Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.

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Message  Louis Sam 1 Avr - 7:34


Aux Glaces Polaires

CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Mal de neige.

Mais ces souffrances, les souffrances énumérées jusqu’ici dans ce livre, qui furent le compte du Père Gascon, en tant que missionnaire arctique, ne lui semblaient que douceurs, comparées à un mal dont nous n’avons encore rien dit, et qui l’épargna moins que tout autre: l’ophtalmie des neiges, le mal de neige.

Le mal de neige ne fait grâce qu’aux myopes: meilleure est la vue, plus cuisante est la blessure, chez ceux qui ne lui sont pas naturellement réfractaires. C’est le cruel présent du printemps boréal.

Dès avril, le soleil se venge de sa longue nuit, en répandant les feux de ses longues journées sur la plaine des grands lacs et des larges rivières. La réverbération des rayons contre la blancheur polie, miroitante, transforme bientôt la peau européenne en peau rouge, et la peau rouge en peau noire: l’épiderme se cuit, se sèche et tombe par écailles. Les mêmes flots de lumière envahissent les yeux; et moins d’un jour de marche à travers la fournaise glacée suffit à les enflammer comme des charbons. L’organe s’injecte de sang, sous les premières sensations de coups de lancettes. Des pustules caustiques couvrent ensuite la sclérotique, la cornée. Sur le globe, les paupières passent et repassent comme des râpes ensablées. Les muscles moteurs de l’œil communiquent leur brûlure aux muscles de la tête; et le cerveau semble se comprimer sous la torsion de tentacules féroces. On voit des sauvages se rouler de douleur sur la glace, et plusieurs rester aveugles pour la vie. Afin de se protéger, les Dénés se placent une toile sombre devant la figure, les Esquimaux s’adaptent une visière d’écorce fendue d’une ligne médiane, les Blancs recourent aux lunettes vertes; mais rien n’est entièrement à l’épreuve du mal de neige, surtout si le soleil se voile d’un nuage, qui, sans la réduire beaucoup, diffuse sa lumière, et force le regard à scruter davantage l’uniformité blanche, sans ombre ni relief, pour découvrir les chemins.

Le Père Gascon, voué par sa faiblesse générale, en même temps que par sa vue perçante et…


Dernière édition par Louis le Mer 12 Juil - 7:49, édité 1 fois (Raison : Pour enlever, en en-tête, le mot SUITE.)

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Message  Louis Dim 2 Avr - 7:44


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Mal de neige.

SUITE

Le Père Gascon, voué par sa faiblesse générale, en même temps que par sa vue perçante et ses fréquents voyages, à l’ophtalmie des neiges, n’avait même pas les moyens de se procurer les lunettes soi-disant préservatrices, et chaque année lui ramenait la cuisante torture. Un printemps, il écrit du fort Rae:

Une heure avant mon arrivée, ma vue me refusa son service. Je fus obligé de me coucher dans le traîneau et de me résigner à souffrir. Après avoir touché la main aux sauvages, je dus faire le baptême d’un enfant en danger de mort: mais la lumière de la chandelle acheva de m’enflammer la vue. Dès lors, il fallut dire adieu à la lumière, fermer les yeux pendant deux jours et trois nuits, et me résigner au martyre. Les sauvages, souffrant de me voir souffrir, me conseillèrent de les faire suer sur de l’eau chaude dans laquelle on aurait infusé une poignée de thé. Je suivis à la lettre ce conseil.

La troisième soirée, mes yeux étaient tellement enflammés et me causaient de si grandes douleurs que je crus réellement perdre la vue. Le moindre mouvement dans la maison, le moindre courant d’air suffisait pour me causer de vives douleurs. Ne sachant que faire de mes yeux, je les fis suer une troisième fois, et ce fut avec succès. Je souffris moins les jours suivants. Ma plus grande peine a été de ne pouvoir lire l’office divin, ni offrir le saint sacrifice de la messe. Pendant plus d’un mois, j’éprouvai des élancements dans les yeux. La crainte de devenir aveugle et incapable de travailler au salut de tant d’âmes délaissées m’affecta beaucoup.


Entre ses grands voyages, le Père Gascon faisait régulièrement dix kilomètres par jour, sur le fond de baie qui séparait la mission Saint-Joseph, située alors sur l’île d’Orignal, du fort Résolution situé sur la terre ferme. (1).

Emmitouflé de son cache-nez, il allait, oscillant, mais rapide, sur ses raquettes, comme à une fête. La fête était de faire le catéchisme…
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(1) L’île d’Orignal, emplacement de l’ancien fort Moose-Dee, de la Compagnie du Nord-Ouest, est sise à 5 kilomètres en face du fort Résolution. Elle est aride, caillouteuse, couverte de maigres sapins. Mgr Faraud choisit cet endroit comme étant alors le plus favorable à la piété des sauvages, et il y bâtit la demeure du missionnaire. En 1890, les édifices de la mission furent transportés par le Père Dupire, aidé du Père Ladet, auprès du fort Résolution.

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Message  Louis Lun 3 Avr - 7:11


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Catéchiste «  à la baguette ».

Emmitouflé de son cache-nez, il allait, oscillant, mais rapide, sur ses raquettes, comme à une fête. La fête était de faire le catéchisme aux enfants des engagés du fort, et aux quelques Indiens de l’endroit.

Catéchiser fut la passion du Père Gascon. Toute sa vie, il catéchisa. Il se tenait des heures au milieu des petits, avec son livre et ses images, leur triturant la doctrine chrétienne. Doué d’une voix juste et forte, il agrémentait les explications par des cantiques montagnais, dont il improvisait les airs, sur des mélopées sauvages.

Aux temps des rassemblements indiens, le printemps, l’automne et à Noël, le zèle apostolique, dont il était l’incarnation, comme le Père Grollier, se donnait plein essor. C’était, dit-on, une chose à voir. Trois fois par jour, sinon quatre, il appelait son troupeau à la maison-chapelle. Armé d’une clochette et du bâton qui ne le quittait pas, il circulait à grande allure, dans le camp, et vidait les loges. Sus aux traînards, malheur aux retardataires ! Sur les échines, martin-bâton ne chômait pas.

La paroisse réunie, tout continuait « à la baguette »: chants, prédication et cher catéchisme. Il avait l’éloquence de Notre-Seigneur et de Saint-Paul, la seule vraie et habile, l’éloquence du droit au but par l’affirmation: sit sermo vester: est, est; non, non. Sa main, assistant sa parole, dispersait les distractions; et les gifles claquaient en plein sermon, comme des éclairs, sur les faces mignonnes ou flétries des délinquants.

Avec cela, et pour cela, cœur d’or. La sensibilité qui le transformait en ardeur pour la gloire de Dieu, et qui l’aidait à la tâche, difficile pour un nerveux inflammable à tout choc, d’adoucir le fortiter par le suaviter, le faisait de cire devant une indigence à soulager. Les pauvres étaient ses privilégiés. Combien d’entre eux ont emporté à leurs petits enfants sa dernière bouchée de poisson ou de caribou !

A l’égard de ses confrères et des voyageurs du Nord qui frappaient à sa hutte, il étalait les trésors de cette hospitalité canadienne-française,…

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Message  Louis Mar 4 Avr - 7:12


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Hospitalité canadienne.

A l’égard de ses confrères et des voyageurs du Nord qui frappaient à sa hutte, il étalait les trésors de cette hospitalité canadienne-française, avenante, riante, unique au monde, et dont la serre chaude, transplantée de Normandie et de Vendée, s’entretient sur les bords du Saint-Laurent. L’étranger, quel qu’il soit, retrouve sa maison, sous le toit canadien. On le lui déclare sans arrière-pensée, sans fade obséquiosité: « Faites comme chez vous ». La formule est invariable; elle dit tout. Le Père Gascon recevait de la sorte. Pour les « visiteurs », il y avait toujours, en petite cache, une menue grillade de vieux lard, quelques fèves, importées de longtemps, longtemps; il y avait, pour épicer le tout, la spirituelle et joyeuse humeur du pays de Québec.

En 1880, le Père Gascon, qui n’était plus qu’infirmités, dut dire adieu au Grand Lac des Esclaves et au Mackenzie.

Des trente-quatre ans qui lui restaient à vivre, il se tint encore debout et agissant pendant vingt-sept, aux missions du Manitoba. Puis son corps tomba tout entier.

Les sept dernières années se passèrent au juniorat de la Sainte Famille, à Saint-Boniface, au milieu des jeunes étudiants Oblats de Marie Immaculée. Heureux les disciples formés à l’apostolat, en présence d’un pareil modèle !

Pendant ces sept années, le vieillard missionnaire ne se coucha pas une fois: c’est dire ses souffrances. Jamais cependant on ne distingua une plainte dans les gémissements que lui arrachaient les crises multipliées. Son énergie parvenait encore à porter à l’autel ses membres paralysés. Jusqu’à deux mois avant la fin, il se leva presque chaque jour de sa chaise de douleur pour célébrer le divin sacrifice. Revenu à sa chaise, il passait le reste de la journée et de la nuit à prier et travailler. Combien précieuses devant Dieu ces prières d’un saint, blanchi au service de Lui Seul ! Ses travaux étaient toujours de l’apostolat: collaboration au charmant Ami du Foyer, revue des junioristes, et lettres enflammées lancées sur le Canada et les États-Unis pour appeler ressources et jeunes gens à nos collèges apostoliques, noviciats, scolasticats. Il cultivait spécialement ses neveux et arrière-neveux, (sa parenté vivante se comptait à plus de trois centaines), qu’il espérait conduire au sacerdoce.

Ce n’est que la veille de sa mort que la plume, le bréviaire et le chapelet tombèrent ensemble des mains du Père Gascon.

Il partit pour le Ciel, dans la matinée du 3 janvier 1914, à l’âge de 87 ans, et, selon ses vœux, le samedi, jour de la Sainte Vierge, qu’il avait filialement servie.

Les mérites du Père Gascon et les vertus de ses continuateurs, tombant sur le terrain de la sympathique tribu des Couteaux-Jaunes, firent lever une consolante prospérité à la mission Saint-Joseph.

Depuis 1909, deux grands édifices, aux dispositions modernes…

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Message  Louis Mer 5 Avr - 7:18


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Le Sacré-Cœur au Grand Lac des Esclaves.

Depuis 1909, deux grands édifices, aux dispositions modernes, mirent leurs façades au bord des eaux du Grand Lac des Esclaves: une résidence pour les missionnaires, — bel évêché de passage de S. G. Mgr Breynat,— et un orphelinat des Sœurs Grises de la Charité. Une scierie mécanique et de petits bateaux rapides, fruit des aumônes mises en œuvre par le vicaire apostolique du Mackenzie, permettent l’exploitation des forêts et du lac. Il n’y a plus à redouter que la famine. Nous avons dit pourquoi. Mais saint Joseph, nautonier fidèle, veille à la barre.

Mission et orphelinat sont le théâtre de spectacles qui raviraient Montmartre et Paray-le-Monial. La dévotion au Sacré-Cœur, reine et centre de toutes les autres, a été l’aboutissant de tous les efforts, comme de tous les désirs.

Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux. - Page 11 Page_221

Des mains du Père Gascon, qui la convertit, la tribu des Couteaux-Jaunes passa aux mains du Père Dupire, qui l’affermit dans la foi. Le Père Mansoz, arrivé avec le nouveau siècle, prêcha le Sacré-Cœur. Le Père Duport continua. Le Père Falaiae acheva. Et le Père Dupire, revenu à Saint-Joseph après huit ans de dévouement à d’autres ouailles, soutient de son ancienne autorité la dévotion au Roi d’Amour.

Tous les sauvages se sont affiliés, par des confréries spéciales, aux grands foyers du Vieux-Monde, d’où rayonne le Cœur de Jésus. Ils n’omettraient pas pour un trésor, s’ils se trouvent au voisinage de leur église, la communion du premier vendredi du mois.

Des trappeurs s’imposent des journées de marche afin d’être présents à la fête mensuelle du Sacré-Cœur. Plusieurs ont sacrifié des chasses et des pêches nécessaires à leur vie, confiants en la parole de Celui qui est riche envers ceux qui l’invoquent, et qui a promis de bénir toutes les entreprises.

La plupart de ceux que retiennent trop souvent les distances ou la disette se sont imposé, en dédommagement, la dévotion à tous les vendredis de l’année. Chaque vendredi qu’ils passent à la mission, ils s’approchent des sacrements. Retournés au fond des bois, ils s’unissent par la communion spirituelle à Notre-Seigneur présent dans l’Eucharistie et aux heureux fidèles des grands pays dont la vie est assurée, et qu’ils se représentent allant, pleins de reconnaissance, à la Sainte Table de la chaude église, voisine de leurs maisons...

Le grand nombre des bons Indiens, séduits par la divine industrie du Sacré-Cœur, qui par ses promesses en faveur des neuf premiers vendredis n’a voulu que donner à ses enfants la faim de son Corps et de son Sang —qui edunt me, adhuc esurient,— font la sainte communion fréquente ou quotidienne.

Un Montagnais du fort Résolution disait, en mourant, à sa femme:

« Je te donnerai seulement comme dernière recommandation de bien aimer le Sacré-Cœur de Jésus, et de le faire aimer par nos enfants. Ne leur apprends pas autre chose. Il n’y a pas longtemps que j’ai appris cela; mais j’ai fait ce qu’a dit le père, et j’ai vu que c’était bien vrai. »

Le cahier-journal du Grand Lac des Esclaves contient cette petite note, qui,…

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Message  Louis Jeu 6 Avr - 7:19


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

La lampe du sanctuaire.

Le cahier-journal du Grand Lac des Esclaves contient cette petite note, qui, sous son humble apparence, marquerait à elle seule l’immensité de tous les progrès accomplis:

12 avril 1912.—Pour la première fois, depuis la fondation de la mission, une lampe brûle dans le sanctuaire. Cette mystérieuse lumière fait du bien au cœur. Elle nous sera l’étoile qui conduisit les Mages à la Crèche de Bethléem. Grand merci à l’âme généreuse qui nous fait ce précieux présent !

Cela veut dire que pendant soixante ans les missionnaires du Mackenzie n’eurent même pas la douceur d’offrir à Jésus sa petite lampe gardienne: l’huile eût coûté trop cher, et sa propre flamme ne l’eût pas défendue de la gelée, en ces maisons-chapelles, que les nuits transformaient en glacières, à mesure que s’éteignait le foyer de l’âtre. Cela veut dire qu’il est devenu possible de vivre assez confortablement, en des abris mieux aménagés. Cela veut dire que le missionnaire a la consolation de savoir moins seul son divin Compagnon de l’exil.

En 1864, Mgr Grandin, arrivant de sa longue visite aux missions polaires,…

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Message  Louis Dim 9 Avr - 6:39


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

« Le martyre sans gloire. »

En 1864, Mgr Grandin, arrivant de sa longue visite aux missions polaires, s’agenouillait aux pieds de Pie IX, avec une supplique demandant l’autorisation de conserver le Saint-Sacrement sans lampe.

Le Pape lut attentivement toutes les raisons exposées:

— Mais, dit-il, je ne puis accorder pareille chose que dans les cas de persécution; et, grâce à Dieu, vous n’en êtes pas encore là.

— Très Saint-Père, repartit Mgr Grandin, nous ne sommes pas persécutés, c’est vrai; mais nous avons tant à souffrir ! Il nous arrive souvent de ne pouvoir célébrer la messe qu’avec une seule lumière... Si vous nous enlevez le bon Dieu, que deviendrons-nous ?

— Gardez le bon Dieu, répondit Pie IX, tout ému. Oui, gardez le bon Dieu.... Vous avez tant besoin de Notre-Seigneur! Mon cher évêque, dans votre vie, toute de sacrifice et de privation, vous avez le mérite du martyre, sans en avoir la gloire !

Aujourd’hui, après soixante-dix ans du « martyre sans gloire », tous les sanctuaires du Mackenzie, à l’exemple de la mission Saint-Joseph, possèdent et entretiennent leur petite lampe consolatrice.

MISSION SAINT-ISIDORE (Fort Smith)…

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Message  Louis Lun 10 Avr - 7:36


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Mission Saint-Isidore et ferme Saint-Bruno du fort Smith.

MISSION SAINT-ISIDORE (Fort Smith) (1)

La mission Saint-Isidore du fort Smith est ensevelie sous l’éternel grondement des rapides, qui brisent la rivière des Esclaves, à mi-chemin entre le lac Athabaska et le Grand Lac des Esclaves.

Ces rapides viennent mourir brusquement au pied de la côte sablonneuse, couronnée du fort et de la mission. Ils sont les dernières entraves à la navigation, du 60e degré de latitude au pôle nord.

Comme pour profiter de la suprême liberté que la nature sauvage lui accorde, la rivière se précipite, sur 35 kilomètres d’engorgement, en trois avalanches de cascades, que l’hiver n’immobilisera jamais, et qui défieront longtemps l’ambition conçue par l’homme de les dompter.

Sur les rochers enclavés dans les précipices, on voit des pélicans, confondus avec l’écume, happer les poissons qui dévalent. C’est aussi l’aire de leurs couvées, les seules connues de la région arctique. Par les beaux jours, ils s’élèvent du sein des embruns en volées solennelles et viennent planer de leurs grandes ailes blanches frangées de soleil, sur les bois et les maisons d’alentour. Le bruit des cataractes couvre leurs cris jusque dans les hauteurs de leur vol.

Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux. - Page 11 Page_310

Les forces hydrauliques du fort Smith mettraient en action un nombre incalculable d’usines et de fabriques. Elles seront partiellement saisies par l’industrie, à n’en point douter; elles broieront le minerai du Mackenzie; elles alimenteront de mouvement, de chaleur et de lumière une ville, des villes peut-être. Cet avenir, prévu par Mgr Breynat, le détermina à établir sur ce terrain des positions de choix: un hôpital, une école, une vaste maison pour les missionnaires.

A 32 kilomètres au nord-ouest du fort Smith, dans les prairies aux herbes salines, arrosées par la rivière au Sel, à l’abri des montagnes du Buffalo, refuge des derniers bisons libres du Canada, Monseigneur a entrepris, en 1911, au prix d’énormes sacrifices, la Ferme Saint-Bruno, dont il espère tirer plus tard une partie des ressources assurées de son vicariat.

A la tête des rapides, se trouve un petit poste qui ne fut d’abord qu’une succursale de Saint-Isidore: …
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(1) La mission Saint-Isidore n’est autre que celle de la rivière au Sel (résidence du patriarche Beaulieu), qui fut visitée depuis les commencements par les pères du Grand Lac des Esclaves et les missionnaires de passage. Elle fut fixée, en 1876, au pied des rapides du fort Smith, à 24 kilomètres en amont du confluent de la rivière au Sel et de la rivière des Esclaves, pour le service des mêmes Indiens.

De ces Indiens, les Couteaux-Jaunes ne sont que le petit nombre, à la mission Saint-Isidore, de même qu’à la mission Sainte-Marie, fort Fitzgerald, sa voisine du sud. Au fort Smith, dominent les Montagnais (souche du lac Athabaska), et au fort Fitzgerald, les Mangeurs de Caribous (souche du Fond-du-Lac). Nous avons placé ces missions dans le chapitre des Couteaux-Jaunes, parce qu’elles sont les filles de la mission Saint-Joseph du fort Résolution.

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Message  Louis Mar 11 Avr - 8:06


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Mission Sainte-Marie du fort Fitzgerald.


A la tête des rapides, se trouve un petit poste qui ne fut d’abord qu’une succursale de Saint-Isidore: la mission Sainte-Marie du fort Fitzgerald. (1).

Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux. - Page 11 Page_311

La mission Sainte-Marie, la dernière en latitude nord du vicariat d’Athabaska, reçoit tous les effets du Mackenzie, et les remet à la mission Saint-Isidore, la première en latitude sud de ce vicariat. Un portage de 25 kilomètres, aménagé dans le bois, sur la gauche des rapides, relie Sainte-Marie et Saint-Isidore. Les chevaux de Mgr Breynat pourvoient au transport des barques et de leur contenu. (1)

Les rapides du fort Smith engloutirent plusieurs cargaisons de nos ravitaillements, attirées par la succion du courant, plus forte que les bras qui les poussaient vers le petit port du fort Fitzgerald; et, hélas !...
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(1) Fort Smith’s Landing jusqu’à 1916. Le nom de Fitzgerald fut substitué, à la demande de la Gendarmerie Royale à cheval du Nord-Ouest (Royal North-West Mounted Police) en mémoire du brave inspecteur Fitzgerald (catholique), qui mourut de faim, l’hiver 1911, avec tous ses subalternes, dans une expédition entreprise des bouches du Mackenzie, leur résidence, au fort Youkon (chemin de Mgr Clut).

La Gendarmerie du Nord-Ouest (vulgairement appelée la Police Montée, (the Mounted Police) a des casernes de deux ou trois hommes aux forts Fitzgerald (résidence de l’inspecteur), Résolution, Simpson, Norman, Mac-Pherson et Île Hershell. Ils tâchent de maintenir la crainte chez les Indiens.


(1) Ces chevaux, les derniers que l’on rencontre, en allant au nord, dans le bassin d’Athabaska-Mackenzie, sont occupés au labour ou à la moisson de la ferme Saint-Bruno. L’hiver, on les relâche dans les bois, où ils pourvoient à leur nourriture, en grattant la neige jusqu’à l’herbe, avec leur sabot. Le cheval ne prendra pas, de longtemps, le chien de trait, dans l’Extrême-Nord, faute de routes. Les chemins du fort Fitzgerald au fort Smith, et du fort Smith à la ferme Saint-Bruno — quels chemins ! — sont les uniques et derniers carrossables du Mackenzie.

Avant qu’existât le portage actuel de la rive gauche, les rapides se passaient à droite, par trois portages rapprochés, sur des pentes raides et dangereuses.

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Message  Louis Mer 12 Avr - 7:21


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Noyade des Pères Brémond et Brohan.


Les rapides du fort Smith engloutirent plusieurs cargaisons de nos ravitaillements, attirées par la succion du courant, plus forte que les bras qui les poussaient vers le petit port du fort Fitzgerald; et, hélas! deux jeunes missionnaires: les Pères Brémond et Brohan.

Le Père Brémond était en charge de la mission Sainte-Marie, à la tête des rapides, depuis dix ans. Dévoué, aimable, prêchant à ravir, les sauvages le chérissaient. Le Père Brohan, nouveau prêtre, arrivait du scolasticat de Liége, en route pour sa destination du Mackenzie; bâti en « homme du Nord », remarquable de savoir-faire, il promettait une belle carrière.

Le dimanche 14 juin 1908, après le salut du Saint-Sacrement, sur les quatre heures, le Père Brémond, canotier très adroit, se rendit au désir de son hôte qui se disait amateur d’une expédition en pirogue d’écorce, et lui proposa de traverser la rivière des Esclaves jusqu’à un endroit de la rive droite, d’où il est possible de voir bouillonner le premier rapide. Nos touristes revenaient en chantant.

Comme ils atteignaient le remous qui constitue le port, le contre-courant empoigna la proue. Le contre-coup de pagaie du Père Brémond suffisait à empêcher le canot de pivoter sur lui-même et à le relancer dans le remous; mais un mouvement nerveux du Père Brohan qui se souleva un peu fit chavirer l’esquif. Tout disparut, en un instant, sous les yeux consternés du Père Lefebvre et des Indiens. Des jeunes gens jetèrent les barques à l’eau pour le sauvetage; mais ni du canot, ni des missionnaires, on ne revit jamais une épave.

Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux. - Page 11 Page_313

Malgré la vigilance et les travaux du Père Mansoz, son directeur actuel, la mission Saint-Isidore n’est pas encore sortie des langes de sa pauvreté. Avec ses œuvres et ses édifices, elle multiplie sa gêne. Elle n’a, pour attendre le secours des chemins de fer et des exploitations minières, forestières, que sa pêche du pied des rapides, qui est la plus précaire de tout le Nord, sa chasse aux rares orignaux, et ses patates, qu’il faut disputer aux gelées particulièrement traîtresses de la région.

La première messe du fort Smith fut célébrée par le Père Gascon, le 3 août 1876.

Le premier missionnaire résident, après en avoir été le visiteur, à la suite du Père Gascon, celui qui en connut, par conséquent, tout le pain noir, fut…

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Message  Louis Jeu 13 Avr - 7:37


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Mgr Célestin Joussard.

Le premier missionnaire résident, après en avoir été le visiteur, à la suite du Père Gascon, celui qui en connut, par conséquent, tout le pain noir, fut le Père Joussard.

MGR CÉLESTIN JOUSSARD (1851)

Il naquit, le 2 octobre 1851, à Saint-Michel-de-Geoirs, diocèse de Grenoble.

Mgr Clut l’ordonna prêtre, au scolasticat d’Autun, le 21 avril 1880, et l’emmena aussitôt.

Le jeune missionnaire passa l’hiver à la Nativité. Le printemps 1881, il savait le montagnais au point de prêcher seul la mission du fort Smith. De là, il se rendit au Grand Lac des Esclaves, où il fut l’assistant du Père Dupire, pendant huit ans.

Du lac des Esclaves, il revenait presque chaque année au fort Smith.

En 1888-1889, il y résida.

Du fort Smith, il fut envoyé au fort Vermillon, sur la rivière la Paix, où il ajouta à son montagnais le cris et le castor.

C’est à ce poste que, vingt ans après, le 11 mai 1909, l’Eglise le trouva pour l’investir de l’épiscopat, sous le titre d’évêque titulaire d’Arcadiopolis et de coadjuteur, avec future succession, de S. G. Mgr Grouard, vicaire apostolique d’Athabaska.

La nouvelle lui parvint au temps de la fenaison. Il se hâta de rentrer sa récolte, afin de se rendre à Vancouver, où, à une date qui ne pouvait aisément se reculer, le Révérendissime Monseigneur A. Dontenwill, supérieur général des Missionnaires Oblats de Marie Immaculée, l’attendait pour le consacrer. Il arriva presque en retard.

La cérémonie eut lieu, le 5 octobre, dans l’église du Saint-Rosaire.

Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux. - Page 11 Captu143

Comme le pauvre élu n’avait rien d’épiscopal dans son havresac, S. G. Mgr Dontenwill lui donna l’une de ses soutanes, qui se trouva presque une fois trop large, et son plus bel anneau.

Au lendemain de la fête, Mgr Joussard partit pour le concile de Québec.

Roulant en chemin de fer, à travers cette prairie qu’il avait si lentement parcourue, avec les bœufs, vingt-sept ans auparavant, et rêvant aux merveilles du génie humain, il prenait, sur ses genoux, son dîner de sandwich. Des débris l’embarrassèrent. Il les jeta par la portière, et, avec eux, le bel anneau du sacre. Le télégraphe, autre merveille, eut beau, de la gare suivante, sonner alarmes sur alarmes à l’homme de section: les recherches n’aboutirent qu’à laisser à l’ancienne prairie vierge l’émeraude et son écrin. Un chanoine d’Ottawa prêta son humble jonc à Sa Grandeur, qui voulait bien étrenner ses pouvoirs par une confirmation solennelle, à l’église du Sacré-Cœur.

A Québec, Mgr Joussard vit les premières assises de l’auguste assemblée. Puis, comme Mgr Clut au concile du Vatican, l’ennui le prit de ses missions.

Il attendit cependant l’heure de jouir d’une consolation que lui avait promise la vieille et bonne cité française du Canada:…

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Message  Louis Ven 14 Avr - 7:45


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Saint-Sauveur de Québec.

Il attendit cependant l’heure de jouir d’une consolation que lui avait promise la vieille et bonne cité française du Canada: la consolation d’assister à un triomphe du Sacré-Cœur. Les Oblats, qui, depuis le Père Durocher, avaient dirigé la paroisse Saint-Sauveur, très populeuse, et si Québecquoise, y avaient fait s’épanouir dans sa splendeur la dévotion au Sacré-Cœur.

Le Père Lelièvre, directeur des hommes et jeunes gens, prépara aux Pères du concile, invités pour le 21 septembre, une manifestation générale, simplement semblable à celles qui se sont renouvelées chaque premier vendredi du mois, depuis 1905 jusqu’à nos jours, sauf que, ce soir-là, les braves ouvriers, endimanchés, furent chercher les évêques dans des carrosses de gala, et que leur procession se déroula dans les décors féeriques des rues du vieux Québec.

L’église Saint-Sauveur débordait, jusqu’aux recoins de la place publique, de ces milliers d’hommes, amis du Sacré-Cœur. A entendre chanter et prier cette masse de poitrines, les prélats comprirent que le Règne du Sacré-Cœur était bien établi sur le peuple canadien, et qu’il n’avait plus qu’à rayonner de Québec sur l’immense continent. Les comptes rendus de la cérémonie rappelaient, le lendemain, les paroles d’admiration, prononcées par les Pères du Concile, à ce spectacle. Mgr Joussard s’était écrié:

« —Je puis maintenant chanter mon Nunc dimittis. Jamais je ne verrai rien de plus beau sur la terre ! »

La France invitait alors l’évêque-missionnaire qui n’avait jamais revu son pays natal. Mais,…

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Message  Louis Sam 15 Avr - 7:58


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Saint-Sauveur de Québec.

SUITE

La France invitait alors l’évêque-missionnaire qui n’avait jamais revu son pays natal. Mais, loin de se rendre à cet appel, ne se donnant même pas le temps d’assister jusqu’au bout aux séances du Concile, il dit adieu à une civilisation qu’il avait si bien compté ne plus revoir, et repartit pour le fort Vermillon, où sa hache l’attendait pour abattre les sapins d’une nouvelle construction et pour bûcher le bois de chauffage de l’hiver qui venait. Chemin faisant, de par le vicariat, il écrit:

Je vous prie de croire qu’à mon arrivée au lac Wabaska, on ne m’aurait pas pris pour un évêque. Aussi le Père Batie avait peine à nous reconnaître, tellement nous étions, le Père Jaslier et moi, dans un état indescriptible. La pluie pendant six jours, des marais à rester dedans, et la dernière journée dans l’eau jusqu’à la ceinture, pendant plus d’une heure, appelant, criant qu’on vienne nous aider à traverser, et, pour bouquet, durant quatre heures de nuit, à travers des fondrières sans nom, des ponts coupés par le milieu, où mes chevaux se lançaient pour atteindre l’autre bord et s’engouffraient dans des tourbillons de vase gluante d’où il fallait les arracher, presque sans les voir. Plus d’une fois, dans ce beau voyage, les chevaux nous ont descendus de selle. Parfois même, ces pauvres bêtes s’anéantissaient tellement sous nous que, les deux pieds à terre, nous pouvions en reculant, quitter notre siège sans même toucher à la selle... Jamais, de ma vie de missionnaire, je n’ai vu pareils bourbiers, si profondes fondrières. Mais le bien se fait. On s’en donne la peine.

De Mgr Joussard, nous avons retrouvé une perle fraîche — combien plus précieuse que celle de la prairie ! — dans l’amas des correspondances conservées par Mgr Clut…

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Message  Louis Dim 16 Avr - 7:13


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Bloqué dans les glaces.

De Mgr Joussard, nous avons retrouvé une perle fraîche — combien plus précieuse que celle de la prairie ! — dans l’amas des correspondances conservées par Mgr Clut. Nous nous permettons de reprendre cette lettre, parce qu’elle présente l’une des épreuves du lot commun des missionnaires, que nous n’avons pas décrite: l’arrêt soudain d’un esquif dans les glaces.

Le Père Joussard est au fort Smith, l’automne 1884. Les Indiens veulent le retenir parmi eux. Mais il doit partir pour sa résidence de Saint-Joseph, avec une barque contenant 112 ballots, qui viennent d’arriver aux rapides, et qui sont les effets des missions du Mackenzie pour 1885. L’hiver menace. C’est de ce voyage qu’il rend compte à Mgr Clut:

«...Il faut que je quitte mes enfants; mais mon cœur se resserre comme si de nouveau je faisais le sacrifice de la famille. Ah ! c’est que je les aime ardemment mes sauvages. Et ils en sont dignes !

«  La terre est déjà couverte de son blanc linceul. Le temps est froid. La neige tombe abondante. La rivière s’épaissit. Nous sommes le 13 octobre. Je pars avec trois jeunes gens, non sans me confier de toute mon âme à notre bonne Mère: car je prévois plus d’un danger... Le lendemain, notre timonier tombe malade, incapable de tenir la rame. Je prends sa place. Le temps presse. De gros glaçons, vraies banquises, se promènent déjà sur la rivière. Jour et nuit, nous nous laissons emporter au courant, car mes deux rameurs sont insignifiants pour une charge d’environ 11.200 livres, dont notre bateau déborde. Je ne crains qu’une chose: échouer en plein fleuve, sur quelqu’un des bancs de sable, nombreux à cette époque de la décroissance des eaux. Le pesant bateau, une fois plaqué sur l’écueil par le courant, résisterait à tous nos efforts; et la glace ne tarderait pas à nous y briser.

« Ce que je craignais, nous arriva dans les ténèbres de la troisième nuit; et, sans un secours d’en-haut, je ne sais ce qui fût advenu de nous. Voyez-nous donc au milieu de ce fleuve. Depuis longtemps nous luttons pour gagner la rive gauche, et avoir ainsi, en cas de malheur, la ressource de regagner à pied, à travers bois, notre île lointaine (l’île d’Orignal) du Grand Lac des Esclaves. Mais, malgré nos efforts, nous ne gagnons rien: le courant et les banquises nous poussent avec fureur sur la rive droite où nous attend le désert, la mort. Des glaçons, mordants comme des limes, pressent sans cesse les flancs de notre embarcation, et vont finir par les ouvrir. La nuit est profonde, et, dans les ténèbres, on n’entend que des grands bruits de glaçons qui se concassent, rompent les digues formées par leurs devanciers, et se précipitent de nouveau par avalanches. Ce fracas du large nous épouvante, quand tout à coup il retentit autour de nous. Nous nous croyons dans un vrai rapide. La glace se rue autour du bateau qui tressaille des secousses: nous sommes échoués. Le courant, continuant sa course, nous laisse ses glaces, qui s’accumulent et se dressent bientôt, au-dessus de nos têtes. Ramer est impossible: nous sommes au milieu d’un glacier. Nous mettre à l’eau serait nous faire déchirer et emporter.

« Force nous est donc d’attendre une éclaircie pour tenter le sauvetage. Dix minutes s’écoulent, dix minutes bien longues, pendant lesquelles ma prière monte à Marie, la suppliant de nous prendre en pitié et de venir à notre aide. Encore une tentative: nous voilà à l’eau, dans un moment que nous croyons favorable, pour dégager la barque à coups d’épaules. Elle ne remue pas d’une ligne; elle est sur le roc. Mais voici venir sur nous une banquise plus grande; si elle nous frappe, c’en est fait; nous sommes perdus !

« Ma prière et ma confiance en Marie redoublent avec nos efforts..

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Message  Louis Lun 17 Avr - 6:54


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Bloqué dans les glaces.

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« Ma prière et ma confiance en Marie redoublent avec nos efforts. C’est le succès: le bateau tourne sur lui-même, comme sur un gond; nous sautons à bord, évitons la banquise, et gagnons la rive gauche, au prix d’une heure encore de lutte contre la rivière. Nous constatâmes alors que le danger avait été plus grand que nous ne l’avions pensé; nos parois étaient usées par le frottement au point que notre bateau faisait eau de partout et qu’il allait sombrer.

« Après nous être assurés que nous étions solidement amarrés, nous nous couchons dans le bateau même, tant nous redoutons qu’il soit emporté à notre insu. Il neige à plein ciel. La glace s’amoncelle, en grinçant, autour de nous, et nous enserre comme un étau. Dans ce froid et ce vacarme, il m’est impossible de dormir. Je secoue donc mes couvertures et je vais à terre. La descente du lit est moelleuse. J’allume un feu, et j’attends, assis sur quelques branches de sapin, le jour qui ne se presse pas. A l’aurore, la rivière ne nous apparaît plus que comme une nappe solide et blanche: elle est prise par l’hiver.

« Après avoir mis en cache les marchandises, nous prenons sur le dos nos couvertures et nos vivres, et nous nous dirigeons vers le Grand Lac des Esclaves, sans raquettes, à travers le bois, les marécages et les savanes aux grandes herbes. Après deux jours de fatigues inouïes, nous arrivons à la mission Saint-Joseph, surprenant le Père Dupire, qui ne nous attendait plus.

« Voilà, Monseigneur, le récit de mon voyage du fort Smith, voyage qui ressemble un peu à ceux dont Votre Grandeur a eu si souvent la triste expérience, et où notre bonne Mère du Ciel s’est toujours montrée si fidèle à sauver le missionnaire du Mackenzie.

« Mais, dans ce voyage, et sur le chemin que nous força de prendre notre…

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Message  Louis Mar 18 Avr - 6:49


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CHAPITRE XII: Les Couteaux-Jaunes.

Bloqué dans les glaces.

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« Mais, dans ce voyage, et sur le chemin que nous força de prendre notre mésaventure, Dieu me ménageait la grande consolation de rendre heureux un pauvre mourant, rencontré au milieu du bois. Il n’espérait plus me voir ici-bas. Aussi, en me serrant la main, de grosses larmes roulaient sur ses joues.

«  — Pourquoi pleures-tu, lui dit un de mes jeunes gens ? Nous ne sommes pas maîtres de notre vie; elle appartient à Dieu.

« — Oh ! c’est de bonheur que je pleure, répondit le malade ! J’avais perdu l’espoir de revoir le père et de pouvoir encore me confesser, et voilà que le père me serre la main ! Que je suis content ! Père, écoute ce rêve que j’ai fait cette nuit. Il me semblait que j’étais tombé dans la rivière des Esclaves; j’ai voulu saisir une épave qui m’a toujours échappé: c’est la vie qui s’en va, je le vois bien, et que je ne puis saisir. Mais que la volonté de Dieu soit faite! Je t’ai vu. Je me suis confessé. C’est assez ! »

« N’est-ce pas là, Monseigneur, une ample compensation aux petites misères que nous nous imposons pour nos chers Indiens ?...»

Chapitre XIII. LES PLATS-CÔTÉS-DE-CHIENS

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Message  Louis Mer 19 Avr - 6:25


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Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux. - Page 11 Captur36

CHAPITRE XIII

LES PLATS-CÔTÉS-DE-CHIENS

La légende. Fort Rae et mission Saint-Michel. Mgr Grandin chez les Plats-Côtés-de-Chiens. — Le Père Roure. — Souffrit-il de la faim ?  —Quelques histoires. Célébrités de la science et du sport au fort Rae. Superstitions et tabous. Pauvre femme dénée ! Foi des Plats-Côtés-de-Chiens .—  Pie X les aima.

La légende.

Ainsi parla, en 1866, un chef Plat-Côté-de-Chien, interrogé par le missionnaire, sur l’origine de sa tribu:

Une femme Couteau-Jaune habitait seule avec ses frères, car elle n’avait point encore eu de mari. Un jour il arriva un étranger; c’était, dit-on, un bel homme. Il passa quelques jours sous la tente des Couteaux-Jaunes. Alors les frères de la femme dirent à leur sœur:

— Voici un beau déné qui t’arrive. Que ne te maries-tu avec lui ? — Mariez-vous donc, leur dit-on.

Et ils s’assirent aussitôt l’un à côté de l’autre.

La nuit venue, on se coucha. Mais la femme s’étant réveillée, elle fut bien étonnée de ne plus voir son mari.

—Où peut-il être allé ? se demandait-elle.

Cependant, voilà que tout à coup elle entendit un bruit insolite dans la loge, après que le feu s’y fût éteint. C’était un bruit tel que le ferait un chien en grugeant des os dans le foyer.

— Quel peut-être ce chien que j’entends ronger ainsi des os ? se demanda-t-on; car il n’existait point de chien avec ces gens-là.

Vite on se lève, on rallume le feu, on cherche dans tous les recoins. Mais de chien, point.

Les habitants de la tente s’étant recouchés après cette alerte, le même bruit se renouvelle dès que l’obscurité se fait de nouveau.

— D’où vient donc ce chien qui rôde dans notre loge ? Nous n’avons point de chien avec nous, se dirent les Dénés.

Alors, l’un des frères lança sa hache de pierre dans le coin d’où partait le bruit qui les épouvantait. Un cri de douleur retentit au milieu de la nuit. Vite on se lève, on attise le feu, on produit de la lumière. Et qu’aperçoit-on ? Là, sur les cendres, baigné dans son sang, est un gros et beau chien noir que la hache a tué. Quant à l’étranger, il ne reparut plus jamais.

— Ah ! c’était donc cet animal qui, homme durant le jour et marié à notre sœur, se métamorphosait en chien pendant la nuit, se dirent les frères Dénés! C’est un ennemi, un Eyounè (revenant, fantôme).

Ainsi pensèrent les deux frères. Aussitôt, ils chassèrent leur sœur de leur compagnie, parce…

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Message  Louis Jeu 20 Avr - 6:42


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CHAPITRE XIII: Les Plats-Côtés-de-Chiens.

La légende.

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Ainsi pensèrent les deux frères. Aussitôt, ils chassèrent leur sœur de leur compagnie, parce qu’elle avait dormi avec le chien, le magicien ennemi, l’homme-chien. Ils furent sans pitié pour elle, afin de ne pas mourir eux-mêmes.

Elle s’installa donc loin du pays de ses pères, pleurant toute seule, dans le désert, à l’orient du territoire déné. Elle vécut là tendant des lacets aux blancs lapins des bois, et des hameçons en os ou en arêtes aux vertes truites des grands lacs.

Cependant la femme Couteau-Jaune mit au monde six petits chiens. Honteuse de son fruit, mais cependant amoureuse de sa progéniture, elle cacha ses petits dans une sacoche à coulisse, faite avec des peaux de jambes de rennes cousues ensemble.

Un jour qu’elle était allée, comme de coutume, visiter ses collets à lièvre, elle aperçut, à son retour, sur les cendres tièdes du foyer, des empreintes de petits pieds nus d’enfants.

— D’où viennent ces pistes humaines, se dit la pauvre mère? Il n’y a dans ma sacoche que mes petits chiens.

Le lendemain, le même phénomène se renouvela.

— Evidemment, ce sont mes petits qui en agissent ainsi, se dit la Couteau-Jaune. Ils sortent, de jour, pour jouer, et alors ils sont hommes comme leur père. Mais rentrés dans les ténèbres, ils redeviennent chiens. Bien! Je sais ce que je vais faire.

La pauvre mère attacha donc une longue lanière de cuir à la coulisse dont l’orifice de la sacoche était garni, et, la prenant dans sa main lorsqu’elle partit, le lendemain, pour sa course ordinaire, elle dit:

— Ah ! mes petits, soyez bien sages, voilà que maman s’en va quérir des lièvres blancs pour votre repas.

Ce disant, elle partit, traînant sa lanière; mais au lieu de s’en aller, elle se blottit derrière un fourré de buissons et attendit, tremblante, que les petits chiens sortissent de leur nid sombre et chaud. Ce moment ne se fit pas attendre. Quelques instants après, elle entendit les petits chiens qui s’entre-disaient: « Maman est partie. Sortons et jouons ».

Alors un petit chien mis le nez à l’air, il huma l’air de tous côtés; puis, se voyant seul, il…

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Message  Louis Ven 21 Avr - 6:19


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CHAPITRE XIII: Les Plats-Côtés-de-Chiens.

La légende.

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Alors un petit chien mis le nez à l’air, il huma l’air de tous côtés; puis, se voyant seul, il bondit hors de la sacoche, et, à peine sur le foyer, il devint un beau petit garçon. Un autre, puis un autre, suivirent le premier, et les voilà tous les six, petits garçons et petites filles, jouant, dansant et se divertissant autour du feu central de la loge. Le cœur de la femme dénée palpitait d’émotion.

— Ah ! si je puis les empêcher de rentrer de nouveau dans les ténèbres de la sacoche, se dit-elle, ils seront hommes pour toujours.

Ce disant, elle tira vivement à elle la lanière qui en fermait la coulisse; mais, avant que l’ouverture du sac eût le temps de se resserrer, trois petits enfants y avaient sauté et y étaient redevenus chiens. Quant aux trois autres, deux petits garçons et une petite fille, ils essayèrent bien aussi de se dérober à la lumière; mais ils demeurèrent hors du sac et conservèrent la nature humaine. La femme accourut alors. Elle s’empara de ses trois enfants, elle les couvrit de caresses, elle leur donna de petits vêtements blancs en peaux de lièvres tressées, et les éleva. Quant aux trois autres, qui s’étaient obstinés à redevenir chiens, elle les détruisit sans pitié.

Les deux frères devinrent très puissants par la vertu de la magie paternelle dont ils avaient hérité. Leur tente était constamment bien pourvue de viande de venaison. Alors ils pensèrent à aller visiter leurs oncles maternels, et ceux-ci ne les repoussèrent plus, comme ils avaient fait de leur mère, parce qu’ils étaient de bons chasseurs et des hommes redoutables par la magie.

Les deux frères épousèrent ensuite leur sœur et eurent un grand nombre d’enfants. Et ces enfants, c’est nous-mêmes, donc, nous les Dénés, que nos parents maternels nomment Lin-tchanrè, en souvenir de notre ancêtre, l’Homme-Chien. (1)            
   
Telle est leur légende. Elle se diversifie avec les narrateurs et les époques; mais tous se…
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(1) Traditions Indiennes du Canada Nord-Ouest, Emile Petitot, 1888.

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Message  Louis Sam 22 Avr - 6:18


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CHAPITRE XIII: Les Plats-Côtés-de-Chiens.

La légende.

SUITE

Telle est leur légende. Elle se diversifie avec les narrateurs et les époques; mais tous se proclament les fils du chien. Depuis que la Révélation leur a appris l’histoire de l’humanité, ils conservent, en chanson de geste, les récits des aïeux, les croyant encore à demi, tant l’homme est constitué traditionaliste, quoi qu’il en veuille.

Les coureurs-des-bois traduisirent avec exactitude la dénomination indienne, Lin-tchanrè: Plats-Côtés-de-Chiens, Flancs-de-Chiens, Dogribs. Les plates-côtes sont le morceau de choix dans la boucherie sauvage; et les Plats-Côtés-de-Chiens ne pouvaient se réclamer d’une partie plus noble de l’animal que tous les Dénés tiennent pour le plus ignoble de tous, mais que la fatalité leur infligea pour père. Chien, dans leur estime, c’est encore le vil étranger, le barbare du dernier étage; Flanc-de-Chien, au contraire, c’est le palladium héraldique, le blason d’orgueil des hommes, des Dénés par excellence. Ce qu’apprenant, Louis Veuillot écrivait aux philosophes du Vieux-Monde, dans son Evêque pouilleux: « Les Plats-Côtés-de-Chiens ont la vanité de descendre d’un grand chien, comme plusieurs de nos savants ont l’humilité de remonter à un grand singe. »

Il arriva — faveur inouïe — qu’un missionnaire fut si bien trouvé à leur image et ressemblance, par le conseil des sages, qu’il reçut l’estampille de la lignée, et qu’on l’appela le Yialtri-Lintchanrè, le Priant Plat-Côté-de-Chien. Au Père Duport cet honneur. Ce qu’il en ressent de gloire ! Lorsqu’il quitta la tribu, pour prendre la direction de la mission Saint-Joseph, les Plats-Côtés-de-Chiens ne cessaient d’envoyer des parlementaires au fort Résolution:

Ah ! notre Père Plat-Côté-de-Chien, tu étais bien comme nous autres: tu courais, tu parlais, tu riais, tu avais des poux, tu faisais pitié, comme nous. Quand reviendras-tu? Reviens donc, reviens: tu étais un vrai Plat-Côté-de-Chien. Jamais on n’aurait pensé qu’un Blanc pouvait devenir Plat-Côté-de-Chien, comme tu l’es devenu. Oui, reviens chez nous. Les vieux de la tribu ont parlé...

Les Flancs-de-Chiens occupent le territoire qui s’étend des Couteaux-Jaunes aux Esquimaux…

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Message  Louis Dim 23 Avr - 6:32


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CHAPITRE XIII: Les Plats-Côtés-de-Chiens.

Fort Rae et Mission Saint-Michel.

Les Flancs-de-Chiens occupent le territoire qui s’étend des Couteaux-Jaunes aux Esquimaux, c’est-à-dire les rivières et les lacs échelonnés entre le Grand Lac des Esclaves et le Grand Lac de l’Ours. Ils passent l’été dans les terres stériles, et l’hiver dans les bois attenants, comme le renne, qui leur fournit la nourriture et le vêtement. Lorsqu’ils manquent la passe du renne (caribou), ils meurent de faim, en grand nombre. Leur tuerie annuelle normale s’évalue à vingt mille caribous.

La Compagnie de la Baie d’Hudson établit chez eux le fort Rae, fort de ravitaillement plus que de fourrures, comme celui du Fond-du-Lac Athabaska. (1)    

Le premier fort Rae fut bâti au pied d’une montagne entourée d’eau, à 19 kilomètres du fond de la baie du nord, bras du Grand Lac des Esclaves: paysage solitaire, sauvage et splendide, dont les îles et les havres ne connaissent que l’animation temporaire des troupeaux de rennes. En 1906, le fort fut reculé à 28 kilomètres sur le nord, dans le lac Marianne, qui, en réalité, serait la main immense du grand bras du lac des Esclaves, bras et main dont le poignet d’union s’est abusivement nommé la rivière aux Saules.

La mission suivit le fort. Elle fut quarante-sept ans au vieux fort Rae. Depuis 1906, elle attend, au lac Marianne, l’occasion de retourner au bras du lac, plus poissonneux et mieux boisé.

Le fondateur fut le Père Grollier, en 1859:

Je partis de Saint-Joseph pour le fort Rae, afin d’y fonder une nouvelle mission, que je dédiai à saint Michel, ce grand zélateur de la gloire de Dieu, et général en chef des armées célestes, le priant de veiller sur les eaux du Grand Lac des Esclaves, par où passent les amis et les ennemis de la gloire de Dieu... Pour la première fois le saint sacrifice fut célébré au fort Rae, le 17 avril, dimanche anniversaire du jour où les juifs s’étaient écriés, en voyant venir à eux le Sauveur: Benedictus qui venit in nomine Domini ! Il était de la première importance de nous emparer aussitôt de ce poste qui compte près de 1.200 sauvages, avant qu’un ministre y mît les pieds, car Hunter, l’archidiacre, avait dit qu’il l’occuperait bientôt.

La tribu des Plats-Côtés-de-Chiens est restée dans la simplicité primitive…
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 (1) Le fort Rae (prononcer Rè), qui remplace l’ex-fort Providence, de la Compagnie du Nord-Ouest, doit son nom au Dr Rae, facteur en chef de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Il le fonda, en allant à la recherche de sir John Franklin.

Le comptoir du fort Rae fournissait de huit à dix mille rennes, en viande fraîche, séchée et fumée, pilée, en pemmican et en langues: le tout destiné à la nourriture des équipages qui allaient au Portage La Loche, avec les fourrures du Nord.

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Message  Louis Lun 24 Avr - 7:05


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CHAPITRE XIII: Les Plats-Côtés-de-Chiens.

Mgr Grandin chez les Plats-Côtés-de-Chiens.

La tribu des Plats-Côtés-de-Chiens est restée dans la simplicité primitive de ses mœurs et de sa conversion: habits de peau, saleté prodigieuse, ignorance totale des formes civilisées, mendicité outrecuidante, mais foi de Nathanaël.

C’est chez eux que Mgr Grandin disait avoir trouvé la réalisation, sans ombre, de son rêve sur l’Indien de nature, se donnant tel quel à la religion divine. De sa tournée apostolique de trois mois, en 1860, au fort Rae, où il baptisa 164 Flancs-de-Chiens, il aimait à rappeler les divers incidents, depuis son geste étendu, au Dominus vobiscum, pour abattre la pipe du « grand nigaud » qui venait de l’allumer au cierge de l’autel et la fumait tranquillement tout à côté, jusqu’à ce trait du chef, son néophyte, qu’il envoya baptiser un mourant, au loin dans le bois. Le chef revint, rayonnant:

— J’ai donné un nom à mon jeune homme, dit-il au prélat.

— Et comment l’as-tu nommé ?

— Jésus-Christ.

— Assurément, tu ne pouvais lui donner un plus beau nom; mais désormais ne donne plus celui-là: c’est le nom de Dieu, et non celui d’un homme.

— J’ai fait cela afin que Jésus-Christ se souvienne davantage de lui !

Des missionnaires visiteurs, à savoir les Pères Grollier, Eynard, Gascon, Petitot et Mgr Grandin, le principal fut le Père Gascon. Il alla sept fois au fort Rae.

Le premier missionnaire résident des Plats-Côtés-de-Chiens fut…

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Message  Louis Mar 25 Avr - 7:59


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CHAPITRE XIII: Les Plats-Côtés-de-Chiens.

Le Père Roure.


Le premier missionnaire résident des Plats-Côtés-de-Chiens fut le Père Bruno Roure, de 1872 à 1911. (1)

De ces trente-neuf ans, il en passa quatorze absolument seul, sauf les quelques mois de 1879, où le Frère Boisramé vint lui bâtir une maison, et le temps des visites « bisannuelles » de Mgr Clut, son confesseur. De confrère prêtre, il n’eut, pendant 21 ans, que le Père Ladet, qui demeura au fort Rae de 1886 à 1889. Il lui fallut attendre 1903 pour obtenir un compagnon assuré. Ce vicaire fut le Père Duport, que remplaça le Père Bousso. En 1911, le Père Roure laissait sa place au Père Laperrière, pour aller fonder la ferme Saint-Bruno, au fort Smith. En 1915,  au moment de goûter aux premiers fruits de sa ferme,  il était donné à la mission de Notre-Dame de la Providence, comme chapelain des Sœurs Grises et des orphelins. C’est là que, vénéré de tous, il commence sa vieillesse, constant dans le calme pieux et la prudence qui avaient présidé à sa vie, comme dans la fine bonté qui se répandait de ses yeux, de son sourire, de ses paroles, de son cœur, sur ceux qui l’approchaient. Les Plats-Côtés-de-Chiens le pleurent encore.

Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux. - Page 11 Captur37

Ils se souviennent qu’il endura pour eux les misères des commencements.

Dans son poste sibérien, hors de toute voie de communication, le Père Roure était condamné à être le dernier servi. Ses provisions lui arrivaient, via fort Providence. Il raconte que son ballot contenait ordinairement une chemise. Une manche de cette chemise était pleine de farine: sa ration pour l’année. L’autre manche renfermait ses articles de chapelle, de toilette, de cuisine, d’échange commercial. Avec ce qui restait de ce peu, il trouvait le moyen d’acheter des quartiers de rennes et de les envoyer aux orphelins du fort Providence. Une seule privation lui paraissait trop pénible: c’était de ne recevoir son fil à rets que trop tard pour la pêche de l’automne, et d’être astreint de la sorte à casser la glace, tout l’hiver, pour prendre le poisson dont il avait besoin.

Le Père Roure, homme de prévoyance renommée…
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 (1) Né à Saint-Jean-de-Pourcharesse, près Vans (Ardèche), le 13 octobre 1844.

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Message  Louis Mer 26 Avr - 7:29



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CHAPITRE XIII: Les Plats-Côtés-de-Chiens.

Souffrit-il de la faim ?

Le Père Roure, homme de prévoyance renommée (quoiqu’il refusât toujours, afin d’être entièrement missionnaire des pauvres, les secours particuliers que lui offrait sa famille), souffrit-il de la faim ? On lui posa cette question. Il répondit, avec plaisir:

« — Oui. Un soir, j’allai me coucher sans souper, faute de provisions: je n’avais plus une bouchée de n’importe quoi. Une autre fois j’allai encore me coucher sans souper; mais c’était par oubli. »

Une teinte d’humour agrémenta toujours les histoires du Père Roure…

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Message  Louis Jeu 27 Avr - 7:09


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CHAPITRE XIII: Les Plats-Côtés-de-Chiens.

Quelques histoires.

Une teinte d’humour agrémenta toujours les histoires du Père Roure. Il fallait l’entendre narrer doucement, par exemple, comment il faillit se voir ravir la couronne de cheveux qui lui restait, comme elle reste, grâce à Dieu, à la plupart des têtes chauves. C’était trois jours après le départ d’une escouade de Plats-Côtés-de-Chiens, qui étaient venus au fort Rae remplir leur devoir pascal. Une femme revenait du camp, déjà très éloigné, afin de raconter au missionnaire sa désolation d’avoir saisi par la chevelure une autre femme, qu’elle voulait corriger. Comme elle s’égarait dans des considérations étrangères au sujet, et que le Père Roure, cette fois, était pressé, il l’arrêta:

— Enfin, dis-moi exactement ce que tu as fait à cette malheureuse ?

— Tiens ! répondit-elle; voici:

Ce disant, elle prend des deux mains tout ce qu’elle peut empoigner des cheveux du père, et se met à les tirer à elle de toutes ses forces.

— Assez, assez ! Lâche-moi ! je comprends bien maintenant.

— Non, tu ne peux pas me comprendre encore, car je l’ai tenue plus longtemps que cela, et j’ai tiré plus fort. Je veux que tu saches tout.

Et les pauvres cheveux de pâtir de plus belle pendant les minutes que dura la leçon de choses.

— Bien ! fit-elle, à la fin, en regardant les débris qui restaient dans ses mains: c’est à peu près comme ça. Si tu avais eu plus de cheveux, j’aurais pu te faire mieux comprendre. Mais c’est égal; tu peux avoir l’idée de mon chagrin, quand je pense à ma mauvaise action. Bénis-moi, ô père de mon cœur, et demande au bon Dieu de me pardonner !

La maisonnette de 17 pieds de long, qu’avait bâtie le Père Gascon, servit 7 ans au Père Roure…

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