LES INTUITIONS DU CURÉ D'ARS - Chanoine Francis Trochu - Aumonier de l'Adoration à Nantes - Docteur en lettres

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Message  Monique Dim 21 Fév 2021, 8:52 am

XX



La possédée



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Quiconque a lu une Vie du Curé d'Ars ne peut ignorer qu'en l'année 1810 le futur saint échappa à la conscription par suite de « circonstances où il n'y avait eu aucune préméditation de sa part (1) ». Il se réfugia aux Noës, paroisse située dans les monts de la Madeleine, parmi les hauteurs du Forez. Là, il vécut pendant une année entière, tantôt caché dans les dépendances d'une ferme ou dans les grands bois d'alentour, tantôt occupé à l'instruction des enfants ou à la culture des terres. Il y souffrit beaucoup de corps et d'âme. Il appellera plus tard cette partie de son existence « un temps d'exil, un temps de tristesse et de bannissement (2) ».

Les pièces du procès de canonisation nous ont appris beaucoup de choses sur le séjour de Jean-Marie Vianney aux Noës et en particulier un fait assez minime qui a rafraîchi les souvenirs de nouveaux témoins.

Voici d'abord le fait tel que l'a conté, le 3 juin 1864, devant le tribunal ecclésiastique de la Cause d'Ars, Jean Picard, le maréchal-ferrant du village :

Sur la place, je vis un jour une pauvre femme qui offrait les apparences d'une véritable possession : elle sautait, dansait et parlait d'une manière extravagante. Des curieux se réunirent autour d'elle, et elle se mit à raconter la vie de chacun. Or M. le curé Vianney survint. « Pour toi, lui déclara cette femme, par qui s'exprimait un démon, je n'ai rien à te reprocher ». Puis, se ravisant : « Si !... Tu as pris autrefois un raisin.

C'est vrai ; mais j'ai mis un sou pour le payer...

Mais le propriétaire ne l'a pas eu ! »


En effet, M. Vianney raconta qu'il avait pris ce raisin un jour qu'il était obligé de se cacher à cause de la conscription et qu'il était dévoré de soif.



Il semblait bien que tout était dit sur cette histoire et qu'on ne connaîtrait jamais au juste la personne dont avait parlé le maréchal-ferrant, lorsque le hasard d'une conversation amena sur elle des détails circonstanciés.



*

* *



Au cours d'une visite chez M. Donjon qui habite le hameau de Poyet, à Cherier (3), M. l'abbé Loys Roux, curé de la paroisse, amena l'entretien sur saint Jean-Marie Vianney. « Ah ! dit M. Donjon, mon parrain lui mena autrefois une possédée, qui lui reprocha d'avoir pris un raisin dans une vigne. » Il est à noter que M. Donjon n'avait pas lu celle des biographies du saint Curé qui contient le récit de Jean Picard. M. l'abbé Roux en voulut savoir plus long.

M. Donjon avait vingt et un ans à la mort de son parrain, M. Jean-Baptiste Tournaire. Il l'a donc bien connu. Avide dans son enfance d'entendre des histoires, ainsi que ses frères et soeurs, pendant les veillées d'hiver il demandait un conte. Le conte de la possédée était le plus souvent réclamé. Mais le bonhomme Tournaire n'aimait guère ce sujet-là. « Elle nous en a trop fait voir, grommelait-il, elle nous en a fait trop voir ! » Quelquefois cependant, il se décidait à rappeler ces lointains et tristes souvenirs.

Par exemple, Jean-Baptiste Tournaire taisait obstinément le nom de la jeune fille, et cela se comprend : la malheureuse possédée n'était autre que sa propre soeur Blanche, connue sous le nom de la Blandine et qui habitait chez lui, au village du Moussey. Ce village est à trois kilomètres du vieux bourg de Cherier où est venue depuis habiter la famille Tournaire....

Il y aura bientôt cent ans de cela, et aujourd'hui, on peut bien nommer la Blandine ; d'autant plus que les habitants de Cherier savent encore son histoire (4).

Un beau jour, la pauvre fille se mit à donner les signes d'une maladie bien extraordinaire. Elle courait avec une agilité surprenante dans les sentiers de la montagne, bondissait sur les rochers, dévalait les pentes. Un vrai démon ! Et avec cela, des cris, des propos incohérents, dont les termes contrastaient fort avec ceux qu'employait Blanche en dehors de ses crises ; car elle était bonne et pieuse.

Une fois, dans l'église de Villemontais, on la vit avec stupéfaction escalader un confessionnal et s'y tenir en équilibre, presque sans point d'appui. On alla chercher le vicaire, M. l'abbé Giroud. « Tu peux venir, lui dit en patois l'étrange fille. Toi, je ne te crains pas : tu n'es que le valet ! » Le curé, M. l'abbé Massacrier, accourut à son tour. Austère comme son nom, M. Massacrier était un vrai saint. Il prit avec autorité son étole et son rituel, fit les exorcismes prescrits et réussit ainsi à déloger la possédée.

Car il n'y avait plus de doute possible : Blanche était bel et bien possédée du démon. L'idée de la conduire au Curé d'Ars vint aussitôt à la pensée de M. Massacrier. Il alla trouver Jean-Baptiste Tournaire. Le fermier était un homme à la foi profonde. L'état de sa soeur lui faisait grandement pitié. Aussi, malgré les ennuis que lui attirerait une pareille démarche, il consentit à partir pour Ars avec la malheureuse.



Le voyage se fit à pied, et ce ne fut pas petite affaire. Quatre-vingts kilomètres à parcourir avec une personne méfiante, irritée, et qui voulait s'arrêter à chaque tournant de la route... Enfin, ils arrivèrent, furent logés on ne sait où dans le village d'Ars, et sur la place de l'église eut lieu la scène déjà contée, où Blanche reprocha au saint Curé d'avoir autrefois volé une grappe de raisin. En vérité, le démon, qui s'exprimait par la bouche de la possédée, rendait plutôt hommage à l'abbé Vianney, dont il ne connaissait que cette faute, si encore faute il y avait !

Le saint dut recevoir la pauvre fille ailleurs que sur la place, à la sacristie sans doute et sans témoins. Quoi qu'il en soit, elle ne fut pas délivrée du démon à Ars même ; mais M. Vianney promit qu'elle ne tarderait pas à l'être.

Il dit au père Tournaire : « Allons, mon ami, retournez-vous en. Seulement soyez patient ; car elle va vous en faire : il faudrait un saint pour la remmener. Vous y arriverez pourtant, parce que vous êtes un bon chrétien ».

En effet, le retour fut plus pénible encore que l'aller. La possédée se jeta dans un puits, d'où, par bonheur, elle sortit d'elle-même, sans aide. Il fallut coucher en route. Or, pendant la nuit, Tournaire sentit comme un poids qui lui écrasait la poitrine. Il mourait d'angoisse. Avec une difficulté énorme, il parvint à se signer. L'atroce fardeau disparut aussitôt (5). Ce fut peut-être à ce moment que sa soeur échappa à l'emprise diabolique. Le fait est que, le lendemain, elle arrivait à Cherier délivrée et paisible.

Elle n'eut plus jamais aucune crise de possession.



*

* *



M. Donjon rapporte encore qu'outre Blanche Tournaire et son parrain, il y eut, à sa connaissance, trois autres personnes qui firent le pèlerinage d'Ars du vivant du saint Curé : Blanche Paire, à qui il fut annoncé par M. Vianney qu'elle « périrait dans un déluge » et nous raconterons bientôt cette tragique histoire puis Marie Cartalas, femme Baudard, et Antoinette Donjon, femme Palluet.

A ces deux dernières M. Vianney prédit qu'elles mourraient sans le secours du prêtre. Frappées de cette prophétie, elles se confessaient souvent. De fait, leurs morts furent subites. De plus, à Marie Baudard le saint avait annoncé que sa maison ne durerait pas longtemps. La dernière personne de son nom s'est éteinte en 1925.


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(1) Expressions du comte des Garets, maire d'Ars, dans une déposition au procès de canonisation (Ordinaire, folio 941)

(2) Lettre adressée par lui le 7 novembre 1823 à Mme veuve Fayot, des Robins, communes des Noës (Loire)

(3)  Cherier est situé dans le département de la Loire, à seize kilomètres de Roanne

(4) Notamment Mlle Marguerite Tournaire, qui tenait les différents détails de ce récit de son père, Jean Tournaire, mort en 1926, à quatre-vingt-dix ans

(5) Une scène de ce genre, extrêmement dramatique, est décrite par l'illustre prélat anglais, Mgr Hugh Benson, dans son roman Les Nécromanciens


A suivre...
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Message  Monique Lun 22 Fév 2021, 8:51 am

XXI



L'officier chez les spirites


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Deux personnes d'un clair bon sens et d'une parfaite bonne foi, recueillant leurs communs souvenirs, les ont, en 1915, envoyés sous forme de lettres au presbytère d'Ars. Les narratrices expriment le désir de ne pas être nommées. On verra, par ces détails extraordinaires dont l'authenticité ne saurait être mise en doute, que le Curé d'Ars suivait à distance les menées de l'esprit mauvais. Que de mystères il aura pénétrés de la sorte, et dont la révélation n'est pas venue jusqu'à nous !



*

* *



Une dame de Lyon et ses deux filles allaient passer, presque chaque année, une partie de leurs vacances au château de Marsanne (Drôme), chez M. de Montluisant, général de division en retraite. Environ deux ans avant la mort du général, au cours d'une causerie de salon, on vint à parler d'Ars, de son pèlerinage et de la vie extraordinaire de M. Vianney. C'est alors que tous les assistants entendirent le récit suivant fait par l'éminent officier.



« Je n'étais que capitaine. Ayant entendu parler des merveilles d'Ars, nous résolûmes, trois jeunes officiers et moi, de faire le voyage et de voir par nous-mêmes ce qui se passait dans ce petit village de la Dombes. En cours de route, mes amis convinrent que chacun de nous adresserait une question à M. Vianney, si toutefois nous pouvions parvenir jusqu'à lui. Pour moi, je gardais le silence. Mes amis insistant, je leur déclarai que je n'avais rien à demander, que je les laisserais continuer seuls le voyage si leur intention était de m'obliger à questionner le Curé d'Ars. Pour ne pas me faire de la peine, mes amis cédèrent et il ne fut plus question de rien.

Parvenus auprès du saint Curé, nous fûmes assez favorisés pour avoir avec lui quelques minutes d'entretien. C'est alors qu'un de mes amis, infidèle à la consigne, dit à M. Vianney en me désignant : « Monsieur le Curé, voici M. de Montluisant, un jeune capitaine d'avenir, qui désirerait vous demander quelque chose ». Pris à l'improviste, ne sachant vraiment pas de quoi parler, je fis cependant bonne contenance et hasardai la réflexion suivante : « Voyons, monsieur le Curé, ces histoires de diableries dont on cause à votre sujet, ce n'est pas réel..., c'est affaire d'imagination ?... »

M. Vianney me regarda dans les yeux, bien fixement, puis vint sa réponse, brève, tranchante : « Mais, mon ami, vous en savez bien quelque chose... Sans ce que vous avez fait, vous n'auriez jamais pu vous en débarrasser !... » Il aurait fallu voir les regards étonnés de mes amis braqués sur moi. Pour moi, je baissai la tête, sans pouvoir articuler une seule syllabe.

Après avoir quitté Ars, aussitôt sur le chemin du retour, mes amis se mirent à me presser de questions : « Que t'est-il donc arrivé ?... M. le Curé n'a pas parlé au hasard ?... Dis-nous la vérité ».

Alors j'entrai dans la voie des confidences. Étant étudiant à Paris, je me plaisais à visiter les ménages pauvres de la Capitale. Suivant que me le permettait la modicité de mes ressources, j'achetais des vêtements et autres objets que je distribuais à mes protégés. Il paraît que mes allées et venues dans des quartiers misérables furent remarquées, puisque certains personnages m'engagèrent dans une société qui avait pour but, disaient-ils, le bien-être de tous. En réalité, il s'agissait d'une association de spirites.

Un jour, en rentrant dans ma chambre, j'eus l'impression de ne pas être seul. Inquiet d'une sensation si étrange, je regarde, je cherche partout. Rien. Le lendemain, même chose... Et, de plus, il me semblait qu'une main invisible me serrait la gorge.

J'avais la foi. J'allai prendre de l'eau bénite à Saint-Germain-l'Auxerrois, ma paroisse. J'aspergeai ma chambre en ses coins et recoins. A partir de cet instant, toute impression d'une présence extranaturelle cessa. Et puis je ne remis plus les pieds chez les spirites.

Je ne doute pas que ce soit là l'incident, déjà lointain, auquel vient de faire allusion le Curé d'Ars.

Mes amis ne se permirent aucune réflexion, aucun commentaire. Nous n'en avons plus parlé. »



Ce récit avait lieu dans le petit salon du général. L'entendant, Mme de Montluisant, personne foncièrement chrétienne, ne put s'empêcher de s'écrier : « Mais, Charles, tu ne m'en as jamais rien dit ! » Le général sourit et se contenta de répondre : « Je n'y avais plus pensé. Si l'aventure m'est revenue à la mémoire, c'est parce que ces dames ont parlé d'Ars, me demandant si j'y étais jamais allé, si j'avais pu aborder le saint Curé ».

Le général de Montluisant était un solide chrétien ; il pratiquait ses devoirs sans respect humain. Ses dernières paroles, avant de mourir (11 mai 1894), furent celles-ci : « Je suis chrétien, c'est-à-dire prêt à partir pour aller à Dieu. Il m'a donné tout ce que je pouvais désirer ; je ne demande plus rien ».


A suivre..
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Message  Monique Mar 23 Fév 2021, 8:40 am

XXII



Le rendez-vous du ciel



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Deux saints qui se rencontrent, dont l'un désirait voir l'autre depuis longtemps et qui ne l'entrevoit qu'à peine, mais qui s'en va content, quelle scène rare et charmante ! La pensée qu'ils se retrouveront là-haut à loisir pour jamais retient, dirait-on, pour l'instant sur leurs lèvres les épanchements et les confidences.

Nous empruntons ce récit à l'ouvrage de M. l'abbé Janvier, Vie du Vénérable Monsieur Dupont, de Tours. (1)



*

* *



Ce voyage (à La Salette) donna l'occasion à M. Dupont de connaître et de voir le saint Curé d'Ars. L'entrevue de ces deux serviteurs de Dieu fut remarquable. Elle rappelle bien celle de saint Dominique et de saint François d'Assise. M. Dupont raconte lui-même qu'il avait fait le voyage dans le but d'avoir un entretien avec M. Vianney, pour lequel il professait depuis longtemps une grande vénération. Mais comment l'aborder à travers la foule des étrangers rangés sur deux haies et se pressant sur son passage à la sortie de l'église ? Tout à coup le Curé d'Ars aperçoit le pèlerin de Tours qu'il ne connaissait pas, qu'il n'avait jamais vu. Il s'arrête, va droit à lui, le contemple quelque temps d'un regard doux et profond ; puis, souriant, levant les yeux et joignant les mains :

« O mon cher ami, lui dit-il, qu'il sera bon de nous trouver un jour dans le ciel et de chanter les louanges de notre Dieu ! »

« Il ne m'en fallut pas davantage, ajoutait gaiement M. Dupont ; je me retirai content, gardant dans mon cur la bonne parole du saint Curé. »

« J'ai vu, disait-il quelques années plus tard, M. le Curé d'Ars en 1847. Il y avait longtemps qu'il était en grande vénération. A cette époque, on pouvait lui donner près de quatre-vingts ans ; et, d'après une notice que j'ai lue, le saint prêtre en aurait eu dix de moins. J'ai sa vie et un livre de lui sur Les Souffrances et la Croix (1857) ».
(2)

Dans les derniers temps, en 1873, il se souvenait avec reconnaissance d'avoir eu la consolation d'assister à sa messe et d'avoir communié de sa main.


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(1) Tours, Mame, 1886, p. 165.  Le fait est raconté avec des variantes dans une première édition de cet ouvrage parue à Paris, chez Larcher, en 1881 (p. 77)

(2) Ce livre n'est pas de M. Vianney, mais il a paru sous son nom ; c'est l'œuvre d'un inconnu qui pensait en assurer ainsi la vente. Quant à l'âge du Curé d'Ars en 1847, il faut en rabattre près de dix ans, le saint étant né en 1786


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Message  Monique Mer 24 Fév 2021, 6:54 am

Deuxième partie : Vue à distance


*
* *


I



Ses yeux



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M. le comte de Tourdonnet, châtelain de Bech, près d'Ussel, en Corrèze, n'attachait d'importance ni à la sainteté, ni aux miracles : il était malheureusement un fils de cette génération qui délaissa l'Évangile pour écouter Voltaire. Chez lui, toutefois, aucun sectarisme, mais seulement une parfaite indifférence.

Il avait parmi les personnes à son service une pauvre fille qui devenait sourde. Elle manifesta le désir de voir M. Vianney et de se confesser à lui. Loin d'y contredire, le comte s'offrit pour conduire au serviteur de Dieu cette pénitente nouvelle. Ni lui ni sa domestique ne connaissaient le village d'Ars.

Ils y arrivèrent dans la journée du 3 septembre 1856. La servante avait hâte d'entrer à l'église. M de Tourdonnet l'y accompagna obligeamment. Mieux encore, il se chargea de la recommander au Curé d'Ars qui se trouvait à ce moment dans la sacristie. La servante demeura donc au bas de la nef, où son maître devait, comme c'était convenu, la retrouver.

Mis en présence du serviteur de Dieu, le comte lui exposa en peu de mots le but de sa visite : « Monsieur le Curé, lui dit-il, pourriez-vous guérir ma servante, puis l'entendre en confession ?... La confession, monsieur le Curé, est une bonne chose pour cette pauvre fille : cela lui fait un effet moral... »

M. Vianney, qui sans doute jugeait ces explications trop longues encore, se contenta de répondre : »

« Ah ! oui, Marie ?... Justement, je la vois dans le chœur.

Pardon, monsieur le Curé, elle est au bas de l'église. »


Le Curé d'Ars n'insista pas. M. de Tourdonnet sortit de la sacristie étonné à la fois et souriant : il n'avait point nommé sa domestique, et ce prêtre venait de l'appeler par son nom. C'est assez singulier, se disait le comte, qu'il sache son nom... Au moins, il se trompe sur la place qu'elle occupe, puisque je l'ai laissée au bas de l'église et qu'elle doit m'y attendre !

En vérité, qui de nous deux s'est trompé ? songeait M. de Tourdonnet, lorsque, n'ayant pas trouvé Marie près du bénitier ni au seuil de la nef, il remontait vers le sanctuaire où il semblait peu vraisemblable que cette pauvre fille eût osé s'introduire.



C'était pourtant cela ! A peine son maître l'avait-il quittée que, prise d'une curiosité soudaine, Marie avait voulu visiter l'église. En jouant des coudes, elle était parvenue jusque dans le chur. Évidemment, M. Vianney n'avait pu l'apercevoir au passage, puisque la sacristie était fermée ; et cependant, il avait dit vrai. Quand il avait affirmé : « Je la vois dans le chœur, » la domestique s'y trouvait déjà.



Alors, comme l'a écrit le chanoine Ball, M. le comte, voyant que le vénérable Curé lui avait dit vrai, non seulement en désignant par son nom une personne qu'il ne pouvait naturellement connaître ni nommément ni d'une autre manière, mais encore en déterminant l'endroit de l'église où elle était et où elle ne devait pas être, ne put plus contenir son étonnement et il se mit à en dire la cause à qui voulait l'entendre.

« Le bruit qui s'en fit parmi les nombreux pèlerins arriva jusqu'aux oreilles de M. l'abbé Toccanier, vicaire de M. Vianney en ce temps-là. M Toccanier, ne s'en rapportant pas à la rumeur publique, voulut avoir le récit de ce fait de la bouche de M. le comte, et il l'obtint...

« Après l'avoir entendu verbalement, M. Toccanier demanda à M. de Tourdonnet s'il consentirait à le signer : « Pourquoi pas, puisque c'est la vérité ? » répondit celui-ci, et il le signa après l'avoir écrit sommairement sur un registre conservé à Ars. »

En témoignant au Procès de l'Ordinaire, M. Toccanier complète lui-même ces renseignements :

« Eh ! comment expliquez-vous cela ? questionna-t-il, dès que le comte eut signé son rapport.

Je n'y comprends rien, répliqua M. de Tourdonnet... En tout cas, le Curé d'Ars n'a pas les yeux faits comme les autres. »




Quel fut, en définitive, le résultat de cette rencontre ? Évidemment, la servante put se confesser. S'en retourna-t-elle guérie ? Aucun des témoins que nous avons entendus ne l'assure. Quant à son maître, voici ce qu'en dit, mélancoliquement, l'abbé Alfred Monnin : « Cet homme a eu une preuve directe, personnelle, qu'il y avait en M. Vianney quelque chose d'extraordinaire ; il en a été très bouleversé. S'est-il converti ? Hélas ! non ». C'est l'éternelle histoire : ils voient des miracles et ils ne croient pas (1)


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(1) Evangile selon saint Jean, XII, 37. Nous avons utilisé pour ce récit les Documents Ball, n° 30 ; les témoignages de M. Toccanier (Procès de l'Ordinaire, folio 178) ; du Frère Athanase (Procès apostolique sur la renommée de sainteté, folio 188 ; A. Monnin (Le Curé d'Ars, t. II, p. 508)


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Message  Monique Jeu 25 Fév 2021, 8:11 am

II



Le cousin et la cousine Vianney



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En juillet 1860, à Villeurbanne, tout près de Lyon, se mourait un ancien soldat de l'Empire. Un prêtre, M. Barge, qui sera plus tard curé de Villette-d'Anthon, dans l'Isère, fut appelé près du malade. Cet homme se fit connaître : Michel Vianney, cousin de ce Curé d'Ars qui était mort l'année précédente.

Cela suffit, comme on le pense, pour inspirer au prêtre les exhortations utiles. Le malade reçut les derniers sacrements en d'excellentes dispositions.

II aimait à parler, dans ses derniers jours, de son illustre parent. C'est ainsi qu'il put conter à M. Barge un trait bien curieux d'intuition.

Le fait remontait à 1836 ou 1837. A cette époque, la renommée du Curé d'Ars était déjà grande. « Il faut que nous allions le voir, nous aussi, dit un jour Michel Vianney à sa femme. » Elle consentit. Tous deux arrivèrent à Ars pendant que leur cousin faisait le catéchisme. Mais ils durent renoncer à l'entendre, tellement la foule se pressait dans l'église.

« Alors, on ne peut pas le voir et lui parler tout de suite ? demanda Mme Michel Vianney.

Oh ! madame, répondit en souriant un pèlerin fort ennuyé au fond d'avoir à rester là des heures, sinon des jours, faites comme les autres : prenez patience ! »




Le catéchisme terminé, on se levait dans l'assistance pour mieux voir le serviteur de Dieu. Voilà que le Curé d'Ars passe à travers les rangs, sort de l'église et va droit à Michel Vianney, dont il ignorait la présence et que, d'ailleurs, il n'avait jamais vu. Michel demeurait cloué sur place.

« Mon cher cousin, dit l'abbé Jean-Marie, en lui prenant affectueusement les mains, mon cher Michel, que je suis content de vous voir ! Venez un peu chez moi. » Et il l'emmène au presbytère.

On y cause de la famille, des morts et des vivants. Soudain, le Curé d'Ars se ravise. « Et ma cousine ? interroge-t-il... Je vais la chercher.

Mais vous ne la trouverez pas.

J'y vais. Restez ici bien tranquille. »


Et en effet, elle qu'il ne connaissait pas davantage, il la discerna parmi les pèlerins, il l'appela par son prénom, et il la conduisit elle aussi à la cure.



Lorsque M. et Mme Michel Vianney se retrouvèrent seuls, ils s'adressèrent la même question l'un à l'autre :

« Mais tu l'avais prévenu ? »

Et la même réponse :

« Point du tout !

Alors ?

Alors, il nous a reconnus sans nous connaître ! (1) »



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(1) Documents Ball, N° 31


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Message  Monique Ven 26 Fév 2021, 8:38 am

III



La statue de Maynal



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Mlle Maximine Goujon, ancienne institutrice, qui, en 1917, vivait retirée à Augea, commune qui dépend de la paroisse de Maynal, dans le Jura, avait conservé impérissable le souvenir d'un pèlerinage fait en sa jeunesse et où le saint Curé lui révéla des choses bien consolantes. C'est à la prière de M. l'abbé Charnier, curé de la paroisse jurassienne de Besain, que Mlle Goujon accepta de rédiger cette courte histoire, vieille de soixante-trois ans.



En 1854, j'ai eu le bonheur de me rendre à Ars et je me suis confessée à M. Vianney. Après cette confession tout ordinaire, dans laquelle je n'avais pas donné connaissance de mon passé, je demandai à brûle-pourpoint au saint Curé si, au cours de ma vie, j'avais commis un péché mortel. Alors, sans me poser la moindre question et sans hésitation aucune, il me répondit : « Non, mon enfant ».



Ensuite je lui remis les honoraires d'une messe aux intentions de mon père qui était gravement malade, afin d'obtenir sa guérison. « Votre père ne mourra pas, dit-il : faites une neuvaine à sainte Philomène. »

Comme je lui objectais que j'étais à Ars depuis quelques jours déjà, il me répondit : « Vous ferez cette neuvaine à Maynal, où vous avez une statue de sainte Philomène ».



Je fus extrêmement surprise de sa réponse, car je ne lui avais pas dit d'où j'étais, ni que nous avions une statue de sainte Philomène dans notre église.

Quant à sa prédiction relative à mon père, elle s'est parfaitement réalisée : il guérit et ne mourut qu'en 1883.


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Message  Monique Sam 27 Fév 2021, 8:12 am

IV



« Ah ! oui, c'est pour cette petite... »



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En 1846, le pèlerinage d'Ars battait son plein. M. Vianney avait beau ne pas se reposer une minute et retenir chacun le moins possible, l'affluence ne diminuait pas. Une voiture s'en retournait bondée de pèlerins ; deux autres la croisaient en route, non moins débordantes... Si, pour servir sa clientèle d'âmes, le saint Curé d'Ars eût dû parfois hésiter, réfléchir longuement, c'eût été pour chacun une attente plus longue encore. Mais non, l'inspiration lui venait soudaine, fulgurante.

Ce petit fait en sera une preuve nouvelle.



Donc, en 1846, une religieuse, Mère Sainte-Anne, supérieure du couvent de Saint-Antoine, dans l'Isère, arrivait à Ars. Elle n'y venait pas pour se confesser, mais pour interroger le saint au sujet d'une jeune fille, Joséphine Milliet, élevée dans la maison de Saint-Antoine et qui semblait menacée de perdre la vue.

A peine la religieuse avait-elle abordé M. Vianney, qu'elle eut la stupéfaction de l'entendre lui dire, et de l'air le plus naturel du monde :

« Ah ! oui, c'est pour cette petite qui a mal aux yeux... Dites-lui de faire une neuvaine à sainte Philomène, de communier et de venir à Ars quand elle le pourra. »

Joséphine Milliet fit la neuvaine demandée, communia et se trouva mieux ; bientôt, ce fut la guérison.



Quant à son pèlerinage, elle le réalisa au moins en 1868 ; car, le 19 août de cette année-là, devenue Mme Perrin par son mariage avec un confiseur de Saint-Marcellin, nous la voyons témoigner du fait la concernant « en présence de M. l'abbé Toccanier, missionnaire, et de Mme Bouvat, née Milliet (1) ».


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(1) Documents Ball, N° 10


A suivre...


Dernière édition par Monique le Dim 28 Fév 2021, 8:54 am, édité 1 fois
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Message  Monique Dim 28 Fév 2021, 8:53 am

V



En route pour le pays natal



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Un jour de 1838 ou de 1839, au moment où Mlle Marie Jourlin s'apprêtait à quitter son village de Saint-Just-la-Pendue, dans la Loire, une mère de famille vint à elle.

« Vous partez pour Ars, lui dit cette femme. Ah ! je vous en prie, demandez donc à ce saint Curé, en qui j'ai tant de confiance, de m'apprendre si j'aurai jamais la consolation de revoir mon fils. Il y a si longtemps que ce pauvre petit ne m'a envoyé de ses nouvelles ! Un soldat, c'est si vite mort, mon Dieu ! »

Mlle Jourlin aborda M. Vianney. Elle lui parla de l'absent.

« O mon enfant, répondit le saint, il va arriver, on va le voir. »



Quelques jours plus tard, Marie Jourlin, revenue au village natal, accourait porter l'heureuse nouvelle. Quelle surprise lorsqu'elle aperçut auprès de sa mère le jeune soldat qui était arrivé le matin même sans s'être annoncé ! Mais le Curé d'Ars, lui, de son regard merveilleux, plus clairvoyant que le cœur d'une mère, l'avait aperçu en route vers son pays.



« Ce fait, note M. Ball, m'a été attesté et certifié dans le courant de l'année 1880, par Mlle Jourlin elle-même, sur la véracité de laquelle je ne puis élever le moindre doute. (1) »


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(1) Documents, N° 80. Mlle Jourlin habitait alors à Lyon, 13, rue François-Dauphin


A suivre...
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Message  Monique Lun 01 Mar 2021, 8:47 am

VI



Trois francs bien placés



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M. Vianney fut la providence des pauvres. Ars était devenu comme leur quartier général : tous ceux de la contrée semblaient s'y être donné rendez-vous. C'est que le saint ne refusait jamais l'aumône ; il portait constamment dans l'une de ses poches un petit sac bleu où il y avait des pièces d'argent. Le soir, il s'amusait à compter sa recette, c'est-à-dire à calculer ce qu'il avait donné dans la journée. Et tout n'allait pas qu'aux professionnels de la mendicité ; une intuition d'en haut indiquait au Voyant les besoins cachés.

Sœur Marie-François d'Assise, jeune religieuse du Tiers Ordre Franciscain de Saint-Sorlin, était venue avec sa supérieure faire à Ars une retraite de quatre jours. Les deux tertiaires logèrent chez l'habitant et dépensèrent le moins possible. Elles n'étaient pas riches ; cependant, tout compte fait, elles auraient le nécessaire jusqu'à leur retour à Saint-Sorlin.

Comme elles se disposaient à quitter Ars, elles rencontrèrent M. Vianney. A leur vue, le saint s'arrêta et tira son petit sac de sa poche. Il en retirait trois pièces d'un franc.

« Prenez ceci, ma bonne Sœur, dit-il à la supérieure, prenez, vous en aurez besoin.

Mais, monsieur le Curé, j'ai assez d'argent pour notre voiture.

Prenez tout de même, mon enfant. »


Un peu embarrassée de la prévenance, la religieuse accepta les trois francs qu'elle glissa dans le panier à provisions.

Descendue à Villefranche-sur-Saône, la supérieure voulut payer le voiturier. C'était un franc cinquante par voyageur. Elle chercha sa bourse. En vain ! Le porte-monnaie, contenant juste les trois francs nécessaires, s'était égaré pendant le voyage. Et ce furent les trois pièces de M. Vianney, glissées parmi les provisions, qui tirèrent d'embarras les deux pauvres Sœurs. (1)


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(1) Sœur Marie-François d'Assise, née Louise Perret, qui devait mourir en 1879 supérieure générale de la Congrégation des Petites-Sœurs de Jésus Franciscaines, a témoigné elle-même du fait au Procès de l'Ordinaire le 8 août 1864.


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Message  Monique Mar 02 Mar 2021, 8:20 am

VII



Le secours et le conseil



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Marie-Antoinette Rigollet, habitait Lyon. En 1851, elle atteignait ses quatorze ans. Orpheline de mère, elle avait vu son père se remarier. Elle aurait pu vivre assez heureuse avec sa belle-mère, si la mère de cette femme n'eût traité la pauvre petite avec une aversion incompréhensible. Marie-Antoinette, mise en apprentissage, s'y morfondait. Elle devint triste à mourir.

Elle entendit parler de la Providence d'Ars, où, sous la direction d'un saint, de bonnes demoiselles recueillaient, disait-on, des orphelines. Dès lors, un projet mûrit dans sa tête : s'enfuir, se réfugier auprès de M. Vianney (1) !... Un beau matin, plus exaspérée que jamais par les criailleries et peut-être par les coups de la mégère, elle exécuta son dessein. Elle prit la route d'Ars sans en prévenir personne. C'était le samedi 4 octobre 1851.



La malheureuse enfant, après avoir parcouru à pied trente-cinq kilomètres, arriva dans le village vers quatre heures du soir. Elle n'avait pas un liard sur elle ; toutes ses provisions de voyage consistaient dans une livre de pain.

Elle n'eut pas l'idée de frapper d'abord à la porte de la Providence. Elle pensa qu'il fallait s'assurer avant tout du consentement de M. Vianney. Elle entra donc tout de suite à l'église. O stupeur ! En ce premier samedi d'octobre, la foule des pèlerins était aussi dense qu'au plus fort de l'été. Les rangs pressés des pénitentes dressaient devant le confessionnal, où M. le Curé était enfermé depuis le matin, une barrière infranchissable. C'est que beaucoup désiraient communier le lendemain pour la fête de Notre-Dame du Rosaire. Malgré cela, Marie-Antoinette attendit. Puis, quand, vers neuf heures, on fit évacuer l'église, chacune des pénitentes gardant son numéro d'ordre, l'orpheline alla s'asseoir avec elles sur l'un des bancs qui garnissaient ce vestibule où jadis, en effet, les femmes avaient la permission de rester jusqu'au retour de M. Vianney et la réouverture des portes.

L'aurore du dimanche brilla. A l'heure de la grand'messe, Marie-Antoinette attendait toujours. A midi, talonnée par la faim, elle sortit de l'église. Les paroissiens d'Ars rentraient chez eux, les pèlerins retournaient joyeux aux hôtelleries. Le parfum des plats fumants flottait dans l'air. La petite Lyonnaise, dont la tête tournait, s'en alla sous les noyers vers la grande croix de fer qui dominait la place au chevet de l'église. Et de là, elle regardait la porte du presbytère... Faudrait-il donc s'éloigner sans avoir crié à l'aide !... Le clocher sonna midi et demi.



Soudain, l'humble porte roula sur ses gonds rouillés, et M. Vianney parut. Non loin se tenait une pauvresse. Lui ayant fait signe d'approcher, il lui glissa quelque chose dans la main. Ah ! pensa Marie-Antoinette, elle en a de la chance, celle-là. Mais aussitôt, le saint désignait du doigt à la mendiante cette jeune fille dont la mise assez élégante n'eût attiré la commisération d'aucun autre.

Notre Lyonnaise allait courir vers lui. Trop tard ! Il venait de disparaître dans l'église. Au même moment, la pauvresse abordait Marie-Antoinette. « Tenez, mademoiselle, dit cette femme en lui présentant une pièce d'argent, voici de la part de M. le Curé. Allez à l'hôtel, ici tout près, vous y mangerez une soupe et dînerez. » Mais Marie-Antoinette, confuse d'avoir été devinée, retirait sa main. « Il m'a dit, insista la mendiante, que vous refuseriez, et il m'a fait promettre de vous faire accepter. Tenez, tenez ! »

Ce disant, elle emmenait la jeune fille vers l'hôtellerie...



Ce fut seulement le lendemain matin, vers quatre heures, que Marie-Antoinette pénétra dans le confessionnal. Comme son cur battait, tandis qu'elle attendait, agenouillée !

La grille s'est ouverte...

« Mon enfant, murmure une voix douce, vous n'avez pas eu raison de venir : on vous cherche. »

Son père qui l'aimait tant, toujours... et qui ne savait ce qu'elle était devenue ! Marie-Antoinette n'y avait pas songé.

« Je ne puis, mon enfant, continuait la voix grêle et suave, je ne puis vous recevoir à la Providence... Ma Providence n'est plus à présent qu'une école pour les petites filles : on n'y accepte plus celles de votre âge. Il faut vous en retourner chez vos parents.

O mon Père, gémit la fugitive, jamais je n'oserai...

Mon enfant, soyez sans crainte. Aucun reproche ne vous sera fait, ni de la part de vos parents, ni de la part de vos patronnes. Et la personne qui vous a fait tant de peine ne vous en fera plus.

Au revoir donc, mon Père, et bénissez votre enfant.

Mon enfant, tout se passera bien pour votre retour. Vous trouverez même quelqu'un pour vous ramener à Lyon et témoigner près de vos parents que vous êtes venue ici... »


En sortant de l'église, Marie-Antoinette lia conversation avec une inconnue qui se nomma elle s'appelait Mlle Larchier et habitait à Lyon sur la paroisse d'Ainay.

« Voulez-vous, demanda-t-elle à sa jeune compatriote, que je vous reconduise chez vos parents? »

La première partie de la prédiction commençait à s'accomplir. Le reste en fut réalisé au foyer paternel, où il y eut grande joie lorsqu'on apprit vers qui, là-bas, s'était sauvée la pauvre petite et comment un saint avait secouru l'affamée. La belle-mère de M. Rigollet était présente à cette scène d'attendrissement. Elle pleura elle-même de bonheur, embrassa Marie-Antoinette avec un cœur renouvelé. Et dès lors, « cette personne qui lui avait fait tant de peine ne lui en fit plus », ainsi que l'avait annoncé M. Vianney.



Tout cela fut conté à M. le chanoine Ball, le 22 juillet 1878, par Marie-Antoinette, devenue Mme Veuillet, qui « affirma et certifia les faits véritables en tous points (2) ».


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(1)Elle ignorait que la Providence d'Ars n'existait plus comme orphelinat depuis trois ans : les religieuses qui, en 1848, succédèrent dans l'œuvre à Mlles Catherine Lassagne, Marie Filliat et Jeanne-Marie Chanay ne gardèrent pas les orphelines et ne continuèrent que l'école. C'est seulement en octobre 1863 que les Soeurs de Saint-Joseph prirent avec elles quelques pauvres petites abandonnées. Actuellement, par contre, l'orphelinat seul subsiste.

(2)Documents, N° 41


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Message  Monique Mer 03 Mar 2021, 8:28 am


VIII



« Votre fils va bien »


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Vers l'année 1843, une dame Degrais, de Saint-Chamond, dans la Loire, fit le pèlerinage d'Ars à deux fins : elle désirait obtenir la guérison de sa mère et la cessation de gros ennuis : son beau-père, par des exigences et des remontrances continuelles, la rendait très malheureuse. Elle avait fait tous les sacrifices possibles pour vivre en paix avec lui, et la situation empirait plutôt...

M. Vianney la reçut avec bienveillance. Elle lui confia ses peines, son découragement.

« Mon enfant, lui répondit le saint, il faut bien avoir la foi... Priez sainte Philomène. Votre mère lui fera une neuvaine ; vous en ferez une, vous aussi.

Dois-je la faire ici, cette neuvaine ?

Non, mon enfant. La prière est bonne partout. »


Et, après un assez long silence, M. Vianney reprit :

« Allez-vous en, mon enfant, allez-vous-en vite ! Quand vous serez chez vous, il arrivera de grands changements. »

Mme Degrais repartit pour Saint-Chamond. Peu après son retour, son beau-père mourait d'apoplexie, puis sa mère guérissait à la suite de la neuvaine. Selon la prédiction du saint, il s'était réalisé pour elle « de grands changements ».



Six ou sept ans plus tard, Mme Degrais constata une fois de plus l'extraordinaire clairvoyance du Curé d'Ars. En 1849, le fils Degrais, qui portait le prénom de Rambert, tomba gravement malade. Sa mère, obligée de rester près de lui, chargea une amie en partance pour Ars de recommander le pauvre enfant à M. Vianney.

« Je prierai pour ce jeune homme », promit le serviteur de Dieu.

Rambert recouvra la santé. Par reconnaissance, le père, la mère et le jeune homme promirent un pèlerinage à l'autel de sainte Philomène. M. Vianney n'en fut nullement pressenti. Afin de pouvoir communier de sa main, nos trois pèlerins voulurent se confesser à lui.

C'est Mme Degrais qui put s'agenouiller à ses pieds la première. Simplement elle accusait ses fautes, lorsque le saint l'interrompit :

« Mon enfant, lui dit-il, sans qu'elle eût fait la moindre allusion à ce pèlerinage en commun, votre fils va bien, il est bien guéri... Continuez votre confession. »

Toute surprise d'abord d'une réflexion si inattendue, Mme Degrais, revenue dans l'église, remercia Dieu d'avoir accordé de tels dons à son serviteur. Elle admira encore la délicatesse du bon saint qui, par ces quelques mots lancés comme au hasard, avait tenu à lui dire son contentement de savoir le jeune homme en parfaite santé.

Pendant la confession de sa mère, Rambert Degrais, qui venait à Ars pour la première fois, s'était constamment tenu à un endroit de la nef où M. Vianney ne pouvait absolument pas l'apercevoir.

C'est au cours d'un nouveau pèlerinage d'action de grâces, accompli le 9 mai 1878, que Mme Degrais raconta à M. le chanoine Ball ces divers faits d'intuition. (1)


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(1) Documents, Nos 36 et 37


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Message  Monique Jeu 04 Mar 2021, 5:57 am

IX



Dans un fossé, sur la route d'Ars



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Les époux Chognon, cultivateurs là-bas, dans le Puy-de-Dôme, à Saint-Jean-des-Ollières, après avoir traversé en leur largeur les deux départements de la Loire et du Rhône, se trouvaient, pour affaires, à la foire de Villefranche. La femme savait qu'il n'y a guère que deux lieues de Villefranche à Ars ; un véhément désir la prit de voir le saint Curé et de se confesser à lui.

Son mari objecta qu'il leur fallait absolument repartir le lendemain. Elle répondit que l'occasion était vraiment trop belle pour la manquer. Bref, elle obtint d'aller, à la condition qu'elle serait de retour à Villefranche pour le lendemain, vers midi.



Ce fut d'un pas allègre que Mme Chognon prit le chemin d'Ars. Cependant, à la vue des premières maisons du village, elle parut hésiter ; mais son indécision ne fut pas longue : elle descendit dans le fossé bordant la route, tira de sa poche un objet roulé dans un papier et le cacha prestement sous une pierre. Ensuite, rassurée, contente, elle se dirigea vers l'église.

Elle déchanta quand elle aperçut sur le perron tout ce monde, puis, dans la nef, cette file de pénitents qui assiégeaient le confessionnal. Évidemment, il lui serait bien difficile d'aborder le Curé d'Ars ; à tout hasard, elle prépara sa confession...

Mme Chognon passa dans le vestibule du clocher les premières heures de la nuit ; lorsque se rouvrit l'église, elle y reprit sa place ; elle assista à la messe de M. Vianney... Enfin ! Le catéchisme de onze heures approchant, elle perdit tout espoir et se leva pour repartir.

Au même instant, le saint, qui confessait les hommes dans la sacristie, en sortait. Il s'avança dans la nef et fit signe à Mme Chognon de venir. Tout heureuse, elle le suivit, et accusa ses fautes de son mieux.

« Est-ce tout, mon enfant ? lui demanda alors M. Vianney.

Oui, mon Père. Je ne me rappelle pas autre chose.

Et cette bouteille cachée dans le fossé, au bord de la route, vous ne m'en parlez pas ?... Pourtant, c'est mal ce que vous avez fait là. Ne recommencez pas, mon enfant. Ne retournez jamais vers ces personnes... »


Mme Chognon écoutait, stupéfaite. Ce flacon suspect qu'elle n'avait pas osé porter sur elle jusque dans Ars lui avait été vendu par une femme qui avait un don et qu'elle avait consultée pour l'un de ses enfants malades. Il y avait là-dedans un liquide quelconque où flottait une araignée.

La bonne paysanne de Saint-Jean-des-Ollières reprit aussitôt la route de Villefranche et elle eut bien soin, en repassant, d'écraser sous la pierre où elle l'avait cachée la chose superstitieuse. (1)


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(1) Annales d'Ars, mars 1903


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Message  Monique Ven 05 Mar 2021, 6:57 am

X



Le magasin en coulage



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Au mois de mai de l'année 1854, Mlle Hemy, qui devint depuis Mme Magnin par son mariage avec un négociant de Chalon-sur-Saône, confia pour quelques jours à une étrangère le magasin qu'elle tenait dans cette ville, afin de demander à M. Vianney la guérison d'une tante domiciliée à Lyon et qui était souffrante depuis un certain temps.

Elle pénétra vers trois heures de l'après-midi dans l'église remplie de pèlerins. Elle y était depuis une heure, lorsque le saint, passant près d'elle, lui murmura à l'oreille :

« Vous ne pouvez rester longtemps ici. Je vous verrai bientôt. »

Il lui indiqua une place assez proche de son confessionnal. Après une attente d'environ quatre heures, Mlle Hemy put aborder l'homme de Dieu. Sans songer à lui parler d'abord de la malade, elle fit une rapide accusation de ses fautes.

« Mon enfant, lui dit alors M. Vianney, je vais faire l'exercice du Mois de Marie. Vous reviendrez et vous communierez demain matin à ma messe. »

Désolée, Mlle Hemy se retira, mais dès une heure, le lendemain matin, elle retournait à l'église dans l'espoir de terminer au plus tôt sa confession. Malheureusement, il lui fut impossible de se frayer un passage jusqu'à la chapelle de saint Jean-Baptiste. Toute déconcertée, elle se plaça dans la nef, sur le seuil de la chapelle de sainte Philomène. Pour tuer le temps, elle égrena son chapelet, mais elle repassait surtout ses mésaventures : que n'avait-elle, puisqu'elle voulait communier, prié un autre prêtre de l'entendre !

Un peu avant sept heures, un son de cloche annonça la messe de M. le Curé. N'y tenant plus, Mlle Hemy se leva de sa place pour aller au confessionnal du missionnaire. Au même instant, une dame s'approcha d'elle.

« M. le Curé vous demande, chuchota cette personne.

Moi ?

Oui, vous. Vous êtes bien demoiselle, n'est-ce pas ?

Oui.


C'est donc bien vous. M. le Curé m'a dit : « Allez chercher la demoiselle qui est derrière tout le monde. Vous lui direz : M. le Curé vous attend ». Hâtez-vous, car voici l'heure de sa messe. »

Comment M. Vianney la savait-elle à cette place où elle était restée de une heure à sept heures du matin ? Pour l'apercevoir là, il avait fallu que le regard du saint traversât les murailles ! Il en était cependant ainsi.

La dame surveillante conduisit Mlle Hemy au confessionnal.

« Mon enfant, lui révéla aussitôt M. Vianney, le grappin a fait bien ses farces avec vous ; il vous a bien tenue toute la nuit. Vous avez bien bredouillé des chapelets et vous n'avez pas dit une dizaine convenablement. Votre corps était devant Dieu, mais pas votre esprit... Ô mon enfant, que vous avez peu de foi ! Pourquoi tant vous tourmenter ? Je vous avais dit que vous communieriez à ma messe. Cela devait vous suffire. »

L'absolution reçue, Mlle Hemy parla de sa tante malade.

« Vous allez faire une neuvaine à sainte Philomène, lui fut-il répondu. Vous verrez, votre tante sera bientôt guérie.

En ce cas, mon Père, je vais à Lyon annoncer l'heureuse nouvelle...

Non, mon enfant. Vous allez partir tout de suite après ma messe, mais pour prendre le bateau qui va à Chalon. Dépêchez-vous de rentrer chez vous : pendant que vous êtes ici, on vous coule du plomb. »


Mlle Hemy ne saisit pas immédiatement le sens de ces dernières paroles. Elle comprit tout lorsqu'elle sut la façon dont une « personne de confiance » avait géré son magasin pendant son pèlerinage d'Ars.

Quant à la tante de Lyon, elle fut guérie peu de jours après. (1)


------------



(1) « Ce récit a été fait verbalement à M. Ball en présence de Mme Legrand de Chalon-sur-Saône, par Mme Magnin, née Hemy, elle-même, et confirmé par une lettre de cette dame à la date du 12 février 1878. » (Documents Ball, N° 23)


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Message  Monique Sam 06 Mar 2021, 7:43 am

XI




L'accueil à l'inconnu



Nous entendrons ici M. Ball, l'enquêteur officiel des faits et gestes du Curé d'Ars.
(1)


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Pendant que M. l'abbé Alliot était curé d'Ambérieux-en-Dombes (2), il recevait un jour chez lui M. de la Barge, de Cézeriat, son ami. Au milieu des divers entretiens qu'ils eurent ensemble dans cette circonstance, la conversation tomba sur le vénérable Curé d'Ars et les merveilles que la renommée publique rapportait de lui. Comme M. de la Barge ne le connaissait pas du tout, n'étant jamais allé à Ars et qu'il écoutait avec un intérêt marqué ce que M. Alliot lui en racontait, celui-ci lui proposa de l'y conduire, ce qui fut accepté avec grand plaisir.

Parvenus dans le village et avant d'avoir vu M. Vianney, ils se rendirent l'un et l'autre chez les missionnaires où, quelques moments après, se rendit également le vénérable Curé pour faire sa visite quotidienne à ses collaborateurs. (3)

Tous se lèvent à son arrivée, mais quel n'est pas l'étonnement de M. de la Barge quand, après les saluts ordinaires donnés et reçus, il voit M. Vianney s'approcher de lui, lui prendre la main avec amitié, l'appeler par son nom comme une vieille connaissance !

Or le gentilhomme savait pertinemment n'avoir jamais encore rencontré M. le Curé d'Ars, n'avoir jamais eu avec lui le moindre rapport ni par correspondance ni autrement. Et personne n'avait pu donner vent au vénérable M. Vianney de l'arrivée de ce nouveau pèlerin. M. de la Barge n'en revenait pas de surprise.

C'est qu'en effet M. Vianney venait de donner un nouveau témoignage du don d'intuition surnaturelle dont le ciel l'avait enrichi à un si haut degré, et le fait qui venait d'avoir lieu ne put être envisagé différemment par tous ceux qui en furent témoins.



M. Alliot, actuellement curé de Rancé, qui m'a fait cette relation à Ars dans le courant de l'année 1880, la certifie entièrement conforme à la vérité.



------------




(1) Documents, N° 82

(2) Ambérieux-en-Dombes est une paroisse de l'Ain située à quelque six kilomètres d'Ars et remarquable par les ruines d'une haute tour qui se dresse tout près de l'église

(3) Lorsque, en 1853, M. Toccanier, missionnaire de Pont-d'Ain, fut nommé par Mgr Chalandon auxiliaire-résidant du saint, il s'installa à la Providence, dans la partie attenante à la chapelle, là où M. Vianney lui-même projeta un moment de se retirer. Le saint Curé prit l'habitude de visiter chaque jour, à la fin de leur déjeuner, M. Toccanier et ceux de ses confrères de Pont-d'Ain qui venaient l'aider à titre de confesseurs et de prédicateurs

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Message  Monique Dim 07 Mar 2021, 8:33 am

XII



Une offrande agréable à Dieu


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De Chalon-sur-Saône à Ars il n'y a pas bien loin. Une jeune Chalonnaise, Mlle Poulin, en profitait pour aller de temps en temps se confesser à M. Vianney.

« Mon enfant, lui dit un jour brusquement le saint Curé, vous avez bien fait plaisir au bon Dieu...

Mais où cela et quand cela, mon Père ?...

Oui, mon enfant, vous avez bien fait plaisir au bon Dieu. Il a été bien content de l'offrande généreuse que vous avez faite de votre mère mourante ».




Six mois plus tôt, Mlle Poulin avait eu le cruel chagrin de perdre une mère tendrement aimée. La voyant en proie à d'intolérables souffrances, elle l'avait offerte à Dieu, bien que ce fût un martyre pour son cœur. Or cette scène n'était pas même présente à sa pensée au moment où elle s'entretenait avec M. Vianney ; elle en avait d'ailleurs gardé le secret pour elle seule. (1)


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(1) Mme Pierre Legrand, de Chalon-sur-Saône, qui tenait le fait de Mlle Poulin, « personne très pieuse et très digne de confiance », l'a transmis à Ars le 30 janvier 1878 (Documents Ball, N° 11)


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Message  Monique Lun 08 Mar 2021, 6:49 am

XIII



« Sous terre... loin d'ici »



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Mme Berthier, de La Fouillouse, restée veuve de bonne heure avec deux enfants, avait dû, en 1845, se séparer de son fils âgé de onze ans pour le placer comme berger chez un fermier de Saint-Bonnet-les-Oules. La Fouillouse, qui se cache parmi les hautes collines du département de la Loire, n'est qu'à une dizaine de kilomètres de Saint-Bonnet. Aussi Mme Berthier espérait-elle revoir le plus souvent possible le cher petit exilé.

Or, un jour, quelqu'un de Saint-Bonnet se présenta chez elle. On venait apprendre à la veuve que son fils avait disparu. Jamais on n'aurait cru cela possible, car l'enfant avait l'air gentil... Et à la mère atterrée l'homme de Saint-Bonnet-les-Oules raconta que le jeune Berthier avait perdu l'un de ses moutons, qu'il avait mis cette perte sur le compte d'un loup  car il y en a dans ces montagnes boisées mais que, battu par son maître, il s'était sauvé de la maison. Où se cachait-il depuis ? On n'avait pas pu le savoir. Et c'est pourquoi il avait fallu prévenir la mère...

Ce fut pour Mme Berthier un coup terrible. Pourtant, elle demeura courageuse. Elle fit sonder les ruisseaux et les étangs ; elle-même, accompagnée de sa fille, parcourut les fourrés de la montagne : de l'enfant, nulle trace... Sans doute avait-il été lui-même dévoré par les loups.



En 1849, Mme Berthier entendit parler du Curé d'Ars ; on lui conta que ce prêtre faisait des miracles, qu'il lisait les pensées des cœurs, qu'il révélait des événements cachés au reste des hommes. Dès lors, une espérance qu'elle n'avait jamais totalement abandonnée se réveilla et grandit dans son cœur. Si tout de même ce pauvre petit vivait encore !... Mme Berthier envoya sa fille trouver M. Vianney.

La messagère n'eut pas besoin d'en dire bien long, et la réponse du saint ne fut ni vague, ni hésitante :

« Mon enfant, apprenez à votre mère que son fils se porte bien. Il est employé sous terre avec d'honnêtes gens, loin d'ici et de chez vous. Mais consolez-vous toutes deux ; il vous reviendra un beau jour de fête, bien portant, et sans accident. »



Dès lors, confiante et goûtant d'avance l'allégresse du revoir, la mère attendit.

Cinq ou six ans plus tard, un jeune homme de bonne mine arrivait à La Fouillouse dans la soirée de l'Assomption. Il alla droit à une maison qu'il n'avait pas oubliée. Il entra, se nomma et tomba dans les bras de sa mère. Avec quelles effusions Mme Berthier serra sur son cœur son grand fils de vingt ans !

Il raconta son histoire. Oui, un loup avait bien emporté l'un de ses moutons et, battu pour un malheur dont il ne pouvait répondre, le petit berger s'était enfui. Cependant, une fois sur la route de La Fouillouse, une terreur le saisit : sa mère, elle aussi, le battrait pour avoir quitté de la sorte la ferme de ses maîtres. Mieux valait ne pas reparaître au pays.

Remontant vers le Nord, sans savoir que devenir, le fugitif dépassa Saint-Galmier. Il allait dans l'inconnu quand il entendit derrière lui rouler une voiture. Il demanda au conducteur de le prendre avec lui et celui-ci, par compassion, le fit monter puis s'étendre dans le fond du véhicule. Harassé, l'enfant s'endormit d'un sommeil profond.

Le voiturier allait loin. Il voyagea toute la nuit. Arrivé à Montceau-les-Mines, il songea que ce serait imprudent de garder plus longtemps ce jeune étranger. Il réveilla l'enfant, mais ne put tirer de lui aucune indication pratique sur son pays d'origine et sa famille. Il le laissa là et continua sa route.

Lui, qui avait faim, frappa à une humble maison dont la porte lui fut ouverte. On lui donna à manger. Le maître de céans, un brave mineur, trouva que l'enfant avait bonne figure. Il le prit avec lui et l'employa dans la mine, au triage du minerai.

Les années avaient passé. Que de fois la pensée de sa mère était venue torturer le fugitif !... Enfin, ne pouvant plus y tenir, il avait quitté la charitable famille qui avait été sa providence, et il se retrouvait à la maison !

« Es-tu resté chrétien, mon enfant, pendant cette longue absence ? interrogea la mère qui, malgré tout, gardait une inquiétude.

Oui, maman, répondit d'une voix franche le grand fils, j'ai toujours rempli mes devoirs à Montceau-les-Mines.

Ah ! Dieu soit béni !... Maintenant qu'il me laisse aller en paix ! Je mourrai bien contente ! »


Elle mourut peu après. (1)



------------



(1) « Ce fait, écrit M. le chanoine Ball, m'a été raconté par Sœur Marie, religieuse de Saint-Joseph, à Saint-Jacques-des-Arrêts (Rhône), dans une lettre à la date du 6 février 1879. Cette Sœur a connu non seulement le fait en lui-même mais encore la mère Berthier et ses enfants. » (Documents, N° 6)


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Message  Monique Mar 09 Mar 2021, 8:32 am

XIV



Pour tirer d'ennui une domestique



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Un bulletin paroissial, le Carillon de Beaurepaire qui, en dépit de son titre, fait encore plus de bien que de bruit a publié, dans son numéro d'août 1893, ce trait où l'on verra comment saint Vianney mettait ses dons les plus rares au service des humbles, et en d'humbles choses.



*

* *



Mlle Thérèse-Apollonie Servonat, de Tourdan (Isère), habitait Lyon depuis quelques années. Entendant les Lyonnais parler sans cesse du Curé d'Ars, des miracles qu'il opérait, des pèlerins qui se succédaient par milliers dans son église, elle eut aussi le désir d'aller le voir. Chaque année, ses bourgeois allaient à la campagne prendre quelques semaines de vacances. Elle profita de leur départ pour faire plus librement son voyage.

Arrivée à Ars, elle se proposait d'y passer quelques jours. Sa première visite fut pour l'église qu'elle trouva remplie de monde. A peine eut-elle dit une courte prière qu'elle vit le saint Curé descendre du chœur de l'église et venir directement à elle.

« Mon enfant, lui dit-il, vous venez d'arriver et vous vous proposez de rester ici quelque temps ; mais il faut vite rentrer chez vous, car les maîtres de la maison dont vous avez la garde doivent rejoindre Lyon tel jour. »

La pèlerine écouta le saint Curé. En toute hâte elle remplit ses devoirs de piété et reprit le chemin de Villefranche, où l'on s'embarquait sur la Saône pour Lyon. Deux heures après son arrivée, ses bourgeois étaient de retour.

Revenue dans sa maison paternelle de Tourdan, elle raconta ce fait étonnant à ses parents et amis qui en gardent le souvenir avec émotion.


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Message  Monique Mer 10 Mar 2021, 7:35 am

XV



Un surveillant qui reçoit la leçon



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Le Cher Frère Noël, des Écoles chrétiennes, enseignait au pensionnat de Villefranche-sur-Saône.

Il conduisait un jour en promenade un groupe d'élèves. Par exception, et contrairement aux usages de son Institut, notre surveillant n'avait pas de compagnon. La petite troupe prit la route d'Ars. Arrivé au but de la promenade, le bon Frère organisa un jeu aussi attachant que possible et, sans en penser bien plus long, il s'esquiva et marcha seul jusqu'au village, avec l'espoir de pouvoir s'y confesser à M. Vianney.

Vain espoir assurément ! En entrant dans l'église, le Frère Noël y trouva ce qu'on y trouvait toujours : la longue file des pénitents... Il s'agenouilla, puis, comme les autres, il prit une chaise...

« Mon Frère, que faites-vous là ? interrogea soudain une voix grêle mais perçante. M. Vianney venait de reconduire un pénitent, et, du seuil de la sacristie il interpellait le nouveau venu. Mon Frère, vous n'avez pas besoin de vous confesser... Allez surveiller vos élèves. »

Du ton que cela fut dit, beaucoup de pèlerins ne purent s'empêcher de rire. Quant au Frère Noël, interloqué, confus d'entendre révéler par une apostrophe publique et si inattendue un fait connu de lui seul, il se hâta de se signer et de déguerpir. Toutefois, il s'éloigna sans de trop cuisants remords. « Vous n'avez pas besoin de vous confesser », lui avait déclaré l'homme de Dieu.



Les détails de ce récit proviennent du Cher Frère Adrien, de l'école de Nazareth, en Palestine, qui les entendit de la bouche même du Frère Noël peu de temps avant que celui-ci ne mourût, octogénaire, à la maison de Caluire-lès-Lyon.


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Message  Monique Jeu 11 Mar 2021, 8:04 am

XVI



« Partez vite ! »



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Un lundi des Rogations, vers six heures du matin, une jeune Lyonnaise se tenait pieusement agenouillée dans l'église d'Ars. Arrivée l'avant-veille, elle était venue faire une retraite qui se clôturerait le jour de l'Ascension. Elle s'était adressée pour cela, ne pouvant aborder le saint Curé, au premier missionnaire venu, qui se trouvait être M. l'abbé Jean-Baptiste Descôtes. Elle espérait bien toutefois voir un peu M. Vianney et recevoir de lui quelque lumière. En attendant, ce matin-là, elle se préparait à entendre la messe du serviteur de Dieu.

Il ne tarda pas, en effet, à sortir du confessionnal où il s'était enfermé dès minuit. La retraitante, à sa vue, et instinctivement, fit tout son possible pour se rapprocher de l'autel. Ô surprise ! M. Vianney venait à elle.

« Vous êtes de Lyon, mon enfant ? lui demanda-t-il en fixant sur elle son bon regard.

Oui, mon Père.

Eh bien ! partez vite : on vous attend chez vous. »


Puis le saint rentra à la sacristie pour y revêtir les ornements de la messe.



Fortement impressionnée par ces paroles impératives, la retraitante, dès la messe finie, alla trouver M. Descôtes.

« Aviez-vous donc à craindre quelque nouvelle fâcheuse ? interrogea le missionnaire vivement surpris lui-même.

Mais, aucune, mon Père.

Aucun message ne vous est venu ?

Aucun.

Malgré cela, ma pauvre enfant, il faut partir.

Hélas ! ma retraite, mon Père ?...

Que voulez-vous ? Dieu y pourvoira. Pour l'instant, il ne vous reste qu'à reprendre le chemin de Lyon. Je suis trop au courant des merveilles d'ici pour vous retenir. Nous ne pouvons mettre en doute la parole de M. le Curé. Allez, mon enfant. Mais écrivez-moi dès votre arrivée à Lyon. »




Le surlendemain, M. Descôtes avait la clef du mystère. La jeune fille lui écrivait :

« M. le Curé avait bien raison de me faire repartir si promptement.

C'était vers les six heures du matin qu'il me le disait, en m'annonçant que j'étais attendue chez nous. Et ce matin-là même, deux heures auparavant, ma sœur, que j'avais laissée pleine de santé, était morte. Ma présence était de fait nécessaire dans ma famille (1)... »



------------



(1) M. l'abbé Descôtes a déposé ce fait au procès de l'Ordinaire, en la session du 16 juin 1864. (V. également Documents Ball, N° 67)


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Message  Monique Ven 12 Mar 2021, 7:25 am

XVII



« Et cette lettre ? »



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Mlle Sauthier, qui devait être un jour Sœur Eugénie, des Filles de la Croix de Chavanod (Haute-Savoie), s'était démis un bras dans sa jeunesse. Un rebouteur, puis un médecin assisté sans vergogne d'un second rebouteur tentèrent vainement de la guérir. « Elle restera infirme », avait déclaré devant elle le médecin à son assistant.

Toujours souffrante et bien découragée, Mlle Sauthier, qui avait entendu parler maintes fois des merveilles d'Ars, demanda à sa mère de l'y conduire.

Elle se confessa à M. Vianney, puis lui exposa ses ennuis. « Faites une neuvaine à la Sainte Vierge, lui fut-il répondu, et ça passera. »

La malade repartit d'Ars assez triste : elle se croyait indigne d'un miracle. Cependant, elle se mit à sa neuvaine mais elle ne l'acheva pas.

A quoi bon, se disait-elle, puisque je ne guérirai pas. Et elle souffrait sans répit ; sa mère la surprenait larmoyante et geignante. « Tu n'as donc pas fait ta neuvaine ? lui demanda un jour cette mère profondément croyante.

Oh ! maman, j'avais commencé, puis je me suis arrêtée... Je n'ai pas assez confiance.

Pas assez confiance !... Eh bien ! Dès demain matin, ta sœur et toi vous irez à la messe et vous y assisterez en l'honneur de la Sainte Vierge. Et ce sera ainsi sans arrêt pendant neuf jours. »

Les jeunes filles obéirent. Les neuf jours expirés, le mal avait disparu.

Quelques années plus tard, Mlle Sauthier revenait consulter le Curé d'Ars. Il s'agissait de son avenir, de sa vocation. Le saint l'encouragea dans son désir d'être religieuse. Puis brusquement :

« Et cette lettre ?... Pourquoi ne l'avez-vous pas remise ? »

Aussitôt la pénitente se souvint : elle avait gardé dans sa valise une lettre qu'elle eût dû remettre à une amie, quelques jours auparavant, en passant par Lyon. Le saint l'avertissait de son oubli. (1)


------------



(1) Les détails de ce récit proviennent d'une lettre datée du 10 août 1917 et dictée par Sœur Eugénie, alors âgé de quatre-vingt-trois ans, en résidence à la maison-mère des Filles de la Croix de Chavanod


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Message  Monique Sam 13 Mar 2021, 7:53 am

XVIII



Le serpent dans la maison



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Une bonne fermière de la Bresse, Mme Mercier, avait pris l'habitude de faire chaque année dans Ars une petite récollection. Elle y entendait fidèlement les catéchismes de M. Vianney, récitait rosaire sur rosaire ; mais son tout premier soin était de prendre rang pour arriver le plus tôt possible au confessionnal. Cela demandait plus ou moins de jours.

Une année, Mme Mercier eut de la chance, n'ayant pas dû attendre beaucoup plus de vingt-quatre heures. Mais elle comptait bien rester à l'église quand même, afin de satisfaire sa dévotion. On la reverrait ainsi là-bas dans Bâgé-la-Ville à la date convenue.

« Combien de temps, lui demanda le serviteur de Dieu, pensez-vous demeurer ici ?

Jusqu'à demain, mon Père.

Non, non, partez aujourd'hui même. Il y a un serpent dans votre maison. »


Un serpent dans la maison !... Et son mari et ses enfants !... N'étaient-ils pas en danger ?... Assurée que le Curé d'Ars avait dit vrai, Mme Mercier reprit en hâte la route de Bâgé-la-Ville.



Revenue à la ferme, elle y retrouva tout dans l'ordre accoutumé. Toutefois, elle mourait d'inquiétude, tremblant de voir se dresser sous ses pas quelque bête venimeuse... Mais peut-être avait-elle mal compris ? Ce « serpent dans la maison », n'était-ce pas quelque louche visiteur survenu pendant son absence ? La fermière interrogea. Rien qui valût la peine d'être signalé depuis son départ. Tout au plus son mari s'était-il mêlé de toucher un peu aux choses du ménage. En cette journée de clair soleil, il avait étendu quelques heures sur l'aire le contenu de la paillasse et...

Mme Mercier sursauta. « Le serpent ! » s'écria-t-elle. Et elle montrait le lit, auquel personne ne paraissait avoir touché. Elle en frappa l'un des montants. Aussitôt un gros reptile se glissa hors de la paillasse et s'élança sur le sol. Il rampa vers la cour où le tuèrent les domestiques accourus aux cris de la fermière. (1)


------------


(1) Annales d'Ars, octobre 1901


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Message  Monique Dim 14 Mar 2021, 8:16 am

XIX



« Venir de si loin !... »




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Mlle Marie Robert, de Clermont-Ferrand, a déposé aux archives d'Ars le récit d'un bien touchant prodige.

C'était en septembre 1857. Mlle Robert assistait au catéchisme de onze heures : M. le Curé Vianney, conte-t-elle, était placé dans une petite stalle, à côté de l'autel de la Sainte Vierge. L'omnibus venait d'arriver sur la place. Tout à coup, la porte de l'église s'ouvrit bruyamment. Plusieurs personnes  et je fus de celles-là  tournèrent la tête. Je vis alors trois personnes qui restaient près du bénitier : un homme, accompagné d'une femme, tenait un enfant dans ses bras. Absolument inconnus de M. Vianney, tous trois venaient à Ars pour la première fois. Ils s'agenouillèrent.

Aussitôt le saint, interrompant son catéchisme, s'adressa aux nouveaux venus : « Pauvres gens, leur dit-il, venir de si loin chercher ici ce que vous avez chez vous ! Que votre foi est grande ! ». Puis il reprit son simple discours.

Le catéchisme fini et l'angélus récité, le bon Curé revint au pitoyable groupe demeuré au fond de l'église : « Portez, leur cria-t-il d'une voix forte, portez votre enfant vers sainte Philomène, là-bas, à gauche. »

Ces gens traversèrent donc l'église et se mirent à genoux devant la statue de sainte Philomène qui, à ce moment-là, était toute redorée et comme neuve. Le père avait toujours son petit dans ses bras. Soudain se produisirent un bruit de chaise, un grand remuement que l'on entendit jusque du dehors. Vite, nous revînmes à l'église pour voir ce qui s'y passait.

Le pauvre père était tombé en syncope en entendant son fils parler pour la première fois. Cet enfant avait six ans et n'avait pas articulé un mot depuis sa naissance. Or il venait de dire dans le patois de son pays : « Joli, papa, joli !... »

Transporté à l'air sur le perron, ce brave homme reprit vite ses sens. « Nous étions venus à Ars, nous expliqua-t-il, pour demander la guérison de notre fils qui n'avait jamais parlé, ni marché. » Et la mère d'ajouter : « Ah ! que j'ai fait de neuvaines pour que le bon Dieu nous le reprît, puisqu'il n'y avait aucun espoir de guérison. Tous les médecins consultés ont été du même avis... Et à présent, le cher petit, le voici debout et il parle ! Quelle grâce ! »

C'était si touchant de les voir pleurer tous les deux !

Ils allèrent, conduits par un Frère, remercier M. Vianney dans sa cure. Dans le courant de la semaine, je revis la mère. « Je ne puis pas croire à la guérison de mon petit garçon, me dit-elle. Et pourtant voyez-le là-bas. »

Et j'aperçus l'enfant à qui son père et M. Vianney donnaient la main. Le saint Curé avait l'habitude de visiter, l'après-midi, les malades du village. Or, plusieurs jours de suite, il emmena ainsi avec lui l'enfant miraculé. D'après la mère, M. Vianney avait assuré que ce petit deviendrait missionnaire et qu'il produirait beaucoup de bien.

Encore une fois, peindre la joie des parents est impossible. J'ai partagé leur bonheur. J'ai vu marcher devant moi cet enfant de six ans qui n'avait jamais marché encore, j'ai entendu parler celui qui était sourd-muet de naissance. J'avais dix-neuf ans quand se sont déroulés les événements que je raconte. Or, je me rappelle toutes ces choses comme si elles étaient d'hier. »


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Message  Monique Lun 15 Mar 2021, 9:10 am

XX



« Pour passer le dimanche »



------------



Bien suggestif, ce fait d'intuition extrait d'une lettre écrite le 4 mars 1908 par le R. P. Jean-Marie Planchet, originaire du diocèse de Belley et missionnaire à Pékin.



*

* *



Je me rappelle très distinctement qu'une vieille demoiselle, nommée Catherine Themy (pour Barthélemy), venait souvent chez nous passer ses soirées du dimanche avec sa mère. J'avais alors une dizaine d'années.



Cette personne, quoique peu causeuse, nous a raconté maintes fois qu'étant jeune, elle était allée avec sa mère faire un pèlerinage à Ars. M. Vianney prêcha sur l'observation du dimanche. Après les exercices, la mère dit à sa fille :

« Il faut nous en aller maintenant.

Mais n'as-tu pas entendu, reprit la fille, comment le Curé d'Ars a parlé contre ceux qui voyagent le dimanche ?

Que veux-tu ? Il nous est impossible de rester : nous n'avons plus le sou. »




A peine ce petit colloque prenait-il pris fin que M. Vianney, traversant la foule, vint droit aux deux voyageuses et mit une pièce de cinq francs dans la main de la mère en lui disant : « Voici pour passer votre dimanche ». Cela dit, il continua son chemin.


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Message  Monique Mar 16 Mar 2021, 8:11 am

XXI



« Dufour !... »



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Il serait exagéré de dire que dans les foules d'Ars il n'y ait eu que des pèlerins ; chaque jour s'y mêlaient des curieux, presque tous bien intentionnés, sans doute ; mais qui détournera ces sortes de gens  aujourd'hui sous le nom de touristes ils profanent les lieux les plus vénérés  de promener leurs âmes sans prière ? Heureusement que plus d'un se laisse toucher par la ferveur des fidèles ou la beauté des cérémonies saintes ; sans quoi, il les faudrait nommer une engeance détestable.

C'est pour de semblables raisons que le Curé d'Ars les tolérait et, à l'occasion, leur rendait service. En voici une preuve.



Un spirite de Lyon, Antoine Saubin, touriste avant la lettre, fut si bien converti par M. Vianney en février 1859 que, le mois suivant, en la fête de saint Joseph, il entrait comme postulant à la Trappe de Notre-Dame-des-Neiges.  Nous raconterons une autre fois l'histoire du Frère Joachim. (1)
)
Or, sur ses conseils, plusieurs de ses amis lyonnais, « renonçant eux aussi, comme l'a écrit le chanoine Ball, à leurs superstitions spirites et effrayés d'avoir été si longtemps le jouet du démon, résolurent d'aller se confesser à M. Vianney » ; sauf un, toutefois, qui se rendit à Ars « par pure curiosité ». Cet homme, nommé Dufour, était cordonnier à Perrache.

Naturellement, il n'avait pas écrit au Curé d'Ars pour le prévenir de son passage, pas plus qu'il ne s'était fait annoncer par qui que ce fût. Il se joignit à la foule et attendit que parût, pour le bien dévisager, ce curé extraordinaire qui avait « retourné » si dextrement ses camarades en spiritisme.

Il vit sortir de l'église un petit vieillard aux épaules courbées, dont le regard vif et doux semblait ne se fixer que sur des visages amis : presque toutes les personnes présentes lui étaient pourtant étrangères. Dufour eut un tressaillement. Le Curé d'Ars venait de l'appeler par son nom.

« Dufour, disait-il, repartez tout de suite chez vous. Votre femme vous attend avec impatience : en ce moment, on vous fait saisir. »

Pauvre Dufour ! Il avait quitté Lyon sans prévoir la catastrophe.

« Oui, partez, mon ami, ajouta M. Vianney ; mais vous reviendrez l'année prochaine. »

Que de choses étonnantes en quelques paroles : ce prêtre discernant dans un groupe compact un homme qu'il n'a jamais vu, dont il n'a jamais entendu parler, puis le nommant, lui indiquant ce qui se passe à l'heure même dans sa maison située à 35 kilomètres d'Ars, tandis que Mme Dufour s'affole et supplie les gens de loi de surseoir jusqu'au retour de son mari...

« M. Dufour, relate le chanoine Ball, partit aussitôt pour Lyon et trouva les choses exactement comme le Curé d'Ars les lui avait annoncées. (2) »



Les notes qui demeurent ne disent pas si le cordonnier de Perrache vint l'année suivante prier en pèlerin sur la tombe de M. Vianney. Quoi qu'il en soit, il savait à présent que penser du petit « curé extraordinaire ».


------------



(1) V. ce livre p. 142 (partie : lecture dans les cœurs XI)

(2) Documents, N° 17


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Message  Monique Mer 17 Mar 2021, 8:46 am

XXII



« Hier, à dix heures du matin... »



------------



Une année avant la mort de saint Jean-Marie Vianney et donc en 1858, une mère de famille de Grigny-sur-Saône, Marie Robin, dame Theveniaux, en partance pour Ars, fut chargée d'y porter l'honoraire d'une messe : on sollicitait la guérison d'une pauvre hydropique, Anne Vandroux.

La messagère ne put arriver à M. Vianney que deux jours plus tard, à cause de l'habituelle affluence.

Le saint promit bien de célébrer la messe demandée, mais en ajoutant : « Ce sera pour le repos de l'âme ; car cette femme est morte hier, à dix heures du matin ». Stupéfaction de Marie Theveniaux qui, à son départ, n'avait rien vu d'alarmant dans l'état de sa compatriote.

Dès son retour au pays, elle apprit en effet que la malade dont elle avait imploré la guérison était morte au jour et à l'heure indiqués par le Curé d'Ars. (1)


------------



(1) Ce fait a été communiqué au sanctuaire d'Ars par M. l'abbé Jaillet, curé de Grigny-sur-Saône (Saône-et-Loire), qui le déclare « absolument authentique et certain »  Lettre à Mgr Convert, du 20 septembre 1920


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