejetée, voilà que nous passons vers les nations 2; vous direz donc que depuis lors la Judée a perdu tout ce qu'elle avait de saint, et que l'antique familiarité de Dieu avec elle est échue aux nations par le ministère des apôtres.
II est vrai que l'objection est forte, et qu'elle peut ébranler ceux mêmes qui ont quelque teinture des Écritures saintes; mais néanmoins il est aisé de la résoudre. Le Seigneur n'aurait jamais pleuré la ruine de Jérusalem, s'il ne l'avait pas aimée. Il pleura Lazare, parce qu'il l'aimait. Au reste, faites attention d'abord que c'était non pas la ville, mais le peuple, qui était coupable. Ce n'est qu'après le massacre des citoyens que la ville a été prise; elle n'a été ruinée que pour le châtiment du peuple. Si le temple a été détruit, c'est afin que les sacrifices de l'ancienne loi, figure de la loi nouvelle, fussent abolis.
Mais après tout, à considérer son état présent, cette ville est aujourd'hui plus auguste qu'elle ne le fut jamais. Les Juifs vénéraient jadis le Saint des saints, parce que là se trouvaient et les chérubins, et le propitiatoire, et l'arche du Testament, et la manne, et la verge d'Aaron, et l'autel d'or. Le sépulcre du Seigneur ne vous semble-t-il pas beaucoup plus digne de vénération que tout cela? Nous n'y entrons jamais que nous ne voyions le Sauveur gisant dans un linceul; et, pour peu que nous y demeurions, nous y apercevons l'ange assis à ses pieds, et le suaire plié tout prés de sa tête. Nous savons que la gloire de ce sépulcre, bien long - temps avant que Joseph l'eût taillé dans le roc, avait été prédite par le prophète Isaïe, disant : Son repos sera de la gloire 1, pour montrer, sans doute que le lieu de la sépulture du Seigneur serait un jour en vénération à toute la terre.
Peut-être demanderez-vous pourquoi il est dit en l'Apocalypse de Jean : Et la bête qui monte de l'abîme les tuera , — nul doute qu'il ne s'agisse des prophètes, — et leurs corps seront étendus dans les rues de la grande ville, qui est appelée spirituellement Sodome et Égypte, et où leur Seigneur a été crucifié. Car il parle ainsi : La grande ville, dans laquelle a été crucifié le Seigneur 2 ; ce ne peut être que Jérusalem. Mais la ville où le Seigneur a été crucifié, est appelée spirituellement Sodome et Égypte; donc c'est une Sodome et une Égypte que Jérusalem, où a été crucifié le Seigneur.
Je veux d'abord que vous conveniez que l'Écriture sainte ne peut se contredire elle-même, surtout dans un même livre, encore moins dans un même endroit du même livre…
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(1) Matth. XXVIII. 19. — (2) Act. XIII. 46. — (1) Is. XI. 10, secundum LXX. — (1) Apoc. XI. 7. 8.
Note (1) : Voyez Josèphe, livre VI de la Guerre des Juifs.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XLIV.Pages 111-115.PAULA ET EUSTOCHIUM A MARCELLA.Sur les lieux saints.SUITE
Je veux d'abord que vous conveniez que l'Écriture sainte ne peut se contredire elle-même, surtout dans un même livre. Or, dans l'Apocalypse, où vous avez pris le passage cité, il est écrit environ dix versets plus haut : Lève-toi, et mesure le temple de Dieu, et l'autel , et ceux qui adorent, mais laisse le parvis qui est hors du temple , et ne le mesure point, parce qu'il a été abandonné aux gentils, et que, pendant quarante-deux mois, ils fouleront aux pieds la ville sainte 1.
Si Jean, qui a écrit l'Apocalypse, long-temps après la passion du Seigneur, appelle Jérusalem la ville sainte, comment peut-il la nommer spirituellement Sodome et Égypte ? Vous ne pouvez pas dire qu'il appelle ville sainte la Jérusalem céleste qui doit exister, ni qu'il appelle Sodome celle qui a été ruinée, car c'est de la ville qui doit exister que l'on doit entendre ces paroles : La bête qui montera de l'abime fera la guerre aux deux prophètes, les vaincra et les tuera, et leurs corps seront gisants dans les rues de la grande ville.
C'est encore de cette ville que Jean écrit, sur la fin du même livre : Et la ville était bâtie en carré, aussi longue, aussi large que haute. — Et il mesura la ville avec sa verge d'or, jusqu'à l'étendue de douze mille stades, et sa longueur, sa largeur et sa hauteur sont égales. — Et il mesura aussi la muraille, qui était de cent quarante-quatre coudées de mesure d'hommes, qui était celle de l'ange. — Et la muraille était bâtie de pierre de jaspe, mais la ville était d'un or pur 2.
Ce qui est carré n'a proprement ni longueur ni largeur. Quelle est donc cette sorte de mesure dont la longueur et la largeur sont égales à sa hauteur ? Quelle était cette ville qui était d'un or pur dont les murailles étaient de jaspe, les fondements et les rues de pierres précieuses et les douze portes toutes brillantes de perles ?
Ainsi, puisque tout cela ne peut être pris à la lettre et qu'il est impossible de trouver une ville de douze mille stades d'étendue, et…
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(1)Apoc. XI. 1. 2. — (2) Ibid. XXI. 16-18.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XLIV.Pages 115-119.PAULA ET EUSTOCHIUM A MARCELLA.Sur les lieux saints.SUITE
Ainsi, puisque tout cela ne peut être pris à la lettre et qu'il est impossible de trouver une ville de douze mille stades d'étendue, et dont la longueur et la largeur soient égales à la hauteur, il faut nécessairement donner à ce passage un sens spirituel.
Par cette grande ville que Jean vit la première fois, et que Caïn bâtit et appela du nom de son fils, on doit entendre le monde que le démon, cet accusateur de ses frères, ce fratricide destiné à la mort, bâtit par le vice, fonda par le crime, et peupla par l'iniquité; cette ville que Jean appelle, en un sens spirituel, Sodome et Égypte, et dont il est écrit : Sodome sera rétablie dans son premier état, parce que le monde doit redevenir tel qu'il fut autrefois ; car il n'y a nulle apparence que Sodome, Gomorre, Adama et Séboim puissent jamais être rétablies , et il est à croire qu'elles resteront éternellement ensevelies dans leurs cendres. Nul endroit de l'Écriture où l'Égypte se présente pour Jérusalem ; toujours ce mot veut dire ce monde.
Comme il serait trop long de ramasser les nombreuses citations que fournissent les Écritures, nous ne rapporterons qu'un passage, où le monde est très manifestement appelé Égypte. Dans son épitre canonique, l'apôtre Judas, frère de Jacques, écrit ce qui suit : Je veux vous avertir, vous qui avez su autrefois ces choses, que Jésus, après qu'il eut sauvé le peuple, en le tirant d'Égypte, fit périr ensuite ceux qui furent incrédules 1.
Et, de peur que, par le nom de Jésus ; ou n'entende le fils de Navé, l'Apôtre ajoute aussitôt : Mais les anges qui n'ont pas conservé leur première dignité , et qui ont abandonné leur propre demeure , il les retient dans des chaînes éternelles et de profondes ténèbres, puis il les réserve pour le jugement du grand jour 2.
Et, afin de montrer que toutes les fois qu'il nomme l'Égypte , Sodome et Gomorre, il veut parler du monde, et non pas de ces villes, il les cite elles-mêmes pour exemple. De même, dit-il, que Sodome et Gomorre, et les villes voisines qui s'étaient livrées comme elles à l'impureté, se souillant d'une manière abominable , ils sont devenus un exemple, et subissent la peine du feu éternel 3.
Mais qu'est-il besoin de s'étendre davantage, puisque l'évangéliste Matthieu s'exprime ainsi, au sujet de ce qui suivit la mort et la résurrection du Sauveur : Et les pierres se fendirent, et les sépulcres s ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui dormaient, se levèrent, et, sortant de leurs tombeaux, entrèrent dans la ville sainte, après leur résurrection, et apparurent à plusieurs 4.
On ne saurait appliquer ce passage à la Jérusalem céleste, comme quelques personnes le font ridiculement ; car les hommes n'auraient pu avoir aucun indice de la résurrection du Seigneur, si les corps des saints ne s'étaient montrés que dans la céleste Jérusalem.
Puisque les Évangélistes et toute l'Écriture appellent Jérusalem ville sainte, et que le Psalmiste nous ordonne d'adorer le Seigneur aux lieux où ses pieds ont été 1 , ne souffrez pas qu'on donne le nom de Sodome et d'Égypte à une ville, par laquelle Jésus-Christ nous défend de jurer , car elle est la cité du grand roi 2.
Cette terre est appelée terre maudite, parce qu'elle a bu le sang du Seigneur. Mais…
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(1) Jud. V. — (2) Ibid. VI. — (3) Ibid. VII.— (4) Matth. XXVII. 51-53. — (1) Ps. CXXXI. 7. — (2) Matth. V. 35.
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Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XLIV.Pages 119-121.PAULA ET EUSTOCHIUM A MARCELLA.Sur les lieux saints.SUITE
Cette terre est appelée terre maudite, parce qu'elle a bu le sang du Seigneur. Mais comment peut-on nommer lieux de bénédiction ceux où Pierre el Paul, ces chefs de l'armée chrétienne, ont répandu leur sang pour le Christ ?
S’il est glorieux le martyre des serviteurs qui ne sont que des hommes mortels, pourquoi ne le serait-il pas celui du Seigneur qui est Dieu ? Quoi ! l'on vénère partout les tombeaux des martyrs, on se met sur les yeux leur cendre sacrée, on la baise même, si on peut le faire, et le sépulcre dans lequel a été enfermé le Seigneur vous penserez qu'il ne faut pas le respecter !
Si vous ne nous croyez pas, croyez-en du moins le démon et ses anges; car toutes les fois que, en présence de ce sépulcre on les chasse des corps des possédés alors comme des criminels cités devant le tribunal du Christ, ils tremblent, rugissent et regrettent amèrement d'avoir crucifié celui qu'ils redoutent.
Si, après la passion du Seigneur, Jérusalem, comme le proclame une voix impie, est devenue un lieu abominable, d'où vient que Paul se hâta d'y aller célébrer la Pentecôte ? d'où vient qu'il disait à ceux qui voulaient le retenir : Que faites-vous, et pourquoi pleurer ainsi, pourquoi m'attendrir le cœur? Je suis prêt non-seulement à être lié, mais encore à mourir en Jérusalem pour le nom du Seigneur Jésus 1. D'où vient que, après avoir été instruites des vérités de l'Évangile, tant de personnes saintes et illustres envoyaient leurs offrandes et leurs aumônes aux frères qui demeuraient à Jérusalem ?
Il serait trop long de dire ici combien d'évêques, de martyrs, d'hommes éloquents et versés dans la science de l'Église sont venus à Jérusalem, depuis l'époque de l'Ascension du Seigneur jusqu'au jour d'aujourd’hui, persuadés qu'il eût manqué quelque chose à leur religion, à leur science, et qu'ils n'auraient pas reçu, comme on dit, la haute main des vertus, s'ils n'avaient adoré le Christ aux lieux mêmes où l'Évangile avait rayonné d'abord sur la croix. Certes, si un illustre orateur crut qu'il pouvait reprocher à un certain personnage d'avoir étudié les lettres grecques, non point à Athènes, mais à Lilybée Note (2) ; et les lettres romaines, non point à Rome , mais en Sicile, car chaque province a quelque chose de particulier qui ne se trouve point en une autre, pourquoi penserions-nous que, sans avoir été dans notre Athènes , il fut possible d'atteindre à la perfection du savoir ?
En parlant ainsi, nous ne nions point que le royaume de Dieu soit au-dedans de nous, ni qu'il y ait des saints dans d'autres contrées, mais…
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(1) Act. XXI. 13..
Note (2) : Cicéron fait ce reproche à Q. Cæcilius, qui voulait plaider la cause des Siciliens contre Verrès. Divinat.XII.
La langue des Siciliens était un mélange de latin et de grec ; voilà pourquoi, dans le prologue des Ménechmes, Plaute forgeait le verbe Sicelissitare. Aujourd'hui encore la langue des Siciliens est un dialecte dans l'italien.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XLIV.Pages 121-125.PAULA ET EUSTOCHIUM A MARCELLA.Sur les lieux saints.SUITE
En parlant ainsi, nous ne nions point que le royaume de Dieu soit au-dedans de nous, ni qu'il y ait des saints dans d'autres contrées, mais nous disons que ceux qui sont les premiers hommes du monde se trouvent ici rassemblés. Nous y sommes venus, non pas comme les premiers, mais comme les derniers en mérite, pour y voir ce que les autres nations comptent île plus illustre.
Assurément, le chœur des moines et des vierges est une sorte de fleur, de pierre très précieuse au milieu des riches ornements de l'Église. Quiconque, parmi ce chœur, brille le plus dans les Gaules se hâte d'accourir ici. Le Breton, séparé de notre globe, a-t-il fait quelque progrès dans la perfection ; il abandonne son soleil occidental, et vient chercher un lieu qui ne lui est connu que par sa renommée et par le récit des Écritures. Que dirons-nous des Arméniens, des Perses, des peuples de l'Inde et de l'Éthiopie; que dirons-nous de l’Égypte, voisine de la Palestine, et fertile en solitaires; que dirons-nous du Pont, de la Cappadoce, de la Célé-Syrie, de la Mésopotamie et de tout l'Orient? De nombreux essaims, vérifiant ces paroles du Sauveur : Partout où se trouvera le corps, là se rassembleront les aigles 1, accourent en ces lieux, et nous donnent les exemples de toutes sortes de vertus. Leur langage est différent, mais leur religion est la même. Presque autant de chœurs occupés à chanter les louages de Dieu, que de nations diverses.
Au milieu de tout cela, c'est à qui aura le plus de cette humilité qui est la première des vertus chrétiennes; point d'orgueil, point de hauteur à raison de la continence gardée. Quiconque se rend le dernier se trouve le premier de tous. Nulle différence dans le vêtement, rien qui attire les regards. Chacun peut marcher comme il lui plaît, sans crainte d'être blâmé ni loué. Ce ne sont pas les jeûnes qui distinguent parmi eux; on ne considère point l'abstinence, et on ne condamne pas ceux qui se rassasient, mais avec modération. Si quelqu'un tombe, ou s'il demeure ferme, cela regarde son Maître 1, et nul ne condamne les autres, crainte d'être condamné par le Seigneur. Ici, l'on ne se déchire point par de cruelles médisances, comme c'est la coutume en plusieurs provinces. Point de luxe, point de mollesse, point de plaisirs immodérés; il y a dans la ville seule tant de lieux de prière qu'un jour n suffirait pas à les visiter.
Mais pour en revenir au bourg où le Christ naquit, et à la maison où Marie le mit au monde, — car on se plaît à louer ce qu'on possède, — par quels termes, par quel langage vous donnerons-nous une idée de la grotte du Sauveur?...
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(1) Matth. XXIV. 28. — (1) Rom. XIV. 4.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XLIV.Page 127.PAULA ET EUSTOCHIUM A MARCELLA.Sur les lieux saints.SUITE
Mais pour en revenir au bourg où le Christ naquit, et à la maison où Marie le mit au monde, — car on se plaît à louer ce qu'on possède, — par quels termes, par quel langage vous donnerons-nous une idée de la grotte du Sauveur?
Et cette étable dans laquelle il vagissait tout petit enfant, ne vaut-il pas mieux l'honorer par le silence que par de faibles paroles?
Où sont les larges portiques, où sont les lambris dorés?
où sont les maisons vêtues des peines des malheureux et des travaux des criminels ?
où sont les superbes édifices, semblables à des palais et que de simples particuliers ont construits, pour que le méprisable corps d'un homme se promène dans de riches appartements, et, comme s'il y avait au monde quelque chose de plus beau que le monde même, se plaise bien plus à contempler ses lambris que la splendeur du ciel ?
C'est dans ce petit coin de terre que le Créateur des cieux est né; c'est ici qu'il a été enveloppé de langes, ici qu'il a été visité par les pasteurs, ici qu'il a été découvert par l'étoile, ici qu’il a été adoré par les mages. Ce lieu, je crois, est plus saint que la roche Tarpéienne Note (3), qui n'a été si souvent frappée de la foudre que parce qu'elle déplaisait au Seigneur.
Lisez l'Apocalypse de Jean, et voyez ce qu'il y a là touchant une femme vêtue de pourpre 1, touchant les blasphèmes écrits sur son front, touchant les sept montagnes, puis la multitude des eaux sur lesquelles elle était assise, et enfin la destinée de Babylone. Sortez dit le Seigneur, sortez de cette ville, ô mon peuple, crainte que vous ne participiez à ses péchés, et que vous ne soyez enveloppé dans ses plaies 2.
Allant ensuite à Jérémie, faites attention qu'il dit aussi : Fuyez du milieu de Babylone, et que chacun sauve sa vie, car elle est tombée, elle est tombée la grande Babylone; elle est devenue le demeure des démons et la prison de l'esprit immonde 3.
II est vrai que la sainte Église y est, qu'on y voit les trophées des apôtres et des martyrs, et qu'on y confesse la doctrine véritable du Christ; c'est là que la foi a été prêchée par l'apôtre, et que, foulant aux pieds la gentilité, chaque jour le nom chrétien s'élève plus sublime et plus radieux ; mais l'ambition, la puissance, la grandeur de la ville , la passion de voir et d'être vu, de saluer et d'être salué, de louer et de médire, d'entendre ou de débiter des nouvelles; la nécessité de voir, malgré soi, une si grande foule d'hommes, tout cela ne va nullement avec la vie des solitaires, avec leur repos.
En effet, ou bien l'on reçoit ceux qui se présentent, et le silence alors en souffre; ou bien on ne les reçoit pas, et alors on passe pour un orgueilleux. Veut-on rendre les visites que l'on a reçues? il faut aller à des portes splendides, puis, à travers des serviteurs dont la langue n'épargne pas, entrer dans des antichambres dorées.
Mais dans le bourg du Christ, tout est simple et champêtre, comme nous l'avons dit…
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(1) Apoc. XVII. 3. — (2) Apoc. XVIII. 4. — (3) Jer. LI. 8.
Note (3) : LA ROCHE TARPÉIENNE, c'est-à-dire le Capitole, qui fut appelé Tarpéien, du nom de Tarpéia, qui livra cette place à Tatius, général des Sabins, et qui fut enterrée sur cette montagne.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
Fin de cette Lettre.LETTRE XLIV.Pages 127-131.PAULA ET EUSTOCHIUM A MARCELLA.Sur les lieux saints.SUITE
Mais dans le bourg du Christ, tout est simple et champêtre, comme nous l'avons dit ; hors le chant des psaumes, c'est un silence profond. De quelque côté que l'on se tourne, on entend le laboureur qui, menant sa charrue, chante alléluia. Le moissonneur, tout suant, se distrait de son travail par le chant des psaumes, et le vigneron, en taillant sa vigne avec son fer recourbé, chante quelque hymne de David. Voilà quels sont les airs de la province ; voilà quels sont, comme on dit, les chansons amoureuses. Voilà quel est le sifflement des bergers, voilà quels sont les armes du laboureur.
Mais que faisons-nous, et pourquoi, oubliant ce que la bienséance exige, ne voyons-nous que ce que nous désirons? Oh ! quand sera le temps où un courrier, tout hors d'haleine, viendra nous apprendre que notre Marcella est arrivée en Palestine ? Quand sera-ce que les chœurs de moines, les nombreux essaims de vierges répandront partout cette nouvelle ? Déjà nous brûlons d'aller au-devant de vous, et, sans attendre de voiture, nous avons hâte de voler à pied. Nous presserons vos mains, nous verrons votre figure chérie, et à peine si nous pourrons nous arracher à des embrassements désirés.
Viendra-t-il jamais ce jour où il nous sera donné d'entrer dans la grotte du Sauveur, de pleurer au Sépulcre du Christ avec sa sœur Note (4) , d'y pleurer avec sa mère , de baiser ensuite le bois de la croix, de monter d'esprit et d'âme avec le Seigneur au mont des Oliviers; de voir ressusciter Lazare enveloppé d'un suaire, de contempler les eaux du Jourdain que le Seigneur a purifiées par son baptême, d'aller à la bergerie des pasteurs, de prier au mausolée de David ; de voir le prophète Amos sonnant même aujourd'hui de sa trompette pastorale sur le haut de son rocher ; de visiter les tentes ou les tombeaux d'Abraham, d'Isaac, de Jacob et de trois illustres femmes Note (5), de voir la fontaine où Philippe baptisa l'Eunuque, d'aller à Samarie, puis d'y honorer les cendres de Jean-Baptiste , d'Élisée et d'Abdias, d'entrer dans les cavernes où tant de prophètes furent nourris aux jours de persécution et de famine ?
Nous irons à Nazareth et nous verrons la fleur de la Galilée, car Nazareth veut dire fleur. Non loin de là nous verrons Chana, où l'eau fut changée en vin. Nous monterons à Itabyrium, et nous considérerons les tentes du Sauveur, non point avec Moïse et Élie, comme Pierre le voulait autrefois, mais avec le Père et l'Esprit saint. De là nous irons à la mer de Génézareth, et nous verrous quatre et cinq mille hommes rassasiés, au désert, avec cinq et sept pains. Ensuite, nous apparaîtra la ville de Naïm, aux portes de laquelle fut ressuscité le fils d'une veuve. Nous apercevrons Hermonim, et le torrent Endor, où fut défait Sisara, et Capharnaüm, où le Sauveur opéra tant de prodiges, et enfin toute la Galilée.
Après cela, quand nous aurons, en compagnie du Christ, passé par Silo, par Béthel, par les autres lieux où l'on a bâti des églises, qui sont comme les trophées des victoires du Seigneur, et que nous serons revenues dans notre grotte, nous chanterons toujours, nous pleurerons souvent, nous prierons sans cesse, et. blessées des traits du Sauveur, nous dirons ensemble : J'ai trouvé celui que mon âme cherchait, je le tiendrai et ne le quitterai point 1.
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(1) Cant. III. 4.
Note (4) : SA SŒUR. — Marie, femme d’Alphée, ou de Cléophas, selon saint Jeans, puis mère de saint Jacques le Mineur et sœur de la sainte Vierge.
Note (5) : TROIS ILLUSTRES FEMMES. — Saint Jérôme veut parler de Sara, de Rebecca et de Lia, qui furent ensevelies, avec leurs époux, dans l'autre double qu'Abraham acheta d'Ephron, comme il est dit dans la Genèse, XLIX, 31.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXXVIII.Pages 306-309.A PAMMACHIUS.Contre les hérésies de Jean, évêque de Jérusalem.
Si nous ne pouvons pas, comme dît l'apôtre Paul, demander ce que nous pensons, et si notre langage ne peut exprimer la pensée de notre cœur, combien n'est-il pas dangereux de juger du cœur des autres, et de sonder, d'interpréter chacune de leurs actions et de leurs paroles ! L'homme est porté naturellement à la clémence, et, dans les défauts d'autrui, il a pitié des siens propres. Si donc vous l'accusez d'indiscrétion en ses paroles, il dira que c'est franchise et simplicité; si vous le traitez de rusé, il alléguera son impéritie, crainte qu'on ne voie en lui de la malice. Par là, il arrive que, vous qui accusez, vous êtes regardé comme un calomniateur, et que l'accusé est regardé, non point comme un hérétique, mais bien comme un homme impoli.
Tu sais, Pammachius, tu sais que, si j'entreprends cet ouvrage, ce n'est point par passion ni par vanité, mais seulement à ta sollicitation et dans l'intérêt de la foi. Je voudrais, si la chose était possible, voir tous les hommes animés des mêmes sentiments, et enfin l'on ne peut m'accuser ni d'impatience, ni de témérité, puisque je ne parle qu'après trois ans de silence. Et encore n'était que vous me dites que l'apologie contre laquelle j'ai dessein d'écrire a jeté le trouble dans l'esprit de plusieurs personnes, qui ne savent à quel parti se prendre, je me serais tu , comme d'abord je voulais me taire.
Loin d'ici donc Novatus, qui ne tend pas la main à ceux qui errent; loin d'ici Montanus, avec ses femmes insensées ? lui qui, au lieu de relever ceux qui sont tombés, les précipite dans l'abîme ! Tous nous péchons tous les jours et tombons en quelque faute. Ainsi, comme nous sommes indulgents pour nous-mêmes, nous ne traitons point les autres avec rigueur ; nous les prions, au contraire , nous les supplions , nous les conjurons ou d'entrer de bonne foi dans nos sentiments, ou de défendre ouvertement ceux d'autrui. Je ne veux point d'ambiguïtés de mots, je ne veux pas qu'on me dise une chose susceptible d'être entendue d'une autre manière. Contemplons, à visage découvert, la gloire du Seigneur 1. Le peuple d'Israël chancelait jadis sur l'un et l'autre pied ; mais Élie, — ce nom .signifie : Le fort du Seigneur , — vint leur dire : Jusques à quand chancellerez-vous sur l'un et l'autre pied? Si le Seigneur est Dieu, marchez après lui; mais si Baal est Dieu, suivez-le 2. Le Seigneur dit encore, en parlant des Juifs : Des enfants étrangers m'ont menti, à moi ; des enfants étrangers ont vieilli dans leurs habitudes, ils ont boité et se sont écartés de leurs voies 3.
Certes, s'il n'y a ici nulle apparence d'hérésie, comme je le souhaite et le crois, d'où vient que…
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(1) II. Cor. III. 18. — (2) III. Reg. XVIII. — (3) Ps. XVII. 46.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXXVIII.Pages 309-313.A PAMMACHIUS.Contre les hérésies de Jean, évêque de Jérusalem.SUITE
Certes, s'il n'y a ici nulle apparence d'hérésie, comme je le souhaite et le crois, d'où vient que Jean n'est pas de mon avis et ne s'exprime pas dans les mêmes termes que moi? Ce qu'il appelle franchise et simplicité, je l'appelle malice et dissimulation. Il veut me persuader que sa foi est pure ; alors, qu'il s'explique donc sans détour. S'il n'avait d'ambigu qu'un mot ou un endroit seul; s'il n'en avait que deux, que trois d’équivoques, je pardonnerais cela à l'inadvertance, et ce qui est obscur ou douteux, je n'irais point le juger par ce qui est clair et manifeste. Mais quelle est cette franchise qui le fait s'avancer d'un pas tâtonneur, comme s'il marchait sur des œufs ou des épis ; pourquoi ces artifices de théâtre, ces doutes, ces suspicions en toutes choses ? Vous diriez qu'il écrit, non point une profession de foi, mais une controverse de rhétorique. Ce qu'il affecte maintenant, je l'appris autrefois ; dans les écoles ; il combat contre moi avec ma propre armure. Quand même sa foi serait orthodoxe, néanmoins cette circonspection, cette réserve, cette excessive prudence me deviennent suspectes. Celui qui marche avec simplicité marche aussi avec assurance 1. Il faut être fou pour compromettre sa réputation, sans motif aucun.
On lui reproche un crime dont il n'est pas coupable? — Eh! bien, ce crime, dont il peut se justifier par un mot, qu'il le nie hardiment, et qu'il en fasse retomber la honte sur son adversaire. Qu'il se défende avec la même hardiesse qu'étale son antagoniste , puis, quand il aura tout dit, qu'il aura tout expliqué, tout justifié, alors, si l'on continue à le calomnier, qu'il crie à l'imposture et réclame hautement justice. Nous ne devons point souffrir patiemment qu'on l'accuse d'hérésie, de peur que, dans l'esprit de ceux qui ne connaissent pas notre innocence ; nous ne passions pour coupables, en nous taisant et en dissimulant une accusation odieuse.
Au reste, dès que vous avez en main la lettre de votre accusateur, il est fort inutile de le citer et de le forcer à prouver ce qu'il avance. Tous, nous savons ce qu'il vous a écrit, et de quels griefs, ou, comme vous dites, de quelles calomnies il vous charge. Répondez à chaque chose, suivez-le pied à pied dans sa lettre, épluchez toutes ses médisances, ne laissez échapper aucun trait. Car, si vous agissez négligemment, et si vous passez sur le moindre incident, comme je crois que vous ferez, d'après voire serment; il se récriera aussitôt et vous dira : C'est ici, c'est ici que je vous tiens ; c'est en ceci que consiste toute l'affaire. — Les ennemis n'ont pas les mêmes oreilles que les amis. Un ennemi cherche des difficultés là où il n'y en a pas ; un ami trouve tout bien, tout jusqu'aux choses mauvaises. Les lettres profanes disent que les amis sont aveugles dans leurs jugements; mais peut-être avez-vous entièrement négligé cette littérature, occupé que vous êtes de l'étude des volumes sacrés. Ne vous glorifiez jamais du jugement de vos amis. Le témoignage véritable c'est celui qui vient d'une bouche ennemie. Si un ami parle en votre faveur, on le regardera, non pas comme un témoin, ou comme un juge, mais comme un homme qui est votre partisan.
Voilà ce que diront vos ennemis, s'ils ne veulent point ajouter foi à vos paroles, et s'ils prennent plaisir à vous échauffer la bile…
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(1) Prov. X. 9.
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Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXXVIII.Pages 313-317.A PAMMACHIUS.Contre les hérésies de Jean, évêque de Jérusalem.SUITE
Voilà ce que diront vos ennemis, s'ils ne veulent point ajouter foi à vos paroles, et s'ils prennent plaisir à vous échauffer la bile. Quant à moi, que vous n'avez jamais volontairement offensé, et que vous êtes obligé de citer à chaque instant dans vos lettres, je vous conseille ou de professer ouvertement la foi de l'Église, ou de dire nettement ce que vous pensez. Cette prudence avec laquelle vous pesez et mesurez vos paroles peut bien surprendre les ignorants, mais un auditeur éclairé, un lecteur sur ses gardes aura bientôt découvert les pièges que vous lui tendez, et produira au grand jour les artifices avec lesquels vous détruisez la vérité. Les ariens, que vous connaissez parfaitement bien, firent longtemps semblant de condamner l'homousion, à cause du scandale qu'ils prétendaient que ce mot pouvait occasionner, et déguisaient ainsi sous le miel de leur langage le poison de l'erreur. Mais enfin le tortueux serpent se déroula, et la fatale tête, qui était cachée sous les replis de tout le corps, fut frappée du glaive spirituel. L'Église, comme vous le savez , reçoit les pénitents, et, accablée qu'elle est par la multitude de ceux qui pèchent, elle pardonne aux pasteurs, afin de ramener les brebis égarées. Maintenant, dans la vieille et dans la nouvelle hérésie, on en use de même, pour que les peuples comprennent une chose, tandis que les prêtres en annoncent une autre.
Et d'abord, avant d'insérer ici, traduite en latin, la lettre que vous avez adressée à l'évêque Théophile , et de vous montrer que je sais bien pourquoi vous en usez avec tant de réserve, je suis jaloux de vous adresser une question. D'où vient cette fierté qui vous empêche de répondre à ceux qui vous interrogent sur votre foi? Une si grande multitude de frères, des chœurs de moines, qui sont en Palestine et qui ne communiquent point avec vous, pourquoi les regarder comme des ennemis publics? Le Fils de Dieu laissa sur les montagnes quatre-vingt-dix-neuf brebis, pour en chercher une qui était malade ; il endura pour elle les soufflets, la croix et les fouets, la porta jusqu'au ciel sur ses épaules triomphantes, et souffrit les langueurs de cette pauvre pécheresse. Vous, très-heureux pape, dédaigneux prélat, seul riche, seul sage , seul noble, seul disert, vous regardez de travers et avec un superbe mépris vos frères qui ont été rachetés comme vous du sang de votre Seigneur? Est-ce là ce que vous avez appris de l'Apôtre, qui dit: Soyez toujours prêts à répondre d'une manière satisfaisante à quiconque vous demande raison de l'espérance qui est en vous 1 ?
Supposez que nous cherchons l'occasion de vous inquiéter; que, sous prétexte de défendre la foi, nous ne songeons qu'à soulever des querelles, à faire schisme, à fomenter des divisions.— Eh! bien, gardez-vous de fournir des prétextes à ceux qui en cherchent, et, quand vous aurez victorieusement répondu aux reproches que l'on vous adresse touchant la foi, quand vous vous serez débarrassé des questions dans lesquelles on vous enveloppe, alors prouvez clairement à tout le monde qu'il s'agit, non point des dogmes de la foi, mais d'une ordination. Prouvez cela, à moins que vous ne pensiez qu'il est sage de votre part de ne point répondre aux questions sur la foi, crainte que votre langage ne vous fasse paraître hérétique. Les crimes dont on est accusé, il ne faudrait point alors s'en défendre, crainte de devenir coupable, si on les nie. Mais vous méprisez les laïques, les diacres cl les prêtres, car, ainsi que vous vous en glorifiez et que vous vous en vantez, vous avez le pouvoir de faire mille clercs.
Voilà le pape Épiphane qui, dans une lettre à vous…
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(1) I. Petr. III. 15.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXXVIII.Pages 317-319.A PAMMACHIUS.Contre les hérésies de Jean, évêque de Jérusalem.
Voilà le pape Épiphane qui, dans une lettre à vous écrite, vous accuse ouvertement d'hérésie. Certes, vous n'êtes au-dessus de ce pontife ni par les années, ni par la science, ni par le mérite, ni par la réputation. S'agit-il de l'âge? Vous serez un jeune homme qui écrirez à un vieillard. S'agit-il de science? Vous n'êtes point aussi docte que lui, quoique vos partisans prétendent que vous êtes plus éloquent que Démosthènes, plus subtil que Chrysippe, plus sage que Platon, et vous aient peut-être persuadé vous-même de cela. Quant à l'innocence des mœurs et à la pureté de la foi, je n'ajouterai plus rien, de peur que je ne semble vouloir vous offenser.
Dans le temps où, à l'exception du pape Athanase et de Paulinus, tout l'Orient était assujetti à l'hérésie des Ariens et des Eunomiens ; lorsque vous ne communiquiez point avec les Occidentaux, ni avec les confesseurs jetés dans l'exil, Épiphanes, quoiqu'il ne fut encore que prêtre de son monastère, avait déjà Eutychius Note (1) pour auditeur, et plus tard quand il fut évêque de Cypre, Valens n'osa le persécuter, car on eut toujours pour lui une si grande vénération que les hérétiques, bien que régnant en maîtres, auraient cru se déshonorer eux-mêmes, s'ils eussent persécuté un homme semblable. Écrivez-lui donc, répondez à sa lettre ; que tout le monde connaisse votre foi, votre éloquence, votre prudence, et ne soyez pas seul à vous croire disert. Pourquoi, étant attaqué d'un côté, portez-vous la guerre de l'autre? La Palestine vous interroge et vous répondez à l'Égypte. Pendant que les uns ont les yeux malades, vous appliquez des remèdes à ceux qui les ont bien portants. Si vous dites à un étranger des choses qui pourraient nous être agréables, c'est pure vanité; si vous dites tout autre chose que ce que nous demandons, c'est pure inutilité.
Mais, répondez-vous, l'évêque d'Alexandrie a approuvé ma lettre?...
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Note (1) : Cet EUTICHIUS fut évêque d'Eleuthéropolis, et Acacius de Césarée lui laissa l'administration de l'Église de Jérusalem, après avoir déposé saint Cyrille, l'an 358. L'inimitié qu'Eutychius avait contre saint Cyrille l'engagea dans le parti d'Acacius et des purs ariens, quoiqu'il fût catholique dans le fond du cœur, suivant saint Épiphane. C'est. ce même Eutychius qui traita avec tant de barbarie Lucifer, évêque de Cagliari, exilé à Eleuthéropolis.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXXVIII.Pages 319-323.A PAMMACHIUS.Contre les hérésies de Jean, évêque de Jérusalem.SUITE
Mais, répondez-vous, l'évêque d'Alexandrie a approuvé ma lettre? — Qu'a-t-il approuvé? votre langage ferme et sage contre Arius, Photinus et Manichée. Qui donc maintenant vous accuse d'arianisme ? qui donc maintenant vous impute la doctrine de Photinus et de Manichée? Il y a longtemps que cela est corrigé, et renversé. Vous n'étiez point assez dépourvu de sens pour défendre ouvertement une hérésie que vous saviez bien déplaire à l'Église. Vous n'ignoriez pas que, si vous l'aviez fait, vous auriez été aussitôt déposé de l'épiscopat, et vous ne soupiriez qu'après les délices de votre trône. Vous avez adouci vos opinions de manière à ne pas déplaire aux simples, et à ne point offenser vos amis. Vous avez bien écrit, mais vous ne dites rien qui regarde votre cause. Le pontife de l'Église d'Alexandrie d'où connaissait-t-il les choses que l'on vous reproche, les articles dont on vous demande la confession? Vous deviez vous proposer ce que l'on vous objecte et répondre à chaque point en particulier.
Voici ce que rapporte une vieille histoire Note (2): Certain beau diseur parlait avec faconde et s'abandonnait à l'impétuosité, à la volubilité de ses paroles, mais sans aborder seulement la question. « Bien, lui dit le juge, en auditeur avisé, bien ! toutefois, où irez-vous, en disant si bien?» Les médecins ignorants n'ont qu'un remède pour toutes les maladies d'yeux Note (3).
Si un homme, lorsqu'il est accusé de plusieurs choses, et qu'il veut se défendre, en omet quelques-unes, alors il se reconnaît coupable de tout ce qu'il passe sous silence. N'avez-vous pas répondu à la lettre d'Épiphane, et ne vous êtes-vous pas fait à vous-même des objections pour les réfuter? C'est pour cela que vous avez répondu avec tant de confiance : Nul ne se traite rudement. Des deux partis, prenez celui que vous voudrez ; on vous donne le choix. Ou vous avez répondu à la lettre d'Épiphane, ou vous n'y avez pas répondu. Si vous y avez répondu, pourquoi avez-vous laissé do coté plusieurs choses, et surtout les principales dont on vous accuse? Si vous n'avez pas répondu, où est elle belle apologie dont vous vous glorifiez auprès des simples, et que vous répandez de toutes parts, comme si on en ignorait le sujet?
Comme je vais vous le prouver, on vous accuse de huit erreurs, concernant la foi et l'espérance chrétienne...
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Note (2) :
C’est l'histoire de bien des péroreurs , passés , présents et futurs. On connaît l'épigramme de Martial, VI, 19 :Non de vi, neque cæde, nec veneno,
Sed lis est mini de tribus capellis.
Vicini quæror has abesse furto.
Hoc judex sibi postulat probari :
Tu Cannas mithridaticumque bellum,
Et perjuria punici furoris,
Et Scyllas, Mariosque, Muciosque
Magna voce sonas, manuque tota.
Jam die, Posthume, de tribus capellus.
Cette épigramme a été souvent traduite ou imitée. Nous citerons, entre autres imitateurs, La Monnoye et La Harpe:Pour trois moutons qu'on m'avait pris,
J'avais un procès au baillage.
Guy, le phénix des beaux esprits,
Plaidait ma cause et faisait rage.
Quand il eut dit un mot du fait,
Pour exagérer le forfait,
Il cita la fable et l'histoire ,
Les Aristotes, les Platons;
Guy, laissez-la tout ce grimoire,
Et revenez, à vos moutons.LA MONNOYEOn m'a volé; j'en demande raison
A mon voisin , et je l'ai mis en cause
Pour trois chevreaux, et non pour autre chose,
Il ne s'agit de fer ni de prison;
Et toi, tu viens d'une voix emphatique,
Parler ici de la guerre punique ,
Et d'Annibal et de nos vieux héros,
Des triumvirs, de leurs combats funestes.
Eh ! laisse là tes grands mots, tes grands gestes;
Ami, de grâce, un mot de mes chevreaux.LA HARPE.
Les Plaideurs de Racine sont une merveilleuse satire contre ces hommes dont la parole ne recule jamais devant l'absence de la pensée.
Note (3):
De là encore cette épigramme de Martial contre un mauvais médecin , VIII , 74;Hoplomachus nunc es, fueras ophthalmicus ante;
Fecisti medictts quod facis hoplomachus.
Du méchant médecin, Clitandre
Est devenu bon spadassin,
Et soldat, il fait dans la Flandre
Ce qu'en France il fit médecin.
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Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXXVIII.Pages 323-325.A PAMMACHIUS.Contre les hérésies de Jean, évêque de Jérusalem.SUITE
Comme je vais vous le prouver, on vous accuse de huit erreurs, concernant la foi et l'espérance chrétienne. Vous n'en touchez que trois, et encore en passant. Pour ce qui est des autres, vous gardez le silence le plus profond. Si vous vous êtes pleinement justifié sur sept articles, je ne pourrai vous faire le procès que sur un seul, et je m'attacherai à celui que vous auriez omis. A présent, vous êtes comme un homme qui tiendrait un loup par les oreilles, sans pouvoir l'arrêter, ni oser le lâcher.
Ces trois articles mêmes, vous en dites si peu de chose, vous passez si légèrement dessus, qu'il semble que vous n'y pensez pas, que vous ne vous en inquiétez pas , que vous êtes occupé d'une tout autre affaire, et qu'il n'y a pas ici de difficulté, ou qu'il n'y en a que très-peu. Vous marchez tellement couvert et enveloppé, que vous nous en apprenez plus par votre silence que par vos explications. Qui donc ne pourrait pas vous dire sur-le-champ : Si la lumière qui est en vous n'est que ténèbres, combien seront grandes les ténèbres mêmes ! 1
Votre explication sur les trois articles dont vous avez eu l'air de dire quelque chose étant suspecte et vicieuse, et offrant tant de mauvaise foi et de dissimulation, que deviendront les cinq autres articles sur lesquels vous ne pouviez ni biaiser, ni en imposer au lecteur, et que vous avez voulu passer sous silence, plutôt que d avouer la vérité?
Origène écrit…
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(1) Matth. VI. 23.
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Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXXVIII.Pages 325-327.A PAMMACHIUS.Contre les hérésies de Jean, évêque de Jérusalem.
Origène écrit, dans le livre des Principes : I. Comme on ne doit pas prétendre que le Fils peut voir le Père, on ne doit pas prétendre non plus que l'Esprit saint peut voir le Fils.
— II. Les âmes sont enchaînées dans les corps ainsi qu'en une prison, et avant que l'homme eût été créé dans le paradis terrestre, elles se trouvaient au ciel, parmi les créatures raisonnables. C'est pourquoi l'âme, afin de se consoler, dit dans les Psaumes : J'ai péché avant d'être humiliée 1. Et encore : Rentre, ô mon âme, dans le lieu de ton repos 2 . Et encore : Seigneur, tirez mon âme de sa prison 3 , et autres choses semblables.
— III. Le diable et les démons feront un jour pénitence, et règneront à la fin des temps avec les saints.
— IV. Les tuniques de peau dont Dieu couvrit Adam et Ève, après leur chute et leur bannissement du paradis, n'étaient autre chose que les corps qu'il leur donna, et ainsi il est hors de doute qu'auparavant ils étaient sans chair, sans nerfs, sans os.
— V. Il nie ouvertement la résurrection de la chair, et soutient que nous ne ressusciterons point avec les membres qui forment notre corps, et qui distinguent l'homme d'avec la femme; il dit cela dans l'explication du premier psaume et dans plusieurs autres traités.
— VI. Il allégorise tellement le paradis terrestre, qu'il détruit la vérité de l'histoire, entendant par les arbres les anges, par les fleuves les vertus célestes, et, dans son interprétation topologique, bouleversant tonte l'économie du paradis.
— VII. Il pense que les eaux qui, d'après l'Écriture, se trouvent au-dessus des cieux , sont les anges et les vertus célestes, et que celles qui se trouvent sur la terre et au-dessous de la terre, sont les démons et les puissances ennemies.
— VIII. Il dit enfin que l'homme a perdu l'image de Dieu, à la ressemblance de qui il avait été formé, et qu'elle n'a plus été dans l’homme, après son bannissement du paradis.
Voilà de quelles flèches vous êtes percé, voilà de quels traits vous êtes blessé, dans toute la lettre d'Épiphane. Mais, en même temps, prosterné à vos genoux, et oubliant volontiers sa dignité de pontife, il incline une sainte vieillesse, puis vous supplie de songer à votre salut, et vous parle en ces termes : « Pour l'amour de moi, pour l'amour de vous-même, sauvez-vous, comme il est écrit, sauvez-vous de cette génération perverse ; retirez-vous de l'hérésie d'Origène et de toutes les autres hérésies, ô mon bien-aimé. »
Plus loin, il vous dit : « Pour défendre l'hérésie, vous soulevez des haines contre moi, vous rompez l'union que la charité avait formée entre nous deux, si bien que vous me forcez à me repentir d'avoir communiqué avec vous, tant vous mettez de zèle à défendre les erreurs et les dogmes d'Origène. »
Dites-moi, valeureux champion, auxquels des huit articles objectés avez-vous répondu ? Je ne parle point encore des autres, mais ce premier blasphème : « Le Fils ne peut pas voir le Père, et l'Esprit saint ne peut pas voir le Fils, »…
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(1) Ps. CXVIII. 67. — (2) Ibid. CXIV. 7 — (3) Ibid. CXLI. 8..
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