Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.

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Message  Louis Lun 28 Sep 2015, 10:39 am

Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux. Turque10
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Nous éditerons ce fil pour y déposer les liens dès leur parution.

Bonne lecture à tous.

TABLE DES MATIÈRES

Préface.        
Chapitre I. — Enfance.          
Chapitre II. — Oblat de Marie-Immaculée.      
Chapitre III. — Au Lac Caribou.      
Chapitre IV. — Vers les Esquimaux.      
Chapitre V. — Chez les Esquimaux.
Chapitre VI. — Première Mission esquimaude.      
ChapitreVII. — Semant dans les larmes.      
Chapitre VIII. — Récoltant dans l'allégresse.    
Chapitre IX. — Consolations.
Chapitre X. — Préfet apostolique.
Chapitre XI. — Nouvelle Fondation.
Chapitre XII. — Extension à l'est et à l'ouest.    
Chapitre XIII. — Au nord et au sud.
Chapitre XIV. — Progrès et dangers.    
Chapitre XV. — Évêque.    
Chapitre XVI.  — Le nouveau chez les Esquimaux.    
Chapitre XVII. — Chez  les  Iglouliks.      
Chapitre XVIII. — Encore chez  les  Iglouliks.    
Epilogue.  
Appendices.


Dernière édition par Louis le Jeu 25 Fév 2016, 7:45 am, édité 22 fois

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Message  Louis Lun 28 Sep 2015, 10:41 am

PRÉFACE

J'ai rarement écrit avec le sentiment plus net, plus distinct que je faisais une bonne œuvre qu'en préparant ce petit volume. Me suis-je trompé? Le lecteur le dira, le sort du livre me l'apprendra.

Depuis quelques années, le nom de M
gr Turquetil est bien connu au Canada, de même qu'il est assez familier même en France et ailleurs. Je croyais moi-même n'en pouvoir guère apprendre à propos de lui; je n'en avouerai pas moins qu'avant d'entreprendre de relater ses hauts faits, j'étais loin de le connaître comme mes recherches me l'ont révélé. L'aide miraculeuse qu'il a obtenue du Ciel par l'intercession de celle que le monde entier appelle aujourd'hui la « Petite Fleur », je ne la soupçonnais même pas, de même que, j'imagine, la plupart de mes lecteurs l'ignorent encore aujourd'hui.

Si donc j'ai quelque peu réussi dans la tâche que je me suis imposée, à l'insu de celui qui devait en être le bénéficiaire, les pages qui vont suivre devraient se lire comme un hymne de reconnaissance envers celle qui, par l'instrumentalité de mon héros et de ses dignes coadjuteurs, a transformé  presque de fond en comble, les Esquimaux du Nord-Est canadien — miracle des miracles pour quiconque est au courant des circonstances.

Ce héros et ces missionnaires continuent leur rude corvée contre le prince des ténèbres et leur lutte ultra-civilisatrice, au milieu de difficultés (dont la pauvreté n'est pas la moindre) qui pourraient rebuter des âmes moins fortement trempées.

C'est un peu pour les seconder dans leurs travaux si ardus que j'ai écrit ces pages, persuadé qu'elles ne pourraient que contribuer à activer encore la charité chrétienne qui les fait vivre dans un pays riche seulement en roches, en neige et en glace (1) .

Et c'est sans doute pour coopérer à cette belle œuvre que certains partis ont voulu ni'aider matériellement dans la préparation de ce volume, en me prêtant les clichés de gravures destinées à le rendre plus digne de mon sujet.

Au premier rang, je citerai l'Hon. Thomas G. Murphy, ministre de l'Intérieur, à Ottawa, auquel je dois les illustrations 10, 12, 26, 30, 34, 59, 63, 70 et 74. Vient ensuite l'administration de
L'Apostolat chez les Oblats de Marie-Immaculée, de Chambly Bassin,
P. Q., périodique des plus vivants comme chacun sait, qui a bien voulu me passer plus de deux douzaines de clichés pour le même ouvrage. Enfin l'
Ami du Foyer, de Saint-Boniface, Man., y a été lui-même pour une dizaine, pas des moins beaux.

A ces bienveillants coopérateurs dans ce que j'oserai appeler ma petite œuvre esquimaude, j'adresse ici mes meilleurs remerciements, dont une partie va également à ceux qui voudront bien se procurer le volume, destiné à aider aux missions si méritoires de M
gr Turquetil.

A-G. MORICE, 0. M. I.

Churchill, Man., 10 août 1935.
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(1). Ici même, à Churchill, la plus méridionale des missions de Mgr Turquetil, on m'assure qu'il n'y a en ce moment pas plus de huit pouces du sol de dégelés.


Dernière édition par Louis le Jeu 12 Nov 2015, 12:24 pm, édité 1 fois (Raison : Présentation.)

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Message  Louis Mar 29 Sep 2015, 11:38 am

MONSEIGNEUR TURQUETIL

ET SES MISSIONS

CHAPITRE I

ENFANCE


Fidèle aux instincts de sa race, le Normand est plus ou moins un aventurier. Originaire du nord, ainsi que l'indique son nom (1), il sentit, vers la fin du neuvième siècle, le besoin de voyager, de voir du pays et même d'émigrer. Il se porta en masse vers les plantureuses campagnes appelées aujourd'hui la Normandie, où son activité innée, sa remarquable virilité et son amour du remuement, dont les manifestations n'étaient point encore tempérées par le joug bienfaisant du Christ, en firent comme un épouvantail pour les populations circonvoisines.

Auferte gentem perfidam Credentium de finibus,
     
« Enlevez la nation perfide Des confins des croyants », se mit à chanter un poète latin, dont la prière, bien naturelle en face de l'envahisseur, fut adoptée par l'Eglise (2) et bientôt exaucée par la conversion, au lieu de la disparition, de ce peuple d'émigrés plutôt turbulents.

Mais, remuant par nature, dévoré par une incroyable démangeaison d'agir, de faire sentir sa présence, par ailleurs fait pour la guerre et les conquêtes, il ne pouvait rester en paix dans les limites pourtant assez généreuses du domaine qu'il s'était taillé en France. Aussi le voyons-nous, en 1066, traverser la Manche sous la conduite de son duc Guillaume, et conquérir l'Angleterre,  dont son chef devint le roi, lui imposant pour un temps ses coutumes avec sa langue.

Un peu plus d'un siècle après, ses hordes se précipitèrent jusqu'en Italie, où elles firent des conquêtes sans nombre. Leur pays était trop étroit pour elles; il leur fallait de nouvelles plages, de nouveaux sujets, résultat de nouveaux exploits. Un Normand casanier était alors chose presque inconnue.

Plus tard encore, lorsqu'il s'agit de passer les mers et de conquérir des peuplades infidèles au roi de France, auquel appartenait maintenant leur province, et à l'a religion que tous professaient dès lors, ce furent surtout les Normands qui se dévouèrent pour venir en Amérique, y former la Nouvelle-France et son intéressante chrétienté.

Que dis-je? ne pourrait-on pas voir dans leur attraction pour le lointain, le nouveau, l'inconnu, sinon pour l'affranchissement des entraves qui assujettissent le commerce quotidien avec la vie civilisée, comme l'embryon des fameux « coureurs de bois » canadiens?

Audace dans les voyages, activité prodigieuse et esprit d'initiative sans bornes, voilà donc autant de caractéristiques qui ont toujours été le fait de cette race. Orientées vers les choses de Dieu et l'établissement de son règne, ces qualités engendrent facilement des héros.

C'est d'un héros contemporain natif de cette province que je voudrais maintenant esquisser la vie et raconter les œuvres. Il n'a vraisemblablement jamais pensé aux considérations ethno-historiques que je viens de formuler; il ne s'en est pas moins montré lui-même l'une des meilleures preuves de leur justesse, quoi que sa modestie puisse en dire.

Arsène-Louis-Eugène Turquetil…

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1. North man en anglais.— (2). Qui la répète encore dans l'hymne propre à la Toussaint.

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Message  Louis Mer 30 Sep 2015, 12:27 pm

CHAPITRE I

ENFANCE

(suite]

Arsène-Louis-Eugène Turquetil (3) , le sujet de ces pages, naquit dans la Basse-Normandie, à Reviers, Calvados, au diocèse de Bayeux et Lisieux. Reviers est un petit village de trois cents âmes situé près de Caen (4), ville qui possède deux superbes églises bâties par Guillaume le Conquérant et sa compagne (5) , non loin de la mer et sur la grand'route de Notre-Dame de la Délivrande à Bayeux.

Le nouveau-né était le troisième enfant de Félix Turquetil et de Maria Ducellier. Deux frères, Henri et Alphonse, l'avaient précédé; l'aîné vit encore, le cadet a été tué à la guerre. La famille brillait plus par son honorabilité que par la possession des biens de ce monde. Le père travaillait à un village voisin, et ne revenait à la maison que le samedi soir, repartant le dimanche à la tombée de la nuit pour le moulin où il était employé.

La mère s'adonnait aux soins du ménage, et s'occupait en plus chaque soir à son métier à dentelle, pour aider au gagne-pain des enfants. Profondément chrétienne, elle leur apprenait elle-même le catéchisme, que négligeait malheureusement l'école du village, et exerçait sur eux une vigilance de tous les instants. S'il lui fallait corriger et punir, elle n'y manquait pas; mais ce n'était jamais par impatience ou mauvaise humeur.

La famille s'accrut. Une petite fille, Marie, faisait le bonheur de ses parents, de sa mère surtout, lorsqu'un terrible accident survint qui devait changer la face des choses pour les uns et pour les autres. La mère étant un jour sortie un instant au jardin, entendit un cri de détresse qui lui perça le cœur. Rentrant précipitamment, elle fut horrifiée d'apercevoir le bébé qui mourait de brûlures provenant de graisse bouillante renversée sur sa poitrine!

Le choc fut trop violent pour la pauvre mère. L'enfant qu'elle portait en mourut, et, quelques jours après, les trois frères accompagnaient leur père conduisant sa femme au tombeau.



Qu'allaient devenir les pauvres orphelins après le départ de leur mère et en l'absence forcée de leur père? Les deux aînés furent recueillis par autant de familles obligeantes, au service desquelles ils se mirent. Quant au plus jeune, Arsène, encore incapable de travailler, il fut confié à des religieuses qui dirigeaient un hospice pour les vieillards.


Ces bonnes Sœurs firent ainsi en faveur de l'enfant une exception…
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(3)  L'l finale ne se prononce point.— (4) Prononcer Can. Reviers. est à 12 kilomètres sud-ouest de cette ville.— (5) La construction de l'une desquelles avait, paraît-il, été imposée par les autorités ecclésiastiques comme honoraires d'une dispense de parenté entre lui et sa femme.

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Message  Louis Jeu 01 Oct 2015, 12:14 pm

CHAPITRE I

ENFANCE


(suite)

Ces bonnes Sœurs firent ainsi en faveur de l'enfant une exception, qui fut vraisemblablement le point de départ de sa vocation. Tant il est vrai que Dieu sait toujours tirer le bien du mal.

L'épreuve était certainement grande; mais ce fut cette même épreuve qui, au contact journalier des bonnes Sœurs, et par suite des entretiens qu'elles ne pouvaient manquer d'avoir parfois sur les missions étrangères — elles aussi étaient normandes, partant enthousiastes des œuvres de charité en pays lointains — fit germer chez l'enfant le désir de se faire prêtre et missionnaire. Il n'avait encore que huit ans, mais disait déjà à tout le monde que lui aussi irait un jour convertir les infidèles.

Du reste, les vocations à l'état ecclésiastique étaient loin d'être rares dans la région où Arsène avait eu son berceau. Elles y étaient plutôt chose assez commune, comme une bénédiction du Ciel, en récompense, probablement, du dévouement aux ministres du culte dont les ancêtres avaient, au péril de leur propre vie, fait preuve au temps de la Révolution. En ces jours sanglants, alors que le trône et l'autel étaient l'objet d'une fureur insensée de la part d'énergumènes avinés qui se croyaient la France, les familles du pays se firent un devoir de cacher les prêtres fidèles qui ne pouvaient s'exiler, et de faciliter l'embarquement secret de ceux qui allaient se réfugier en Angleterre, où ils devaient tant édifier les protestants et laisser une trace si profonde de leur passage (6).


Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux. Page_110

Pour en revenir à notre orphelin de Reviers, Arsène était ainsi fait que, même dans ses plus tendres années, il tirait de tout ce qu'il entendait des conclusions enfantines, qui lui méritèrent à l'école le surnom de La Palisse. En conséquence de cette tournure d'esprit, ayant entendu dire dans les tout premiers catéchismes qu'il fallait connaître Dieu pour aller au ciel, il demanda s'il y avait des gens qui ne le connaissaient point. Et comme on lui parlait de païens qui n'avaient jamais vu de prêtre, il se confirma dans son désir d'aller un jour les évangéliser.

On lui objectait bien que cette vocation exigeait des études aussi coûteuses que longues, par conséquent qu'un enfant de sa condition ne pouvait guère espérer voir se réaliser en sa personne ; il compta sur la Providence qui, pensait-il, saurait bien y pourvoir. Il devait toujours en aller ainsi avec lui, et ce fut peut-être là le secret de son succès. Il ne heurtait point de front des obstacles apparemment insurmontables, mais sans jamais désespérer, il prenait patience et remettait à plus tard le soin de les tourner avec l'aide de Dieu.

Il savait maintenant lire, et en profitait à la maison paternelle, faisant ses délices des Annales de la Sainte-Enfance et rêvant de partir pour la Chine. Il était bien Normand: les grands voyages ne l'effrayaient point, au contraire, et naturellement il ne se rendait guère compte encore de ce qu'il en coûte généralement pour s'expatrier, même au profit d'une bonne oeuvre comme la conversion de son prochain.

Puis il lut dans ces mêmes annales comment un missionnaire avait dû sa vocation à la sainte Vierge. Il commença alors à invoquer N.-D. de la Délivrande…

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(6) Au point qu'on fait généralement remonter à cette époque le renouveau catholique qui se manifesta alors dans ce pays. La dignité de ce clergé proscrit pour sa foi, et résigné jusque dans la plus affreuse misère, fit impression sur les Anglais, qui se dirent qu'une religion servie par de tels ministres ne pouvait être aussi vaine qu'on la représentait dans leurs temples.

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Message  Louis Ven 02 Oct 2015, 1:17 pm

CHAPITRE I

ENFANCE

(suite)

Puis il lut dans ces mêmes annales comment un missionnaire avait dû sa vocation à la sainte Vierge. Il commença alors à invoquer N.-D. de la Délivrande qu'il connaissait, vu que son sanctuaire était proche et qu'on s'y rendait tous les ans en pèlerinage (7) .

Chez les religieuses qui l'élevaient, il ne manqua pas de remarquer les images de N.-D. du Bon Conseil, de N.-D. de Lourdes, de N.-D. de Pontmain et de N.-D. de la Salette. Dans sa piété naïve, il se mit alors à adresser ses prières enfantines alternativement à chacune de ces « saintes Vierges », et ne douta nullement que cette dévotion ne lui obtînt un jour la grâce de devenir missionnaire.

C'était pourtant assez difficile, humainement parlant presque impossible. Qui pouvait s'intéresser à l'avenir du petit orphelin, d'un enfant parfaitement inconnu, prisonnier dans l'étroite enceinte d'une maison religieuse? Mais l'enfant était bon, avait une foi à transporter les montagnes et, en dépit de son jeune âge, donnait déjà des signes d'une capacité intellectuelle qui augurait bien de l'avenir.

A l'encontre de toutes les prévisions humaines, la Providence se chargea de réaliser les aspirations du jeune Arsène.   A  neuf ans  et quatre  mois, il entrait au petit séminaire de Villiers-le-Sec, distant de sept kilomètres seulement de son village natal. L'année scolaire était commencée; l'administration de l'hospice avait déclaré, en effet, qu'une fois sorti, il ne pourrait plus rentrer. Alors où irait-il pendant ses vacances?

Il avait donc fallu trouver une famille charitable pour l'héberger alors, partant faire des démarches plus ou moins fastidieuses qui avaient nécessairement pris quelque temps pour aboutir.

Au petit séminaire, Arsène, heureux enfin…

___________________________________________________________________

(7) Le nom de ce pèlerinage parut d'abord si étrange au Canada, où il avait jusque-là été inconnu, qu'on commença par l'écrire N.-D. de la Délivrance. Un mot sur son origine et sa raison d'être peut donc trouver place ici.
                                                                                           
D'après la tradition, la statue honorée en ce lieu fut miraculeusement trouvée enfouie dans le sol d'un domaine, ou village, appelé Yvrande; d'où l'appellation de N.-D. d'Yvrande qu'on voit souvent dans les anciens documents. Mais l'autre forme a prévalu: N.-D. de l'Yvrande (autrefois N.-D. d'elle Yvrande). Finalement, par contraction, on a eu: Délivrande, qui a pris l'article: la Délivrande. Les vieux textes, latins et français, donnent tous Yvrande.

S'il faut en croire d'autres auteurs, l'origine du nom de ce pèlerinage devrait se trouver dans le mot local « delle », employé en Basse-Normandie pour désigner une parcelle de champ ou de terrain. Dans l'un et l'autre cas, l'idée de délivrance, de libération, fait complètement défaut. (Cf. Léon Jules, N.-D. de la Délivrande, le Pèlerinage, la Basilique, Essai historique, p. 15. Caen, 1924.).





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Message  Louis Sam 03 Oct 2015, 12:36 pm

CHAPITRE I

ENFANCE

(suite)

 
Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux. Page_110

Au petit séminaire, Arsène, heureux enfin, se sentait chez lui. Le printemps suivant, il y faisait sa première communion. C'était le 9 juin 1886. Il avait dû lutter un peu pour obtenir cette faveur, vu que les règlements d'alors exigeaient l'âge de onze ans, et il n'en avait que dix — bon point en sa faveur dont il n'est que juste de tenir compte.

Quelle ferveur accompagna chez lui ce grand acte de la vie chrétienne, nous pouvons aisément nous l'imaginer si nous nous reportons à sa grande piété des jours de sa plus tendre enfance et au grand esprit de foi qui devait le distinguer plus tard. Par ailleurs, nous savons qu'aujourd'hui encore l'évêque missionnaire des Esquimaux correspond avec le prêtre qui lui prêcha la retraite préparatoire et avec celui qui, alors simple rhétoricien, remplit vis-à-vis de lui le rôle d'ange gardien, selon le touchant usage de l'institution où il se trouvait.

Puis ce fut, au sanctuaire même de N.-D. de la Délivrande, sa réception du sacrement de confirmation, administré par Sa Grandeur M
gr A. Hugonin, alors évêque de Bayeux. Parfait chrétien dès lors, il était prêt à affronter avec quelque chance de succès les dangers de la vie au seuil de l'adolescence, où il n'allait pas tarder à entrer.



Avec son idéal de missionnaire toujours présent à l'esprit, le jeune étudiant était heureux d'apprendre. La science était, en effet, un grand pas qui le rapprochait d'autant du but qu'il se proposait. Or, très bien doué par la nature, il jouissait, entre autres avantages, d'une mémoire remarquable. Il lui suffisait de lire ses leçons en descendant les escaliers pour faire bonne figure sur les bancs de la classe.

Le temps libre ne lui manquait donc pas. Aussi ne se gênait-il pas pour se laisser aller à toutes sortes d'espiègleries, ne laissant échapper aucune occasion de jouer quelque bon tour aux uns et aux autres. Ses professeurs disaient qu'il « avait du vif-argent dans les veines »
.
La première manifestation de cette tendance à l'espièglerie que nous connaissions fut de s'approprier un certain nombre de blancs de permissions, et de les revêtir de la signature du Supérieur ou du préfet de discipline. Il voulut en récompenser ses amis, si bien que la chose fût découverte et la supercherie rendue impossible. On ne dit pas s'il en fut puni.

Il dut donc renoncer aux faveurs dont il aurait voulu gratifier les uns et les autres, et se contenta dès lors de jouer au plus fin avec le préfet de discipline, qu'il avertissait d'avance du jour ou de l'heure où il sortirait de la classe ou du dortoir, en marge du règlement.

Pourtant, jamais rien de prémédité, rien qui sentît le parti pris ou pût évoquer le soupçon d'un complot, mais un esprit prime-sautier qui, comme à son insu, le portait à ce qu'on est convenu d'appeler la dissipation ( 8 ) . Celle-ci était en évidence surtout à la salle d'études, où il ne mettait pas grand temps à faire ses thèmes ou versions et à écrire ses compositions.

Vif, prompt, toujours pressé, notre jeune espiègle était par nature ennemi de tout détour…

_______________________________________________________________

( 8 ) II est assez probable que plusieurs des lecteurs de cet humble ouvrage qui ont déjà lu ma Vie de feu Monseigneur Langevin, O.M.I., archevêque de Saint-Boniface, trouveront des points d'analogie entre ce dernier et le héros de ces pages.

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Message  Louis Dim 04 Oct 2015, 2:38 pm

CHAPITRE I

ENFANCE

(suite)

Vif, prompt, toujours pressé, notre jeune espiègle était par nature ennemi de tout détour et y allait généralement par le plus court chemin. Aussi, lorsqu'il le pouvait sans trop attirer l'attention des autorités, il ne perdait pas son temps à descendre une à une les marches d'un escalier. Ces beaux escaliers tournants qui font l'orgueil de certains établissements français ne sont guère connus au Canada. Celui du petit séminaire de Villiers reliait ensemble trois étages, et sa rampe, qui tournait tout autour d'une ouverture restée béante, était si lisse, si invitante !

Pour un enfant du tempérament d'Arsène Turquetil, la tentation de s'en servir comme de moyen de locomotion était souvent trop forte. En un clin d'œil, il s'y hissait, puis se laissait glisser en spirale — quelque chose de si excitant, de si intéressant ! — et avant le temps où il aurait pu atteindre le palier d'un nouvel étage par la voie naturelle, il arrivait en bas, caressant la rampe du ventre et des jambes. . .

Vers la fin de sa première année de séminaire, cette institution reçut la visite de S. G.  M
gr Mélizan, Oblat de Marie Immaculée, évêque dans l'île de Ceylan, Asie. Il parla aux élèves; puis, dans la cour de récréation, il se mit à faire les cent pas, entouré d'un grand nombre d'enfants, en attendant la voiture qui devait le mener à Bayeux.

Le petit Turquetil ne pouvait manquer d'être là. Il réussit à se faufiler au travers des rangs des séminaristes plus âgés, et se trouva vite face à face avec le prélat. Tout d'un coup, celui-ci demande:

— Voyons, qui viendra chez nous?

Le petit bondit pour être mieux entendu.

— Moi, cria-t-il sans hésiter une seconde. Sur quoi Monseigneur de remarquer:

— A la bonne heure, en voilà un.

Mais, quelques minutes plus tard, quand l'évêque-missionnaire monta en voiture, l'aspirant apôtre ne put s'empêcher de demander à son tour :

— Monseigneur, faut-il mettre mon uniforme?

Il voulait simplement partir, et parut fort étonné de voir que la voiture épiscopale s'en allait sans lui! . . .

À SUIVRE : CHAPITRE II. OBLAT DE MARIE IMMACULÉE.

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Message  Louis Lun 05 Oct 2015, 12:39 pm

CHAPITRE II

OBLAT DE MARIE IMMACULÉE

En classe Arsène oubliait pourtant son penchant aux espiègleries dont il était coutumier. Il était alors tout yeux et tout oreilles vis-à-vis du professeur. Aussi leçons, application, explications, tout allait bien. Décidément, c'était un élève brillant, qui promettait en dépit de ses étourderies.

Néanmoins la dissipation de la salle d'études gâtait tellement la moyenne de ses notes que non seulement il ne jouissait pas des sorties d'honneur accordées habituellement comme récompense aux meilleurs élèves, mais il se trouvait consigné aux sorties du mois qui étaient de règle pour tous, excepté ceux qu'on voulait punir.

Il arriva ainsi en troisième. Son directeur qui, après tout, savait qu'il y avait en lui de l'étoffe pour quelque chose de bien — c'était le Révérend Père Eudine, aujourd'hui Dom Eudine, 0. S. B. — l'appela et lui dit:

— Mon enfant, vous voulez être missionnaire?

— Oui, mon Père, répondit Arsène.

— Bah ! fit le prêtre, c'est de l'imagination. Comment voulez-vous devenir missionnaire, prêt à tout supporter, le martyre au besoin, alors que vous n'êtes pas capable de rester cinq minutes tranquille?

— Je vais essayer, mon Père, promit alors le jeune séminariste.

Et il essaya si bien que, deux jours après, le Supérieur le fit venir et lui demanda s'il était malade, ou s'il tramait quelque mauvais coup, ou bien encore s'il avait changé d'idée, car il se passait évidemment quelque chose d'anormal en lui.   Le futur missionnaire ne répondit rien, sinon qu'il voulait être sage.

Le Supérieur ne fut pas de suite convaincu, mais dut se rendre à l'évidence. Malheureusement les efforts de l'enfant avaient été tels que sa santé en déclina à vue d'œil, et il fallut l'envoyer en vacances deux mois avant les autres. Et quand, à la rentrée, on lui recommanda la prudence :

— Je comprends, dit-il; mais il faudra m'excuser de temps à autre.

Le jeune homme était donc déjà doué d'une force de volonté, malgré une nature exubérante d'énergie et de sève dynamique, qui devait lui assurer le succès. Avec l'approbation de son directeur, il avait obtenu son admission dans les rangs des aspirants aux Missions étrangères de Paris, et il correspondait avec M. Delpech, qui en était chargé.

Nul doute que cet idéal, fruit de la grâce et indice d'une vocation certaine, ne soutînt le jeune séminariste et l'aidât à persévérer. Un de ses amis raconte que, étant en rhétorique, alors qu'il pensait demander à l'Evêque la permission d'entrer au séminaire des Missions étrangères, on l'invita à être parrain d'un enfant. Avec l'agrément de son curé, il accepta.

Mais au sortir de l'église, quand on lui dit de donner le bras à la marraine, jeune fille de son âge — selon la mode du pays en pareil cas, — il refusa.

—  Voyons, fais donc comme tout le monde, lui dit quelqu'un ; c'est ta commère.

— Commère ou compère, peu importe; je suis séminariste, observa le nouveau parrain.

— Mais tu n'es pas encore curé !

— Non, mais je veux être missionnaire.

Et parce qu'il voulait être missionnaire, il demanda, sa rhétorique finie…

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Message  Louis Mar 06 Oct 2015, 10:49 am

CHAPITRE II

OBLAT DE MARIE IMMACULÉE

(suite)


Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux. Page_110


Et parce qu'il voulait être missionnaire, il demanda, sa rhétorique finie, la permission d'entrer au séminaire des Missions étrangères à Paris. Il était donc bien ancré dans sa vocation. Mais son évêque lui retourna sa lettre avec, en marge, cette note : « La règle du diocèse est qu'il faut faire deux ans de grand séminaire avant d'obtenir pareille permission », un nouvel obstacle à sa marche en avant. Mais comme ces contretemps semblaient augmenter avec l'âge, il finit par s'y faire, et se soumit sans murmurer, comme d'habitude.

Il entra donc au grand séminaire de Sommervieu, dirigé par les Messieurs de Saint-Sulpice. Il prit la soutane le 21 novembre 1893, un pas de plus vers le but suprême.

A Sommervieu les grands séminaristes passent deux ans à étudier la philosophie, après quoi ils entrent au grand séminaire de théologie qui se trouve à Bayeux même. Le jeune lévite fut saisi par cette atmosphère de dignité, de calme, de respect mutuel qui est le propre des institutions de Saint-Sulpice. A sa première entrevue avec son directeur, il lui fit part de son intention bien arrêtée d'aller aux Missions étrangères aussitôt ses deux années de philosophie terminées.

— Eh ! bien, M. l'abbé, fit le bon Sulpicien, nous en reparlerons dans deux ans — encore de l'eau froide jetée sur son enthousiasme! Il y était habitué: il se soumit encore.

Ce fut donc le silence absolu sur cette question pendant deux ans.

La seconde année touchait à sa fin.  Il n'en restait plus que deux semaines, lorsque le T. R. P. Cassien Augier (1), alors Assistant Général de la Congrégation des Oblats de Marie Immaculée, arriva du Sud africain, et, un jour de congé, donna aux grands séminaristes une conférence sur les travaux de ses frères en religion au pays qu'il venait de visiter.

Sa grande croix d'Oblat impressionna l'abbé Turquetil, et la vie du missionnaire telle que l'étranger la décrivit répondait bien à l'idéal du jeune ecclésiastique. Volontiers il eût été trouver le religieux pour lui dire qu'il désirait se faire Oblat. Mais il ne voulait plus obéir à un enthousiasme qui eût pu être éphémère. En matière si grave, il devait consulter son directeur. En vain un jeune abbé vint-t-il lui dire que le P. Augier désirait le voir.

— Comment? dit Turquetil, il ne me connaît point.

— C'est moi qui lui ai parlé de vous, admit son interlocuteur.

— Mais qui vous a dit que je voulais être missionnaire?  

— Oh ! cela se voit bien ; tout le monde le dit.

Pourtant M. Turquetil n'alla point voir le conférencier. Il commençait à se défier de lui-même.

Quelques jours plus tard, c'était la dernière direction. Le Sulpicien aborda de lui-même la question.

— Vous m'avez dit il y a deux ans que vous vouliez être missionnaire, fit-il. J'approuve votre vocation. Vous pouvez aller à Paris, aux « Missions étrangères », si vous y tenez. Cependant, vu votre tempérament qui a besoin d'être contenu, vous feriez mieux de choisir une Congrégation de missionnaires; là les supérieurs vous guident, vous forment. En suivant leurs directions, vous ferez plus de bien.

— Mais laquelle choisir ? Je n'ai jamais pensé à aucune, remarqua le séminariste.

— Vous avez les Maristes, vous avez les Oblats, deux Congrégations excellentes. Choisissez.

Le choix de l'abbé Turquetil tomba sur les Oblats…


_______________________________________________________________________

(1) Cet excellent Père est toujours mentionné avec son prénom, pour le distinguer de son frère Célestin, Oblat comme lui, et Provincial en France et au Canada. Le Père Cassien devait lui-même devenir Général de sa Congrégation, et resta toujours un homme aussi aimable que capable.

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Message  Louis Mer 07 Oct 2015, 10:58 am

CHAPITRE II

OBLAT DE MARIE IMMACULÉE

(suite)

Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux. Page_110

Le choix de l'abbé Turquetil tomba sur les Oblats. La visite du P. Augier avait été l'instrument de la Providence pour le guider à ce moment décisif de sa vie.

Les Oblats de Marie Immaculée forment un corps missionnaire des plus méritants dans l'Eglise. En conformité avec leur devise. Pauperes evangelizantur, les pauvres sont évangélisés, les missions aux déshérités de la fortune, aux basses classes en Europe, aux sauvages d'Amérique et aux nègres d'Afrique, comme aux naturels d'Asie, sont leur but principal, et leur action dans le monde est l'accomplissement de l'œuvre donnée par Notre-Seigneur comme la preuve de la venue du Messie.

Ailleurs, et comme fin secondaire, ils sont aussi chargés de l'enseignement dans les grands séminaires et dans les collèges (2). La superbe Université d'Ottawa est même entre leurs mains; mais il n'en est pas moins vrai que les missions aux pauvres, aux petits sont leur œuvre principale.

Fondée à Aix en Provence le 25 janvier 1816 par M
gr Charles-Joseph-Eugène de Mazenod, évêque de Marseille. Cette Congrégation fit dès les commencements des prodiges de valeur évangélique. Connu d'abord sous le nom de Missionnaires de Provence, leur Institut s'étendit bientôt aux cinq parties du monde. Le Congo belge, en Afrique, le Laos, en Asie, et le pays du Chaco naguères encore ravagé par la guerre entre le Paraguay et la Bolivie, en Amérique du Sud, sont ses plus récents champs d'apostolat.

Aujourd'hui les Oblats ne comptent pas moins de 4,600 membres profès, parmi lesquels 2.300 sont prêtres, 1.206 frères scolastiques et 1.003 frères convers. Ils possèdent un cardinal, qui est en même temps archevêque résidentiel, celui de Québec (3), un autre archevêque, à Ceylan, et pas moins de quinze évêques, dont celui qui fait l'objet de ces pages n'est certainement pas le moindre.

Mais l'abbé Turquetil était loin de penser à ces dignitaires lorsqu'il se décida à demander son admission dans les rangs de leur Congrégation. En attendant, la question urgente était pour lui d'obtenir l'autorisation de son évêque. Or pendant les vacances, il devait y avoir une grande fête à N.-D. de la Délivrande, la chapelle du pèlerinage étant alors élevée au rang de basilique. Ce fut le jour choisi par quatre jeunes abbés pour demander cette faveur à M
gr Hugonin.

Ils commencèrent par bien prier Notre-Dame de la Délivrande, et c'est alors que, rêvant déjà de fonder une mission en pays païen, l'abbé Turquetil lui promit de donner son nom à la première qu'il établirait, si jamais il avait le bonheur d'en établir.

Puis nos quatre aspirants-missionnaires tirèrent au sort pour savoir qui irait le premier chez Monseigneur.  Le sort…


_______________________________________________________________

(2) Sans compter leurs propres juniorats, ou maisons de formation classique pour les élèves qui se destinent à leur propre Congrégation. On en voit au moins un dans chacune de ses « provinces », ou divisions majeures gouvernées par ce qu'on appelle un Provincial. — (3) Le cardinal Guibert, archevêque de Paris, fut l'un des premiers disciples de leur Fondateur.

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Message  Louis Jeu 08 Oct 2015, 11:37 am

CHAPITRE II

OBLAT DE MARIE IMMACULÉE

(suite)

Puis nos quatre aspirants-missionnaires tirèrent au sort pour savoir qui irait le premier chez Monseigneur.  Le sort tomba sur M. Turquetil, qui obtint la permission, pendant que les autres attendaient à la porte. Deux d'entre eux furent admis, le troisième fut éconduit.

C'était le 15 août 1895. Quinze jours plus tard, l'abbé Turquetil entrait au noviciat des Oblats, à Angers, où il prenait le saint habit le 7 septembre. Il avait dix-neuf ans et quatre mois.

Pendant son noviciat, il vit et entendit un missionnaire de l'Afrique australe, qui lui rappela par ses récits la conférence du P. Augier, puis un autre, cette fois de la Colombie



Britannique, le P. A.-G. Morice, « alors dans toute la force de l'âge et bien fait pour enthousiasmer un jeune », comme il devait écrire plus tard. Le Père Morice, après sa causerie, ayant demandé s'il y avait un novice qui aimerait à aller au pays de l'Ours Noir (4), le Frère Turquetil se déclara prêt.

— Et les ours gris? fit le missionnaire.
— J'apprendrai comment les traiter, répondit le novice.

En attendant, même dans cette sainte retraite d'Angers, le Frère Turquetil ne pouvait parfois s'empêcher de faire des siennes. A l'occasion, par exemple, du passage du religieux susmentionné, ayant vu le Père Maître l'accompagner au sortir de la maison, il pensa qu'il allait le conduire jusqu'à la gare. C'en fut assez pour réveiller en lui l'instinct espiègle des jours d'antan. Vite il court vers un frère novice qu'il voulait taquiner d'une manière spéciale.

— Frère Un Tel, le Père Maître vous demande, lui dit-il.

Et il écoute dans un coin pour jouir à son aise de la déconfiture du trop crédule novice. Mais quel n'est pas son étonnement d'entendre une voix bien virile répondre par un vigoureux : entrez ! aux timides coups frappés à sa porte ! Le Père Maître n'avait accompagné son hôte qu'une courte distance ! . . .

— Mon Père, il paraît que vous me demandez, lui dit son visiteur inattendu.
— Aucunement, dit le P. Abhervé. Qui vous a dit que je voulais vous voir?
— Le Frère Turquetil.
— Dites-lui de venir me trouver.

Et notre renard pris à son propre piège en eut pour son compte.

Cette petite leçon dut lui profiter, et sa conduite ultérieure ne put que s'améliorer encore…

______________________________________________

(4)  Par allusion au titre d'un livre que le missionnaire venait alors de publier.

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Message  Louis Ven 09 Oct 2015, 1:01 pm

CHAPITRE II

OBLAT DE MARIE IMMACULÉE

(suite)

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Cette petite leçon dut lui profiter, et sa conduite ultérieure ne put que s'améliorer encore, puisque sa fredaine n'empêcha point son admission aux premiers vœux, qu'il prononça le 8 septembre 1896, jour de la Nativité de la sainte Vierge. Du reste, ses qualités de cœur et d'esprit faisaient beaucoup plus que compenser cette tendance à l'espièglerie, petit legs de l'enfance, qui ne pouvait que disparaître avec l'âge.

Le même mois, le nouvel Oblat entrait au scolasticat de Liège, en Belgique, pour y faire ses études théologiques. C'était la même institution qui, établie d'abord à Autun, France, avait dû émigrer en Irlande sous le coup de la persécution de 1880, qui avait dispersé les religieux français aux quatre coins du ciel.

Le Fr. Turquetil eut l'occasion d'y voir et d'y entendre des missionnaires et des évêques oblats de partout ; mais une conférence de feu M
gr Grouard sur les Esquimaux fit surtout impression sur lui. L'évêque  voyageur y décrivait le genre de vie si primitif de ce peuple barbare ; il y disait ses efforts infructueux pour les convertir, et  recommandait de bien prier pour qu'un jour l'évangélisation de ces infidèles devint possible (5).


Par suite de cette conférence, le Fr.Turquetil, obsédé de l'idée de ces pauvres gens qui vivaient et mouraient sans la moindre connaissance de Dieu ni la moindre préoccupation d'une vie future, se mit à faire neuvaine sur neuvaine pour obtenir la grâce d'être un jour envoyé chez eux. Toutefois lorsque, à la fin de son scolasticat, on lui demanda quelles pouvaient être ses préférences, où il aimerait à exercer son ministère (6) , il répondit:

— N'importe où, pourvu que ce soit en mission sauvage : pays chauds ou pays froids, mais pas en Europe.

Il était bien toujours Normand. Les grands voyages, l'air de pays lointains, avec cela les occasions de se dévouer, d'exercer son zèle débordant et de faire du bien aux âmes les plus délaissées, voilà ce qui lui allait. Mais comme il avait maintenant la générosité de ne pas confiner son dévouement dans des limites trop précises, Dieu allait lui accorder ce qu'il rêvait depuis si longtemps.



Il fut ordonné prêtre par Sa Grandeur Mgr Heylen, évêque de Namur, qui venait seulement d'entrer en fonctions. De fait, c'était la première ordination du prélat belge, bien connu depuis des cercles eucharistiques (7). C'était le 23 décembre 1899. Désormais prêtre pour l'éternité, le Père Turquetil n'allait pas tarder à devenir missionnaire de fait autant que de nom( 8 ) .

Il lui fallut pourtant attendre encore quelques mois…

__________________________________________________________

(5) Né au diocèse du Mans, Mgr Emile Grouard fut pendant très longtemps l'un des plus grands missionnaires du Grand Nord canadien. — (6) Question qu'on ne pose généralement pas. — (7) II fut longtemps président officiel des Congrès Eucharistiques. — ( 8 ) Le nom officiel des Oblats est « missionnaires oblats ».

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Message  Louis Sam 10 Oct 2015, 11:38 am

CHAPITRE II

OBLAT DE MARIE IMMACULÉE

(suite)

Il lui fallut pourtant attendre encore quelques mois, et, en juillet de l'année suivante, il recevait son obédience pour le vicariat apostolique de la Saskatchewan, dans l'Ouest canadien. Dès le 16 août suivant, il s'embarquait, d'abord pour Southampton, Angleterre, et de là pour New-York, où il arrivait le 24. Son bateau faisait partie de la marine marchande allemande: pas un passager français à bord, rien que de l'allemand dans les conversations — ce qui dut lui donner comme un avant-goût des difficultés provenant de la différence de langues qui l'attendaient.

Mais s'il ne pouvait guère prendre part aux entretiens des passagers, il n'en était que plus uni par la pensée aux Cris, aux Montagnais et peut-être aux lointains Esquimaux.

A Prince-Albert, siège de son nouvel évêque M
gr Pascal, O. M. I., qu'il atteignait aux premiers jours de septembre, il reçut son obédience définitive pour la mission du lac Caribou, et partit vingt-quatre heures à peine après son arrivée, vu que, la saison étant déjà avancée, on craignait que les glaces ne lui barrassent le passage.

Sans l'avoir demandé, sans le savoir probablement, il prenait la direction du pays sauvage où l'œuvre de sa vie allait commencer, après quelques années de préparation sur un champ quelque peu différent.

Chapitre III : Au Lac Caribou.

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Message  Louis Dim 11 Oct 2015, 12:33 pm

CHAPITRE III

AU LAC CARIBOU

Le lac Caribou est un vaste réservoir aux baies multiples, dont les eaux, claires et limpides, tour à tour dorment et s'agitent dans un bassin de cent cinquante milles de long sur une trentaine de large dans sa partie septentrionale. Il s'étend du nord au sud, à quelque deux cents milles au sud-est du lac Athabaska, juste entre les 56e et 58e degrés de latitude.

Sa nappe crystalline est comme percée de chaque côté d'une infinité de pointes, ou caps allongés, dont les sombres conifères revêtent, à distance, une teinte bleuâtre et incertaine, tandis qu'en été ses nombreuses îles, dont plusieurs sont de dimensions respectables, semblent, sous l'effet de la chaleur et des conditions atmosphériques qu'elle engendre, s'élever en l'air et s'y tenir suspendues.

Alimenté en partie par la rivière la Hache, qui s'y jette au nord, il se décharge au sud par la rivière Caribou, qui, après un cours d'environ soixante-dix milles, tombe dans la rivière aux Anglais, fameuse dans les annales des traiteurs de fourrures. Celle-ci est aussi appelée la Churchill (1) .

Cette pièce d'eau est assez poissonneuse, de même que la contrée qui l'enserre est giboyeuse. Ce lac et ses environs sont donc faits pour l'Indien beaucoup plus que pour le blanc; car, à part certains morceaux de terre dans le sud, que ne dédaignerait peut-être pas le cultivateur, ce ne sont partout que roches et gravier, sable, mousse et lichens, au travers desquels croît péniblement une végétation malingre et rabougrie.

Ces déserts isolés du reste du monde, par suite de la difficulté de les atteindre, n'étaient pourtant pas une solitude absolue. Ils avaient pour habitants plus ou moins nomades des membres de la grande famille des Indiens dénés, connus sous le nom de Mangeurs de Caribou, qui dénote assez leur genre de vie ordinaire : chasseurs de rennes ou caribous, de la chair desquels ils se nourrissaient.

Au nombre alors d'environ douze cents, ils étaient pour la première fois venus en contact avec le ministre de l'Evangile le 25 mars 1847, époque où une poignée d'entre eux avaient reçu la visite du P. (plus tard M
gr)Taché, 0. M. I., alors stationné à la mission de l'IIe-à-la-Crosse.

Les Mangeurs de Caribou, subdivision de la tribu des Montagnais, ne paraissent pas avoir été à l'origine aussi religieux que les autres branches du stock déné, qui sont plutôt remarquables pour leur inclination naturelle aux choses de Dieu, à l'encontre des Cris, race différente d'aborigènes, leurs voisins, qui, matériels et terre à terre, ne s'en souciaient guère — ce qui me porte à considérer les premiers comme de sang mêlé, ainsi qu'il arrive presque toujours en cas de contiguïté de deux races différentes.

Néanmoins tout nouveau tout beau, et, au cours des visites qu'il fit aux uns et aux autres, le prêtre n'enregistra pas moins de 49 baptêmes, presque tous d'enfants.

L'année suivante fut encore plus heureuse : 71 baptêmes furent alors le résultat pratique de sa course apostolique.

Ces sauvages restèrent alors deux ans sans la visite du missionnaire…


___________________________________________________

(1) Cf. Morice, Histoire de l'Eglise Catholique dans l'Ouest canadien, vol. II, p. 144.

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Message  Louis Lun 12 Oct 2015, 1:23 pm

CHAPITRE III

AU LAC CARIBOU

(suite)

Ces sauvages restèrent alors deux ans sans la visite du missionnaire. Nommé évêque, Mgr Taché leur envoya alors (1851) le P. Maisonneuve, tout jeune prêtre nouvellement arrivé en Canada, dans le but d'explorer la place en vue d'y établir un poste permanent.  Entrepris dans des conditions particulièrement difficiles — quinze jours à traverser le lac dans le sens de sa longueur, à cause des glaces qui, à tout instant, barraient le passage — son voyage fut très pénible, et ne put manquer d'influer sur la décision du Père, qui fut adverse.

Poisson très rare et bien pauvre, assez peu de gibier, point de bois de construction, telles étaient les raisons qu'il jugea militer contre la fondation de la mission projetée.



Ce qu'apprenant, paraît-il, un ministre protestant parla de s'y établir lui-même. Ce fut le coup de grâce pour les pauvres Indiens. De nouveau Dieu allait tirer le bien du mal, par la résolution que prirent alors les autorités ecclésiastiques de se fixer à l'extrémité nord du lac, au bout opposé duquel la compagnie de la baie d'Hudson, les grands commerçants en fourrures du Canada, avait jusque-là eu son fort.

Au cours de 1860, une très humble habitation en grosses perches superposées y fut construite, que le P. Végreville, 0. M. I., son premier prêtre résidant, devait occuper à la fin de l'année ou en janvier 1861. Son compagnon était le P. Alphonse Gasté, originaire de Laval, France, dont la vie allait dès lors s'identifier avec cette lointaine mission, la plus difficile de toutes, selon  M
gr Taché, à cause de son très grand isolement, et du caractère exceptionnellement sévère de son climat, pour des raisons qui seront fournies plus loin (2).

Mille péripéties, pas toujours des plus agréables, allaient naturellement s'y succéder, lesquelles ne devaient pourtant pas être sans leurs consolations, puisque, rien qu'entre 1880 et 1884, par exemple, il ne s'y fit pas moins de 255 baptêmes et 41 mariages.

Ce beau résultat accusait de la part du prêtre une somme de travail d'autant plus forte que ces sauvages s'étaient longtemps montrés « rebelles, indifférents et apathiques » (3).

Telle était la mission Saint-Pierre du lac Caribou…

_______________________________________

(2) Cf. Morice, Histoire de l'Eglise dans l'Ouest Canadien, vol. II, p. 145. — (3) Lettre du  P.  Turquetil, Missions  des  Missionnaires  Oblats de Marie Immaculée, vol. de 1912, p. 280.

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Message  Louis Mar 13 Oct 2015, 11:30 am

CHAPITRE III

AU LAC CARIBOU

(suite)

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Telle était la mission Saint-Pierre du lac Caribou, son nom officiel, lorsque le P. Turquetil y arriva en 1900. Nous l'avons laissé à Prince-Albert, près de son nouvel évêque, Mgr Albert Pascal, 0. M. I. Il avait à peine eu le temps de faire sa connaissance, qu'il le quittait en bateau plat, appelé berge, en partance pour Cumberland-House. Là résidait un autre Oblat, le P. Ovide Charlebois, que nous rencontrerons encore plus d'une fois sur notre chemin.

Le P. Charlebois était un homme de Dieu s'il en fut.

— Ah ! vous allez au lac Caribou, dit-il au nouveau missionnaire.  Savez-vous qu'il a y a des Esquimaux là-bas?

— Non ; on ne me l'a pas dit, répondit Turquetil.

— Il y en a. Aimeriez-vous à vous en occuper ? Vous êtes jeune.

— Oh ! mais certainement, fit le jeune Père, qui se demanda dès lors si par hasard ses neuvaines de scolastique n'étaient point à la veille d'être exaucées.



Il arriva enfin à destination, après un voyage de pas moins de cinq semaines en canot d'écorce, « dégradé » (4) tantôt par la tempête d'automne, tantôt par la glace qui prenait dans les baies d'un large cours d'eau là où il n'y avait pas de courant.

Au lac Caribou, le bon et saint Père Gasté le reçoit à bras ouverts. On parle de toutes sortes de choses, de la France,  du voyage, des missions. Puis le jeune  prêtre demande :

— Il paraît que vous avez des Esquimaux dans le territoire de votre mission?

Le bon vieux bondit.

— Oh! oui; venez-vous pour vous en occuper?

Et, sans attendre une réponse, il embrasse le jeune Père en disant :

— Voilà trente ans que je demande quelqu'un pour ce ministère.  Quel âge avez-vous?

— Vingt-quatre ans et demi.

— Ah ! si l'on m'avait dit alors qu'il fallait encore attendre six ans avant la naissance du prêtre qui viendrait évangéliser ces pauvres gens, je me serais bien découragé. Mais vous voilà. Je verrai donc commencer cette mission. Que Dieu est bon!

Le P. Turquetil était comme Moïse arrivé au seuil de la terre promise; mais, plus heureux que le chef israélite, il allait finir par y entrer, bien qu'une dizaine d'années de préparation pour l'œuvre de sa vie dût s'écouler avant qu'il pût la commencer d'une manière effective.

Ces années il les passa dans l'exercice d'un ministère de routine, ou à peu près. Car la desserte de la mission du lac Caribou ressemble un peu, sous certains rapports, à celle d'une paroisse régulière, bien qu'elle ait comme espèces de succursales de moindres centres indigènes, de nature plus ou moins permanente, comme le lac Brochet, le lac des Bois, la rivière du Petit Poisson, la rivière Rapide, etc., que fréquentent à certaines époques des groupes de sauvages, en vue d'y pêcher ou d'y chasser.

Ces petits centres occasionnent des voyages pas toujours des plus faciles...

__________________________________________________________

(4) Terme du pays signifiant arrêté accidentellement, par un contretemps dû aux éléments, surtout au vent.

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Message  Louis Mer 14 Oct 2015, 11:43 am

CHAPITRE III

AU LAC CARIBOU

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Ces petits centres occasionnent des voyages pas toujours des plus faciles, au cours desquels le pasteur doit courir après la brebis égarée, ou peu s'en faut. Mais les difficultés qu'ils comportent ne sont rien en comparaison de celles de courses de longue haleine que le missionnaire entreprit presque annuellement, dans le but de se mettre en rapport avec les fameux Esquimaux.




La première eut lieu dès 1901. C'était au cœur de l'hiver, du lendemain de Noël à la fête de Pâques de l'année suivante. Elle ne fut guère féconde qu'en fatigues inouïes et en incroyables souffrances endurées gaiement. L'objectif du P. Turquetil était un certain lac de « l'Ile-qui-dort », à deux cents lieues au nord du lac Caribou. Là il trouva quelques Esquimaux, fort étonnés de voir la Robe Noire, dont ils avaient déjà entendu parler. Ils étaient venus apporter à ses sauvages des peaux de bœufs musqués et des fourrures de renards blancs, qu'ils troquaient contre quelques munitions et instruments de pêche.

Repartis pour leur pays lointain, au nord-est, en assurant que trois ou quatre autres familles allaient sous peu arriver au campement, le missionnaire les attendit longtemps, et, comme personne ne venait, il résolut d'aller lui-même à leur rencontre. Bientôt il débouchait dans ces immensités désertiques connues sous le nom anglais de Barren Lands, ou Terres Stériles, que Turquetil décrit ainsi:

« Toute trace de végétation a disparu. On se croirait sur l'océan glacé, n'étaient les inégalités de terrain, d'ailleurs peu sensibles, car la neige recouvre tout... Enfin, le vent a un peu diminué... A la vue de ce pays malheureux, il semble qu'une malédiction l'ait converti en un affreux désert. De quoi vivent donc ses habitants? Quelles ressources offrent ces immensités de neige durcie par le froid, où paraissent à peine de loin en loin quelques rochers dénudés?

« Par un contraste frappant, le souvenir de la belle France vient accroître encore la tristesse de ce paysage, puis soudain aussi je me sens, heureux d'avoir été appelé à secourir ces pauvres païens, les plus malheureux du monde vraiment.

« Il faisait grand froid, plus de 50 degrés au-dessous de zéro; nous entendions distinctement le sifflement de notre respiration au contact de l'air froid, et parfois aussi nous la voyions retomber en fine poussière blanche. J'éprouvais parfois comme l'impression d'un glaçon qui m'aurait pénétré dans la tête, et c'était là, pour moi du moins, la souffrance la plus cruelle. Pas de bois pour faire le thé ; il faut courir, courir toute la journée sans thé, sans feu, malgré la fatigue et le froid excessif » (5) .

Ces extraordinaires conditions atmosphériques, que le lecteur veuille bien se le rappeler une fois pour toutes, viennent de la proximité de ces régions désolées de l'immense baie d'Hudson, dont les côtes sont comme léchées, à une courte distance, par le courant sous-marin du pôle nord, qui refroidit considérablement tout l'Est de l'Amérique du Nord (6). Le P. Turquetil n'avait probablement pas atteint le 60e degré de latitude; mais, dans le désert canadien qu'il parcourait, le climat est au moins aussi froid que dans celui du 65e du côté ouest du continent.

Et cette différence se fait sentir même à l'intérieur des terres: plus vous approchez de l'Ouest, réchauffé par le courant, ou stream, du Japon, plus tempéré est le climat.

Ajoutons à cela…

___________________________________________________________

(5)  Missions des Oblats de Marie Immaculée pour 1904, pp. 52-53. — (6) En sorte qu'un point d'une certaine latitude en ce pays est infiniment plus froid qu'un autre point de la même latitude en Europe.

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Message  Louis Jeu 15 Oct 2015, 12:55 pm

CHAPITRE III

AU LAC CARIBOU

(suite)

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Ajoutons à cela les mille inconvénients qui découlent d'un froid si perçant, et nous aurons quelque idée des efforts héroïques qu'il faut faire pour pouvoir simplement marcher.« Nous avançons avec peine », écrit le missionnaire, qui est pourtant loin de prendre les choses au tragique, « moi surtout, car la veille je m'étais laissé geler à moitié le genou gauche, et une douleur violente m'empêchait de plier la jambe. Comme mes compagnons d'ailleurs, j'avais le visage profondément gelé, et, avec nos joues et nos nez noirs, nous ressemblions moins à des Indiens qu'à des nègres du Congo » (7) .

Le lendemain, suprême déception! On avait annoncé le voisinage des huttes en neige des Esquimaux : on les trouve bien, mais elles sont désertes !  Douze familles ont séjourné là ; leur passage est fortement accusé par une saleté repoussante et une odeur nauséabonde dans les huttes, dont l'une abrite un cadavre « enterré » à l'esquimaude, c'est-à-dire recouvert de quelques roches
( 8 ). Mais, effrayés par la mort d'un des leurs, ils ont repris la direction du Nord.

Tant de peine pour si peu ! Mais Dieu a compté les pas de son envoyé: il récompense jusqu'à un simple verre d'eau donné en son nom !

Sur le retour, après un long jeûne forcé, un caribou leur offre, tout près, une belle cible; mais après qu'un de ses compagnons l'a manqué plusieurs fois, le missionnaire, pressuré par la faim et transi de froid, essaie à plusieurs reprises de charger son arme. A peine s'est-il sorti les mains de ses énormes mitaines (9) , que la gelée le pénètre au point que ses doigts engourdis se refusent à saisir la cartouche, qui lui échappe à chaque fois.

Décidément, c'est jouer de malheur.

Bien des voyages semblables furent pour notre jeune apôtre marqués au coin de l'épreuve. Celui-là faillit dégénérer en désastre: disette de vivres par une température de plus de 55º, sans feu ni aucune nourriture pendant trois jours.

Une autre fois, ce furent cinq jours consécutifs sans une bouchée à se mettre sous la dent. Mais, disait le Père, c'était au printemps, donc pas de danger, et, ajoutait-il, vous auriez dû voir la quantité de poisson cru, et tout vivant, que j'ai engloutie lorsque je réussis à en prendre. Instinctivement, je me retournais pour voir si quelqu'un m'avait observé.   Cela me paraissait incroyable que j'avais mordu ainsi



dans du poisson vivant, qui se débattait dans ma bouche et que j'y serrais de toutes mes forces; mais je le trouvais bon et, depuis que je suis chez les Esquimaux, je ne regarde plus si quelqu'un me voit. C'est le contraire; je regarde ceux qui n'osent pas en faire autant, et en conclus qu'ils n'ont pas faim!

Un second essai d'apostolat chez les Esquimaux…

________________________________________________

(7) Ibid., p. 53. — ( 8 ) Voir ill. Nº 41.  — (9) Toujours en fourrures, cette indispensable partie de l'accoutrement missionnaire est suspendue de chaque côté par un cordon passant en arrière du cou.

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Message  Louis Ven 16 Oct 2015, 12:23 pm

CHAPITRE III

AU LAC CARIBOU

(suite)

Un second essai d'apostolat chez les Esquimaux ne fut guère plus heureux. Evidemment il était écrit que le démon aurait toute liberté d'entraver son action chez les infidèles, jusqu'à ce que sa patience et son inlassable persévérance eussent remporté la victoire sur l'ennemi de tout bien. Le résultat net de cette seconde tournée fut de s'aboucher avec un chef avec lequel il s'entendit pour un nouveau voyage.

Au retour, la faim l'éprouva encore plus cruellement; trois de ses chiens de trait (qui valent un cheval dans ces contrées sauvages) moururent de faim. Les voyageurs avaient bien caché des provisions pour le retour, mais le « diable des bois », ainsi que les indigènes appellent le carcajou, animal qui est le type achevé du voleur habile et sans vergogne, avait passé par là, et naturellement n'avait rien laissé pour les propriétaires.

Aussi ses compagnons et lui avaient-ils juré de lui faire payer cher ses vols et déprédations s'ils pouvaient jamais mettre la main sur l'un d'eux. Et ce fut l'occasion d'un comique incident au cours d'une autre de leurs randonnées.


Il arriva donc que Turquetil et un guide métis tombèrent un jour sur une de ces vilaines bêtes…

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Message  Louis Sam 17 Oct 2015, 12:02 pm

CHAPITRE III

AU LAC CARIBOU

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Il arriva donc que Turquetil et un guide métis tombèrent un jour sur une de ces vilaines bêtes qui, contre leurs habitudes, s'était laissé prendre au piège, au moment où elle voulait en soustraire l'appât. Le métis qui, comme tous les sauvages, avait probablement une dent toute particulière contre cette gent malfaisante, se chargea de punir le mécréant.

Armé de son fouet garni de plomb, il cingle le maudit qui grogne des jurons de son cru, rugit et bondit sous l'effet de



sa castigation. Le sang coule, puis tout d'un coup voilà que, sous les bonds désespérés de la bête, la chaîne du piège se casse, le carcajou s'enfuit et le fouet du métis tombe dans le vide!

De suite, l'instinct du conducteur de traîneau à chiens qu'était le compagnon du Père s'éveille en lui. Il se met à crier : Hô ! hô ! c'est-à-dire : Arrête ! comme il l'eût fait à un chien qui se sauve, au grand ébahissement de son maître qui se tord de rire.

On s'amusa si longtemps de la méprise du métis justicier public que l'animal put gagner le large et disparaître pour toujours.

— C'est égal, fit alors son bourreau, par manière de consolation pour les quolibets dont il devint victime, je lui ai fait tant de blessures qu'il passera désormais tout son temps à les lécher. Il ne pourra manger, et mourra de faim.

Cruel! fera quelqu'un peu au courant des habitudes du carcajou. S'il lui prenait fantaisie de se faire trappeur, il changerait vite d'opinion. Le « diable des bois » en effet, ne saurait être mieux nommé. C'est pour le chasseur un véritable fléau. La dextérité avec laquelle il parvient à dérober les appâts des pièges et par là nullifier l'œuvre du trappeur, sans s'y faire prendre lui-même, et l'habitude qu'il a de dérober le gibier qui s'est fait prendre et d'en détruire ainsi la fourrure, est vraiment incroyable. Aussi quand on peut avoir l'extrême chance d'en capturer un, personne ne le manque, et je me rappelle avoir lu quelque part dans un livre du P. Petitot (10), que, dans le pays où il exerçait son ministère — vallée du Mackenzie — les Indiens avaient l'habitude de l'écorcher vif, puis de le lâcher dans les bois, où il ne tardait pas à crever de froid.

_____________________________________________________

(10)  L'un des plus savants missionnaires du Grand Nord Canadien.
A suivre : Chapitre IV. Vers les Esquimaux.

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Message  Louis Dim 18 Oct 2015, 12:09 pm

CHAPITRE IV

VERS LES ESQUIMAUX

Que sont donc ces fameux Esquimaux après lesquels soupirait notre P. Turquetil? Ils sont la famille humaine la plus originale du monde, jusqu'alors la plus délaissée au point de vue religieux, une race toute spéciale en Amérique qui est essentiellement maritime et riveraine, directement ou indirectement, des côtes nord de ce continent. Elle est composée de gens qui passent la plus grande partie de leur vie dans la neige et la glace, en des maisons de neige durcie appelées iglous, et pourtant ne connaissent d'autre feu que la faible lueur d'un brin de mousse nageant dans la graisse fondue d'une lampe en pierre —pour la bonne raison que le bois de chauffage manque complètement dans toute l'étendue de leur territoire (1) .

Bien que celui-ci soit aujourd'hui un peu plus restreint qu'il ne l'était avant l'arrivée des blancs dans l'Est du Canada, il mesure encore au-delà de 5.000 milles de long sur pas plus de 50 de large en certaines places. Commençant à un certain point de l'Alaska occidentale, il contourne cette presqu'île, passe par les bouches du Mackenzie et l'embouchure de la Coppermine, à l'extrême nord du continent, comprend les îles aussi nombreuses qu'importantes comme superficie du Nord-Est, ainsi que les côtes de l'immense baie d'Hudson et celles du Groenland, pour aller se terminer aux confins du Labrador (2).

Une des particularités les plus curieuses de cette race, fière malgré sa vie nécessairement si primitive, est le fait que, en ce qui est de sa langue et de ses coutumes, elle est infiniment plus homogène que les tribus indiennes ne le sont entre elles. Un Esquimau de l'Alaska comprendra sans peine un naturel des rives labradoriennes, tandis que, sur la côte de la Colombie Britannique, par exemple, les habitants de deux villages co-limitrophes parleront des langues diamétralement opposées.

Tout d'abord, bien qu'ils soient aussi nomades qu'eux, les Esquimaux ne sont point des Indiens. Même au point de vue physique ils ont le teint plus clair, pâlot sans être absolument blanc, la figure ronde presque en forme de pleine lune, les yeux petits, souvent enfoncés comme dans une fente plus ou moins oblique à l'instar des Mongols, les joues et les membres replets et dodus, la bouche large, assez souvent entr'ouverte et des lèvres retroussées, laissant voir deux rangées de petites dents blanches, avec de larges épaules qui les rendent trapus, le tout terminé par d'élégants petits pieds et des mains à l'avenant.

Leur accoutrement leur est propre et merveilleusement adapté aux conditions climatériques dans lesquelles ils vivent, sans être strictement uniforme partout. Il consiste surtout dans une espèce de justaucorps, des braies ou culottes terminées par une paire de bottes qui leur servent de poches (3). Le justaucorps, souvent orné de lisières de peaux à poil de couleur voyante et de nombreuses franges, est remarquable par un appendice en forme de large queue, plus long chez la femme que chez son conjoint.

Tout le costume esquimau, des pieds à la tête...

_________________________________________________________

(1) Du moins dans l'Est et le Nord américains. — (2) Les Esquimaux occupaient autrefois jusqu'aux rivages septentrionaux du golfe du Saint-Laurent et de Terre-Neuve. — (3) Chose singulière pour quiconque n'a point étudié les mœurs des différents peuples, les poches ont toujours été inconnues des primitifs.

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Message  Louis Lun 19 Oct 2015, 11:14 am

CHAPITRE IV

VERS LES ESQUIMAUX

(suite)

Tout le costume esquimau, des pieds à la tête, doit provenir de la chasse. La peau de caribou est la plus recherchée, parce que de beaucoup la meilleure ; fait-elle défaut, l'Esquimau recourt à la peau de phoque, d'ours blanc, de renard blanc, de lièvre, de marmotte, d'oiseau même. On comprend que la préparation et la couture de ces différentes peaux diffèrent du tout au tout : mais l'Esquimau saura se tirer d'affaire, pourvu qu'il ait réussi à tuer autre chose que des poissons.


Bien souvent, les peaux des animaux tués en hiver, sont dégelées à la chaleur du corps, lorsque la graisse fait défaut pour alimenter la lampe en pierre, et toujours c'est la mâchoire de la femme qui tanne la peau (4) , l'assouplit, la met en état de se plier aux formes du corps, permet de la coudre de façon imperméable au vent et à l'eau.

Le couvre-chef est généralement de forme variée, bien que toujours en peau, parfois celle de la tête d'un animal, souvent remplacé par un capuchon de même matière surtout dans l'habit des femmes.

Deux points technologiques distinctifs de la race se rencontrent partout. Ils ont trait à l'habitation et à la navigation. En hiver, l'Esquimau gîte dans l'iglou, espèce de hutte semi-sphérique, comme certains fours de France, mais composée de blocs de neige durcie au contact des vents, très communs dans les steppes de son pays. On la ferme hermétiquement une fois qu'on s'y est introduit pour y rester quelque temps.

D'abord glaciale à faire claquer les dents, sa température se transforme peu à peu, sous l'effet de la respiration et de la lampe à huile de phoque, en une étuve si chaude, en même temps que si nidoreuse, qu'on est obligé de se dépouiller de tout vêtement — ce qui, pour ces barbares aux mœurs plus ou moins canines, est loin d'être un inconvénient, au contraire.

Pendant leur été de quelques semaines, les Esquimaux remplacent l'iglou par la tipi (tuperk dans leur langue), demeure imitant la loge conique des Indiens des plaines, quand ils peuvent se procurer les perches nécessaires à sa charpente.

Toute la vie de ces aborigènes se passe…

___________________________________________________________________

(4)   V. illustration N° 16.

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Message  Louis Mar 20 Oct 2015, 1:13 pm

CHAPITRE IV

VERS LES ESQUIMAUX

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Toute la vie de ces aborigènes se passe à la chasse et à la pêche.  Durant l'été (5) , qui varie d'un à trois mois, selon la latitude, chasse et pêche se font en canot, embarcation légère appelée kayak, pointue à chacun des deux bouts, faite de menues tiges de bois charrié par les rivières, ou, à défaut de bois, de cornes de caribou ou dos de mammifères marins servant de charpente. Là-dessus sont étendues des peaux de caribou ou de phoque, cousues de manière à demeurer parfaitement imperméables.


Cette embarcation est toute couverte des mêmes peaux, à l'exception d'un espace laissant un trou circulaire au milieu, juste assez grand pour permettre l'introduction du corps humain; en sorte que le chasseur peut s'y asseoir à l'abri de n'importe quel « paquet d'eau », et s'y laisser impunément balloter par les vagues.

L'Esquimau manie alors un aviron à double palette, qui lui facilite grandement la gouverne de l'esquif.

Pour la famille il a l'oumiak, construit des mêmes matériaux, mais complètement ouvert en dessus, comme nos propres bateaux, et considérablement plus grand que le kayak, qui n'est fait que pour un homme (6) . Il est muni de rames en règle, qui sont maniées par les femmes.

Car, ainsi que chez tous les primitifs, le sort de la femme est extrêmement peu enviable chez les Esquimaux. C'est le factotum du ménage et la bête de somme dans les voyages sur terre. On la prend et on s'en divorce selon les caprices du moment — bien que sa rareté chez eux, fruit de l'infanticide des petites filles en bas âge, ait fini par lui donner une certaine importance dans la société. On peut même la troquer, par motif d'intérêt, contre ce qui nous paraîtrait bien peu, comparé à la valeur d'une créature humaine. Les règles de la bienséance, ou des motifs de grande amitié, peuvent même porter à la prêter momentanément à un étranger.


Mais arrêtons-nous sur ce point…

________________________________________________

(5) Par été j'entends ici la saison sans neige. — (6) Des voyageurs prétendent qu'en certaines régions des kayaks accommodent deux personnes. L'oumiak est aussi parfois remplacé par plusieurs kayaks attachés ensemble côte à côte.

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Message  Louis Jeu 22 Oct 2015, 1:55 pm

CHAPITRE IV

VERS LES ESQUIMAUX

(suite)

Mais arrêtons-nous sur ce point, qui pourrait nous mener bien loin et sur lequel il nous faudra peut-être revenir, nous contentant de déclarer pour la seconde fois qu'une plume honnête se refuse à décrire les mœurs esquimaudes, telles qu'elles étaient avant l'introduction du christianisme chez les primitifs qui nous occupent en ce moment.

Si bien que lorsque, personnellement, j'appris que le P. Turquetil pensait sérieusement à faire des chrétiens de ces gens-là, je ne pus m'empêcher de hausser les épaules, remarquant que c'était peine perdue, vu qu'ils ne voudraient jamais se plier aux prescriptions de la morale de l'Evangile.

Car ces primitifs sont très indépendants, et savent dire non sans la moindre gêne. Assez soupçonneux vis-à-vis de ceux avec lesquels ils ne sont point familiers, ils peuvent se fâcher, et alors la dague et le fusil seront assez facilement mis à réquisition. Règle générale, ils se défient des étrangers qu'ils rencontrent pour la première fois; et il serait difficile de nommer un endroit de leur pays où, par suite de cette disposition, il n'y a pas eu de massacre ou tentative de meurtre des premiers explorateurs.



Par ailleurs, chez eux, comme avec certaines nations qui ne passent point pour primitives, c'est la loi du plus fort qui est toujours la meilleure.

Enumérer leurs défauts nous entraînerait trop loin, et j'ai bien peur que…

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