Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XIII
AU NORD ET AU SUD(suite)
La première idée d'y fonder une mission vint d'une lettre d'un agent de commerce, qui connaissait Mgr Turquetil pour avoir voyagé avec lui à bord du Nascopie. Ce protestant pensait que seule la religion pourrait faire des Esquimaux de bons chasseurs, des gens actifs et assez honnêtes pour payer leurs dettes.
Il en écrivit aux autorités de sa propre secte, qui refusèrent d'accéder à sa requête. Il s'adressa alors au Père Turquetil. C'était en 1923, alors que celui-ci était encore sous la juridiction de Mgr Charlebois. En 1927, le premier étant devenu indépendant de ce prélat, décida d'y faire une fondation, que le naufrage du Bay Ungava remit forcément à plus tard.
Le projet fut repris en 1929, et, au mois de juillet de cette année, les PP. Girard et Bazin prenaient le Nascopie à son passage à la Baie, pour atteindre Pond Inlet le 2 septembre suivant.
Il n'était que temps. Quelques minutes avant qu'ils eussent pu mettre pied à terre, non seulement deux ministres anglicans (qui ne devaient pas vivre longtemps en bonne harmonie ensemble), mais l'un de leurs bishops, ou soi-disant évêques, venu l'on ne sait d'où et qui n'avait point autorité sur le pays, trouvèrent le moyen de débarquer parmi les Esquimaux. A l'aide d'un interprète, ce prétendu prélat s'empressa alors de donner aux indigènes les marques de la véritable Eglise de Jésus-Christ, selon sa théologie toute spéciale.
— Les vrais prêtres, assure-t-il, sont ceux qui sont habillés en hommes. N'ayez rien à faire avec ceux qui portent des robes comme les femmes — par allusion au port de la soutane. Ceux-là mènent le monde en enfer.
Et en moins d'un quart d'heure, les Esquimaux présents étaient baptisés ! ...
Depuis lors, la grande tactique des révérends…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XIII
AU NORD ET AU SUD(suite)
Depuis lors, la grande tactique des révérends, fut de réunir les Esquimaux au moment précis où le prêtre catholique aurait eu besoin d'eux : le soir, qu'il aurait voulu consacrer au catéchisme, et le matin, alors qu'il célébrait la sainte messe. Dans ce but, ils les attiraient et les retenaient fort tard dans la nuit, les occupant à des jeux, à des vues cinématographiques, à des thés avec biscuits, etc., en sorte que le lendemain matin ils ne pouvaient se lever assez tôt pour assister à la messe.
Les chasseurs y gagnèrent-ils, dans ce pays où les jours sont si courts? Qu'importe; ils avaient un bon repas chaque soir, et cela remplaçait peut-être les phoques et autre gibier qu'ils eussent pu prendre. Dans tous les cas, les ministres réussissaient de cette manière à en éloigner un certain nombre du prêtre qui « mène le monde en enfer ».
Malgré tout, le catholicisme devait finir par s'implanter sur ces plages lointaines et désolées. En dépit des différences dialectiques de la langue locale, le P. Girard put commencer ses instructions dès le mois de décembre 1929, pendant que son compagnon s'efforçait de pénétrer dans ses arcanes plus ou moins rebutantes. Le 12 février 1930, après leurs 92 jours d'obscurité, l'un et l'autre Pères étaient heureux de gravir une côte avoisinante pour saluer le soleil, qui faisait alors une très courte apparition après s'être caché si longtemps.
La population de Pond Inlet avait reçu dans son sein, et gardé une année entière, deux familles chrétiennes de Chesterfield — toujours le nomadisme ! — et en avait profité pour copier les livres du prêtre et apprendre ses cantiques. Les Esquimaux de la place n'avaient jamais vu de prêtre, mais désiraient ardemment sa venue parmi eux. Ce fut donc avec de véritables transports de joie que, en dépit des ministres, ils avaient reçu leurs deux messagers de Jésus-Christ, dans la personne des PP. Girard et Bazin.
Ces aborigènes étaient déjà chrétiens de cœur. Aussi, après leur avoir donné une quarantaine d'instructions sur le catéchisme, les deux Pères crurent-ils pouvoir en baptiser vingt-deux, vieillards et enfants pour la plupart, dont huit eurent bientôt après le bonheur d'être admis à la première communion.
Le 1er août 1930, le P. Bazin, heureux comme son supérieur, écrivait à son tour, s'extasiant sur la longueur des jours polaires: le soleil tournait sans cesse dans le ciel pour ne se coucher qu'au bout de 92 jours, disait-il. « C'est commode pour voyager », ajoutait-il; « et l'on fait à la maison des économies de luminaire » (10).
Les succès de nos missionnaires sur les différents points où ils s'étaient jusque-là établis…
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(10) Missions des O. M. I., 1930, p. 400.
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Louis- Admin
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CHAPITRE XIII
AU NORD ET AU SUD(suite)
Les succès de nos missionnaires sur les différents points où ils s'étaient jusque-là établis furent dus non seulement à leur zèle infatigable, mais encore et surtout à la merveilleuse assistance de leur grande protectrice, sainte Thérèse de Lisieux, qui ne cessait de veiller sur eux et de donner à leurs ouailles des preuves frappantes de sa toute-puissance sur le Cœur de Dieu.
C'est ainsi que l'automne précédent, 1929, Mgr Turquetil ayant appris par le directeur d'une mission où il arrivait que la femme d'un païen fort connu dans le pays se mourait, il se rendit chez elle, et constata que le médecin du fort de la Compagnie avait déclaré qu'elle achevait d'expectorer son deuxième poumon.
Touché de son état pitoyable, non moins que de l'endurcissement de son mari, le prélat demanda à ce dernier :
— Si notre bonne sainte Thérèse guérit ta femme, embrasseras-tu notre religion?
— Grand Père, répondit-il, si ta sainte fait cela, je te promets d'aller me faire instruire à la Maison de la Prière.
— Entendu, fit Turquetil ; nous allons prier la petite sainte.
Et, de concert avec sa femme, qui était catholique, il commença une neuvaine.
Quelques jours plus tard, la jeune Esquimaude était en parfaite santé! La grande Patronne des missions lui avait obtenu une nouvelle paire de poumons ! ... En veut-on une preuve? Elle courut tout l'hiver devant les chiens de son mari, pendant les voyages, en vue de les encourager dans leur tâche de tirer le traîneau — l'exercice le plus dur pour les poumons qui se puisse imaginer (11) !
La chère petite sainte aidait encore nos missionnaires en aveuglant, pour ainsi dire, même les ministres protestants. Ainsi, tel révérend, installé avant nos missionnaires à telle et telle place, décidait de prendre des vacances dans la civilisation, puis de les prolonger. Heureuse absence, qui permettait au prêtre de travailler à sa place, en sorte que les Esquimaux le voyant à l'œuvre sans relâche, comparaient instinctivement les deux espèces de pasteurs, et se rangeaient du côté de celui qui n'abandonnait point ses ouailles.
L'année suivante, 1930…
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(11) Ibid., ibid., p. 435.
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Louis- Admin
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XIII
AU NORD ET AU SUD(suite)
L'année suivante, 1930, celui qui était l'âme et l'esprit dirigeant de tous les développements jusqu'ici chroniques, Mgr Turquetil, allait faire une fondation dont l'importance, sous certains rapports, devait éclipser celle de toutes les autres.
Depuis longtemps, l'Ouest canadien, devenu comme le grenier d'abondance du monde, réclamait un débouché pour ses produits, son blé et ses bestiaux, considérablement plus proche que Fort-William et Montréal, dont l'éloignement des plaines occidentales entraînait des frais de transport exorbitants; sans compter que la traversée des côtes de la baie d'Hudson en Angleterre était notablement plus courte que celle de Fort-William à Liverpool.
Après des tiraillements sans fin, on s'était mis à construire une ligne de chemin de fer qui devait aboutir à Port- Nelson, sur cette mer intérieure. Puis, des examens topographiques ultérieurs avaient porté les autorités à s'arrêter sur un point où un poste de traite avec Indiens et Esquimaux était établi depuis les temps héroïques du commerce des fourrures. Par l'intermédiaire d'aventuriers aussi osés que belliqueux, la France disputait alors la suprématie à l'Angleterre sur ces plages sauvages.
C'était Churchill, à l'embouchure du fleuve du même nom, par 58° 46' de latitude et 94° 10' de longitude ouest. Comme tête de ligne du chemin de fer de la baie d'Hudson, ce poste ne pouvait, en dépit de sa situation géographique en pays si froid et malgré le caractère rocailleux de son terrain (V. la gravure 56), que prendre une importance hors ligne au point de vue commercial.
Mgr Turquetil était trop perspicace pour ne pas le sentir; il s'était jusqu'alors montré trop actif, trop entreprenant pour ne pas prendre ses précautions en conséquence, et s'implanter fermement dans la métropole en herbe avant qu'il ne fût trop tard.
Aussi le voyons-nous, dès le 28 juin 1930, camper sous la tente au site de la future ville, après avoir passé de longues semaines en pourparlers avec les autorités du chemin de fer, avec le Gouvernement fédéral, ainsi que celui du Manitoba, dans les limites duquel se trouvait la nouvelle place, sans compter de fastidieuses négociations avec divers fournisseurs, des directeurs de messageries, etc., à propos d'expéditions à faire à ses missions. On n'en était plus aux jours du petit orphelin de Reviers!...
Il était alors en train de se construire un petit hangar de 6 mètres carrés, pour abriter ses marchandises — le chemin de fer et le nouveau port devant le libérer de la si longue et si dispendieuse route du Nascopie. Il bâtissait aussi une église provisoire de 9m 15 sur 9m 15.
En outre, l'entreprenant prélat…
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Louis- Admin
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CHAPITRE XIII
AU NORD ET AU SUD(suite)
En outre, l'entreprenant prélat s'était procuré un bateau à moteur, qu'il avait baptisé le Thérèse, et qui venait d'arriver par le train après bien des hésitations et tergiversations, vu qu'il était plus large que les wagons, et qu'on avait dû le faire passer par des voies spéciales.
Ce n'était pourtant pas un transatlantique, bien s'en faut, et il n'était destiné à faire concurrence à personne: 12 mètres 50, soit environ 42 pieds, de long, sur 3 mètres 75, ou 12 pieds et demi, de large. Son moteur avait une force de 50 à 70 chevaux-vapeur, et il était garanti pouvoir faire au moins douze milles à l'heure. Il pesait huit tonnes sans son moteur, avait trois voiles, et les ingénieurs du port, charmés de l'esprit d'initiative du prélat catholique, l'avaient eux-mêmes mis à la mer pour lui.
Ecoutons maintenant l'excellent administrateur et homme d'affaires qu'était le préfet apostolique, nous rappelant qu'il avait alors à Churchill pas moins de sept wagons de marchandises pour ses différentes missions, celle de cette place y comprise:
« Voici le but et l'avantage de ce petit bateau... D'abord je suis sûr de pouvoir aller visiter nos Pères de Southampton Island cette année ; je n'ai plus à dépendre des compagnies comme par le passé: cela seul justifierait l'entreprise. De plus, la Compagnie demande 45 dollars la tonne d'ici au cap Esquimau (180 milles) ; mettez en moyenne une douzaine de tonnes de marchandises pour cette mission (en comptant le charbon naturellement), et voilà 540 dollars.
« Même si nous n'allions jamais à la voile et toujours à toute vitesse, ce qui prend plus de gazoline, je puis faire le voyage, aller et retour, pour 175 dollars, gazoline, vivres, etc., tout compté. Avec un peu de bon vent, il est certain que j'épargne 400 dollars par voyage, car je puis mettre facilement de douze à quinze tonnes de marchandises dans le Thérèse .
« Du cap Esquimau à Chesterfield, j'épargne encore 300 dollars par voyage, et autant de Chesterfield à Baker Lake. Si je puis faire plusieurs voyages, je compte économiser 2.000 dollars sur les transports. L'an prochain, une fois mieux organisé et la première expérience faite, ce sera peut-être davantage. En trois ans au plus, le bateau aura payé ses frais de construction et de transport, et il sera peut-être temps de penser à en avoir un plus gros : tout dépendra des conditions de transport qui nous seront faites alors » (12) .
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(12) Ibid., ibid., p. 394.
A suivre : Chapitre XIV. Progrès et Dangers.
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Louis- Admin
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CHAPITRE XIV
PROGRÈS ET DANGERS
Le Thérèse ne fut pas longtemps sans être mis à l'essai. En quelque deux mois, il avait fait 3.200 milles sur mer, et il serait bien inutile d'ajouter que cette croisière était loin d'être une partie de plaisir.
Dès le 2 juillet 1930, Mgr Turquetil partait pour le nord à bord du petit bateau, en compagnie d'un Frère mécanicien, d'un Frère ouvrier et d'un jeune pilote esquimau emprunté au Cap Esquimau. A cette place, tout le monde était malade, même le vieux Pierre, l'homme de confiance du prêtre, qui connaissait à fond les récifs et les passages difficiles de la route à suivre. Il n'en monta pas moins à bord, dans le but de donner ses directives tout en restant couché à l'abri du vent.
On arriva ainsi à Chesterfield Inlet le 17 juillet, immédiatement après la débâcle des glaces.
Deux jours après, le Thérèse partait pour le lac Baker. Il trouva cette pièce d'eau encore endormie sous la glace de l'hiver. A peine y avait-il une lisière d'eau le long de la côte nord. Après une attente inutile, on rebroussa chemin, descendant à la course le courant doublé de la marée baissante, toutes les voiles en l'air et le moteur à pleine vitesse.
Soudain un choc : le bateau bondit, se couche sur le côté et, dans cette position, de par l'élan qu'il avait pris, passe au-dessus d'un écueil ! Ce n'était plus Pierre qui conduisait la barque, mais un jeune Esquimau. Heureusement que sainte Thérèse était là, et para à l'ignorance ou l'imprudence du pilote.
Son embarcation n'en fut pas moins endommagée. A la Mission centrale, on répara de son mieux les dégâts, et le 30 on repartit, cette fois pour Southampton, qu'on atteignit sans encombre (1).
Là, un vrai délire de joie…
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(1) Après avoir traversé le courant du pôle nord, qui est assez fort pour empêcher parfois l'eau de geler en hiver.
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Louis- Admin
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CHAPITRE XIV
PROGRÈS ET DANGERS(suite)
Là, un vrai délire de joie, d'après le chroniqueur (2) . Il est dix heures et demie du soir, et le brouillard est épais ; tellement qu'on a entendu pendant trois heures le bruit de son moteur, sans rien voir arriver. En sorte qu'on en a conclu à tort que ce moteur doit être bien faible. Lorsque le bateau émerge enfin des profondeurs de la nuit, et qu'on aperçoit ses lumières blanches, rouges et vertes, on se précipite à sa rencontre. Les voyageurs du Thérèse sont reçus en triomphe, et l'effet moral de son arrivée doit être incalculable sur catholiques et protestants.
Le lendemain, vingt-trois Esquimaux recevaient le sacrement de confirmation, ce qui trahit un progrès appréciable pour la mission, en dépit des efforts des sectaires. Puis on alla en visiter d'autres qui demeuraient plus loin. Enfin, après une traversée de quarante-cinq heures sans arrêts ni accidents, on rentrait à N.-D. de la Délivrande, ou Chesterfield.
Après deux autres voyages au lac Baker et un repos relatif à la Mission centrale, on se remit en route pour Churchill, où l'on arrivait vers la fin de septembre, sain et sauf, mais non sans avoir couru de sérieux dangers, à cause de la saison : celle de l'équinoxe d'automne, fameuse pour les tempêtes qui l'accompagnent d'ordinaire.
L'une de ces tempêtes dura cinq jours et cinq nuits : des montagnes liquides, se poursuivant les unes les autres, et se brisant sur les écueils et les rochers du rivage. Pendant ce temps, deux ancres et un câble retenaient le Thérèse à l'abri d'une pointe rocheuse.
Le 3 octobre, fête de sa glorieuse patronne, le temps était de nouveau mauvais et menaçant, faisant danser le bateau comme une coque de noix sur l'eau. Mais la petite sainte y mit le holà, et tout se calma.
Comme pour mieux faire constater le danger couru et l'efficacité de la protection dont on avait bénéficié, on vit à moitié chemin les restes d'un bateau de mineurs échoué durant la tempête, et abandonné. Le vent l'avait juché jusque sur le haut des rochers, à plus de vingt pieds au-dessus de la marée haute, tandis que le lendemain on apprit, en abordant à Churchill, qu'une grosse goélette de la Compagnie, le York, avait subi le même sort : trois ancres n'avaient pu la retenir, et elle s'était brisée à plus d'un mille dans l'intérieur des terres (3).
L'embryon de ville commencée à Churchill n'était pas…
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(2) Missions des O. M. I. pour 1931, p. 90. — (3) Le terrain étant assez bas en ce point de la Côte.
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Louis- Admin
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CHAPITRE XIV
PROGRÈS ET DANGERS(suite)
L'embryon de ville commencée à Churchill n'était pas encore ouvert au public, le Gouvernement voulant prévenir l'engouement des imprudents et ces spéculations à l'américaine qui enrichissent quelques-uns et appauvrissent le plus grand nombre. L'église catholique était bien debout, mais
inachevée, ou plutôt mal achevée. Par exemple, le papier goudronné destiné à rendre murs et toit imperméables, n'ayant point été appliqué en des conditions propices, la pluie ou la neige qui s'est accumulée entre la voûte et le toit n'attend que le moment où un trou, une fissure s'y forme pour tomber en cataractes sur la tête des fidèles.
Regis ad instar, la demeure du préfet est pauvre et son aménagement incomplet. Elle n'a même pas de poêle, un gros bidon à essence (gazoline) le remplace. On l'a percé en dessus pour recevoir le tuyau, et en avant pour y installer une porte en tôle. Ce qui n'empêche pas un ministre du Gouvernement fédéral de rendre visite au prélat catholique, dont le lit sert alors de fauteuil au grand homme.
L'hiver étant arrivé, les travaux de la future ville sont suspendus, et les 250 catholiques blancs de Mgr Turquetil partis et dispersés aux quatre coins du ciel.
Ailleurs on s'ingénue à compléter ou améliorer les premières installations. Ainsi l'église du cap Esquimau, la plus grande de la préfecture, se termine. Une allonge s'ajoute maintenant à la maison des Pères de Southampton. A Pond Inlet, on a expédié du bois pour remédier au mauvais état de la première construction. Au lac Baker, la Mission se trouvant, par suite de certains développements, en dehors du village, le préfet apostolique a acheté deux bâtisses de mineurs qui ont abandonné la place.
Mais de beaucoup la plus importante de toutes ces améliorations matérielles…
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Louis- Admin
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XIV
PROGRÈS ET DANGERS(suite)
Mais de beaucoup la plus importante de toutes ces améliorations matérielles, est l'établissement d'un hôpital à Chesterfield. Avec un esprit d'initiative et une sainte audace dont on trouve peu d'exemples dans l'histoire des missions, étant données les conditions tout à fait spéciales de celles de Mgr Turquetil, ce prélat en avait justement fait construire le bâtiment, à l'érection duquel il avait travaillé, ainsi que ses compagnons, pendant ce « repos relatif » qu'il avait pris là au cours de la croisière qui lui avait permis de visiter quatre de ses postes.
Cet hôpital, de beaucoup la plus grande bâtisse du pays, avait 40 pieds sur 60, trois étages, y compris le rez-de-chaussée ou soubassement, et reposait sur des fondations en ciment. Dans l'automne de 1930, la toiture en était terminée, et deux tempêtes successives, avec vent de 48 à 50 milles à l'heure selon les instruments du Gouvernement, ne purent l'ébranler. Les PP. Ducharme et Rio, aidés du Fr. Volant qui, paraît-il, y travaillait avec tant d'ardeur qu'il en oubliait ses marmites, en avaient été les ouvriers constructeurs, ou entrepreneurs.
Des Sœurs Grises de Nicolet, qui ne voulaient pas rester en arrière en fait d'esprit de sacrifice, devaient venir l'année suivante prendre charge de la nouvelle institution, et prodiguer les marques de leur dévouement aux membres souffrants de Jésus-Christ sur ces plages désolées.
Au moment même où nous en sommes dans notre récit, pareille institution de charité aurait rendu les plus grands services en deux autres missions, celle du cap Esquimau et celle de l'île Southampton, sans compter Churchill lui-même, qui se dégarnissait pourtant à l'approche de l'hiver.
Ce n'était ni plus ni moins qu'une épidémie de pneumonie, qui fit alors de grands ravages parmi les Esquimaux. Puis, à Chesterfield, ce fût la mort de Pierre, l'un des premiers convertis de 1917. Ce n'est pas la pneumonie qui l'emporta, mais il quitta ce monde après six années de souffrances, supportées avec une patience qui faisait l'admiration de tous.
— Celui-là est un vrai chrétien, disaient les infidèles; autrement il y a longtemps qu'il se serait suicidé.
Le docteur lui ayant fait une piqûre de morphine, il resta six jours sans connaissance. Quand il revint à lui, il parla longuement de son bonheur d'être chrétien, suppliant tous ceux qui venaient le voir d'être fermes dans leur foi, de se montrer chrétiens de fait et non pas seulement en paroles.
— Pour moi, ajoutait-il, je vais m'éteindre comme une pipe à bout de tabac; mais c'est Jésus qui est le maître de ma vie : il fera de moi ce qu'il voudra.
Il mourut des suites d'un accident, dû à l'intrusion de la civilisation dans son humble foyer. Il avait une lampe à pétrole, que sa femme, aveugle, crut baisser avant de s'endormir le soir. Malheureusement elle fit tout le contraire; elle la haussa démesurément, en sorte que le lendemain matin, le P. Ducharme, appelé en toute hâte, ne trouva chez le bon vieux qu'un nuage d'épaisse fumée. Il parvint à sortir les quatre personnes qui habitaient son gîte ; mais le pauvre Pierre, sans connaissance, en mourut quatre jours plus tard.
Au cap Esquimau…
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XIV
PROGRÈS ET DANGERS(suite)
Au cap Esquimau, le P. Alain Kermel (4) et son supérieur, le P. Thibert (5), manquèrent de mourir tous les deux d'un accident qui avait quelque analogie avec celui qui eut raison du vieil Esquimau, l'asphyxie, due, tout étrange que cela puisse paraître, à l'extrême rigueur du climat conjuguée avec les moyens normaux d'y remédier chez les civilisés.
C'était aussi dans la nuit, entre le 22 et le 23 janvier 1931. Il faisait un froid si cuisant, que le tuyau du poêle se boucha complètement sur une longueur d'un mètre, en conséquence du givre qui s'y forma au contact de l'air extérieur.
Une fois couché, le P. Kermel se mit à tousser et à cracher, pendant que le gaz le prenait à la gorge et que son estomac se soulevait, sous l'effet d'un malaise qui semblait devoir le faire passer de vie à trépas.
N'osant réveiller son supérieur, et voulant lutter jusqu'au bout contre ce malaise, le jeune prêtre se leva et descendit à la cuisine ; mais le vertige le prit. Il parvint pourtant à sortir un instant de la maison, et put contempler une superbe aurore boréale qui illuminait le ciel; mais le froid était si piquant qu'il dut rentrer de suite.
Le matin, le même Père trouva le P. Thibert étendu sur le dos, dans l'attitude d'un mort, sans mouvement ni parole, Comme il ne répondait point aux questions de son confrère, celui-ci alla chercher de l'eau froide. Peine perdue. Il le traîna jusqu'à la porte de l'église. Le malade ouvrit alors les yeux, et reprit connaissance.
— Ouvrez toutes les portes, dit-il alors d'une voix éteinte.
Puis,
— Habillons-nous et sortons.
Telle fut la conclusion d'un drame qui aurait pu se terminer dans l'éternité. Le lecteur aura compris que les deux prêtres avaient manqué mourir asphyxiés sous l'effet du gaz du charbon, qui ne pouvait plus s'échapper par le tuyau bouché par la gelée. Comprendra-t-on, après cela, l'intensité du froid en ce bienheureux pays? On dit parfois, par manière de plaisanterie, qu'il fait assez froid pour geler le feu. Dans le cas en question, le froid avait non seulement gelé, mais rempli de givre, un tuyau de poêle chauffé au charbon !
Pendant ce temps…
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(4) Du diocèse de Quimper, en Bretagne, où il était né en 1903; ordonné prêtre en 1928. — (5) V. ill. 44.
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XIV
PROGRÈS ET DANGERS(suite)
Pendant ce temps, les missionnaires du poste polaire de Pond Inlet se réjouissaient du départ d'un Rév. M. Duncan, ministre anglican qui n'avait pu s'entendre avec son collègue, en dépit du fait que leur archidiacre avait proclamé à la radio que les deux copains avaient été créés et mis au monde à seule fin de pouvoir être missionnaires esquimaux (6).
Ces deux-là, paraît-il, ne craignaient rien, pas même les papistes. A tel point qu'on leur avait fait signer un contrat de cinq ans, pendant lesquels ils devaient rester chez les Esquimaux, ce qui portait le frère de l'un d'eux à écrire qu'un tel arrangement était inhumain. Le même Père Girard, qui nous donne ces détails, ajoute:
« Enfin la mission du Sacré-Cœur est fondée. Elle a son église, petite, il est vrai, mais aussi riche que les grandes cathédrales, car elle possède le même Dieu. Elle a aussi des chrétiens, au nombre de vingt-deux. Que Dieu soit béni!... S'il a permis que je sois envoyé ici, connaissant le pauvre outil que je suis, il est forcément obligé de tout faire. C'est bien lui qui a tout fait, en nous accordant des conversions dès la première année ».
Cette mission comptait alors de 330 à 340 indigènes, répartis ainsi qu'il suit : les gens de Pond Inlet même, à savoir les Tunnunermiouts, 22 familles, 90 âmes; ceux d'Arctic Bay, 10 familles, 50 personnes; ceux qui vivent à l'est d'Igloulik, 20 familles, 75 personnes, et les Iglouliks, 25 familles, 110 âmes.
Le P. Girard, cité plus haut, termine sa lettre par une allusion à son compagnon, le P. Etienne Bazin, avec lequel nous aurons l'occasion de faire plus ample connaissance.
« Je suis content », dit-il, « de voir que le P. Bazin a passé un bon hiver. Il ne s'en fait pas; il mange le phoque comme un vrai Esquimau. Pour lui ce n'est pas la qualité, mais la quantité qui compte. Bref, il a passé un bon hiver » (7).
Nous verrons dans notre chapitre final que personne mieux que lui ne put vivre en parfait Esquimau. Rien ne lui arrache sa sérénité d'âme, et les déboires les plus inattendus ne peuvent rider la surface de son tempérament, toujours content, toujours heureux, même dans les circonstances les plus crucifiantes. Une seule chose semble l'intriguer, ou le mettre mal à l'aise. Il pense tellement aux autres, même au bien-être des animaux, qu'il s'étonne de la longueur, sept ou huit pieds, de la défense du narval qui part juste de sa mâchoire. « Ce doit être bien malcommode», ne peut-il s'empêcher de remarquer...
Parlant de la faune du pays esquimau…
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(6) Missions des O. M. I., 1931, p. 459. — (7) Ibid., ibid., p. 460. — ( 8 ) Ibid., ibid., p. 699.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XIV
PROGRÈS ET DANGERS(suite)
Parlant de la faune du pays esquimau, le P. Clabaut, maintenant sur l'île de Southampton, après avoir été « comme un Bohémien voyageant un peu partout » ( 8 ), nous fait faire connaissance avec ses principaux représentants.
C'est d'abord l'ours blanc, qui s'y rencontre assez fréquemment, au point que parfois ce fauve est surpris se promenant autour des habitations, et visitant même le cimetière de la Mission (9), alors qu'il fait trêve un moment à son occupation ordinaire, la chasse au phoque.
Le prêtre parle ensuite des baleines blanches, et même des grosses baleines, de troupeaux de phoques qui dansent et disparaissent par ci par là, de gros morses, ou éléphants de mer, qui vous regardent passer, et font le plongeon pour aller digérer au fond de la mer les moules et coquillages de leur dîner. V. illustration N° 32.
Il y a encore, au printemps et en été, une grande variété d'oiseaux, près de soixante-dix espèces, paraît-il, dont les œufs constituent une charmante addition au maigre menu du missionnaire. Voir l'illustration N° 75.
« Durant le mois de juin », écrit le P. Clabaut, « il n'est pas nécessaire d'aller bien loin pour revenir avec plusieurs douzaines d'œufs frais pour son souper. Les perdrix blanches et les hibous hivernent à Southampton, et on peut en tuer de temps en temps » (10).
Puis le même missionnaire devient ethnologue, tout en restant prêtre catholique, et nous fournit les détails qui suivent: …
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(9) V. ill. 69. et V. ill. 69.(Addendum) — (10) Ibid., ibid., p. 701.
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XIV
PROGRÈS ET DANGERS(suite)
Puis le même missionnaire devient ethnologue, tout en restant prêtre catholique, et nous fournit les détails qui suivent:
« Il y a actuellement, à Southampton, à peu près cent cinquante Esquimaux, divisés en deux tribus: les Aiviliks, venus de Chesterfield et des environs, Wager Inlet, Repulse Bay.. ., et les Okkomiouts, amenés de la Terre de Baffin. Ces derniers ont reçu, par-dessus leur paganisme, un vernis anglican. Ils lisent la Bible et connaissent par cœur certains passages des psaumes ; ils ont été baptisés par quelque ministre de passage en été, ou par quelque Esquimau décoré du titre de catéchiste.
« Mais ils se prêtent leurs femmes, divorcent, travaillent le dimanche, mentent et volent sans que leur religion en souffre aucunement. C'est le cas pour la majorité, bien qu'il y ait parmi eux certains esprits droits, bien intentionnés et convaincus » (11) .
Pendant ce temps, le préfet apostolique n'était pas inactif, bien s'en faut. Le lundi de Pâques, 6 avril 1931, il s'était rendu à Nicolet, où il avait obtenu quatre Sœurs Grises pour l'hôpital qu'il avait bâti l'année précédente, et le 5 juillet il arrivait avec elles à Churchill, où il dut rester jusqu'au 23.
Il fit alors sur le Thérèse un voyage d'affaires, qui fut signalé par un accident peu banal, alors qu'il était conduit par le P. Ducharme et sans pilote responsable. A six milles du rivage, il échoua sur un récif caché à la marée haute, et se coucha sur le côté, comme pour se reposer des fatigues de la croisière qu'on venait de lui imposer.
Pour l'empêcher de verser complètement, on le tint immobile au moyen de bâtons de tente esquimaux. L'un de ces supports s'étant brisé, le bateau tomba assez violemment sur le côté, — histoire de faire constater le danger, en vue de faire mieux apprécier la protection dont on était l'objet. Un coup de vent l'eût sans doute fini à tout jamais, mais sainte Thérèse était là, et, huit heures plus tard, la marée montante le remit sur pied.
Le 11 août suivant, les religieuses en compagnie du préfet apostolique…
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(11) Ibid., ibid., p. 701-02.
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XIV
PROGRÈS ET DANGERS(suite)
Le 11 août suivant, les religieuses en compagnie du préfet apostolique, arrivaient à Chesterfield par le bateau de la Compagnie. Heureuses et gaies, elles étaient reçues avec un profond respect mêlé de sympathie par les Esquimaux, qui n'allaient pas tarder à admirer la perfection de l'aménagement de l'institution destinée à leurs malades. Son système de chauffage, l'électricité, les réservoirs et pompes, les cabinets hygiéniques et le revêtement des cloisons qui les rendait à l'épreuve du feu étaient prêts au premier étage le 25 septembre suivant.
Seuls les travaux de plomberie étaient dus à un homme du métier amené de Montréal. Les Oblats s'étaient chargés de tout le reste.
On bénit solennellement la chapelle, le parloir, la cuisine, les appartements réservés aux Sœurs, et, le lendemain, à une heure du matin, Mgr Turquetil y disait la première messe, pour repartir de suite pour Churchill avec son petit Thérèse.
Le retour fut marqué par une protection toute spéciale de sa puissante Patronne, que le lecteur me permettra de ne pas relater. On se fatigue même des meilleures choses. Qu'il me suffise de remarquer qu'au plus fort du péril, on se crut obligé de lui promettre un triduum de messes d'actions de grâces si l'on pouvait revoir Churchill sain et sauf.
Peu après, on arrivait à bon port, et, écrit Mgr Turquetil, « quelques instants plus tard, nous étions tous à genoux devant la statue de la « petite Thérèse », la remerciant de tout cœur. Les Pères de la mission de Churchill se joignaient à nous avec d'autant plus de ferveur que, en regardant la mer démontée, il leur semblait incroyable que nous ayons navigué toute la nuit par un temps pareil. Et le petit Thérèse n'avait pas pris une goutte d'eau » (12).
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(12) ibid., 1932, p. 119.
A suivre: Chapitre XV. Evêque.
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XV
ÉVÊQUE
L'arrivée du chemin de fer à Churchill devait avoir une grande influence sur la vie de Mgr Turquetil. Non seulement il avait dû y établir un poste, qui devait sûrement se transformer avec le temps en paroisse régulière, mais les facilités de communication que la place offrait dès lors le décidèrent à en faire sa résidence habituelle.
De là il pourrait sans trop de difficulté faire ses achats pour l'approvisionnement annuel de ses missions; de là il aurait, par l'intermédiaire de son Thérèse, toute facilité de leur distribuer cet approvisionnement, et de faire à leurs titulaires les visites imposées par la charité et les exigences des règles ecclésiastiques et religieuses.
Avec lui, naturellement, pour assurer la continuité du ministère en ses nombreuses absences, il fallait au moins un prêtre de langue anglaise ou familier avec l'anglais, pour desservir les ouvriers catholiques actuels ou les habitants de même religion de la ville en formation.
Cet homme providentiel, il avait cru le trouver dans la personne d'un prêtre dont il avait fait l'acquisition l'année précédente, et dont il avait écrit le 28 juin 1930:
« L'abbé Charest, ancien secrétaire et chancelier de MGR Mathieu, l'archevêque défunt de Régina, je l'ai obtenu de son successeur, Mgr McGuigan. Il part cet après-midi du Pas, pour nous arriver demain dans la nuit.
« Excellent prêtre, très expérimenté dans la correspondance officielle et la comptabilité, ayant depuis son enfance l'envie des missions, c'est la plus belle acquisition que j'aurais pu faire, même si j'avais travaillé des années entières à chercher quelqu'un de cette trempe pour m'aider » (1).
Malheureusement, à côté des brillantes qualités qu'il lui reconnaissait, l'objet de son choix avait un malencontreux défaut, qu'il ne pouvait guère corriger lui-même — la maladie. Aussi le prélat comptait-il pour cela sur sa protectrice habituelle.
« La petite Thérèse nous a beaucoup aidés pour l'obtenir », continuait-il ; « j'espère qu'elle nous aidera encore en lui conservant la santé qui, chez lui, est plutôt faible; mais le climat de l'Ouest l'ayant assez bien rétabli, il y a lieu de croire que celui de Churchill lui sera favorable » (2).
Cet espoir ne devait pas se réaliser, et l'abbé Charest ne put rester à Churchill. Un P. Gerald O'Shea, 0. M. I., qui lui succéda à côté du P. Duplain, ne devait pas davantage persévérer dans un poste encore si dépourvu des commodités de la vie civilisée. Toutes les races ne sont pas aux mêmes degrés propres aux sacrifices de l'apostolat.
Mais l'heure allait sonner où Churchill…
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(1) Mission des O.M.I., 1930, 9. 375-6. — (2) Ibid., ibid., p. 376.
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XV
ÉVÊQUE(suite)
Mais l'heure allait sonner où Churchill allait avoir dans ses cercles religieux beaucoup plus même qu'un Irlandais. Mgr Turquetil était bien connu des Anglais comme le Bishop des Esquimaux, mais, au point de vue de ce que qu'on appelle le « pouvoir d'Ordre », il n'était encore qu'un simple prêtre honoré de la confiance du Souverain Pontife, qui l'avait chargé du soin de la partie probablement la plus ingrate de son immense troupeau.
Jetons un moment les yeux en arrière, et voyons si cette confiance du Vicaire de Jésus-Christ était justifiée. Nous voici en 1911 ; au point de vue catholique qu'y avait-il alors au pays de la baie d'Hudson? De la glace et de la neige, des roches et de la mousse, avec une population clairsemée dont les moeurs ne peuvent se décrire par une plume qui se respecte.
Et maintenant? Ce même territoire compte maintenant six missions, pauvres mais superbement bien organisées, dont les habitations ont été construites avec des matériaux qui ont tous dû être amenés à grand frais du lointain Montréal, et une population presque toute chrétienne en certains endroits, gens dont la conduite régulière et fervente dans leur foi fait l'admiration de tous ceux qui sont en contact avec eux.
La Mission centrale peut même se glorifier d'un hôpital de vingt-quatre lits des mieux aménagés et pourvu du confort le plus moderne (3). Une douzaine de prêtres, deux frères convers et quatre religieuses se dépensent au salut de ces mêmes Esquimaux, qu'on ne peut plus reconnaître, tellement leurs moeurs et coutumes, non moins que leur foi, sont changées.
Or je le demande, à qui est due cette merveilleuse transformation? Après Dieu et sa servante de Lisieux, à l'esprit de foi, au zèle, au savoir-faire et à l'inlassable persévérance d'un homme — je puis dire d'un seul homme, puisque sans lui rien n'eût été fait — et cet homme qui a tant souffert, tant travaillé et tout créé de rien s'appelle Turquetil.
Aussi, pour parfaire l'œuvre si bien commencée, cet homme était-il promu le 15 décembre 1931, évêque de Ptolémaïs, titre que son Supérieur Général avait porté avant lui, et nommé vicaire apostolique de la baie d'Hudson.
Inutile maintenant de se perdre en considérations dithyrambiques à propos des mérites de l'élu. Il vit encore, et, Dieu merci, il est bien vivant. Bien qu'il n'ait rien à faire avec ces humbles pages, je ne voudrais pas courir le risque de l'offenser en chantant trop haut ses louanges. Il me sera pourtant bien permis de reproduire ici l'appréciation qu'en a faite l'organe officiel des Oblats de Marie Immaculée, ces Missions auxquelles j'ai déjà si souvent renvoyé le lecteur.
MGR Turquetil n'est pas simplement « une volonté au service d'une intelligence claire et positive », assure-t-il ; « c'est aussi un cerveau chercheur, qui approfondit, synthétise et compare » (4).
Ces derniers mots ont probablement trait à ses études philologiques et ethnographiques, publiées dans les revues Anthropos , de Vienne en Autriche, et Primitive Man, de Washington, Etats-Unis, ainsi que son étude de théologie pastorale dont la publication a commencé au mois de juin dernier dans la Revue de l'Université d'Ottawa.
Quant à moi, je ne puis cacher mon opinion que si un prêtre a jamais mérité d'être élevé à l'épiscopat, indépendamment des nécessités locales ou autres, ce prêtre était bien le fondateur des missions esquimaudes (5) .
C'est le 23 février 1932, à la cathédrale de Montréal…
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(3) En cas d'épidémie, il en a contenu plus de quarante. — (4) Missions des O. M. I, 1933, p. 131. — (5) Du reste, c'est précisément, je le vois après coup, ce qu'en disent Les Cloches de S. Boniface, organe de l'archevêché de cette place: « Si jamais promotion épiscopale a été méritée, c'est bien la sienne » (Ubi suprà, janvier 1932).
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XV
ÉVÊQUE(suite)
C'est le 23 février 1932, à la cathédrale de Montréal, que Mgr Arsène Turquetil, Oblat de Marie Immaculée, fut sacré évêque de Ptolémaïs et premier vicaire apostolique de la baie d'Hudson (6).
Naturellement ce fut un grand jour, non seulement pour l'élu du Saint-Siège, mais pour tous ceux qui assistèrent à son sacre, en particulier l'évêque consécrateur, Mgr Georges Gauthier, archevêque-administrateur de Montréal, à qui le nouvel évêque devait tant, et ses deux assistants, NN. SS. Breynat, O. M. I., vicaire apostolique du Mackenzie, et Charlebois, 0. M. I., vicaire apostolique du Keewatin.
Sa Grandeur Mgr Courchesne, évêque de Rimouski, sur le Saint-Laurent, donna le sermon de circonstance.
Rien que la simple nomenclature des autres évêques et supérieurs majeurs présents au sacre, tiendrait trop de place dans ces humbles pages, où l'espace est mesuré. Passons par-dessus les noms personnels, et contentons-nous des titres. Nous avons ainsi :
Les archevêques d'Ottawa, de Régina et de Québec, celui-là un autre frère en religion de l'élu, Monseigneur, aujourd'hui le cardinal, Rodrigue Villeneuve, O. M. I.
Les évêques de Nicolet, de Saint-Jean, d'Hamilton, d'Alexandria, de Prince-Albert, de Mont-Laurier, de London, de Rimouski, de Joliette, et celui des Grecs-Unis du Canada.
Les vicaires apostoliques du Mackenzie, de Grouard, du Keewatin et de l'Ontario-nord.
Les évêques-auxiliaires de Montréal, des Trois-Rivières, de Québec, de Saint-Hyacinthe, etc.
Les abbés mitrés de Muenster, Saskatchewan (Bénédictin), et d'Oka (Trappiste).
Les provinciaux des Oblats du Canada-est, de Lowell, Etats-Unis, de Saint-Boniface, d'Edmonton, ainsi que de Buffalo, Etats-Unis; ceux des Eudistes, des Capucins, des Jésuites et des Pères de Sainte-Croix, etc., sans compter un innombrable clergé de classe inférieure.
Au dîner, le héros de la fête rappela…
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(6) A moins qu'on ne compte ici feu Mgr Provencher, premier évêque de la Rivière-Rouge, qui fut un moment vicaire apostolique de « la baie d'Hudson et de la baie James »
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CHAPITRE XV
ÉVÊQUE(suite)
Au dîner, le héros de la fête rappela en termes touchants les commencements de son œuvre sur la baie d'Hudson; après quoi il chanta un hymne de reconnaissance d'abord au Pape des Missions, puis à son lieutenant, le cardinal Van Rossum, préfet de la Propagande; à l'archevêque-administrateur de Montréal, qui venait de lui conférer la plénitude du sacerdoce.
« Montréal, Chesterfield », dit-il, « ces deux noms sont comme inséparables. Au début de la mission, nous partions de Montréal, tout nous venait de Montréal. Ainsi le voulait la géographie du pays. Mais la géographie n'explique pas tout. Le 24 août 1912, le Nascopie doublait le cap Woltstenholme, et pénétrait dans la baie. Grande joie pour les deux Oblats qui, les premiers, au nom de l'Eglise, prenaient possession du pays esquimau.
« A bord, personne ne comprit leur bonheur. Ce même jour, grande joie à la cathédrale de Montréal, et tout le monde comprit ce bonheur: c'était la consécration épiscopale de Sa Grandeur Mgr Georges Gauthier.
« Vingt ans se sont écoulés. La mission de Chesterfield est devenue vicariat apostolique de la baie d'Hudson. La franchise de votre bienveillance, la sincérité de votre sympathie toujours attentive à nous créer des amis partout, autour de vous (autour de vous signifie même parfois jusqu’auprès du Pape), toujours attentive à nous prodiguer le précieux encouragement de votre estime, tout cela de votre part, Excellence, a contribué bien plus et bien mieux qu'aucune condition géographique à resserrer les liens qui nous unissaient déjà à Montréal.
« Aujourd'hui, prévenant mon désir, vous avez bien voulu me conférer la plénitude du sacerdoce. Baie d'Hudson et Montréal sont désormais inséparables, par la reconnaissance inaltérable que nous vous devons. De tout cœur, en mon nom, au nom de mes missionnaires, merci » (7) !
Le nouvel évêque remercie ensuite ses deux assistants-consécrateurs, et il n'oublie pas dans son action de grâces un abbé Joseph Pierre, curé d'une paroisse de la Nouvelle-Orléans, et originaire du même village normand que lui, que son bon cœur et sa fidélité dans ses amitiés ont porté à inviter aux fêtes de son sacre.
«Votre cœur a compris mon appel », lui dit-il; « représenter la France, le diocèse de Lisieux, Notre-Dame de la Délivrande, le petit et le grand séminaire, le tout petit village de Reviers où nous sommes nés; toute notre enfance, la maison paternelle, la famille qui, du haut du ciel, se réjouit aujourd'hui avec nous; que de doux souvenirs se sont présentés d'eux-mêmes à nous, à la pensée d'une rencontre désirée depuis si longtemps » ( 8 ) !
Le soir, une cérémonie religieuse, présidée par le nouvel évêque, se déroulait à l'église Saint-Pierre des Pères oblats. La cathédrale avait eu son sacre; l'église de ses frères en religion eut les prémices de son ministère épiscopal.
Il était dès lors l'évêque de ce qu'on est peut-être en droit d'appeler…
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(7) Missions des O. M. I., 1932, pp. 463-64. — ( 8 ) Ibid., ibid., p. 467.
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XV
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Il était dès lors l'évêque de ce qu'on est peut-être en droit d'appeler le plus grand diocèse du monde, un diocèse qui s'étend du 56º parallèle jusqu'au pôle, avec une superficie de 1,652,689 milles, soit 4,278,498 kilomètre» carrés (9). Dans ces immensités de glace, on avait jusqu'alors baptisé, après combien de difficultés! 309 Esquimaux, dont 273 vivaient encore, tandis que 850 autres se préparaient très sérieusement au baptême.
Ce territoire comprenait en outre 2,850 protestants — quel labeur à ajouter à la tâche de convertir au moins 4,627 autres qui sont infidèles, et pour lesquels divers plans de fondations étaient alors à l'étude!
Parmi ces fondations en projet, une avait pour objet la baie Repulse, juste sous le cercle polaire, à 640 kilomètres au nord-nord-est de Chesterfield. Avant d'accompagner l'un de nos missionnaires dans une exploration préparatoire à cet établissement, attardons-nous un instant à l'hôpital de Chesterfield (10), pour voir comment cette institution fonctionne.
Tout y va à merveille. Important pour le pays, le système de chauffage est parfait, et fait l'admiration des visiteurs. Par ailleurs tout y est en ordre dans la maison : « on se croirait à Montréal dès qu'on entre chez les Sœurs », écrivait Mgr Turquetil lui-même (11). Et ces Sœurs sont non seulement amies de l'ordre, mais zélées pour la conversion des pécheurs qui leur sont confiés: en un mot, de véritables apôtres. En voici une preuve entre bien d'autres.
Un pauvre infidèle, Kinersni, souffrait d'un cancer à l'oreille. Quand il vit que son cas était désespéré, il se laissa, comme tant de ses compatriotes non chrétiens, aller à l'obsession du suicide. Comme personne ne voulait le laisser faire, il devint furieux, et voulut tuer tous ceux qui l'approchaient. Les Esquimaux en avaient grand'peur.
La police songeait à l'enfermer; mais les Sœurs obtinrent de le garder, quitte à le surveiller jour et nuit, espérant pouvoir le convertir avant sa mort. Le malade supplia le P. Ducharme de lui tirer une balle dans la tête, ou de lui donner un coup de couteau dans le cœur, lui promettant en retour tous ses chiens, son traîneau et son fusil.
Le prêtre, de son côté, lui demanda non pas ses biens, mais son âme. Que le pauvre homme lui permette seulement de prier pour lui, soit pour qu'il guérisse, ou qu'il aille vite au ciel. Notre homme finit par y consentir, et l'on se mit à le préparer.
Quelques jours après, une artère rongée par le cancer éclata, une hémorragie se déclara et le malade baissa à vue d'œil. Il demanda alors et reçut le baptême, puis une nouvelle hémorragie l'emporta, heureux et souriant à tout le monde.
Vers ce temps-là…
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(9) V. la carte. — (10) Pour rendre à César ce qui appartient à César, disons de suite que le Gouvernement canadien fournit un médecin à cette institution, y paie le salaire d'une garde-malade et accorde un bonus pour chaque patient. — (11) Missions, 1932, p. 476.
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XV
ÉVÊQUE(suite)
Vers ce temps-là, Sa Grandeur Mgr Turquetil, évêque de Ptolémaïs, rentrait à ce qui devait dès lors être sa ville épiscopale, Churchill, dont il n'y avait guère encore que le site plus ou moins déblayé, et des rues arpentées mais n'existant comme telles que sur le papier.
Ce port, qui se formait avec tant de circonspection qu'aucune habitation privée n'y était encore autorisée, excepté celle de l'évêque catholique, qui en devint par le fait le premier citoyen, est d'accès facile, et se trouve protégé contre les vents du large. Il présente, paraît-il, la forme d'une bouteille, dont le goulot serait tourné vers la mer, et dont le fond serait un peu élargi. Des falaises rocheuses qui le bordent de chaque côté le mettent à l'abri des grands vents.
Le dimanche 12 juin 1932, à l'occasion du retour du nouvel évêque après son sacre, il y eut grande cérémonie à l'église de Churchill. La foule s'y trouvait compacte, comprenant beaucoup de protestants, dont l'un était ministre de l'Eglise Unie (United Church), nouvelle secte formée de l'amalgame de Presbytériens, de Méthodistes et de Congrégationnalistes ; en somme, une nouvelle unité dans la liste déjà si longue des dissidences non-catholiques (12) .
La première construction privée de la nouvelle place était, nous l'avons dit, le « palais épiscopal » de l'évêque catholique. Il mesurait 40 pieds carrés, plus une allonge de 20 pieds à l'arrière, et il avait deux étages. Pour commencer, une chapelle de vingt pieds sur quarante se trouvait au rez-de-chaussée. Inutile d'ajouter que cette bâtisse était différente de celle qu'on avait construite à l'entrée du port, pour le bénéfice surtout des ouvriers du Gouvernement.
Cependant Mgr Turquetil…
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(12) Ne pas oublier que nombre de communautés des deux sectes ayant refusé de s'unir, celle de la United Church en constitue bien réellement une de plus; on accentua la désunion en cherchant l'union: tant il est vrai qu'il ne peut y avoir d'unité en dehors de l'Eglise catholique.
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
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Cependant Mgr Turquetil s'occupait, comme d'habitude, des innombrables colis destinés à ses missions du nord. L'année précédente, il avait manié mainte tonne de marchandises de toutes sortes, au point qu'avec le seul collet romain pour le distinguer des manœuvres, les Anglais qui le cherchaient lui demandaient parfois où était donc le Bishop catholique. Maintenant, hélas! il ne pouvait plus en faire autant. Non pas, certes, que son inaction relative fût due à sa nouvelle dignité. Oh ! non ; mais il avait attrapé une hernie prononcée, qui le forçait à un peu de « retenue »...
Il s'en consolait en pensant qu'il s'en débarrasserait à l'automne, à son retour des visites pastorales qu'il avait à faire (13).
Nous avons vu qu'il avait déjà six missions régulièrement organisées. II devait incontinent en avoir une septième, et c'était au P. Clabaut qu'allait revenir l'honneur de la fonder. Je veux parler de la mission de la baie Repulse, projetée depuis longtemps, mais toujours remise à plus tard, par suite de la difficulté de la ravitailler, vu que la glace, qui certaines années ne se détache pas du rivage, en rend l'accès incertain aux bateaux: d'où son nom, qui correspond quelque peu à notre « Répulsion ».
Ce poste n'en compte pas moins deux maisons de commerce, pour les 174 Esquimaux que le livre bleu d'Ottawa lui assigne. L'achat d'un bateau plus grand que le Thérèse allait rendre cette fondation possible. Mais commençons par le commencement.
Le 19 avril 1932, le P. Clabaut partit pour cette place, suivant de son mieux un constable de la gendarmerie qui, mieux équipé que lui, arrivait toujours deux ou trois heures avant lui au campement. Le pauvre prêtre n'en commençait pas moins tous les jours sa course dès trois heures du matin! De fait, si dur pour lui-même se montra-t-il alors que ce même constable ne cessait de s'extasier devant ce qu'il appelait son endurance.
« Ce P. Clabaut est un homme de fer », disait-il ensuite à Mgr Turquetil. « Je l'ai vu dans les montées et descentes de Wager, conduisant seul ses chiens, son compagnon suivant en arrière à pas lents et se tenant le dos comme un éreinté qui n'en peut plus. Le Père regardait, poussait un « ouf » ! et éclatait de rire, prêt à continuer comme si rien n'était. Je suis sûr qu'il laisserait bien des Esquimaux en arrière, s'il connaissait le chemin et pouvait voyager seul » (14) .
De son côté, le P. Clabaut écrivait à son Ordinaire:
« Quand on est assis toute la journée dans son traîneau, cela passe; mais pour nous qui devons hâler ou pousser la traîne, marcher, courir à pas brisés, glisser, tomber, culbuter, nous en sentons dans les jambes, des kilomètres! Et, le matin, il faut presque assommer les Esquimaux pour les réveiller » (15).
Le bilan de ce voyage préliminaire fut sept baptêmes d'adultes et six d'enfants, treize communions pascales (16), sept premières communions et quatre-vingt-onze communions de dévotion, deux mariages et la visite de quatre camps où se trouvaient vingt-huit chrétiens.
C'est alors que Mgr Turquetil…
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(13) Cf. Missions, 1932, p. 763. — (14) Missions, 1933, p. 76. — (15) Ibid., ibid. — (16) Ce qui indique naturellement que le missionnaire avait trouvé là des chrétiens de vieille date.
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XV
ÉVÊQUE(suite)
C'est alors que Mgr Turquetil se procura à La Have, Nouvelle-Ecosse, le bateau auquel j'ai déjà fait allusion. C'était une goélette de trente tonnes, au lieu des douze du Thérèse, qui non seulement diminuait considérablement les frais de transport de l'approvisionnement de ses missions, mais se trouva payée dès la première année par l'épargne des sommes qu'on aurait dû autrement verser. De plus, elle permettait, par suite de sa plus grande contenance, de faire tous ces approvisionnements dans la courte saison où la navigation est possible sur la baie d'Hudson et dans les eaux circonvoisines.
C'était un bateau à deux mâts, et on l'appela le Pie XI (17) .
Son premier voyage servit à l'établissement de la mission de la baie Repulse, qu'on mit sous la protection de N.-D.des Neiges. Le P. Clabaut s'y était rendu de nouveau en traîneau à chiens, et fut enchanté de l'arrivée de la nouvelle goélette, qui lui amena un compagnon, le P. Pierre Henry, Breton du diocèse de Saint-Brieuc, qui tenait à peine debout après une traversée qui ne lui avait pas laissé un instant de répit.
C'était le 9 septembre 1933. L'hiver approchait, et, bien portant ou non, il fallait se presser si l'on voulait avoir un gîte où passer la dure saison alors imminente.
Au point de vue religieux, le lecteur aura déjà deviné que certains des Esquimaux de la baie Repulse avaient été en contact avec la mission de Chesterfield, la mère et maîtresse de toutes les églises du nouveau vicariat apostolique. Malheureusement d'autres avaient été embauchés par les protestants, et s'étaient tournés du côté de l'anglicanisme — ce qui faisait présager un travail aussi ardu que surérogatoire, dont les deux missionnaires eussent bien pu se passer.
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(17) « Ingénieurs, capitaines, surintendants de Churchill, protestants mais amis de nos œuvres, me suggéraient d'appeler le nouveau bateau Turquetil . Comme réclame, cela pouvait faire; comme bénédiction pour les missions, c'était médiocre; comme vraie appellation significative, c'était nul »
(Mgr Turquetil, dans L'Apostolat des Oblats de Marie Immaculée, vol. V, p. 60; Chambly-Bassin, 1933). V. illustrations 67, 68.
A suivre : Chapitre XVI. Le nouveau chez les Esquimaux.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XVI
LE NOUVEAU CHEZ LES ESQUIMAUX
Saint Paul, écrivant aux nouveaux chrétiens de Corinthe, disait : « Les vieilles choses sont passées, voilà que tout est nouveau (1) ». Si l'Apôtre des Nations venait aujourd'hui visiter les néophytes de la baie d'Hudson, il pourrait leur rendre le même témoignage, et cela au double point de vue spirituel et matériel. En ce qui est du premier, les chapitres qui précèdent celui-ci l'ont, je crois, abondamment prouvé. Inutile d'appuyer encore sur la merveilleuse transformation opérée par le christianisme dans cette lointaine région.
Sans avoir ce texte de l'Ecriture en tête, ni vouloir renchérir sur ce que ses devanciers avaient dit, un jeune prêtre nouvellement au pays, partant prompt à tout remarquer, en écrivait en 1933 :
« La connaissance du Nouveau Testament est indispensable pour l'exposition de la doctrine chrétienne aux Esquimaux, qui jugent tout par l'autorité de l'Evangile. Je suis étonné de l'effet de la parole de Jésus sur ces natures neuves. Il suffit de dire que Notre-Seigneur a affirmé telle vérité pour qu'ils y croient sans hésiter.
« Ordinairement, l'évangélisation des camps commence par la lecture d'un passage de l'Evangile en rapport avec l'instruction proposée. C'est ainsi que certaines tournées dans les terres rappellent en tous points l'apostolat de saint Paul en Asie Mineure et en Grèce. A Chesterfield, on lit chaque dimanche l'Evangile au peuple. Au cap Esquimau, on fait mieux : quotidiennement, l'Evangile de la messe du jour est expliqué après lecture d'après les commentaires de saint Thomas. Le P. Thibert me disait que les fidèles étaient très friands de ce genre d'homélies » (2).
Après avoir remarqué que chacun fourbissait ses armes en vue de prochaines conquêtes dans les glaces, où l'on voit plus qu'ailleurs le travail qu'exige la conversion d'une seule âme, le même missionnaire, P. Henry, O. M. I. comme tous les autres, continuait: « Je quitterai Chesterfield en y laissant la moitié de mon cœur. Nos chrétiens y sont si édifiants! Leur dévotion envers l'Eucharistie, leur foi en toutes les vérités révélées entraînent le missionnaire lui-même à plus de générosité dans sa foi. Leur confiance dans le prêtre renouvelle les scènes évangéliques où l'on nous décrit la confiance des sourds, des muets, des aveugles et des boiteux de Palestine au temps de Notre-Seigneur » (3).
Voilà certes un esprit bien « nouveau » parmi des Esquimaux !...
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(1) II Cor., V, 17. — (2) Missions des O. M. I., 1934, pp. 111-112. — (3) Ibid., ibid., p. 112.
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XVI
LE NOUVEAU CHEZ LES ESQUIMAUX(suite)
Voilà certes un esprit bien « nouveau » parmi des Esquimaux ! Du nouveau aussi toutes ces grandes fêtes occasionnées à Chesterfield par la visite de Mgr Turquetil à ses anciens chrétiens: messes pontificales, baptêmes et confirmations. Et, remarque notre même P. Henry, « tout s'est déroulé avec la pompe possible dans un pays comme le nôtre . . . Monseigneur est plein de noblesse et de majesté dans les cérémonies religieuses. Cette majesté de notre culte impressionne beaucoup nos habitants des neiges.
« Nos chants furent particulièrement soignés. Nous avons une chorale d'enfants dont le plus jeune approche de huit ans. Elle exécute le Credo et la messe des Anges avec une fraîcheur d'âme peu commune. La première fois que je l'entendis, je fus agréablement surpris. Pas d'hésitation, et cependant tout se chante de mémoire. C'est vous dire la facilité de nos enfants pour apprendre par cœur. Les parties communes de la grand'messe sont toutes alternées avec la nef.
« En général, nos Esquimaux aiment le chant à la folie. Ils n'entendent pas un nouveau cantique qu'ils ne veuillent de suite le savoir » (4).
Encore une fois, n'est-ce pas là du nouveau pour des primitifs naguères encore ensevelis dans une corruption indescriptible? Et ne pas oublier ici que cette immense amélioration spirituelle influe encore, et très considérablement, sur le matériel de ces gens. Au point que l'on pourrait dire sans trop se tromper que Mgr Turquetil et ses missionnaires sont, par leur enseignement religieux, en train de sauver la race esquimaude d'une extinction imminente, lente mais certaine.
Et voici comment…
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(4) Ibid., ibid., p. 113.
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Re: Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.
CHAPITRE XVI
LE NOUVEAU CHEZ LES ESQUIMAUX(suite)
Et voici comment. Au lieu de diminuer comme autrefois d'une manière alarmante, la population commence à croître, parce que :
1º L'esprit de clan disparaissant, les mariages entre proches parents deviennent chose du passé. Conséquence: la stérilité et les naissances d'avortons rachitiques ne se voient plus guère. Ajouter à cet esprit de clan les inimitiés entre les différents camps, qui empêchaient les membres de l'un d'eux d'aller se marier parmi ceux d'un autre.
2° L'infanticide, ou la destruction des petites filles à leur naissance, a cessé. Conséquence : les jeunes gens trouveront bientôt à se marier sans trop de difficulté. En certains endroits, on compte encore de quinze à vingt jeunes gens pour une seule fille nubile.
3° Il n'y a plus de meurtres entre adultes pour se procurer la femme d'un autre.
4° Plus de suicides de malades au désespoir.
5° L'hôpital a sauvé la vie d'un grand nombre de personnes qui seraient mortes autrefois, surtout dans les cas de ces épidémies annuelles qui enlevaient précédemment au moins un tiers des malades. La première année de son fonctionnement, on y eut jusqu'à 48 patients à la fois. Cet hiver 1934-35, on n'en a eu que 4 ou 5.
Même au point de vue de la simple civilisation, le missionnaire a beaucoup fait pour l'Esquimau. Il a détruit les tabous (5), qui souvent étaient cause de famine, comme étaient par exemple:
1° La défense de chasser le caribou tant qu'il y avait du phoque à la maison. On manquait alors l'unique chasse fructueuse et facile, lors de la migration annuelle de ce gibier ;
2° La défense de préparer les habits d'hiver avant qu'on ait pu bâtir l'iglou sur la glace d'eau douce — toute la famille souffrait du froid en attendant et contractait de sérieuses maladies, d'autant plus que les premiers froids sont les plus dangereux parce que les plus humides ;
3° Défense de garder, mais ordre de détruire, tout ce qui avait appartenu à un mort, tente, fusil, bateau, harpons, etc.
Ce à quoi on peut encore ajouter les nombreuses offrandes, aussi vaines qu'onéreuses, qui se faisaient autrefois aux morts ou aux esprits.
Jusqu'ici nous nous trouvons encore dans un ordre de choses qui, matérielles en apparence, n'en touchent pas moins au spirituel.
Mais il y a plus…
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(5) Emprunté aux races océaniques, le tabou est une défense basée sur des idées superstitieuses, qui font croire à des conséquences désastreuses si on la viole.
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