Apôtres Inconnus
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIAgriculteurFrères Le Barbier, Dallé, Bérens, Yves Le Gall.
Ceux qui ont donné à la « Nourricière des Missions polaires », ainsi peut-on s'exprimer déjà le plus long de leur vie, sont les Frères Le Barbier, Dallé, Léopold Bérens et Yves Le Gall.
Le Frère Le Barbier achevait là, en 1919, sa couronne apostolique. Il était venu de Bretagne en 1895, Des rhumatismes, contractés depuis longtemps il est vrai, le réduisirent à un état navrant, dans la maison des commencements, hâtivement construite en bois vert gelé, et qui était froide et humide tour à tour. Il avouait, sur la fin, ne plus trouver de force que dans son « amour passionné » pour sa Congrégation religieuse.
Le Frère Dallé, qui ne quitta le poste que le temps de secourir une autre mission, est l'un des grands ouvriers de la première et de la dernière heure. Un grain de philosophie pratique assaisonne sa patience, « qu'il pleuve, qu'il vente », que l'on « abonde » ou que l'on « jeûne ». Il possède et. enseigne tacitement l'art de ne jamais « dételer » et d'être « toujours content ».
Le Frère Bérens Léopold, royal présent de la Belgique au Mackenzie, fut à la tâche des débuts; puis il porta son jovial dévoilement, nu Fort Rae, à Résolution, Mais le voici revenu au fouet et à la charrue pour la « bonne cause », faisant, dans lu région du Fort-Smith, bel donneur à sa catholique et noble Patrie.
Celui que la Ferme Saint-Bruno n'a pas vu s'éloigner un seul jour, c'est le Frère Yves Le Gall. En 1895, âgé de dix huit ans, il partit de de Guiclan, Finistère, avec son Frère Christophe, plus jeune que lui, pour le noviciat des coadjuteurs établi près du juniorat de Notre-Dame de Sion. sur la Colline inspirée. Tous deux étaient donc religieux, lorsqu'ils firent leur service militaire. C'est la condition idéale. Il n'y a pas de meilleure sauvegarde que la vie religieuse et les relations filiales avec sa Congrégation contre les dangers de cette épreuve. De la caserne, Christophe alla directement au Manitoba. à destination de la splendide Mission Saint-Laurent, où il se trouve encore.
Yves fut envoyé à l'orphelinat Sainte-Anne du Bestin, en Belgique. Il y resta neuf ans, implanté au sol ardennais, étudiant la science agronomique et sa pratique. Il y eut, pour supérieur, le Père Joseph Barbedette, l'un des voyants de Notre-Dame de Pontmain en 1871. Le R. P, Barbedette, avant d'être chargé de cet orphelinat, avait initié, au Bestin même, en qualité de Maître des novices, trois générations d'Oblats de Marie Immaculée aux douceurs de la vie religieuse. En 1909, le Frère Yves Le Gall partit pour le Canada. En 1910, il arrivait au Fort-Smith, La Ferme Saint-Bruno, dont il est maintenant le gérant, ne pourrait souhaiter plus d'intelligence et de savoir-faire à sa tète; et les Frères missionnaires n'ignorent pas qu'ils ne travailleraient, nulle part, sous une direction plus bénigne, à leur grand ouvrage d'apostolat.
Il ne serait pas juste d'omettre, à la page d'honneur de…
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Louis- Admin
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIAgriculteur
Oscar et Lucien.
Il ne serait pas juste d'omettre, à la page d'honneur de la Ferme Saint-Bruno, deux orphelins de bonne famille, de Montréal, qui, depuis 1914 l'aîné, et depuis 1916 le cadet, partagent toutes les peines et tous les plaisirs de l'entreprise : Oscar et Lucien Bourget.
Oscar avait été présenté à S, G. Mgr Breynat. Mais il paraissait si chétif, et les signes du mal qui dévore les poitrines au sein des grandes villes marquaient déjà si profondément sa jeune figure que le prélat hésita. L'orphelin insista en pleurant. Monseigneur, touché, et, ne comptant accomplir alors qu'un acte de charité purement désintéressé, lui dit :
— Suivez-moi, mon enfant. Je vous promets au moins du grand air et du bon lait, à la ferme de misère qui commence à 800 lieues d'ici. Une fois guéri, vous reviendrez à Montréal.
Mais quel microbe saurait prospérer longtemps dans un air purifié par quarante degrés au-dessous de zéro, et par cinquante et par soixante ? Mgr Grandin n'avait, qu'un poumon lorsqu'il arriva dans le Nord-Ouest. Il y vécut encore quarante-huit ans. Plusieurs missionnaires, condamnés jadis par les facultés d'Europe, y fleurissent toujours. Oscar et Lucien sont aujourd'hui de beaux et forts garçons, resplendissants de santé et de belle humeur, tout fiers de se trouver les assistants de nos Frères coadjuteurs, dont ils préviennent les ordres et les désirs. Leurs pieds infatigables ont parcouru, à la suite et poursuite des bestiaux dont ils s'occupent spécialement, tous les bois, toutes les prairies, tous les marais tremblants d'alentour. Leurs mains sont devenues si habiles à battre le beurre des missions, que les gourmets le déclarent supérieur à tout ce qui fut importé jusqu'ici.
Mais Oscar et Lucien, guéris, ne veulent plus repartir pour les grandes villes ni les petites. Ils ont pieusement épousé « leur Ferme des Missions ».
L'origine véritable de la Ferme Saint-Bruno remonte, à 1907…
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Louis- Admin
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIAgriculteur***Débuts épiques.
L'origine véritable de la Ferme Saint-Bruno remonte, à 1907, année où Mgr Breynat amena, de la rivière la Paix, deux chevaux, comme à l'essai, et dans le but de les employer à faire le portage des effets de la navigation, aux rapides du Fort-Smith.
Et déjà « les conducteurs y trouvaient tout leur compte », explique le Frère Dallé. On avait beau enfarger les pauvres bêtes, après les avoir débarrassées de leurs traits, et leur construire des boucanières, aux rares carrés d'herbages, où elles trouvaient leur pitance; piquées par les taons le jour, et par les maringouins la nuit, elles allaient, sautillant, à travers bois, et ne tournaient soit à un bout soit à l'autre de ce portage de 25 kilomètres. Et c'était alors une course du jour et de la nuit, pour les dépasser et les ramener aux voitures. Il était très difficile d'y réussir, même au prix de vingtaines de kilomètres parcourus. Certains nous jouaient des tours pendables. Ils nous laissaient approcher à trois pas; puis, d'un bond se faufilaient dans la brousse. Le temps se passait à ce manège, et les missionnaires attendaient l'arrivée de leurs vivres, restés en panne dans le portage...
En 1908, Sa Grandeur alla chercher deux autres chevaux.
En 1909, la troisième paire de chevaux arriva, et, avec eux, cinq vaches. Le métis Joseph Beaulieu offre, en outre, une demi-douzaine de bêtes à cornes. On les achète. Il n'est question encore que de rester au Fort-Smith. Vite, on bâtit au bétail juste de quoi l'enfermer, car le temps presse, et on ne dispose que de peu de bois.
Le Frère Le Barbier, qui revient d'une très grave opération, prend la charge de ce département, tandis que les pins forts attaquent d'autres besognes, continue le Frère Dallé. Mais imaginez le sabbat de toutes ces têtes, pattes et queues, entassées là-dedans, et se démenant contre les armées de moustiques, et devinez le plaisir et l'aisance que trouvait le faible petit Frère à l'heure de recueillir le lait,..
Un problème des plus graves s'imposa bientôt. Il n'y avait de foin d'hivernage qu'à trente kilomètres de cette étable. Le couper alla encore. Mais le transporter, par un sentier serpentant dans la forêt, et traversant des marais tremblants, fut autre chose. On y parvint, en élargissant jusqu'à trois mètres le chemin, et en se résignant à coucher à la belle étoile, lors de chaque voyage « Mais des excursions de soixante kilomètres pour chaque botte de foin ne pouvaient durer. Se défaire du bétail et renoncer à l'entreprise, personne n'y voulait songer. Mgr Breynat décida que l'on établirait la ferme le plus près possible de la prairie, et que l'étable du Fort-Smith se contenterait d'en être la succursale. »
Or, cette prairie se trouvait sur les bords de la rivière au Sel…
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Apôtres InconnusCHAPITRE VIAgriculteurDébuts épiques.SUITE
Or, cette prairie se trouvait sur les bords de la rivière au Sel.
La rivière au Sel, affluent de la rive gauche de la rivière des Esclaves — celle-ci n'étant qu'une partie de la grande artère fluviale Athabaska-Mackenzie — sort des collines du Buffalo, et se grossit de nombreux ruisseaux. Toutes ces eaux contiennent 25 % de sel — chlorure de sodium —, qui se dépose peu à peu en longues stalactites couchées, au fond de la. rivière transparente. Les terres qui environnent les sources salines apparaissent nues, brûlées, et portent, de ci de là, des dépôts, épais quelquefois, d'un sel très blanc et très pur. Loin des sources, l'herbe, imprégnée de sucs salins offre aux animaux la nourriture la plus riche, C'est dans ces prairies que les missionnaires découvrirent, tranquillement paissant, les derniers troupeaux des buffalos-bisons, échappés aux tueries formidables des sauvages et des blancs, dans les plaines du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta.
Il n'est difficile que de s'y rendre, d'y trouver l'eau fraîche, d'y préparer pour la culture un terrain trop alcalin, et d’y défendre les jeunes animaux contre les grands loups des bois.
L'été de 1910, époque choisie pour l'installation nouvelle de la Ferme Saint-Bruno, fut très sec; et le R.P. Gouy, chargé de fixer l'endroit, fit construire une maisonnette et une étable, au milieu d'un invitant petit sapinage. C'était à vingt kilomètres du Fort-Smith et à dix de la prairie même de la rivière au Sel. Mais on avait l'eau douce, inconnue plus loin.
La fenaison se fit, aussitôt, en partie à la rivière au Sel, en partie sur une île de la rivière des Esclaves.
Le foin de la rivière au Sel se trouva épuisé, vers la mi-février.
Celui de l'île restait. Mais il était impossible de l'apporter d'une telle distance et à travers des neiges impraticables.
Il fallait donc conduire le troupeau.
Le Père Gouy et un Indien vinrent de Fort-Smith, donner la main.
Le Frère Bérens s'en fut la veille, à l'île au foin, avec deux chevaux, dans le but d'en préparer l'abord et d'y amasser quelque bois de chauffage.
Le matin du « déménagement », de bonne heure, le Frère Le Gall et l'Indien se mirent à talonner le troupeau; mais ils n'arrivèrent à la rivière des Esclaves que vers neuf heures du soir. Parvenus au pied de l'île, ils durent chercher à tâtons parmi les crevasses, les arêtes de glace, les brisants et les dos d'âne, les moins difficiles passages. En deux heures de travail à la hache, ils réussirent à boucher, tant bien que mal, les précipices où les bêtes n'auraient pas manqué de caler, et à émousser les divers glaçons contre lesquels elles se seraient brisé les pattes. Puis, « on hala, on porta pour mieux: dire, une par une. les pauvres vaches qui tombaient, à chaque pas ».
Sur l'Ile, rien n'était prêt: ni foin, ni bûcher. Le Frère Bérens avait mis la journée entière à l'escalader lui-même.
Une étable de fortune, au plancher de glace et au toit de neige y reçut les animaux, beuglant de froid.
Le Frère Le Barbier, leur gardien du reste de l'hiver, aurait pu seul raconter ce qu'il endura dans ce refuge d'horreur.
A l'approche du printemps 1911…
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Louis- Admin
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A l'approche du printemps 1911, le troupeau fui relancé directement sur le Fort-Smith, où le trafic du portage attendait les chevaux. Mais, dès le dégel de la terre, on repartit pour la ferme Saint-Bruno afin d'y défricher, au plus tôt, les futurs champs.
Désappointement ! Désappointement ! A trois kilomètres en deçà, voitures, charrues, herses, rouleaux s'enfoncèrent dans la boue. On s'aperçut que la saison, pluvieuse cette année-là, avait refait de cet emplacement, ce qu'il était destiné à être presque toujours: un marécage. Les Frères se demandent comment ils parvinrent à tirer de cette glaise leurs personnes, leurs bêtes et leurs instruments de travail. A la ferme, ils trouvèrent un pied d'eau sur les planchers. Tout autour, on ne pouvait échapper à l'enlisement qu'en se tenant sur des touffes de broussailles.
Il n'y avait plus qu'à regagner le Fort-Smith.
Quelques semaines plus tard, « les malheureuses bicoques et leurs environs n'étaient plus qu'un vaste lac ». La cause était jugée. La seule issue était de chercher ailleurs.
Mais pourquoi ne pas s'implanter au…
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Apôtres InconnusCHAPITRE VIAgriculteurDébuts épiques.SUITE
Mais pourquoi ne pas s'implanter au milieu même de la fameuse prairie de la rivière au Sel ? Nous l'avons dit: l'eau potable semblait y faire défaut.
La Providence se sert des événements les plus futiles : un coup de fusil et une pirouette involontaire tranchèrent la question.
Quitte à en reprendre le transport jusqu'au Fort-Smith, comme en 1909. on résolut, de faire encore les foins à la rivière au Sel, Les Frères vinrent dresser leur tente à cet effet. Mais pendant trois semaines la pluie tomba avec: une telle persistance qu'ils ne purent se mettre à l'ouvrage. Cependant les provisions de bouche étaient épuisées.
Un après-midi, les Frères Bérens et Dallé s'en allèrent, à l'aventure, chercher le souper que le hasard de la chasse leur fournirait peut-être. En débouchant soudain près d'une mare inconnue, ils y virent flotter quatre petits canards noirs. Le Frère Bérens fit feu, et deux des palmipèdes chavirèrent sur place. Il ne s'agissait que de les prendre. Mais comment se lancer sur cette nappe de mer morte ? A la nage ? C'eût été risquer de sombrer dans la vase de fond. Point de canot, non plus. Ils allaient y renoncer, lorsque le Frère Dallé, qui s'était muni de sa hache. eut l'idée d'abattre un sapin sec et d'eu joindre les tronçons en forme de radeau. Lui-même s'engagea sur l''embarcation précaire, poussa au large, et bascula presque aussitôt, trouvant à peine le temps de reparaître à la surface et d'agripper les lianes du bord.
Mais, tout en plongeant, il avait bu :
— Tiens ! de l'eau douce, dirait-on !
On y goûta encore. Puis, sur le radeau mieux affermi, on se relança, avec une longue perche pour le sondage, C'était un réservoir profond, limpide, délicieux, et dont il fut dit tout de suite qu'il suffirait à abreuver les troupeaux que ces parages pourraient jamais nourrir.
Et voilà comment, le 13 septembre 1911, aussi triomphalement que le comportaient les « abominables chemins » , deux voitures chargées, conduites par le Frère Dallé, et montées par S. G. Mgr Breynat et les Frères Roure, Dupire et Gouy, arrivèrent à la Ferme Saint-Bruno définitive de la rivière au Sel. Si l'on ne pendit pas « la crémaillère », c'est qu'il n'y avait, encore ni crémaillère, ni cheminée, ni maison. Mais, il y avait l'espérance.
La veille, les Frères Le Gall et Bérens avaient amené le troupeau qui comptait dix-neuf têtes.
Le premier « logis » nous sera décrit par le R.P. Roure …
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Louis- Admin
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Apôtres InconnusCHAPITRE VIAgriculteur***Les résultats.
Le premier « logis » nous sera décrit par le R, P. Bruno Roure, missionnaire pendant quarante ans de la tribu des Plats-Côtés-de-Chiens, et qui vient prendre la direction de « l'établissement en projet », dans son pittoresque journal de la Ferme :
Campement dans une étable, qui n'a ni toiture, ni fenêtres, ni portes, si ce n'est les ouvertures correspondantes. Les travaux du dehors pressent trop pour nous laisser, au dedans., plus que le temps d'accomplir nos exercices religieux.
Or, cette étable servit trop longtemps aux missionnaires et aux jeunes animaux qu'il fallait préserver des rigueurs extrêmes du froid. Veaux et poulains s'y relayaient. De ces derniers, le Père Roure note dans le journal :
29 octobre 1911 : Nos conchambristes font bien du tapage durant la nuit, comme pendant le jour. Ils hennissent au moindre bruit qu'ils entendent de l'extérieur. Ils soufflent fort du nez, avec un enchifrènement capable de faire vibrer les vitres, si vitres nous avions; puis quand ils se secouent, on dirait que la toiture s'effondre... Mais quand ils se mettent à faire la gymnastique c’est encore moins amusant: ils placent leurs pieds de devant contre la crèche, soulèvent, en même temps tout le corps et allongent leurs pattes d'arrière comme s'ils voulaient frapper le mur opposé, et cela avec une telle promptitude que tout s'opère en un instant. Non ! ce ne sont pas de bons conchambristes. Vivent encore les veaux !....
Le journal mentionne aussi qu'à Noël, « il fut facile de trouver, dans la même demeure, la pauvreté, la paille et les dociles témoins de la naissance du Sauveur... »
Les poulains de « conchambristes » ne tardèrent pas, d'ailleurs, à être censés suffisamment aguerris pour être livrés à la vie libre et de bon marché, que mènent les jeunes chevaux des pays inexploités, jusqu'à l'époque du domptage.
Le Nord-Ouest canadien aura été l'Eldorado du noble animal. Qui n'a ressenti, en lisant les récits des cow-boys, armés de la carabine et du lasso et chevauchant parmi les immenses ranches, la fascination que n'a pas fini d'exercer cette patrie de l'indépendance et du grand air ? Ces ranches, toutefois, doivent reculer devant les champs du colon qui « se clôturent », et bientôt leur refuge sera l'espace des prairies enclavées dans les forêts arctiques.
Il y a là, dit-on, des bandes de chevaux…
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Louis- Admin
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Il y a là, dit-on, des bandes de chevaux redevenus tellement sauvages que l'Indien le plus madré ne parvient pas à mettre en défaut leur odorat ni leur ouïe, et qu'ils ont toujours détalé et gagné les bois avant qu'il fût possible de les apercevoir. On ne les compte qu'à leurs traces.
Les chevaux domestiques sont lâchés, chaque automne, dans les pacages de ces bandes folles; mais très peu se joignent à elles. Ceux-là seraient perdus. Presque toujours, ils se groupent, sous la conduite de quelques anciens, au cou desquels on a eu la précaution de suspendre une clochette au son perçant, dans le but de les retrouver plus facilement, le moment venu. Chaque escouade se choisit ses quartiers d'automne, d'hiver et de printemps.
Nos chevaux d'Europe périraient, à côté de leurs congénères du Far-West et du Far-North, dont les pieds de devant sont rompus à piocher la neige pour découvrir l'herbage, et à briser la glace pour en faire jaillir l'eau douce. Le rempart qu'ils préfèrent, par les grands froids, c'est l'abri d'un maquis serré. Nous avons vu des chevaux de ferme, dans la prairie Albertaine, refuser de rentrer, par cinquante degrés au-dessous de zéro, et se blottir simplement contre des meules de paille. Le « poil d'hiver » pousse abondamment et leur donne bientôt l'aspect d'un bloc hirsute, souvent enfariné du givre de leur haleine.
Comment repérer les poulains capricieux dans les libres espaces ? A quelle bande de vieux chevaux se sont-ils agrégés ? Tous ont-ils choisi la même ? Ces chevaux portent-ils leurs clochettes ? Où sont-ils ? Une fois retracés, suivront-ils, ou se laisseront-ils cerner, diriger, capturer enfin ? Autant de questions que l'on se pose au moment de partir à la recherche de ces bêtes. Inutile de compter sur une monture, dressée à cette chasse comme en pays de plaine: elle s'embarrasserait dans les bois. Le lasso même, qui se lance de loin n'y pourrait servir.
Aux première neiges d'un automne, Mgr Breynat désigna les Frères Le Gall et Dallé pour saisir et pour dompter, avant de les relâcher le reste de l'hiver, quatre des poulains, jadis conchambriste du Père Roure, et comptant alors trois ans et demi.
Ces poulains devaient se trouver…
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Louis- Admin
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Ces poulains devaient se trouver. calculait-on, dans l'aire d'un triangle équilatéral, d'environ 30 kilomètres de côté, et formé par la ferme Saint-Bruno, le Fort-Smith et l'embouchure de la rivière au Sel,
Partant de Saint-Bruno, sur un sol durci et couvert de neige, les Frères se dirigèrent d'abord sur le Fort-Smith, mais en faisant à droite et à gauche des écarts considérables, selon qu'ils croyaient percevoir le tintement d'un grelot, ou discerner des traces plus ou moins récentes. Harassés de leur cinquante kilomètres, leur dîner « descendu aux talons » ils trouvèrent à la Mission du Fort-Smith la réfection agréable du corps et de l'âme.
Pleins de courage, ils repartirent sur le deuxième côté du triangle, celui du Fort-Smith au confluent de la rivière au Sel et de la rivière des Esclaves, refaisant les zigzags, commandés par les pistes découvertes, et surtout par le tintement imaginaire des sonnailles lointaines. Nos désirs sont créateurs.
Sur les onze heures, ils firent passer à sa destination le dîner que leurs épaules trouvaient trop encombrant, Ainsi allégés et lestés, ils reprirent les kilomètres avec les illusions.
La nuit tomba, comme ils se trouvaient « près de deux sapins, dans un taillis de trembles, où il n'y avait qu'un peu de bois sec, à demi-pourri ». N'ayant que leur couteau de poche, ils taillèrent des copeaux susceptibles de prendre feu et d'allumer les monceaux de bois, tirés à force de bras. Toute la nuit, ils se remplacèrent à cette occupation, prenant chacun leur quart d'heure de sommeil tout près du feu. En guise de souper, le Frère Le Gall eut « le souvenir de son dîner et le Frère Dallé suça des pilules, qu'il avait reçues des Sœurs Grises du Fort-Smith, à cause d'un bienheureux rhume ».
Vers une heure du matin, le dégel se déclencha sous une pluie, qui n'allait mettre que deux heures à détremper le sol et les arbres de la forêt. Sauve qui peut ! On procéda à la prière du matin, à une courte méditation, et au déjeuner — oui, au déjeuner, attendu qu'il restait deux pilules que l'on se partagea — et on attaqua, non moins courageusement que les autres, le troisième côté du triangle, de l'embouchure de la rivière au Sel à la ferme Saint-Bruno.
Mais nous nous enfonçâmes plutôt, vars le centre du triangle, poursuit le Frère Dallé, dont nous avons résumé le récit, et cela allait passablement bien. Nulle lourdeur d'estomac n'appesantissait notre marche dans la forêt vierge, et aucune menace d'indigestion n'empêchait nos poumons de se gonfler et dégonfler tout à l'aise. Et les chasses-croisés reprenaient, se réglant sur les clochettes qui sonnaient de plus en plus nombreuses et de plus en plus fort à nos oreilles excitées, mais qui s'affaiblissaient et se taisaient à mesure que nous en approchions.
Au bout de cinq heures de marche, un son d'une tonalité nouvelle retentit. Donc, ce devait être réel, cette fois. De lait, plus nous allons, plus il grossit... Pourvu que nos poulains soient là !
Des chevaux, c'en était, en effet... Mais aucune de nos bêtes ! Que faire maintenant ?
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Des chevaux, c'en était, en effet... Mais aucune de nos bêtes ! Que faire maintenant ? On va, on revient, on oblique, on prie les bons anges gardiens. A l'heure du dîner, point de temps perdu. Voyez, combien le jeûne est profitable. Sur les deux heures, un son noua arrive, semblable au dernier, mais c'est très loin vers le sud. Et nous allons, nous allons, Un moment nous croyons encore être leurrés par notre imagination et nous sommes sur la point de rebrousser chemin. Nous ne le fîmes pas, et bien nous en prit, car nous tombâmes bientôt sur une bande, où nous reconnûmes nos quatre poulains, Deo gratias ! Nous avons l'espoir de souper ce soir, très tard c'est vrai, mais de souper quand même. Il n'y a qu'à pousser le troupeau vers Saint-Bruno !
Mais où est Saint-Bruno ? Le soleil, comme pour nous narguer, reste caché tout le temps. Rien ne peut nous orienter. Pendant que nous cherchons, tâtonnons, scrutons le morceau de ciel que nous laisse voir la forêt, un brouillard épais, — chose rare ici — descend sur nous, et les chevaux disparaissent. Lorsque tu es perdu, marche, marche toujours, disent les coureurs-des-bois : tu arriveras bien quelque part. L'estomac étant de plus en plus léger, nous nous conformons à cet adage. Et nous marchons, marchons jusqu'à la nuit noire... Au moment où nous nous arrêtons, des clochettes tapent tout prés de nous... Nos chevaux encore ! Tant mieux ! Mais quel circuit avons-nous fait pour revenir presque à notre point de départ, après une vingtaine de kilomètres ? Je ne souhaite à personne de se perdre ni dans ce monde, ni dans l'autre.
Noua avions dit force chapelets, durant notre marche, mais chacun en son particulier. Noua fîmes un commun notre prière du soir, y trouvant le réconfort, du frère missionnaire, appelé à donner sa vie pour les âmes. Puis, nous soupâmes de la même manière que nous avions dîné. Enfin nous nous mîmes en devoir de nous reposer à tour de rôle, le dormeur accroupi sur les talons, contre la flamme, que l'autre entretenait, eu égard à l'absence de toute couverture et à nos vêtements misérables. Etoiles, aurores boréales, hurlements des loups, rien ne manqua à la poésie de cette nuit.
Le matin, nos exercices religieux achevés, dispensés toutefois de celui du déjeuner, ainsi que de la mise en ordre de notre toilette et de notre literie, nous rejoignons les clochettes, à quelque cinq kilomètres de là. Nous supposons que les chevaux se rendent vers leurs quartiers d'hiver, qui se trouvent précisément dans la direction de Saint-Bruno, Il sera donc facile de les pousser sans les contrarier, Nous eûmes raison d'aller alors contre notre persuasion instinctive. Nous pensions être entraînés vers l'opposé. Mais ayant rencontré une colline, dominée par un peuplier, le Frère Le Gall fit la courte-échelle et j'y grimpai pour constater que nos chevaux étaient réellement devenus nos guides. La montagne de la rivière au Sel était par là...
Et nous allâmes, durant l'heure du dîner comme durant les autres, jusqu'au moment où, brusquement…
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Et nous allâmes, durant l'heure du dîner comme durant les autres, jusqu'au moment où, brusquement, au bout d'un raccourci, nous nous vîmes nez à nez avec les chevaux, Ils s'enfuirent du coup, les jeunes se replongeant dans le bois, les vieux trottant sur le sentier. Nous sommes trop las. Tant pis. Espérons quand même qu'ils reviendront.
Vingt kilomètres nous séparaient encore de Saint-Bruno. Au bout d'une douzaine, nous aperçûmes, à notre grande joie, nos jeunes chevaux, que nous réussîmes à acculer contre la berge de la rivière au Sel. Suivre cette berge sept derniers kilomètres, et c'était fait.
Tout allait bien, quand à travers une éclaircie le R P. Gourdon nous apparut. Il épaulait son fusil, Impossible de l'avertir. Le coup tonna et épouvanta les poulains, qui levèrent le pied du côté du large... Cette déception ajoutée à notre fatigue nous abattit complètement. Nous arrivâmes, en chancelant, en vue du Père directeur :
— Eh ! ces chevaux-là sont bien poltrons, nous fit-il en riant ! Mais quoi ! ajouta-t-il bientôt, en nous regardant de plus près, que vous êtes pâles ! Quelle maigreur ! Que vous est-il arrivé ? Allons vite à la maison, qu'on vous retape !
— Pas si tôt, répondîmes-nous; allons d'abord chercher votre gibier.
— Ah bien oui ! C'étaient des gelinottes. J'ai tiré de trop loin. Elles ont toutes filé, cent trente-deux !
— Et vos Pégases aussi, du même coup ! Félicitations pour le doublé !
Mais nous n'avions même plus la force de rire. Et il y avait encore cinq kilomètres...
Presque en même temps que nous, nos poulains arrivèrent à la ferme. Ce fut notre récompense. Nous nous réservâmes encore le plaisir de leur jeter le lasso, à la lueur des étoiles et d'une lanterne. Puis nous nous abandonnâmes au Père Gourdon et au frère Le Barbier.
En qualité de faméliques, nous fûmes mis à la ration graduée, et, petit à petit, nous nous reprîmes a vivre. Et nous voilà.
Ils y sont encore, les bons Frères et leurs efforts ont fait porter des fruits magnifiques à des entreprises, qui eussent effrayé un Robinson Crusoé.
Aujourd’hui une centaines de bêtes à cornes fournissent le beurre en conserve à toutes les missions du Mackenzie. La chair des bœufs défraie nombre de leurs repas. Une douzaine de chevaux pourvoient aux travaux du fermage. L'élevage de poules et de porcs y a même réussi, essaimant jusqu'à la Providence et Simpson.
L’arrivée des premiers « habillés de soie » à Simpson...
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIAgriculteurLes résultats.SUITE***
L’arrivée des premiers « habillés de soie » à Simpson fit époque dans les fastes dénés. On avait, de longue date, au sujet de l’enfant prodigue du moins, tâché de décrire aux Sauvages curieux les notes distinctives de cet animal ; mais aucun de leurs fauves ne semblait s’en approcher, ils se contentaient, pour entretenir leur pitié, de se représenter le malheureux égaré au milieu d’un troupeau de vilains porcs-épics dont l’espèce solitaire abonde aux bois du Mackenzie. Et voilà qu’enfin de vrais porcs pas épics étaient annoncés. Des sentinelles guettaient du haut de l’entablement majestueux qui forme l’île de Simpson, au confluent du fleuve Mackenzie et de la rivière des Liards, l’apparition du bateau annuel des transports; et, en attendant, tout le monde se laissait gagner par une touchante reconnaissance envers le Père Gouy, qui, de retour du front où il en avait vu bien d’autres, avait demandé à Monseigneur de vouloir bien confier à sa ferme commençante ces précieux clients, ainsi qu’envers le Frère Henri Latreille, qui avait garanti tout son dévouement pour les empêcher de périr sous les 61º 50’ de latitude et pour les engraisser on ne savait encore par quels moyens,
Un matin, les yeux indiens ont distingué, au bout de la droite allée du grand fleuve, le cargo-boat touant sa route contre les flots. En un moment toute la tribu est sur la berge. Les cœurs battent. Le bateau accoste. Capharnaüm ! Pêle-mêle ! Des ballots, des caisses, des génisses, des instruments de bois et de fer, des bœufs, des coqs, des engins agricoles, des Sœurs Grises, des poules, des Frères, des chats, des Pères, un Évêque…
— Mais où sont-ils ? questionnent tous les regards, et chuchotent toutes les langues.
Pauvre Monseigneur ! Lui, dont on se dispute toujours tout de suite les mains, lorsque le bateau s’arrête, pourra se réserver sans peine pour la fin cette fois. C’est juste si l’on remarque Sa Grandeur.
Soudain une salve de cris aigus montent, éructés à pleins groins. Quelqu’un a empoigné la caisse où ils étaient. Alors, concert des cris de ravissement des sauvages et de mécontentement de nos quadrupèdes troublés :
— Eh ! Eh ! Eh ! Ben ! Ben ! prononçaient les vieux, interprètes de toutes les admirations figées sur la cage dorée. Ne valait-il pas la peine de vivre aussi longtemps que les sapins de nos forêts, pour voir ces nobles bêtes, sans épics ! Eh ! Eh ! Eh ! Que les Blancs ont de la chance !
Les visites ne tarirent pas pour des journées à l’étable fortunée. Ils avaient l’air si gentils, les petits surtout. Le lendemain une petite fille de l’hospice, prenant à la main la part de son repas, alla demander à la Sœur, d’un ton irrésistible :
— Voulez-vous me laisser aller dîner avec les petits cochons, s’il vous plaît, ma Sœur ?
Et la parabole de l’enfant prodigue ? Comment les missionnaires vont-ils s’y prendre maintenant ?
Quarante hectares de la ferme Saint-Bruno…
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Louis- Admin
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIAgriculteurLes résultats.SUITE***
Quarante hectares de la ferme Saint-Bruno sont actuellement défrichés et mis en culture diverses. Les légumes y atteignent des dimensions surprenantes. L'orge, le seigle, l'avoine y viennent à souhait, aux années propices. Des engins modernes y fonctionnent aussi : faucheuses, lieuses, semeuses, machine à battre, cette dernière ayant été donnée par le gouvernement canadien qui a toujours suivi attentivement les rapports des missionnaires agriculteurs, et qui les a souvent encouragés par d'appréciables secours,
Des prairies artificielles, commencées au Fort-Smith, à Résolution, à Providence, à Simpson, n'auront qu'à prospérer, pour être sans doute le salut des missions arctiques.
Ajoutons que, plus les bois — ces accumulateurs naturels de l'humidité et du froid — se défrichent, plus la glèbe se tourne et retourne, plus aussi se relâche l'emprise de l'hiver.
Mais combien faudra-t-il de travaux et de temps, combien de…
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIAgriculteurQuel sera l’avenir ?
Mais combien faudra-t-il de travaux et de temps, combien de siècles, pour transformer les forêts de l'Athabaska-Mackenzie en campagnes de rendement assuré, comme furent transformées les prairies du Nord-Ouest moyennant un moins rude effort et sous un ciel moins inclément ?
Qui le dira ?
La rigueur essentielle d'un climat se change si peu, et les étés seront toujours si brefs en ces régions !
Que le dégel lui-même retarde sur l'époque du grand soleil et paralyse trop longtemps les apprêts du semeur; que de fréquents orages viennent voiler le ciel et absorber les chaleurs fécondantes; ou que la sécheresse brûle les jeunes plantes; que des légions de sauterelles s'abattent sur la contrée; ou seulement que les gelées subites, dévastatrices, des premières nuits fassent leur œuvre : voilà les champs, les jardins, désolés, décimés, anéantis parfois.
Pays de contrastes, d'incertitude, d'inquiétude..
Quel avenir enfin, non seulement au point de vue agricole mais industriel, commercial se réserve au Mackenzie ? Les mines précieuses que recèle son sol, le pétrole, la houille, l'asphalte le cuivre, le fer, l'argent et l'or qui dorment, sous leurs couches éternellement glacées inspireront-ils aux affamés de richesse les efforts surhumains qu'il faudra pour dompter les rapides du Fort-Smith, pour creuser les abords des grands lacs, pour jeter sur l'immense fleuve des ponts de transports, pour lancer, à travers les forêts, les steppes, les rochers, les banquises, les neiges, les solitudes, des locomotives attelées ?..
Sur le seuil de cet ancien pays…
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIAgriculteurCruce et aratro.
Sur le seuil de cet ancien pays d'horreur couvert, alors, de sa civilisation étrange, l'histoire pourra écrire à l'honneur des pionniers véritables qui auront, montré et dégagé la route, comme au frontispice de l'Europe que défrichèrent et évangélisèrent les moines : cruce et aratro. Par la Croix et par la charrue des missionnaires.________________________________
A suivre : Chapitre VII : Chasseur.
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIIChasseur
Immensité et liberté. – La pendaison du lièvre. – « Appelles-tu cela manger ? » – L’orignal. – Exploits du Frère Marc Leborgne. – Faméliques au festin. – La mort du chasseur. – Les ours. – Five o’clock tea sur l’Ours noir. – Le caribou. – Une hécatombe chez les Esquimaux. – Quelques célèbres chasseurs : Frère Josso chez les Plats-Côtés-de-chiens, Frères Vincent Cadoret chez les Mangeurs de Caribous, Frère Mousset chez les Montagnais. – Oies sauvages. – Viande sèche, viande pilée, pemmican. – La marche du Frère aux dépouilles. – Sauts de température, mares profondes, glace pourrie, le mirage. – Les fourrures. – Le renard noir du Frère Leroux et de Léon XIII.Immensité et liberté.
De longtemps, la culture et l'élevage du bétail ne suffiront pas à nourrir les vicariats arctiques, et, de même que le Peau-Rouge, l'Esquimau, le prospecteur ou le commerçant, ses voisins, le missionnaire devra demander aux savanes, aux lacs et aux forêts sauvages la chair de leur gibier.
La solitude, l'immensité, la liberté seront le domaine du chasseur. Nulle loi ne vient lui fixer de saisons, lui vendre des permis, lui tracer des cantons de réserve. Entre l'animal et lui, il ne se dresse que l'obstacle de la lutte pour la vie, struggle for life.
Mais dans cette lutte la bête l'emporte le plus souvent sur l'homme, ayant pour se défendre ses bois illimités, la vitesse de ses jambes ou de ses ailes, ses ruses, la férocité de ses crocs et de ses griffes quelquefois.
Un seul quadrupède de cette faune…
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIIChasseurLa pendaison du lièvre.
Un seul quadrupède de cette faune semble avoir abdiqué presque tout instinct de préserver ses jours : le lièvre wa-pous en cris, ga en montagnais.
Mais quel lièvre ! Un « mode substantiel dépouillé » observait un missionnaire trop philosophe, une ombre de lièvre, si peu lièvre qu'il change de couleur au gré de l'hiver et de l'été. Gris avec la verdure, il blanchit avec la neige. On n'aperçoit d'abord sur la nappe uniforme de frimas que de petits points noirs qui sont les yeux des lièvres immobiles. Il ne manque à ses inerties que celle de se laisser prendre à la main. Tirer sur lui serait, outre une sorte de lâcheté sportive, la perte inutile d'un grain de plomb. Il suffit de lui tendre des collets en fil vulgaire et de recourir au stratagème suivant pour éviter que, dans ses quelques convulsions, il les brise :
Au lieu de fixer directement à quelque pieu la menue ficelle disposée en un nœud coulant, le braconnier du Nord la suspend à un bâtonnet, rattaché lui-même, par une cordelette d'une longueur variable, à l'extrémité d'une perche. Cette perche, posée sur la première fourche venue du hallier et destinée à jouer le rôle de levier d'Archimède, incline vers la trace du lièvre sa partie la plus légère, et la maintient en cette position, grâce à la cordelette, qui s'enroule à un arbrisseau soigneusement ébranché. L'extrémité du bâtonnet opposée à celle qui soutient le lacs sert de cran d'arrêt. Le lièvre passe, se prend, décroche le bâtonnet, la cordelette glisse le long de l'arbuste, et la perche se lève, emportant son fardeau. Le colleteur, passant, le lendemain, avec sa hotte-carnier, verra se balancer doucement la foule des lièvres pendue dans sa tenderie. Toute l'année, les mêmes lacs, les mêmes perches — brimbales — s'abaisseront et se lèveront au même endroit, sûrs de leur proie, si grande est l'affluence des lièvres et si incroyable leur insouciance du danger.
Cependant le lièvre du Mackenzie ne se mange guère qu'au temps de la famine. Mais la famine a-t-elle jamais déserté ce pays ? Les époques redoutables sont celles qui suivent la migration septennale, Chaque septième année, en effet, les millions de lièvres disparaissent ensemble et tout à coup. Sans doute tant de rongeurs auraient-ils bientôt détruit les forêts elles-mêmes, si la Providence n'orientait leurs légions vers d'autres lieux ou vers la mort. Ils périssent sur place en grande partie. Les autres s'en vont. Mais comme cet exode s'accomplit durant quelque nuit de tempête, et que les profondeurs lointaines des bois sont restées jusqu'ici inexplorées, personne ne sait si c'est pour vivre encore ou pour mourir à leur tour. La génération suivante ne paraîtra que trois ou quatre ans après, pour se multiplier, pulluler, et disparaître encore.
La chair de notre lièvre…
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIIChasseur« Appelles-tu cela manger ? »
La chair de notre lièvre, maigre à l'extrême, coriace parfois, ne connaît d'autre saveur que celle du sapinage, son aliment. Deux lièvres par repas sont loin de valoir un rat de la Commune.
— Je n'ai rien mangé depuis un mois, viendra vous dire un sauvage, rien, rien, entends-tu ? Vois comme je fais pitié ! Je n'ai plus que la peau.
— Mais, s'étonne le missionnaire, il y a des lièvres pourtant...
— Oh ! oui, des lièvres, Eh bien ! appelles-tu cela manger ?
Plusieurs années, où la pêche avait été mauvaise, les Frères coadjuteurs de Providence passèrent leur hiver à prendre des lièvres et ne sauvèrent qu'ainsi la vie des missionnaires, des religieuses et des orphelins.
Le roi des forêts canadiennes, depuis l'Atlantique…
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Louis- Admin
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIIChasseurL’orignal.***
Le roi des forêts canadiennes, depuis l'Atlantique jusqu'au Pacifique et depuis le nord des Etats-Unis jusqu'au steppe polaire c'est l'orignal, sorte d'élan au poil rude et foncé, au corps trop court et sans appendice caudal, au dos bossu, à la large encolure garnie d'une roide barbiche, au bois caduque en larges palettes dentelées d'andouillers aigus, au mufle allongé de cheval, aux pieds de vaches, aux pattes de devant si hautes que, comme le chameau, il ne peut brouter qu'à genoux l'herbe basse. Sa vigilance, mal servie par de petits yeux myopes, réside, extrêmement vive et farouche, dans les grands pavillons mobiles de ses oreilles et dans le flair de ses narines profondes.
Rôdeur de nuit, il passe le jour à l'ombre de quelque maquis, où il rumine et dort, tenant constamment le nez tendu au vent et l'oreille dans la direction adverse. Telle est. la finesse de son ouïe que, sauf pendant les tempêtes qui font craquer toute la forêt, la moindre petite branche cassée, le moindre bruissement des feuilles mortes lui révèlent, à plusieurs portées de fusil, la présence du chasseur.
Aussi l'Indien ne s'engage-t-il à sa recherche que les jours de grand vent. Mais il reste encore à mettre en défaut l'odorat de la bête, tâche difficile, car l'orignal, comme pour forcer l'ennemi qui suivra ses brisées à se placer, un moment du moins, dans l'aire du veut, décrit, avant de se coucher, plusieurs cercles tangents, ou une spirale compliquée. Une fois sur la piste fraîche, le traqueur s'avance doucement, épiant tour à tour l'empreinte des pas et les taillis. Cette lente marche attentive peut occuper la journée entière. Mais, à travers les lacis capricieux du ruminant qui n'a fait qu'aller et venir, des herbages aux boutures, et du fourré aux mares de vase, comment discerner l'endroit où commence la volute perfide ?
C'est là qu'échoue l'inexpérience des Blancs : ils suivent toujours la piste, se laissent saisir par le fil d'air qui avertit la bête, et, l'instant d'après, ils entendent l'avalanche d'une masse qui détale brisant tout devant elle. C'est là. au contraire, que triomphe l'astuce de l'Indien. Quittant la trace marquée, il pique droit, en rampant, en se glissant comme le chat, évitant jusqu'au frottement de ses vêtements et levant, de temps en temps, la tête parmi les herbes pour voir si, à dix pas de lui, n'apparaît pas encore la masse noire tapie dans le buisson. Mais non, rien ne se montre, Le chasseur revient alors à la piste qu'il avait abandonnée et scrute de nouveau l'allure des pas.
Enfin le voilà, son orignal. Il sommeille. Un Indien ne tire pas un fauve couché : ce coup manquerait de noblesse. II ne frappe pas à la tête non plus : ses vieilles superstitions le lui défendent. Il visera au cœur. Prêt à faire feu, il casse d'un bruit sec une petite branche. Jeté en l'air comme par un ressort qui se serait détendu sous lui, l'orignal retombe sur ses pieds. Le temps d'un éclair encore pour prendre son élan, il reste là. C'en est assez.
La détonation retentit et le monstre s'écrase sur son gîte, ou, titubant, labouré de balles, il s'abat dans les vingt mètres. Un cri du sauvage déchire alors la forêt et va, d'écho en écho. avertir la femme et les enfants du wigwam. Ou bien un feu couvert d'herbage produit la fumée du signal. S'il est trop tard, ou si le campement se dresse trop loin de là, l'Indien ouvre sa bête, prend le cœur et le foie et va rejoindre les siens. Tous, le lendemain, reviendront aux agapes. Simplement blessé l'orignal fuit le plus souvent. Mais il peut se tourner aussi sur le chasseur et le piétiner sans merci. Un Peau-de-Lièvre de Norman, s'étant approché trop vite d'un orignal qu'il venait de toucher et qui faisait le mort, le vit se redresser tout à coup, et foncer sur lui. Il se mit à grimper dans un arbre; mais l'orignal cambré sur ses pattes d'arrière l'atteignit de ses sabots coupants à trois mètres du sol, le fit tomber et l'acheva d'un coup de corne. On trouva les deux cadavres côte à côte.
Nous connaissons peu de Frères qui…
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Louis- Admin
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIIChasseurExploits du Frère Marc Leborgne.
Nous connaissons peu de Frères qui aient eu le loisir de s'adonner à la chasse dont on vient d'esquisser la tactique ordinaire. Ils se contentent de tirer, tout en naviguant
sur les rivières sauvages, les orignaux qui s'y désaltèrent, ou qui s'émouchent en s'y plongeant jusqu'à la tête. La chance et l'adresse, ont fait à plusieurs leur auréole cynégétique.
Le Frère Marc Leborgne, dans les bois de Liard, abattit, à la passée, deux orignaux mis en fuite par des Indiens maladroits. Un autre jour, qu'il avait dételé ses chiens pour une halte. ceux-ci flairèrent la neige et partirent ventre à terre. Bientôt la meute hurlait autour de deux orignaux effarés. Le Frère Marc y courut et, d'un coup de fusil, tua le plus proche. L'autre ayant réussi à briser la ligne des chiens, vint passer près du chasseur qui ne put que lui asséner un coup de crosse sur le mufle. La crosse cassa et tomba, L'orignal trébucha, se releva et revint contre son agresseur. Mais le Frère l'ajusta avec le canon sans crosse et l'étendit à son tour.
L'orignal sur pied doit atteindre le poids d'un fort cheval. Dépecé, il fournit de 800 à 1.500 livres de viande dans l'Est du Canada, où les herbes sont plus grasses et les hivers moins longs, et de 300 à 700 dans les régions subarctiques,
L'Indigène met au-dessus de tout la dépouille de l'orignal...
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Louis- Admin
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIIChasseurFaméliques au festin.
L'Indigène met au-dessus de tout la dépouille de l'orignal. Tous se jettent avec une avidité de faméliques sur la proie toute fraîche. Peut-être jeûnaient-ils hier. Attendons qu'ils soient rassasiés ! Les y voilà, et cependant ils dévorent toujours ! Mystère que la capacité d'un estomac indien ! Demain ils jeûneront encore. Mais que leur importe demain ? A chaque jour suffit son plaisir comme sa peine. Et le gueuleton, recommence de plus belle. Béate philosophie de l'homme des bois. Le missionnaire ne cesse de lui prêcher la prévoyance.
Il arrive toutefois que le jeûne…
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Louis- Admin
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIIChasseurLa mort du chasseur.
Il arrive toutefois que le jeûne, auquel ils auraient pu parer en réservant les restes de leur assouvissement, ne s'achève que par la mort des pauvres hères.
Le Père Giroux. apôtre des Loucheux, raconte qu'à l'époque d'une chasse, douze hommes, parmi lesquels se trouvaient les plus adroits», les plus forts, les meilleurs de la tribu, moururent avant d'avoir rejoint aucun gibier. Il n'y avait point de lièvres cette année là, 1910.
En 1906, deux familles Peaux-de-Lièvres, tribu voisine des Loucheux, marchaient depuis longtemps dans l'espoir de rencontrer un orignal. Chacune des femmes était chargée de quatre petits enfants. La faim en eut raison, alors que la caravane se trouvait trop loin pour revenir sur ses pas. Se souvenant qu'il y avait dans les parages un lac poissonneux ils essayèrent de s'y rendre. Les hommes succombèrent en route. L'une des femmes tomba ensuite, râlante. L'autre ensevelit alors les huit enfants dans la neige afin de les préserver des morsures mortelles du froid et se traîna jusqu'au lac, dont elle parvint à casser la glace pour y jeter un hameçon. Une truite se laissa prendre. Ce fut la vie pour les deux mères et leurs petits, qui regagnèrent la Mission, où le Père Houssais les recueillit.
Comme l'orignal va ordinairement solitaire, et que le chasseur ne le poursuit qu'au moment où la faim menace déjà le camp, les missionnaires ne peuvent guère compter sur les restes de la chasse indienne, à moins qu'ils n'achètent le service de certains sauvages ou métis particulièrement habiles à découvrir les rares bandes de trois, quatre orignaux — on en vit jusqu'à neuf — qui se forment à certaines époques dans les sapinières touffues.
Plus précaire encore sera la chasse à l'ours…
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIIChasseurLes ours.
Plus précaire encore sera la chasse à l'ours.
L'ours gris — grizzly — des Montagnes Rocheuses, comme l'ovibos — bœuf musqué — de la Terre stérile, symbolise la férocité implacable. Il fonce sur le paisible piéton aussi bien que sur le chasseur. C'est pourquoi personne ne le recherche. Tel grizzly atteint de plusieurs balles au cœur ne mourut qu'après avoir écartelé son homme.
L'ours blanc, dont la chasse n'est pas moins périlleuse habite les plaines de neige de l'océan polaire.
L'ours noir, qui se rencontre dans tous les bois de l'Amérique du Nord, ne cherche à se venger que lorsqu'il ne peut fuir ou qu'il croit ses oursons menacés. Il se confond si bien avec la feuillée sombre qu'on ne l'aperçoit que trop tard pour le viser. En deux bonds il s'éclipse. Le découvrir, l'hiver, devient plus malaisé encore, car, durant cinq ou six mois, il reste blotti, comme la marmotte, en sa bauge de branchages. Endormi « dans le lard de sa fortune faite » et protégé par son abri qu'il a rendu semblable à l'entourage, il n'a, pour le trahir, que l'imperceptible ouverture qu'entretient son haleine dans la voûte de neige.
Le Père Roure nous a narré que,,,
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIIChasseurFive o’clock tea sur l’Ours noir.
Le Père Roure nous a narré que, voyageant avec Monseigneur Clut de Rae à Providence, ils s'arrêtèrent, un après-midi, pour la « tasse de thé » . Le bûcher flamba et l'eau chanta dans la chaudière. Tranquillement les missionnaires savouraient le rafraîchissant breuvage, tout en se chauffant les pieds à la flamme qui tombait, lorsqu'ils virent les tisons rouges remuer un peu.,, puis davantage.,, puis se soulever, puis se disjoindre, puis s'écarter, pour laisser monter, sous leurs yeux sidérés, un museau, une tête, des oreilles, un buste noir : un ours énorme, qui, croyant sans doute le printemps revenu, venait voir ce qu'il en était. Les missionnaires savaient comme tout le monde, que les ours noirs sont toutes dents et toutes griffes au sortir de leur repaire tant qu'ils n'ont pas repris toutes les fonctions normales de la vie. Aussi décampèrent-ils incontinent.
C'est avec le mois de mai que s'éveille l'ours qui ne fut point troublé. Affamé, il court aux petites rivières, dégelées les premières, et où les carpes montent déposer leurs cerfs. Là il pêche à grands coups de pattes.
Le Frère Marc prit au piège une vingtaine de ces ours printaniers autour des ruisseaux qui tombent dans la rivière des Liards, sans préjudice de ceux qu'il tua, chemin faisant, à coups de fusil, Comme le poisson gâté, s’il n'est pas « de nos seigneurs les ours le manger ordinaire », constitue néanmoins à leur goût le mets le plus exquis, le Frère Marc faisait dégager à quelques carpes un relent d'acide sulphydrique, et les plaçait au milieu d'un cabanon en branchages dont il avait garni l'entrée et la sortie de deux larges collets en peau crue et tordue d'orignal. L'opération se simplifia lorsque la mission eut les moyens d'acheter des pièges à palette.
A l'automne, c'est dans les clairières chargées de baies sauvages, airelles, bluets et framboises, dont Martin est des plus friand, que s'opère la capture. Les ravages d'un ours pris au piège par la patte rappellent la dévastation creusée dans le sol par un obus de guerre.
Le gibier à poil le plus nombreux et le plus savoureux, le plus digne aussi de tenter les « Nemrods » du Nord serait le…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Apôtres Inconnus
Apôtres InconnusCHAPITRE VIIChasseurLe caribou.***
Le gibier à poil le plus nombreux et le plus savoureux, le plus digne aussi de tenter les « Nenrrods » du Nord serait le…
Le caribou n'est autre que le renne de Laponie. Dans nos grands steppes polaires, qui lui offrent, la mousse de leurs rochers, il va en troupeaux innombrables. Il passe son été sur le tapis spongieux des bords de l'océan Glacial. Traversant ensuite la Terre stérile, il se réfugie, pour l'hiver, dans la lisière des bois, où. il trouve encore le lichen.
Le Père….
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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