LETTRES de Saint Jérôme.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XLV.Page 135.A MARCELLA.SUITE
Voilà dans quels entretiens se passe un repas. Quand les amis se sont retirés, alors on suppute les frais, alors on entre en fureur comme un lion, alors on se donne mille soucis pour amasser de quoi vivre plusieurs années, et l'on ne se rappelle pas ces paroles de l'Évangile: Insensé, cette nuit on t'enlèvera ton âme; les biens que tu as amassés, pour qui seront-ils 1 ?
On cherche dans les vêtements non pas ce que veut la nature, mais ce que demandent le luxe et la délicatesse. Toutes les fois qu'il y a quelque chose à gagner, on a le pied alerte, la parole agile, l'oreille très attentive; survient-il quelque dommage, comme cela arrive fréquemment dans les familles, on a tout-à-coup le visage abattu par le chagrin. Le moindre petit gain nous transporte de joie, la perte d'une obole nous accable de tristesse. C'est pourquoi le Prophète, voyant que dans les mêmes hommes les pensées varient tant de fois, disait à Dieu : Seigneur, effacez leur image dans votre cité 2.
Créés à limage et à la ressemblance de Dieu, nous prenons plusieurs formes par notre penchant au mal. De même que sur la scène un histrion joue le rôle tantôt d'un Hercule robuste, tantôt d'une Vénus molle et efféminée, tantôt d'une Cybèle chancelante, de même nous, que le monde haïrait, si nous n'appartenions point au monde, nous jouons autant de personnages que nous commettons de péchés divers.
Ainsi, puisque nous avons passé déjà la meilleure partie de notre vie ballottés sur les flots…
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(1) Luc. XII. 20. — (2) Ps. LXXII. 20.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
Fin de cette Lettre.LETTRE XLV.Pages 135-137.A MARCELLA.SUITE
Ainsi, puisque nous avons passé déjà la meilleure partie de notre vie ballottés sur les flots, et que notre vaisseau, tantôt a été battu par les orages, tantôt s'est brisé contre les écueils, pourquoi ne point user de la première occasion qui se présente d'entrer dans la solitude, connue dans une sorte de port? Là, nous avons un pain grossier, des légumes arrosés de nos mains, et du lait, seules délices de la campagne; ces mets sont simples, mais innocents. Avec une telle vie, le sommeil n'interrompt point nos oraisons, ni l'excès des viandes nos lectures.
En été, l'ombre d'un arbre nous prête une retraite.
En automne, un air tempéré, des feuilles tombées sous les arbres nous invitent au repos.
Au printemps, la campagne s'émaille de fleurs, et, au milieu du ramage des oiseaux, on trouve plus de charme dans la psalmodie.
En hiver, quand viennent les frimats et les neiges, nous n'avons pas besoin d'acheter du bois, nous veillons et nous dormons chaudement. Ce que je sais bien, c'est que nous ne gelons pas comme des misérables.
Que Rome donc ait son tumulte ; qu'elle se plaise aux fureurs de l'arène, aux folies du cirque, à la pompe des théâtres. Que les solitaires mêmes de cette ville aillent chaque jour voir les sénats des matrones ; pour nous, c'est notre bien de nous attacher au Seigneur, de mettre dans le Seigneur Dieu toute notre espérance 1, afin que, lorsque nous aurons échangé cette pauvreté contre le royaume des cieux, nous puissions dire avec transport : Qu'y a-t-il pour moi dans le ciel, et que vous ai-je demandé sur la terre 2? En effet, nous trouverons dans ce royaume une telle abondance de biens que nous serons affligés d'avoir, sur la terre; cherché des biens fragiles et caducs.
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(1) Ps. LXXII. 28. — (2) Ibid. 25.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
Fin de cette Lettre.LETTRE XLVI.Pages 139-141.À MARCELLA.Sur ses présents.
Pour nous consoler mutuellement de notre absence, nous faisons les uns et les autres tout ce qui est en notre pouvoir. Vous nous envoyez des présents, et nous vous adressons des lettres de remercîments.
Mais comme vos présents conviennent à des vierges voilées, nous développerons ici ce qu'ils ont de mystérieux.
Le sac est le symbole de l'oraison et du jeûne. Les sièges apprennent à une vierge à ne point sortir. Les flambeaux l'avertissent d'avoir la lampe allumée pour attendre l'arrivée de l'époux. Les coupes l'instruisent de l'obligation qu'elle a de mortifier la chair, et d'être toujours prête à endurer le martyre. Ce calice du Seigneur, ce calice qui enivre, oh ! qu'il est beau! 1 Mais ces petits éventails que vous offrez aux matrones, et qui servent à chasser les mouches, disent gracieusement qu'il faut étouffer, dès leur naissance, les désirs de la chair, parce que les mouches qui meurent dans le parfum en gâtent la bonne odeur 1. Voilà des instructions pour les Vierges, des enseignements pour les matrones.
Vos présents me conviennent aussi, quoique dans un sens inverse, car les sièges vont bien aux gens oisifs, le sac est nécessaires aux pénitents, la coupe à celui qui boit. Ceux mêmes qu'agitent les frayeurs de la nuit, et les appréhensions perpétuelles d une mauvaise conscience, sont fort aises d'avoir un flambeau allumé.
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(1) Ps. XXII. 5. — (1) Eccl. X. 1.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXXVII.Pages 453-455.À PAMMACHIUS ET À MARCELLA.
Voici encore que je vous enrichis de marchandises orientales Note (1), et que je fais, au commencement du printemps, passer à Rome des trésors d'Alexandrie ! Dieu viendra du midi, et le saint de la montagne de Pharan 1, couverte d'une ombre épaisse. C'est pour cela que l'épouse du Cantique des cantiques se réjouit, en disant: Je me suis assise à l'ombre de celui qui était l'objet de mes désirs, et son fruit a été doux à ma bouche 2. C'est aujourd'hui véritablement que s'accomplit cette prédiction d'Isaïe: En ce jour-là, il y aura un autel du Seigneur, au milieu de la terre d'Égypte 3. — Là où abonda le péché, là aussi a surabondé ta grâce 4.
Ceux qui protégèrent le Christ lorsqu'il était tout petit enfant, ceux-là mêmes, guidés par leur foi vive, le défendent aujourd'hui qu'il est homme parfait, de sorte que, après avoir été sauvé par eux des mains d'Hérode, il puisse échapper de même à un hérétique blasphémateur. Celui que Démétrius Note (2) a chassé de la ville d'Alexandre, il est chassé de toute la terre par ce Théophilus Note (3) à qui l'évangéliste Luc adresse les Actes des Apôtres, et qui tire son nom de son amour pour Dieu. Où est maintenant cette couleuvre tortueuse? Où est cette venimeuse vipère.Monstre à figure humaine, et à des flancs de loup?Æn.III, 428.
Où est cette hérésie qui sifflait dans l'univers entier, qui nous comptait, le pape Note de Louis Théophilus et moi, au nombre de ses partisans, et qui, semblable à des chiens qui aboient sans cesse Note (4), tâchait de séduire les simples, en disant avec impudence et fausseté, que nous souscrivions à ses erreurs. Elle! a été écrasée par l'autorité, par l'éloquence de ce pontife, et, comme les esprits démoniaques, elle ne se fait entendre que du fond de la terre, car elle ne connaît pas celui qui, étant venu d'en haut, parle des choses d'en haut. Plût à Dieu que cette race de serpents voulût enfin ou embrasser de bonne foi nos dogmes, ou constamment défendre les siens, pour que nous pussions savoir qui sont ceux que nous devons aimer, qui sont ceux que nous devons éviter.
Mais voici un nouveau genre de pénitence….
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(1) Abac. III. 3. — (2) Cant. II. 3. — (3) Is. XIX. 19. — (4) Rom. V. 20,
Note (1) : MARCHANDISES ORIENTALES. — Saint Jérôme veut parler de la seconde Lettre Pascale de Théophilus, qu’il avait traduite du grec en latin, et dont il leur envoyait un exemplaire.
Note (2) : Démétrius, évêque d'Alexandrie, excommunia Origène, à cause de diverses erreurs dont il prétendait que ses livres étaient remplis, ce qui obligea cet écrivain de quitter Alexandrie et de se réfugier à Tyr.
Note (3) : Théophilus est un mot dérivé du grec, et signifie qui aime Dieu,
Note (4) : SEMBLABLES A DES CHIENS QUI ABOIENT SANS CESSE. — Saint Jérôme fait allusion à ce que Virgile raconte de Scylla, fameux promontoire de Sicile, Æn.. III, 426.Prima hominis facics, utero commissa luporum.Note de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
Dernière édition par Louis le Mer 21 Avr 2021, 6:57 am, édité 1 fois (Raison : Insertion de la note.)
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Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXXVII.Pages 455-457.À PAMMACHIUS ET À MARCELLA.SUITE
Mais voici un nouveau genre de pénitence. Ils nous haïssent comme des ennemis, nous dont ils n'osent publiquement renier la croyance. Or, quelle maladie, je vous le demande, que celle qui ne peut être guérie ni par le temps, ni par la raison !
Souvent, au milieu des glaives étincelants, des corps gisants sur la terre, et des ruisseaux de sang, on voit des mains ennemies se presser l'une l'autre, et une paix soudaine remplacer la fureur de la guerre.
Seuls, les sectateurs de cette hérésie ne veulent point se réconcilier avec l'Église, parce qu'ils condamnent de cœur ce qu'ils sont obligés de confesser de bouche. S'il arrive qu'ils prononcent leurs blasphèmes en public, et s'aperçoivent que ceux qui les entendent en frémissent d'horreur, alors, ils disent avec une simplicité affectée que c'est la première fois qu'ils enseignent cette doctrine, et qu'ils ne l'ont point apprise d'un maître. Quoique nous ayons leurs écrits entre nos mains, ils nient de vive voix ce qu'ils confessent dans leurs ouvrages.
Qu'est-il nécessaire d'assiéger la Propontide, de changer de demeure, de parcourir diverses régions, puis, d'une bouche enragée, de déchirer partout un illustre pontife du Christ, ainsi que ses disciples?
Si vous ne dites que la vérité, mettez donc à soutenir la foi ce zèle que vous mettiez jadis à soutenir l'erreur. Pourquoi ramasser de tous côtés de vieilles médisances, et noircir la réputation de ceux dont vous n'osez attaquer la foi?
Ne serez-vous point hérétiques, parce que, dans l'esprit de quelques personnes, vous nous aurez fait passer pour des pécheurs?
Votre bouche sera-t-elle moins souillée par l'impiété, quand vous nous aurez trouvé quelque cicatrice à l'oreille?
Que sert-il à votre perfidie, que sert-il à votre peau éthiopienne et bigarrée comme le léopard, de faire voir une tache sur notre corps?
Voilà que le pape Note de Louis Théophilus accuse hautement Origène d'être hérétique, et ses disciples ne défendent pas ses écrits, mais ils prétendent qu'ils ont été falsifiés par les hérétiques, de même que les ouvrages de plusieurs écrivains ont été altérés, en sorte qu'ils défendent Origène, non point par la pureté de sa foi, mais par les erreurs des autres.
C'est assez parler de ces hérétiques, dont la haine injuste fait bien connaître…
_______________________________________________________Note de Louis : Le mot pape signifie simplement évêque. Les auteurs ecclésiastiques du IVe siècle et des âges suivants le prennent bien des fois dans ce sens. Nous avons cru devoir conserver en français cette petite particularité. (Tome III : Note de la lettre LXVI, page 409, ligne 10, écrite en la page 519)
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE LXXXVII.Pages 457-459.À PAMMACHIUS ET À MARCELLA.SUITE
C'est assez parler de ces hérétiques, dont la haine injuste fait bien connaître, en s'exerçant contre nous, les secrètes pensées, et le fiel caché dans une âme ulcérée. Vous qui êtes les lumières d'un sénat chrétien, recevez cette année encore la Lettre que je vous écris en grec et en latin; recevez-la, de peur que les hérétiques ne m'accusent d'y avoir ajouté ou changé plusieurs choses. Je puis assurer que j'ai fait tous mes efforts pour conserver, dans la traduction, toute l'élégance et la grâce de l'original; je l'ai suivi pied à pied, sans m'en écarter en aucun point, afin de ne rien perdre de l'éloquence qui y règne, et de dire les mêmes choses dans les mêmes termes. Si j'ai atteint mon but, ou si je ne l'ai pas atteint, c'est ce que j'abandonne à votre jugement.
Je vous dirai toutefois que cette Lettre est divisée en quatre parties. Dans la première, l'auteur invite les croyants à célébrer la Pâque du Seigneur; dans la seconde et la troisième, il bat en ruine Apollinarius et Origène. Dans la quatrième, c'est-à-dire, dans la dernière, il exhorte les hérétiques à faire pénitence. S'il ne dit pas, dans cette lettre, tout ce que l'on peut dire contre Origène, c'est que cela se trouve dans celle de l'an passé, et que, visant à la brièveté, dans celle dont je vous envoie la traduction, il n'a pas dû en dire davantage.
Quant aux erreurs d'Apollinarius, il ne les combat que par une profession de foi pure et succincte, mais avec tant de force et de subtilité que, après avoir arraché le poignard des mains de son adversaire, il le lui plonge dans le sein.
Demandez donc au Seigneur que cet écrit qui plaît en grec ne déplaise pas en latin; que Rme accueille avec joie un ouvrage qui est admiré et prôné par tout l'Orient; que la chaire de l'Apôtre Pierre confirme par son approbation ce que la chaire de l'évangéliste Marc publie avec tant d'applaudissement.
Au reste, le bruit s'est déjà partout répandu que le bienheureux pape Anastasius Note de Louis, animé du même zèle, parce qu'il est animé du même esprit, a poursuivi les hérétiques jusque dans les tanières où ils se cachent, et ses lettres nous annoncent que ce qui a été condamné en Orient l'a été aussi en Occident.
Je prie le Seigneur de lui accorder de longues années, pour que l'hérésie, qui recommence à croître, comme une mauvaise plante, se dessèche petit à petit par le soin qu'il aura de l'étouffer, et périsse enfin.
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Note de Louis: Anastasius Ier (399-401), 39e Pape de l’Église catholique.
Fin de cette Lettre.
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Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 37-41.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.
Si j'ai différé jusqu'à présent de vous écrire, votre silence en a été cause ; car je craignais, en l'interrompant, de vous causer plus d importunité que de plaisir. Maintenant, prévenu par votre douce lettre, par une lettre qui m'invite à philosopher sur un de nos dogmes, je reçois à bras ouverts, comme on dit, un ancien condisciple, mon camarade et mon ami. Je cherche à faire de vous le défenseur de mes faibles ouvrages; mais auparavant je voudrais en vous fléchir mon juge, ou plutôt instruire mon avocat de tous les griefs dont on me charge ; car, ainsi que le dit Tullius, votre compatriote Note (1), et que l'avait déjà dit Antonius, dans un petit ouvrage, le seul qu'il ait composé : « Le premier moyen d'assurer le gain d’une cause, c'est de l'étudier avec soin. »
Quelques-uns donc me blâment d'avoir, dans les livres contre Jovinianus, trop élevé la virginité, et trop abaissé le mariage. Ils disent que c'est, en quelque façon , condamner le mariage que de louer si fort la chasteté, de manière à mettre une énorme différence entre une vierge et une femme mariée. S'il m'en souvient bien, le sujet de mes débats avec Jovinianus consiste en ce qu'il égale le mariage à la virginité, tandis que je mets la virginité au-dessus du mariage; qu'il trouve peu de différence ou qu'il n'en trouve point, tandis que j'en trouve une très-grande entre l'un et l'autre état.
Enfin, et c'est de quoi nous vous sommes redevables, à vous, après le Seigneur, il n'a été condamné que pour avoir osé égaler le mariage à la virginité perpétuelle. Mais, s'il n'y a point de différence entre une vierge et une femme mariée, pourquoi donc Rome n'a-t-elle pu entendre professer une doctrine aussi impie? L'homme engendre les vierges, mais les vierges n'engendrent pas l'homme. Point de milieu : il faut être ou de mon sentiment ou dû celui de Jovinianus.
Si l'on me blâme de mettre le mariage au-dessous de la virginité, on doit le louer de les mettre sur le même rang; mais puisqu'il a été condamné pour cela, sa condamnation doit autoriser mon ouvrage. Si les gens du monde ne peuvent souffrir qu'on les place dans un rang inférieur à celui des vierges, je m'étonne que des clercs, des moines et des hommes voués à la continence ne fassent pas l'éloge de la profession qu'ils ont embrassée. Ces derniers s'abstiennent de leurs épouses pour garder la chasteté comme les vierges, et cependant ils ne mettent aucune différence entre les femmes mariées et les vierges. Qu'ils reprennent donc leurs femmes qu'ils avaient abandonnées; ou, s'ils persistent à s'en tenir éloignés, leur silence même fera bien connaître que l'état qu'ils préfèrent au mariage est le meilleur.
Suis-je si peu versé dans les Écritures…
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Note (1) : VOTRE COMPATRIOTE. — Il y a, dans le texte, Tullius tuus, et nous aurions dû traduire simplement votre Tullius, car vester peut signifier ou bien que Pammachius était Romain, comme Cicéron, ou bien qu'il aimait les œuvres de cet orateur. Ce dernier sens n'est peut-être pas fort probable, si l'on fait attention à ce que Jérôme dit ailleurs, lettre XXXI, page 122.Lettre XXXI, page 123 (français) : Au reste, cette éloquence que tu méprises dans Cicéron, ne vas pas la chercher dans un aussi mince auteur que moi.
Quant au passage de Cicéron, nous ne croyons pas qu'il soit cité textuellement. Dans le Traité de l'Orateur II, 21, on trouve quelque chose de semblable: Quascumque causas erit acturus, ut eas diligenter penitusque cognuscat.
Dernière édition par Louis le Jeu 20 Mai 2021, 6:07 am, édité 1 fois (Raison : Insertion d'un lien.)
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 41-45.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
Suis-je si peu versé dans les Écritures, et si novice dans les pages sacrées, que je n'aie pu suivre une ligne, et le plus faible enchaînement de paroles entre la virginité et le mariage? Sans doute, j'ignorais qu'il est écrit : Ne sois pas trop juste 1 ; et, en me tenant en garde d'un côté, je me suis laissé blesser à l'autre. Je m’explique: est-ce que, par hasard, en combattant de pied ferme contre Jovinianus ; je me suis laissé blesser par derrière au manichéen?
Dès le commencement du livre, n'ai-je pas dit :
« Je ne vais point, à l'exemple de Marcion et du manichéen, déclamer contre le mariage, ni regarder comme impure toute union des deux sexes, me laissant prendre aux erreurs de Tatianus chef des encratites Note (2), qui condamne et réprouve, non-seulement le mariage, mais encore les viandes que Dieu a créées pour l'usage des hommes. Nous savons que, dans une grande maison, il se trouve, non-seulement des vases d'or et d'argent, mais aussi des vases de bois et d'argile 1; et, sur les fondements du Christ, fondements que l'architecte Paul a jetés, les uns bâtissent avec de l'or, de l'argent et des pierres précieuses, les autres, au contraire, avec du foin, du bois et de la paille 2. Nous n'ignorons point que le mariage est chose respectable, et que la couche nuptiale est sans tache. Nous avons lu le premier commandement de Dieu : Croissez, multipliez, et remplissez la terre 3 .
» Mais si nous approuvons le mariage, nous lui préférons néanmoins la virginité, qui en est le fruit. Est-ce que l'argent cessera d'être argent, parce qu'il est moins précieux que l'or ? Est-ce faire injure à l'arbre et au blé que de préférer les fruits à la racine et aux feuilles, le froment à la tige et à l'épi ? De même que les fruits proviennent de l'arbre, le froment de la tige, de même la virginité est produite par le mariage. Le grain qui donne cent pour un, celui qui donne soixante, celui qui donne trente, ne laisse pas, quoiqu'il provienne d'une même terre, d'une même semence, de différer beaucoup en nombre.
» Le nombre trente Note (3) a rapport au mariage ; car l'union même des doigts, qui s'enlacent et s'allient comme en une sorte de doux baiser, représente l'union du mari et de la femme. Le nombre soixante se rapporte aux veuves, et on le désigne en mettant un doigt sur un autre; car elles sont dans les angoisses et les tribulations; mais plus il leur est pénible d'être privés d'un plaisir qu'elles goûtèrent jadis, plus aussi leur récompense sera grande. Pour le nombre cent, — faites bien attention à ceci, lecteur, — on passe de la main gauche à la droite, puis, avec les mêmes doigts dont, à la main gauche, on s'était servi pour désigner l'état des personnes mariées et des veuves, on forme un cercle qui représente la couronne de la virginité. »
Or, je vous prie, parler de la sorte est-ce condamner le mariage ?...
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(1) Eccl. VII. 17. — (1) II. Tim. II. 20. — (2) I. Cor. III. 10. 12. — (3) Gen. I. 28.
Note (2) : ENCRATITES. — Mot grec, qui signifie continents ou abstinents. (mot GREC). Les Encratites eurent pour chef Tatianus, disciple de saint Justin, martyr, homme éloquent et savant, qui, avant son hérésie, avait écrit en faveur du christianisme. Son Discours aux Grecs se trouve à la suite des ouvrages de saint Justin. Après la mort de son maître, Tatianus tomba dans les erreurs des Valentiniens, de Marcion, de Saturnius et des Gnostiques. Il soutint qu'Adam n'est pas sauvé, que le mariage est une débauche, etc. Ses disciples s'abstenaient non-seulement de la chair des animaux, maïs encore du vin.
Note (3) : LE NOMBRE TRENTE, etc.— Saint Jérôme fait allusion à la manière de compter usitée chez les anciens, qui désignaient les nombres par les différentes pauses de leurs doigts. Pour marquer le nombre trente, qui se rapporte aux personnes mariées, on joignait l'ongle de l'index à celui du pouce, et c'était là, suivant saint Jérôme, un symbole de l'union conjugale; pour marquer le nombre soixante, qui se rapporte aux veuves, on mettait l'index sur le pouce, enfin, quand on avait compté jusqu'à quatre-vingt-dix-neuf, sur la main gauche, on passait à la main droite, pour compter cent, et l'on désignait ce nombre en mettant l'ongle de l'index dans la jointure du pouce, ce qui faisait un cercle et une espèce de couronne, que saint Jérôme applique aux Vierges.
Dans la lettre XCIe, on retrouve cette même particularité. [ Note de Louis: dès que cette Lettre XCIe est disponible, nous insérerons son lien ici. Bien à vous. ]
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 45-47.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
Or, je vous prie, parler de la sorte est-ce condamner le mariage ? Nous avons comparé la virginité à l'or, le mariage à 1'argent. Nous avons dit que les grains, dont les uns rendent cent pour un, les autres soixante et les autres trente, sont produits de la même terre et de la même semence, bien qu'ils différent beaucoup en nombre. Et quel lecteur sera donc assez peu équitable pour me condamner, non point d'après mes paroles, mais d'après sa propre pensée ?
Assurément, nous avons été, à l'égard du mariage, beaucoup plus indulgents Note (4) que la plupart des docteurs grecs et latins, qui appliquent aux martyrs le nombre cent, aux vierges le nombre soixante, aux veuves le nombre trente, et qui, par là, excluent le mariage de la bonne terre et du champ que le père de famille a ensemencé.
Mais, afin qu'il ne semblât pas que, après avoir été réservé dans le commencement de mon livre, je ne gardais plus de bornes par la suite, n'ai-je pas eu soin, une fois les divisions établies, et prêt à entrer en matière, de dire aussitôt: « Je vous en conjure, vierges de l'un et de l'autre sexe, et vous qui vivez dans la continence, et vous qui êtes engagés dans le mariage ou même dans de secondes noces, aidez mes efforts par vos prières; c'est de vous tous que Jovinianus est l'ennemi. »
Ceux dont les prières me sont nécessaires, que je réclame pour soutiens de mon œuvre, ai-je pu, me laissant aller aux erreurs des manichéens, condamner leur profession?
Poursuivons, car les bornes étroites d'une lettre ne me permettent pas de m'arrêter longtemps à chaque chose l'une après l'autre.
En expliquant ce passage de Paul : Le corps de la femme n'est point à elle, mais à son mari; de même le corps du mari n'est point à lui, mais à sa femme 1, nous avons ajouté :« Toute cette question ne regarde que les hommes engagés dans le mariage, et il s'agit de savoir s'il leur est permis de renvoyer leur femme, ce que le Seigneur a défendu dans l'Évangile. C'est pour cela que l'Apôtre dit: Il est avantageux à l'homme de ne s'approcher d'aucune femme 2, comme s'il y avait du danger à toucher une femme, et que l'on pût s'en approcher sans se perdre. De là vient que Joseph, lorsque cette Égyptienne voulait le toucher, s'échappa de ses mains et lui abandonna son manteau. Mais, comme celui qui s'est une fois marié ne peut, sans le consentement de sa femme, vivre dans la continence, ni la répudier sans motif, il faut qu'il lui rende le devoir conjugal, parce qu'il s'est engagé volontairement à être obligé de le lui rendre. »
Celui qui dit que c'est un précepte du Seigneur de ne pas répudier une femme, et que l'homme ne doit pas, sans un mutuel consentement, séparer ce que Dieu a uni 3, peut-on dire que celui-là condamne le mariage?
L'Apôtre dit ensuite : …
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(1) I. Cor. VII. 4. — (2) Ibid. 1. — (3) Matth. XIX. 6.
Note (4) : Voyez, entre autres, saint Cyprien, dans son traité de Disciplina Virginum.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 47-51.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
L'Apôtre dit ensuite : Mais chacun a son don particulier, selon qu'il le reçoit de Dieu, celui-ci d'une manière, celui-là d'une autre 1. En expliquant ce passage, nous avons ajouté :« Il est facile, dit l'Apôtre, de voir ce que je demande. Mais, comme dans l'Église, les dons sont divers, je permets le mariage, pour qu'il ne semble pas que je condamne la nature.
» Remarquez encore ceci : Autre est le don de la virginité, autre celui du mariage ; car, si la récompense du mariage et de la virginité était la même, l'Apôtre, après avoir conseillé de garder la continence, n'eût point ajouté : Mais chacun a son don particulier, selon qu'il le reçoit de Dieu, celui-ci d'une manière, celui-là d'une autre Là où chacun a son don spécial, là se trouve diversité de dons. J'avoue que le mariage est aussi un don de Dieu, mais entre un don et un don il y a une grande différence.
» Enfin, l'Apôtre, parlant d'un incestueux qui faisait pénitence : Pardonnez-lui plutôt, dit-il, et tâchez de le consoler.—Ce que vous lui accorderez, je l'accorde aussi 2. Et, de peur que nous ne pensions que l'on puisse faire cas d'un don qui vient de l'homme, il ajoute : Car, si j'ai accordé quelque chose, je l'ai accordé à cause de vous, et devant Jésus-Christ 3.
» Les dons du Christ ne sont pas tous de même nature. Voilà pourquoi Joseph, qui était le type du Sauveur, avait une robe de couleurs diverses. Nous lisons aussi dans le psaume quarante-quatrième : la reine est restée debout à votre droite, ayant un habit enrichi d'or, et étant couverte de ses divers ornements 4. L'apôtre saint Pierre dit encore : Comme cohéritiers de la grâce infinie de Dieu 5 ce que le grec exprime d'une manière plus forte et plus énergique, par le mot [GREC], qui signifie varié. »
Je vous le demande, quelle opiniâtreté n'est-ce pas de ne vouloir point ouvrir les yeux à la plus éclatante lumière?
Nous avons dit qu'il est, dans l'Église, plusieurs sortes de dons, que le don de la virginité diffère de celui du mariage; nous avons ajouté un peu après: Oui, le mariage est un don de Dieu; mais entre un don et un don il y a une grande différence.
Et ce que je proclame à haute voix, comme un don de Dieu, l'on m'accuse de le condamner? Or, si Joseph est le type du Seigneur, cette robe de couleurs diverses dont il était revêtu nous représente aussi les divers états des vierges, des veuves, de ceux qui vivent dans la continence ou qui sont engagés dans le mariage. Puis-je donc avoir regardé comme profanes ceux qui appartiennent à la tunique du Christ, surtout quand j'ai dit que la reine elle-même, c'est-à-dire, l'Église du Seigneur, qui est revêtue d'un habit d'or, est aussi environnée de divers ornements?
Parlant ensuite du mariage, toujours nous avons professé la même opinion…
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(1) I. Cor. VII. — (2) I. Cor. VII. 7. 10. — (3) Ibid. — (4) Ps. XLIV. 10. — (5) I. Petr. III. 7.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 51-55.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
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Parlant ensuite du mariage, toujours nous avons professé la même opinion.
« Cet endroit, avons-nous dit, ne fait rien à notre sujet; car saint Paul nous apprend par là, suivant les enseignements du Sauveur, qu'un mari ne doit point, hors le cas de fornication, répudier sa femme, et qu'une femme répudiée ne peut, du vivant de son mari, épouser un autre homme ; mais qu'elle doit, au contraire, se réconcilier avec son époux. Et dans un autre endroit : La femme est liée à la loi du mariage, tant que son mari est vivant ; mais si son mari meurt, elle est affranchie de cette loi : qu'elle se marie à qui elle voudra, pourvu que ce soit selon le Seigneur 1 , c'est-à-dire, qu'elle se marie à un chrétien. Celui qui permet les secondes et les troisièmes noces, pourvu qu'elles se fassent dans le Seigneur, défend-il les premières noces avec un païen? »
Que mes détracteurs ouvrent les oreilles, je les en conjure, et qu'ils voient que j'ai permis les secondes et les troisièmes noces, pourvu qu'elles se fassent dans le Seigneur. Moi, qui n'ai pas condamné les secondes, ni les troisièmes, ai-je donc pu condamner les premières?
Lorsque j'ai expliqué ce passage de l'Apôtre: Un homme est-il appelé à la foi, étant circoncis, qu'il n'affecte point de paraître incirconcis. Un autre y est-il appelé, n'étant pas circoncis, qu'il ne se fasse point circoncire 1, alors, quoique certains interprètes, fort versés dans les Écritures, prétendent que ceci doit s'appliquer à la circoncision et à la servitude de la loi, n'en ai-je pas fait clairement l'application au mariage, et n'ai-je pas dit: Si un homme est appelé à la foi, étant incirconcis, qu'il ne se fasse pas circoncire. En d'autres termes, vous aviez une épouse quand vous fûtes appelé à la foi, ne croyez pas que la foi du Christ soit pour vous un motif de séparation. Ce n'est rien d'être circoncis ou d'être incirconcis, mais observer les commandements de Dieu c'est tout 2.
» Le célibat, comme le mariage, ne sert à rien, sans les œuvres, puisque la foi même, apanage particulier des chrétiens, est une foi morte, si elle n'est soutenue par les œuvres ; autrement, l'on pourrait mettre au nombre des saintes et les vierges de Vesta, et les femmes qui, après un premier mariage, se consacraient à Junon.
» Et un peu plus loin, il dit : Avez-vous été appelé à la foi, étant esclave ? que cela ne vous trouble point ; mais faites-en un bon usage, quand même vous pourriez être libre 3. En d'autres termes, si vous êtes marié et attaché à une femme; si vous lui rendez le devoir conjuguai, parce que votre cœur n'est pas en votre puissance ; ou, pour mieux dire, si vous êtes esclave de votre femme, ne vous attristez point pour cela, et ne regrettez pas la perte de votre virginité. Et quand même vous pourriez trouver quelque motif de séparation, afin de vivre librement en continence, ne compromettez pas le salut de votre épouse pour faciliter le vôtre; gardez encore un peu votre épouse, ne la devancez pas, attendez qu'elle vous suive; et si vous montrez quelque patience, votre épouse deviendra votre sœur. »
Dans cet endroit aussi où nous avons expliqué ce passage de Paul : …
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(1) I. Cor. VII. 39. — (1) I. Cor. VII. 18. — (2) Ibid. 19. — (3) Ibid. 21.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.À PAMMACHIUS.Pages 55-57.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
Dans cet endroit aussi où nous avons expliqué ce passage de Paul : Quant aux vierges, je n'ai point reçu de commandement du Seigneur, mais voici le conseil que je donne, comme ayant reçu de Dieu la grâce d'être son fidèle ministre1, nous avons préféré la virginité en conservant la prérogative du mariage.« Si le Seigneur, disions-nous, eût fait un précepte de la virginité, il aurait semblé condamner le mariage et détruire cette source de génération qui produit les vierges elles-mêmes. S'il avait coupé la racine de l'arbre, comment pourrait-il cueillir des fruits ? S'il n'eût d'abord jeté les bases, comment élèverait-il l'édifice et y mettrait-il le comble? »
Puisque j'ai dit que le mariage c'est la racine, que la virginité ce sont les fruits; que le mariage c'est le fondement, et que la chasteté perpétuelle c'est l'édifice ou le comble, qui sera donc assez rongé par l'envie, assez aveuglé par le désir de décrier, pour ne pas vouloir, là où il se trouve un édifice ou un comble, reconnaître qu'il y a un fondement qui supporte le tout ?
Après avoir, en un autre endroit, cité ce passage de l'Apôtre: Etes-vous lié avec une femme? ne cherchez point à vous délier, N'avez-vous point de femme? ne cherchez pas à vous marier 1, nous avons aussitôt ajouté :« Chacun de vous a ses limites; rendez-moi ce qui m'appartient, et gardez ce qui est à vous. Si vous êtes lié avec une femme, ne la répudiez pas; si vous ne Têtes pas, n'en cherchez point une autre. Comme je ne prétends pas, moi, délier ceux qui sont unis par les liens du mariage » n'entreprenez pas non plus de lier ceux qui sont dégagés de tout lien.»
J'ai déclaré aussi dans un autre endroit, et de la manière la plus formelle, ce que je pense de la virginité et du mariage.« L'Apôtre, ai-je dit, ne veut pas nous surprendre ni forcer nos inclinations.; mais il nous conseille ce qu'il y a d'honnête et de saint, nous exhorte à servir Dieu du fond de notre âme, à considère attentivement ce qu'il exige de nous, à être toujours prêts à faire sa volonté, afin que, s'il nous ordonne quelque chose, nous l'exécutions sur-le-champ : pareils, à des soldats généreux, qui sont toujours sous les armes, et que nous ne nous embarrassions pas de ces frivoles soins qui, suivant l’Ecclésiaste, font la seule occupation des gens du monde. »
Après avoir comparé l'état des vierges avec celui des personnes mariées, nous avons fini par ces mots : …
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(1) I. Cor. VII. 25. — (1) Ibid. 27.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 57-61.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
Après avoir comparé l'état des vierges avec celui des personnes mariées, nous avons fini par ces mots :« Là où il est un bon et un meilleur état, il ne saurait y avoir une même récompense pour chacun de ces états. Or, si la récompense ne peut être la même, il faut bien que les dons soient différents aussi. Il y a donc autant de différence entre le mariage et la virginité qu'il y en a entre ne pas pécher et faire le bien, ou, tout au moins, entre ce qui est bon et ce qui est meilleur.»
Et dans la suite, lorsque nous disons :« L'Apôtre, après avoir achevé d'examiner la question du mariage et de la virginité avec une telle sagesse, une telle réserve dans les préceptes, qu'il ne s'écarte ni à droite ni à gauche, mais qu'il marche par la voie royale, et suit le conseil du Sage : Ne sois pas juste à l'excès 1, l'Apôtre compare de nouveau la monogamie à la digamie, et de même qu'il avait préféré la virginité au mariage, de même il préfère les premières noces aux secondes, »
ne montrons-nous pas clairement ce que c'est, dans les saintes Écritures , que la gauche, ce que c'est que la droite, et ce qu'il faut entendre par ces mots : Ne sois pas juste à l'excès? En effet, c'est aller à gauche que de s'abandonner, comme les Juifs et les Gentils, à la fougue de la passion, et de soupirer toujours pour de honteux plaisirs. C'est aller à droite que de suivre les erreurs des manichéens, et, sous le voile d'une chasteté simulée, de se laisser prendre aux filets de l'impureté. C'est aller par la voie royale que d'aspirer à la virginité, sans condamner le mariage.
En outre, qui donc jugera mes faibles écrits d'une manière assez peu équitable pour prétendre que je condamne les premières noces, moi surtout qui, parlant des secondes, ai dit en termes formels :« L'Apôtre permet les secondes noces, mais aux personnes qui veulent se marier, mais à celles qui ne peuvent garder la continence, de peur que, après avoir vécu avec mollesse, elles ne secouent le joug du Christ, et ne veuillent se remarier, encourant ainsi la condamnation, parce qu'elles ont rendu vaine la foi qu'elles lui avaient donnée 2, et s'il fait cette concession, c'est que beaucoup d'entre elles sont retournées en arrière, et ont suivi Satan. — Au reste, elles seront plus heureuses, si elles demeurent veuves. Et aussitôt il s’appuie de l'autorité apostolique : C'est ce que je leur conseille 3.
» Mais, dans la crainte que l'autorité de l'Apôtre, comme celle d'un homme ordinaire, ne semblât pas avoir assez de poids, il ajoute : Or, je crois que j'ai aussi l’Esprit de Dieu 4. Lorsqu'il exhorte à la continence, il donne un conseil qui vient, non pas de l'homme, mais de l'esprit de Dieu ; et, lorsqu'il permet de se marier une seconde fois, il n'en appelle pas à l'esprit de Dieu, mais il use d'une prudence merveilleuse, sachant proportionner les obligations aux forces de chacun. »
Après donc avoir cité les passages dans lesquels l'Apôtre permet les secondes noces, nous avons aussitôt ajouté : …
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(1) Eccl.VII. 17. — (2) I. Tim. V. 11, 12. — (3) I. Cor. VII. 40. — (4) Ibid.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 61-65.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
Après donc avoir cité les passages dans lesquels l'Apôtre permet les secondes noces, nous avons aussitôt ajouté : « De même qu’ aux vierges il permet le mariage comme une sauve-garde contre la fornication, et rend excusable un état qui, de soi, ne leur offre aucun attrait, de même il permet aux veuves un second mariage, comme un préservatif contre un danger semblable; car il vaut mieux ne connaître qu'un homme, quoique en secondes ou en troisièmes noces, que d'en connaître plusieurs, c'est-à-dire, qu'il est plus pardonnable de se prostituer à un seul homme qu'à plusieurs.»
Loin d'ici la calomnie. Nous avons, en cet endroit, parlé des secondes, des troisièmes, et même, si l'on veut, des quatrièmes noces, mais non pas des premières. Et, pour montrer que, lorsque nous avons dit qu'il est plus pardonnable de se prostituer à un seul homme qu'à plusieurs, nous n'avons point voulu parler des premières noces, puisqu'il ne s'agissait que des secondes et des troisièmes, voici comment nous avons terminé la question de la digamie et de la trigamie : « Tout est permis, mais tout n'est pas expédient. Je ne condamne point ceux qui se marient deux fois, trois fois, et même, si cela se peut, huit fois. Je dis plus encore : Je suis loin de repousser un débauché qui se repent. Il faut juger également de ce qui est également permis. »
Qu'il rougisse donc mon détracteur, lui qui m'accuse de condamner les premières noces, qu'il rougisse en lisant ces mots : « Je ne condamne point ceux qui se marient deux fois, trois fois, et même, si cela se peut, huit fois. » II y a de la différence entre ne pas condamner une chose et la louer, entre excuser des faiblesses et vanter des vertus. Si l'on me trouve trop sévère lorsque je dis « qu'il faut juger également de ce qui est également permis », on ne me trouvera pas, je pense, cruel et rigide, quand on verra que j'assigne une place à la virginité et au mariage, une autre place à ceux qui se marient trois fois, ou même huit fois, une autre place enfin à ceux qui se repentent.
Notre langage a montré, dans les pages suivantes, que le Christ est vierge selon la chair, et, selon l'esprit, marié une seule fois, puisqu'il n'a qu'une épouse, qui est l'Église ; puis, après cela, on nous accuse de condamner le mariage ? L'on prétend que je condamne le mariage, moi qui m'exprime en ces termes :
« Nul doute que les prêtres de l'ancienne loi ne soient descendus d'Aaron, d'Eléazar et de Phinées; or, comme ceux-ci furent mariés, l'on pourrait avec raison se prévaloir contre nous de leur exemple, si, professant l'erreur des Encratites, nous prétendions qu'il faut condamner le mariage. »
Quoi ! nous combattons Tatianus, chef des Encratites, qui rejette le mariage, et nous sommes censés nous-mêmes le rejeter aussi ! D’ailleurs…
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 65-67.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
Quoi ! nous combattons Tatianus, chef des Encratites, qui rejette le mariage, et nous sommes censés nous-mêmes le rejeter aussi ! D’ailleurs, en comparant les vierges avec les veuves, je montre bien ce que je pense du mariage, et j'ai placé dans trois classes différentes les vierges, les veuves ou les personnes continentes, puis les personnes mariées ; c'est ce que prouvent assez les lignes suivantes: « Je ne nie pas que les veuves ne soient heureuses, si, après le baptême, elles demeurent dans leur état. Je ne veux pas non plus diminuer le mérite des femmes qui vivent chastement avec leurs maris. Toutefois, comme les veuves sont, aux yeux de Dieu, plus dignes de récompense que les femmes asservies au devoir conjugal, elles ne doivent pas trouver mauvais que l'on préfère la virginité au veuvage, »
Ayant encore cité ces paroles de l'Apôtre aux Galates : Nul homme ne sera justifié par les œuvres de la loi 1 voici comment nous les avons expliquées : « Le mariage est aussi une œuvre de la loi; c'est pour cette raison qu'elle maudit les femmes qui n'ont pas d'enfants. Que si l'Évangile même permet le mariage, autre chose est néanmoins de compatir à la faiblesse, autre chose de promettre des récompenses à la vertu. Ainsi, nous avons dit clairement que la loi évangélique permet le mariage, mais cependant que les personnes mariées, qui pourtant remplissent les devoirs de leur état, ne peuvent obtenir la gloire due à la virginité. »
Que si un tel sentiment révolte les gens mariés, ce n'est pas à moi qu'ils doivent s'en prendre, mais aux saintes Écritures, mais aux évêques, aux prêtres, aux diacres, à tout l'ordre sacerdotal et lévitique, parce que ceux-ci savent bien qu'ils ne peuvent offrir des sacrifices, et être en même temps asservis aux obligations conjugales. Et à l'occasion d'un passage de l'Apocalypse, que nous avons cité, n'avons-nous pas déclaré manifestement ce que nous pensons des vierges, des veuves et des personnes mariées ? Ce sont là ceux qui chantent ce cantique nouveau, que nul ne peut chanter, s'il n'est vierge. Ce sont là les prémices de Dieu et de l'Agneau, et ils sont sons tache 1. « Si les vierges sont les prémices que l'on offre à Dieu, les veuves et ceux qui, dans le mariage, gardent la continence, seront donc après les prémices, c'est-à-dire, au second et au troisième rang. Nous mettons au second et au troisième rang les veuves et les personnes mariées, et l'on dit que, par une fureur d'hérétiques, je condamne le mariage ? »
Il est, dans notre livre, beaucoup d'autres choses, que nous avons dites avec une sage réserve, touchant les vierges, les veuves et les personnes mariées….
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(1) Gal. II. 16 — (1) Apoc. XIV. 4.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 67-71.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
Il est, dans notre livre, beaucoup d'autres choses, que nous avons dites avec une sage réserve, touchant les vierges, les veuves et les personnes mariées. Jaloux d'être bref, je ne rapporterai plus qu'un passage; et il n'y a, je pense, qu'un ennemi déclaré ou un fou, qui puisse y trouver à redire. Ayant donc rappelé que le Seigneur s'était trouvé aux noces de Cana, en Galilée, voici ce que j'ajoutai après quelques autres raisons :« Celui qui n'assista qu'une fois à des noces, enseigne qu'il ne faut non plus se marier qu'une fois. Ce serait nuire peut-être au mérite de la virginité, que de ne pas mettre le mariage au troisième rang, c'est-à-dire, après la virginité, après la chasteté des veuves. Mais comme il n'appartient qu'à des hérétiques de condamner le mariage, et de mépriser ce que Dieu lui-même a établi, tous les éloges que l'on peut faire du mariage, nous les écoutons volontiers, car l'Église ne condamne pas le mariage, mais elle lui préfère le veuvage et la virginité; elle ne le rejette pas, mais elle le met au rang qui lui convient, persuadée, comme je l'ai dit, que dans une grande maison il n'y a pas seulement des vases d'or et d'argent, mais qu'il y en a aussi de bois et de terre, et les uns sont pour des usages honorables, et les autres pour des usages vils et honteux. — Celui qui se purifiera deviendra un vase d'honneur, un vase nécessaire, et propre à toutes sortes de bonnes œuvres. 1 »
Tous les éloges que l'on peut faire du mariage nous les écoutons donc volontiers. Nous entendons volontiers louer le mariage, et l'on nous accuse de le condamner !
L'Église ne condamne pas le mariage, mais elle lui préfère le veuvage et la virginité; que vous le vouliez, que vous ne le vouliez pas, les personnes mariées sont au-dessous des vierges et des veuves.
L'Église ne condamne pas le mariage, quand il reste dans ses limites naturelles, mais elle lui préfère le veuvage et la virginité; elle ne le rejette pas, mais elle le met au rang qui lui convient. Il ne tient qu'à vous, si vous le voulez, de vous élever au second rang de la chasteté; pourquoi vous indigner de n'être qu'au troisième rang, si vous ne voulez pas monter plus haut?
Donc, puisque j'ai marché, voyageur circonspect, avec tant de prudence, de l'un à l'autre mille du chemin , et…
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(1) II Tim. II. 20 21.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 71-73.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
Donc, puisque j'ai marché, voyageur circonspect, avec tant de prudence, de l'un à l'autre mille du chemin, et que j'ai si souvent averti le lecteur que j'approuve le mariage, de manière cependant à lui préférer les personnes vouées à la continence, les veuves et les vierges, un lecteur sage et bienveillant aurait dû, par tout le reste, juger de ce qui lui semblait sévère, et ne pas m'accuser d'avoir professé, dans un même livre, des opinions contraires. Où trouver, en effet, un homme assez stupide, assez peu versé dans l'art d'écrire, pour louer et blâmer à la fois une même chose, pour abattre ce qu'il a élevé, pour élever ce qu'il a abattu, enfin, pour se blesser lui-même de sa propre épée, après avoir triomphé de son adversaire?
Si des hommes grossiers et sans aucune teinture de la rhétorique ou de la dialectique, déchiraient ma réputation, j'excuserais volontiers leur manque de savoir, et je ne m'irriterais pas d'une attaque où il y aurait plus d'ignorance que de méchanceté.
Maintenant, puisque ce sont des hommes instruits et versés dans les belles-lettres, qui aiment mieux flétrir mes écrits que de se donner la peine de les comprendre, je leur réponds en deux mots qu'ils doivent apporter remède aux fautes, et non pas les blâmer seulement.
Le champ est ouvert, l'ennemi est en présence; la pensée de l'adversaire est manifeste; et, pour me servir des paroles de Virgile 1, il faut regarder en face celui qui défie; qu'ils viennent donc lui répondre, qu'ils se présentent dans la lice d'une manière convenable, et non pas la verge à la main, comme dans leurs écoles; qu'ils me montrent ce que j'ai pu ajouter à leurs écrits, ou bien en retrancher. Je n'écoute pas des censeurs, je suis docile à des maîtres. C'est une manière d'enseigner molle et efféminée que de venir, du haut des remparts, apprendre au soldat qui combat comment il doit porter ses coups; quand on est embaumé de parfums, on a mauvaise grâce à taxer de lâcheté un guerrier tout inondé de sang.
Et lorsque je parle de la sorte, je ne dois point être accusé de vanité, comme si je disais que j'ai combattu seul pendant que les autres dormaient. Je dis seulement que ceux-là peuvent combattre avec moins de péril qui m'ont vu couvert de blessures. Je ne veux pas vous voir dans un combat où vous n'ayez qu'à vous défendre, et où, laissant oisive la main droite, vous parez de la gauche, avec le bouclier, les coups de l'ennemi. Il faut ou frapper, ou mourir; je ne puis vous proclamer vainqueur, si je ne vois votre adversaire étendu mort.
Nous aussi, très-docte personnage, nous avons hanté les écoles; nous aussi, nous nous sommes imbus de ces préceptes que l'on doit à Aristote, ou qui viennent de Gorgias, savoir, qu'il est plusieurs manières d'écrire, et que, dans ces manières diverses, autre chose est d'écrire d'un style déclamatoire, autre chose d'écrire d'un style dogmatique. Dans le premier cas, on parle d'une façon vague, et, en répondant à l'adversaire, l'on propose tantôt ceci, tantôt cela; on raisonne comme l'on veut: on dit une chose, et l'on en fait une autre; on présente du pain, comme dit le proverbe, et l'on tient une pierre 1. Dans le second cas, il faut de la droiture et de la bonne foi. Autre chose est de proposer une question, autre chose est de définir: …
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(1) Æneid. XI. 37[5] — (1) Plaut. Aulularia. Act. II. sect. II. [48.]
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 73-75.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
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Dans le second cas, il faut de la droiture et de la bonne foi. Autre chose est de proposer une question, autre chose est de définir: d'un côté l'on attaque, de l'autre l'on instruit. Pendant que je suis aux prises, et que ma vie se trouve en danger, vous me dites avec l'empressement d'un maître officieux :
« Ne porte pas tes coups obliquement et par où l'on ne s'attend point à les recevoir; frappe en avant; il est honteux pour toi de vaincre l'ennemi par le stratagème, et non point par la force. » — Comme si ce n'était point le comble de l'art, en combattant, de menacer un endroit, et de frapper à un autre.
Lisez, je vous prie, Démosthène; lisez Cicéron ; ou si les rhéteurs vous déplaisent, parce qu'ils s'appliquent à dire des choses vraisemblables plutôt que des choses vraies, lisez Platon, Théophraste, Xénophon, Aristote, et les autres philosophes qui sont sortis de l'école de Socrate, comme autant de ruisseaux venus d'une même source. Qu'y a-t-il chez eux qui respire la franchise et la simplicité? Comme ils savent accommoder les paroles à leurs sentiments ! Comme ils savent leur donner un sens favorable !
Origène, Méthodius, Eusébius, Apollinarius ont beaucoup écrit contre Celse et Porphyre; voyez de quels arguments, de quelles subtilités ils se servent pour combattre des erreurs inventées par l'esprit du démon ! Comme ils sont amenés quelquefois à dire non pas ce qu'ils pensent, mais ce qu'il faut dire; ils parlent contre ceux que l'on nomme Gentils.
Je ne dis rien des auteurs latins, de Tertullien, de Cyprien, de Minutius, de Victorinus, de Lactance, d'Hilaire, de peur qu'il ne semble que j'accuse les autres, au lieu de me défendre.
Je citerai l'apôtre Paul; car, toutes les fois que je le lis, je crois entendre, non pas des paroles, mais des coups de tonnerre…
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 75-79.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
Je citerai l'apôtre Paul; car, toutes les fois que je le lis, je crois entendre, non pas des paroles, mais des coups de tonnerre. Lisez ses Épîtres, celles principalement qu'il adresse aux Romains, aux Galates, aux Éphésiens, et dans lesquelles il est tout entier à la polémique; vous verrez, dans les témoignages qu'il emprunte à l'ancien Testament, quelle habileté, quelle prudence, quelle finesse il met à déguiser le but qu'il se propose.
Certaines paroles ont un air simple, et paraissent venir d'un homme sans malice et sans culture, qui est aussi inhabile à tendre des pièges qu'à éviter ceux qu'on lui tend; mais, où que vous jetiez les yeux, vous apercevez la foudre. Il s'attache à son sujet, il s'empare de tout ce qu'il aborde, tourne le dos pour vaincre, et fait semblant de fuir pour tuer.
Efforçons-nous donc de le calomnier, et disons-lui: Les passages dont vous vous êtes servi contre les Juifs et contre les hérétiques n'ont pas, dans les lieux d'où vous les tirez, le même sens que dans vos Épîtres. Nous trouvons des exemples réduits, pour ainsi dire, en captivité; vous faites servir à votre triomphe des choses qui, dans les volumes où vous les puisez, sont inaptes au combat. — Cet Apôtre ne nous dit-il pas comme le Sauveur: Autre est mon langage avec les étrangers, autre avec ceux de la maison. La foule reçoit les paraboles, les disciples entendent la vérité. Le Seigneur propose des questions aux pharisiens, et ne les explique pas. Autre chose est d'instruire un disciple, autre chose de combattre un ennemi. Mon secret est pour moi, dit le Prophète ; mon secret est pour moi et pour les miens 1.
Vous vous irritez contre moi de ce que j'ai vaincu Jovinianus, et ne l'ai point instruit; je veux dire qu'ils s'irritent ceux qui sont fâchés de le voir anathématisé, et qui, en vantant ce qu'ils sont, accusent ce qu'ils feignent d'être. Comme si j'avais dû le prier de me céder la victoire; comme si, malgré son opiniâtre résistance, je n'avais pas dû l'enchaîner dans les liens de la vérité! C'est là ce que je dirais si, dans le désir de vaincre, je m'étais écarté, en quelque chose, du sens des Écritures; et, comme font d'ordinaire les hommes éminents. je contrebalancerais ma faute par mes services antérieurs. Mais, parce que je suis interprète de l'Apôtre, que je ne donne point mon opinion personnelle, et que je me borne à remplir les fonctions de commentateur, tout ce qui peut sembler trop sévère on doit l'attribuer à l'auteur que j'explique, plutôt qu'à moi qui le commente, à moins, par hasard, qu'il ne tienne un autre langage, et que, par une maligne interprétation, je n'aie altéré le sens naturel de ses paroles. Que celui qui m'accuse vienne me convaincre, les Écritures à la main.
Nous avons dit : « S'il est bon de ne pas toucher de femme, c'est donc mal…
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(1) Is. XXIV. 16
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 79-81.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
Nous avons dit : « S'il est bon de ne pas toucher de femme, c'est donc mal d'en toucher quelqu'une, car il n'y a d'opposé au bien que le mal; or, si c'est mal de toucher une femme, et si cela se pardonne, on ne le passe que pour éviter quoique chose de pire. » Ainsi de suite jusqu'au chapitre suivant.
Nous nous sommes exprimé de la sorte, parce que l'Apôtre avait dit : Il est avantageux à l'homme de ne s'approcher d'aucune femme; néanmoins, pour éviter la fornication, que chaque homme vive avec sa femme et chaque femme avec son mari 1. En quoi mes paroles diffèrent-elles du sens de l'Apôtre? Peut-être en ce qu'il prononce, tandis que je doute; en ce qu'il décide, tandis que je propose une question; en ce qu'il dit formellement : Il est avantageux à l'homme de ne s'approcher d'aucune femme, tandis que je demande avec réserve s'il est avantageux à l'homme de ne s'approcher d'aucune femme. Le mot si est d'un homme qui doute, et non pas d'un homme qui affirme. L'Apôtre dit: II est avantageux de ne s'approcher d'aucune femme; et moi je ne fais qu'ajouter ce qui peut être opposé à ce bien dont il parle. Je dis encore immédiatement après: « II faut remarquer la prudence de l'Apôtre; car il n'a pas dit: Il est bon que l'homme n'ait pas de femme, mais: II est bon de ne point toucher de femme, comme s'il y avait du danger à en toucher une, et qu'on ne pût le faire sans se perdre. »
Vous le voyez donc, j'ai voulu parler, non pas des personnes mariées, mais simplement des devoirs du mariage; ce qui n'est autre chose que comparer le mariage lui-même avec la continence et la virginité; qui nous rendent semblables aux anges, et faire voir qu'il est bon à l'homme de ne toucher aucune femme.
Vanité des vanités, et tout est vanité 1, dit l'Ecclésiaste. Si toutes les créatures sont bonnes, en tant que sorties des mains d'un créateur qui est bon, comment tout n'est-il que vanité?...
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(1) I. Cor. VII. 1. 2. — (1) Eccl. I. 2.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 81-85.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
Vanité des vanités, et tout est vanité 1, dit l'Ecclésiaste. Si toutes les créatures sont bonnes, en tant que sorties des mains d'un créateur qui est bon, comment tout n'est-il que vanité? Si la terre est vanité, est-ce que les cieux, les anges, les trônes, les dominations, les puissances et les vertus le sont également? — Les choses qui sont bonnes, en tant que sorties des mains d'un créateur qui est bon, sont appelées vanité, quand on les compare à des choses qui valent mieux: par exemple, comparée à un flambeau, une lampe n'est rien; comparé à une étoile, un flambeau n'a point d'éclat; une étoile, comparée à la lune, est obscure; rapprochez la lune du soleil, elle n'aura pas de clarté; mettez en parallèle le Christ et le soleil, celui-ci ne sera que ténèbres.
Je suis celui qui est 1, dit le Seigneur; toutes les créatures, comparées à Dieu, sont donc un pur néant. Seigneur, dit Esther, ne livrez point votre héritage à ceux qui ne sont rien 2, c'est-à-dire, aux idoles et aux démons. Cependant ils existaient ces démons et ces faux dieux auxquels Esther conjurait le Seigneur de ne pas livrer son peuple.
Nous voyons aussi, dans Job que Baldad, en parlant de l'impie, s'exprime en ces mots : Que les choses dans lesquelles il mettait sa confiance soient arrachées de sa maison, et que la mort, comme un roi, le foule aux pieds; — que ses compagnons habitent la demeure où il n'est plus 3. Nul doute qu'il ne s'agisse du diable, qui, tout en ayant des compagnons, — et il n'en aurait point, s'il n'existait pas, — se trouve cependant considéré comme n'existant point, parce qu'il est, en quelque sorte, perdu pour Dieu.
C'est dans ce sens que nous avons dit, sans néanmoins faire mention des femmes mariées, que c'est un mal de toucher une femme, parce que c'est un bien de ne point en toucher. Voilà pourquoi nous avons comparé ensuite la virginité au froment, les noces à l'orge, et la fornication au fumier. Sans doute, le froment et l'orge sont des créatures de Dieu; néanmoins, dans l’Évangile, la foule la plus nombreuse est nourrie avec des pains d'orge, et la moins nombreuse avec des pains de froment. Seigneur, dit le Prophète, vous sauverez les hommes et les animaux 4. C'est là précisément ce que nous avons dit en d'autres termes, lorsque nous avons comparé la virginité à l'or, les noces à l'argent; lorsque nous avons parlé des cent quarante-quatre mille vierges marqués du signe, lesquels ne se sont point souillés avec des femmes, et qu'ainsi nous avons voulu montrer que tous ceux qui ne sont pas demeurés vierges, sont, en quelque sorte, souillés, si l'on compare leur état à une vie pure et chaste comme celle des anges et de notre Seigneur Jésus-Christ.
Que si l'on trouve quelque chose de trop dur dans mes paroles…
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(1) Eccl. I. 2. — (1) Exod. III. 14. — (2) Hester. XIV. 11. — (3) Job. XVIII. 15. — (4) Ps. XXXV. 7.
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Louis- Admin
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 85-87.A PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
Que si l'on trouve quelque chose de trop dur dans mes paroles, et si l'on me blâme d'avoir mis entre le mariage et la virginité autant de distance qu'il y en a entre le froment et l'orge, qu'on lise le livre de saint Ambroise, concernant les veuves , et l'on verra que, en parlant de la virginité et du mariage, il dit entre autres choses :Saint Ambroise a écrit:« L'Apôtre ne loue pas tellement le mariage qu'il étouffe dans les cœurs l'amour de la virginité; mais, conseillant d'abord de garder la continence, il donne ensuite des remèdes contre l'incontinence. Après avoir montré aux forts quelle récompense est réservée à leur vocation sublime, il ne laisse néanmoins défaillir personne en route, et, s'il applaudit ceux qui marchent les premiers, il ne méprise pas ceux qui viennent ensuite; car il avait appris lui-même que le Seigneur Jésus donna aux uns du pain d'orge, crainte qu'ils ne tombassent de faiblesse dans le chemin, aux autres son corps, afin qu'ils marchassent vers le royaume. »
Et un peu après :Saint Ambroise a écrit: « Il ne faut donc pas s'abstenir du mariage comme d'une action criminelle, mais il faut l'éviter comme un joug qui nous assujettit à de nombreuses nécessités; car la loi condamne la femme à enfanter dans le travail et dans la tristesse, à se tourner vers son mari, et à se soumettre à son empire. Ce sont donc les femmes mariées et non pas les veuves, que la loi condamne à enfanter dans le travail et dans la douleur; ce sont les femmes mariées et non pas les vierges, qui doivent se soumettre à l'empire d'un mari. »
Dans un autre endroit, expliquant ce passage de l'Apôtre : Vous avez été achetés bien cher, n'allez pas vous rendre esclaves des hommes 1, il dit :Saint Ambroise a écrit:« Vous voyez clairement que le mariage est une servitude. »
Puis un peu après :Saint Ambroise a écrit: « Si donc le mariage, quelque bon qu'il soit, n'est qu'une servitude, que doit-ce être d'un mauvais mariage, où, loin de se sanctifier mutuellement, l'on ne travaille qu'à se perdre ? 2 »
Tout ce que nous avons dit assez longuement sur la virginité et le mariage, Ambroise l'a resserré dans des bornes étroites, renfermant beaucoup de choses en peu de mots. II appelle la virginité une exhortation à la chasteté, et le mariage un remède contre l'incontinence; puis d'une manière significative, descendant des choses les plus élevées à celles qui le sont moins, il montre aux vierges quelle récompense est réservée à leur vocation sublime, et il console les femmes mariées, crainte qu'elles ne défaillent en route; il loue les uns, sans mépriser les autres. II compare le mariage à l'orge, et la virginité au corps de Jésus-Christ. Or, il y a, ce me semble, beaucoup moins de différence entre le froment et l'orge, qu'entre l'orge et le corps de Jésus-Christ.
Enfin, il dit qu'il faut éviter le mariage comme un joug qui assujettit à de nombreuses nécessités, et qu'il est la définition d'une servitude manifeste. Il dit beaucoup d'autres choses, et assez au long dans ses trois livres concernant les vierges.
D'après cela, il est manifeste que je n'ai rien dit de nouveau touchant les vierges ou les femmes mariées…
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(1) I. Cor. VII. 23. — (2) De viduis. I. 13.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 87-91.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
D'après cela, il est manifeste que je n'ai rien dit de nouveau touchant les vierges ou les femmes mariées, et que j'ai en tout suivi le sentiment des anciens, d'Ambroise comme des autres auteurs, qui ont développé les dogmes ecclésiastiques, et dont j'aime beaucoup mieux imiter l'heureuse négligence que l'exactitude obscure de certains rigoristes 1.
Que les hommes mariés s'irritent contre moi parce que j'ai dit: « Comment, je vous prie, peut-on appeler un bien ce qui nous empêche de prier et de recevoir le corps du Christ? Quand je remplis les devoirs d'un homme marié, je ne remplis pas ceux d'un homme continent. Le même Apôtre, dans un autre endroit, nous ordonne de prier sans cesse 2. S'il faut prier toujours, il ne faut donc jamais user du mariage, car, lorsque je remplis le devoir conjugal, je ne saurais prier. »
II est évident que j'ai dit cela, parce que j'expliquais ce passage de l'Apôtre : Ne vous refusez point l'un à l'autre le devoir conjugal, si ce n'est du consentement de l'un et de l'autre, pour un temps, afin de vaquer à la prière 3.
L'apôtre Paul assure que, lorsqu'on remplit le devoir conjugal, on ne saurait prier. Si donc l'usage du mariage nous empêche de vaquer à une chose moins importante, c'est-à-dire, de prier, à combien plus forte raison ne nous empêche-t-il point de vaquer à une chose plus importante, c'est-à-dire, de recevoir le corps du Christ?
Pierre nous exhorte à la continence, afin que nos prières ne soient pas interrompues 4.
Quel est en ce point, je vous prie, le péché que je commets? de quoi peut-on m'accuser? quelle est ma faute? Si les eaux d'une rivière sont troubles et bourbeuses, c'est la faute, non pas de la rivière, mais de la source. Mon crime est-il d'avoir osé ajouter de moi-même : « Comment peut-on appeler un bien ce qui nous empêche de recevoir le corps du Christ? » A cela je répondrai en peu de mots : Qu'est-ce qui vaut le mieux, prier, ou recevoir le corps de Jésus-Christ? Assurément c'est de recevoir le corps du Christ? Si donc l'usage du mariage nous empêche de vaquer à ce qui est moins important, à plus forte raison nous empêche-t-il de vaquer à ce qui l'est davantage.
Nous avons dit dans le même traité, que David et ses compagnons…
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(1) Terrent. Andria. Prol. — (2) I. Thess. V. 17. — (3) I. Cor. VII. 5. — (4) I. Petr. III. 7.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 91-93.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
Nous avons dit dans le même traité, que David et ses compagnons 1 n'auraient pu, suivant la loi, manger les pains de proposition, s'ils n'avaient répondu qu'ils n'avaient vu, depuis trois jours, aucune femme; je n'entends pas des courtisanes, ce qui était défendu par la loi, mais je parle de leurs propres épouses, dont il leur était permis d'approcher.
J'ai dit encore que, les Israélites étant près de recevoir la loi sur le mont Sinaï, il leur fut défendu d'approcher de leurs femmes durant trois jours 2. Je sais qu'il est d'usage, à Rome que les fidèles reçoivent tous les jours le corps de Jésus-Christ et je ne veux ni blâmer ni approuver cela car chacun abonde en son sens 3; mais j'en appelle à la conscience de ceux qui communient le jour même où ils ont usé du mariage, et qui suivant l'expression de Perse 4 : Purifient leur nuit dans le courant des eaux .
Pourquoi n'osent-ils pas approcher des tombeaux des martyrs? Pourquoi n'entrent-ils pas dans les églises? Autre est donc le Christ qu'on adore en public, autre celui que l'on adore chez soi ? Ce qui n'est pas permis dans l'église, ne l'est pas non plus dans la maison. Rien n'est caché à Dieu, les ténèbres mêmes sont lumineuses pour lui. Que chacun donc s'éprouve et approche ainsi du corps de Jésus-Christ.
Ce n'est pas que, en différant un ou deux jours de communier, on devienne meilleur chrétien, ni que, ce que je n'ai pas mérité aujourd'hui, je le mérite davantage demain ou après-demain; mais il faut que la douleur que j'ai de n'avoir point participé au corps du Christ m'engage à me priver pour un temps de l'usage du mariage, et qu'à l'amour d'une femme je préfère celui du Christ. Cela est dur, cela n'est pas supportable, direz-vous? Quel homme, dans le siècle, pourrait s'astreindre à cette loi ? Que celui qui peut le faire le fasse; que celui qui ne le peut pas prenne le parti qu'il voudra Je ne me soucie point de ce que chacun peut ou veut faire, mais je parle suivant ce qu'ordonnent les Écritures.
On me blâme encore d'avoir dit…
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(1) I. Reg. XXI. 5. — (2) Exod. XIX. 15. — (3) Rom. XIV. 5. — (4) Sat. II. 16.
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Re: LETTRES de Saint Jérôme.
LETTRE XXX.Pages 93-95.À PAMMACHIUS.Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.SUITE
On me blâme encore d'avoir dit, en mes commentaires sur le même Apôtre:« Mais, de peur que quelqu’un ne s'imagine que, par les paroles suivantes: Afin que vous puissiez vaquer à l'oraison, et ensuite vivre ensemble comme auparavant 1, l'Apôtre veut qu'on use du mariage, tandis qu'il n'en permet l'usage qu'afin de prévenir une plus grande ruine, Paul ajoute aussitôt : Crainte que Satan ne nous tente à cause de votre incontinence. Il dit après cela : Vivez ensemble comme auparavant. La merveilleuse indulgence de permettre ce qu'on n'ose pas même nommer, ce que l'on préfère aux tentations de Satan ce qui a pour cause l'incontinence. Nous nous donnons beaucoup de peine, comme pour expliquer l'obscurité de ce passage, tandis que celui-là même qui l'écrivit l'explique en ces termes : Au reste ce que je vous dis, c'est par condescendance, et je n'en fais point un commandement 2. Et nous hésitons encore à dire que le mariage est une indulgence, et non pas un précepte, comme si l'on ne permettait pas de même les secondes et les troisièmes noces », et le reste.
Qu'ai-je dit ici que n'ait pas dit l'Apôtre ?
Est-ce donc ceci : « Il a honte de nommer ce qu'il permet ? » Je pense, moi, que lorsqu’'il dit: Vivez comme auparavant, sans parler de la chose même, il n’indique pas ouvertement l'usage du mariage, mais le désigne en des termes honnêtes.
Seraient-ce les paroles suivantes: « Il préfère aux tentations de Satan ce qui a pour cause l'incontinence? » Mais l'Apôtre ne dit-il pas la même chose en d'autres termes : De peur que Satan ne vous tente à cause de votre incontinence?
Est-ce enfin parce que j'ai dit : « Et nous hésitons encore à dire que le mariage est une indulgence, et non point un précepte? » Si cela parait trop dur, qu'on s'en prenne à l'Apôtre qui dit : Je vous parle ainsi par indulgence, et ne vous fais point un commandement. Et qu'on ne vienne pas m'accuser, moi qui, si j'ai renversé l'ordre des choses, n'ai rien changé au sens ni aux paroles.
Passons au reste, car je suis resserré dans les bornes étroites d'une lettre…
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(1) I. Cor. VII. 5. — (2) Ibid. 6.
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