LETTRES de Saint Jérôme.

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Message  Louis Mer 12 Mai 2021, 5:51 am


LETTRE XXX.

Pages 95-99.

À PAMMACHIUS.

Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,
pour les livres contre Jovinianus.

SUITE

Passons au reste, car je suis resserré dans les bornes étroites d'une lettre. Or, dit l'Apôtre, je déclare aux personnes qui ne sont point mariées, ou qui sont veuves, qu'il leur est bon de rester dans cet état comme j'y reste moi-même.. — Que si elles ne peuvent garder la continence, qu'elles se marient, car il vaut mieux se marier que de brûler 1.

Voici comment nous avons expliqué ce passage.

« Après avoir accordé aux personnes mariées l'usage du mariage, et leur avoir montré ce qu'il exigeait, ou ce qu'il permettait, l'Apôtre en vient aux célibataires et aux veuves,  puis se propose lui-même pour exemple, et les appelle heureuses, si elles peuvent persévérer en cet état. Mais, si elles ne peuvent garder la continence, il leur ordonne de se marier, répétant ce qu'il avait dit plus haut : A cause de la fornication, et encore : De peur que Satan ne vienne à vous tenter, à cause de votre incontinence.

Puis il expose le motif pour lequel il a dit : Si elles ne peuvent garder la continence, qu'elles se marient, car il vaut mieux se marier que de brûler 1. Il vaut mieux se marier, parce que c'est un plus grand mal de brûler. Éteignez les feux de la passion, et l'Apôtre ne dira pas qu'il vaut mieux se marier. Quand on dit qu'une chose est meilleure, c'est toujours par rapport à une chose pire, et non point à une chose absolument bonne d'elle-même. C'est comme si l'Apôtre disait : Il vaut mieux n'avoir qu'un œil que de n'en point avoir. »

Ensuite, ayant adressé la parole à l'Apôtre, j'ai ajouté:

« Si le mariage est bon de lui-même, gardez-vous de le comparer à un embrasement; bornez-vous à dire: Il est bon de se marier. Je me défie de la bonté d'une chose que la grandeur d'un autre mal me contraint seule de regarder comme un moindre mal; car, pour moi, je veux, non point ce qui est moins mauvais, mais ce qui est absolument bon. »

L'Apôtre veut que les célibataires et les veuves ne sortent pas de leur état ; il les exhorte à suivre son exemple, et les [apelle] heureuses si elles peuvent vivre de la sorte; mais, si elles ne peuvent garder la continence et qu'elles veuillent éteindre les feux des désirs, moins par la continence que par la fornication, alors il vaut mieux pour elles se marier que de brûler.

A cela nous avons ajouté : « Il vaut mieux se marier, parce que c'est quelque chose de moins mauvais que de brûler; » ne donnant pas mon propre sentiment, mais interprétant ces paroles de l'Apôtre : Il vaut mieux se marier que de brûler, c'est-à-dire, il vaut mieux prendre un mari que de se livrer à la fornication.

Si vous me faites voir que c'est bien de brûler ou de forniquer, alors ce que l'on aura préféré à ce bien sera quelque chose de meilleur ; mais si le mariage ne passe pour meilleur que par rapport à ce qui est mauvais, il ne saurait égaler cette pureté chaste et sainte, qui nous rend semblables aux anges.

Si je dis que la virginité est préférable au mariage, alors je préfère ce qui est meilleur à ce qui est bon; mais si je viens à dire ensuite : Le mariage est préférable à la fornication, alors je ne préfère pas ce qui est meilleur à ce qui est bon, mais ce qui est bon à ce qui est mauvais. Il y a une grande différence entre ce qui est meilleur par rapport au mariage, et ce qui est meilleur par rapport à l'impureté.

Or, je vous prie, qu'y a-t-il à reprendre dans cette explication?...
__________________________________________________

(1) I. Cor. VII.  8. 9.

_________________
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Message  Louis Jeu 13 Mai 2021, 6:28 am


LETTRE XXX.

Pages 99-101.

À PAMMACHIUS.

Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,

pour les livres contre Jovinianus.

SUITE

Or, je vous prie, qu'y a-t-il à reprendre dans cette explication? Mon dessein était, non pas de plier les Écritures à ma pensée, mais de développer le sens que je voyais dans les Écritures. Le devoir du commentateur, c'est d'exposer, non point ce qu'il pense, lui, mais ce que pense l'auteur qu'il interprète. Le faire parler autrement qu'il n'a pensé, c'est être bien moins l'interprète que l'adversaire de celui que l'on s'efforce d'interpréter. Oui, lorsque je n'explique pas les Écritures , mais que je parle en toute liberté, d'après ma pensée, que l'on me fasse voir que j'ai dit quelque chose contre le mariage; mais, si l'on ne peut le prouver, alors ce que l'on trouvera de trop austère et de trop dur en mes livres, qu'on l'attribue à l'écrivain sacré et non pas à son interprète.

Qui donc pourrait souffrir que l'on me blâme de ce que, en expliquant le chapitre où l'Apôtre parle ainsi des gens mariés: Ces personnes-là souffriront, dans leur chair, des peines et des afflictions 1, — j''ai dit: « Ignorants que nous sommes, nous nous imaginons que, dans le mariage, on goûte du moins les plaisirs qui peuvent flatter la chair ; mais si les gens mariés ont à souffrir des tribulations dans les plaisirs mêmes qui semblent faire tout le bonheur de leur état, quel attrait le mariage pourra-t-il encore avoir pour eux, puisque l'esprit, le cœur et la chair y trouvent leur torture? »

Est-ce condamner le mariage que de dire que les vagissements et la mort des enfants, que les fausses couches, que les malheurs domestiques et diverses calamités sont des peines inséparables du mariage ?

Lorsque vivait Damase, de sainte mémoire, nous écrivîmes contre Helvidius un traité sur la virginité perpétuelle de la bienheureuse Marie, dans lequel nous fûmes obligés, pour relever le bonheur des vierges, de dire beaucoup de choses touchant les maux et les chagrins du mariage. Cet homme distingué, cet homme habile dans les Écritures, et qui était vierge et docteur de l'Église vierge, trouva-t-il rien à reprendre dans notre ouvrage?  En un livre adressé à Eustochium, nous avons écrit sur le mariage des choses beaucoup plus dures, et personne n'en a été choqué. Ami de la chasteté, Damase en écoutait attentivement l'éloge.

Lisez Tertullien, lisez Cyprien, lisez Ambroise, et condamnez-moi ou justifiez-moi avec eux. Il s'est rencontré des gens de la famille de ceux que Plaute met en scène, gens qui sont habiles seulement à médire des autres, qui font consister leur science à décrier les ouvrages de tout le monde, et qui, nous enveloppant, mon adversaire et moi, dans une même condamnation, prétendent que nous avons tort l'un et l'autre, bien qu'il soit nécessaire que l'un des deux ait raison.

Lorsque, parlant de ceux qui se marient en secondes et en troisièmes noces, nous avons dit : …
_______________________________________________________

(1) I. Cor. VII.  28.

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Message  Louis Ven 14 Mai 2021, 6:51 am


LETTRE XXX.

Pages 101-107.

À PAMMACHIUS.

Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,

pour les livres contre Jovinianus.

SUITE

Lorsque, parlant de ceux qui se marient en secondes et en troisièmes noces, nous avons dit :« Il vaut mieux ne connaître qu'un seul homme, même en secondes et en troisièmes noces, que d'en connaître plusieurs, c'est-à-dire, il est plus pardonnable de s'abandonner à un seul homme que de se prostituer à plusieurs. »

Ne nous sommes-nous point expliqué aussitôt, quand nous avons ajouté : « En effet, à cette Samaritaine qui, dans l'Évangile, dit qu'elle compte son sixième mari, le Seigneur prouve que cet homme n'est point son mari véritable? »

Je le déclare hautement encore, l'Église ne condamne ni les secondes ni les troisièmes noces, et ainsi elle permet d'épouser un cinquième, un sixième mari et plus encore, de même qu'elle permet d'en épouser un second; mais comme on ne condamne pas ces sortes de mariages, aussi ne veut-on pas les approuver. Ils sont un allègement pour notre faiblesse, mais ils ne font point honneur à la continence. Voilà pourquoi j'ai dit ailleurs : « Quand on se marie plus d'une fois, il importe peu qu'on aille aux secondes et aux troisièmes noces, puisqu'il n'y a plus monogamie. Tout est permis, mais tout n'est pas avantageux 1. Je ne condamne, ni les secondes, ni les troisièmes, ni même, si cela peut se dire, les huitièmes noces ; qu'une femme donc épouse, si elle veut, un huitième mari, plutôt que de vivre dans le libertinage. »

Venons au reproche que l'on me fait d'avoir écrit que, « dans le texte hébreu, il n'est pas dit du second jour de la création comme du premier, du troisième et des autres : Dieu vit que cela était bon, puis d'avoir ajouté que l'Écriture nous donne ainsi à entendre que le nombre deux n'est pas bon, parce qu'il détruit l'unité et qu'il est la figure du mariage; que c'est la raison pour laquelle les animaux impurs entrèrent par couples dans l'arche de Noé, les animaux purs étant en nombre impair. »

Quant à ce que j'ai dit du second jour, je ne vois pas ce que l'on peut y reprendre. Me blâme-t-on de n'avoir pas dit que les paroles citées se trouvent dans l'Écriture ; ou, si j'ai dit qu'elles s'y trouvent, de les avoir expliquées autrement que ne le permet la simplicité de l'Écriture?

Non, il n'est pas dit du second jour : Dieu vit que cela était bon Note (5) ; que l'on s'en rapporte là-dessus, non point à mon témoignage, mais à celui de tous les Hébreux et des autres interprètes, j'entends aux témoignages d'Aquila, de Symmaque, de Théodotion. Que si cela ne se trouve point dit du second jour, tandis qu'il en est autrement pour les autres, que l'on m'apporte une meilleure raison de ce silence, ou bien, si l'on n'en a aucune, que l'on se rende, bon gré, mal gré, à celle que j'ai donnée.

Et quant aux animaux qui furent dans l'arche de Noé…
_________________________________________________

(1) I. Cor. VI. 12.

Note (5) : DIEU VIT QUE CELA ÉTAIT BON. —  Ces paroles ne se trouvent que dans les LXX et dans la version arabe.

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Message  Louis Sam 15 Mai 2021, 6:30 am


LETTRE XXX.

Pages 107-111.

À PAMMACHIUS.

Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,

pour les livres contre Jovinianus.

SUITE

Et quant aux animaux qui furent dans l'arche de Noé, si ceux qui entraient par couples étaient impurs, tandis que ceux qui entraient en nombre impair étaient des animaux purs, et tout le monde convient que cela est écrit, alors que l'on nous dise pourquoi; si on ne le fait pas, alors il faut que l'on reçoive, bon gré, mal gré, la raison que j'en ai donnée. Ou servez de meilleurs mets et recevez-moi pour convive, ou bien soyez content de ma table, quelque frugale qu'elle soit.

Me faut-il énumérer tous les auteurs ecclésiastiques qui ont écrit sur le nombre impair, Clément, Hippolyte, Origène, Dionysius, Eusébius, Didymus, et parmi les nôtres Tertullien, Cyprien, Victorinus, Lactance, Hilaire. Quant à Cyprien, en quels termes, avec quelle étendue il a parlé du nombre sept, je veux dire du nombre impair, c'est ce que l'on voit assez par son livre adressé à Fortunatus. Faut-il, par hasard, citer ici tout ce que Pythagore, Architas de Tarente et Publius Scipion, au sixième livre de la république, disent du nombre impair? Si mes détracteurs ne veulent pas écouter ces illustres personnages, je leur ferai crier par les écoles des grammairiens :
Du nombre impair les dieux sont réjouis.
TRAD. DE DELILLE.

Crime affreux ! les églises sont renversées, l'univers est indigné, si nous disons que la virginité est quelque chose de plus pur que le mariage; si nous préférons le nombre impair au nombre pair; si nous montrons que les figures de l'ancien Testament ont servi à la vérité évangélique.

Tout ce que l'on trouve encore de répréhensible dans mon livre, je le crois peu important, ou bien analogue aux explications déjà données; c'est pourquoi je n'ai pas voulu y répondre, crainte de dépasser les bornes d'une lettre, crainte aussi de paraître n'avoir pas assez foi en vos talents, vous en qui j'ai trouvé le défenseur de ma cause, avant même que je vous priasse de l'être.

Donc, en finissant, je proteste que je n'ai pas condamné le mariage et que je ne le condamne pas, mais que j'ai voulu répondre à un adversaire, sans appréhender les embûches des miens. Si j'élève jusqu'aux cieux la virginité, ce n'est pas que je l'aie conservée, mais je suis pénétré d'une admiration plus grande pour un bien que je ne possède plus. Il y a de l'ingénuité et de la candeur à louer dans les autres ce que l'on n'a plus soi-même. Parce que le poids de mon corps me retient attaché à la terre, est-ce donc que je n'admirerai pas le vol des oiseaux, que je ne vanterai pas la colombe

Qui nage mollement, et, dans un air tranquille,
Soutient l'agilité de son vol immobile.
TRAD. DE DELILLE.

Que nul ne se trompe lui-même, ou ne se jette dans le précipice creusé par un insidieux louangeur. La première virginité date de la première naissance; la seconde virginité date de la seconde naissance. Ce n'est pas moi qui dit cela; il y a longtemps qu'il est écrit: Personne m peut servir deux maîtres 1, la chair et l'esprit. La chair a des désirs contraires à ceux de l'esprit, l'esprit en a de contraires à ceux de la chair; ils sont opposés l'un à l'autre, en sorte que nous ne faisons pas ce que nous voudrions faire 1.

Lorsque vous trouvez, dans mon ouvrage, quelque…
__________________________________________________________________

(1) Matth. VI. 24. —  (1) Gal. V. 17.

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Message  Louis Dim 16 Mai 2021, 5:41 am


LETTRE XXX.

Pages 111-113.

À PAMMACHIUS.

Apologétique de Jérôme, prêtre, à Pammachius,

pour les livres contre Jovinianus.

SUITE

Lorsque vous trouvez, dans mon ouvrage, quelque chose de trop sévère, prenez-vous-en, non point à mes paroles mais à l'Écriture, d'où elles sont tirées. Le Christ est vierge; la mère du Dieu vierge fut vierge toujours, mère et vierge tout à la fois.

Jésus entra, les portes étant fermées; puis, dans son sépulcre, qui était neuf et taillé dans le roc vif, personne n'a été déposé, ni avant ni après lui.

Il est ce jardin fermé 2, cette fontaine scellée 3, et d'où, selon Joël, tire sa source le fleuve qui arrose le torrent des liens 4. des épines 5: —  des liens du péché qui jadis nous tenaient captifs ; — des épines qui étouffent la semence du père de famille.

Il est cette porte orientale, dont parlait Ézéchiel, cette porte toujours fermée, toujours brillante 6, qui cache ou dévoile le Saint des saints, et par laquelle entre et sort le soleil de justice, notre pontife suivant l'ordre de Melchisédech.

Que l'on me dise comment Jésus entra, les portes étant fermées, lorsqu'il présenta ses mains à toucher, son côté à examiner, qu'il montra ses os et sa chair, afin que l'on ne prît pas un corps réel pour une ombre, et moi je dirai comment la sainte Marie est tout à la fois mère et vierge, vierge après l'enfantement, et mère avant le mariage.

Ainsi, comme nous avions commencé de le dire, le Christ vierge, Marie vierge ont consacré la virginité dans l'un et dans l'autre sexe. Les Apôtres furent vierges, ou gardèrent la continence dans le mariage. Les évêques, les prêtres, les diacres doivent être, lors de leur élection, ou vierges ou veufs; du moins faut-il que, après leur ordination, ils se vouent à une éternelle chasteté.

Pourquoi nous faisons-nous illusion à nous-mêmes et trouvons nous mauvais que, si nous brûlons toujours de feux impurs, l'on nous refuse les récompenses destinées à la chasteté ?

Nous voulons user de mets somptueux et recherchés, nous délecter aux embrassements de nos épouses, et, après cela, régner avec le Christ parmi les vierges et les veuves !

La même récompense attend-elle donc la faim et la bonne chère, le vêtement négligé et le vêtement pompeux, le rude sac et la soie moelleuse? Lazare a reçu les souffrances pendant sa vie 1, et ce riche couvert de pourpre, toujours plongé dans l'opulence et la splendeur, a joui, pendant sa vie, de tous les biens de la chair; mais, après leur mort, ils occupent l'un et l'autre une place bien différente; la misère est échangée contre les plaisirs, et les plaisirs contre la misère. Il est en notre pouvoir de suivre ou Lazare, ou le riche.

__________________________________________________________________________________________________________

(2) Cant. IV. 12(3) Joel. III. 18 (4) Suivant les Septante. (5) Suivant l’hébreux. —   (6) Ezech. XLIV. 1. —   (1) Luc. XVI. 26.

Fin de cette Lettre.

_________________
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Message  Louis Lun 17 Mai 2021, 6:19 am


LETTRE LXXVII.

Page 189

JÉRÔME À AUGUSTIN.

Bien des gens qui ont les deux jambes cassées et le cou rompu ne peuvent néanmoins se soumettre, attachés qu'ils sont à leurs anciennes erreurs, quoiqu'ils n'aient pas la liberté de les enseigner. Les saints frères qui sont ici avec l'humble moine, et spécialement vos saintes et vénérables filles Note (1), vous saluent avec grand respect. Je prie votre Sainteté de saluer en mon nom vos frères Alypius et Evodius, mes seigneurs. Jérusalem est tombée au pouvoir de Nabuchodonosor Note (2), et ne veut cependant pas écouter les conseils de Jérémie; bien plus, elle soupire après l'Égypte, afin de mourir à Taphnès, et d'y expirer sous le joug d'une perpétuelle servitude.
_________________________________________________________________________________

Note (1) :  VOS VÉNÉRABLES FILLES. — Eustochium et la jeune Paula.

Note (2) : Cet endroit est une énigme dont  il serait assez difficile de pénétrer le sens. Érasme, Marianus et quelques autres écrivains pensent que saint Jérôme veut parler de Jean de Jérusalem, qui, après la condamnation d'Origène, tâchait toujours de défendre ses erreurs; mais les théologiens de Louvain, et Érasme lui-même, dans l'édition des ouvrages de saint Augustin, croient que saint Jérôme veut parler de la prise de Rome par Alaric. C'est aussi le sentiment de Baronius.
Fin de cette Lettre.

_________________
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Message  Louis Mar 18 Mai 2021, 6:35 am


 
LETTRE LXXVIII.

Pages 191-193.

À MARCELLINUS ET ANAPSYCHIAS.

Aux seigneurs vraiment saints,

à mes fils bien dignes de tous les égards de l’affection,

à Marcellinus et Anapsychias,

Jérôme,

salut dans le Christ.
   
J'ai enfin reçu d'Afrique les lettres que vous m'écrivez tous deux en commun, et je ne suis plus honteux de la liberté que j'ai prise, malgré votre silence, de vous écrire tant de fois, afin de mériter une réponse, et d'apprendre, non point par d'autres, mais surtout par vous-mêmes, que vous êtes en bonne santé. Il me souvient de la petite question,

— ou plutôt de la grande question agitée dans l'Église,

— et que vous m'avez faite sur la nature des âmes, savoir si elles descendent du ciel, comme le pensent le philosophe Pythagoras, tous les Platoniciens et Origène ;

ou bien si elles sont une portion de la substance de Dieu, comme se l'imaginent les Stoïciens, les Manichéens et les Priscillianistes, qui ont répandu leurs erreurs en Espagne ;

ou bien, si, ayant été créées autrefois, elles sont renfermées dans le trésor de Dieu, suivant la folle persuasion de quelques chrétiens ;

ou bien encore, si Dieu en crée chaque jours plusieurs et les envoie dans les corps, selon qu'il est écrit dans l'Évangile: Mon Père ne cesse d'opérer jusqu’à présent; et moi j'opère aussi 1 ;

ou bien si enfin, suivant l'opinion de Tertullien, d'Apollinaris et de la plus grande partie des Occidentaux, elles passent des pères dans les enfants, de sorte que l'âme soit engendrée par une autre âme, comme le corps est engendré par un autre corps, et qu'elle ait le même genre de naissance que les bêtes brutes.

Il me souvient que là-dessus j'ai déjà dit mon sentiment, dans les opuscules que j'ai écrits contre Rufinus, en réponse au libelle qu'il avait adressé à Anastasius de sainte mémoire, puis évêque de l'Église de Rome, et où, voulant, par une profession de foi équivoque et artificieuse pour ne pas dire extravagante, se jouer de la simplicité des lecteurs il se joue de sa propre foi, ou plutôt découvre sa perfidie. Ces livres, je crois, sont entre les mains de votre parent Océanus, car il y a long-temps que je les ai publiés, pour répondre aux calomnies que Rufinus a répandues contre moi dans plusieurs de ses ouvrages.

Au reste, vous avez près de vous le saint et docte évêque Augustin, qui pourra vous instruire de vive voix, comme on dit, et vous exposer son sentiment, lequel sera aussi le mien.

J'ai voulu écrire autrefois un volume sur Ézéchiel…
_______________________________________________________

(1) Joan. V. 17.  

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Message  Louis Mer 19 Mai 2021, 5:40 am


 
LETTRE LXXVIII.

Pages 193-197.

À MARCELLINUS ET ANAPSYCHIAS.

Aux seigneurs vraiment saints,

à mes fils bien dignes de tous les égards de l’affection,

à Marcellinus et Anapsychias,

Jérôme,

salut dans le Christ.

SUITE

J'ai voulu écrire autrefois un volume sur Ézéchiel, et donner aux lecteurs studieux un ouvrage tant de fois promis, mais au moment où je commençais à le dicter, la nouvelle de la dévastation des provinces occidentales, et surtout de la ville de Rome, troubla tellement mon esprit que, suivant le proverbe, j'oubliai jusqu'à mon nom, et que depuis j'ai gardé un long silence, sachant bien que c'était le temps des larmes. Cette année, j'en avais fait déjà trois livres, lorsque les barbares, dont votre Virgile a dit :

Les Barcéens, qui se disséminent partout,

ÉNÉID, IV. 43.

et dont l'Écriture sainte a voulu parler, en disant d'Ismaël: Il habitera à la face de tous ses frères. 1 — Quand donc ces barbares, faisant une soudaine irruption, et semblables à un torrent qui entraîne avec lui tout ce qu'il rencontre, ont ravagé avec tant de fureur l'Égypte, la Palestine, la Phénicie et la Syrie, que, sans la miséricorde du Christ, je n'aurais pu échapper à leurs mains. Que si les lois, suivant un grand orateur, se taisent au milieu des armes, à combien plus forte raison ne doit pas être interrompue l'étude de l'Écriture sainte, cette étude qui a besoin d'un grand nombre de livres et d'un profond silence; qui demande beaucoup d'application de la part des librarii, et surtout du repos et de la sécurité pour ceux qui dictent.

J'ai envoyé deux de ces livres à ma sainte fille Fabiola, de qui vous pourrez les emprunter, si vous désirez les connaître. La difficulté des temps ne m'a pas permis d'en transcrire davantage. Quand vous les aurez lus, quand vous aurez vu ce vestibule, vous pourrez facilement conjecturer quelle devra être la maison. J'espère que le Seigneur qui, par sa miséricorde, m'a aidé dans le difficile commencement de cet ouvrage, m'aidera encore dans les pénultièmes chapitres, où le prophète décrit les guerres de Gog et de Magog; puis dans les derniers, où il décrit la construction, la grandeur et les divers ornements du temple sacré et ineffable.

Notre saint frère Océanus, à qui vous désirez être recommandé, est un homme d'un tel mérite, d'un tel caractère, d'une telle habileté dans la loi du Seigneur, qu'il voudra bien vous instruire, sans que je l'en prie, et, sur toutes les difficultés des Écritures, vous exposer les sentiments que, selon mes faibles forces, j'ai moi-même adoptés. Plaise au Christ, notre Dieu tout puissant, de vous donner une longue suite d'années et une santé parfaite, Seigneurs vraiment saints.
_________________________________________________________

(1) Gen. XVI. 12.

Fin de cette Lettre.

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Message  Louis Jeu 20 Mai 2021, 5:52 am


LETTRE XXXI.

Pages 117-123.

À PAMMACHIUS.

Pour les livres, contre Jovinianus.

Il est quelquefois de la modestie chrétienne de ne pas écrire même à ses amis, et de se renfermer en soi-même par un humble silence, plutôt que de se rendre suspect d'ambition, en renouvelant une ancienne amitié. Tant que tu as gardé le silence, je l'ai gardé aussi, et jamais je n'ai voulu te forcer à le rompre, dans la crainte de paraître bien moins rechercher un ami, que ménager un puissant patron. Maintenant que je suis prévenu par des lettres si obligeantes, je tâcherai désormais de te prévenir moi-même, et de t'envoyer non pas des réponses, mais des lettres, afin qu'il soit manifeste que si j'ai gardé le silence jusqu'à ce jour, c'est par modestie; et que si j’ai commencé de le rompre, c’est par une modestie plus grande encore.

Quant à mes traités contre Jovinianus, c'est par pudeur et par amitié, je le sais très-bien, que tu en as retiré les exemplaires. Mais cette précaution n'a servi de rien, puisque certaines personnes venues de la Ville, m'en ont lu des extraits, qu'elles disaient avoir faits à Rome. Dans cette province même, on avait déjà divulgué mes livres ; et, tu ne l'ignores point,

La parole une fois lâchée ne revient jamais.
HORACE, Epist. ad. Pisones. 390.

Je n'ai pas le bonheur, comme la plupart des écrivains d'aujourd'hui, de pouvoir, quand je le veux, corriger les bagatelles dont je m'occupe. A peine ai-je fait quelque ouvrage, que mes amis ou mes envieux se hâtent de le propager dans le public, avec des motifs bien différents sans doute, mais avec un empressement égal. Outrés dans les louanges comme dans les reproches, ils ont égard non point au plus ou moins de mérite du style, mais à leurs dispositions envers moi. Ainsi, la seule chose que j'aie pu faire, c’est de t'adresser l'apologie de l'ouvrage. Quand tu l'auras lue, tu répondras à ce que l'on objecte contre moi; ou, si tu ne goûtes pas mes raisons, tu seras forcé d'expliquer autrement que moi, le passage de l'Apôtre sur la virginité et le mariage.

Et, je ne dis pas cela pour t'engager à écrire, puisque tu apportes plus d'ardeur que moi à l'étude des saintes Lettres; mais, ce que je souhaite, c'est que tu forces mes censeurs à me répondre. Ils sont gens de lettres, ils se piquent d'érudition; ils peuvent m'instruire et non me critiquer. S'ils publient quelque chose, mon ouvrage ne tardera pas à tomber devant le leur.

Lis, je te prie, et considère attentivement le passage de l'Apôtre, et alors tu verras que, pour me soustraire à la censure et à la calomnie, j'ai parlé du mariage avec beaucoup plus de ménagement que lui. Origène, Dionysius, Pierius, Eusèbe de Césarée, Didymus et Apollinaris ont commenté fort au long cette épitre.

Pierius voulant éclaircir, développer le sens de l'Apôtre, et expliquer ces paroles : Je voudrais que vous fussiez tous  en l’état où je suis moi-même 1, ajoute aussitôt: Paul se déclare ici ouvertement en faveur du célibat. Quel est donc mon crime? en quoi donc ai-je fait preuve. Tout ce que j'ai écrit, comparé à ce passage de l'Apôtre, est encore bien doux. Parcours les commentaires de tous les auteurs que je viens de citer, fouille dans les bibliothèques des églises, et tu arriveras beaucoup plus vite à reconnaître ce que je dis.

J'apprends que tu es universellement estimé dans Rome; j'apprends que le pontife et le peuple, d'un commun accord, jettent les yeux sur toi. Il vaut mieux mériter la dignité du sacerdoce, que de la posséder. Si tu veux lire les seize livres des Prophètes, que j'ai traduits de l'hébreu en latin, et s'il me revient que cet ouvrage est de ton goût, cela m'engagera à tirer de mon portefeuille mes autres écrits.

J'ai traduit aussi depuis peu en latin le livre de Job; tu pourras en emprunter un exemplaire à la sainte Marcella, ta cousine. Tâche de le lire en grec et en latin; compare l'ancienne édition avec ma traduction; et tu verras clairement quelle différence il y a entre la vérité et le mensonge.

J'avais envoyé au saint évêque Domnion quelques-uns de mes commentaires sur les douze Prophètes, et sur les quatre livres des Rois.Si tu veux les lire, tu verras combien il est difficile d'entendre la divine Écriture et surtout les Prophètes; tu verras aussi que des passages très-purs dans l'original, fournissent d'erreurs dans la traduction, par la faute des traducteurs.

Au reste, cette éloquence que tu méprises dans Cicéron pour l'amour du Christ, ne va pas la chercher dans un aussi mince auteur que moi. Un auteur ecclésiastique, possédât-il toutes les grâces du langage, doit les cacher et les dédaigner, afin de parler non point aux écoles oisives des philosophes, ou à un petit nombre de disciples, mais à tous les hommes en général.
________________________________________________________

(1) I. Cor. VII. 7.
Fin de cette Lettre.

_________________
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Message  Louis Sam 22 Mai 2021, 7:30 am

LETTRE XLIII.

Pages 45-49.
   
À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

Vous avez agi, non point avec trop de liberté, comme vous le croyez à tort, mais avec amitié et zèle, en m'apprenant que l'on ressuscite une vieille opinion Note (1), qui , avant que vous m'en écrivissiez, avait séduit plusieurs personnes en Orient, et leur avait appris à cacher l'orgueil sous les apparences de l'humilité, puis à dire avec le démon : Je monterai au ciel, j'établirai mon trône au-dessus des astres, et je serai semblable aie Très-Haut 1. Est-il, en effet, rien de plus téméraire que de vouloir se rendre non-seulement semblable, mais encore égal à Dieu; et, dans un système abrégé, du reste, de renfermer tout le venin que les hérétiques ont puisé aux sources corrompues des philosophes, spécialement de Pythagore et de Zénon, chef des stoïciens ?

Ce que les Grecs appellent παθη, et que nous pouvons appeler perturbation, c'est-à-dire, la tristesse et la joie, l'espérance et la crainte, passions dont les deux premières regardent le présent, les deux autres l'avenir Note (2), ceux qui suivent cette opinion récente, affirment qu'on peut les bannir de l'âme, et que, par la méditation, par la pratique assidue de la vertu, il ne reste plus en l'homme aucun germe de vice. Les péripatéticiens, disciples d'Aristote, combattent fortement contre cette doctrine. Les nouveaux académiciens, dont Cicéron suit les sentiments, renversent aussi, je ne dis pas leurs principes, car ils sont nuls, mais leurs fantômes et leurs désirs.

Prétendre qu'on peut vivre sans passions, c'est vouloir enlever l'homme à l'homme même, c'est vouloir qu'il soit sans corps dans un corps, et former des vœux de perfection plutôt que d'en donner des règles. Aussi l'Apôtre disait-il: Malheureux homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort ? 1

Comme les bornes étroites d'une lettre ne me permettent pas de tout dévoiler ici, je vous signalerai en peu de mots ce que vous devez éviter. Virgile nous montre par combien de passions nous sommes agités : De là, chez les mortels, la crainte et les désirs, la douleur et la joie. Enfermée dans le corps, ainsi que dans vie obscure prison, l'âme porte difficilement ses regards vers sa céleste origine.

En effet, quel est l'homme qui ne se laisse ni chatouiller par la joie; ni abattre par la tristesse, ni repaître par l'espérance , ni ébranler par la crainte? Voilà pourquoi le fameux poète Flaccus a dit, dans une satire:

Le plus sage mortel, c'est le moins imparfait;
Chacun a ses défauts.

I. SAT. III. 68.

Un des nôtres a dit excellemment : …
__________________________________________________________________________________

(2) Is. XIV. 13(1) Rom. VII. 24.

Note (1) : Dans la préface du IVe livre de ses Commentaires sur Jérémie, saint Jérôme dit : « L'hérésie de Pythagoras et de Zénon, touchant l’impassibilité et l’impeccabilité erreur qui jadis a été combattue et écrasée dans Origène et dans ses disciples Grunius (Ruffin), Evagrius et Jovinianus, » commence aujourd'hui à revivre. »

Note (2) : La tristesse vient d'un mal présent, qui nous afflige; et la joie, d'un bien présent que nous possédons. La crainte, au contraire, s'occupe d'un mal à venir, que nous appréhendons, et l'espérance se flatte d'un bien futur, que nous souhaitons.  

_________________
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Message  Louis Dim 23 Mai 2021, 5:37 am


LETTRE XLIII.

Page 49.

À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Un des nôtres a dit excellemment : Les philosophes, patriarches des hérétiques 1, ont souillé par leur doctrine perverse la pureté de l'Église, et ils ne savaient pas que c'est de l'humaine fragilité qu'il est dit: Pourquoi la terre et la cendre s'enorgueillissent-elles ? 2  Ils ignoraient surtout ce que l'Apôtre dit là-dessus: Je vois dans les membres de mon corps une autre loi, qui s'oppose à la loi de l'esprit, et qui me retient dans l'esclavage 3. Et derechef: Car je ne fais pas ce que je veux; mais ce que je ne veux pas, c'est ce que je fais 4. Si cet Apôtre fait ce qu'il ne veut pas, comment subsistera ce que l'on dit, que l'homme peut être exempt de péché, s'il le veut? Comment l'homme pourrait-il venir à bout de ce qu'il veut, puisque l'Apôtre assure qu'il ne peut accomplir ce qu'il désire?

Lorsque nous leur demandons où sont ceux qu'ils croient exempts de péché, ils tâchent d'éluder la vérité par une nouvelle supercherie, et disent qu'ils ne prétendent pas qu'il y ait à présent, ou qu'il y ait eu des hommes exempts de péché, mais qu'il peut y en avoir. Les habiles docteurs ! ce qu'ils démontrent n'avoir jamais existé, ils prouvent que cela peut être, quoique l'Écriture dise: Tout ce qui doit arriver a déjà été fait par le passé 5.

Il n'est pas nécessaire que je parcoure ici la vie de chaque saint en particulier, pour y faire voir, comme dans un très beau corps, quelques défauts et quelques taches, ce que font mal à propos quelques-uns des nôtres ; il me suffit…
________________________________________________________________________________

(2) Tertul. Contra Herm. VIII ; de Anima, III. (2) Eccl. X. 9. (3) Rom. VII. 23. (4) Ibid. 15. —   (5) Eccl. I.

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Message  Louis Lun 24 Mai 2021, 7:05 am


LETTRE XLIII.

Pages 51-53.
   
À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Il n'est pas nécessaire que je parcoure ici la vie de chaque saint en particulier, pour y faire voir, comme dans un très beau corps, quelques défauts et quelques taches, ce que font mal à propos quelques-uns des nôtres; il me suffît d'un petit nombre de passages de l'Écriture pour détruire les arguments des hérétiques, et par là même des philosophes.

Que dit, en effet, le vase d'élection: Dieu a tout enveloppé dans le péché, afin d'exercer sa miséricorde envers tous 1.

Et dans un autre endroit : Tous ont péché, et ont besoin de la gloire de Dieu 2.

L'Ecclésiaste, par la bouche de qui la sagesse elle-même s'est exprimée, dit formellement: Il n'y a point d'homme juste sur la terre, qui ne fasse le bien et qui ne pèche pas 3.

Et encore : Si ton peuple vient à pécher, car il n'y a pas d'homme qui ne pèche point 4.

Et ailleurs: Qui donc se flattera d'avoir le cœur pur ? 5 Et derechef : Nul n'est exempt de souillure, pas même celui dont la vie sur la terre ne dure qu'un jour 6 .

C'est ce qui fait dire à David: Car voilà que j'ai été conçu dans l'iniquité, et que ma mère m'a engendré dans le péché 7. Puis, en un autre psaume: Nul homme vivant ne sera trouvé juste devant vous 8.

Ce témoignage, ils l'éludent, sous un prétexte de piété, en lui donnant un nouveau tour, car ils prétendent que nul n'est parfait, en comparaison de Dieu, comme si l'Écriture disait cela. Elle ne dit point, en effet: Nul homme vivant ne sera trouvé juste, si on le compare à vous; mais elle dit: Nul homme vivant ne sera trouvé juste devant vous. Lorsqu'elle ajoute devant vous, elle veut que l'on comprenne par là que ceux mêmes qui aux hommes semblent des saints ne le sont nullement aux yeux de Dieu , car l'homme ne voit les choses que par le dehors, mais le Seigneur voit au fond du cœur.1.

Si donc nul n'est juste aux yeux de Dieu, qui voit tout et qui pénètre dans les plus secrets replis du cœur, il est manifeste que les hérétiques n'élèvent pas l'homme, mais plutôt qu'ils dérogent à la puissance de Dieu.

L'Écriture nous fournit beaucoup d'autres passages…
____________________________________________________________________________

(1) Rom. XI. 32.(2) Ibid. III. 23. (3) Eccl. VII. 21. (4) II. Paral. VI. 32.(?) (5) Prov. XX. 9.. (6) Job. XIV, secundum LXX.(7) Ps. L. 7.( 8 ) Ibid. CXLII. 2.(1) I. Reg. XVI. 7.

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Message  Louis Mar 25 Mai 2021, 6:47 am


LETTRE XLIII.

Pages 53-55.
   
À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

L'Écriture nous fournit beaucoup d'autres passages; si je voulais les rassembler, je dépasserais, non pas seulement les bornes d'une lettre, mais celles même d'un volume. Ils ne débitent rien de neuf ceux qui, ne trouvant des approbateurs que parmi les impies, trompent les simples et les ignorants, mais ne peuvent tromper les hommes ecclésiastiques, appliqués jour et nuit à la médita-lion de la loi de Dieu. Qu'ils rougissent donc d'avoir pour maîtres et pour sectateurs des gens qui disent que l'homme, s'il le veut, peut être sans péché, ou, comme disent les Grecs, αναμαρτητος. Et parce que, dans les églises d'Orient, on ne peut supporter un terme semblable, ils feignent de dire que l'homme peut être sans péché, mais qu'ils n'osent affirmer qu'il le soit, comme si c'était autre chose d'être sans péché Note (3), autre chose d'être αναμαρτητος , et comme si le mot grec, qui chez eux est un nom composé, n'était pas rendu en deux mots par le latin.

Si vous dites que l'homme peut être sans péché, et que vous n'osiez dire ensuite qu'il est αναμαρτητος, condamnez donc ceux qui soutiennent que vous êtes αναμαρτητος. Mais vous n'avez garde de le faire; car vous savez bien ce que vous enseignez en secret à vos disciples, et vos paroles ne sont guère d'accord là-dessus avec vos pensées. A nous autres étrangers et ignorants, vous nous parlez en paraboles, les mystères sont pour vos partisans, et vous vous vantez d'agir en cela d'après l'Écriture, parce qu'il a été écrit que Jésus parlait en paraboles à la foule, et que sous le toit il disait à ses disciples : Pour vous il vous a été donné de connaître les mystères du royaume des deux, mais cela n’a pas été donné aux autres 1.

Je me contenterai donc, ainsi que je le disais, de nommer vos maîtres et vos sectateurs, afin que vous puissiez voir de quelle compagnie vous vous glorifiez.

Manichée dit que ses élus qu'il place dans les cieux, parmi les absides  Note (4) de Platon, sont exempts de tout péché, et qu'ils ne peuvent pécher, quand même ils le voudraient ; car ils sont élevés à un tel degré de perfection qu'ils sont au-dessus des œuvres de la chair.

En Espagne, Priscillianus Note (5), bien digne de Manichée, puis aussi infâme que lui, et dont les disciples vous aiment grandement, se flatte avec audace, comme ses sectateurs, d'avoir la parole de perfection et de science; ils s'enferment seuls à seuls avec les femmes, puis, au milieu des embrassements et des débauches, ils leurs chantent ces vers : Alors le souverain des dieux descend en pluie féconde au sein de son épouse et mêlé à ce vaste corps, il nourrit, de son influence puissante, les semences qu'elle a reçues. Ils ont emprunté une partie de leurs erreurs à l'hérésie des gnostiques dont l'impie Basilides est la source. Voilà pourquoi vous affirmez que ceux qui n'ont aucune connaissance de la loi ne peuvent éviter le péché.

Mais laissons là Priscillianus, qui a été puni par le bras séculier et…
_____________________________________________________________

(1) Luc. VIII. 10.

Note (3): Le mot grec αναμαρτητος, observe dom Roussel, veut proprement dire qui est sans péché, mais il paraît que les Pélagiens le prenaient dans le sens d'impeccable, puisqu'ils avouaient que l'homme pouvait être sans péché, et n'osaient pas dire néanmoins qu'il pouvait être impeccable. Aussi, dans la suite, saint Jérôme fait-il voir que Manichée, qui était un des patriarches du pélagianisme, admettait cette impeccabilité.

La remarque de dom Roussel a besoin d'être rectifiée par celle d'Erasme, qui est ainsi conçue: « A particula est privativa, et αναμαρτητος, pecco, sive erro. Unde composita vox αναμαρτητος, interjecta littera v, propter hiatum vocalium, Hieronymus putat nihil interesse inter  græcum sermonem et latinum; tamen græca vox magis sonat habitum quam actum, quasi dicas impeccabilem , aut qui possit non peccare, non qui careat peccato. Quanquam hinc quoque sequilur quod infert Hieronymus. »


Note (4): ABSIDES. — Martianay conjecture qu'il faudrait peut-être lire Pline, au lieu de Platon, et il nous semble que sa remarque n'est pas dénuée de fondement. Dans ses Commentaires sur le 10e verset du IVe chapitre de l'Épître aux Éphésiens, saint Jérôme nous explique ce mot d'absides. « Numquid corporaliter omnes cœlos et universas snblimitates, et cœlorum circulos, quos philosophi sphæras vocant, transiens atque transcendens, stetit in summo cœli fornice, et, ut ipso verbo utar, abside? » Manichée, de même qu'il plaçait le Christ au centre du soleil, trouvait bon de mettre dans les hauteurs des astres ses héros à lui, ses élus auxquels il attribuait une grande perfection. Saint Jean Chrysostome dans sa IXe Homélie sur la Pénitence, emploie le mot d'absides pour signifier les hauteurs des cieux.

Note (5): PRISCILLIANUS, hérésiarque du IVe siècle, fut condamné, par l'empereur Maxime, à avoir la tête tranchée. On peut voir le portrait que Sévère Sulpice a fait de Priscillianus, au second livre de son Histoire sacrée, page 439 et suivantes de l'édition de Leyde, 1647. Les partisans de Priscillianus l'honorèrent comme un martyr.

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Message  Louis Mer 26 Mai 2021, 5:59 am


LETTRE XLIII.

Pages 55-59.
 
À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Mais laissons là Priscillianus, qui a été puni par le bras séculier et condamné par l'autorité de toute la terre. L'Ibérien Évagrius, originaire du Pont, écrit aux vierges, écrit aux moines, écrit à celle qui porte dans son nom le caractère de sa noirceur Note (6), de son aveuglement, de sa perfidie; il a publié un livre de maximes, intitulé de l'Apathie, ou bien , comme nous pourrions dire, de l'impassibilité, de l'exemption de trouble, et il s'agit ici de cet état qui défend l'âme contre les perturbations du vice, ou plutôt, qui la change en Dieu ou en pierre.

Dans l'Orient, on lit cet ouvrage en grec; mais Rufin, disciple d'Évagrius, l'a traduit en latin, et il se trouve dans les mains de la plupart des Occidentaux. Rufin, qui a écrit aussi un livre où il parle de je ne sais quels moines, en compte beaucoup qui n'ont jamais existé, et qu'il prétend avoir été Origénistes.

Ce qu'il y a de certain, c'est que les évêques en ont condamné plusieurs; savoir, Ammonius, Eusébius, Euthymius, Évagrius lui-même, Or et Isidore, et beaucoup d'autres qu'il serait ennuyeux de nommer ici :

Par un breuvage amer, si l'adroit médecin
D'un indocile enfant veut épurer le sein,
Sur les bords de la coupe alors sa main savante
Verse d'un miel adoré la liqueur décevante:
TRAD DE PONGERVILLE.

de même en use Évagrius, car, tout au commencement de son livre il place Jean Note (7), dont la catholicité et la sainteté sont bien reconnues, et voudrait, à la faveur de ce nom, présenter comme catholiques les hérétiques dont il a parlé.

Que dire maintenant de la hardiesse, ou plutôt de…
_________________________________________________________________________

Note (6): Saint Jérôme veut parler de Mélania qui s'était laissé infecter des erreurs d'Origène. Il fait allusion au [ MOT GREC ], qui veut dire noire.

Note (7): JEAN. — Saint Jean Chrysostome.  

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Message  Louis Jeu 27 Mai 2021, 6:02 am


LETTRE XLIII.

Pages 59-61.
   
À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Que dire maintenant de la hardiesse, ou plutôt de la témérité avec laquelle, abusant des noms, il  [Évagrius] a fait passer pour être de Sixtus, martyr et évêque de l'Église de Rome, un livre du pythagoricien Xystus, philosophe qui était païen et qui n'avait aucune connaissance du Christ ? Dans ce livre, on parle fort longuement de la perfection, d'après les principes des pythagoriciens, qui égalent l'homme à Dieu, et qui prétendent qu'il est de même substance que Dieu. Il a usé de cet artifice pour que ceux qui ne savent pas que ce livre est d'un philosophe, viennent, grâce au nom d'un martyr, boire dans le calice d'or de Babylone. En ce livre, du reste, on ne fait nulle mention des prophètes, nulle mention des patriarches, nulle mention des apôtres, nulle mention du Christ, pour donner à entendre qu'un évêque et un martyr n'ont pas eu foi au Christ. Vous empruntez à ce livre plusieurs passages contre l'Église.

Ce fut par une semblable fourberie que Rufinus, voulant donner aux latins les quatre fameux volumes des Principes d'Origène, fit passer autrefois, sous le nom du saint martyr Pamphylus, le premier des six livres de la défense d'Origène, composée par Eusébius de Césarée, que tout le monde sait avoir été arien.

Voulez-vous que je vous fasse connaître encore un de vos maîtres? La doctrine que vous professez est un rejeton de celle d'Origène. Car — sans parler de ses autres ouvrages,— lorsqu'il explique le psaume où il est dit : Jusque dans la nuit même mes reins m'ont instruit; 1 il assure qu'un homme saint, et tel sans doute vous êtes, une fois qu'il est arrivé au comble des vertus, ne ressent pas, même durant la nuit, les infirmités de l'homme, et ne se trouve pas tourmenté par la moindre pensée vicieuse. Ne rougissez point de la société de telles gens, et ne reniez pas ceux aux blasphèmes de qui vous vous unissez. La merveille de votre esprit n'est autre chose que la seconde proposition de Jovinianus Note ( 8 ). Tout ce que je lui ai répondu, vous devez le regarder comme à vous adressé. Vos sentiments étant les mêmes, vous ne sauriez avoir qu'une même destinée.

Puisque les choses vont ainsi, que signifient ces…
__________________________________________

(1) Ps. XV. 7.

Note ( 8 ): La seconde proposition de Jovinianus que saint Jérôme réfute, dans son second livre contre cet hérétique, c'était que ceux qui sont baptisés ne sont plus sujets aux tentations du démon.

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Message  Louis Ven 28 Mai 2021, 7:02 am


LETTRE XLIII.

Pages 61-63.

À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Puisque les choses vont ainsi, que signifient ces misérables femmelettes chargées de péchés, et qui se laissent emporter à tout vent de doctrine,  apprenant toujours et n'arrivant jamais à la connaissance de la vérité?2

Que signifient encore les compagnons de ces femmes, gens qui ont une démangeaison d'entendre, qui ne savent ni ce qu'ils entendent ni ce qu'ils disent, et qui reçoivent comme une nouvelle doctrine ce que les vieilles hérésies présentent de plus corrompu; qui, suivant Ézéchiel, enduisent la muraille sans y rien mettre, et disparaissent dès que survient la pluie de la vérité?

Simon le magicien établit son hérésie à l'aide de la courtisane Héléna. Nicolaüs d'Antioche, qui a inventé toutes les monstruosités, menait à sa suite des troupes de femmes. Marcion envoya avant lui à Rome une femme, pour préparer les esprits à recevoir ses erreurs. Apelles s'adjoignit Philumène pour propager ses doctrines. Montanus, révélateur d'un esprit immonde, employa Prisca et Maximilla, nobles et opulentes femmes, à corrompre d'abord par l'argent plusieurs églises, puis ensuite à les souiller de son hérésie.

Laissons là d'anciennes choses, et venons à de plus récentes.

Arius, voulant tromper le monde, trompa d'abord la sœur du prince Note (9). Donatus, pour souiller les habitants de l'Afrique avec ses eaux infectées, s'aida des richesses de Lucilla. En Espagne, Agapé séduisit Elpidius, et cet homme aveugle se laissa conduire dans le précipice par une femme aussi aveugle que lui. Elle eut pour successeur Priscillianus, sectateur zélé du magicien Zoroastre, et qui de magicien devint évêque. Une femme appelée Galla Note(10), c'était son nom propre et non point celui de son pays, laissa pour héritage, à une sœur qu'elle avait et qui répandait l'erreur partout, une autre hérésie qui approche fort de celle de Priscillianus. Ce mystère d'iniquité est encore aujourd’hui en usage. Un sexe tend des pièges à l'autre, et on peut bien leur appliquer ces paroles du prophète : La perdrix a crié, elle a trouvé des œufs qui ne sont point à elle. Tel sera l’injuste qui s'enrichit du bien des autres par son iniquité; au milieu de ses jours, il le quittera y et dans sa fin éclatera sa folie 1.

Quant à ces mots, non sans la grâce de Dieu, que ces hérétiques…
___________________________________________________________

(2) II. Tim. III. 6. 7.(1) Jerem. XVII. 11.

Note (9) :  Il s'agit de Constantia, sœur de Constantin.
Note (10):  GALLA. — Ce mot peut être un nom propre; il peut être un adjectif, cl signifie gauloise : voilà ce qui motive la distinction que fait saint Jérôme.

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Message  Louis Sam 29 Mai 2021, 6:18 am


LETTRE XLIII.

Pages 63-67.

À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Quant à ces mots, non sans la grâce de Dieu, que ces hérétiques ont ensuite ajoutés, et qui de prime abord en imposent au lecteur, ils ne sauraient tromper, si l'on en regarde bien le véritable sens. Par le mot de grâce, ils n'entendent point, en effet, un secours spécial de Dieu qui nous conduise et nous soutienne dans chaque action; mais ils veulent que cette grâce ne soit autre chose que le libre arbitre et les  commandements de la loi, suivant ce passage d'Isaïe qu'ils citent en leur faveur: Dieu vous a donné sa loi pour vous aider 1; puis ils prétendent que nous devons seulement remercier Dieu de nous avoir créés avec le libre arbitre, par lequel nous pouvons et nous porter au bien, et éviter le mal.

En disant cela, ils ne comprennent point que le démon, par leur bouche, vomit un blasphème horrible. Car, si toute la grâce de Dieu consiste en ce qu'il nous a donné l'usage de notre volonté, et si, contents d'avoir le libre arbitre, nous croyons n'avoir plus besoin de son secours, de peur que cette dépendance ne porte atteinte à notre liberté; il s'ensuit que nous ne devons plus prier, ni fléchir, par nos supplications, la miséricorde du Seigneur, afin d'obtenir de lui, chaque jour, cette grâce dont nous sommes tout-à-fait maîtres, une fois que nous l'avons reçue. Ces hommes-là abolissent entièrement l'usage de la prière, et se flattent d'être, par leur libre arbitre, non-seulement maîtres de leur propre volonté, mais encore égaux à Dieu même, et de n'avoir besoin du secours de personne. Qu’ils abolissent donc aussi le jeûne et la continence. Eh ! qu'est-il nécessaire que je me donne tant de peine, pour obtenir, à force de travail, ce qui déjà est en mon pouvoir ?

Un tel argument, ce n'est pas moi qui le fais; c'est un de ses disciples, ou plutôt le maître et le chef de la secte, et un vase de perdition opposé à l'Apôtre. Courant à travers les épines des solécismes et non pas des syllogismes, quoi qu'en disent les siens, il philosophe et raisonne de cette manière: Si je ne fais rien sans le secours de Dieu, et s'il faut lui attribuer tout ce que je fais, alors ce ne sont point mes œuvres, mais c'est le secours de Dieu que l’on doit couronner en moi. Vainement il m'a donné le libre arbitre, si je ne puis en user qu'avec le secours continuel de sa grâce; car c'est détruire la volonté que de la faire dépendre du secours d’ autrui. Mais Dieu m'a donné le libre arbitre, et il ne peut être véritablement libre, si je ne fais pas ce que je veux. Et voilà pourquoi il ajoute: Ou bien, pour conserver mon libre arbitre, je me sers de ce pouvoir qui m'a été déjà donné; ou bien, s'il me faut le secours d'autrui, le libre arbitre est totalement anéanti en moi.

Celui qui tient un pareil langage, quel blasphème inouï ne prononce-t-il pas ? …
_________________________________________________

(1) Is. VIII. 20.  

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Message  Louis Dim 30 Mai 2021, 5:56 am


LETTRE XLIII.

Pages 67-69.
   
À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Celui qui tient un pareil langage, quel blasphème inouï ne prononce-t-il pas ? Quel poison affreux n'invente-t-il pas ? Les hérétiques prétendent que lorsqu'une fois on a reçu le libre arbitre, on n'a plus besoin du secours de Dieu, et ils ignorent qu'il est écrit: Qu'avez-vous que vous ne l'ayez reçu; et si vous l'avez reçu, pourquoi vous en glorifiez-vous, comme si vous ne l'aviez pas reçu ? 1

Lui, il rend de grandes actions de grâces à Dieu de qui il tient le libre arbitre, et il use de cette liberté pour se révolter contre Dieu. Nous reconnaissons volontiers qu'il nous a doués du libre arbitre, mais nous croyons toutefois que nous devons lui en rendre grâces, et nous savons que nous ne sommes rien, s'il ne conserve lui-même en nous ce qu'il nous a donné; car, dit l'Apôtre: Cela dépend, non point de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde 2. C'est moi qui veux et qui cours; cependant, je ne saurais, sans une continuelle assistance de Dieu, ni vouloir ni courir; car, dit encore l'Apôtre: C'est Dieu qui opère en nous et le vouloir et le faire 1; et le Sauveur, dans l'Évangile: Mon Père ne cesse pas d'agir jusqu'à présent, et moi j'opère aussi 2.

Dieu donne et répand toujours ses grâces. Il ne me suffit pas qu'il me les ait une fois données, s'il ne me les donne pas toujours. Je demande pour recevoir; et; quand j'ai reçu, je demande encore. Je suis avide des bienfaits de Dieu; il ne cesse point de me donner, et je ne me lasse pas de recevoir. Plus je bois, plus j'ai soif, suivant ce que dit le Psalmiste : Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux 3. Tout le bien que nous avons en nous est un goût du Seigneur.

Quand je croirai être arrivé au comble de la vertu, je ne ferai encore que commencer; car la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse 4, mais l'amour bannit et détruit entièrement cette crainte.

Toute la perfection de l'homme consiste à savoir qu'il est imparfait. Et vous, disait le Christ, quand vous aurez tout accompli, dites alors: Nous sommes des serviteurs inutiles; ce que nous devions faire, nous l'avons fait 5. S'il est inutile celui qui a fait tout ce qu'il devait faire, que penser de celui qui n'a pu faire ce qu'on lui avait commandé ? Voilà pourquoi l'Apôtre dit qu'il n'a reçu qu'en partie ce qu'il espère, et qu'il n'a qu'en partie atteint le but auquel il aspire; qu'il n'est point encore parfait, et que, oubliant ce qu'il a fait déjà, il s'avance vers ce qui lui reste à faire.

Celui qui oublie toujours le passé, et qui soupire après l'avenir, montre bien qu'il n'est pas content des choses présentes.

Quant à ce qu'ils objectent à tort et à travers, que nous détruisons le libre arbitre…
______________________________________________________________________________________________

(1) I. Cor. IV. 7.(2) Rom. IX, 16.(1) Phil. II. 13. (2) Joan. V. 17.(3) Ps. XXXIII. 9.(4) Prov. I. 7.(5) Luc. XVII. 10.

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Message  Louis Lun 31 Mai 2021, 7:00 am


LETTRE XLIII.

Pages 71-73.

À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Quant à ce qu'ils objectent à tort et à travers, que nous détruisons le libre arbitre, qu'ils sachent, au contraire, que ce sont eux qui le détruisent, en abusant de leur liberté pour s'élever contre leur bienfaiteur. Lequel des deux anéantit le libre arbitre, ou de celui qui rend à Dieu de continuelles actions de grâces, et qui rapporte à la source tout ce qui coule dans son petit ruisseau , ou bien de celui qui dit : Éloignez-vous de moi, parce que je suis pur, je n'ai pas besoin de vous 1. Une fois, vous m'avez donné le libre arbitre pour faire ce que je veux; qu'est-il nécessaire que vous vous ingériez dans tout ce que je fais, comme si je ne pouvais rien faire sans votre secours ? Vous usez d'artifice, car vous prétendez ne reconnaître d'autres grâces que les grâces accordées à l'homme dans sa création, et vous voulez qu'il n'ait pas besoin du secours de Dieu pour chaque œuvre. Sans doute vous appréhendez que cette dépendance ne soit préjudiciable à votre libre arbitre; mais, en méprisant le secours de Dieu, vous recourez à celui des hommes.

Écoutez, je vous prie , écoutez ce raisonnement sacrilège. — Si je veux plier le doigt, remuer la main, m'asseoir, me tenir debout, marcher, me promener, cracher, me moucher, me décharger des superfluités de la nature, et uriner, ai-je besoin pour cela d'un continuel secours de Dieu ? Écoute, ingrat, écoute, sacrilège, ce que dit l'Apôtre: Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu 2. Et l'apôtre Jacques: A vous maintenant qui dites: Aujourd'hui ou demain nous partirons pour telle cité, nous y demeurerons un an, nous y trafiquerons, et nous y gagnerons, — quoique vous ne sachiez pas même ce qui arrivera demain. Car, qu'est-ce que votre vie ? une vapeur qui apparaît un peu de temps, qui s'évanouit ensuite,au lieu que vous devriez dire: S'il plait au Seigneur, et si nous vivons, nous ferons telle ou telle chose. Et vous, au contraire, vous vous élevez dans vos pensées orgueilleuses, toute cette présomption est fort mauvaise 1.

Vous croyez que c'est vous faire injure et détruire entièrement votre liberté, que d'avoir sans cesse recours à Dieu, qui est votre créateur, de dépendre toujours de sa volonté, et de dire: Mes yeux sont toujours tournés vers le Seigneur, parce que c'est lui qui dégagera mes pieds des filets où ils se trouvent 2. C'est ce qui vous rend assez téméraire pour prétendre que chacun se conduit par son libre arbitre. Si chacun se conduit par son libre arbitre, en quoi dépendrons-nous du secours de Dieu ? si l'homme n'a pas besoin du Christ pour se conduire, comment Jérémie a-t-il dit: L'homme n'est pas maître de ses voies; Et encore : C'est le Seigneur qui règle ses démarches 3 ?

Vous dites que les commandements de Dieu sont faciles à observer et cependant vous ne sauriez me produire un seul homme qui les ait remplis tous…
________________________________________________________________________________

(1) Is. LXV. 5.(2) I. Cor. X. 31.(1) Jacob. IV. 13-16. (2) Ps. XXIV. 15.(3) Jerem. X. 23.  

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Message  Louis Mar 01 Juin 2021, 6:52 am


LETTRE XLIII.

Pages 73-77.

À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Vous dites que les commandements de Dieu sont faciles à observer et cependant vous ne sauriez me produire un seul homme qui les ait remplis tous. Répondez-moi; sont-ils faciles, ou difficiles ? S'ils sont faciles ? montrez-moi quelqu'un qui les ait exactement observés, et expliquez-moi ce que David chante dans les psaumes: Vous faites des commandements pénibles 4.Et derechef: A cause des paroles de vos lèvres, j'ai marché en des voies bien rudes 5. Et ce que dit le Seigneur dans l'Évangile: Entrez par la porte étroite 1, — aimez vos ennemis 2, — priez pour ceux qui vous persécutent 3. Mais si ces préceptes sont difficiles, et si personne jamais ne les observa d'une manière inviolable, comment avez-vous osé dire qu'ils sont faciles ? Ne voyez-vous pas que vous êtes en contradiction avec vous-même? Car, ou bien ils sont faciles, et une infinité de personnes auront été fidèles à les accomplir; ou bien ils sont difficiles, et vous avez eu la témérité d'appeler facile ce qui est difficile à remplir.

Vous dites encore que les commandements de Dieu sont, ou praticables, et qu'alors c'est avec justice qu’il les a faits; ou impraticables, et qu'alors il faut blâmer, non pas ceux qui les ont reçus, mais celui qui a imposé une loi impraticable. Le Seigneur m'a-t-il ordonné de me rendre semblable à lui, de faire qu'il n'y ait aucune différence entre le Créateur et moi, de surpasser les anges en perfection, d'avoir ce que les anges n'ont pas? Ce n'est que du Sauveur qu'il est écrit: Il n’a commis aucun péché, et sa bouche n'a jamais été ouverte à la tromperie 4. Si cela m'est commun avec le Christ, qu'a-t-il eu de spécial ? Votre sentiment se détruit par lui-même.

Vous soutenez que l'homme, s'il le veut, peut être sans péché, et, après un profond sommeil, vous tâchez, mais en vain, d'ajouter, pour en imposer aux âmes simples, qu'il ne le peut sans la grâce du Seigneur. Si l’homme peut une fois par lui-même être sans péché, qu'est-il besoin de la grâce de Dieu ? mais s'il ne peut rien faire sans cette grâce, quelle nécessité de dire qu'il peut ce que réellement il ne peut pas ? II peut être sans péché, dites-vous; il peut être parfait, s'il le veut. Eh! quel est le chrétien qui ne désire pas d'être sans péché ou d'arriver à la perfection, s'il n'a qu'à le vouloir et si reflet ne dépend que de sa volonté? Il n'y a point de chrétien qui ne désire d'être sans péché; tous donc se trouveront sans péché, puisqu'il n'en est pas qui ne le désire. Vous ne sauriez vous tirer de là, car, puisqu'il vous est impossible de produire un seul homme qui ait vécu sans péché, ou que si vous en trouvez un, c'est chose rare, vous êtes forcé d'avouer que tous les hommes peuvent être sans péché.

Dieu a donné, dites-vous, des commandements qu'il est possible de remplir. Et qui donc nie cela ? …
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(4) Ps. XCIII. 20.(5) Ibid. XVI. 4.(1) Matt. VII. 13.(2) Luc. VI. 27. (3) Matth. V. 44.(4) I. Petr. II. 22..

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Message  Louis Mer 02 Juin 2021, 6:32 am


LETTRE XLIII.

Pages 77-81.

À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Dieu a donné, dites-vous, des commandements qu'il est possible de remplir. Et qui donc nie cela ? Mais la manière dont il faut entendre ces paroles, le vase d'élection nous l'explique très-clairement, lorsqu’il dit: Ce qu'il était impossible que la loi fit, la chair la rendant faible et impuissante, Dieu l'a fait lorsque, ayant envoyé son propre Fils revêtu d'une chair semblable à celle du péché, et victime pour le péché, il a condamné le péché dans la chair 1. Et derechef: Nul homme ne sera justifié devant Dieu par les œuvres de la loi 2.

De peur que vous ne croyiez que cela doit s'entendre de la loi de Moïse seulement, et non pas de tous les préceptes qui sont compris sous le nom de loi, le même Apôtre dit encore: Suivant l'homme intérieur, je trouve du plaisir dans la loi de Dieu,— mais je sens dans les membres de mon corps une autre loi qui combat contre la loi du péché qui est dans les membres de mon corps. — Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ?La grâce de Dieu, par Jésus-Christ notre Seigneur 1.

Ce qui lui a fait tenir ce langage il l'explique en ces termes : Nous savons que la loi est spirituelle, mais moi je suis charnel, étant vendu pour être assujetti au péché. — Aussi n'approuvé-je pas ce que je fais, parce que je ne fais pas le bien que je veux, et que je fais, au contraire, le mal que je hais.Or, si je fais ce que je ne veux pas, je consens à la loi et je reconnais qu'elle est bonne. — Et maintenant, ce n'est plus moi qui fais cela, mais c'est le péché qui habite en moi.Car je sais qu'en moi, c'est-à-dire, dans ma chair il n'y a rien de bon, parce que je trouve en moi la volonté de faire le bien, mais je ne trouve pas le moyen de l'accomplir. — Et je ne fais pas le bien que je veux; au contraire, je fais le mal que je ne veux pas. — Or, si je fais ce que je ne veux pas, ce n'est plus moi qui le fais, mais c'est le péché qui habite en moi 2.

Vous vous récrierez, puis vous direz que nous suivons les opinions des manichéens et de ceux qui, pour combattre l'Église, se disputent sur les natures diverses, affirmant qu'il est une nature mauvaise qui ne peut jamais changer. Ce n'est point à moi que vous devez attribuer ce sentiment, c'est à l'Apôtre qui sait qu'autre chose est Dieu, autre chose l'homme; autre chose la fragilité de la chair, autre chose la force de l'esprit. Car la chair a des désirs contraires à ceux de l'esprit, et l'esprit en a de contraires à ceux de la chair, et ils sont opposés l'un à l'autre, en sorte que nous ne pouvons faire ce que nous voulons 1.

Vous ne m’entendrez jamais dire qu'il y ait une mauvaise nature; mais ce qu'il faut penser de la fragilité de la chair, apprenons-le de l'Apôtre même...
__________________________________________________________________________________

(1) Rom. VIII. 3.(2) Ibid. III. 20.(1) Ibid. VII. 22-25.(2) Ibid. VII. 11-20. (1) Gal. V. 17.

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Message  Louis Jeu 03 Juin 2021, 6:56 am


LETTRE XLIII.

Page 81.
   
À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Vous ne m’entendrez jamais dire qu'il y ait une mauvaise nature; mais ce qu'il faut penser de la fragilité de la chair, apprenons-le de l'Apôtre même. Demandez-lui pourquoi il a dit : Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je hais, et quelle est cette nécessité qui s'oppose à ses désirs, cette puissance impérieuse qui le force à faire des actions dignes de sa haine, en sorte qu'il ne fait pas ce qu'il veut, mais qu'il est contraint de faire ce qu'il ne veut pas et ce qu'il hait? Il vous répondra: O homme, qui es-tu pour contester avec Dieu? Le vase d'argile dit-il au potier: Pourquoi m'avoir fait ainsi ? le potier n'a-t-il pas le pouvoir de faire d'une même masse d'argile un vase destiné à des usages honorables, et un autre vase destiné à des usages vils et honteux ? 2

Adressez au Seigneur un reproche plus outrageant; demandez pourquoi il a dit d'Ésaü, et de Jacob, même avant leur naissance: J'ai aimé Jacob et j'ai haï Ésaü 3. Accusez-le d'injustice, et demandez pourquoi, voulant punir Achan, fils de Charmi, qui avait enlevé quelque chose du butin de Jéricho, il extermina tant de milliers d'hommes ? 4 Pourquoi également, en punition des crimes des enfants d'Héli, l'Arche fut prise, et l'armée presque entièrement anéantie? 5 Pourquoi encore, à cause de la vanité de David, qui avait ordonné le dénombrement de son peuple, tant de milliers d'hommes périrent en Israël? 6

Demandez-lui enfin ce que votre ami Porphyrius a coutume de nous objecter,…
____________________________________________________________________________________

(2) Rom. IX. 20. 21.(3) Malach. I. 2. 3.(4) Jos. VII.(5) I. Reg. IV.(6) II. Reg. XXIV.  

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Message  Louis Ven 04 Juin 2021, 5:32 am


LETTRE XLIII.

Pages 81-85.

À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Demandez-lui enfin ce que votre ami Porphyrius a coutume de nous objecter, demandez-lui pourquoi, étant un Dieu bon et clément, il a laissé, depuis Adam jusqu'à Moïse, depuis Moïse jusqu'à l'avènement du Christ, périr toutes les nations qui ont vécu dans l'ignorance de sa loi et de ses préceptes; car la Bretagne, province fertile en tyrans, car les peuples écossais et toutes ces nations barbares qui habitent sur les rivages de l'Océan, ne connaissaient ni Moïse ni les prophètes ? Quelle nécessité de venir à la fin des temps, et pourquoi n'est-il pas venu avant que cette multitude prodigieuse d'hommes se fût perdue?

Le bienheureux apôtre, écrivant aux Romains, agite avec beaucoup de réserve cette question, puis avoue qu'il ne peut sonder le mystère et l'abandonne à la science de Dieu. Daignez aussi, vous, ignorer ce que vous demandez là. Laissez à Dieu sa puissance, il n'a pas besoin que vous preniez son parti. Moi misérable, qui dois être en butte à vos outrages, moi qui m'en tiens à ce que dit l'Écriture : Vous avez été sauvés par la grâce 1, et encore : Heureux ceux dont les iniquités leur sont pardonnées, et dont les péchés sont couverts 2; moi donc, si vous voulez que je vous avoue ma faiblesse, je vois beaucoup de choses que je désire faire, que je suis dans l'obligation de faire, et cependant je ne puis en venir à bout. La force de l'esprit me conduit à la vie, mais la fragilité de la chair me mène à la mort, et j'écoute ce que dit le Seigneur : Veillez et priez, de peur que vous n'entriez en tentation. L'Esprit est prompt, mais la chair est faible. 3

Vainement vous blasphémez, vainement vous criez aux oreilles des ignorants que nous nions le libre arbitre; qu'il soit anathème celui qui le nie. Au reste , ce n'est pas précisément le libre arbitre qui nous distingue des bêtes, puisqu'il a besoin, comme je l'ai dit, que Dieu l'aide et le soutienne à tout moment. C'est là ce que vous ne voulez pas nous accorder, prétendant, au contraire, que, lorsqu'une fois on a reçu le libre arbitre, on peut aisément se passer du secours de Dieu. Le libre arbitre rend libre la volonté, mais il ne nous donne pas le pouvoir de faire le bien immédiatement; ce pouvoir ne nous vient que de Dieu, qui n'a besoin d'aucun secours étranger.

Vous-même qui prétendez que l'homme peut s'élever à la perfection de la justice, et être aussi juste que Dieu, mais qui avouez néanmoins que vous êtes pécheur, dites-moi, voulez-vous être sans péché, ou ne le voulez-vous pas ?

Si vous le voulez, pourquoi n'en êtes-vous pas aussitôt exempt, puisque , selon vos principes, vous le pouvez. Si vous ne le voulez pas, vous faites voir que vous méprisez les commandements de Dieu. Si vous les méprisez, vous êtes pécheur; si vous êtes pécheur, écoutez le langage de l'Écriture : Dieu a dit au pécheur: Pourquoi racontes-tu mes justices, et as-tu sans cesse à la bouche les paroles de mon testament? Tu hais la discipline, et tu as rejeté mes paroles bien loin de toi 1.

En refusant d'accomplir la parole de Dieu, vous la rejetez derrière vous, et cependant vous venez, nouvel apôtre, prescrire au monde ce qu'il faut ou ne faut pas faire. Mais vous ne pensez pas ce que vous dites; il y a autre chose dans votre esprit. Car, en disant que vous êtes pécheur, et qu'il ne tient qu'à l'homme d'être sans péché, vous voulez nous donner à entendre que vous êtes saint et exempt de péché, mais que vous prenez par humilité le nom de pécheur, afin de louer les autres et de vous rabaisser vous-même.

Vous faites encore un autre argument qui n'est pas supportable…
___________________________________________________________________

(1) Eph. II. 8.(2) Ps. XXXI. 1(3) Matth. XXVI. 41; Marc. XIV. 38. (1) Ps. XLIX. 16.17.   

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Message  Louis Sam 05 Juin 2021, 6:20 am


LETTRE XLIII.

Pages 87-89.
   
À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Vous faites encore un autre argument qui n'est pas supportable. Vous dites donc qu'autre chose est d'être sans péché, autre chose de pouvoir être sans péché. Il ne dépend pas de nous en particulier d'être sans péché, mais on peut dire de tous les hommes en général qu'ils peuvent être sans péché, et, quoiqu'il ne se trouve personne qui en ait été exempt, néanmoins on peut s'en exempter, si l'on veut. Le beau raisonnement, n'est-ce pas, de dire que ce qui n'a jamais été peut exister cependant ! d'attribuer cette pureté de vie à un homme qui peut-être n'existera jamais, et d'accorder à je ne sais qui un avantage que ni les patriarches, ni les prophètes, ni les apôtres n'ont possédé !

Accommodez-vous à la simplicité de l'Église, ou plutôt à son ignorance et à sa grossièreté, comme vous dites. Exposez-nous vos sentiments; publiez à haute voix ce que vous enseignez secrètement à vos disciples. Vous qui vous flattez d'avoir votre libre arbitre, pourquoi ne déclarez-vous pas franchement ce que vous pensez? Vous parlez d'une manière dans le secret de la maison, et d'une autre en face du public. C'est que le vulgaire ignorant n'est pas mûr pour vos mystères, et qu'il ne saurait prendre une nourriture solide celui qui se contente du lait destiné à l'enfance.

Je n'ai point encore écrit contre vous, et déjà vous me menacez de la foudre de vos réponses, afin que, effrayé par cette appréhension, je n'ose point ouvrir la bouche, et vous ne vous apercevez pas que je n'écris que pour vous forcer à répondre, et à déclarer ouvertement ce que vous avez coutume de dire ou de taire, suivant le temps, les personnes ou les lieux.

Je ne veux pas que vous ayez la liberté de nier ce que vous avez une fois avancé dans vos écrits. C'est le triomphe pour l'Église que l'aveu sincère de vos sentiments; car, ou bien votre réponse sera conforme à notre doctrine, et alors vous serez, non pas nos adversaires, mais nos amis; ou bien elle lui sera contraire, et alors nous triompherons, en ce que toutes les Églises connaîtront vos pensées. Vous déclarer ouvertement, c'est nous donner la victoire.

Vos blasphèmes sautent aux yeux de tout le monde; il est inutile de réfuter une doctrine qui porte avec elle un caractère d'impiété. Vous me menacez d'une réponse; on ne peut l'éviter qu'en n'écrivant point. Comment savez-vous ce que j'ai à vous objecter, vous qui travaillez d'avance à la réponse ? Peut-être penserai-je comme vous, et ne vous servira-t-il à rien d'avoir aiguisé le fil de votre esprit.

Les Eunomiens, les Ariens, les Macédoniens, qui, sous des noms différents, professent une même impiété…

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Message  Louis Dim 06 Juin 2021, 6:21 am


LETTRE XLIII.

Pages 89-91.

À CTÉSIPHON, CONTRE PÉLAGE.

SUITE

Les Eunomiens, les Ariens, les Macédoniens, qui, sous des noms différents, professent une même impiété, ne nous donnent aucune peine, parce qu'ils disent ce qu'ils pensent. Il n'y a que cette hérésie qui rougisse de déclarer ouvertement ce qu'elle ne craint pas d'enseigner en secret.

Le silence des maîtres est assez expliqué par la rage des disciples; car ce que ceux-ci ont entendu dans les maisons, ils le prêchent sur les toits, afin que, si l'on approuve leur doctrine, la gloire en revienne aux maîtres, et que, si on la condamne, la honte en retombe sur le disciple, et non sur le maître. C'est par là que votre hérésie s'est étendue, et que vous avez séduit beaucoup de gens, les hommes particulièrement qui s'attachent aux femmes, et savent qu'ils ne peuvent pas pécher. Puisque toujours vous enseignez, que  toujours vous désavouez votre doctrine, vous méritez qu'on vous applique ces paroles du prophète: Donnez-leur la gloire, ô Seigneur, d'avoir conçu et mis au monde des enfants. Que leur donnerez-vous ?  donnez-leur un sein stérile et des mamelles desséchées 1.

Mon esprit s'enflamme et je ne saurais me taire, mais cependant les bornes étroites d'une lettre ne me permettent pas de m'étendre beaucoup sur ce sujet. Dans cet opuscule, je ne nomme personne, à proprement parler. Je n'en veux qu'à l'auteur de cette doctrine impie. S'il s'emporte et s'il me répond, il se trahira lui-même, comme fait la souris Note (11), et il recevra de plus larges blessures dans un combat sérieux.

Pendant les longues années que j'ai vécu depuis mon enfance jusqu'à présent, j'ai composé plusieurs ouvrages, et toujours je me suis étudié à ne dire que ce que j'avais entendu prêcher publiquement dans l'Église. Aux vains raisonnements des philosophes j'ai préféré la simplicité des apôtres, sachant qu'il est écrit: Je détruirai la sagesse des sages, et je réprouverai la science des savants 2. Et encore : La folie de Dieu l'emporte sur la sagesse humaine 3.

Puisqu'il en est ainsi, j'engage mes ennemis à examiner tous mes ouvrages d'un bout à l'autre, puis, s'ils y trouvent quelque chose de répréhensible, à le déclarer hautement. Ou le contenu sera bon, et alors je m'opposerai à leur censure; ou il sera blâmable, et je confesserai mon erreur, aimant mieux me corriger de mes fautes que de persévérer dans de mauvais sentiments.

Vous donc, merveilleux docteur, soutenez ce que vous avez avancé…
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(1) Osée. IX. 11. 14.(2) I. Cor. I. 19.(2) Ibid. 25.

Note (11):  COMME LE FAIT LA SOURIS. — L'auteur a emprunté ce proverbe à Térence:

Egomet meo indicio, quasi sorex, hodie perii.

ENN. Act. V. Sc. 7.


« Sorex, dit un commentateur, non facile caperetur, nisi emitteret vocem noctu. »

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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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