Apôtres Inconnus

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Message  Louis Mer 05 Juil 2023, 6:28 am


Apôtres Inconnus

CHAPITRE VII

Chasseur

Une hécatombe chez les Esquimaux.

Le  Père Turquetil nous a tracé l'homérique description de ces légions nomades, dans l'une des phases de leur migration et raconté l'accueil qui parfois les attend sur la rive qu'elles « implorent » .

Les Esquimaux, que je visitais, avaient décidé de se fournir de vivres pour l'hiver... Ils m'invitèrent au spectacle de cette chasse si célèbre. C'était à l'automne. Le caribou pressait sa marche et cherchait les détroits pour traverser à la nage.

Sur les côtés ouest du lac, la terre en est toute couverte (poilue, comme disent les Montagnais). Immobiles, le cou allongé, le nez au vent, ils semblent vouloir scruter l'horizon. L'un d'eux s'avance, tout lui paraît suspect, et les roches et les sentiers battus où déjà ont passé tant de bandes innombrables. Il hésite. Un mouvement se produit et toutes les têtes ne redressent anxieuses et craintives. De nouveau il flaire le vent, semble vouloir écouter. Rien. Il avance lentement et par mille détours. Tous ont les yeux fixés sur lui, pas un ne bouge encore. S'arrête-t-il soudain ? Relève-t-il brusquement la tête ? Une panique générale s'empare du troupeau. Mais à peine dispersés, ils reviennent encore, serrés les uns contre les autres, tête basse, et lancés au galop. Soudain, ils s'arrêtent, le cou fortement rejeté en arrière, tête haute et pattes écartées dans la position du pied levé. Inquiets, ils épient les moindres mouvements de l'éclaireur. Celui-ci approche du lac. Il examine et flaire jusqu'aux moindres roches. Enfin, lentement, défiant, comme à regret, il avance et se met à nager, Quelques-uns, trois ou quatre tout au plus, se détachent du troupeau et suivent la piste du guide. Ils promènent sur le lac un long regard scrutateur, puis d'un bond, se jettent résolument à l'eau. C'est le signal.

Vous éprouvez alors la sensation de quelque chose qui passe, vous entendez le piétinement sonore de ces milliers de sabots, mais vous ne distinguez plus rien si ce n'est un nuage de poussière et de sable qui soudain s'est élevé.

Qu'est-ce encore ? L'eau jaillit de toutes parts. Vous n'apercevez. plus que vagues écumantes et au-dessus un nuage de gouttelettes vaporeuses, en même temps que vous entendez le bruit d'un torrent furieux, où coule, ce semble, une avalanche de roches.

Puis le calme renaît sur le lac…

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Message  Louis Jeu 06 Juil 2023, 6:39 am


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CHAPITRE VII

Chasseur

Une hécatombe chez les Esquimaux.

SUITE

Puis le calme renaît sur le lac, un silence de mort. L'armée des caribous nage lentement sans secousse et sans bruit. Peu à peu ils approchent. Ils ne sont qu'à cent mètres de terre. Les chasseurs, jusque-là immobiles et cachés, s'élancent dans leurs canots. Un moment la colonne vivante de caribous s'arrête, puis exécute une volte-face rapide.

Mais le chasseur déjà les a rejoints.  Les canots s'avancent et vont de chaque côté s'échelonner tout le long de cette colonne, qui peut bien avoir prés d'un kilomètre de long. On ne saurait décrire ce qui se passe alors.

Affolées par la peur, ces pauvres bêtes, se rejettent en avant, en arrière. Elles se heurtent, s'entre-choquent, se ruent les unes contre les autres. Leurs cornes s''enchevêtrent. Elles bondissent alors en désespérées et s'écrasent mutuellement. Un grand nombre périssent ainsi dans cette affreuse mêlée.

Oh ! Si le caribou osait se retourner contre ses faibles agresseurs, si seulement il pouvait mugir comme l'orignal ou le bœuf, ce serait horrible. Mais non, il ne sait qu'être timide au point de ne pouvoir être méchant, même pour se défendre. C'est qu'il constitue à lui seul l'unique et indispensable ressource du pays : sa chair nourrit les habitants de ces contrées, sa peau sera le seul logement, le seul habit des sauvages. Il est fait pour l'homme et ne doit pas être un danger à la vie de l'homme.  Bene omnia fecit. Benedicite omnes bestiæ et pecora Domino. Les canots cependant se rapprochent insensiblement du troupeau affolé. Les pauvres bêtes se resserrent et se pressent, toujours de plus en plus. Ils viennent à ne plus même pouvoir remuer une patte, Le vide qui se produit par le déplacement de l'eau donne lieu à un courant irrésistible. Ils ne nagent plus, ils s'entraînent plutôt mutuellement. On devine leurs efforts comprimés, impuissants, au mouvement saccadé  de leurs têtes qui se portent fiévreusement en avant Ils ne sauraient plus bondir, ils ne peuvent plus s'écarter.

Quelqu'un donne le signal…

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Message  Louis Ven 07 Juil 2023, 6:01 am


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CHAPITRE VII

Chasseur

Une hécatombe chez les Esquimaux.

SUITE

Quelqu'un donne le signal. Quelques coups d'aviron, et le courant a saisi les canots qui se heurtent aussitôt contre l'obstacle vivant. Le  massacre commence, La lance sème partout la mort. Le sang jaillit et ruisselle de partout sur les  canots, sur les vêtements. Il  inonde les mains et les visages des chasseurs. C'est une frénésie. Chaque coup de lance pénètre au cœur de l'animal qui brame de douleur, se jette convulsivement la tête en arrière, le cou démesurément allongé, comme s'il voulait respirer encore. Et la lance meurtrière frappe toujours, à  droite à gauche, en avant, en arrière. Après nous, tout autour du canot, ce n'est plus qu'un fleuve de sang, et tous les cadavres font l'effet d'une île flottante.

Les trois quarts de la bande ont péri dans le carnage. Les premiers rangs se rapprochent de terre. Au signal donné, le chasseur dépose la lance et reprend l'aviron. Les canots, dégagés du courant qui les entraînaient, s'échelonnent sur les côtés, et se portent rapidement en avant, pour fermer toute issue aux survivants. Les bêtes cherchent à regagner le large. Elles sont vouées à une mort certaine. Bientôt, resserrées entre deux lignes de chasseurs, elles engagent une nouvelle mêlée, et le massacre recommence. Il n'en échappera pas une seule,

Je regagne le camp. Mars le sauvage insatiable se remet déjà au poste d'observation et d'attente. Un troupeau succède à l'autre, ne laissant plus de repos aux chasseurs, ni le jour ni la nuit.

On a beaucoup reproché aux Montagnais, comme aux Esquimaux, de jouer avec le caribou, de tuer pour le plaisir de tuer. Je dois dire que ce reproche est exagéré. En été, on prend le caribou pour sa fourrure. A l'automne et à l'hiver on le prend pour la viande. J'ai assisté à  bien des chasses l'été dernier, j'ai vu bien des hécatombes, mais je n'ai jamais vu un corps de caribou complètement perdu, Toujours; on utilise la peau, la langue, la moelle et les nerfs.

Au risque de n'être pas compris, je dirai même que ces milliers de caribous, qui périssent ainsi chaque année, ne représentent pas même la dix-millième partie des troupeaux qui peuplent ces immenses contrées. Dans ses pérégrinations annuelles, le caribou couvre souvent un espace de plus de cent lieues de front, Nombre de chasseurs, espacés de kilomètres en kilomètres, auraient vite fait de les décimer, j'en conviens. Mais la réalité est que du lac Ennadaye, où je résidai l'été dernier, jusqu'au lac Caribou (plus de mille kilomètres], je ne vis, à mon retour, en novembre, que caribous et pistes de caribou, et je ne rencontrai qu'un seul sauvage campé sur le parcours de tant de milliers de troupeaux,,.


Les grandes chasses de l'hiver, moins copieuses que celles de l'été, s'opèrent à l'entrée des bois, où la ruse des Indiens attire les troupeaux, en balisant la neige sur les lacs congelés.

Trois missions seulement de l'Athabaska-Mackenzie se…

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Message  Louis Sam 08 Juil 2023, 5:52 am


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CHAPITRE VII

Chasseur

Quelques célèbres chasseurs :
Frère Josso chez les Plats-Côtés-de-chiens,
Frère Vincent Cadoret chez les Mangeurs de Caribous,
Frère Mousset chez les Montagnais.

Trois missions seulement de l'Athabaska-Mackenzie se rencontrent, sur le passage habituel du caribou : Notre-Dame du Rosaire au Grand Lac de l'Ours, Saint-Michel de Rae et Notre-Dame des Sept-Douleurs à l'extrémité est du lac Athabaska.

Le plus renommé de nos chasseurs de caribous fut le  Frère Josso.

— Tu tires comme un sauvage, lui dit l'un des Plats-Côtés-de-Chiens de Rae, parmi lesquels il passa dix-sept ans.

Sa force d'Hercule et son calme de Breton le sauvèrent un jour d'une mort imminente. C'était le canard qu'il chassait alors. Tout entier à suivre du regard une volée qui venait de s'abattre sur un étang, il s'approchait, à travers la brousse, lorsqu'un grand ours se dressa devant lui et lui plaça les deux pattes sur les épaules, en grognant de colère. Ccs animaux, le Frère en était averti, partagent d'un seul coup le thorax de leur victime. Au bout d'une minute — de moins sans doute, les secondes parurent interminables  —, l'ours descendit et reprit la forêt.

— Si tu avais fléchi un peu, expliquèrent les Plats-Côtés-de-Chiens, ou remué de quelque façon, ou seulement respiré, tu étais fini !

Le Frère Josso fut souvent le pourvoyeur du Père Roure par ses heureux coups sur les caribous. A défaut des loisirs qui lui eussent permis de quitter la mission pour/ aller s'établir de longues journées à l'affût, il pratiquait, sur de lui-même, ce que les Canadiens appellent la chasse fine, chasse ouverte et loyale. Le chasseur se montre en pleine surface du lac. Le caribou, curieux de sa nature,  et confiant en la finesse de son odorat, vient vers l'homme, mais en décrivant un cercle qui le placera dans la direction du vent. Au chasseur de juger le moment où il va être senti, car sa balle ne sera  pas plus rapide à frapper que le caribou à se lancer dans sa fuite. Le Frère Josso tirait rarement en vain, Si, au lieu d'un seul renne, c'est une bande qui survient, l'habileté du chasseur consiste à laisser en paix les chefs de file, car, ceux-ci passés, une montagne de corps n'arrêterait pas le reste du troupeau.

Au lac Athabaska, chez les Mangeurs de Caribous, un gentil petit Frère, à qui l'on ne prêterait pas de dessein belliqueux —  et à bon droit, — le Frère Vinrent Cadoret, de Bignan, est devenu l'émule du Frère Josso. Sa vivacité à ajuster le caribou et à en briser la course n'eut d'égale que celle qu'il mît un jour à se jeter dans la rivière des Esclaves. Occupé, avec le Père Bocquené, à extraire d'un promontoire les pierres destinées à l'église Sainte-Marie de Fitzgerald, il vit descendre sur lui une « dégringolade de ces pierres », détachées du sommet, sous un trop grand effort du père Bocquené. Le seul parti étant de se lancer à l'eau, il le fit.

Le Frère Vincent vient parfois du Fond du Lac Athabaska, sa résidence,,,

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Message  Louis Dim 09 Juil 2023, 6:01 am

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CHAPITRE VII

Chasseur

Oies sauvages.

Le Frère Vincent vient parfois du Fond du Lac Athabaska, sa résidence, prêter main forte aux pêcheurs de la Nativité, à l'ouest du même lac, chez les Montagnais. Comme n'est en même temps l'époque des millions d'oies sauvages, qui, retournant des bords de l'océan Glacial au pays plus chaud de leur hiver, s'arrêtent pour se reposer et. s'engraisser, maints tournois  d'adresse et de succès se tiennent entre le Frère Tugdual Mousset, le chasseur attitré des oies et son invité, le Frère Vincent 1.

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Lorsque la chasse à l’orignal ou au caribou…

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1 Voici comment Mgr Grouard, dans le magnifique ouvrage, très abondamment illustré. Qu’il vient de faire paraître sous le titre: Souvenirs de mes Soixante ans d’apostolat dans l’Athabaska-Mackenzie et que toute la presse de France et du Canada loue déjà et recommande, rapporte l’événement qui détermina  la vocation du Frère Vincent Cadoret (page 396) :

«  Je passai une partie de l’été 1905 à parcourir les paroisses du Morbihan et à donner la confirmation à plus de 2.500 enfants. Ai-je besoin de dire que j’étais grandement édifié de voir la fidélité de ces bons Bretons à leurs devoirs religieux ? La divine Providence me fournissait ainsi l’occasion de faire appel aux âmes de bonne volonté qui voudraient se consacrer au service de Dieu dans nos missions. Mes paroles trouvèrent un écho dans plus d’un cœur.

Un dimanche, je prêchais, dans l’église de Bignan. Après la messe, le curé me dit :

—  J’ai mieux qu’une quête à vous offrir, voulez-vous venir avec moi dans une maison du bourg ?

Il me conduisit chez M. Cadoret. Nous trouvons ce brave homme avec sa femme et leurs six enfants, trois garçons et trois filles, tous déjà grands.

—  Voici, Monseigneur, ceux qui veulent vous suivre dans vos missions !

—  Comment ? m’écriai-je, toute la famille ? Mais le père et la mère consentent-ils à un si grand sacrifice ?  

Le bon M. Cadoret répondit :

— Si le bon Dieu les appelle, que sa sainte volonté soit faite.

— Et la maman., qu’en pense-t-elle ?

Elle aussi, malgré la douleur inévitable de la séparation, acceptait la volonté de Dieu et consentait à laisser partir tous ses enfants pour les Missions ! N’est-ce pas admirable ?

Je ne voulus pas cependant abuser d’une telle générosité. Prenant l’avis du bon pasteur, il fut décidé que trois seulement, un garçon et deux filles, partiraient avec moi cette année. Ce garçon est maintenant un excellent Frère, et les deux filles sont devenues des religieuses dans la communauté des Sœurs Grises. »

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Message  Louis Lun 10 Juil 2023, 5:52 am



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CHAPITRE VII

Chasseur

Viande sèche, viande pilée, pemmican.

Lorsque la chasse à l'orignal ou au caribou apporte l'abondance, durant l'été, le missionnaire peut en apprêter les dépouilles à la manière indienne et en faire de la viande sèche, de la viande pilée, du pemmican ; trois formes qui confèrent à la venaison du Nord l'incorruptibilité des momies de l'Egypte.

La viande sèche s'obtient en étalant sur des perches horizontales des tranches larges et fines dépouillées de leur graisse, Trois jours de soleil suffisent à lui donner la consistance du cuir. Une fumée entretenue sous l'échafaudage-séchoir éloigne en même temps les mouches noires et imprègne de toutes parts les appétissantes grillades. Légère, facile à briser, sinon à mâcher, substantielle, la viande sèche formera la réserve des longs voyages. Un seul mets lui sera préféré : la langue séchée et fumée de caribou.

La viande pilée. pulvérisée, fine comme la prise de tabatière, n'est autre que la viande sèche, martelée entre deux pierres. Elle se transporte dans des vessies chamoisées de renne ou d'orignal.

Le pemmican (du cris pemmi-can : graisseviande) est le mélange à parties égales d'une viande pilée nullement cuite et d'une graisse fondue : graisse ordinaire pour le pemmican commun, moelle tirée des os pour le pemmican de luxe. Les raffinés ajoutent à cette pâte une poignée de raisins de corinthe. C'est ce que le Père Roure, en souvenir sans doute de sa Lozère au Roquefort veiné, appelait le « fromage du Fort Rae ». Le pemmican, qui conviendrait peu à «  l'homme, de bureau »,  est le ragoût nutritif  par excellence de l'homme du Nord, coureur-des-bois, sauvage ou missionnaire. Gelé dur, il s'attaque à la hache, le soir au bivouac de la belle étoile. Libre à chacun aussi de diviser sa ration en plus petits morceaux qu'il emportera dans sa besace, et qui lui donneront, sur la route qui défile, l'illusion de gruger un fortifiant bonbon.

On se tromperait si l'on considérait le Frère coadjuteur comme chasseur de profession…

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Message  Louis Mar 11 Juil 2023, 6:37 am



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CHAPITRE VII

Chasseur

La marche du Frère aux dépouilles.

On se tromperait si l'on considérait le Frère coadjuteur comme chasseur de profession.

On se tromperait si l'on considérait le Frère coadjuteur comme chasseur de profession avec tout l'intérêt qu'évoque ce noble terme, Nommons-le  exactement chasseur aux dépouilles. Tel est son lot ordinaire, sans poésie, ne comportant que le plaisir — incomparable il est vrai — de songer qu'il est le pourvoyeur de l'œuvre  de  Dieu.

L'indien, qui fait le coup de feu pour le missionnaire, débite en quartiers son orignal, son ours, son renne, et, avant d'aller prévenir le Frère, recouvre cet amas de troncs d'arbres aussi enchevêtrés que possible. C'est la cache à l'épreuve de la dent des loups, des lynx, des renards, mais point, hélas ! du carcajou..

Le carcajou — nom attribué par les coureurs-des-bois au glouton, anglais volverine — est le plus lâche, le plus rusé et le plus malfaisant des êtres connus dans le Nord canadien. Si malfaisant qu'on le voit accomplir toutes les dévastations imaginables, si lâche qu'un lièvre le met en fuite, si rusé qu'il déroute tout chasseur et que rien ne dépasse la réputation du rare Indien qui parvient à le prendre : il fouille la neige jusque sous le piège qu'il pressent, le détend d'un coup d'épaule et mange l'appât.

Mgr Taché, dans son Esquisse sur le Nord-Ouest, nous en  a fait l'intéressant portrait.

Le carcajou, de la familles des plantigrades, est le fléau de nos forêts et la désolation des chasseurs. De la grosseur d'un chien de moyenne taille, il accomplit des. œuvres de destruction qui exigent une force et une habileté qui semblent souvent fabuleuses.  Il dérobe et cache dans la neige ou ailleurs, non seulement des aliments mais des ustensiles, et jusqu'aux lourdes scies de long en usage dans le pays.

J'ai vu un jour un de ces tours d'adresse qui m'a bien surpris. Mes compagnons de voyage, venant à  ma rencontre, avaient laissé en dépôt un fusil à deux coups et un sac de provisions qui devait servir à notre retour. Connaissant le danger que curaient ces objets, ils les avaient, ce semble, mis en sureté. Le fusil avait été encaissé avec efforts entre deux troncs d'arbres très rapprochés ;une longue perche, placée en travers sur deux arbres éloignés, reçut le sac de provisions. A notre retour, notre surprise fut excitée par le manière, dont le carcajou s'était joué de nous : non seulement il avait grimpé dans l'arbre, mais il avait marché sur cette perche faible et flexible qui semblait incapable de le porter, et était allé couper la corde qui retenait à cette perche le sac de nos provisions, qu'il avait dévorées, gaspillées ou enfouies; puis le fusil avait disparu.

Après de longues recherches, nous trouvâmes d'abord son fourreau, fait en cuir, qui avait été enlevé de l'arme et caché soigneusement; puis, dans une autre direction, à une plus grande distance, le fusil lui-même, placé sous un tronc d'arbre; des feuilles avaient été jetées par-dessus le fusil, et remuées jusqu'à une certaine distance, comme pour cacher les traces de l'habile voleur. Nous aurions cru à l'œuvre d'un homme, si la solitude profonde de la forêt ne nous avait pas forcés à reconnaître le fait du carcajou, dont la piste était partout dans le voisinage.

Si l'habileté du carcajou lui assure quelquefois le succès, voici un fait qui prouve que sa malice peut être punie, Un sauvage avait laissé sa loge sans personne pour garder les objets qui s'y trouvaient. Un carcajou pénètre bientôt dans l'habitation déserte, sort tous les objets un à un, et va les cacher à droite et à gauche, même à une grande distance. Il ne restait plus qu'un sac de poudre. Le carcajou s'en saisit, le cache dans les cendres du foyer; quelques charbons non éteints brûlent bientôt le sac et provoquent une explosion dont le coquin est le première victime, puisqu'elle l'étend mort sur place, jetant de droite et de gauche la cervelle du receleur.


Le Père Petitot complète ces détails.

Lorsque le carcajou a satisfait sa faim, il cache en différents endroits, sous la neige, ce qu'il n'a pu dévorer; puis il souille ses cachettes afin d'en soustraire le contenu à la dent des autres carnassiers... Buffon l'appelle avec raison le vautour des quadrupèdes, et les Flancs-de-Chiens le. frère du Diable.

Toutes précautions assurées…

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Message  Louis Mer 12 Juil 2023, 6:18 am



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CHAPITRE VII

Chasseur

La marche du Frère aux dépouilles.

SUITE

Toutes précautions assurées, autant qu'il se peut, contre les déprédations du carcajou et des autres pilleurs sauvages, le chasseur prend le chemin de la mission afin d'indiquer l'endroit de sa cache — à des longues journées de marche souvent  — et toucher son salaire.

Le Frère attelle alors ses chiens, et s'enfonce dans les bois.

Une idée des souffrances que peuvent entraîner ces expéditions aux vivres, nous est laissée dans quelques lignes du Père Ducot.

Il y avait longtemps que nous n'avions vu de viande fraîche. Quand nous fûmes bien lassés de ce jeûne, la Providence nous envoya un petit orignal, c'est-à-dire environ 300 livres. Cette aubaine nous coûta cher en peines et en fatigues;. En effet il fallut neuf journées de course au Frère Jean Marie pour l'aller chercher et l'amener ici, par des chemins abominables et un temps des plus pitoyables. Un jour la neige se mit à fondre, s'attachant au traîneau et encombrant le chemin. Les pieds du voyageur en étaient trempés. Puis, d'un coup, le thermomètre passa à 37 degrés centigrades au-dessous du zéro, avec un vent atroce qui gelait le Frère pendant le jour et l'empêchait de dormir pendant les nuits.  Le matin, il prenait l'onglée en essayant de faire du feu. Aussi est-il rentré ici à bout de forces tombant de sommeil.

C'est peut-être vers la fin de l'hiver que se font les chasses aux dépouilles les plus fréquentes :…

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Message  Louis Jeu 13 Juil 2023, 5:46 am



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CHAPITRE VII

Chasseur

Sauts de température, mares profondes, glace pourrie, le mirage.

C'est peut-être vers la fin de l'hiver que se font les chasses aux dépouilles les plus fréquentes : époque des sautes meurtrières de la température, de la glace qui se pourrit et des mirages qui trompent.

On dît, que la glace se pourrit, lorsque, sous les rayons déjà perçants du soleil, elle commence à se désagréger et offre comme une surface continue d'aiguilles acérées. Le Frère, au moment de s'engager sur les lacs, chausse ses chiens, afin de préserver leurs pattes, avec des mocassins de toile ou de peau de renne. Ses coursiers lui rendent un regard de reconnaissance.

Les errements des mirages pourraient être fatals aux Frères que la pratique des voyages n'a pas encore habitués à la typographie réelle du pays. Les anciens eux-mêmes s'y laissent décevoir parfois.

Ce sont les couches froides et chaudes de l'atmosphère qui se déplacent continuellement et réfractent la lumière comme les prismes d'un kaléidoscope. Les distances se bouleversent en des courses affolées. Telle île toute voisine, recule à l'horizon. Tel rivage ordinairement invisible s'approche tout à coup à la portée de la main. Les forêts se lèvent et s'abaissent, se doublent même: des futaies dont les racines se trouvent en l'air touchent de leurs têtes celles que l'on connaît. Voici les caps qui se dressent, l'un en face de l'autre, se regardent, se menacent, s'arc-boutent comme des mâchoires prêtes à s'entre-dévorer. Les glaçons ensoleillés s'agrandissent comme des icebergs et flamboient comme des rubis. Telle loge indienne cachée derrière des monticules et des bois, à des journées de marche, apparaît soudain dans les airs tout près de vous, avec son tranquille panache de fumée et ses hôtes d'alentour. Un renard errant au bord opposé du lac prend la taille d'un mastodonte.

Les contes persans eussent trouvé dans notre Nord tourmenté par les premiers effluves du soleil polaire l'inspiration de scènes étranges en des palais de glace,

Le Frère, qu'on attend à la mission, avec, sa charge précieuse, se hâte à travers ces obstacles irréels, demandant à son bon ange de le guider toujours. Heureux — car c'en est aussi l'époque — s'il n'est pas atteint jusqu'au fond des yeux par cet effroyable mal de neige que nous avons décrit ailleurs.

Si les missionnaires sauveurs des âmes…

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Message  Louis Ven 14 Juil 2023, 6:49 am



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CHAPITRE VII

Chasseur

Les fourrures.

Si les missionnaires sauveurs des âmes s'étaient livrés au commerce, nous serions loin d'avoir fini de raconter leurs chasses. Car les neiges de l'Athabaska-Mackenzie entretiennent les plus riches pelleteries du monde.

« Ces fourrures sont celles du castor, des ours noir, brun, gris et blanc, des renards de toutes couleurs, jaune, bleu, croisé, argenté, noir, du lynx, de la martre, du bison, de la loutre, des loups blancs, gris et noir, du glouton ou carcajou, du pékan, de l'hermine, du bœuf musqué ou ovibos, du morse, des phoques soyeux et, marbré, de l'ondatra ou rat musqué, enfin du cygne-trompette, de l'eider et du grèbe. »

Inégalement disséminées sur l'étendue du territoire subarctique, ces variétés dotent chaque district de quelques espèces précieuses.

Dans les commencements, jusqu'en 1867, date où expira le monopole de la Compagnie de la Baie d'Hudson pour le commerce des fourrures, c'eût été aux yeux de l'Honorable et très susceptible Compagnie un cas irrémissible de lèse-droit, qu'un missionnaire achetât ou vendît une peau d'animal. Même lui faisait-on parfois un crime d'employer à son propre usage ou d'offrir à quelque bienfaiteur une dépouille qu'un sauvage lui donnait.

Depuis la cessation du monopole, les concurrences se sont jetées de plus en plus avides et nombreuses sur le butin du Nord.

Quant au missionnaire, dont la vie se donne sans partage au soin de son bercail et aux travaux indispensables à sa subsistance, il ne put ni ne daigna jamais tourner vers les fourrures une activité que réclamaient les charges de sa vocation apostolique.

Cependant, si, dans les pièges qu'il tend parfois sur le chemin de ses travaux ou de ses courses, il trouve quelque soyeux captif, c'est encore pour le bien des âmes qu'il en emploie le prix.

Le Frère Olivier Carrour,..

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Message  Louis Sam 15 Juil 2023, 7:39 am



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CHAPITRE VII

Chasseur

Le renard noir du Frère Leroux et de Léon XIII.

Le Frère Olivier Carrour, célèbre pêcheur, voyageur, jardinier, de Notre-Dame de la Providence où il résida de 1875 à 1914, apporta plus d'une fois, un retour de ses visites à la forêt, soit le repas du lendemain. soit le doux vêtement de quelque renard. Petit, mais trapu, solide, -— Breton, de fait —, il épaulait ferme son fusil à baguette, plus grand que lui-même, mettant son bonnet sur l'œil gauche, incapable qu'il était de le fermer seul et n'ayant eu personne jour lui démontrer que le vrai chasseur doit viser les deux yeux ouverts, et le coup partait abattant presque infailliblement au vol son oie ou son canard aussi bien que l'ours et le cerf des bois. Mais son art consommé fut de placer ses pièges. Il n'y eut que le carcajou à n'y jamais donner.

Ce ne fut pourtant pas le Frère Olivier, mais le Frère Leroux  du  lac Athabaska, qui eut l'honneur  de faire parvenir aux pieds de Léon XIII, le 18 octobre 1898, la plus riche des fourrures connues : celle d'un renard noir...

Mgr Grouard, vicaire apostolique d'Athabaska-Mackenzie la porta lui-même à l'auguste Pontife, dans une mémorable audience que le Prélat raconta ainsi à ses missionnaires :

... J'entrai ensuite dans le détail de la vie des indigènes, nomades, vivant uniquement de chasse et de pêche. J'abordai la question du commerce, des échanges, des forts établis par la Compagnie de la Baie d'Hudson et où les sauvages apportent des fourrures. Enumération des animaux dont la fourrure a plus ou moins de valeur, pour arriver au renard noir que je voulais offrir. Je racontai comment le Frère Leroux avait tué ce renard, les négociations d'abord entamées avec un docteur protestant, qui voulait l'acheter pour un beau fusil et biens d'autres choses, enfin la généreuse abnégation du docteur, qui s'écriait, en renonçant à ses prétentions sur le renard noir :

— Eh bien ! puisque c'est pour le Pape, vous direz au Pape que je renonce à mes droits en sa faveur.

Léon XIII fut visiblement touché:

— Vous lui direz que le Pape le bénit, lui et sa famille, et que la bénédiction du Pape lui portera bonheur !... Vous m’apportez cette peau de renard ?

— Oui. Très Saint-Père, et je serai heureux si vous daignez accepter cette offrande. C’est peu de chose ; mais c’est ce que le pauvre pays du Nord a de plus rare et de plus précieux.

—  Oh ! je l’accepterai avec plaisir !

— Très Saint-Père, les religieux qui m’accompagnent l’ont avec eux, et quand vous voudrez bien les admettre pour recevoir votre bénédiction, ils l’apporteront… Mais je voudrais auparavant achever de vous renseigner sur nos missions.

Je parlai de nos bateaux à vapeur du pays du Youkon, du Klondike, des pères que j’y avais envoyés. Puis je commençai à lui demander des bénédictions pour tous : pères, frères, sœurs, parents, amis, en particulier pour le frère qui avait tué le renard, enfin pour toutes nos missions en général. Le vénérable Pontife s’informa ensuite de mes projets :

— Vous allez rentrer en France et vous reposer un peu ?

— Très Saint-Père, je me propose de visiter les séminaires et d’exhorter les séminaristes à se dévouer à nos missions.

— Vous voulez les emmener avec vous dans votre pays ?

— Pas immédiatement. Je les invite d’abord à entrer dans la Congrégation et à se faire Oblats.

—  C’est cela, me dit le Pape, n’ayez que des Oblats… Eh bien ! Et cette peau de renard ? Je veux la voir.

Et il commanda  d’introduire les trois pères qui m’accompagnaient. Ceux-ci ne se firent pas attendre, et je remis au Saint Père la belle fourrure qui lui fit grand plaisir :

— Je la garderai pour moi, dit-il, en la caressant.

Et adressant la parole au jeune Père qui se trouvait le plus près :

—  Vous voulez vous en aller avec ce bon Evêque ? Il vit dans un pays bien froid. Mais voyez comme il est joyeux et content !...

—  Auprès de vous, Très Saint-Père et avec l’accueil bienveillant que vous me faites, comment ne serais-je pas joyeux ?

Et je commençai à parler de la peau de renard, que le Pape tenait entre les mains, de la difficulté très grande de tuer cet animal, de la manière dont on tend les pièges, et je fis la mimique du  renard qui sent l’appât, mais qui se défie, qui approche, tourne, gratte la neige, etc. Le bon Pape suivit des yeux tous mes gestes, riant de tous ces détails, reproduisant sur ses traits, dans ses regards, les sentiments de défiance que doit avoir maître renard avant de se laisser prendre. C’était vraiment charmant, délicieux, de voir le Saint-Père se délasser avec nous, et laisser un instant de côté, pour nous, les soucis et les graves affaires qui l’assiègent continuellement…

—  Vous direz à vos missionnaires que le vieux Pape les bénit, répéta-t-il encore pour finir…

En quittant, touché,  ému et ravi, le Souverain Pontife, je n’avais qu’une prière au cœur et sur les lèvres : Que Notre-Seigneur me reçoive aussi bien que son Vicaire ! Je ne demande rien davantage !...

A suivre : Chapitre VIII : Pêcheur.

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Message  Louis Dim 16 Juil 2023, 12:21 pm


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CHAPITRE VIII

Pêcheur

Nourriciers des « grandes missions ». – « Donnez-nous notre poisson quotidien ». –  Mgr de Mazenod, Mgr Grandin et le brochet de Marseille. – La pêche de l’été.  – Le Frère Hémon. –  Ses souvenirs. –  La pêche du printemps. – Le poisson sec. –  Lettre du Frère Olivier. – La pêche d’automne. – « Le cri des grues blanches » . –  Conditions d’une bonne pêche. – Romans d’aventure…  –  La protection de saint Joseph. –  Un 28 octobre au lac Athabaska. –  Entre les écueils. – L’avenue merveilleuse.  –  Le Saint-Gabriel sur l’îlot du  Grand Lac des Esclaves. – Le poisson à la pente. – 15.000 kilos sur le Frère William. –  Limites du « faisandage ». –  La pêche sous la glace. – Sauvetage du Père Duport par le Frère William.  – Un 16 novembre…–  Pêche à l’hameçon. – Le Frère Meyer et la crevasse. – Lundi de Pâques 1910. – La pêche au filet sous la glace. – Pour l’amour de Dieu.

Nourriciers des « grandes missions ».

Ce chapitre devrait s'écrire en lettres d'or, parce qu'il lui revient, de raconter l'effort, incomparable du Frère coadjuteur dans la fondation et le soutien des œuvres les plus magnifiques de l'Eglise au pays des neiges et d'illustrer cette pensée de Mgr Faraud, premier vicaire apostolique de l'Athabaska-Mackenzie :

Le jour où nos bons et vaillants Frères viendraient à nous manquer, nous n'aurions plus qu'à fermer les portes de nos orphelinats, hôpitaux, hospices et à renvoyer aux horreurs de l'abandon au fond des bois tous les malheureux que nous avions sauvés.

Pensée que Mgr Grouard, successeur de Mgr Faraud reprenait en ces termes :

Nos chers Frères sont les pères nourriciers de nos missions. C'est une vie très pénible que la leur, mais rien ne les arrête au milieu des neiges et des vents, parce qu'ils savant que les Sœurs de charité, leurs orphelins, leurs vieillards et leurs malades comptent sur eux comme sur leur seconde providence.

Les résidences, que nous dénommons petites missions, du fait qu'elles n'ont point la charge des établissements de refuge et qu'elles envoient leurs propres miséreux aux grandes missions, pourraient durer peut-être, même privées du dévouement de nos coadjuteurs, à la condition que le missionnaire, au détriment de son saint ministère, y dépense ses journées à se défendre du froid et de la faim.

Mais les « grandes missions » pourvues d'orphelinats, d'écoles, d'hospices, d'hôpitaux, de dispensaires, comme celles du lac Athabaska. du Grand Lac des Esclaves, de N.-D, de la Providence, répètent encore au Frère dévoué, avec la même vérité que Mgr Faraud, il y a cinquante ans : Oculi omnium in te sperant : C'est en vous que repose toute notre espérance.

Le Frère Marc avait enseigné le Notre Père à un…

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Message  Louis Lun 17 Juil 2023, 7:00 am



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CHAPITRE VIII

Pêcheur

« Donnez-nous notre poisson quotidien.».

***

Le Frère Marc avait enseigné le Notre Père à un rude néophyte de la rivière des Liards. Au bout de quelques jours. l'Indien ayant réfléchi, vint revoir son maître ;

—  Frère de l'Homme de la Prière, j'ai quelque chose à te demander.

— Parle. Le Frère de l'Homme de la Prière t'écoute.

—  Tu m'as expliqué qu'il fallait dire « Celui qui a fait la terre :  « Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien ».

— Eh bien ?

—  Eh bien ! je voudrais savoir si on ne pourrait pas changer un peu cela, sans que le Puissant Bon ne se fâche. Du pain, avec des grands yeux vides, ou bien pressé tout plat comme de la galette, c'est bon pour les Visages Pâles. Nous autres aussi nous l'aimons bien. Mais il y a quelque chose de bien meilleur pour les Dénés et où il y a bien plus de force, c'est l'orignal. Alors, est-ce que tu use permettrais de dire : « Donnez-nous aujourd'hui notre orignal quotidien ? »

Trahit sua quemque voluptas : Chacun se porte à ce qu'il aime. Les missionnaires du Mackenzie ont durant près de quarante ans prié : « Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien », sachant qu'ils ne pouvaient attacher à cette divine demande que son sens strictement spirituel, surnaturel,

Ils mangent désormais le vrai pain, palpable et blanc, de nos tables d'Europe, grâce au perfectionnement des transports, grâce surtout aux aumônes croissantes des âmes charitables, les vicaires apostoliques peuvent leur procurer ce pain de chaque jour. Mais la réserve en est encore limitée. Et la faim épuiserait vite la huche du missionnaire.

Encore moins faut-il compter sur l'orignal, l'ours, le caribou, le lièvre même. Nous avons dit pourquoi.

Une seule prière peut être formulée toujours, sans tenter Dieu  :

—  « Donnez-nous aujourd'hui notre poisson quotidien ! »

Le poisson abonde dans les eaux du versant arctique…


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Message  Louis Mar 18 Juil 2023, 6:21 am



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CHAPITRE VIII

Pêcheur

Mgr de Mazenod, Mgr Grandin et le brochet de Marseille.

Le poisson abonde dans les eaux du versant arctique. Il est varié. Il est riche. Il est délicieux. En voici un témoignage auquel chaque missionnaire ajouterait le sien.

Mgr Grandin, l'Evêque pouilleux de Louis Veuillot, personnification de l'humilité, de la mortification, du zèle, et dont la cause de béatification est proposée depuis plusieurs années, venait de recevoir, à Marseille, des mains de Mgr de Mazenod, Fondateur des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée, la consécration épiscopale. Il avait trente ans. Mgr de Mazenod ne pouvait se rassasier d'entendre le « fils de son cœur », auquel il avait tout donné, depuis la tonsure jusqu'à l'épiscopat, et qui lui revenait des régions du Pôle, à une époque — 1859 — où tout y était encore sauvage avec des récits semblables à ceux des temps apostoliques. Il s'amusait, tout en s'édifiant, à voir son missionnaire manger le pain, qu'il n'avait plus goûté depuis des années, et dont on lui doublait adroitement les rations :

— Que c'est bon, Monseigneur, disait le jeune évêque ! Si vous saviez !

La veille du départ de Mgr Grandin pour ses missions, l'Evêque de Marseille convia au dîner d'adieu des notables de la ville avec plusieurs prélats et un nombreux clergé.

On a appelé Mgr de Mazenod le grand pénitent du XIXe siècle, Il eût été difficile, d'être plus mortifié que lui, et ses fils attendent le jour où l'Eglise, proclamant la grandeur de toutes ses vertus, le placera sur les autels. Mais il n'oubliait pas que Notre-Seigneur avait honoré les noces de Cana, et qu'il est juste de faire quelquefois au corps la part des joies de l'âme. La charité fraternelle, qu'il inculqua, comme marque spéciale, à sa Congrégation, et qu'il devait lui laisser pour testament, sur son lit de mort, régnait, vaste et exquise, dans son grand cœur,

Rien ne manqua donc à ce dernier repas. Un cordon bleu spécial avait été mandé.

Toutes les langues étaient déliées, et les agapes marchaient au mieux, lorsqu'apparut, « en pompeux équipage » un brochet fumant, doré, odorant, splendide...


Dernière édition par Louis le Mer 19 Juil 2023, 7:36 am, édité 3 fois (Raison : Orthographe.)

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Message  Louis Mer 19 Juil 2023, 5:11 am




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CHAPITRE VIII

Pêcheur

Mgr de Mazenod, Mgr Grandin et le brochet de Marseille.

SUITE

Toutes les langues étaient déliées, et les agapes marchaient au mieux, lorsqu'apparut, « en pompeux équipage » un brochet fumant, doré, odorant, splendide...

Mgr de Mazenod, qui l'avait soigneusement commandé, eut son sourire le plus satisfait. Ce plat allait faire tant de plaisir au pauvre évêque, qui en était toujours à gruger son malheureux pain...

— Eh bien ! Que ferais-tu, Satala, lui dit-il en montrant le brochet (Satala, c'était le titre in partibus infîdelium de Mgr Grandin ; et Mgr de Mazenod, qui était de l'ancienne noblesse de France en avait conservé pour ses intimes le tutoiement d'honneur), que ferais-lu, Satala, si on te présentait un jour dans tes missions un poisson comme celui-ci?

La bouche déjà ouverte pour applaudir à ce qu'allait répondre l'évêque des sauvages, tous les convives attendaient. Mais la réponse n'osait venir.

— Allons, allons, encouragea Mgr de Mazenod, ne crains pas ! Que ferais-tu ?

— Eh bien ! je le donnerais à mes chiens...

— A tes chiens?,. A vos chiens?,, firent, pêle-mêle, toutes les voix comme si l'on avait  mal compris. Un brochet de Marseille ? insistèrent quelques-uns,,,

—  Oui, à mes chiens, continua candidement le prélat; et je ne suis même pas certain qu'ils en voudraient toujours,

La stupéfaction de l'assemblée ne diminua pour faire place à l'admiration et à l'attendrissement, qu'à mesure que l'évêque missionnaire expliqua ce qu'il en est …


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Message  Louis Jeu 20 Juil 2023, 6:58 am



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CHAPITRE VIII

Pêcheur

Mgr de Mazenod, Mgr Grandin et le brochet de Marseille.

SUITE

La stupéfaction de l'assemblée ne diminua pour faire place à l'admiration et à l'attendrissement, qu'à mesure que l'évêque missionnaire expliqua ce qu'il en est :

—   Chez nous, le brochet, meilleur encore que le vôtre — excusez-moi, Messieurs, c'est à la louange de la Providence,  si bonne pour nos pays déshérités, que je le dis  — le brochet est regardé comme le dernier des poissons. Nous avons mieux, beaucoup mieux: des carpes, des truites saumonées énormes, des truites grises qui peuvent dépasser les trente kilos, des saumons blancs que nous appelons des inconnus parce qu'il ne s’en est jamais vu en amont des rapides du Fort-Smith, des harengs qui descendent du Grand Lac de l'Ours ou remontent de la mer Glaciale, des poissons bleus du côté de la rivière la Paix, et partout en nombre incalculable, celui qui dépasse tous les autres et dont on ne se fatigue jamais: le poisson blanc. Toutes ces espèces fourmillent, à certaines saisons, au bord des lacs et dans quelques remous de nos rivières, non pas dans le courant même de l'eau, toutefois, si ce n'est au temps des passes. Et voyez encore la bonté de Dieu. Il fait froid chez nous. A la combustion du froid il faut fournir ce que les savants appellent des calories, Eh bien ! cela se trouve dans notre poisson. Il est si nourrissant qu'il remplace tout outre aliment et que rien ne le remplace entièrement. II est si dodu et si gras qu'il suffit pour le faire cuire de le mettre tel quel sur le feu : bientôt il nage dans son jus, et la blancheur de sa chair, qui se passe d'assaisonnement, inspire l'appétit à l'estomac le plus délabré. Plus l'eau est froide, meilleur est noire poisson... Mais il est souvent difficile de le prendre à cause des tempêtes, des vagues soulevées, de l'hiver très long, de l'inclémence, en un mot. de notre climat.

A la date où Mgr Grandin parlait ainsi, il n'y avait encore dans l'Athabaska-Mackenzie que les résidences des missionnaires — petites missions.

Depuis, avec la fondation des établissements de charité que nous avons énumérés plus haut, la pêche, celle du printemps, celle de l'été et surtout celle de l'automne, est devenue « l'industrie missionnaire » par excellence.

La pêche de l'été

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Message  Louis Ven 21 Juil 2023, 6:33 am



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CHAPITRE VIII

Pêcheur

La pêche de l’été.

***

La pêche de l'été ne se pratique guère qu'aux missions situées sur les grands lacs.

Elle amène rarement l'abondance parce que le poisson, fuyant les couches attiédies, se réfugie dans l'eau profonde.

L'un des « pêcheurs d'été »…

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Message  Louis Sam 22 Juil 2023, 6:38 am



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CHAPITRE VIII

Pêcheur

Le Frère Hémon.

L'un des « pêcheurs d'été » les plus assidus que nous ayons vus à l'œuvre est le Frère François Hémon, du lac Athabaska. Chaque après-midi, les soins intérieurs de la missions achevés, sa basse-cour mise en ordre, et ses exercices religieux accomplis, il détache sa barque et va, jusqu'à dix kilomètres du rivage, tendre ou visiter ses rets. Il rapporte quelquefois le repas du lendemain,

Connaître le Frère Hémon. c'est revoir sourire toujours une bonne figure Vannetaise, toute ronde, presque sans rides, malgré ses soixante ans passés, encadrée d'une fine barbe ondulante qui dût être jadis très noire, et illuminée de cet intelligent, doux et sympathique regard, qui est le rayon des âmes fortes, tendres et sincères.

Son frère aîné, Mathurin, religieux convers à la Trappe de Tymadeuc, le pressait de le rejoindre sous l'habit monastique. François se disposait à quitter Grandchamp pour répondre à ce qu'il croyait être l'appel de Dieu, lorsqu'une lettre du Père Lecorre, criant « au secours » pour les missions du Mackenzie, lui tomba sous les yeux. Séduit, comme tant d'autres, par le titre d'Oblat de Marie Immaculée d'abord et par l'attrait du sacrifice ensuite, il partit aussitôt, et, après quarante ans écoulés au pays des neiges, il ne peut encore raconter, sans y mêler des larmes de joie, l'histoire, si simple, de sa vocation.

Il resta toujours au lac Athabaska.

Tandis qu'il s'y rendait, Mgr Faraud, le recevant au lac la Biche, lui avait dit :

—  Je vous envoie dans la mission la plus pénible du Nord.

Nous avons attendu pour présenter le Frère Hémon ce chapitre de la pêche, parce qu'il y consacra la plus grande partie de ses forces et qu'il en épousa les plus tragiques aventures. Mais sa place se marquerait aussi parmi les bâtisseurs : il n'est pas une construction à la Nativité. à N.-D. des Sept-Douleurs, à Saint-Jean-Baptiste de Mac Murray, à Sainte-Marie de Fitzgerald, qui n'ait porté son empreinte. Tantôt il assistait le Frère Ancel, tantôt il dirigeait l'entreprise. Chef d'équipages il fit aussi ses longs voyages. Jardinier il retourna quarante fois la terre du marais que dessécha Mgr Faraud en I849. De lui et de tous les Frères nommés jusqu'ici, comme du Frère Corfmat, cet autre Breton, comme du Frère Larue, ce Canadien Français à la stature de géant et au courage de fer, nous pouvons proclamer que chacun serait en droit de dire, devant tous les faits, devant toutes les descriptions, devant tous les portraits dont notre récit s'est, de lui-même, émaillé   :

— J'y étais. Je m'v reconnais.

Oui, il y furent, et ils y sont restés, ces braves, ces humbles, ces inconnus, ces... ignorés parfois.

N'était-ce pas cet hommage que voulait leur rendre Mgr Grouard, lorsqu'il écrivait à son supérieur général, justement au sujet du Frère Hémon ;

Maître pêcheur, maître faucheur et maître scieur, sans compter mille travaux divers auxquels il se prête de gaieté de cœur, comme tout le monde du reste, dans cette contrée où nous essayons de rendre notre existence  aussi tolérable que possible ?

Nous parlant de cette existence rendue tolérable, le Frère Hémon nous raconta…


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Message  Louis Dim 23 Juil 2023, 5:48 am


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CHAPITRE VIII

Pêcheur

Ses souvenirs.

Nous parlant de cette existence rendue tolérable, le Frère Hémon nous raconta, par manière d'exemple, qu'un été, vers 1885, la disette fut telle à la Mission de la Nativité qu'il n'y avait plus, depuis longtemps, pour tout mets et dessert, qu'un petit tas de poussière d'une viande sèche, achetée autrefois des sauvages, en prévision des mauvais jours, et servie sur une écuelle en bois, où chacun tirait la menue part de son repas. Ni pain, ni beurre, ni pommes de terre, rien. Un jour, le Père Pascal, venu pour présider le dîner, comme à l'ordinaire, commença le bénédicité puis, constatant qu'il ne restait plus que quelques débris de cette nourriture à bénir, il finit la prière par un sanglot, et s'en alla sans manger.

— Pauvres enfants, disait-il aux Frères, comment pouvez-vous travailler avec une si pauvre subsistance !

Ce trait nous porte à. comprendre l'assiduité du Frère Hémon a sa pèche quotidienne de l'été, si précaire qu'elle soit.

Le Père de Chambeuil, que Dieu vient de rappeler a lui, aimait l'accompagner. C'était pour eux l'occasion de se remémorer leurs équipées communes des pêches d'automne, et en particulier le bain de 1894.

Comme ils allaient tous deux sur la glace nouvelle, mais solide déjà ils empiétèrent, sans y prendre garde, sur la  couche amincie par le frottement de la rivière Athabaska qui traverse le lac. Les chiens, lancés comme une flèche, franchirent la glace qui s'effondrait; mais le traîneau et les missionnaires plongèrent ensemble dans le chenal. Le Père de Chambeuil, trop petit, avait de l'eau jusqu’'aux cheveux, et son poids trop léger cédait au courant qui l'emportait. Le Frère Hémon ayant encore la bouche au-dessus de l'onde, hissa le Père à bout de bras sur la glace ferme. Après quoi, il détela les chiens dont le dernier mordait furieusement ses attaches, et, une demi-heure durant, il travailla à porter avec ses pieds jusqu'à ses mains, et avec ses mains jusqu'à la glace tous les instruments de pêche, dispersés au fond de la rivière. Ayant enfin soulevé le traîneau, il sauta à son tour, et, les dents « claquant à se briser », à peine capable de remuer ses membres gourdes, il changea de linge, en plein lac. Une toile cirée avait heureusement préservé ses effets.

La pêche du printemps donne plus abondamment que celle de l'été…

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Message  Louis Lun 24 Juil 2023, 6:58 am



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CHAPITRE VIII

Pêcheur

La pêche du printemps.

***

La pêche du printemps donne plus abondamment que celle de l'été.

A peine les premières rivières sont-elles dégelées que les légions de poissons voyageurs — tous ne le sont pas — quittent leur retraite des grands lacs pour s'acheminer, soit en descendant les cours d'eau, soit en les remontant, vers les lacs de dimensions moyennes, où se trouve la nourriture qu'ils recherchent.

Pendant le mois que dure cette migration, on tâche de , découvrir les chenaux de la carpe.

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La carpe est le poisson providentiel du printemps, qui passe en rangs serrés et se prête le mieux à devenir le poisson sec

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Message  Louis Mar 25 Juil 2023, 5:50 am



Apôtres Inconnus

CHAPITRE VIII

Pêcheur

Le poisson sec.

La carpe est le poisson providentiel du printemps, qui passe en rangs serrés et se prête le mieux à devenir le poisson sec.

Il faut voir la liesse des camps indiens, à l'embouchure des divers affluents resserrés de l'Athabaska et du Mackenzie, au mois de mai.

— Quinze jours, c'est assez, si lu veux engraisser un sauvage et ton chien, dit l'adage montagnais.

La preuve s'en refait alors. Arrivés maigres, « faisant pitié », an lieu de la pêche, on voit, au bout de la quinzaine, toute la tribu, hommes, femmes, enfants et chiens, ruisseler d'embonpoint

Les hommes visitent les rets. Les femmes apprêtent les poissons. Les enfants disputent aux chiens les débris. Cependant les carpes désossées s'étendent sur les perches parallèles, et sous le soleil qui les évapore, tandis qu'une boucane les fume. Soleil et boucane en ont vite fait, à l'instar de la viande sèche, un parchemin roide, cassant, incorruptible: le poisson sec.

Plus d'un missionnaire et beaucoup de sauvages doivent à cette réserve de poissons sec d'avoir échappé à la mort, au cours de longs voyages.

Le Frère Hémon découvrit la passe des carpes du lac Athabaska, au bord de l'Ile aux Patates, D'autres misions sont encore à la rechercher dans leurs parages. Elles ont dû jusqu'ici aller si loin pour rejoindre les migrations connues, qu'elles n'en purent jamais rapporter, à cause des barrages de glace et des distances même, qu'une pauvre fortune.

La lettre suivante du Frère Olivier écrite à S. G. Mgr Breynat…

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Message  Louis Mer 26 Juil 2023, 6:20 am



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CHAPITRE VIII

Pêcheur

Lettre du Frère Olivier.

***

La lettre suivante du Frère Olivier écrite à S. G. Mgr Breynat, retenu en France par le chapitre général de 1908, nous donnera l'aperçu de ces pêches du printemps à l'orphelinat de N,-D. de la Providence. Elle commence par un petit compte rendu que le lecteur pourra reporter aux chapitres du chasseur et du bâtisseur. Nous n'avons voulu enlever aucune saveur au rapport ingénu du bon Frère.

Monseigneur  et bien-aimé Père,

Je vais vous écrire quelques lignes pour vous souhaiter le bonjour et que Dieu vous conserve la santé, et en même temps pour vous dire que je me porte très bien pour Je moment.

Vous savez que j'ai été à la chasse avant votre départ. J'y suis resté jusqu'au moins d'avril. J'ai pris plus de six mille lièvres, Seize renards et sept pichous (chats sauvages, lynx).

Après, nous avons équarri cent vingt billots. Après, j'ai scié avec le Frère Marc jusqu'au mois «le mai.

Le 3 mai, je suis parti pêcher aux îles aux Saules. Il y avait beaucoup d'eau, à cause d'une digue de glace qui se trouvait plus bas. Tous les jours on se réveillait dans l'eau. Il y en avait sept pieds à la Pointe-aux-Brochets, au bout de la Grande-Ile.

A la fin je me suis rendu à  la rivière Castor (affluent duMackenzie, à quarante kilomètres de la Providence). Là aussi, l'eau rentrait dans la cabane. Mais j'ai pris de beaux poissons.

Au bout d'une semaine, la digue de glace a crevé, et trois ou quatre jours après la rivière était si basse que je ne l'avais jamais vue comme cela; il n'y avait plus d'eau que dans le milieu du Lac Castor.

Je suis retourné à la Grande-Ile, en faisant le tour de l'Ile à la Truite. J'ai eu beaucoup de peine à passer à cause de la glace.

A la Grande-Ile (soixante kilomètres de la mission) il y avait beaucoup de poissons; mais il ventait.

Monseigneur, voilà trente ans que je fais la pêche. Je n’ai jamais eu autant de difficultés que ce mois-ci, de toutes manières. Il tombait de la neige au mois de mai, comme en mars; et là où nous étions il n'y avait que de tous petits saules pour faire le feu.

Ce n'est pas pour me plaindre que je vous cela, Monseigneur, c'est à cause de ceux qui étaient avec moi. J'avais peur qu'ils n'attrapent froid et ne tombent malades. Mais tout le monde a été très bien.

Nous avons donc eu plus de misères, ce printemps, qu'à l'automne. Alors, nous avions porté nos croix jusqu'au pied du Calvaire. Cette fois-ci, nous les avons traînées jusqu'en haut. Que la volonté de Dieu soit faite !

Je suis toujours content au Mackenzie, parce que c'est pour l'amour de Dieu et de Marie Immaculée. Quand j'ai de la peine, ca me console de penser que ce n'est pas pour moi que je travaille. mais pour nourrir les enfants les plus pauvres du pays...


L'effort vital suprême…

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Message  Louis Jeu 27 Juil 2023, 6:39 am



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CHAPITRE VIII

Pêcheur

La pêche d’automne.

***

L'effort vital suprême, qui se répète chaque année au Mackenzie, l'effort dont dépend la subsistance presque entière des grandes missions durant les huit mois de l'hiver, c'est la pêche d'automne.

— Lorsque tu entendras…

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Message  Louis Ven 28 Juil 2023, 6:36 am



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CHAPITRE VIII

Pêcheur

« Le cri des grues blanches » .

— Lorsque tu entendras les grues blanches crier dans les hauteurs de l'air, disent les Couteaux-Jaunes, regarde dans l'eau : le poisson n'est pas loin.

C'est parfois vers le 20 août que commencent à passer dans le ciel les herses solennelles des oies et des grues sauvages. avant-garde des aquilons, qui les ont chassées des bords de l'océan Glacial, où, sous le soleil de minuit, elles achevaient d'élever leurs couvées et de refaire leurs plumes.

Et déjà, comme s'il entendait ce signal de l'hiver, le poisson s'apprête à déserter les milliers de petits lacs qui l'ont nourri, engraissé tout l'été, et à regagner les eaux profondes de la mer Glaciale, du Grand Lac de l'Ours, du Grand Lac des Esclaves, du lac Athabaska.

Les petites espèces, et les petits poissons de chaque espèce ouvrent le défilé. Le gros de l'armée ne s'engouffrera qu'on fin septembre ou en octobre dans les grands flots, pour frayer sur les bancs de sable d'abord et pour gagner ensuite les abîmes.

Prompte découverte des passes poissonneuses, temps serein continu, fraîcheur de l'air et des eaux…

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Message  Louis Sam 29 Juil 2023, 5:53 am



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CHAPITRE VIII

Pêcheur

Conditions d’une bonne pêche.

Prompte découverte des passes poissonneuses, temps serein continu, fraîcheur de l'air et des eaux, crue moyenne qui permette la pose des filets loin des herbes aquatiques, absence de glaçons sur les bassins de pêche, vent propice au retour des bateaux chargés, submersion suffisante des hauts fonds et des écueils, venue rapide de la gelée pour conserver le poisson : il faut que toutes ces conditions se réalisent en l'espace de trois à. quatre semaines, pour que le missionnaire ait l'assurance qu'au cours du long hiver, une Sœur de charité ne viendra pas, la figure défaite, la voix timide, lui dire un jour :

— Mon Père, i! n'y a presque plus rien. On a déjà un peu faim... Nous, ce n'est rien, mon Père, vous savez,,. Mais les petits ?...

De vingt-cinq à trente mille poissons, de quatre à huit livres chacun, doivent être pris durant le mois d'octobre, et amenés à la « grande mission », pour qu'elle subsiste.

La Mission de la Nativité trouve son vivier au lac Athabaska, dans le rayon de quarante kilomètres.

La Mission de N. D. de la Providence le rencontre à quarante kilomètres, si c'est à la pêche Sainte-Anne du lac Castor, et à soixante-quatre si c'est au Grand Lac des Esclaves,

La Mission du Sacré-Cœur, Simpson, doit aller à deux cent quarante kilomètres, dans les mêmes parages que Notre-Dame de la Providence.

La Mission Saint-Joseph du Grand Lac des Esclaves péchera de trente à cinquante kilomètres de chez elle.

Partis de bonne, heure, pour remonter de pareilles distances, maints bateaux n'atteignirent que très tard leurs bassins de pêche. D'autres fois ils se trouvèrent à leur poste, mais le poisson tarda. Ou bien les chenaux connus et sur lesquels on comptait avaient disparu, et le temps s'écoulait à la recherche des passes nouvelles. Aux années de sécheresse, les grandes herbes obstruaient les mailles des filets. Aux saisons inondées, les légions migratrices, n'ayant plus à se serrer dans les étroits passages, se répandaient sur les vastes étendues, défiant ainsi les rets et les pêcheurs. C'était souvent merveille les premiers jours. Le Frère Leroux démailla 325 poissons, à la visite d'un seul filet. Le lendemain un vent furieux souleva des vagues qui emportèrent tous les engins de pêche, qu'on ne put ressaisir. Combien de fois les tempêtes immobilisèrent-elles toutes les barques pendant des jours et des jours que le poisson passait ! Puis venait la gelée précoce qui en une nuit, en une heure parfois, incrustait sur place les cargaisons entières. L'hiver se passait alors en coûteuses expéditions de traîneaux à chiens. Une attelée rapportait une centaine de pièces, et chaque voyage durait de deux à quatre jours.

Nous nous sommes souvent demandé s'il existe des romans d'aventures…

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