Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux.

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Message  Louis Ven 11 Déc 2015, 8:17 pm

CHAPITRE X

PRÉFET APOSTOLIQUE

(suite)


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Monseigneur Charlebois retourna à sa propre mission par la voie de Montréal, c'est-à-dire qu'il dut franchir une distance au moins quatre fois aussi grande que celle qui, en ligne droite, sépare Chesterfield du Pas, où résidait Sa Grandeur — à peu près, soit dit pour les Français, comme si l'on se rendait de Paris à Lyon en passant par Moscou. ou même par une place beaucoup plus éloignée du terme de son voyage.

Pareille anomalie ne pouvait durer, et nous allons voir qu'on n'allait pas tarder à y remédier.

En attendant, l'Ordinaire des missionnaires de N.-D. de la Délivrande fut si frappé de ce que sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus avait fait pour les Esquimaux, qu'il résolut de mettre toutes ses missions sous la protection de la thaumaturge de Lisieux.

Comme nous le verrons au chapitre suivant, à l'automne de cette même année 1924, un nouveau poste devait se fonder pour les Esquimaux. Le prélat voulut qu'il fût mis sous le vocable de la même sainte.

Il fit plus. Il conçut dès lors le projet de la faire déclarer patronne de toutes les missions du monde catholique, et, dans ce but, une pétition en règle fut préparée dès le printemps suivant, 1925, laquelle fut dûment envoyée au Saint-Père. Chacun sait qu'en conséquence sainte Thérèse de Lisieux fut officiellement proclamée patronne de toutes les missions et de tous les missionnaires de l'univers, et c'est là aujourd'hui l'un des plus beaux fleurons de sa couronne.

Combien y en a-t-il qui savent que ce titre lui a été décerné en reconnaissance de ce que la Petite Fleur a fait pour la mission du P. Turquetil? Ce fut sa manière, à lui et à son évêque, de reconnaître ses indicibles bienfaits — son grand miracle, le miracle des Esquimaux.

C'était en même temps comme l'adieu de l'évêque missionnaire à ce poste de Chesterfield, en pratique si loin de sa propre mission, comme nous l'avons vu. Maintenant que M
gr Charlebois avait vu de ses yeux la transformation opérée par le prêtre français et sa puissante protectrice, et qu'on lui avait fait entrevoir les possibilités qui résulteraient d'un gouvernement autonome, le vicaire apostolique du Keewatin fut heureux de voir cette mission et les autres à créer sur la baie d'Hudson détachées de son propre vicariat, en pratique si éloigné de cette méditerranée.

En conséquence, le 15 juillet 1925, le R. P. Turquetil fut nommé préfet apostolique de la baie d'Hudson, et comme tel mis sous la juridiction immédiate du Saint-Siège.

C'était là non seulement une reconnaissance formelle des mérites de « l'héroïque fondateur de ces missions » (9), mais un stimulant efficace à de nouvelles conquêtes.

La nouvelle préfecture consistait dans les parties septentrionale; des vicariats apostoliques du Keewatin (10) et du Saint-Laurent (11) ; en un mot, elle comprenait tout le territoire peuplé par des Esquimaux le long, et au nord, de la Baie et du Labrador. Le bref d'érection était signé du cardinal Gasparri et celui de la nomination du nouveau préfet était au nom du cardinal Van Rossum, Rédemptoriste ami des Oblats.

L'œuvre de l'héroïque P. Turquetil était donc en bonne voie. Il nous reste maintenant à en voir les développements.

_____________________________________________________________

(9) Missions des O. M. I., pour septembre 1925, p. 105. — (10) A l'est. — (11) V. la carte.


A suivre : Chapitre XI. Nouvelle Fondation.

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Message  Louis Sam 12 Déc 2015, 4:57 pm

CHAPITRE XI

NOUVELLE  FONDATION

Le titre de préfet apostolique conférait au R. P., dès lors Monseigneur, Turquetil tous les droits d'un évêque sur ses administrés. Il pouvait maintenant non seulement revêtir les livrées d'un prélat romain, mais donner la confirmation dans les limites de son territoire, conférer ou retirer la juridiction à son clergé, autoriser ou défendre de nouvelles fondations et changer ses missionnaires de place en place. En un mot, il devenait leur Ordinaire, sous l'autorité immédiate du Saint-Siège.

Quant à ses prétendues « ouailles », la plupart étaient naturellement encore païennes. Chrétiens ou infidèles, le nombre des Esquimaux de sa préfecture était fort restreint. Tout d'abord, il faut bien admettre que, dans ces affreux déserts de glace, où la vie est une lutte perpétuelle avec cette marâtre qu'on appelle la nature, ces pauvres gens ne peuvent être bien nombreux, si nous les mettons en ligne de compte avec ce qui se voit en Europe, ou même en Afrique.

C'est là qu'on peut le mieux apprécier le prix d'une âme, d'une seule âme, rachetée du sang d'un Dieu. Sans les enseignements de la foi, on serait vraiment tenté de trouver les résultats de l'action missionnaire hors de toute proportion avec l'intensité de cette action.

Le P. Turquetil a plusieurs fois donné une idée…


Dernière édition par Louis le Jeu 24 Mar 2016, 2:32 pm, édité 1 fois (Raison : Forme.)

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Message  Louis Dim 13 Déc 2015, 9:23 pm

CHAPITRE XI

NOUVELLE  FONDATION

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Le P. Turquetil a plusieurs fois donné une idée de la population esquimaude qui est, ou devrait être, son troupeau. Mais ses chiffres ne sont qu'approximatifs, et toujours donnés comme tels. En 1926, un an après sa nomination, il fournissait les suivants, chiffres ronds comme on le verra, partant dépourvus de toute précision, pour les Esquimaux de sa préfecture :


Population des Esquimaux en 1926.

Bien plus précis, et pourtant pas de tous points corrects, sont les chiffres d'une récente publication officielle du Gouvernement canadien sur les territoires arctiques de l'Est. Mais, ainsi que l'indique le titre de cette brochure (2), elle se borne aux points habités sous le cercle arctique, c'est-à-dire au nord du 67º degré de latitude. Dans ces limites, elle trouve exactement 2,346 âmes (3) sous la juridiction du nouveau préfet apostolique.

Mais ce ne sont là que les plus septentrionaux de ses « diocésains ».



Aux pages 163-66 du même document, nous avons un aperçu bien plus détaillé et plus complet de la population esquimaude dans les limites de la préfecture de la baie d'Hudson. Il paraît très exact, donnant des chiffres tout à fait précis, mais il est incomplet.

En premier lieu, il énumère certains points géographiques, comme Coral Harbour, qui ont deux Missions (catholique et protestante), sans leur donner aucune population; d'autres, comme Grand Lac et Povungnituk, qui possèdent deux postes de traite (celui de la compagnie de la baie d'Hudson et un des Frères Révillon), mais apparemment aucun indigène avec qui « traiter » ; d'autres encore, comme la baie Diane et la baie Peterson, qui ont chacun un comptoir de commerçants en fourrures, mais point de clients, etc.

En outre, deux points sont portés sur cette liste comme dénués de toute population humaine, pour l'unique raison que le Gouvernement les a constitués « réserves de rennes ». Ce sont l'île Coats, juste au sud de la grande île Southampton, et Tavane, point de la baie d'Hudson desservi par un poste de traite. Va sans dire que ces « traiteurs » ne resteraient pas là où il n'y a pas âme qui vive.

Sous le bénéfice de ces réserves, en additionnant soigneusement la population esquimaude des différentes localités données par la brochure officielle, on arrive au chiffre de 2,846, auquel il faut ajouter les 422 Esquimaux qu'elle donne à part (4) comme habitant les îles de la baie d'Hudson proprement dite et de la baie James, sa partie méridionale; soit en tout 3,268. Bien que la liste en question énumère la population de quelques points du Québec septentrional, il n'en faut pas moins encore majorer ce total de quelque 1,500 âmes pour arriver au chiffre que la même source présente (5) comme formant la population esquimaude du Québec et du Labrador. Ce qui donne pour résultat le chiffre total de 4,768.

Mais peut-il lui-même prétendre à quelque correction?...

_______________________________________________________________

(1) Turquetil au Devoir, de Montréal, janvier 1926.  Pour plus ample information, V. Appendices II et III. — (2) Canada's Eastern Arctic; its History, Resources, Population and Administration ; Ottawa, 1934. —  (3) P. 42. —  (4) P. 163. —  (5) P. 42.

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Message  Louis Lun 14 Déc 2015, 4:48 pm

CHAPITRE XI

NOUVELLE  FONDATION

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Mais peut-il lui-même prétendre à quelque correction? Voyons. Parlant du Cap Esquimau, dont nous allons présentement nous occuper, le « livre bleu » d'Ottawa lui attribue une population de seulement 85 Esquimaux, qui sont desservis par deux Missions et autant de postes de traite — commodités qui, à première vue, paraissent pas mal exagérées pour un groupe d'individus si infime.

Mais écrivant à propos de ce groupe, le P. Ducharme, sur place, nous apprend qu'il « y a au moins une cinquantaine de familles qui dépendent de ce poste, et vivent dans les environs. Par ailleurs, on dit qu'il y a beaucoup d'Esquimaux à l'intérieur et à l'ouest » (6) .

Sans parler de ces derniers, une cinquantaine de familles doivent, avec les quelques célibataires, les orphelins et les enfants, former au moins 225 âmes, donnant à ces familles une moyenne de deux enfants, ce qui n'est certainement pas exagéré même pour des Esquimaux. Nous sommes pourtant assez loin des 85 individus du Gouvernement, qui ne prend point en considération non plus les familles de l'intérieur.

Tout considéré, étant donné aussi que cette autorité accorde à la Terre de Baffin une population aborigène de 1,597 âmes au lieu des 800 que le P. Turquetil lui attribue, et au Québec septentrional de 1,700 à 1,800, au lieu des 500 de ce dernier, je crois que, avec ceux de l'intérieur, le chiffre de 6,200 Esquimaux pour toute la préfecture de M
grTurquetil ne peut pas être bien loin de la réalité  (7) .

Nous pouvons attaquer maintenant la question de…

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(6) Missions des O. M. I., pour 1926, p. 175. — (7) Le Hand-Book of American Indians (Washington, 1907) estime à pas moins de 28.670 le nombre total des Esquimaux. V. Appendices II et III.

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Message  Louis Mar 15 Déc 2015, 5:00 pm

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Nous pouvons attaquer maintenant la question de l'éclosion, de la naissance, du premier rejeton de la mission de N.-D. de la Délivrande.

Le cap Esquimau est un point géographique sur la côte ouest de la baie d'Hudson situé à mi-chemin entre Chesterfield et Churchill, au sud, c'est-à-dire à environ 185 milles de l'une et de l'autre place. En retournant chez lui, à la fin de l'été 1924, M
gr Charlebois constata que l'évêque anglican et son archidiacre faisaient une visite à cette localité, en vue d'y établir un poste de leur secte. En même temps. Sa Grandeur écrivait au P. Turquetil que le Gouvernement canadien avait à Churchill une vieille bâtisse qu'il était prêt à céder aux catholiques, et se demandait s'il ne serait pas possible de la démantibuler et d'en transporter les éléments à la pointe Esquimau, par le second voyage de la goélette de la Compagnie à cette place.

Comme d'habitude, Turquetil trouvait la chose non seulement faisable, mais nécessaire. Néanmoins c'était trop beau. Le diable devait s'en mêler.

Voilà, en effet, que le Père apprend des employés eux-mêmes que ladite goélette doit bien faire deux voyages au cap Esquimau, mais coup sur coup, en sorte qu'il n'y a aucune possibilité physique de défaire la bâtisse planche par planche, alors qu'on n'a que quatre marteaux et un arrache-clou, dans l'espace des cinquante ou cinquante-deux heures que ce bateau mettrait à faire sa première tournée.

Que faire? La mission projetée serait mise sous la protection de la « Petite Thérèse », comme on disait alors. A celle-ci d'y pourvoir. Et elle le fit sans se faire prier. Elle ne manqua pas d'arrêter en chemin la goélette, en lui opposant des glaces infranchissables dans le sud, à près de deux cents lieues de Chesterfield, alors qu'il n'y en avait plus dans le nord! Pareille chose, paraît-il, ne s'était pas vue de mémoire d'homme.

Dix jours se passèrent ainsi, et la goélette n'arrivait pas. Pendant ce temps, les PP. Turquetil et Ducharme, aidés du Fr. Girard, travaillaient comme des mercenaires, se hâtant fiévreusement d'arracher sans les trop abîmer planches sur planches, et de les charger sur un bateau plat, ou transbordeur, prêté par la Compagnie, pour les transporter de l'autre côté du fleuve Churchill, là où la goélette pourrait les prendre.

« Je vois encore le P. Ducharme essayant en vain de terminer une lettre à son vieux père », écrivait plus tard M
gr Turquetil, « les mains endolories, enflées et couvertes de bandages, ne pouvant tenir la plume. Mais, » ajoute-t-il, « on était heureux, parce qu'on avait réussi » ( 8 ). Evidemment, la « Petite Thérèse » y avait mis la main.

Restait une autre difficulté…

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( 8 ) Missions pour 1926, p. 169.

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Message  Louis Mer 16 Déc 2015, 7:17 pm

CHAPITRE XI

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Restait une autre difficulté. On avait, sur la recommandation du propriétaire, chargé et surchargé le bateau traversier, afin de faire moins de voyages, vu qu'il n'était pas sûr, n'ayant que la cale de solide, et étant criblé de voies d'eau de chaque côté. On avait même empilé les planches en forme de toit à plus d'un mètre au-dessus des bords, et, remorqué par un canot à moteur, on partit pour l'autre rive du fleuve, à deux milles de là.

Quatre Montagnais étaient fièrement campés sur ce faîte improvisé, lorsque, ouvrant de grands yeux:

— Eh ! eh ! nous coulons, s'écrièrent-ils.

Du petit moteur où il avait pris place,  M
grTurquetil leur cria, en riant avec une assurance qui n'était que feinte:

— N'ayez pas peur; le bois flotte toujours et ne coule jamais.

Mais, dans son for intérieur, il dit à sainte Thérèse :

— C'est pour votre maison ; gardez-nous.

Et sa protection n'était pas de trop. Les courants et contre-courants de l'estuaire entraînaient, en effet, moteur et bateau plat loin de leur route, tantôt en amont, tantôt en aval. Il ne fallut pas moins de quatre heures pour effectuer la traversée.

Tout fut transporté en deux fois.

Sur ces entrefaites, arrivait M. l'archidiacre, qui était allé annoncer la venue d'un ministre au cap Esquimau. Les missionnaires, surtout le Frère Girard, naturellement, en firent des gorges chaudes. C'étaient eux-mêmes qui allaient être ses « ministres », et il n'en savait rien !

M
gr Turquetil ne devait pas accompagner le P. Ducharme…

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Message  Louis Jeu 17 Déc 2015, 5:58 pm

CHAPITRE XI

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Mgr Turquetil ne devait pas accompagner le P. Ducharme et le Fr. Girard dans cette fondation. Il était alors en chemin pour la capitale du monde catholique, Rome, où l'appelaient les intérêts de l'Exposition Vaticane. Il vit avec émotion partir pour la pointe Esquimau la goélette chargée de son vieux, et pourtant si précieux, butin, tandis que lui mettait en ordre sur la grève le bois qui restait, et dont on aurait besoin l'année suivante pour terminer le bâtiment.

Il était encore là quand revint la goélette, annonçant que le Père et le Frère avaient eu une excellente traversée, que leurs premières impressions de la place étaient très bonnes, et qu'ils allaient se mettre à l'œuvre en commençant par prendre possession du pays par la plantation d'une grande croix.

Débarqués le 13 août, ils restèrent sous la tente jusqu'au 8 septembre. Non pas certes que la maison fût alors finie; mais telle était la fureur du vent — le diable n'y était-il pas pour quelque chose ? — que les deux fondateurs crurent se protéger en dressant leur tente entre les quatre murs de leur bâtisse en construction.

Le ler février 1925, la maison-chapelle était terminée. On l'avait même ornée d'un beau clocher de vingt-deux pieds de haut, dont le P. Ducharme conte l'histoire.

Tout était prêt, et l'on n'attendait qu'un beau jour pour percer le toit et l'y assujettir. C'est alors qu'arriva avec une violence inouïe une terrible tempête de vent et de neige humide. On s'obstina quand même à monter une petite cloche et à fermer la trappe. Mais ce fut dans la maison comme une inondation qui dura quinze jours, alors que, ainsi que l'écrit le P. Ducharme, « le Fr. Girard et moi faillîmes être plus endommagés que la bâtisse, pour avoir fait trop de vitesse en descendant les échelles.

« C'est moi qui donnai l'exemple », ajoute-t-il. « Le vent secouait fortement l'échelle du toit, et menaçait de déchirer le papier goudronné. Je grimpai alors sur l'échelle extérieure, afin de descendre celle du toit. J'étais au sommet quand un violent coup de vent emporta tout — échelles et grimpeurs. Je me trouvai par terre avant de savoir par où j'étais descendu.

« Le Frère, lui, était tout en haut du clocher quand, tout à coup, l'échelle glissa sous lui. Pourquoi? Je n'en sais rien: tout paraissait si solide! En tout cas, ce n'était pas le moment de discuter la chose. Le Frère arriva en bas, sans mot dire, sur le sol gelé — avec un talon endolori : une affaire de quelques jours » (9).

Il n'y a pas de présomption pour ceux qui connaissent le cher Frère à s'imaginer qu'il dut en être pour l'une de ses franches crises de rire.

Pendant le mois de septembre, ils ne purent travailler que juste un jour, le 11, et les deux derniers jours d'octobre, une tempête affreuse faillit balayer tout le petit village.  Le vent faisait alors du 50 ou 60 milles à l'heure.

Vite on condamna portes et fenêtres.   Mais ce n'était qu'un commencement….

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(9) Ibid., p. 172.

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Message  Louis Ven 18 Déc 2015, 7:46 pm

CHAPITRE XI

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Vite on condamna portes et fenêtres. Mais ce n'était qu'un commencement.  Le vent augmenta d'intensité.    

Les deux religieux allumèrent alors un cierge devant la statue de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus.



Il y a sans doute des lecteurs dans notre Ouest canadien qui s'imaginent savoir ce qu'est un « grand vent ». Les pauvres innocents! Qu'ils se transportent donc sur les bords de la baie d'Hudson; là ils ne tarderont pas à apprendre ce qu'est en réalité un vent bien conditionné . . .

Il n'y avait pas longtemps que le Père et le Frère avaient fait leur acte de foi en leur glorieuse protectrice, lorsqu'on vint les chercher: tout un côté du toit du magasin de la Compagnie venait d'être emporté par le vent, et le reste menaçait ruine. Ils s'y rendirent en rampant sur le sol, car il n'y avait pas moyen de se tenir debout. Ce qui restait du magasin fut consolidé avec des madriers supportant force poids, et les religieux songèrent à rentrer chez eux.

« Il faisait nuit », écrit le Père. « Nous redoutions de rentrer . . . dans notre maisonnette inachevée, qui n'avait encore qu'une simple rangée de planches à l'intérieur et pas de mobilier pour lui donner du poids. Résisterait-elle? Finalement, à deux heures du matin, la maison de nos hôtes craquant de toutes parts, nous rentrâmes chez nous.

« Couchés sur le plancher, sans pouvoir dormir, nous attendîmes pour voir ce qui allait arriver. A la marée montante de la nuit, les vagues, poussées par le vent, gagnèrent les habitations, mirent en pièces un hangar de la Compagnie, et emportèrent près de trente tonnes de charbon.

« Cette tempête dura encore toute la journée du lendemain, et, quand nous pûmes sortir de notre maison, nous la trouvâmes toute lavée par les vagues, et couverte de glaces jusqu'à hauteur des fenêtres» (10).

Tels sont les agréments climatériques de ce pays, léché par le courant du pôle nord et sur lequel donne l'immensité de la haute mer — car le mot de baie ne doit pas donner le change: la baie d'Hudson n'est guère une baie que sur les cartes. En pratique, elle est vaste comme un océan et tempétueuse en proportion, sinon plus.

Matériellement, le premier rejeton…

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(10) Ibid., p. 173.

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Message  Louis Sam 19 Déc 2015, 5:19 pm

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Matériellement, le premier rejeton de la mission de Chesterfield était fondé. Qu'était-il au point de vue autrement important des dispositions de ses indigènes? Ce ne pouvait être la perfection, puisqu'on était en pays esquimau ; mais le terrain semblait bien préparé, parce que beaucoup avaient vu le prêtre à N.— D. de la Délivrande et comprenaient sa raison d'être.

De fait, s'il faut en croire un P. Honoré Pigeon, O. M. I., récemment arrivé (11), sainte Thérèse de Lisieux n'amenait à son Jésus pas moins d'une cinquantaine de familles — à titre de catéchumènes, naturellement (12).

Pendant que le P. Ducharme et le Frère Girard construisaient leurs nouveaux foyers, leur commun supérieur s'acheminait vers Rome et la France. Cette dernière, qu'il n'avait pas vue depuis vingt-cinq ans. Alors même que des affaires sérieuses ne l'eussent point conduit à la capitale du monde chrétien, il avait certes bien gagné une visite au pays natal, et ce serait sans doute contraire à la vérité que d'affirmer qu'il ne jouit point de son voyage, même du simple spectacle des prés verts et des vergers opimes qui avaient été témoins des scènes de son enfance.

Pourtant, comme il l'écrivait alors, sa pensée et son cœur n'avaient quitté ni le Nord ni ses Esquimaux, pas plus que les missionnaires dont il était maintenant chargé.

Le 8 mai 1925, il quittait Caen, disant un nouvel adieu à sa famille, à ses amis et à plusieurs prêtres éminents, qui avaient été ses compagnons aux petit et grand séminaires. Un frère convers, Jacques Volant, O. M. I., natif de Bretagne (13)  et un autre Oblat l'accompagnaient maintenant comme nouvelles recrues pour sa lointaine préfecture.


Leur bateau, l'Ausonia, parti de Cherbourg, toucha à Queenstown, au sud de l'Irlande, et même là notre fameux missionnaire esquimau…


______________________________________________

(11) Du diocèse de Québec, où il était né en 1897. Il vient de périr on ne sait où, s'étant perdu en voulant regagner à pieds la Mission, après avoir quitté le bateau où il s'était embarqué. V. ill. 44 et p. 269 note. — (12) Missions, p. 175. — (13) Né en 1900, le Fr. Volant est du diocèse de Quimper, et il était alors comme à la veille de faire ses vœux perpétuels.
page 269, note a écrit: Par exemple, la récente disparition et la mort certaine du P. Pigeon, perdu en retournant à sa mission de Chesterfield. Pour éviter du mauvais temps sur mer, il était abordé dans le but de faire le reste du trajet à pied. On ne l'a jamais revu, et malgré plusieurs expéditions fort soigneuses, on n'a point encore retrouvé ses restes. S'il se noya en traversant quelque petite anse à marée basse, il est probable qu'on ne les retrouvera jamais.

Un bruit fort injuste qui courut les journaux était à l'effet que sa mort était arrivée à l'occasion d'une expédition de chasse. Rien de plus faux. D'abord le P. Pigeon n'avait point de goût pour la chasse comme telle. Ensuite il revenait d'une tournée de ministère à Rankin Inlet, où il avait passé plus d'une semaine à faire le catéchisme à quelques païens, à raffermir les chrétiens, offrant le Saint-Sacrifice non seulement au camp des Esquimaux, mais même en voyage, dans le campement éphémère d'une nuit passée sous la tente (D'après M
gr Turquetil, à la presse, août 1935).

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Message  Louis Dim 20 Déc 2015, 6:30 pm

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Leur bateau, l'Ausonia, parti de Cherbourg, toucha à Queenstown, au sud de l'Irlande, et même là notre fameux missionnaire esquimau ne manqua pas d'être remarqué, mais pas comme tel, bien s'en faut. Le prenant, à cause de sa barbe, pour un ministre protestant, une bonne vieille lui




offrit à vendre une espèce de mouchoir ou foulard en dentelles.

— Ce soir, il y aura bal à bord, lui dit-elle : voilà qui fera plaisir à votre partenaire.

La petite mère ne comprit rien à son éclat de rire, et s'éloigna dégoûtée de son peu de galanterie.

Après un certain temps passé par le préfet apostolique à quêter au moyen de conférences sur ses Esquimaux dans la province de Québec et aux Etats-Unis, il prit passage, avec ses deux compagnons sur le Nascopie, qui était cette fois doublé d'un autre bateau un peu moins rapide, le Bay Eskimo, sur lequel avait été embarqué son précieux fret, composé de dix caisses, fruit de son labeur de mendiant parmi les chrétiennes populations du Canada. Le tout était destiné surtout à la nouvelle mission de Sainte-Thérèse, du cap Esquimau, qu'on venait de fonder.

La traversée fut signalée par des conflits extraordinaires avec les glaces — c'était pourtant à la mi-juillet — d'où le Bay Eskimo sortit estropié.

Après des difficultés sans nombre, M
gr Turquetil monta un matin sur le pont, et constata à sa grande surprise que le Nascopie retournait en arrière, se dirigeant vers l'est sur une mer chargée de glaçons qu'il avait déjà franchie. Qu'y avait-il donc?

— On vient, paraît-il, de recevoir un appel au secours, un S 0 S, du Bay Eskimo , qui est en train de couler à 250 kilomètres de là, lui dit-on en réponse à sa question.

Le 24, à sept heures du matin, le vaisseau en détresse est signalé par un matelot perché au haut du mât du Nascopie ; puis l'on distingue des signaux de fumée noire, qui aident à le repérer. Une heure plus tard, on aperçoit une de ses chaloupes, tandis que, sur un glaçon flottant, équipage et passagers sont à grelotter. Du Bay Eskimo pas la moindre trace, il a sombré avec tous ses trésors!

Après bien des allées et venues, le Nascopie

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Message  Louis Lun 21 Déc 2015, 6:00 pm

CHAPITRE XI

NOUVELLE FONDATION

(suite)

Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux. - Page 4 Page_110

Après bien des allées et venues, le Nascopie arrivait à Chesterfield Inlet, le 2 août, fête de saint Alphonse, pour lequel les Oblats ont une dévotion spéciale. Tous les missionnaires du pays, réunis pour l'occasion, accueillent leur supérieur avec un enthousiasme que partagent pleinement leurs ouailles.

Mais bientôt une épine se fait sentir au milieu des roses, la chaleur de la réception est tempérée par un rappel à la réalité: tous les précieux cadeaux dus à la charité canadienne ont péri! Quelle amertume pour le préfet apostolique! Quel désappointement pour ses subordonnés du cap Esquimau, qui en sont encore aux langes de la toute petite enfance ! La « Petite Thérèse » n'aurait-elle pas dû prévenir pareille catastrophe?

Mais pourquoi douter de son bon cœur et mettre en cause son pouvoir auprès de Dieu? Son intervention miséricordieuse a été bien plus éclatante que tout ce qu'on aurait pu oser espérer. Voici, en effet, venir à la Mission un matelot du Nascopie.

— Vos dix caisses sont à bord de notre bateau, dit-il.

Tressaillement mêlé d'incrédulité.

— Comment? Mais elles ont été embarquées sur le Bay Eskimo, lui fait-on remarquer.

Bay Eskimo ou Nascopie, peu m'importe. Tout ce que je sais c'est qu'elles sont maintenant à bord de notre bateau, insiste l'homme de la mer.

Et c'était vrai, en dépit du fait que deux des employés du vaisseau disparu préposés à l'enregistrement des marchandises attestaient, et leurs papiers en faisaient foi, que ces caisses avaient dûment été mises à bord du Bay Eskimo!...

N'ai-je pas quelque raison, après cela et considérant le caractère miraculeux de la conversion des Esquimaux (14), d'intituler mon humble volume Monseigneur Turquetil et le Miracle de ses Missions? Gloire, encore une fois, à la petite Sainte de Lisieux! Sa pluie de roses se fait sentir jusque, ou plutôt surtout, dans les glaces de la baie d'Hudson!

__________________________________________

(14) « Chaque conversion de païen adulte est un vrai prodige de la grâce, quand on sait de quelles erreurs et de quelles pratiques il faut les faire revenir pour les amener à Dieu », écrivait peu après Mgr Turquetil. Cf. Les Cloches de Saint-Boniface, janvier, 1926.
A suivre : Chapitre XII. Extension à l'Est et à l'Ouest.

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Message  Louis Mar 22 Déc 2015, 5:41 pm

CHAPITRE XII

EXTENSION À L'EST ET À L'OUEST

Rentré à N.-D. de la Délivrande après un an d'absence, Mgr Turquetil s'employa à consolider et à étendre l'œuvre établie, double but qu'il ne crut pouvoir mieux atteindre qu'en mettant le pays et ses deux missions, sans compter celles qu'il comptait bien fonder dans un avenir prochain, sous la protection de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus.

A Noël, quelques infidèles, arrivaient à Chesterfield, attirés par la danse et les festins donnés par les traiteurs. Parmi ces visiteurs se faisaient remarquer deux gaillards, espèces d'esprits forts, rebelles à toute idée religieuse autre que celles qu'ils tenaient de leurs ancêtres. Ils vinrent pourtant à la chapelle, et, pour la première fois de leur vie, purent contempler la statue de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus ( V. ill. Nº 48) ; après quoi ils inspectèrent la crèche, et se virent comme entraînés à écouter même le sermon, qui n'eut pas l'air de leur déplaire trop.

Le lendemain était un dimanche. Ils revinrent à l'église; mais le sermon avait changé de sujet. Il roulait cette fois sur la manière de célébrer dignement les fêtes de Noël et du Jour de l'An. Le prédicateur tonna contre la danse et les désordres qui s'ensuivent, et donna à ses auditeurs à choisir entre la prière et le bal.

Le prêtre était sûr que les deux étrangers, sans aucune préparation religieuse et en conformité avec leur passé, seraient simplement dégoûtés. Quelle ne fut pas sa surprise de voir que même ceux-là l'écoutaient sans broncher, et venaient après l'office lui déclarer qu'ils voulaient se faire chrétiens!

C'était là, avec d'autres circonstances analogues, l'indice d'un progrès religieux incontestable. Le supérieur de la mission voulut encore en être de quelques progrès matériels.

Jusqu'alors prêtres et fidèles...

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Message  Louis Mer 23 Déc 2015, 6:16 pm

CHAPITRE XII

EXTENSION À L'EST ET À L'OUEST

(suite)

Jusqu'alors prêtres et fidèles n'avaient eu qu'un autel pour toute chapelle. Cet autel se trouvait caché par une cloison mobile, qui s'ouvrait pour les offices et admettait à leur participation les fidèles en prières dans la pièce voisine.

Dans une allonge qui servait de chambre à coucher, etc., on aménagea une chapelle avec des bancs, formant une pièce bien pieuse et proprette. Notre-Seigneur avait donc dès lors un chez soi, où il pouvait admettre ses dévoués serviteurs.

M
gr Turquetil se fit même une chambrette, la première qu'il eût eu depuis vingt-six ans. Elle lui servit de chambre à coucher, de bureau, de lingerie, de chambre obscure pour la photographie — car le missionnaire ne faisait pas qu'un métier.

« Du gros papier gris recouvre les murs », écrit-il à ce propos, « ce qui n'empêche pas le givre de coiffer tous les clous d'un joli bouton blanc. C'est beau, mais ce n'est pas chaud. Le seul appareil de chauffage, ce sont les tuyaux de la fournaise de la cuisine, qui est de l'autre côté . . . L'encre gèle parfois dans la plume; on met le tout à chauffer, et, en attendant, on dit un bout de bréviaire » (1)

Un autre progrès, dont le même prélat est encore plus fier, est l'érection régulière d'un bureau de poste à Chesterfield Inlet. Oui, un véritable bureau de poste du Gouvernement, avec sac imperméable à son service, et cela en pleine sauvagerie ! Seulement il n'y avait point de maître de poste ; personne n'étampait les lettres ou ne délivrait de mandats. Il n'y avait pas de facteurs non plus; la boîte aux lettres était encore à mille milles de là, et il fallait aller y porter la malle tout comme autrefois.

Deux Esquimaux, facteurs d'occasion, lui faisaient faire une première étape en la portant à Churchill ; puis Montagnais, Cris et Métis se succédaient pour la faire passer au 214e mille, sur le chemin de fer du Pas à la baie d'Hudson, alors en construction (2). Et tout cela aux frais du Gouvernement! Quel progrès! On avait maintenant un courrier d'hiver.

Par ailleurs, au point de vue alimentaire, on en était toujours au même point: repas pitoyables, faute de gibier. Aussi le Fr. Volant, cuisinier de la communauté centrale, se plaignait-il du manque d'appétit des convives. En 1925, on avait été quatre mois sans voir une once de viande sur la table, et la pauvreté de la mission l'empêchait d'acheter des vivres. Le préfet apostolique en était même venu à mendier par la voie des journaux un repas par jour pour ses missionnaires!

Cependant, un progrès bien supérieur…

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(1) Lettre au Devoir, de Montréal, janvier 1926. — (2) On était encore loin de Churchill, puisque cette place se trouve à 510 milles du Pas, point initial de la numération milliaire.

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Message  Louis Dim 27 Déc 2015, 8:42 pm

CHAPITRE XII

EXTENSION À L'EST ET À L'OUEST

(suite)

Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux. - Page 4 Page_110

Cependant, un progrès bien supérieur à ceux que je viens d'enregistrer se produisait juste à l'est de la baie Chesterfield. A quelque distance de là, s'étend en pleine mer une île importante appelée Southampton, qui n'a pas moins de 16,396 milles carrés de superficie. Elle est, pour le voyageur, comme une halte, un pied à terre, formé par la nature entre le continent et la Terre de Baffin, immense île de 201,600 milles carrés, où se trouvaient déjà des ministres protestants.

Poussés par leur instinct nomade, une soixantaine d'Esquimaux de Chesterfield Inlet s'étaient rendus sur la partie méridionale de l'île Southampton, et hantaient un point appelé port au Corail, Coral Harbour. De plus, un Esquimau y faisait les fonctions de catéchiste anglican, travaillant ainsi au compte de la secte établie encore plus à l'est.

Ne faire aucun cas de sa présence au milieu des catéchumènes de Southampton eût été désastreux pour l'unité religieuse et la persévérance des indigènes de l'ouest. Une fondation s'imposait ; elle se fit sans la moindre hésitation.

En conséquence, au cours de l'été 1926, le P. Duplain et le Fr. Girard accompagnaient leur supérieur sur le Nascopie, et débarquaient au point voulu le bois de construction amené de Montréal, pour l'érection du  bâtiment nécessaire.



Mgr Turquetil choisit lui-même l'emplacement, près du poste de la Compagnie, sur un tertre assez élevé et sec qui domine le petit lac où l'on s'approvisionnait d'eau douce. Les abords sont plats. Le bateau doit rester au large, et ce n'est qu'à la marée haute qu'on peut aborder à la Mission, dans une toute petite baie d'un quart de mille de large sur un demi-mille de profondeur.

La nouvelle Mission fut mise sous le vocable de Saint-Joseph.

Aux deux fondateurs, qui avaient à leur crédit l'expérience de semblables constructions, succédèrent bientôt les PP. Arthur Thibert (3) et Eugène Fafard (4) qui, dès l'année suivante, donnaient à leurs amis une légère idée de leur situation à la nouvelle station. Une population d'environ cent cinquante âmes se trouvait, paraît-il, groupée non loin d'eux, dont une moitié, de beaucoup la mieux disposée, était originaire de Chesterfield, tandis que l'autre, à attaches protestantes, venait de la Terre de Baffin.

Tous les Esquimaux de cette dernière avaient été baptisés par le ministre, qui venait lui-même de leur bâtir un temple tout près de la Mission catholique. Pourquoi faut-il que les fauteurs du schisme et de l'hérésie essaient partout de contrecarrer l'action du prêtre de la seule religion fondée par Jésus-Christ? Ils devraient pourtant savoir qu'il y a une différence assez notable entre Notre-Seigneur et le roi luxurieux aux multiples femmes...

Le P. Thibert s'efforça d'atteindre le cœur des Esquimaux aux sympathies catholiques…

_______________________________________________

(3)  Né  au diocèse de Montréal en 1898, prêtre depuis 1923. — (4) Né en 1901 au diocèse de Joliette, Canada, ordonné en 1926.

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Message  Louis Lun 28 Déc 2015, 6:59 pm

CHAPITRE XII

EXTENSION À L'EST ET À L'OUEST

(suite)

Le P. Thibert s'efforça d'atteindre le cœur des Esquimaux aux sympathies catholiques en soignant de son mieux une famille baptisée par Mgr Charlebois.  Comme dans toute œuvre qui commence chez ces indigènes, les progrès furent d'abord lents, très lents même, d'autant plus que, contrairement à ce que demandait le ministre protestant, le prêtre exigeait non seulement une préparation solide, mais un changement de vie réel dans le catéchumène comme introduction à son baptême.

Un baptême d'adulte en danger de mort et six baptêmes d'enfants — beaucoup plus qu'on en avait eu en quatre ans
d'efforts à Chesterfield —furent le bilan des résultats de l'œuvre évangélique à Southampton pour l'année 1927-28  (5).



Peu après, le P. Fafard rapportait pourtant le fait que son supérieur local s'étant transporté, en novembre 1928, à l'extrémité orientale de l'île, y instruisit, puis baptisa, le jour de Noël,  cinq familles de la « tribu » (6)  des Aiviliks, ou gens de Chesterfield, qui, paraît-il, persévérèrent dans l'accomplissement de leurs nouveaux devoirs.

Pendant ce temps, Kedlapik, le catéchiste protestant, n'avait plus d'emprise sur ses compatriotes. On ne l'écoutait plus, écrivait le P. Fafard, qui ajoute:

« Marié au cours de l'été, on se sépare au cours de l'hiver. Quoi d'étonnant quand les ministres, ayant à peine mis pied à terre, baptisent et marient tous ceux qui se présentent, quitte à abandonner au plutôt tout le troupeau pour aller ailleurs se mettre à l'abri, en attendant l'autre mission. Les pauvres ouailles demeurent dans une profonde ignorance, qui leur permet de violer les lois naturelles et divines les plus élémentaires » (7).

Quant aux deux missionnaires catholiques…

_________________________________________________________________________

(5) Cf. Lettre du P. Thibert, Missions des O. M. I.., vol. de 1930, p. 33. — (6) C'est ainsi qu'on distingue localement les différents groupes d'Esquimaux, qui sont, ethnologiquement parlant, trop homogènes relativement  aux  autres,  pour  constituer  de  véritables  tribus. — (7) Missions des O. M. I., vol. de 1930, p. 37.

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Message  Louis Mar 29 Déc 2015, 5:02 pm

CHAPITRE XII

EXTENSION À L'EST ET À L'OUEST

(suite)

Quant aux deux missionnaires catholiques, ils s'employaient à terminer avec du bois arrivé comme miraculeusement ce que les premiers constructeurs n'avaient pu parfaire, faute de matériaux. Puis ils couraient de ci de là, surtout parmi les Aiviliks, leur faisant le catéchisme, pour lequel les adultes ne manifestaient pas trop d'avidité, et le supérieur rapporte même une guérison qu'il est difficile de ne pas qualifier de miraculeuse, obtenue par l'intercession de Mgr de Mazenod, fondateur des Oblats de Marie Immaculée.

La fille d'un protestant, enfant d'une douzaine d'années, s'était gravement blessée au poignet, d'où une hémorragie qui lui avait fait perdre une sérieuse quantité de sang, deux pleins bassins, disait-on. Trois ou quatre jours après que la plaie se fût fermée, elle s'était rouverte d'elle-même, et la pauvre enfant fut bientôt à bout de forces.

Comme on ne pouvait arrêter le sang, et que la malade paraissait plus morte que vive, on alla chercher le prêtre, qui, devant son état désespéré, promit à M
gr de Mazenod de publier le fait si, dans trois jours, elle pouvait marcher. En même temps, il mettait à l'oreille de la jeune Esquimaude des cheveux du Serviteur de Dieu, et la faisait amener chez lui.

Arrivée à la Mission, l'hémorragie s'arrêtait. Mais la malade était si faible qu'elle ne pouvait même pas lever la tête de son oreiller.

Le lendemain matin, elle était assez forte pour s'accouder sur sa couche, et de là suivre les prières de la messe. Dans l'après-midi du même jour, elle marchait ( 8 ) !

C'était au cours de 1928…


___________________________________________

( 8 ) Ibid.., p. 34, 35.

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Message  Louis Mer 30 Déc 2015, 6:40 pm

CHAPITRE XII

EXTENSION À L'EST ET À L'OUEST

(suite)


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C'était au cours de 1928. Un an auparavant, une autre fondation religieuse s'était effectuée, juste à l'opposé du pays, laquelle devait reproduire, et même amplifier, les difficultés dues à l'apathie, sinon l'hostilité, des premiers Esquimaux de Chesterfield — et cela pour une double raison facile à comprendre. D'abord les gens avaient abusé de la grâce, et ensuite il y avait la concurrence protestante qui, comme d'habitude, paralysait l'action du prêtre sans parvenir à faire de bons protestants.

On aurait voulu fonder dans le nord, à une place, Pond Inlet, avec laquelle nous aurons plus tard à faire connaissance. La naufrage du Bay Ungava retarda l'érection d'une mission à cette localité, cet accident ayant empêché ce navire d'arriver à temps à l'endroit choisi. Au lieu de l'extrême Nord, on pensa alors à l'Ouest, et l'on se fixa sur l'extrémité occidentale du lac Baker, à 210 milles de N.-D. de la Délivrande.

Le lac Baker est une longue pièce d'eau, qui semble comme le prolongement de la baie, ou inlet, Chesterfield, elle-même faite d'eau qui n'est nullement salée, ainsi que nous l'avons vu. La mission qu'on y érigea fut pénible dès les tout premiers commencements. Le vaisseau chargé des matériaux qu'on utilisa dans sa fondation ayant fait naufrage, se remplit d'eau, puis, à la marée basse, flotta de nouveau et frappa des récifs, après quoi il mit huit jours à se rendre à destination.



Toute sa cargaison était naturellement endommagée. De fait, les sacs de denrées étaient sur le point d'éclater par suite de la fermentation au contact de l'eau. Le bois même était tout mouillé et, pour le moment, perdu.

On s'en servit quand même; mais lorsqu'on installa le poêle dans la nouvelle maison, les planches se retirèrent énormément en séchant, et les murs s'ouvrirent en proportion ; en sorte que les deux fondateurs (9) purent contempler les étoiles à leur aise, sans avoir à sortir de chez eux. Vivres gâtés et pourris, maison extrêmement froide; la situation devenait insupportable. Nos Oblats n'en restèrent pas moins à leur poste.

Du reste, n'avaient-ils pas à leur porte des beautés naturelles, fruit du climat et de la conformation du pays, pour les compenser de toutes ces misères? La mission du lac Baker est la seule qui ne soit pas sur la mer. Bien que sur les bords de l'eau comme tous les principaux points fréquentés par les Esquimaux, elle se trouve, nous l'avons vu, à 210 milles de la baie d'Hudson, c'est-à-dire en pleines Terres Stériles, où les originalités, sinon les rigueurs, du climat font l'admiration de quiconque a une parcelle de génie poétique dans les veines.

Le défunt P. Petitot les décrit ainsi : …

_____________________________________________________________

(9) Deux jeunes prêtres français ordonnés en 1926, les PP. Marcel Rio, du diocèse de Rennes, et Armand Clabaut, du diocèse de Lille, sous la direction du préfet apostolique venu les aider dans l'érection de leur maison.

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Message  Louis Jeu 31 Déc 2015, 7:18 pm

CHAPITRE XII

EXTENSION À L'EST ET À L'OUEST

(suite)

Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux. - Page 4 Page_110
Le défunt P. Petitot les décrit ainsi :

« Si nous élevons nos regards vers l'Ourse glacée, qui tourne sans cesse autour de nos têtes comme sur un pivot, notre œil ravi est ébloui du spectacle sublime et multiforme que le magnétisme terrestre, en connexion avec les forces électro-dynamiques, produit dans l'éther assombri par la nuit.

« Brillante couronne terrestre ou aigrettes innombrables, semblables aux feux de Saint-Elme, se jouant à la cîme des mâts; zones d'or capricieusement ondulées, ou bien serpents livides aux reflets métalliques et chatoyants, qui glissent silencieusement et avec un éclat toujours nouveau dans les profondeurs des espaces; arcs-en-ciel concentriques et immobiles, ou bien aurores aux mille rayons rutilants et irrisés; coupoles splendides et diaphanes illuminant le ciel entier et tamisant toutefois la lumière sidérale, ou bien nuées sanglantes et lugubres dans leur immobilité; bandes polaires longues et blanches s'étendant en droite ligne d'un bout à l'autre de l'horizon, comme une route de nacre tracée dans le sombre azur pour le char de Phébé, ou bien frêles et incertaines nébulosités suspendues comme un voile de gaze à des hauteurs incommensurables : la lumière arctique, Protée aérien, revêt toutes ces formes, réjouit l'œil de tous ces feux, se prête à toutes ces combinaisons merveilleuses.

« Le Créateur pouvait-il se montrer artiste plus habile en même temps que physicien plus consommé? Ainsi il charme nos regards, tout en éclairant nos pas et en veillant à l'équilibre du monde.

« L'aurore boréale s'évanouit-elle, la lune radieuse demeure, une lune qui ignore son coucher, comme le Lucifer dont parlent nos saints livres, une lune qui transforme en jours les longues nuits du solstice d'hiver. Tantôt elle s'entoure de halos et de couronnes lumineuses, tantôt elle se multiplie par le mirage de la parasélène.

« Vous représentez-vous ces nuits si calmes, si silencieuses, que les battements de votre cœur deviennent perceptibles ; si froides que les arbres de la forêt éclatent et se fendent sous leur impression et que l'haleine produit, en s'exhalant à travers l'air dense, un bruissement semblable à celui d'une verge d'acier que l'on agite; vous les figurez-vous embellies par la décoration fantastique que forme la lumière en se jouant à travers les frimas, dont la végétation endormis est revêtue et que la pierre a aussi acceptée?...

« Quelquefois, au milieu de ces belles nuits, un éclair subit et sans détonation vous tire de votre rêverie, et vous annonce la fin d'une aurore boréale, d'un orage magnétique



dont le foyer est placé en dehors de votre vue ; ou bien des grondements semblables à ceux du tonnerre vous avertissent du voisinage d'un lac dont les sources font dilater la glace.

« Entendez-vous cette conversation, cette note mélancolique et plaintive du sauvage ?...

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Message  Louis Sam 02 Jan 2016, 5:12 pm

CHAPITRE XII

EXTENSION À L'EST ET À L'OUEST

(suite)

« Entendez-vous cette conversation, cette note mélancolique et plaintive du sauvage ? Percevez-vous ce craquement des raquettes sur la neige gelée, ce tintement de clochettes à chiens, ces claquements de fouet qui se répercutent sous la voûte des bois ou rebondissent sur la surface des lacs comme des coups de feu? Vous pensez que c'est là, tout près de vous, que ces bruits retentissent. Bien, attendez. Les instants et les heures se passeront avant que vous ayez vu arriver les mystérieux voyageurs dont une lieue ou deux vous séparaient. Et cependant un coup de fusil tiré à vos côtés n'a pas plus ébranlé l'atmosphère que si vous eussiez brisé une noix avec un casse-noisette.

« Mais les longues nuits de solstice d'hiver, ces nuits de vingt heures (10) , se sont enfuies dans l'ouest, et l'Esquimau a salué par ses chants et ses danses la réapparition de l'étoile du jour, après une absence de deux mois. Alors peu à peu la scène change, et de nouveaux spectacles sont donnés à l'homme. Ici c'est le phénomène du mirage avec ses illusions, ses fantômes de rivages, ses montagnes renversées, ses arbres qui marchent, ses collines qui se poursuivent, ses dislocations de paysage, ses fantasmagories  kaléidoscopiques.

« Là c'est la radieuse parhélie, tantôt segmentaire, tantôt équipolée; le plus souvent avec deux ou trois faux soleils, quelquefois avec quatre, huit et même seize spectres lumineux, qui deviennent le centre d'autant de vastes circonférences; parfois même, mais rarement, horizontale au lieu d'être verticale, elle entoure le spectateur d'une multitude d'images solaires, et le transporte comme sous un dôme dont le pourtour serait illuminé par des lanternes vénitiennes.

« Ce froid intense, plus terrible que le loup blanc des steppes, que l'ours gris des montagnes; ce froid qui saisit sa victime à son insu, instantanément, mortellement, ce froid a sa nécessité, son utilité, ses curiosités bizarres. Il vivifie, active et purifie le sang, il ravive les forces, il décuple l'énergie vitale, il aiguise l'appétit, il favorise les fonctions de l'estomac et le rend le meilleur des calorifères, il endort la douleur, arrête l'hémorragie, prolonge la vie, et, si tant est qu'il nous frappe, c'est en nous envoyant le sommeil, et il nous donne la mort au milieu de rêves dorés.

« Ce froid intense, si sec, si pur, suspend la putréfaction, détruit les miasmes, assainit l'air et en augmente la densité. Il purifie l'eau douce, distille les eaux amères de la mer et les rend potables, il transforme en cristaux le lait, le vin et les liqueurs, il remplace le sel dans les viandes, la cuisson dans les fruits dont il fait des conserves économiques et durables ; il rend comestibles la viande et le suif crus ; il dessèche et étanche les lagunes, arrête le cours des maladies, il favorise l'évaporation et la disparition des neiges et des glaces elles-mêmes, et révèle au chasseur la présence du renne en entourant celui-ci de brouillards.

« Trouvez-vous à la chaleur autant de propriétés » (11).

Descendons maintenant des hauteurs d'un ciel tout à fait spécial au pays même sur lequel il s'étend…

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(10) Nous allons présentement voir que dans certaines des missions de Mgr Turquetil, ces nuits ont parfois la longueur de 92 jours solaires de chez nous! — (11) Petitot, Mémoire abrégé sur la Géographie de l'Athabaskaw-Mackenzie et des Grands Lacs des Bassins arctiques de l'Amérique, ap. Missions des Oblats de Marie Immaculée pour 1875, pp. 227-30.

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Message  Louis Dim 03 Jan 2016, 5:24 pm

CHAPITRE XII

EXTENSION À L'EST ET À L'OUEST

(suite)

Descendons maintenant des hauteurs d'un ciel tout à fait spécial au pays même sur lequel il s'étend. Moins enthousiaste et plus rassis que le méridional Français, un auteur anglais, Warburton Pike, apprécie avec le flegme de sa race les Terres Stériles elles-mêmes, où nos deux Oblats étaient maintenant campés:

« Pour l'homme qui n'est pas amateur de la nature sous toutes ses formes, les Terres Stériles doivent être toujours une criante (howling) sauvagerie pleine de désolation. Quant à moi, je puis comprendre le sentiment qui dictait la réponse de Saltatha au digne prêtre qui lui expliquait les beautés du ciel.

— « Mon Père, tu as bien parlé. Tu as dit que le ciel est très beau; dis-moi maintenant une chose de plus. Est-il plus beau que le pays du bœuf musqué en été, alors que parfois le brouillard s'élève des lacs et que parfois l'eau est bleue et que souvent les huards font entendre leur cri plaintif? Ça c'est beau, et si le ciel est encore plus beau, mon cœur sera content et je serai heureux de m'y reposer jusqu'à un âge fort avancé » (12) .

Mais il n'est guère probable que les fondateurs de la mission du lac Baker...

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(12) Warburton Pike, The Barren  Ground  of  Northern Canada, p. 276.   Londres, 1892.

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Message  Louis Lun 04 Jan 2016, 5:42 pm

CHAPITRE XII

EXTENSION À L'EST ET À L'OUEST

(suite)

Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux. - Page 4 Page_110

Mais il n'est guère probable que les fondateurs de la mission du lac Baker se soient préoccupés outre mesure des spectacles féeriques dus à une température qu'ils trouvaient, au contraire, bien gênante dans leur réduit ouvert à tous les vents, pas plus que de la beauté des brouillards estivaux et .des plaintes du huard. Ils avaient autre chose à faire, et cet autre chose, ils ne pouvaient malheureusement y réussir.

La population qu'ils étaient venus convertir avait presque toute résidé à Chesterfield. Ses membres avaient donc eu toutes les chances du monde d'embrasser le catholicisme. Mais au lieu de faire cas des enseignements du prêtre, ils avaient en majorité cultivé l'amitié, et copié les manières, des blancs protestants ou agnostiques de la place, qui les avaient encouragés dans leur résistance à la grâce.

Aussi, lorsqu'un comptoir fut établi au milieu d'eux au lac Baker, ils se prétendirent aussi religieux que leurs congénères de Chesterfield Inlet. Mais, prétextant qu'on leur avait à tort refusé le baptême à cette place, ils optèrent pour la religion de leurs commerçants, qui favorisèrent alors la venue d'un ministre protestant, promettant formellement de ne jamais se faire catholiques.

Ils ne devaient que trop longtemps tenir parole, et, pendant six longues années, le prêtre put croire qu'il perdait-son temps avec eux (13). De son côté, au bout de trois ans, le ministre anglican fit quelques baptêmes, juste avant son départ définitif, mais ce n'était guère plus qu'une affaire de marchandage; on voulait pouvoir afficher quelques succès comme compensation pour l'argent déboursé.

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(13) « La Mission Saint-Paul de Baker Lake... a traversé pendant six ans des épreuves pénibles, dont la principale a été l'absence de conversions. Le R. P. Rio n'a eu, pendant ces dures années, que très peu de consolations: quelques baptêmes à l'article de la mort.

« 1933 a vu un changement notable dans la face des choses : six baptêmes d'adultes et une quinzaine de catéchumènes résolus. D'autres sont catéchumènes de cœur, et ne tarderont pas à entrer dans la voie du catéchuménat régulier... Le R. P. Rio a profité de l'été 1933 pour bâtir une chapelle intérieure, et modifier sa maison de fond en comble; en septembre il a posé un clocher sur l'église. Il lui a fallu faire tous les métiers, étant seul à Saint-Paul. La fin de septembre est prise par la pêche; l'hiver sera occupé aux voyages. Il compte aller du côté du lac Yiatkich dans le sud, et y établir un avant-poste bien modeste, une hutte en roches, bourrée de mousse, seuls matériaux de la région » (Missions des O. M. I.., 1934, p. 357).

A suivre : Chapitre XIII. Au Nord et au Sud.

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Message  Louis Mar 05 Jan 2016, 5:47 pm

CHAPITRE XIII

AU NORD ET AU SUD

Le directeur de la nouvelle mission était le P. Rio (1) qui ne pouvait que contraster les dispositions de ses « paroissiens » avec celles des Esquimaux de la station centrale. « Nos chrétiens en permanence à Chesterfield ne dépassent pas la vingtaine », avait-il récemment écrit à un périodique de France (2). « Tous sont employés au service des blancs. La plupart assistent à la messe et communient tous les jours. Quelques familles font ainsi tous les matins presque deux kilomètres, même par les grandes poudreries, et Dieu sait par quels chemins!

« Quelques-uns prennent note du sermon du dimanche. Ils s'assimilent ainsi beaucoup de connaissances religieuses. J'ai entendu un de nos premiers chrétiens commenter pendant quarante minutes les paroles Ave, Maria . Il parlait à des païens, et ceux-ci l'écoutaient comme un Père d'Éphèse » (3)

Son compagnon, le P. Clabaut, avait justement fait à cette mission son oblation perpétuelle, la première, avec celle du Fr. Volant, qu'on eût vue chez les Esquimaux. Deux enfants de cette race servaient la messe, à laquelle assistaient une trentaine de grandes personnes, tandis que le Fr. Girard jouait de l'harmonium, et que M
grTurquetil officiait, entouré des PP. Ducharme et Rio. C'était le 24 août 1927 (4).

Vers le milieu de l'hiver, le préfet apostolique crut devoir aller voir et encourager ses prêtres des deux autres missions continentales. Le Fr. Girard donne de sa visite au cap Esquimau l'aperçu pittoresque que voici :

« Il fait bien froid. Le vent qui soulève la neige ne nous permet pas de voir bien loin. C'est pourtant aujourd'hui qu'il doit arriver.

« Vers trois heures du soir, un point noir apparaît à l'horizon, du côté nord. Bientôt tout se dessine. L'imagination aidant sans doute un peu, nous voyons: les chiens, le guide, la traîne de notre Père lui-même, la barbe frimassée et collée par le gel à son habit de fourrures.

« En un instant, la nouvelle fait le tour du village. Et tous nos Esquimaux, même plusieurs que je croyais indifférents, de s'écrier : « C'est lui, c'est notre Père, le grand Priant ».

« Nous accourons à sa rencontre. Il est tout blanc, couvert de frimas et de neige. Il a voyagé dix jours au pays des glaces. N'est-ce pas suffisant pour avoir l'air d'un glacier mouvant? Mais le cœur d'un apôtre, malgré frimas et neige, est toujours brûlant.

« Seuls ceux qui vivent dans un isolement semblable au nôtre peuvent comprendre la joie qu'apporte l'arrivée de notre Père, le préfet apostolique. Pendant plusieurs jours il sera non seulement avec nous, mais à nous. Il partagera nos joies et nos peines. Il nous encouragera de sa parole ardente, surtout de son exemple . . .

« Il aura le bonheur de baptiser nos catéchumènes et de confirmer tous ceux qui sont prêts à devenir parfaits chrétiens. C'est une ère nouvelle sous le règne de Jésus-Christ commencée humblement il y a trois ans; après les semailles dans les larmes, c'est la moisson dans la joie » (5) .

Après sa visite au cap Esquimau…

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(1)  v. ill. 44.— (2) La Revue Apostolique, publication oblate de Lyon. — (3) Les Cloches de Saint-Boniface, septembre 1927, p. 202. — (4) Pour les enfants de chœur, V. la gravure Nº 47. — (5) Ibid., décembre 1928, p. 280.

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Message  Louis Mer 06 Jan 2016, 5:30 pm

CHAPITRE XIII

AU NORD ET AU SUD

(suite)

Après sa visite au cap Esquimau, Mgr Turquetil se rendit au lac Baker, où il arriva le Vendredi-Saint, juste après le chemin de la Croix. Hélas! il n'y trouva point la ferveur de la place qu'il venait de visiter. Pour toute assistance à cet exercice d'ordinaire si impressionnant pour des indigènes, il n'y avait eu qu'une chrétienne et une catéchumène.


Donc vers trois heures et demie, un étranger entrait à la Mission. La neige recouvrait ses vêtements de peau de caribou ; des glaçons entouraient son capuchon.

—Qui est cet individu? demande alors le P. Clabaut au P. Rio.

Mais l'hésitation ne pouvait durer longtemps, et fit vite place à la joie devant le bruyant « bonjour » dont les deux Oblats étaient salués.

— C'est lui, c'est Monseigneur, s'écrient-ils à la fois.

Dès lors plus de grand silence (6) ; plus de deuil à la maison. C'est plutôt un alleluia anticipé. On s'embrasse chaleureusement, et l'on se sent heureux.

« Pensez-y donc », écrit le P. Clabaut, « deux jeunes sans expérience, après six mois passés absolument seuls! Monseigneur est avec nous pour cinq ou six semaines; on va pouvoir se raconter beaucoup de choses, apprendre beaucoup et faire de l'esquimau » (7).

Malgré les dispositions assez peu satisfaisantes de ses habitants, la même mission eut cinq baptêmes d'adultes — un oasis dans le désert.  C'était au mois de juillet 1928.

Plus tard, le 25 août de la même année, le P. Clabaut communiquait certains détails sur ce qui lui paraissait présager des jours mauvais pour au moins un point du pays.

« La civilisation approche de nos portes », écrivait-il sous une impression fâcheuse qui, heureusement, ne devait guère se réaliser. « Le chemin de fer arrivera bientôt jusqu'à Churchill, et voilà qu'à une centaine de milles au sud de chez nous, toute une colonie de treize blancs s'est installée à la recherche de soi-disant trésors, mines d'or, etc. Ils ont un avion, auto-chenilles, station de radio avec poste émetteur, etc., etc ...

« Tous ces blancs qui nous arrivent nous font bien du tort. On a plus de misères avec eux qu'avec toutes les rigueurs du climat, des poudreries, de la gelée réunies ensemble. S'ils pouvaient remporter leurs avions, leurs autos et toute leur civilisation diabolique !. . . Enfin c'est une croix pour nous; la croix que le Bon Dieu nous donne pour aider à sauver les Esquimaux » ( 8 ) !

Avant d'entrer dans quelques détails au sujet des développements qui s'annonçaient…

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(6)  Que les Oblats observent le Vendredi-Saint. —  (7)  Ibid., ibid., p. 282. — ( 8 ) Ibid., ibid., p. 283.

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Message  Louis Jeu 07 Jan 2016, 6:14 pm

CHAPITRE XIII

AU NORD ET AU SUD

(suite)

Mgr Turquetil, Apôtre des Esquimaux. - Page 4 Page_110

Avant d'entrer dans quelques détails au sujet des développements qui s'annonçaient, non pas pour le cap Esquimau, mais pour le seul poste de Churchill, il me faut relater un événement que ni le P. Clabaut ni ses gens ne pouvaient certes regretter, un événement qui, de bonne augure pour les missions esquimaudes, était en même temps la plus précieuse récompense possible pour celui qui en était l'objet.

J'ai en mainte occasion dû mentionner le Fr. Girard, son zèle ardent et son inaltérable bonne humeur. Il était maintenant, aux côtés du préfet apostolique, celui qui était le plus en droit de se prévaloir de sa connaissance de la langue indigène, le plus ancien des Oblats sur la Baie, et partant celui que cette même familiarité avec la langue rendait comme indispensable à son supérieur — sans compter son caractère débrouillard et son activité innée.

Un autre religieux, le R. P. Jean-Baptiste Beys, lui avait, paraît-il, fait faire un assez bon cours de philosophie et de théologie lorsque les deux Oblats se trouvaient de maison à Norway-House, à l'extrémité nord du lac Winnipeg. Le P. Beys aimait les sciences ecclésiastiques, et les repassait en récréation en compagnie du Fr. Girard, qui ne se gênait pas pour poser toutes sortes de questions et faire mainte objection, acquérant ainsi une bonne connaissance pratique des sujets à l'étude.

Du reste, la perspective de s'acheminer par là vers le sacerdoce, que Girard avait toujours désiré, l'encourageait beaucoup dans ces études.

Plus tard, à Chesterfield Inlet, le P. Turquetil lui avait lui-même fait suivre un cours en français, d'après Gousset, en 1916-17, puis en 1923-24. Le Frère continua au cap Esquimau; si bien que ses solutions des cas spéciaux qui lui furent soumis donnaient généralement la note juste.

En sorte que, vu les besoins de sa préfecture, et en vue surtout d'une nouvelle fondation depuis longtemps projetée, M
gr Turquetil obtint de Rome un indult spécial pour son ordination aux divers ordres sacrés, dont le couronnement se fit à Régina, Saskatchewan, le 19 mai 1929, aux mains de Mgr Olivier-Elzéar Mathieu, archevêque de cette ville. Ainsi l'ami Girard devint-il alors par l'onction sainte le Révérend Père Prime Girard, O. M. I.

Il allait incontinent inaugurer sa vie sacerdotale…

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Message  Louis Ven 08 Jan 2016, 6:14 pm

CHAPITRE XIII

AU NORD ET AU SUD

(suite)

Il allait incontinent inaugurer sa vie sacerdotale avec le titre de fondateur et directeur d'une nouvelle mission, celle de Pond Inlet, qu'on allait mettre sous la protection du Sacré-Cœur de Jésus.

Ce qu'on appelle Pond Inlet, ou la longue baie de Pond, n'est ni inlet ni baie, mais plutôt un canal naturel, ou passage par eau, entre l'île Bylot et la Terre de Baffin, au nord de cette dernière. C'est la mission la plus septentrionale du monde, située comme elle est par le 72° 40' de latitude et le 77° 43' de longitude. La gendarmerie canadienne y a un poste, ainsi que la compagnie de la baie d'Hudson.

Le pays est montagneux et pauvre en gibier terrestre, mais le détroit, ou canal, possède, en outre du phoque et du requin, un cétacé d'aspect original, le narval, espèce de baleine dont une des dents frontales se projette en avant chez le mâle, comme une défense d'ivoire, presque aussi longue que la moitié de son corps, qui est loin d'être court. Indépendamment de l'huile et de l'ivoire qu'il fournit, ce cétacé offre dans sa peau elle-même une ressource alimentaire recherchée, un mets des plus délicats. Il est vrai que cette peau n'a pas moins de deux centimètres, soit trois quarts de pouce, d'épaisseur.

A cause de sa situation géographique, bien avant sous le cercle polaire (9), ce pays est extrêmement froid et ses jours très longs, ou très courts, selon la saison. Dès la première moitié de septembre, la neige y recouvre le sol et y reste jusqu'en juillet, tandis que, pendant l'hiver, la nuit dure la valeur de 92 jours et nuits solaires ordinaires, alors qu'on voit les étoiles en plein midi, et qu'on ne peut guère sortir sans fanal.

La première idée d'y fonder une mission vint d'une…

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(9) Qui, comme chacun sait, coïncide avec le 67°.

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