LES INTUITIONS DU CURÉ D'ARS - Chanoine Francis Trochu - Aumonier de l'Adoration à Nantes - Docteur en lettres

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Message  Monique Jeu 28 Jan 2021, 10:45 am

LES INTUITIONS DU CURÉ D'ARS - Chanoine Francis Trochu - Aumonier de l'Adoration à Nantes - Docteur en lettres  Cure_d10


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Lettre adressée à l'Auteur par

Monseigneur HIPPOLYTE CONVERT


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CURÉ D'ARS




Ars, le 9 juillet 1930.

Cher Monsieur le Chanoine,


Dans votre biographie du saint Curé d'Ars, dont on sait ce que je pense, il y a un chapitre intitulé Les intuitions et les prédictions. Vous n'évoquez là qu'un nombre de faits assez restreint, et forcément qu'en traits rapides. De l'immense documentation qui vous passa par les mains, la part la plus curieuse peut-être devait-elle donc demeurer dans une sorte de pénombre ? Nous n'avons pu nous y résigner, ni vous ni moi. C'est pourquoi je vous ai rouvert de grand  cœur les archives de notre sanctuaire. Et ainsi de nouveau, selon votre louable habitude, vous avez pu puiser aux sources les plus sûres. Vous avez exploré d'abord les Recueils composés par M. le chanoine Ball entre 1864 et 1880. Avant d'être le troisième successeur, à la cure d'Ars, de saint Jean-Marie Vianney, M. Ball, missionnaire de Pont-d'Ain, remplissait les fonctions délicates de vice-postulateur du Procès de canonisation. Le choix de Rome s'était porté sur l'homme qu'il fallait. Non seulement mon vénéré prédécesseur se dévoua infatigablement à la Cause d'Ars, mais, il voulut, pour enrichir les archives du sanctuaire, mener personnellement diverses enquêtes, notamment sur les faits d'intuition attribués au serviteur de Dieu. Il le fit avec le sérieux et les précisions désirables, à la façon des juges ecclésiastiques chargés du Procès lui-même et dont, comme vice-postulateur, il était le collègue.

Chaque fois que la chose fut possible, M. Ball nota soigneusement dans son style sans fioritures, apparenté à celui de nos tabellions, les noms de lieux et de personnes, les dates des événements, les paroles échangées entre le Curé d'Ars et ses pénitents... Il ne manqua guère de donner sa pensée sur chacun des témoins, n'écoutant que ceux-là dont la véracité lui paraissait suffisamment établie.

Les enquêtes de M. Ball portent sur plus de cent faits d'intuition. De ces enquêtes, cher Monsieur le Chanoine, vous avez tiré le plus heureux parti.

Vous avez également emprunté aux in-folio du Procès un certain nombre de vos récits. Les témoins en attestèrent la réalité sous la foi du serment. Vos documents sont encore des relations ou des lettres, des circulaires de communautés religieuses, des souvenirs écrits ou dictés par les personnes qui furent l'objet des vues surnaturelles du Curé d'Ars... Quand j'ai été à même de contrôler leurs dires, je les ai trouvés conformes à la vérité.

La tâche que vous vous étiez assignée, cher Ami, consistait à ranger tant de faits variés dans un ordre logique et à les présenter sous une forme qui attirât et retînt l'attention. Que vous y ayez réussi, je n'en veux pour garant que le charme goûté à vous lire ou plutôt à vous relire ; car voilà des années que vous rédigez dans les Annales d'Ars les vivants récits qui paraissent sous cette rubrique pleine de promesses : Les faits d'intuition dans la vie du saint Curé. D'ailleurs ceux que vous publiez dans cet ouvrage ont tous paru, pour le fond du moins, dans la revue de notre sanctuaire. Vos recherches vous ont permis d'en rendre un bon nombre plus précis et plus circonstancié.

Soit que les documents demeurent muets sur les noms et les localités, soit que les témoins aient demandé là-dessus le silence, vous gardez, lorsqu'il le faut, la mesure observée par M. Ball et les Annales d'Ars. Cependant je pense comme vous qu'il n'y a pas d'indiscrétion dans la plupart des cas à donner les noms et les lieux d'origine des personnes intéressées. Toutes ont disparu de ce monde et il y a soixante-quinze, quatre-vingts ans, sinon un siècle entier, que s'écoulèrent les événements. Cette précision dans les détails communique plus de vie à l'histoire et comme un cachet particulier d'authenticité.

L'ensemble de vos récits, considéré du point de vue simplement humain, est déjà bien prenant. Mais, mon cher Ami, vous avez surtout à cœur, dans cet ouvrage, de poursuivre l'œuvre commencée et qu'inaugura si heureusement votre magistrale biographie du Curé d'Ars : vous voulez faire connaître et aimer de plus en plus notre cher saint.

Dans ces récits d'intuition on découvrira sans peine, en plus de ses dons extraordinaires, ses hautes et bienfaisantes vertus, sa piété, sa confiance en Dieu, sa charité, sa commisération pour les pauvres pécheurs, cette « puissance de consolation » qui jaillissait de son cœur au bénéfice des affligés et des éprouvés de la terre. Et puis dans sa parole quelle simplicité charmante, souvent quelle profondeur ! Votre livre ouvre des aperçus nouveaux sur cette grande figure de conseiller et de directeur des consciences. Il nous apprendra mainte particularité sur son caractère, son genre de vie et ses œuvres.

La physionomie du pèlerinage d'Ars en sera elle-même plus complètement connue. Les témoins que nous allons entendre diront leur façon de voyager sur les routes d'autrefois, de se loger dans le village, d'aborder le serviteur de Dieu.

Cet humble village où se déroula sa merveilleuse existence n'a pas beaucoup changé d'aspect depuis sa mort. Toutefois, si la vieille cure demeure telle quelle, la vieille église a subi une transformation jugée nécessaire pour que l'église nouvelle dédiée à sainte Philomène pût s'élever en sa majestueuse ampleur. Autour de l'église, on ne retrouve plus l'étroit cimetière dont, de 1818 à 1855, les tombes furent bénites par le serviteur de Dieu. Ont disparu encore ou ont trouvé une destination, des appellations différentes, les hôtelleries où s'abritait jadis la foule des pèlerins, les boutiques où l'on achetait les objets de piété... Ce passé tout rempli de si attachants souvenirs, vous le reconstituez à nos yeux grâce à des plans aussi exacts que possible. Il sera ainsi plus facile de retrouver le bon saint dans le chœur, la nef, les chapelles latérales, la sacristie de sa vénérable église, de le suivre en sa « maison de Providence », sur la place ou dans les rues du village.

Grâce à votre travail si documenté, à vos récits si clairs, si colorés, plus de deux cents traits de la vie du Curé d'Ars vont donc être conservés en tous leurs détails pour la joie et l'édification des lecteurs chrétiens. Ici, nous avons tremblé plus d'une fois à la pensée que le roman osât pénétrer quelque jour dans ce domaine réservé qu'est la Vie des saints. Nos craintes étaient-elles si peu fondées ?... Du moins, vos livres sur saint Jean-Marie-Baptiste Vianney livres qui sont de l'histoire opposeront, nous l'espérons bien, une barrière infranchissable aux inventions purement romanesques. La vérité est incomparablement plus belle et plus douce, plus réconfortante, plus entraînante que toutes les trouvailles les plus ingénieuses de l'imagination.

Soyez félicité de vous en tenir constamment à votre méthode des premiers jours. Je souhaite à vos Intuitions du Curé d'Ars la prompte et large diffusion qu'elles méritent.

Veuillez agréer, cher Monsieur le Chanoine et Ami, l'assurance de mes bien affectueux sentiments en Notre-Seigneur.



H. CONVERT
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Message  Monique Jeu 28 Jan 2021, 12:06 pm

INTRODUCTION


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Les faits d'intuition vue mystérieuse du passé, du présent ou de l'avenir, lecture dans les cœurs ne sont pas inouïs dans l'histoire des saints.

Tandis que Catherine de Sienne agonise à Rome où l'a conduite son zèle pour l'Église, son confesseur Raymond de Capoue, qui se trouve dans la ville de Gênes, entend les paroles que la mourante prononce là-bas à son intention : Dites-lui qu'il ne faiblisse jamais. Je serai avec lui au milieu de tous les périls ; s'il tombe, je l'aiderai à se relever. « J'entendis, a-t-il rapporté lui-même, une voix qui n'était pas dans l'air et qui prononçait des paroles que saisissait mon esprit, non mon oreille ; et cependant je les percevais plus distinctement en moi-même que si elles m'étaient venues d'une voix extérieure. » Cela se passait à la fin d'avril 1380. Lorsque, un peu plus tard, les personnes qui assistaient Catherine à son lit de mort rapportèrent à Raymond de Capoue les paroles de la sainte, il put répondre en toute vérité qu'il les avait entendues déjà.

Le soir de la Sainte-Anne, 26 juillet 1570, sainte Thérèse voit, du carmel espagnol de Medina, se dérouler en plein Océan un spectacle horrible : à la hauteur des îles Canaries, le corsaire calviniste Soria attaque le vaisseau qui transporte au Brésil quarante religieux de la Compagnie de Jésus, et il les massacre impitoyablement. Or, pendant le carnage, la sainte entend une voix qui domine les cris des meurtriers et les rumeurs de la mer ; elle reconnaît l'un de ses parents, le P. François Pérez Godoï, encourageant ses compagnons au martyre. Puis elle le voit entrer en paradis avec les autres victimes... Thérèse raconta au P. Balthazar Alvarez, présent à Medina, ce qu'elle venait de voir et d'entendre. Quand, le mois suivant, parvint en Espagne la nouvelle circonstanciée de l'événement, on constata que du drame affreux aucun détail n'avait échappé au mystérieux regard de Mère Thérèse.

Le 7 octobre de l'année suivante, avait lieu le mémorable événement que raconte une des plus belles mosaïques de Fourvière. Ce jour-là, sur l'ordre du pape, disciple fidèle de saint Dominique, toute la Chrétienté récitait le rosaire ; il s'agissait de conjurer un péril immense : les Mahométans, vainqueurs, s'avançaient à la conquête de l'Europe... Or, tandis qu'au détroit de Lépante, dans les eaux de la mer Ionienne, la flotte chrétienne, commandée par don Juan d'Autriche, remportait sur la flotte ottomane une victoire décisive et brisait l'avance du Croissant, saint Pie V, en prière, suivait de Rome, grâce à une révélation surnaturelle, toutes les phases du combat.

Au XVIIe siècle, la vénérable Benoîte Rencurel, dont le nom demeure uni si étroitement au pèlerinage de Notre-Dame du Laus (Hautes-Alpes), reçut spécialement le don de lire dans les cœurs. « Oh ! Que vous êtes devenue laide depuis que je ne vous ai vue ! » jetait-elle un jour à une jeune fille dont l'âme s'était souillée d'un péché secret.

Anne-Marie Taïgi de Sienne, que Benoît XV béatifia en mai 1920, vécut à Rome de longues années. Tout en s'adonnant à l'éducation de ses enfants et aux soins de son ménage, elle eut des intuitions extraordinaires, voyant dans une sorte de soleil qu'elle ne cessait d'avoir devant les yeux les événements présents ou futurs et en particulier ceux de la Révolution française.

Enfin, au XIXe siècle, deux saints personnages ont joui du don d'intuition dans une mesure peu commune : le capucin italien François de Camporosso, béatifié par Pie XI le 30 juin 1929, et saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, Curé d'Ars. Le frère François, né en 1804, mort en 1866, infirmier, puis quêteur au couvent de Gênes, rassura maintes fois des parents sur le sort de leurs fils partis pour de lointaines croisières en leur en donnant, par une miraculeuse double vue, des nouvelles précises.

Quant au Curé d'Ars, on sait à quel point il usa du don d'intuition et combien l'usage de ce don contribua à le rendre célèbre. Toutefois, il nous a paru que cet aspect de sa surhumaine puissance, traité sommairement dans ses biographies, méritait d'être mis en relief.

De là le présent ouvrage.

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Message  Monique Ven 29 Jan 2021, 7:29 am

Il n'est pas, son titre l'indique suffisamment, un livre de doctrine, mais un recueil de faits attribués par des témoins dignes de foi à saint Jean-Marie-Baptiste Vianney.

Sur ces faits d'intuition, il faut le dire, l'Église ne s'est point prononcée. Bien qu'un certain nombre ait été retenu parmi les pièces de la Cause d'Ars, ils n'ont pas servi spécialement pour la béatification et la canonisation de M. Vianney. Ainsi que l'édicte en substance Benoît XIV, seuls « les miracles opérés après la mort des serviteurs de Dieu, sur leurs tombeaux, avec leurs reliques, ou par leur invocation sont, au jugement de l'Église, une preuve complète de leur sainteté, quand on a trouvé à leur vertu ce degré d'élévation qui caractérise les héros de la Religion...

« Il en est autrement, poursuit le même pape, des prodiges qu'ils ont eux-mêmes opérés pendant leur vie, pour la confirmation de la foi... A la rigueur, ces grâces extraordinaires, dons gratuits de Dieu, ne sont pas un indice assuré de la sainteté de ceux qui les possèdent, même dans le degré le plus éminent.

« Il n'en est pas moins vrai cependant que, dans le cours ordinaire des lois de la Providence, le Juste est le plus souvent l'instrument dont Dieu se sert avec prédilection...

« Aussi, dans la pratique de la Congrégation des Rites, après la discussion la plus sévère des perfections chrétiennes, quand on a reconnu dans les serviteurs de Dieu proposés pour les honneurs de la béatification ces mérites accomplis qui font les saints, on se prête sans peine à l'examen des grâces extraordinaires qui les firent admirer sur la terre. »

Le savant pontife explique ensuite que ces grâces sont outre les miracles, les extases, les apparitions, les révélations   « le don de science et de sagesse, le don de prophétie (1)... ».  Or la puissance d'intuition dont le Curé d'Ars donna tant de preuves et qui le « fit admirer sur la terre » se rapporte tantôt au don de science ou au don de sagesse, tantôt au don de prophétie.

Précisément, notre livre vient conter de cent et quelques manières comment ce merveilleux pouvoir se manifesta chez saint Vianney ; comment, parmi les pèlerins innombrables accourus pour le voir et l'entendre, beaucoup vinrent avec l'espoir de sentir se poser sur leur âme, sur les événements de leur vie, sur leurs proches, sur des amis, son miraculeux regard.

Mais avant de passer aux faits, arrêtons-nous devant le Voyant d'Ars aux heures où le don d'intuition lui permet de saisir les secrets des âmes, les secrets de Dieu. Les souvenirs des témoins de sa vie, ses propres déclarations nous aideront à nous faire une idée de son extraordinaire pouvoir.



*
* *



(1) Chanoine Nicolas BAUDEAU, Analyse de l'ouvrage dit pape Benoît XIV sur les béatifications et canonisations, approuvé par lui-même, Paris, Lottin, 1761, pp. 260-262


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Message  Monique Sam 30 Jan 2021, 8:25 am

On aura remarqué la gravure qui ouvre le recueil. Si ce n'est pas là le portrait dit authentique du Curé d'Ars, c'est du moins une image qui, en essayant de rendre ses traits, exprime surtout son âme. Le voici, l'Ascète, le saint Prêtre dont les mains jointes révèlent le recueillement profond, la prière ardente ; le Contemplatif, le Voyant dont les yeux percent le mystère.

Un incroyant, dont il sera parlé dans ce livre, s'écriait après avoir constaté une intuition qui le bouleversa : « Le Curé d'Ars n'a pas les yeux faits comme les autres. »

Des familiers de M. Vianney, des visiteurs, des pèlerins de passage ont remarqué eux aussi ce qu'il y avait de particulier dans son regard.

« Sur cette face amaigrie et détruite pour ainsi dire, a écrit son premier biographe, on ne lisait rien de terrestre ni d'humain... Les yeux seuls marquaient la vie ; ils brillaient d'un incomparable éclat. Ce qui caractérise l'âme, le regard, était en M. Vianney je ne sais quel éclair d'un feu surnaturel qui variait d'intensité et d'expression (2) ».

L'abbé Henri Vollot, qui fit en 1857 le pèlerinage d'Ars, écrivait à l'un de ses amis qu'il y avait dans le saint Curé « deux choses qu'on ne peut se lasser de contempler : son sourire inaltérable, son regard céleste, limpide, mais perçant... indéfinissable (3) ».

Ces yeux, Georges Seigneur, directeur avec Hello du journal éphémère Le Croisé, les a vus qui « resplendissaient comme le diamant (4) ».

En 1849, une personne de Montrouge, Mlle Marie Roch, ayant pénétré dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste, où le saint Curé confessait, aperçut, non pas le serviteur de Dieu, mais seulement deux rayons de feu qui jaillissaient de son visage, l'éclipsant par leur rayonnement intense. Elle comprit qu'à ce moment le saint lisait dans son âme, et, comme il sera conté plus loin, elle en eut la preuve le lendemain même.

On en était convaincu, par un don spécial le Curé d'Ars voyait dans les consciences. « Il paraissait me deviner, atteste un de ses pénitents, M. l'abbé Denis Chaland, qui avait été élevé au pensionnat d'Ars fondé par M. Vianney ; quand ses regards rencontraient les miens, ils me pénétraient jusqu'au fond de l'âme » (5). C'était vrai ; souvent, « avant qu'on eût ouvert la bouche, il révélait ce qu'on voulait lui dire et ce qu'on aurait voulu lui cacher » (6) ; si bien qu' « il y eut des personnes qui, en apprenant sa puissance d'intuition, n'osèrent pas se présenter devant lui, de peur qu'il ne dévoilât leur état d'âme ». (7)

Mais ces yeux de saint ne voyaient-ils pas plus loin et plus haut que les consciences ? Plus loin : nous entendrons des témoins nombreux nous affirmer des faits étonnants de vue à distance. Plus haut : des personnes dignes de foi viendront appuyer cette parole d'une des filles du maire d'Ars, Mlle Marthe des Garets : « Jusque dans la conversation, on était frappé de son regard qui semblait voir les choses de l'autre monde ». (8)

Puis nous entendrons conter comment il apprit leur avenir à des personnes destinées à  vivre dans le monde, à de futures religieuses, à de futurs prêtres, à de futurs missionnaires ; comment il annonça des conversions et des reniements, des décès ou des guérisons...

En vérité, le Curé d'Ars n'avait pas les yeux faits comme les autres.



*
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(2) Abbé MONNIN, Le Curé d'Ars, t. II, p. 356

(3) Lettre du 21 septembre 1857 à M. l'abbé Tapie

(4) Numéro du 20 août 1859

(5) Procès apostolique continuatif, f. 654

(6) Mlle Marthe MIARD, Procès apostolique continuatif, f. 821

(7) Abbé CARRIER, Procès apostolique inchoatif, f. 1275

(8) Procès apostolique sur la renommée de sainteté, f. 311


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Message  Monique Dim 31 Jan 2021, 8:20 am

M. Vianney se rendait-il compte lui-même de son merveilleux pouvoir ? Assurément.

Il en avait bénéficié tout le premier du temps où, réfractaire, il vivait caché près des Noës, chez la veuve Fayot, fermière du hameau des Robins. Il avait alors vingt-trois ans. Les gendarmes sans doute ne le savaient pas là ; mais comme la forêt de la Madeleine qui enveloppait les Robins pullulait de fugitifs, la maréchaussée y faisait de fréquentes battues, sans prévenir personne, on le conçoit, de son arrivée. « Or  la, tradition en est demeurée dans la famille Fayot  chaque fois que, de la Pacaudière, de Saint-Haon-le-Chatel ou de Renaison, les gendarmes survinrent de nuit aux Robins et pénétrèrent dans l'écurie de la veuve, ils n'y trouvèrent pas le conscrit réfractaire. Averti par on ne sait quel pressentiment, Jean-Marie Vianney était parti dans la forêt ». (9)

Devenu prêtre, il n'usa plus guère de ce don que pour le bien des autres.

Qu'en pensait-il lui-même ? On serait curieux de le savoir. Naturellement, comme d'autres saints dont l'humilité a clos les lèvres, le Curé d'Ars a été là-dessus plus que discret.

Toutefois, certains aveux lui ont échappé qui éclairent un peu du mystère.

Interrogé, il s'en tirait par une plaisanterie, étonné qu'autour de lui on s'occupât tant de ces choses, désireux surtout d'éloigner les importuns. « Bah ! disait-il en souriant, je fais comme les almanachs : quand ça se rencontre, ça se rencontre. » Ou bien : «J'ai fait comme Caïphe : j'ai prophétisé sans le savoir ». Mais, dans son entourage, personne ne prenait au sérieux ces boutades d'homme embarrassé.

On aimait mieux s'en tenir aux récits de certains pénitents qui, au sortir du confessionnal, ne pouvaient cacher leur surprise et faisaient confidence des intuitions dont ils avaient été eux-mêmes l'objet.

« Puis-je me fier à vous ? osait lui dire une jeune fille à laquelle il conseillait le cloître. Vous ne me connaissez pas.

 Je ne vous connais pas, mon enfant ? répliquait vivement l'homme de Dieu. Mais je lis dans votre intérieur comme si je vous avais confessée toute votre vie ».
(10)

Il avait donc eu, étalé devant son regard, le panorama de cette existence et de cette âme.

Dans les premiers temps où elle se confessa à lui, la baronne Alix de Belvey, qui devait, pendant quelque trente ans, être sa pénitente fidèle, ne crut pas nécessaire de lui confier certaines choses qui la chagrinaient beaucoup. « Quel ne fut pas mon étonnement, a-t-elle raconté depuis, lorsque M. le Curé répondit à ma pensée comme ne l'eût pas même fait une personne à qui j'aurais eu d'avance exposé l'affaire avec force détails !... »

En l'occurrence, pourrait-on objecter, n'y a-t-il pas eu communication de pensée ? Entendons la suite.

« D'abord il avait refusé de m'aider dans mes accusations ; et voilà que tout à coup il se mit à me questionner sur tel ou tel point, toujours sur des fautes ignorées de moi ou oubliées ; si bien qu'à la fin, lors même que le souvenir ne m'en revenait pas aussitôt, je n'osais pas nier, assurée qu'il ne s'était pas trompé... Beaucoup de personnes m'ont attesté qu'il avait lu de même dans leurs consciences ». (11)

Ici, la pénitente se rappelle si peu ses fautes que leur évocation au saint tribunal ne lui dit rien : elle les retrouvera dans sa mémoire plus tard, en y réfléchissant. Nous en verrons d'autres exemples. Est-ce là ce qu'on peut appeler des échanges ou communications de pensées ? Certainement non.

Mais le problème n'est pas résolu pour cela. Ces lumières sur la conscience d'autrui, sur le passé, le présent, l'avenir, sur ce bas monde et sur l'Au-delà, qui les donnait au Curé d'Ars ? Continuons de l'entendre.

A des personnes qui le consultaient il a répondu parfois : « Attendez, après ma messe », non pas simplement pour remettre l'entrevue à ce moment-là, mais parce qu'il comptait, au cours du saint sacrifice, recevoir des clartés d'En-haut. C'est ce qui arriva en particulier pour une jeune personne de Rive-de-Gier, dans la Loire, la future Sœur Marie-Gabriel, Tonine Grodemouge, qui, sur le conseil du Curé d'Ars et contre toute logique humaine, se fit visitandine à Montluel, dans l'Ain. « O mon enfant, s'écria-t-il en la retrouvant après la messe, que vous êtes heureuse ! Notre-Seigneur vous a choisie pour épouse ! » (12)

D'autres fois, l'intuition chez lui n'était plus, semble-t-il, qu'un message de Dieu.

Une jeune fille, prénommée Marguerite, qui, écrit M. Ball, était « domestique chez les MM. Cinier de devant l'église d'Ars », faisait au saint Curé sa confession générale. Selon la coutume du temps, cela demandait plusieurs séances au confessionnal. « Elle se rappela une chose qu'elle n'avait pas encore accusée. Comme cette chose lui causait de l'ennui  nous citons toujours M. Ball au lieu de l'avouer tout de suite, elle en renvoya l'accusation à une séance subséquente, tout en voulant la dire avant de recevoir l'absolution. Mais grande fut sa surprise lorsque M. Vianney, sans attendre à une autre fois, lui dit aussitôt : « Mais cela ? en lui désignant ce qu'elle n'avait pas voulu lui avouer encore, vous ne l'accusez pas, et vous l'avez fait ». Marguerite, tout étourdie de se voir ainsi découverte, se demandait en elle-même comment M. le Curé pouvait savoir ce qu'elle seule connaissait, lorsque, répondant à sa pensée, il répliqua : « C'est votre ange gardien qui me l'a dit ». (13)

On comprend, dés lors, que dans son ouvrage L'état mystique, M. le chanoine Auguste Saudreau, un spécialiste de la vie spirituelle, ait songé à classer certaines intuitions du Curé d'Ars parmi les « phénomènes d'ordre angélique ».


*
**


(9) V. notre livre Le Curé d'Ars, pp.71-77

(10) Circulaires de la Visitation de Montluel. Notice sur Sœur Marie-Hélène Ballefin

(11) Procès de l'Ordinaire, f. 251-252

(12) Circulaires de la Visitation de Montluel. Notice sur Sœur Marie-Gabriel Grodemouge

(13) Documents Ball, n°24


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Message  Monique Lun 01 Fév 2021, 8:19 am

Deux faits de sa vie nous prépareront aux explications de l'éminent auteur.

L'un d'eux qui sera conté plus loin en toute son ampleur (14) nous le montre, à l'instant où une veuve éplorée vient l'interroger sur le sort éternel de son mari, « se renfonçant dans le confessionnal, puis, pendant près de cinq minutes, liant conversation avec un personnage invisible ». La pénitente, entend bien le bruit des paroles, mais sans pouvoir en  saisir le sens.

L'autre fait, sur lequel nous n'aurons pas à revenir, se passa comme le précédent en 1849. Un jour de semaine sainte, Sœur Marie-François d'Assise, religieuse du Tiers Ordre franciscain de Saint-Sorlin, après l'accusation de ses péchés, demandait : « Qu'est-ce que Dieu veut de moi, mon Père ? ». Le saint, pour toute réponse, lui dit dans un soupir : « Ah ! mon enfant !...  ». Puis, cessant de s'adresser à elle, il tomba dans une sorte d'extase. Il s'adressait à un interlocuteur mystérieux. Ce qui se dit alors nul ne l'a su, puisque la pénitente quitta le confessionnal sans attendre la suite. Sans doute M. Vianney lui eût-il rapporté la réponse du ciel à cette question : qu'est-ce que Dieu veut de moi ?... « Il se parla comme à lui-même l'espace de cinq minutes, je ne sais en quelle langue, attesta Sœur Marie-Françoise au procès de canonisation ; toujours est-il que je ne le compris pas. Tout étonnée, je le regardai en face. Il semblait hors de lui. Je crus qu'il voyait le bon Dieu. Me jugeant indigne de demeurer en la présence d'un si grand saint, je me retirai tout effrayée ». (15)

Momentanément, l'âme du Curé d'Ars était comme entrée dans l'autre monde et s'entretenait avec lui.

Écoutons maintenant le chanoine Saudreau :

« Suivant l'opinion de graves théologiens, dit-il, Adam et Eve, ayant reçu de Dieu la science infuse, pouvaient, avant la chute, produire des actes purement spirituels à la manière des anges et des âmes séparées. Outre les pensées qu'ils roulaient dans leur esprit en les exprimant par des mots, outre les actes d'intelligence et de volonté qu'ils accomplissaient comme nous avec le concours du sens interne, actes qui deviennent impossibles dès que le cerveau, organe de la pensée, ne peut plus agir, ils avaient des lumières semblables à celles des purs esprits. Ils vivaient donc d'une double vie : la vie angélique et la vie humaine.

« Comme nos premiers parents et d'une manière beaucoup plus parfaite, Notre-Seigneur jouit, toute sa vie, de la science infuse, opérant à la manière des esprits et continuant par conséquent, pendant son sommeil comme à l'état de veille, de produire des actes d'intelligence et d'amour ; aussi doit-on Lui appliquer à la lettre le mot du Cantique : Je dors, mais mon cœur veille. La Sainte Vierge eut le même privilège.

« Beaucoup d'amis de Dieu, dans le cours des siècles, ont reçu de Lui, la même faveur, les uns d'une manière transitoire, les autres d'une façon durable... L'âme mène concomitamment les deux vies, sans que l'une nuise à l'autre ; alors, pendant l'état de veille, elle aura simultanément des vues angéliques et des pensées et des raisonnements humains...

« Quand une âme fidèle est élevée à cet état angélique, elle peut embrasser d'un seul regard de son intelligence un horizon si vaste, elle peut saisir des vérités si étendues, que de longs discours ne suffiraient pas à les exprimer...

« L'objet de ces connaissances est multiple ; tout ce que les esprits connaissent peut être de la sorte manifesté à l'âme : les êtres spirituels, anges ou démons, qu'elle veut connaître et voir comme ils se voient entre eux, les objets matériels, même les plus éloignés, les événements présents, passés ou futurs. Dans ces différents cas, on appelle ces connaissances angéli­ques visions intellectuelles...


« La connaissance des secrets des consciences s'obtient d'ordinaire, croyons-nous, par ces vues angéliques ; ainsi le saint Curé d'Ars montrait souvent à ses pénitents qu'il connaissait leurs fautes beaucoup mieux qu'eux-mêmes ». (16)

On saisit la pensée de M. Saudreau : l'âme du saint opérerait ici comme si elle était dégagée du corps ; elle percevrait à la façon des esprits. Ainsi donc, quand on parle des yeux du Curé d'Ars, sans doute s'agit-il de ses yeux de chair, mais on peut songer encore aux yeux de l'âme plus clairvoyants, qui découvrent ce que les yeux du corps ne sauraient découvrir.

Ces yeux-là, comment voyaient-ils ? Lui-même n'eût pas su le dire. Lorsque le confesseur de sainte Thérèse lui posa une question de ce genre, elle répondit « qu'on ne pourrait exprimer ni comprendre de quelle manière on sait, bien qu'on ne laisse pas de savoir très certainement ». (17)

L'histoire suivante, arrivée au Curé d'Ars, n'illustre-t-elle pas à propos les paroles de la grande sainte Thérèse ?

« En une circonstance, rapporte l'abbé Toccanier, je lui posai à brûle-pourpoint cette question : « Monsieur le Curé, quand on a une vue surnaturelle, c'est sans doute comme un souvenir ?  Oui, mon ami, me répondit-il. Ainsi, une fois, je dis à une femme: « C'est donc vous qui avez laissé votre mari à l'hôpital et qui refusez de le rejoindre ? « Comment savez-vous cela ? me répliqua-t-elle. Je n'en ai parlé à personne ! ». J'ai été plus attrapé qu'elle : je pensais qu'elle m'avait déjà tout raconté ». (18)

Le saint possède si bien les détails de l'incident qu'il s'imagine les tenir de la personne même à laquelle il en rappelle le souvenir. Et soudain il s'aperçoit que la source où il a puisé se trouve ailleurs ! Mais comment y a-t-il puisé ? Cela s'est fait à son insu, tout à l'heure, tandis qu'il parlait à cette femme.

Cependant pouvait-il communiquer avec le monde surnaturel sans en avoir le sentiment intime ? Non. De là chez lui des exclamations comme celles-ci : « Oh ! mes frères, si nous avions les yeux des anges !... Que nos yeux sont heureux de contempler le bon Dieu !... ». De là aussi sa méthode de prédication. « Le Curé d'Ars, a écrit M. Paul Brac de la Perrière, un avocat lyonnais grand ami d'Ozanam, le Curé d'Ars ne faisait pas de raisonnements ». (19) En effet, même en chaire, il ne raisonne pas, il montre. Et il montre parce qu'il voit. Cela, Mgr Convert, quatrième successeur de saint Jean-Marie Vianney à la cure d'Ars, l'a exposé lumineusement dans le plus fouillé et peut-être le plus attrayant de ses livres. (20)

Nous constaterons que, dans le tête-à-tête avec le pénitent, là surtout, le saint confesseur n'hésite pas, ne s'explique pas... ne se trompe pas. Dans bien des cas, le premier des deux qui prend la parole c'est le confesseur, et pour découvrir le fond d'un cœur ou prédire ce que « ni la chair ni le sang ne lui ont révélé ». (21) Parfois il jettera des décisions si brusques, si déconcertantes, énoncera des prédictions si invraisemblables, qu'une sagesse à courte vue doutera de son bon sens et de sa sainteté. Mais l'événement lui donnera raison. « En fin de compte, comme l'a dit Mgr Convert, on sera obligé de rendre hommage à sa sûreté de vue et de s'écrier : « Oui, il y a en  lui un Dieu caché qui l'éclaire ». (22)

Lui-même, du reste, ne l'a-t-il pas proclamé, lorsque, à cette question : « Quel a donc été votre maître en théologie ? », il répondait : « Le même que saint Pierre ».

Son évêque, le vénéré Mgr Devie, qui le connut très bien, n'en a pas jugé autrement. « Un jour, rapporte Mme la comtesse des Garets d'Ars, je me permis cette réflexion devant Monseigneur de Belley : « On regarde généralement notre curé comme peu instruit. Je ne sais s'il est instruit, répliqua Sa Grandeur, mais ce que je sais bien, c'est que le Saint-Esprit se charge de l'éclairer ».


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(14) Page 39 (partie : le monde invisible XVII)

(15) Procès de l'Ordinaire, f. 1393

(16) L'état mystique, Paris, Amat, 2e édit., 1921, pp. 179, 180

(17) Château de l'âme, liv. VI, chap. VIII

(18) Procès de l'Ordinaire, f. 330

(19) Dans une plaquette Souvenirs de deux pèlerinages à Ars

(20) Le saint Curé d'Ars et les dons du Saint-Esprit, Lyon, Vitte.
Il faut lire spécialement dans cet ouvrage ce qui a trait aux dons de Sagesse et de Conseil

(21) Évangile selon saint Matthieu, XVI, 17

(22) Le saint Curé d'Ars et les dons du Saint-Esprit, p. 314


A suivre...   LE MONDE INVISIBLE - I « Un petit saint de plus »
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Message  Monique Mar 02 Fév 2021, 8:13 am

Première partie : Le monde invisible


*
**



I


« Un petit saint de plus »


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Une pieuse personne de Lyon avait pris l'habitude de visiter chaque année le village d'Ars. Son premier pèlerinage remontait à 1832. Une de ses bonnes voisines, Mme Denuelle, aurait bien voulu la suivre afin de contempler, elle aussi, ce saint dont la renommée s'était répandue dans toute la ville. Malheureusement, ses occupations et son peu de fortune ne lui permettaient pas un tel voyage. Elle se contentait d'écrire ses recommandations pour M. Vianney et de les confier à son amie ; mais elle ne signait jamais que par ces mots : une mère de famille.

Pendant un certain nombre d'années, chaque fois que le Curé d'Ars voyait arriver la charitable commissionnaire, il lui demandait en souriant : « Et la mère de famille ? ». A plusieurs reprises, il ajouta : « Vous lui direz qu'elle prie beaucoup et qu'un jour elle viendra me voir ».

Ce qui se réalisa en effet. Mme Denuelle eut le bonheur de voir ce saint de Dieu. Elle insista pour qu'il se souvînt à l'autel d'elle-même et de son petit garçon, enfant très pieux et très doux qui était son unique trésor.

En 1843, l'enfant, alors âgé de onze ans et demi, mourut. Peu de jours après, l'amie de la pauvre mère entreprit son pèlerinage annuel.

Elle aborda M. Vianney tandis qu'il passait sur la place. Or, comme elle le saluait, le saint Curé lui dit sur un ton de compassion affectueuse : « Oh ! la mère de famille a bien du chagrin ! Vous lui direz que son enfant n'était pas pour le monde. C'est un petit saint de plus au ciel ».

« Ce fait, conclut M. Ball en son registre d'enquêtes, m'a été certifié par Mme Denuelle elle-même dans une relation qu'elle m'a fait remettre, fin janvier 1881, par M. Jean-Baptiste Génetier, qui, lui aussi, le confirme de son témoignage ». (1)


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(1)  Documents, N° 92


A suivre...
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Message  Monique Mer 03 Fév 2021, 7:03 am

II



Comment fut consolée Sœur Saint-Joseph


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Des hauteurs qui entourent Pruzilly (Saône-et-Loire) on discerne, par temps clair, les humbles vallons du Fontblin où se cache le village d'Ars. Que de fois, en l'automne de l'année 1852, Sœur Saint-Joseph avait, de ces vertes collines, porté du côté d'Ars ses regards mouillés de larmes. Ah ! que ne pouvait-elle, retenue qu'elle était par ses occupations d'institutrice, pleurer encore aux pieds du saint de là-bas, mais aussi rapporter d'auprès de lui le courage de poursuivre sa lourde tâche ! Car elle n'en pouvait plus de travailler seule, la pauvre Sœur Saint-Joseph !

En 1849, sur les instances de leur fille, Mlle Joséphine, alors âgée de trente ans et qu'ils appelaient leur « ange », d'excellents chrétiens de Pruzilly, M. et Mme Chervet, avaient de leurs deniers édifié une école, qui s'ouvrit le 1er octobre de l'année suivante. Ils s'étaient adressés, pour avoir une institutrice, à la communauté de l'Enfant-Jésus fondée par Mme de Sablon à Claveisolles, dans le Rhône. Et Sœur Saint-Joseph leur avait été envoyée. On prévoyait que toutes les petites filles de Pruzilly, sans exception, seraient ses élèves, car les parents, à l'unanimité, réclamaient cette école.  Pruzilly, qui n'a plus que 250 paroissiens, en comptait 520 en 1850. « Mais que la Sœur ne se décourage pas, écrivait-on à la supérieure de Claveisolles, elle sera aidée. »

Elle fut aidée en effet, et de la façon la plus délicate. L'école fut comble dès le premier jour ; beaucoup de jeunes filles de Pruzilly ne savaient même pas lire couramment : il en vint de seize, de dix-sept ans, qui eurent le courage de reprendre le syllabaire. Auprès de Sœur Saint-Joseph se tenait Mlle Joséphine Chervet. L'aimable fondatrice s'occupa de ces grandes ignorantes, et aussi de donner à toutes les élèves des leçons de broderie et de couture.

Ainsi l'école de Pruzilly prospéra dès sa naissance, et tout y marcha à souhait jusqu'en mars 1852.

Hélas ! Ce fut pour la pauvre Sœur le commencement des catastrophes.

Mme Chervet, née Marie Durozet, est atteinte de la typhoïde. Mlle Joséphine, qui a voulu la soigner, tombe malade à son tour. Elle ne verra pas sa mère mourir à Pruzilly, le 10 avril suivant, car on l'a transportée elle-même à l'hôpital de Lyon, où elle expire dix jours plus tard.

M. Charles Chervet, malgré sa foi profonde, ne put supporter ce double deuil. Miné par le chagrin, il s'éteignait le 16 octobre, à l'âge de soixante-deux ans.

Sœur Saint-Joseph demeurait seule. Elle avait perdu dans M. et Mme Chervet des bienfaiteurs insignes, en Mlle Chervet l'auxiliaire la plus dévouée, l'amie la plus exquise. Sans cesse elle priait pour eux. Il lui semblait vraiment qu'elle ne se consolerait jamais de leur mort, qu'elle succomberait sous l'épreuve. C'est pourquoi elle regardait si souvent du côté d'Ars ; de là seulement, pensait-elle, pourraient lui venir le réconfort et la paix.

Un jour enfin, étant libre en janvier ou en février 1853 elle partit pour le saint village. C'est à la sacristie qu'elle put aborder M. Vianney. A peine en eut-elle franchi le seuil :

« O mon enfant, s'écria le serviteur de Dieu, qu'ils sont heureux !... Ne pleurez pas. Vous ne voudriez pas les faire revenir sur cette terre de misère, maintenant qu'ils sont arrivés !... »

Comment le Curé d'Ars savait-il cela, sinon par une vue surnaturelle ? Sœur Saint-Joseph ne lui avait jamais parlé encore : il ignorait son nom, d'où elle venait... La religieuse en l'entendant, sentit le courage, la joie aussi envahir son âme, et elle repartit bénissant Dieu.

Et c'est Sœur Saint-Joseph elle-même Mlle Vermorel dans le monde qui, revenue à Ars en compagnie de deux autres religieuses, raconta ces choses, le 24 septembre 1873, à M. l'abbé Joseph Toccanier, alors curé de la paroisse. (1)


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(1) Documents Ball, n° 8. Un autre récit du même fait, et plus documenté, a été publié par M. l'abbé Janin, curé de Pruzilly, dans l'Echo paroissial du canton de la Chapelle-de-Guinchay (numéro de mai-juin 1923)


A suivre...
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Message  Monique Jeu 04 Fév 2021, 6:25 am

III



Deux âmes élues



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Un jeune homme de vingt-six ans, M. Auguste Faure, professeur dans une institution libre de Saint-Étienne et en même temps aide très dévoué de l'aumônier militaire, se sentait quelque attrait pour la Compagnie de Jésus. Afin d'en avoir le cœur net, il désira consulter le Curé d'Ars.

« Mon Père, confia-t-il à M. Vianney, la pensée me vient par instants d'entrer chez les Pères Jésuites.

Mon cher ami, restez où vous êtes : la vie est si courte ! »


M. Faure posa alors au saint une question :

« Telle dame qui est malade guérira-t-elle ?

Mon enfant, répliqua M. Vianney sans la moindre hésitation, elle a déjà sa récompense ».


A son retour, le jeune professeur apprit que cette dame était morte pendant qu'il se rendait à Ars. Qu'elle était heureuse ! Le ciel l'avait reçue.

Quant à M. Auguste Faure, moins d'un an après son entrevue avec le saint Curé, il contracta une fluxion de poitrine en se dévouant auprès des soldats qu'il préparait à leurs pâques. Son cas se compliqua d'une fièvre maligne. Il mourut, le Magnificat aux lèvres (1).


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(1) Annales d'Ars, juin 1906


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Message  Monique Ven 05 Fév 2021, 8:22 am

IV



« Elle n'en a pas besoin »



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La Révérende Mère Saint-Joseph, qui fonda les Congrégations de Saint-Joseph des diocèses de Belley, de Gap et de Bordeaux, était née tout près d'Ars, à Villefranche-sur-Saône. Elle avait de plus une cousine à Ars même, laquelle n'était autre que l'une des fondatrices de la Providence, Jeanne-Marie Chanay. Aussi rien d'étonnant qu'elle ait visité M. Vianney, lui ait demandé ses directions et même soit restée avec lui en union de prières. Elle sollicita en particulier ses conseils et ses suffrages lorsque, appelée à Bordeaux par le cardinal Donnet, ancien curé de Villefranche, elle dut s'initier à son grand rôle de fondatrice.

On peut dire sans exagération que Mère Saint-Joseph fut une des âmes que le Curé d'Ars estima le plus. Ils eurent ensemble des entretiens célestes. Et, lorsque fut instituée la communauté de Bordeaux, le saint lui envoya nombre de postulantes. « N'ayez pas peur, disait-il à celles qu'intimidait leur pauvreté. Allez seulement à Bordeaux ; la Mère Saint-Joseph vous recevra comme vous êtes ».

La vénérée fondatrice termina saintement ses jours après deux mois de maladie. C'était le vendredi 7 octobre 1853. Juste le lendemain, une jeune personne de l'Isère qui se préparait à venir au noviciat la future Soeur Sainte-Eléonore se trouvait à Ars et pria M. Vianney de célébrer la messe pour la guérison de la Révérende Mère Saint-Joseph. Il était matériellement impossible que la nouvelle de son décès, qui commençait seulement à se répandre dans Bordeaux, fût parvenue dans le département de l'Ain en si peu d'heures. Seule, une lumière surnaturelle avait pu en instruire le Curé d'Ars.

« Mon enfant, répondit-il avec un sourire ineffable, Mère Saint-Joseph n'en a plus besoin : elle est morte ». Et il refusa de prier pour elle, sûr de son arrivée au séjour de la paix. (1)


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(1) D'après la biographie de la Révérende Mère Saint-Joseph, par M. l'abbé Lebeurier, archiviste de l'Eure. Ce livre, paru seulement en 1869, avait été composé peu après la mort de la sainte religieuse. Le procès de béatification de Mère Saint-Joseph est introduit à Rome.


A suivre...
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Message  Monique Sam 06 Fév 2021, 7:37 am


V



Le Curé d'Ars et les Âmes du Purgatoire



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Lors du procès de canonisation, Mme la comtesse Prosper des Garets, femme du maire d'Ars, a porté ces témoignages : (1)

L'une des dévotions qui tenaient le plus au cœur de M. le Curé était la dévotion aux âmes du purgatoire ; elle allait chez lui jusqu'à la tendresse. Avait-il une messe à dire pour un malade ou pour les âmes souffrantes, il préférait les âmes du purgatoire. Ce que je vais ajouter n'est que le résultat de mes impressions et de ma conviction personnelle, sans que je songe à rien préjuger sur le fond et la réalité des faits. Ma conviction est donc qu'il était en relation directe avec les défunts, et que le purgatoire était un lieu où il savait ce qui se passait...



Une demoiselle de Bourg, Mlle d'Ecrivieux, avait avec elle son vieux père, qui avait été rebelle toute sa vie aux influences religieuses et qui mourut subitement. La bonne demoiselle était très inquiète sur son salut. Afin de se rassurer, elle consulta M. le Curé d'Ars, qui, sans hésiter, répondit : « Il est sauvé, mais il est en purgatoire pour un temps indéfini ».



Ma mère, qui était une personne très pieuse, venait de mourir. Il me semblait que je n'avais presque pas besoin de prier pour elle ; j'en parlai à M. le Curé. « Priez, me répondit-il, priez au contraire beaucoup pour elle ». Ma sœur, de son côté, s'en ouvrit à M. le Curé : « Soyez tranquille, mon enfant, lui dit-il, votre mère est bien placée.

Comment, monsieur le Curé, elle est en paradis ?

Je ne vous dis pas cela, mon enfant ; je vous dis qu'elle est bien placée. »


Nous comprîmes qu'il voulait nous dire qu'elle n'était pas pour longtemps en purgatoire.



Mlle Adèle de Murinais, après avoir consacré toute sa vie à l'exercice des bonnes œuvres, s'était éteinte à la suite d'une longue et douloureuse maladie. Je la recommandai aux prières de M. Vianney. « Inutile, mon enfant, de prier pour elle », me répondit-il. Et lorsque la belle-sœur de la défunte voulut lui demander de célébrer des messes pour le repos de son âme, il refusa en disant : « Elle n'en a pas besoin ».

Mlle de Bar, qui est notre parente, avait perdu sa mère dont la vie avait été semée de bien des épreuves. Elle vint à Ars et, comme elle entrait à la sacristie, M. Vianney l'aborda et lui dit : « Mademoiselle, vous avez donc perdu votre mère ; elle est au ciel.

J'ai cette confiance, monsieur le Curé.

Oh ! oui, elle est au ciel. »


Et comme Mlle de Bar présentait à M. Vianney le chapelet de sa mère pour le faire bénir, il le prit et le baisa avec respect.



J'ai remarqué beaucoup d'autres choses de ce genre ; ce qui a mis en moi la conviction dont j'ai parlé plus haut.


------------


(1) Procès de l'Ordinaire, folios 901-902


A suivre...


Dernière édition par Monique le Dim 07 Fév 2021, 8:50 am, édité 1 fois
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Message  Monique Dim 07 Fév 2021, 8:47 am

VI



Une liste incomplète



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Nous venons d'entendre Mme des Garets affirmer sa « conviction personnelle » que « le purgatoire était un lieu où le Curé d'Ars savait ce qui se passait ». Ne pourrait-on pas aussi conclure de certaines paroles du saint que non seulement il a connu le sort de tel défunt en particulier, mais qu'il eut des intuitions beaucoup plus vastes sur la vie des âmes dans l'Au-delà ?

Il avait comme fidèle pénitent un ancien architecte de Beaucaire, M. Hippolyte-François Pagès. M. Pagès, se présentant au confessionnal un jour de 1857, s'entendait dire, sans qu'il eût jamais à ce sujet fait aucune confidence à M. Vianney : « Mon enfant, je connais les motifs humains qui poussaient une de vos parentes à vous parler du sacerdoce. Si, en vous voyant la première fois, j'avais jugé meilleur pour vous d'être prêtre, je vous l'aurais dit ».

Dans une autre circonstance, le saint lui révéla d'un mot toute l'exquise délicatesse de son cœur. « Merci, mon enfant, d'avoir pitié si souvent de moi ». Chaque jour, M. Pagès nommait M. Vianney dans une de ses prières, mais il ne lui avait point confié ce détail, pas plus que la formule pieuse, de son invention, dont il se servait alors : Seigneur, faites-lui miséricorde, ainsi qu'à tous mes parents et bienfaiteurs.

Or, cette formule, le Curé d'Ars la connaissait, car il continua :

« Vous avez raison, mon enfant, de nommer ainsi à Dieu vos parents et bienfaiteurs. Seulement, vous en nommez qui ont moins besoin de prières que certains autres que vous oubliez ».

Le serviteur de Dieu savait donc d'une façon mystérieuse que M. Pagès énumérait, en priant, des personnes soit vivantes soit défuntes ; il savait que lui-même, Curé d'Ars, il avait part à ces suffrages ; mais de plus, il n'ignorait pas qu'il y avait des lacunes dans la liste, que certaines âmes délaissées, et plus avides de compassion parce que plus souffrantes, eussent mérité d'y prendre place. (1)


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(1) D'après les dépositions de M. Pagès (du 5 au 9 mai 1863), Procès de l'Ordinaire, folios 447-448


A suivre...
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Message  Monique Lun 08 Fév 2021, 8:16 am


VII



« Oui... mais il est bien bas »



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Une jeune fille de Saône-et-Loire, étant entrée dans une congrégation locale, fut nommée institutrice, avant même d'avoir achevé son temps de postulat. Malgré toute sa bonne volonté, elle ne put se faire à cette existence nouvelle. Prise de découragement, elle semblait prête à abandonner ce qu'elle avait cru sa vocation. Son angoisse cependant était bien grande, car elle avait voulu sincèrement être religieuse, et elle le voulait encore. Mais la nature était là...

Enfin, comme à tant d'autres, la pensée lui vint de consulter le Curé d'Ars et elle en obtint la permission. Elle fit le voyage à pied.

La consultation fut rapide. Elle était à peine agenouillée au confessionnal que M. Vianney lui dit :

« Mon enfant, vous n'êtes pas là où le bon Dieu vous veut. C'est dans telle congrégation que vous devez entrer.

Mais, mon Père, j'ai déjà fait dans celle où je me trouve plusieurs mois de probation. Voudra-t-on me recevoir dans une autre communauté ?

Oui, oui, mon enfant, allez tout de suite où je vous ai dit. On vous y recevra.

Mais ma sœur, qui est postulante comme moi, doit-elle aussi quitter ?...

Non, non, pas elle, mon enfant. Qu'elle demeure où elle est présentement.

O mon Père, je voudrais bien savoir autre chose encore... Notre pauvre père, mort dans un accident, est-il sauvé ?

Oui, mon enfant, votre père est sauvé... Mais il est bien bas. Priez beaucoup pour lui ».


Consolée et rassurée de ce côté, la jeune voyageuse se mit en devoir de suivre les directions reçues. Si le saint Curé avait vu juste dans l'avenir, notre postulante en conclurait que son regard pouvait tout aussi bien pénétrer l'Au-delà. Elle fut admise dans la congrégation indiquée. Contre l'avis de M. Vianney, sa sœur tint à l'y suivre. La mort l'enleva novice. Quant à l'ancienne pèlerine d'Ars, elle marcha allègrement dans la voie où le saint l'avait lancée. (1)


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(1) D'après un mémoire des Sœurs de l'hospice de Saint-Jean-de-Losne (Côte d'Or). Archives du presbytère d'Ars


A suivre...
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Message  Monique Mar 09 Fév 2021, 8:18 am

VIII



« Anciens et doux souvenirs d'Ars »


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La Semaine religieuse de Grenoble publiait dans son numéro du 30 novembre 1905 un article de Mgr André Devaux, recteur des Facultés catholiques de Lyon, sur « les origines dauphinoises du nom Vianney ». De fait, Mgr Devaux s'intéressa toujours beaucoup aux choses d'Ars. Sans doute avait-il une dévotion très grande pour le saint Curé. Mais cette dévotion, d'où lui venait-elle ? Les lignes qui vont suivre l'expliqueront suffisamment. Elles sont signées d'un frère du regretté recteur. Nous avons laissé à ce très intéressant récit, daté du mois de septembre 1926, le titre même que lui donna son auteur.



Ces souvenirs sont lointains en effet : ils remontent à environ soixante-dix ans.

En 1856 ou 1857, ma pieuse mère, entourée déjà de cinq à six enfants, désirait vivement voir le Curé d'Ars pour lui parler de deux choses importantes qui la tenaient en grande inquiétude. L'une regardait son mari, bon chrétien et vaillant ouvrier, qui, outre un modeste domaine cultivé à temps perdu, s'engageait encore comme journalier au service de quelque fermier. Malheureusement, il aimait le jeu, et le dimanche, après les offices, souvent il s'attardait longtemps avant de revenir à la maison ; il dépensait avec des amis l'argent qu'il avait péniblement gagné durant la semaine. Cet argent aurait été pourtant bien nécessaire à sa famille qui devenait nombreuse.

L'autre inquiétude concernait son fils aîné, âgé alors d'une dizaine d'années. Cet enfant, d'un caractère entier, entêté, prompt et fortement porté à la colère, semblait ne présager qu'un futur mauvais sujet.

Donc, deux sources d'ennuis pour cette pauvre maman, qui priait sans cesse tout en vaquant à ses nombreuses occupations, mais qui aussi versait bien des larmes. « Quand donc, disait-elle souvent, pourrai-je voir le saint Curé d'Ars ? »

Or, un beau jour, elle apprit qu'une voiture publique partant de Lyon emportait quotidiennement des voyageurs à Ars, où ils arrivaient vers onze heures, l'heure du catéchisme. Cette voiture ramenait le même jour, peu de temps après, les gens qui avaient séjourné la veille dans le village.

L'annonce de cette bonne nouvelle décida mon intrépide mère à partir afin de voir au plus tôt l'homme de Dieu, lui exposer ses peines et lui demander conseil.

Un matin, confiant ses enfants à une voisine complaisante, elle part et arrive à Ars juste pour entendre le saint faire ses exhortations si touchantes. Elle écoute d'abord avec admiration... Mais le temps passait, il y avait foule, la voiture qu'il fallait absolument reprendre le jour même pour le retour partirait bientôt. Le découragement s'emparait de ma pauvre mère qui redoublait ses prières. Enfin, ô bonheur ! M. Vianney descend, fait un détour, passe près de ma mère, la prend par le bras et l'emmène à la sacristie.

Là, sans la laisser parler, il lui dit aussitôt : « Bon courage, bonne femme, votre mari se corrigera, et l'enfant qui vous donne tant de soucis fera un bon prêtre. Même vous aurez plusieurs prêtres et religieux dans votre famille ». Alors ma mère, ravie, comme en extase et comme hors d'elle-même, ajouta :

« Mon Père, j'avais une sœur de seize ans, qui est morte, il y a peu de temps, auriez-vous la bonté de me dire si elle est au ciel ? »

Le saint se recueillit un instant, puis répondit :

« Oui, elle y est. Remerciez-en le bon Dieu. »

De plus en plus encouragée par une réponse si belle, mon heureuse mère ajouta :

« J'avais aussi un grand-père qui est mort ayant presque cent ans. Auriez-vous, je vous prie, la bonté de me dire s'il est au ciel, aussi lui ? »

De nouveau, l'homme de Dieu se recueillit et voici quelle fut sa réponse :

« Pour lui, priez encore. »

Qu'en fut-il dans la suite des prédictions du Curé d'Ars que ma mère raconta à ses enfants à la mort de ce grand saint ?

Mon cher père se corrigea en effet très heureusement et eut la joie avec ma mère d'avoir deux fils prêtres, plus deux fils Frères des Écoles chrétiennes et une fille tertiaire de Saint-François.

Les deux prêtres furent : Mgr André Devaux, mort en 1910 recteur des Facultés Catholiques de Lyon, et M. le chanoine Louis Devaux, mort en 1917 curé de Saint-Joseph de Grenoble. Les deux Frères sont : Jules Devaux, mort à Nazareth (Terre-Sainte), et celui qui vient de tracer ces quelques lignes au début de sa 80e année, le 3 septembre 1926. La tertiaire est Mlle Marie Devaux, en ce moment à Aix-les-Bains.

François DEVAUX.


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Message  Monique Mer 10 Fév 2021, 7:56 am


IX



Le lieutenant Johanny des Garets



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Le 1er février 1855, s'était éteint doucement au château d'Ars M. Eugène des Garets, le fils aîné du comte. Réconfortée dans ce deuil cruel par le saint qui venait d'inspirer à un jeune homme de vingt-cinq ans le courage de sourire à la mort, Mme la comtesse des Garets avait accepté généreusement son sacrifice.

Mais voilà que, peu de semaines après, c'était, au manoir d'Ars, une angoisse nouvelle. Le cadet des fils des Garets, M. Johanny, tout jeune officier d'une distinction rare et dont l'âme vaillante avait séduit véritablement M. Vianney, se préparait à partir pour la Crimée, où la guerre battait son plein.

M. des Garets, maire d'Ars, pria M. le Curé de venir au château bénir l'épée de Johanny. Toute la famille attendait au salon cet ami vénérable ; mais, sur sa demande, personne ne vint à sa rencontre ; il se présenta seul à la porte du salon demeurée grande ouverte. De là, il aperçut le jeune officier, qui, lui, ne le voyait pas. Le saint s'arrêta, joignit les mains, et, avec un accent d'une pitié infinie :

« Pauvre petit ! murmura-t-il, une balle, une balle !... »

Puis il entra, se montra pour Johanny d'une bonté exquise, bénit son épée et lui promit de bien prier pour lui.

Or, atteste Mlle Marthe des Garets, « ni mon frère ni ma mère n'avaient entendu ses premières paroles parce qu'on faisait du bruit dans le salon ; mais ma sœur, Mme de Montbriant, et plusieurs autres personnes les saisirent fort bien...

En effet, notre pauvre Johanny fut blessé d'une balle le 18 juin, à l'assaut de la tour Malakoff, et il en mourut trois jours après (1) ».


A cette nouvelle, le saint accourut au château. Cette fois, Mme des Garets était au désespoir : cette fin lointaine, si subite peut-être, sans préparation immédiate de l'âme !... M. Vianney pleura près de la mère en deuil, dont il parvint à relever le courage. « Soyez grande, soyez forte, lui criait-il. Ne vous laissez pas abattre ; sachez accepter l'épreuve ». Et, pour lui communiquer les héroïques sentiments de Marie au pied de la croix, il l'appelait, elle aussi, « la mère des douleurs » ! (2)

- Mon Johanny est-il sauvé ? demanda-t-elle enfin.

« Oui, mon enfant, soyez-en sûre, il est sauvé ! »


« A quelques jours de là, a raconté elle-même Mme la Comtesse des Garets, il lui échappa de dire dans un catéchisme, faisant allusion à notre cher disparu :

« C'est comme ce pauvre petit... Il est en purgatoire, mais pour peu de temps ».

« Pourtant nous gardions une certaine inquiétude : notre enfant, avant de mourir, avait-il pu voir un prêtre ? Or, au bout de six mois, nous reçûmes d'un officier une lettre qui nous assurait positivement que, blessé, notre fils s'était confessé et avait fait une mort édifiante.

« Mon mari se hâta d'en porter la nouvelle à M. le Curé qui se contenta de répondre : « Oh ! j'en suis bien aise pour sa mère ; mais, pour moi, cela ne change rien à ce que je croyais déjà ». (3)



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(1) Procès apostolique sur la renommée de sainteté, folio 312

(2)Comtesse DES GARETS, Procès de l'Ordinaire, folios 892-893

(3) Procès de l'Ordinaire, folio 902


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Message  Monique Jeu 11 Fév 2021, 7:46 am

X



« Il est sauvé »



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« Mes pensées ne sont pas vos pensées (1) », dit le Seigneur. En effet, ses desseins sont impénétrables : là où parfois l'homme condamne, Dieu peut absoudre. Ses miséricordes sont infinies : certaines morts font frémir et semblent, selon toutes les apparences, jeter des âmes en enfer ; et Dieu, qui voit plus loin que les dehors, pardonne. Que c'est consolant !

Le fait suivant en est une preuve émouvante.



Un jour, M. Guillaumet, qui fut de longues années supérieur de l'Immaculée-Conception à Saint-Dizier (Haute-Marne), se rendait à Ars. Dans son compartiment il n'était question que des merveilles du saint village : le nom de M. Vianney était sur toutes les lèvres. Or, assise aux côtés du vénérable supérieur, une dame en noir écoutait silencieusement.

Comme, à l'arrivée en gare de Villefranche-sur-Saône, les pèlerins s'apprêtaient à descendre, cette femme inconnue ouvrit enfin la bouche pour dire à M. Guillaumet :

« Monsieur l'abbé, permettez-moi de vous suivre à Ars... Autant là qu'ailleurs, n'est-ce pas ? Je voyage pour me distraire... Voulez-vous me renseigner quand nous serons là-bas ? »

M. Guillaumet répondit qu'il ferait son possible pour lui faire voir le saint dont on parlait tant. Le catéchisme de onze heures touchait à sa fin. Le prêtre conduisit la pauvre dame entre l'église et le vieux presbytère.

L'attente ne fut pas longue. Le Curé d'Ars, revêtu encore du surplis, apparut. Il marchait à pas lents, la tête inclinée.

Subitement, il s'arrêta devant cette femme en deuil, et M. Guillaumet l'entendit qui lui disait doucement :

« Il est sauvé ! »

Elle eut un sursaut. M. Vianney reprit :

« Oui, il est sauvé ! »

Un geste d'incrédulité fut toute la réponse de la dame. Alors le Curé d'Ars, scandant bien tous les mots, répliqua :

« Je vous dis qu'il est sauvé ; qu'il est en purgatoire et qu'il faut prier pour lui... Entre le parapet du pont et l'eau, il a eu le temps de faire un acte de repentir. C'est la Très Sainte Vierge qui a obtenu sa grâce. Rappelez-vous le mois de Marie élevé dans votre chambre. Votre époux irréligieux ne s'y est point opposé ; il s'est même parfois uni à votre prière... Cela lui a mérité un suprême pardon ».



M. Guillaumet ne comprenait rien à ces paroles. Il ne sut que le lendemain de quelles lumières merveilleuses Dieu éclairait son serviteur. La dame en deuil passa dans la solitude et la prière les heures qui suivirent son entrevue avec M. Vianney. Sa physionomie n'était plus la même ; elle n'avait plus cet air d'abattement et de tristesse profonde qui gênait tant ceux qui l'approchaient.

Sur le point de repartir, elle alla remercier M. Guillaumet de lui avoir ménagé l'entrevue qui venait de transformer sa vie :

« Je m'en vais d'Ars, lui dit-elle, et je m'en retourne guérie ! Les médecins m'obligeaient à voyager pour ma santé, mais je n'avais au fond qu'un désespoir atroce en songeant à la fin tragique de mon mari. Il était incroyant, et je ne vivais que dans l'espérance de le ramener à Dieu. Et il s'est suicidé, noyé !... Je ne pouvais le croire que damné... Plus jamais je ne le reverrais !... Et vous avez entendu ce que le saint m'a dit : « Il est sauvé ! » Je le reverrai donc au ciel !... Monsieur l'abbé, je suis guérie ! » (2)


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(1) Isaïe, LV, 8

(2) Ce récit provient d'une relation de M. le chanoine Maucotel, supérieur du grand séminaire de Verdun, qui le tenait directement de M. Guillaumet


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Message  Monique Ven 12 Fév 2021, 7:45 am

XI



« Continuez de prier pour lui »



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En février ou en mars 1859, une Lyonnaise, Mme Ladreyt née Anne Martin, sortait de se confesser à M. Vianney, quand elle s'entendit rappeler.

Mon enfant, lui demanda le serviteur de Dieu, vous avez beaucoup prié pour M. Neyrand ?...

Assurément, mon Père.

Et pourquoi ne continuez-vous pas ?... »




M. l'abbé Neyrand avait été le confesseur de Mme Ladreyt, qui lui gardait dans son cœur une vive reconnaissance. Ce bon prêtre était mort depuis trois mois. Au bout de quelques semaines, son ancienne pénitente, tranquillisée sur le sort de ce saint homme, lui avait retiré ses suffrages. Il n'avait pas été question de lui au confessionnal.



« Mais, mon Père, répliqua Mme Ladreyt, j'ai cessé de prier pour lui parce que je le crois au ciel.

Non, mon enfant, depuis qu'il est mort à Ajaccio, il souffre en purgatoire.

O mon Père, ce n'est pas possible !

Si, il est encore dans les peines, pour avoir été trop indulgent à l'égard de ses pénitents. Continuez de prier pour lui. »




En juillet 1878, Mme Ladreyt vint affirmer la réalité d'une pareille révélation par-devant M. le chanoine Ball, qui, ayant interrogé minutieusement le témoin, conclut : « Je ne puis mettre en doute sa véracité ». (1)


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(1) Documents Ball, N° 51


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Message  Monique Sam 13 Fév 2021, 7:55 am

XII



Le sonneur de cloches



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On s'imagine encore ici ou là que les vibrations des cloches sont capables d'éloigner la foudre pendant un orage. Il arrive, au contraire, en pareil cas, que des sonneurs sont victimes de leur charitable imprudence.

C'est précisément ce qui advint, le 1er juillet 1855, à un jeune homme de dix-neuf ans qui fut tué dans le clocher avec le sacristain de la paroisse. La pauvre mère, en apprenant cette mort tragique, s'évanouit. Elle demeurait inconsolable.

Peu de temps après l'accident, l'une de ses parentes qui tenait dans le village d'Ars un commerce d'objets de piété l'engagea à se rendre auprès d'elle. N'y avait-il pas là un saint curé à qui elle recourrait dans son immense peine ?



Elle vint. Elle épancha devant lui sa douleur. M. Vianney se recueillit, comme s'il scrutait le mystère.

« C'était bien le plus jeune des deux sonneurs qui était votre fils ? demanda-t-il après un silence.

Oui, répondit la mère.


Eh bien, consolez-vous. Son salut éternel est assuré. Il le doit à sa fidélité à bien remplir ses devoirs de chrétien, à la bonne habitude que vous lui avez fait prendre de s'approcher des sacrements tous les mois, ainsi qu'aux principales fêtes de la Sainte Vierge... Souvenez-vous de sa dernière confession et de sa dernière communion pour la fête de Notre-Dame du Mont-Carmel, quinze jours avant sa mort... Ce cher enfant s'est conservé en grâce jusqu'à son dernier soupir. Encore une fois, tranquillisez-vous, ma pauvre dame... Cependant continuez à prier et à faire prier pour lui... Oh ! conclut le saint, que la réception fréquente des sacrements est une bonne pratique à introduire dans les familles ! » (1)


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(1) Ce trait est contenu dans une relation adressée à Ars le 21 mai 1901 par le Révérendissime Père Abbé de la Trappe de Notre-Dame d'Aiguebelle. II a été rédigé par un second fils de la visiteuse de M. Vianney, devenu religieux trappiste sous le nom de Frère Jérôme


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Message  Monique Dim 14 Fév 2021, 8:14 am

XIII



Une petite morte de cinq ans



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Il y a, au livre de la Sagesse, un passage bien connu sur le « juste qui meurt avant l'âge » :



Il a été enlevé de la terre de peur que la malice n'altérât son intelligence

Ou que la séduction ne pervertît son âme ;

Car l'enchantement du vice obscurcit le bien

Et le vertige de la passion pervertit un esprit sans malice (1)...



Le fait d'intuition qu'on va lire apporte à ces versets de l'Écriture un commentaire inattendu.



*

* *



Un jour de 1846, arrivait dans le village d'Ars une jeune femme en grand deuil. Mme Depigny venait de Seyssel, dans la Haute-Savoie. Ses yeux étaient rougis par les larmes, car elle n'avait guère cessé de pleurer depuis le moment où, agenouillée sur la tombe, fraîche encore, de sa petite fille, elle était allée dire au revoir à l'ange envolé avant de partir pour Ars.

Elle arrivait le cœur brisé, mais aussi, hélas ! agité d'une sourde révolte... Oui, pourquoi Dieu, le bon Dieu, lui avait-il enlevé cette enfant tant aimée ? Mme Depigny la poserait, la question pour elle insoluble, à ce Curé d'Ars dont on disait qu'il lisait dans les âmes, qu'il réconfortait les cœurs désespérés en révélant le mystère !

Elle parut devant l'homme inspiré. Elle voulait tout lui conter : son deuil, sa douleur. Elle n'en eut pas le temps.

« Mon enfant, questionna le saint avec une compassion immense dès que la porte de la sacristie se fut refermée sur la visiteuse, mon enfant, priez-vous bien pour votre petite ?... Elle est bien souffrante en purgatoire.

Mon Père, vous savez donc que je l'ai perdue ?

O mon enfant, remerciez le bon Dieu de vous l'avoir prise, car elle se serait damnée : elle était trop précoce pour le mal. »


Pourquoi sa fille était morte, la mère venait de l'apprendre. La précocité de cette enfant l'avait inquiétée plus d'une fois ; mais elle n'eût jamais pensé qu'une petite de cinq ans pût consentir au péché... Et pourtant elle ne doutait pas de la parole du saint.

La femme en deuil se retira dans un coin de la vieille église. Elle ne retrouvait pas encore la force de prier. Mais elle se mit à réfléchir. Et d'abord ce fut chez elle une stupéfaction. Personne n'avait parlé d'elle au Curé d'Ars, elle en était bien certaine. Ce prêtre avait donc connu, par une révélation humainement inexplicable, le décès de l'enfant et le développement prématuré de son intelligence. S'il savait cela, l'homme de Dieu, pourquoi se serait-il trompé en parlant du purgatoire ?... Oh ! Il valait infiniment mieux que l'âme enfantine y passât pour une expiation passagère, plutôt que... Un frisson traversa le cœur de la mère. Sa fille, si elle eût vécu, en enfer !... Quel irréparable malheur ! Mais Dieu ne l'avait pas permis.

Mme Depigny ne murmurait plus. Après avoir remercié Dieu, elle se mit à le prier pour l'âme de sa chère petite. (2)


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(1)Chap. IV, versets 11-12

(2) Documents Ball, N° 64


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Message  Monique Lun 15 Fév 2021, 8:17 am

XIV



Ciel, purgatoire et enfer



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Une respectable Lyonnaise, Mme veuve Gros, qui eut dans sa jeunesse le bonheur d'aborder jusqu'à cinq fois saint Jean-Marie Vianney et dont l'accent même dit assez la bonne foi et la sincérité, adressait en 1914 à Mgr Convert cette lettre peu banale où se rencontrent, avec des prédictions sur des avenirs humains, des faits de vue à distance, de lecture dans les cœurs, plus encore : des révélations sur le sort de plusieurs âmes en l'autre monde.



Il y a de bien longues années, ayant à demander une grâce importante, je fis la promesse, pour aider à la béatification du Curé d'Ars, de faire connaître les faveurs merveilleuses dont j'avais été l'objet de sa part.

Ma promesse était-elle téméraire ? Les difficultés de l'entreprise m'ont jusqu'ici retenue d'accomplir ce devoir. Mais je suis âgée, et je ne voudrais pas mourir sans avoir essayé tout au moins de réparer une telle négligence. Bien que la cause soit entendue, et qu'elle n'ait plus besoin de mon faible témoignage, j'ai relaté de mon mieux ce qui suit, en vous laissant le soin d'en faire l'usage qui vous plaira...



Je n'avais que dix-huit ans. Déjà la réputation du saint Curé commençait à s'étendre jusqu'à Besançon, où j'habitais alors.

Élevée par ma grand'mère maternelle, je l'avais perdue depuis trois ou quatre ans, quand je rentrai dans un couvent de gardes-malade, avec l'intention d'embrasser la vie religieuse.

Ce fut là qu'ayant entendu parler des prodiges d'Ars, je fus prise d'un grand désir de consulter l'abbé Vianney sur ma vocation. Sans moyens pour exécuter ce long et coûteux voyage, ne pouvant d'ailleurs obtenir l'autorisation de la supérieure, les obstacles me paraissaient insurmontables. Néanmoins, je commençai une neuvaine. A peine terminée, voici que des voisins de campagne, à qui je m'étais ouverte de mon désir, me proposèrent de les accompagner dans un voyage d'affaires, dont ils profiteraient pour s'arrêter à Ars.

Leur fils, prêtre, ayant déclaré qu'on n'avait pas le droit d'empêcher une simple postulante de faire cette démarche, je partis avec eux. Pleine de confiance, je parlai de faire une confession générale. Mes charitables amis calmèrent mon enthousiasme en me disant que le temps qu'ils avaient à passer à Ars (deux nuits et un jour) ne me le permettrait certainement pas, car il fallait attendre trop longtemps devant les confessionnaux assiégés.

Nous arrivâmes vers la tombée de la nuit.

Prestement, je saute de voiture, et sans écouter les solliciteurs qui me pressent d'entrer à l'hôtel, je me dirige vers l'église, j'en franchis le seuil.

Près du bénitier se tenait un prêtre à cheveux blancs qui, avec un sourire, trempe ses doigts dans l'eau et me présente sa main.

Muette de saisissement, j'acceptai l'offre et je le laissai passer. C'eût été pourtant l'occasion de parler.

Je n'avais plus qu'une ressource : l'attendre sous le clocher quand il se rendrait au confessionnal.

Il s'avance, en effet. Sur son passage, on se presse. Chacun sollicite une prière ou un conseil. Lui, répond à tous avec bonté, puis, arrêtant tout à coup sur moi son regard extraordinairement pénétrant : « Vous, ma petite, vous n'avez pas le temps d'attendre, dit-il, suivez-moi ». Précédée du saint prêtre qui m'ouvre un passage à travers la foule, j'arrivai au confessionnal.

« Vous êtes donc venue à Ars, ma petite, me dit-il. Le bon Dieu vous a fait une grande grâce, oh ! oui, une bien grande grâce, vous vous le rappellerez plus tard, car il viendra un moment où autour de vous il n'y aura presque plus de foi. Vous voulez faire une confession générale. Oh ! ce ne serait pas nécessaire. Vous avez fait une bonne première communion, oui, ma petite, une bien bonne. »

Avec l'aide du saint, qui lisait dans ma conscience comme dans un livre ouvert, je me confessai, puis je lui demandai des conseils sur ma vocation.

« Le bon Dieu, me répondit-il, vous appelle dans le monde où vous ferez votre salut. »

De retour à Besançon, je suivis le conseil qui m'avait été donné, et je vécus dans le monde tout en continuant de soigner les malades. C'est ainsi que je fus appelée à donner des soins à une cousine germaine qui, atteinte de la fièvre typhoïde, se trouva rapidement aux portes du tombeau.

Ayant gardé au cœur le souvenir d'Ars, j'inspirai à ma tante de faire la promesse de se rendre auprès de M. Vianney, si sa fille guérissait.

Ce vœu fut exaucé, et j'accompagnai ma cousine dans ce pieux pèlerinage.

Nous voici donc aux pieds du saint Curé. Ma cousine passe la première au confessionnal.

« Remerciez bien votre cousine, ma petite, de vous avoir amenée à Ars, lui dit M. Vianney gravement. Sans elle, vous seriez en enfer. » Et après lui en avoir indiqué les causes, une fois la confession terminée, il ajouta :

« Et puis, voyez, ma petite, comme nous sommes ingrats ! Il y a dix ans que votre père souffre dans le purgatoire ; vous jouissez de sa fortune et vous ne songez pas à faire dire la seule messe qui le délivrerait ! »

Quand ma cousine m'eut répété les paroles concernant son père, je songeai aussitôt à ma grand'mère tant aimée pour laquelle je ne priais plus, et quand vint mon tour, je voulus à ce sujet interroger M. Vianney, mais il ne me laissa pas achever.

« Votre grand'mère, ma petite, elle n'a pas besoin de vos prières, c'est elle qui prie pour vous. C'était une sainte : elle n'a même pas passé par les flammes du purgatoire ».

Sans place, quelque temps après, je retournai à Ars, et M. Vianney m'adressa à une dame de Lyon. Mais, en partant, je fis la connaissance d'une personne de Saint-Étienne qui m'offrit de m'emmener et de m'apprendre son métier. Je me laissai persuader et je la suivis.

Ce fut dans cette maison que j'eus à souffrir bien des peines et fus exposée à bien des occasions dangereuses.

Aussi, quand il me fut donné de revoir le saint Curé :

« Vous êtes donc allée à Saint-Étienne ? s'écria-t-il. Mon enfant, si vous m'aviez demandé conseil, je ne vous l'aurais pas permis. Vous aurez bien du malheur, oh ! oui, bien du malheur. Avant tout, il faut quitter cette personne. Elle vous réclame quinze francs ; elle vous en doit bien davantage ; mais elle vous ferait du tort, donnez-lui, en arrivant, ce qu'elle exigera. La malheureuse s'arrangera avec le bon Dieu comme elle pourra ».

De retour à Saint-Étienne, je réglai mes affaires selon les avis qui m'avaient été donnés et je rentrai chez une pieuse demoiselle avec qui je m'entretenais souvent des prodiges d'Ars.



Ce fut alors qu'il nous vint à l'idée d'y conduire une jeune fille de notre voisinage que ma charitable compagne s'efforçait de retenir dans le bien. Elle m'accompagna donc en mon voyage suivant. Quand je passai au confessionnal, le saint prêtre, sans que je lui eusse parlé de cette personne, me dit :

« Vous avez amené avec vous, ma petite, une jeune fille de laquelle il n'y a rien à attendre. Le bon Dieu vous en donnera la même récompense, mais, bien loin de la mener au bien, c'est elle qui vous conduirait au mal. Cessez immédiatement de la fréquenter ».

J'ai appris bien plus tard que la triste prédiction s'était réalisée.



Tels sont, résumés brièvement, les souvenirs que j'ai gardés de mes cinq visites à Ars, du vivant du bon saint...


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Message  Monique Mar 16 Fév 2021, 7:49 am

XV



« Elle s'est sauvée par l'aumône »



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Mme Poncet, née Mandy, de Reyrieux (Ain), professait un amour tout particulier pour les pauvres. Elle avait disposé dans sa maison une chambre pour leur servir de vestiaire ; et les hommes, une semaine, les femmes, la semaine suivante, venaient à tour de rôle changer de linge chez elle. Laissant là leurs vêtements fripés et malpropres, ils remportaient des vêtements lavés et raccommodés.

Mme Poncet ne partageait avec personne le soin de ces pauvres. Elle-même se chargeait toute seule de tenir le vestiaire en état, et elle y consacrait ses veillées entières à la saison mauvaise. Sa charité l'isolait ainsi de ses voisines qui, veillant dans son écurie, selon la coutume de ce temps-là, se plaignaient d'être privées de sa compagnie. « Laissez donc les pauvres tranquilles, lui disaient-elles ; vous remplissez votre maison de vermine et vous vivez en sauvage, en travaillant toute la semaine pour des gens si peu intéressants ». Mme Poncet laissait dire et continuait son office de sœur de charité.

Elle mourut après quelques années de mariage. Ses funérailles furent le triomphe de la reconnaissance. Tous les pauvres de Reyrieux et des environs l'accompagnèrent à sa dernière demeure.



Or, un soir de carême, sa mère, Mme Mandy, revenait de la prière avec sa petite-fille qui lui tenait la main. Elles s'engageaient dans le chemin qui conduit à leur maison, lorsque l'enfant s'arrêta et poussa un cri : « Oh ! maman dans sa chambre ! Regarde, grand-mère, la chambre est tout illuminée, et maman se promène souriante au milieu de la clarté ! » Mme Mandy vit, en effet, la chambre vivement éclairée, mais n'aperçut point sa fille. Qui sait, se dit-elle, si cette chère enfant n'aurait pas besoin de prières ?

Sur-le-champ, sa résolution est prise : demain, elle ira consulter le Voyant d'Ars. Mme Mandy était encore pour M. Vianney une inconnue. A peine l'a-t-il aperçue et avant qu'elle ait ouvert la bouche :

« Ah ! vous venez pour votre fille, lui dit-il... Elle s'est sauvée par l'aumône. Sauvez-vous de même par l'aumône. »



Le fait a été raconté à Mgr Convert par Mme veuve Dupuy, d'Ars, le 22 décembre 1923. Mme Dupuy en a souvent entendu le récit de la bouche des personnes qui allaient veiller chez Mme Poncet.


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Message  Monique Mer 17 Fév 2021, 8:09 am

XVI



Les fleurs



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Voici une histoire qu'on retrouve dans les Mois de Marie, où, en vérité, elle est bien à sa place ; mais il faut, croyons-nous, en rechercher le document original, authentique, parmi les pièces de la Cause, sauf à le compléter par des détails secondaires empruntés à des sources différentes (1).

Mlle Alix de Belvey, une fervente d'Ars dont les témoignages demeurent si précieux, semble avoir connu personnellement la châtelaine dont il va être question ; toutefois elle ne la désigne dans sa déposition que par les termes vagues : « une dame pieuse (2) ». Quoi qu'il en soit, venons au fait.



*

* *



Donc, « une dame pieuse » avait un mari qui ne pratiquait pas : sans doute, au fond, cet homme n'était-il pas un impie, mais il ne le montrait guère. Tout malade du cœur qu'il était, il ne se résignait pas, malgré les conseils de son médecin, à abandonner son sport favori, l'équitation. Sa femme tremblait qu'il ne lui arrivât malheur. Elle priait ardemment pour qu'au moins sa mort fût chrétienne.

Or, un jour, on le lui rapporta sur une civière. Un étourdissement sans doute, une crise au cœur peut-être, et cet excellent cavalier était tombé de cheval. Il était dans le coma. La mort vint rapide. Un prêtre arriva trop tard...

Ce fut pour la pieuse épouse une épreuve accablante. Ce mari qu'elle aimait tant, pour qui elle avait tant prié, s'en était allé au jugement de Dieu sans sacrements, sans l'apparence d'un repentir. Elle ne dormait plus. Elle délirait. On trembla pour sa raison...

On l'envoya dans le Midi avec ses deux enfants et on eut l'idée de la faire passer par le village d'Ars. Peut-être le saint Curé lui rendrait-il l'espoir, et avec l'espoir la force de vivre.

« Mais, madame, lui dit M. Vianney à la première rencontre, avez-vous oublié les bouquets de fleurs que vous offriez à la Sainte Vierge? »

Intentionnellement, le Curé d'Ars pesait sur ce vous qui dans sa pensée désignait, à la fois l'époux et l'épouse. La dame tressaillit. Il y eut dans ses yeux las un étonnement, puis un éclair de bonheur.

« Le bon Dieu, ajouta M. Vianney, a pris en pitié celui qui avait honoré sa sainte Mère. A l'instant de sa mort, votre époux a pu se repentir : son âme est en purgatoire. Vos prières et vos bonnes œuvres l'en feront sortir. »



Pourquoi donc la voyageuse éplorée avait-elle tressailli en entendant le saint parler de fleurs ? C'est qu'elle avait saisi tout de suite qu'il y avait un rapport entre ces bouquets et la pitié de Dieu. Elle s'était plu, avant son lugubre veuvage, à fleurir abondamment la statue de la Vierge qui ornait l'une des pièces de la maison. Et son mari, sachant bien l'usage qu'elle en faisait, aimait à cueillir ces fleurs.

Les paroles du Curé d'Ars, comme dit Mlle de Belvey achevant son récit, « rassurèrent cette dame, lui rendirent la santé du corps et le calme de l'esprit ». (3)


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(1) Par exemple, le récit de Scavelli, dans La vie nouvelle, reproduit par la Semaine religieuse de Lyon (9 août 1912) ; un autre récit paru dans Le Petit messager du Cœur de Marie, numéro de novembre 1880, etc.

(2) Procès apostolique inchoatif, folio 234

(3) Malgré soi, on établit un rapprochement entre ce fait et l'un de ceux qui précèdent  « Il est sauvé », récit X, p. 22 Mais les deux faits sont réellement distincts l'un de l'autre


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Message  Monique Jeu 18 Fév 2021, 7:42 am

XVII



« Pauvre père nourricier ! »


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Aux environs de 1849, Mme Meunier, née Benoîte Chotton, qui habitait Perreux, près de Roanne, vint à Ars pour se confesser d'abord, puis pour confier au saint Curé divers soucis d'ordre intime ou familial.

Son tour arrive. Elle va commencer : « Mon Père... ». Mais M. Vianney l'a devancée :

« Mon enfant, votre mari travaille le dimanche. Dites-lui de ma part de quitter cette mauvaise habitude. Viendra un moment où il sera heureux de m'avoir écouté. »

Tout étonnée d'une telle révélation, Mme Meunier accusa ses fautes, reçut l'absolution, et, sans poser aucune des questions projetées, elle s'éloigna.

Elle transmit la leçon. M. Meunier entendit l'avertissement du Curé d'Ars. « Plus jamais, promit-il, je ne travaillerai le dimanche ». Et il tint parole.

Bien lui en prit.

L'année suivante, le dimanche de la Trinité, il revenait des vêpres en voiture, lorsque le cheval, apeuré, s'emballa, renversa le véhicule et jeta sur la route M. Meunier qui, tombé sur la tête, demeura là comme inanimé. Transporté à son domicile, il mourait sans avoir repris connaissance.

Quelle angoisse et quel chagrin pour la pieuse épouse ! Elle avait beau se rappeler les paroles du bon Curé d'Ars, se redire que son mari les avait fidèlement observées, cette pensée qu'il était mort presque subitement et sans les secours suprêmes de la religion lui devenait une obsession insupportable. Sept semaines après son malheur, elle repartit pour Ars.

Cette fois encore, les choses se passèrent à peu près comme à son premier voyage.

« Mon enfant, lui déclara le saint Curé avant même qu'elle eût ouvert la bouche, vous croyez avoir des personnes damnées dans votre famille, et moi je pense que non. »

Mme Meunier ne jugea pas à propos de lui conter tout de suite l'accident terrible. Elle n'évoqua pas même le souvenir de son mari. Elle se contenta de cette vague interrogation :

« Mon Père, la personne à laquelle je m'intéresse doit-elle rester longtemps dans le purgatoire ?

Attendez, »
répondit M. Vianney d'un ton grave.

Et, en silence, le serviteur de Dieu se renfonça dans le confessionnal. Puis, pendant près de cinq minutes, il lia conversation avec un personnage invisible. Mme Meunier entendait le bruit des paroles sans pouvoir en saisir le sens.

Le saint se pencha de nouveau vers la grille.

« Pauvre père nourricier, soupira-t-il, quel accident ! Or, nous venons de le constater, il n'avait été question encore ni de l'accident ni de la triste situation de la pénitente restée veuve, et presque sans ressources, avec la charge de cinq enfants à nourrir. Pauvre père nourricier !... Il lui faut peu de messes pour arriver au ciel. Dans trois ans il y sera, et vous le saurez par un de vos enfants. »



Trois ans plus tard, l'un des plus jeunes enfants de Mme Meunier se trouvait chez une tante, loin de sa mère. Une nuit, celle-ci rêva que ce cher petit était mort ; elle le vit qui montait au ciel, accompagné de son père. L'enfant avait quitté Perreux en parfaite santé ; Mme Meunier ne comprit pas d'abord l'avertissement.

Bientôt, hélas ! elle apprenait que l'innocent n'était plus. Au milieu de ses larmes, elle se rappela les prédictions du Curé d'Ars : « Le ciel... dans trois ans, votre mari y sera, et vous le saurez par un de vos enfants ». (1)


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(1) C'est d'après le récit de Mme Meunier elle-même que M. Ball écrivit cette relation le 10 juin (1878). Mme Meunier habitait alors Montagny, dans la Loire. M. Toccanier et Sœur Saint-Lazare, de la Providence d'Ars, assistaient à l'entrevue. (Documents, N° 38)


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Message  Monique Ven 19 Fév 2021, 8:07 am

XVIII



L'intervention des Anges




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Le fait merveilleux qui va suivre montre en quelle communication continuelle se tenait le Curé d'Ars avec le monde des esprits. Il est encore une preuve palpable de l'existence de l'ange gardien qui veille sur chacun de nous.

Ce récit, Mme Berthelier-Vernay l'avait entendu faire souvent au principal héros de l'aventure et c'était, comme elle nous le dira elle-même  car sa lettre à Mgr Convert vaut vraiment d'être citée tout entière  un « souvenir conservé très vivant dans la famille ».



*

* *



Roanne, le 7 novembre 1910

Monsieur le Curé,



Lors d'un récent pèlerinage que je faisais à Ars, vous m'aviez demandé de vouloir bien vous donner par écrit le récit d'un fait, que j'ose appeler miraculeux, relatif au saint Curé d'Ars, et dont le souvenir s'est conservé très vivant dans ma famille.



Mon grand-père paternel, Maurice Vernay, était loueur de voitures à Roanne, et, chez lui, voitures et chevaux ne chômaient jamais, car les voitures étaient confortables et les chevaux vigoureux.

Très bon conducteur, mon grand-père était en même temps excellent chrétien. Il savait prendre ses dispositions, tout en satisfaisant ses clients, pour ne jamais entreprendre un long voyage sans avoir, auparavant, entendu la messe ; qu'il se rendit à Lyon ou à Paris, il était bien rare si, en cours de route, il ne trouvait pas moyen de satisfaire sa dévotion.



Un jour, Mme D..., veuve d'un général, vint le trouver : « Père Maurice, je désire me rendre à Ars demain, et il faut que vous me conduisiez ». Mon grand-père fait remarquer à Mme D... que l'époque est mal choisie, de grandes pluies ont grossi les rivières, il en faudra traverser à gué, et le voyage, dans ces conditions, ne saurait s'accomplir sans danger. Mais Mme D... est habituée à commander, elle entend être obéie ; on partira le lendemain et on s'arrêtera à Charlieu.



Aussitôt arrivé dans cette ville, mon grand-père s'informe auprès des gens du pays. Les rivières, lui confirme-t-on, ont monté beaucoup, et vouloir les passer à gué serait souverainement imprudent.

Le lendemain, nouvelles remontrances de mon grand-père à Mme D, et, de la part de celle-ci, nouveau refus de s'y soumettre ; on se met donc en route. Arrivé en face du lieu où la rivière doit être traversée, mon grand-père hésite à nouveau ; mais son impérieuse cliente, abandonnant sa femme de chambre dans l'intérieur de la voiture, où l'eau pénétrera infailliblement, se hisse sur le siège et commande d'avancer.



Le cheval lutte d'abord vaillamment contre le courant. Il ne tarde pas, malheureusement, à perdre pied, et le voilà entraîné à la dérive avec la voiture.

Mon grand-père, qui se sent impuissant, du fond du cœur invoque son ange gardien, l'appelle à son secours. Soudain il lui semble qu'une main vigoureuse a saisi la bride de son cheval et l'entraîne vers l'autre bord ; l'animal redouble d'efforts ; il ne tarde pas à reprendre pied et à aborder la rive opposée.



Mon grand-père, d'un ton d'autorité cette fois, s'adressant aux voyageuses : « Mesdames, remercions Dieu, nous venons d'échapper miraculeusement à la mort ». Et tous de se mettre à genoux et de remercier Dieu. Après quoi, ils repartirent, toujours sous le coup d'une profonde émotion.



Lorsqu'ils arrivèrent, à Ars, Mme D... et la personne qui l'accompagnait se retirèrent dans une chambre d'hôtel. Mon grand-père, qui savait qu'en raison de la foule des étrangers, il n'était pas toujours facile d'aborder le saint Curé et qu'avant de pouvoir s'adresser à lui une longue attente s'imposait au pèlerin, donna des ordres pour qu'on s'occupât de son cheval, et il se rendit immédiatement à l'église.

Or il se trouva un des premiers au confessionnal du saint Curé d'Ars, qui alors entendait les hommes à la sacristie. Avant que son pénitent commençât sa confession, il lui dit : « Eh ! bien, père Maurice, à quoi pensiez-vous ? Quelle imprudence vous avez commise en vous engageant dans la rivière dont le courant était si fort ! Vous deviez tous périr, si l'on n'était venu à votre aide, si votre bon ange ne vous avait secourus. »

Il est facile de juger de la surprise de mon grand-père. Il arrivait. Le fait n'était connu que de lui et des deux voyageuses. Celles-ci n'avaient point encore vu le saint, n'avaient pu encore entretenir personne du danger couru. Qui donc avait pu en informer M. Vianney ?

Mon grand-père aimait à nous raconter ce prodige. Et tous, dans la famille, nous partagions son admiration, sa vénération, son culte pour le saint Curé d'Ars.



Voilà, monsieur le Curé, le trait dont je vous avais entretenu et dont je vous avais promis le récit par écrit.

Veuillez agréer l'expression de mes sentiments les plus respectueux.



Marie BERTHELIER-VERNAY

16, rue du Marais, Roanne (Loire)


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Message  Monique Sam 20 Fév 2021, 8:28 am

XIX



« Jules, arrêtez-vous !... »


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De nos jours encore, en certains milieux et sous des noms divers, la mode est à l'occultisme et au spiritisme, aux tables tournantes et parlantes. « La hantise du surnaturel, disait naguère un journal trop lu, poursuit les âmes contemporaines, lasses de négation et avides de mystère ». Est-il besoin d'expliquer ce que ce quotidien entend ici par surnaturel ? Tout simplement, il s'agit pour lui de pratiques occultes, de communications avec les esprits...

Beaucoup de personnes qui s'adonnent à ces pratiques, interdites d'ailleurs par l'Église (1), y renonceraient peut-être si elles étaient persuadées qu'en certaines circonstances un démon est là tout près, avec qui elles communiquent et qui se gausse d'elles en les corrompant.

Le récit qu'on va lire montrera une fois de plus ce qu'il faut penser de tels jeux : ils sont pleins de perversité et de périls sous des apparences simplement puériles ou amusantes. Croyons-en un témoin sûr, dont le regard perçait le code du mystère.



C'était en 1853. M. le comte Jules de Maubou, qui avait des propriétés en Beaujolais, non loin de Villefranche, habitait une partie de l'année à Paris. C'était le type accompli de l'homme du monde, dont la société était recherchée des meilleurs. Les salons les plus réputés s'honoraient de le recevoir. Mais, en même temps, le comte n'en était pas moins bon chrétien. Ce seul indice le prouve : ayant coutume de se rendre périodiquement dans sa terre pour y surveiller ses intérêts, il avait visité Ars, attiré par la réputation de sainteté de M. Vianney ; chaque fois qu'il venait dans la région, il se confessait à lui ; d'où une certaine intimité entre le prêtre et le gentilhomme.



Or, en ce temps-là l'histoire est un perpétuel recommencement la vogue était comme aujourd'hui aux tables tournantes. Spirites et médiums faisaient fureur. Dans la haute société, même en des familles qui se disaient chrétiennes, on ne craignait pas de s'adonner à ce passe-temps réputé de bon ton. (2)

Il arriva que M. de Maubou, pendant un séjour à Paris, alla passer certaines soirées chez une de ses parentes, Mme la comtesse de M..., qui s'entourait d'une compagnie aussi nombreuse que distinguée... Que faire pour occuper ce beau monde ? Tout naturellement, on proposa d'interroger une table. Le comte se prêta de bonne grâce à l'opération et participa à diverses expériences. Sous ses yeux se déroulèrent les phénomènes habituels : la table se souleva et frappa le parquet pour répondre.

Dès le lendemain, M. de Maubou reprenait le chemin du Beaujolais où il arrivait le soir même. Après une nuit de repos, il se dirigeait vers Ars, heureux d'avance de revoir son dévoué directeur, son vénérable et saint ami.

Le voilà dans l'humble village. Allègrement, il va droit à la pauvre église. O bonheur ! Le bon Curé est là, devant la porte. On dirait qu'il prend un peu de répit entre deux confessions. A cette vue, le voyageur hâte encore le pas. Souriant, la main tendue, il court à M. Vianney... Douloureuse surprise ! Le Curé d'Ars ne lui rend pas son salut, ne prend pas sa main, mais, le clouant sur place d'un geste, il lui dit d'une voix triste et sévère à la fois :

« Jules, arrêtez-vous ! Avant-hier, vous avez eu commerce avec le diable. Venez vous confesser. »

Stupéfait, M. de Maubou demeure là, figé, muet, se demandant quel crime il peut bien avoir commis ; car, chose étrange, il ne se rappelle déjà plus la scène de la table tournante. Cependant, M. Vianney, d'un ton radouci, l'invite de nouveau à le suivre.

Docilement, le comte s'agenouille au confessionnal, et il entend, silencieux toujours, le saint lui conter ce qui s'est passé deux jours plus tôt dans le salon de la comtesse. Aucune circonstance n'est omise. Enfin, le prêtre déclare formellement que de telles pratiques sont mauvaises, diaboliques, et fait promettre à son pénitent de ne plus jamais s'y adonner.

A quelque temps de là, M. de Maubou, de retour à Paris, se trouvait un soir dans un autre salon. Vite on en vint à la distraction favorite : la table tournante ! La maîtresse de maison et les personnes présentes firent les instances les plus vives pour amener notre gentilhomme à prêter son concours. Tout fut inutile : le pénitent du Curé d'Ars tint parole.

Alors, sans se laisser rebuter par ce premier insuccès, les invités décidèrent de passer outre. On laissa seul dans son coin ce récalcitrant, ce scrupuleux !... Mais dans le même moment, M. de Maubou, en l'intime de son âme, déclarait répudier le jeu coupable et s'y opposer de toute sa volonté. Malgré toutes les tentatives, la table ne tourna pas. Même sa résistance fut telle et si imprévue, que le médium ne put s'empêcher de dire : « Je n'y comprends rien. Il doit y avoir ici une force supérieure qui arrête notre action ». (3)



(1) Par une décision, très claire et absolue, du 21 avril 1917, le tribunal du Saint-Office interdit à tout fidèle « de prendre part, soit par médium, soit sans médiums, à des entretiens ou à des manifestations spirites, présentant même une apparence honnête ou pieuse, soit qu'on interroge les âmes ou les esprits, soit qu'on écoute les réponses faites, soit qu'on se contente d'observer, alors même qu'on protesterait tacitement ou expressément que l'on ne veut avoir aucune relation avec les esprits mauvais »


(2) « En 1852 et 1853, tout le monde est aux tables tournantes ou parlantes et aux Esprits. La vogue se maintient avec des alternatives d'accalmie et de poussée violente... A l'heure actuelle, nous assistons à une véritable invasion spirite. Aucun pays qui n'en soit atteint. La puérilité, la mesquinerie de la mise en scène n'arrêtent pas les adeptes. A tout prix on veut entrer en relation avec les morts. Les uns le tentent directement à titre privé ; d'autres, par l'intermédiaire de professionnels ou de médiums. » (R. P. Lucien ROURE, art. « Spiritisme  » dans le Dictionnaire pratique des connaissances religieuses). Encore une fois, tous ces essais de communication avec l'autre monde, où il entre, dit le P. Roure, « une part frauduleuse énorme », demeurent formellement interdits par l'Église



(3) M. le chanoine Ball a enregistré dans ses documents (N° 46) le premier de ces deux faits d'après une lettre du comte de Maubou lui-même, en date du 8 septembre 1878. Le 16 mai 1922, M. de Fréminville (de Bourg), petit-neveu du comte, en visite au presbytère d'Ars, voulut bien laisser par écrit le récit des deux incidents qu'on vient de lire. Il en tenait tous les détails de son grand-oncle




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