L'âme humaine est-elle immortelle ?

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Message  Louis Dim 18 Fév 2018, 6:22 am

ARTICLE 3.

Les choses les plus universelles sont-elles antérieures
dans notre connaissance intellectuelle à celles qui le sont le moins ? (1)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que les choses les plus universelles n'existent pas les premières dans notre connaissance intellectuelle. Car ce qu'il y a de premier et de plus connu dans l'ordre de la nature est ce qu'il y a de postérieur et de moins connu par rapport à nous. Or, les choses universelles sont les premières dans l'ordre de la nature. Donc elles sont les dernières dans l'ordre de nos connaissances.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que l'universel peut se considérer sous un double aspect :

1° On peut comprendre par là la nature universelle et l'idée d'universalité simultanément considérées. L'idée d'universalité qui met un seul et même objet en rapport avec beaucoup de choses, étant une abstraction de l'intellect, il faut que dans ce sens l'universel soit postérieur aux autres connaissances.

Aussi Aristote dit ( De animâ, lib. I, text. 8 ) que l'animal universel n'est rien, ou que c'est une conception postérieure aux autres.

D'après Platon, qui faisait des universaux des substances, l'universel ainsi considéré était antérieur à tous les objets particuliers, parce qu'il prétendait que ceux-ci n'existaient qu'autant qu'ils participaient aux universaux qu'il appelait des idées.

2° On peut considérer l'universel par  rapport à la nature elle-même, par exemple de l'animalité ou de l'humanité, telle qu'elle existe dans les individus. Alors il faut distinguer deux sortes d'ordre naturel.

D'abord, l'ordre de la génération et du temps d'après lequel ce qui est imparfait et ce qui est en puissance a la priorité. On voit tout particulièrement dans la génération de l'homme et de l'animal que ce qu'il y a de plus général dans la nature existe tout d'abord. Ainsi l'animal est engendré avant l'homme, comme le dit Aristote (De Gen. anim. lib. II, cap. 3).

II y a ensuite l'ordre de perfection, celui que la nature a pour but; c'est ainsi que l'acte est absolument antérieur à la puissance, que le parfait précède l'imparfait. Dans ce sens ce qu'il y a de moins général a naturellement la priorité sur ce qui l'est davantage ; l'homme est avant l'animal. Car la nature n'a pas pour but d'engendrer un animal, mais un homme (1).

DIFFICULTÉ: 2. Les êtres composés sont par rapport à nous antérieurs aux êtres simples. Or, les choses universelles sont les plus simples. Donc nous les connaissons postérieurement aux autres.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que l'universel le plus général est, par rapport à celui qui l'est moins, tout et partie.

Il en est le tout dans le sens que l'universel le plus général ne comprend pas seulement en puissance l'universel qui a moins d'extension ; mais il en comprend encore d'autres. Ainsi l'animal ne comprend pas seulement l'homme, mais encore le cheval.

Il en est la partie dans le sens que l'universel le moins général renferme dans son essence non-seulement l'universel qui est plus général que lui, mais encore d'autres choses. Ainsi l'homme n'est pas seulement un animal, mais il est encore raisonnable. Par conséquent, l'animal considéré en lui-même existe dans notre connaissance antérieurement à l'homme, mais nous connaissons l'homme avant de connaître l'animal comme faisant partie de sa nature.

DIFFICULTÉ 3:
__________________________________________________________________________________

(1) Cet article détermine l’ordre de nos idées, en montrant comment nous allons du général au particulier. (1) Tout cet article est un modèle d'analyse, et les observations de la science actuelle n'auraient rien à y ajouter.

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Message  Louis Lun 19 Fév 2018, 7:41 am

ARTICLE 3.

Les choses les plus universelles sont-elles antérieures
dans notre connaissance intellectuelle à celles qui le sont le moins ? (1)

DIFFICULTÉS (suite)


DIFFICULTÉ: 3. Aristote dit (Phys. lib. I, text. 5) que nous connaissons l'objet défini avant les parties de sa définition. Or, les choses les plus universelles entrent dans la définition de celles qui le sont le moins. Ainsi l'animal est une partie de la définition de l'homme. Donc nous ne connaissons les choses universelles que d'une connaissance postérieure.

SOLUTION: 3. Il faut répondre au troisième, qu'on peut connaître les parties d'un tout de deux manières :

1° D'une manière absolue, suivant ce qu'elles sont en elles-mêmes. Dans ce cas rien n'empêche de connaître les parties avant le tout lui-même. Ainsi on peut connaître les pierres avant l'édifice dont elles doivent faire partie.

2º On peut les connaître comme parties d'un tout, et alors il est nécessaire de connaître le tout avant les parties. Nous avons en effet la connaissance vague d'un édifice avant d'en distinguer toutes les pièces. On doit donc dire que les éléments d'une définition sont connus absolument en eux-mêmes avant l'objet défini, autrement ils ne serviraient pas à le faire connaître ; mais si on les considère comme les parties de sa définition, on ne les connaît à ce titre qu'après l'objet défini. Car nous connaissons l'homme d'une manière vague avant de savoir tout ce qui est de son essence (2).

DIFFICULTÉ: 4. Nous nous élevons aux causes et aux principes par les effets. Or, les choses universelles sont des principes.
Donc nous ne les connaissons que postérieurement.

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, que l'universel, pris pour une idée générale, est à la vérité un principe de connaissance sous un rapport, dans le sens que l'idée générale est une conséquence du mode de l'intellect qui agit par abstraction. Mais il n'est pas nécessaire que tout principe de connaissance soit un principe d'existence, comme l'a prétendu Platon, puisque nous connaissons quelquefois la cause par l'effet, la substance par les accidents.

Aussi l'universel ainsi compris n'est d'après Aristote ni le principe de l'être, ni sa substance (Met. lib. VII, text. 45). Mais si nous considérons la nature même du genre et de l'espèce telle qu'elle existe dans les individus, l'universel est, par rapport aux êtres individuels, une sorte de principe formel.

Car l'individu existe à cause de la matière, tandis que la nature de l'espèce se prend de la forme. Mais la nature du genre comparée à la nature de l'espèce remplit plutôt une fonction analogue à celle du principe matériel ; parce que la nature du genre se prend de ce qu'il y a de matériel dans l'objet, tandis que la nature de l'espèce se prend de ce qu'il y a de formel; ainsi la sensibilité est de l'essence de l'animal, tandis que l'intelligence est de l'essence de l'homme.

De là il arrive que le but dernier de la nature a pour objet l'espèce, mais qu'il ne se rapporte ni à l'individu, ni au genre. Car la forme est la fin de la génération, et la matière existe à cause de la forme. Mais il n'est pas nécessaire que la connaissance d'un principe ou d'une cause soit postérieure par rapport à nous, puisque tantôt nous connaissons par des causes sensibles des effets inconnus, et tantôt nous remontons des effets que nous connaissons aux causes que nous ne connaissons pas.

CEPENDANT, Aristote dit (Phys. lib. I, text. 4) qu'il faut aller du général au particulier.

CONCLUSION :…
___________________________________________________________________________

(1) Cet article détermine l’ordre de nos idées, en montrant comment nous allons du général au particulier. (2) On voit d'abord l'objet d'une manière générale, on en fait ensuite une analyse raisonnée et on le reconstitue par une synthèse savante.

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Message  Louis Mar 20 Fév 2018, 6:36 am

ARTICLE 3.

Les choses les plus universelles sont-elles antérieures
dans notre connaissance intellectuelle à celles qui le sont le moins ? (1)

SUITE

CONCLUSION : Les choses universelles et générales sont ce qu'il y a d'antérieur dans l'ordre de nos connaissances intellectuelles et sensitives.

Il faut répondre que dans nos connaissances intellectuelles il y a deux choses à considérer :

1° Toute connaissance intellectuelle provient en nous de quelque manière d'une connaissance sensitive ; et comme les sens se rapportent aux objets particuliers, tandis que l'intellect perçoit ce qui est universel, il en résulte nécessairement que par rapport à nous la connaissance des choses particulières est antérieure à celle des choses générales.

2° Il faut observer que notre intellect passe de la puissance à l'acte. Or, tout ce qui passe de la puissance à l'acte en est à l'acte incomplet qui tient le milieu entre la puissance et l'acte avant d'arriver à l'acte parfait.

L'acte parfait, pour l'intellect, est la science complète qui nous fait connaître les choses distinctement et qui en détermine la nature. L'acte incomplet est la science imparfaite qui embrasse toutes choses indistinctement avec une certaine confusion. Ce que l'on connaît de la sorte on le connaît en acte sous certains rapports et on ne le connaît qu'en puissance sous d'autres.  

C'est ce qui fait dire à Aristote (Phys. lib. I, text. 3) qu'au premier aspect les choses nous paraissent confuses, mais que nous en acquérons ensuite la connaissance en distinguant les principes et les éléments qui les constituent.

Or, il est évident que quand on connaît une chose qui se compose de plusieurs parties, sans avoir une notion exacte de chacune de ces parties, on ne connaît cette chose que d'une manière confuse. On peut ainsi connaître un tout universel qui est divisible en puissance aussi bien qu'un tout intégral (1) ; car l'un et l'autre ne sont connus que confusément quand on ne connaît pas distinctement leurs parties.

Or, pour connaître distinctement ce qu'un tout universel renferme, il faut avoir connaissance d'une chose moins générale. Ainsi, connaître l'animal indistinctement c'est le connaître exclusivement comme tel, et le connaître distinctement c'est le connaître en tant que raisonnable ou déraisonnable, c'est savoir qu'il est homme ou lion.

La connaissance de l'animal en général est donc antérieure dans notre intellect à celle de l'homme.

D'ailleurs nous pouvons faire le même raisonnement si nous comparons ce qu'il y a de plus universel à ce qui l'est moins. Car les sens passant de la puissance à l'acte de la même manière que l'intellect, les connaissances sensitives sont soumises au même ordre que les connaissances intellectuelles.

En effet, par les sens nous jugeons ce qu'il y a de plus général avant ce qui l'est moins, sous le double rapport de l'espace et du temps. D'abord par rapport à l'espace ; ainsi quand on voit de loin un objet, on aperçoit que c'est un corps avant de savoir que c'est un animal ; on sait que c'est un animal avant de distinguer si c'est un homme, et on distingue que c'est un homme avant de pouvoir dire si c'est Socrate ou Platon. Ensuite par rapport au temps ; car l'enfant commence par distinguer l'homme de ce qui n'est pas lui, et il connaît l'homme en général avant de distinguer les individus.

C'est pour cette raison que les enfants donnent d'abord à tous les hommes le nom de pères et qu'ils les distinguent ensuite les uns des autres. La raison de ce fait n'est pas difficile à saisir. Il en est ainsi parce que celui qui sait une chose confusément est encore en puissance relativement à la connaissance des principes qui la distinguent, comme celui qui connaît le genre est en puissance par rapport à la connaissance de la différence. D'où il est évident que la connaissance confuse tient le milieu entre la puissance et l'acte.

Il faut donc dire que la connaissance des objets particuliers est par rapport à nous antérieure à celle des choses universelles, comme la connaissance sensitive est antérieure à la connaissance intellectuelle. Mais pour les sens aussi bien que pour l'intellect la connaissance la plus générale est antérieure à celle qui l'est moins.
___________________________________________________________________________

(1) Cet article détermine l’ordre de nos idées, en montrant comment nous allons du général au particulier. (1) Le tout universel se divise en parties essentielles ou de raison, c’est ainsi que l’objet défini se divise selon les parties de sa définition : le tout intégral est le tout composé qui se divise en parties réelles, comme une ligne, une maison.

A suivre : Article 4. Pouvons-nous comprendre plusieurs choses à la fois ?

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Message  Louis Mer 21 Fév 2018, 6:36 am

ARTICLE 4.

Pouvons-nous comprendre plusieurs choses à la fois? (1)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que nous puissions comprendre plusieurs choses à la fois. Car l'intellect est au-dessus du temps, et ces mots avant, après sont des dénominations qui appartiennent au temps. Donc l'intellect ne perçoit pas successivement les choses diverses, mais il les comprend simultanément.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que l'intellect est supérieur au temps qui est le nombre ou la mesure du mouvement des choses corporelles. Mais la pluralité des espèces intelligibles produit elle-même dans les opérations de l'intellect une succession qui fait que l'une de ces opérations est antérieure à l'autre. Saint Augustin donne à cette succession le nom de temps quand il dit que Dieu meut dans le temps la créature spirituelle (Sup. Gen. ad  litt. lib. VIII, cap. 20 et 22).

DIFFICULTÉ: 2. Rien n'empêche que des formes diverses et non opposées existent simultanément dans le même être ; ainsi une pomme a tout à la fois de l'odeur et de la couleur. Or, les espèces intelligibles ne sont pas opposées. Il ne répugne donc pas que le même intellect soit simultanément en acte par rapport à diverses espèces intelligibles, et que par conséquent il puisse comprendre plusieurs choses à la fois.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que non-seulement les formes opposées ne peuvent être dans le même sujet, mais que des formes qui sont du même genre ne peuvent pas s'y trouver non plus quand même elles ne seraient pas opposées. C'est ce qui résulte évidemment de l'exemple que nous avons emprunté aux couleurs et aux figures (in corp. art.).

DIFFICULTÉ: 3. L'intellect comprend simultanément un tout quelconque, comme un homme, une maison. Or, un tout, quel qu'il soit, renferme plusieurs parties. Donc l'intellect comprend simultanément plusieurs choses.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, qu'on peut comprendre les parties d'un tout de deux manières :

1° D'une manière confuse, c'est-à-dire quand on les comprend dans le tout. C'est ainsi qu'on les connaît par l'espèce qui représente le tout, et qui les fait connaître simultanément avec lui.

2° D'une manière distincte quand on connaît chacune d'elles par l'espèce qui lui est propre, et alors on ne les connaît pas en même temps que le tout.

DIFFICULTÉ: 4. On ne peut connaître la différence qu'il y a entre deux choses, si on ne les saisit l'une et l'autre à la fois, comme le dit Aristote (De animâ, lib. I, text. 145 et 146). On peut faire la même observation à l'égard de toute espèce de comparaison. Or, notre intellect connaît la différence qu'il y a entre une chose et une autre. Donc il connaît plusieurs choses simultanément.

SOLUTION : 4. II faut répondre au quatrième, que quand l'intellect comprend la différence ou le rapport d'une chose à une autre, il connaît les deux choses qui diffèrent ou qui se ressemblent sous le rapport de leur ressemblance ou de leur différence (1), comme il connaît les parties sous le rapport du tout.

CEPENDANT,  Aristote dit (Top. lib. II, cap. 4) que l'intelligence est une, mais que la science est multiple.

CONCLUSION :…
_________________________________________________________________________

(1) Saint Thomas s'est fait la même question à l'égard des anges (quest. LVIII, art. 2), et il la résout ici d'après les mêmes principes.(1) Il ne les connait pas selon leurs propres espèces, mais il les connaît selon leur propre différence.

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Message  Louis Jeu 22 Fév 2018, 6:56 am

ARTICLE 4.

Pouvons-nous comprendre plusieurs choses à la fois? (1)

SUITE

CONCLUSION : Le même intellect ne peut comprendre plusieurs choses à la fois sous plusieurs formes diverses, mais il le peut sous une forme unique, c'est-à-dire sous une seule et même espèce.

Il faut répondre que l'intellect peut comprendre plusieurs choses sous une forme unique, mais qu'il ne peut les comprendre sous des formes diverses. Par forme unique et par formes diverses j'entends une seule ou plusieurs espèces intelligibles. Car le mode de l'action est la conséquence de la forme qui en est le principe. Ainsi l'intellect peut comprendre simultanément tout ce qu'il peut embrasser sous une seule et même espèce. De là il résulte que Dieu voit tout simultanément par l'unité qui est son essence.

Ce que l'intellect comprend par des espèces diverses, il ne le voit pas en même temps. La raison en est que le même sujet ne peut pas plus être perfectionné par l'application simultanée de formes du même genre mais d'espèces diverses, que le même corps ne peut recevoir à la fois et en même temps des couleurs ou des figures différentes. Or, toutes les espèces intelligibles sont du même genre, parce qu'elles sont toutes des perfections de la même faculté intellectuelle, bien que les choses qu'elles représentent soient de divers genres. Il est donc impossible que le même intellect soit simultanément perfectionné par des espèces intelligibles diverses, et qu'il comprenne ainsi plusieurs choses différentes en même temps.
_______________________________________________________________

(1) Saint Thomas s'est fait la même question à l'égard des anges (quest. LVIII, art. 2), et il la résout ici d'après les mêmes principes.

A suivre : Article 5. Notre intellect comprend-il en composant et en divisant ?

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Message  Louis Ven 23 Fév 2018, 6:58 am

ARTICLE 5.

Notre intellect comprend-il en composant et en divisant ?  (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que notre intellect ne comprenne pas en composant et en divisant. Car pour la composition et la division il faut plusieurs choses. Or, notre intellect ne peut comprendre plusieurs choses à la fois. Donc il ne peut comprendre en composant et en divisant.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que la composition ou la division a lieu dans l'intellect, suivant la différence ou la ressemblance qu'il trouve entre les objets. Par conséquent l'intellect connaît plusieurs choses quand il compose ou quand il divise, de la même manière que quand il saisit une différence ou une ressemblance entre des idées diverses.

DIFFICULTÉ: 2. Toute composition et toute division se rattache au temps présent, passé ou futur. Or, l'intellect fait abstraction du temps comme de toutes les autres conditions particulières. Donc il ne comprend pas en composant et en divisant.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que l'intellect fait abstraction des images sensibles et qu'il ne comprend cependant actuellement qu'autant qu'il a recours à elles, comme nous l'avons dit (art. 1 huj. quæst. et quest. LXXXIV, art. 7). Comme il est obligé de se mettre en rapport avec ces images sensibles, c'est sous ce point de vue que sa composition et sa division se rattachent au temps.

DIFFICULTÉ: 3. L'intellect comprend en s'assimilant les objets. Or, la composition et la division ne sont rien dans les choses; car on ne trouve en elles que ce qu'expriment le prédicat et le sujet, qui d'ailleurs sont une seule et même chose si la composition est vraie. Car l'homme est véritablement ce qu'est l'animal. Donc l'intellect ne compose ni divise.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième , que l'image de la chose est reçue dans l'intellect suivant la manière d'être de l'intellect et non selon le mode de la chose elle-même. Par conséquent, il y a à la vérité du côté de l'objet perçu quelque chose qui répond à la composition et à la division de l'intellect, mais cette composition et cette division ne sont pas dans la réalité ce qu'elles sont dans notre esprit. Car l'objet propre de l'entendement humain est la quiddité ou l'essence de la chose matérielle qui tombe sous les sens et l'imagination.

Or, dans les choses matérielles il y a deux sortes de composition.

La première est celle de la forme et de la matière ; c'est à elle que correspond la composition de l'intellect qui affirme des parties le tout qui est universel. Car le genre se prend de la matière générale, la différence qui détermine l'espèce se prend de la forme, et le particulier vient de la matière individuelle.

La seconde composition est celle de l'accident et du sujet. A celle-ci se rapporte la composition de l'intellect par laquelle on affirme l'accident du sujet, comme quand on dit qu'un homme est blanc.

Cependant la composition de l'intellect diffère de celle qui existe en réalité. Car les choses qui sont réellement composées sont diverses, tandis que la composition de l'intellect est le signe de l'identité des éléments qu'elle associe. En effet l'intellect ne compose pas de manière à dire que l'homme est la blancheur, mais il dit que l'homme est blanc, c'est-à-dire qu'il a la blancheur.

C'est le même sujet qui est homme et qui a la blancheur. Il en est de même de la composition de la forme et de la matière. Car le mot animal désigne ce qui a la nature sensitive, le mot raisonnable ce qui a la nature intellectuelle, le mot homme ce qui à l'une et l'autre, et le nom de Socrate l'individu qui a tous ces caractères réunis en la matière individuelle (1). D'après ce rapport d'identité, notre intellect compose en faisant de l'une de ces choses le prédicat de l'autre.

CEPENDANT, D'après Aristote (Perih. lib. I, cap. l), les mots expriment les conceptions de l'intellect. Or, dans le langage il y a composition et division, comme on le voit évidemment dans les propositions affirmatives et négatives. Donc l'intellect compose et divise.

CONCLUSION :…
_____________________________________________________________________

(2) Nous avons déjà déterminé le sens de ces mots, à l’occasion des anges (Voy. quest. LVIII, art. 3 et 4). (1) C’est ce qui constitue ce que nous appelons la personnalité.

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Message  Louis Sam 24 Fév 2018, 7:12 am

ARTICLE 5.

Notre intelligence connaît-elle en composant et en divisant? (2)

SUITE

CONCLUSION : L'entendement humain n'ayant pas immédiatement à la première vue une connaissance parfaite des choses comme l'entendement divin et l'entendement angélique, il est nécessaire qu'il comprenne en composant, en divisant et en raisonnant.

Il faut répondre que l'intellect humain comprend nécessairement en composant et en divisant. Car puisqu'il passe de la puissance à l'acte, il a une certaine analogie avec les êtres engendrés qui n'ont pas immédiatement leur perfection, mais qui l'acquièrent successivement. De même l'entendement humain n'a pas immédiatement à la première vue une connaissance parfaite des choses. Il en saisit d'abord la quiddité, par exemple, parce que la quiddité ou l'essence des êtres est son objet premier et son objet propre.

Ensuite il en comprend les propriétés, les accidents et toutes les relations qui se rapportent à l'essence de la chose. Ainsi, il est contraint de combiner entre elles ses différentes perceptions, de les composer et de les diviser, et de procéder d'une composition et d'une division à une autre composition et à une autre division, ce qui constitue le raisonnement.

L'entendement angélique et l'entendement divin sont comme les choses incorruptibles qui arrivent à l'apogée de leur perfection immédiatement dès le commencement de leur existence. C'est pourquoi ils ont immédiatement une connaissance parfaite de toutes choses. En connaissant la quiddité d'un être ils savent en même temps tout ce que nous pouvons connaître en composant, en divisant et en raisonnant.

L'entendement humain connaît donc en composant et en divisant, comme en raisonnant. L'entendement divin et l'entendement angélique connaissent à la vérité la composition, la division et le raisonnement, non en composant, en divisant et en raisonnant, mais par la simple intuition de l'essence des êtres.
________________________________________________________________

(2) Nous avons déjà déterminé le sens de ces mots, à l’occasion des anges (Voy. quest. LVIII, art. 3 et 4).
A suivre : Article 6. L’entendement peut-il être faux ?

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Message  Louis Dim 25 Fév 2018, 6:39 am

ARTICLE 6.

L’entendement peut-il être faux ? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'intellect puisse être faux. Car Aristote dit ( Met. lib. VI, text. 8 ) que le vrai et le faux sont dans l'esprit. Or, l'esprit et l'intellect sont une seule et même chose, comme nous l'avons dit quest. LXXIX, art. 1). Donc l'erreur peut exister dans l'entendement.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, qu'on dit que l'erreur est dans l'esprit par suite de la composition et de la division.

DIFFICULTÉ: 2. L'opinion et le raisonnement se rapportent à l'intellect. Or, ces deux opérations sont l'une et l'autre susceptibles d'erreur. Donc l'intellect peut aussi se tromper.

SOLUTION : 2. Il faut répondre de même au second, à propos de l'opinion et du raisonnement : [n.d.l.r. : à savoir que] l'erreur est dans l'esprit par suite de la composition et de la division.

DIFFICULTÉ: 3.  Le péché existe dans la partie intellectuelle de l'âme. Or, le péché suppose l'erreur, comme le dit la sainte Écriture (Prov.XIV, 22) : Ils errent ceux qui font le mal. Donc l'entendement peut commettre une erreur.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que l'erreur de ceux qui pèchent consiste dans le dérèglement de leurs appétits. Mais l'intellect ne se trompe jamais en considérant absolument l'essence des choses et les objets qu'elle peut lui faire connaître. Tel est le sens des passages de saint Augustin et d'Aristote cités (n.d.l.r. dans le CEPENDANT).   

CEPENDANT, Saint Augustin dit (Quæst. lib. LXXXIII, quæst. 32) : Tout homme qui se trompe n'a pas l'intelligence de la chose sur laquelle il se trompe. Aristote dit aussi (De animâ, lib. III, text. 81) que l'intellect est toujours vrai.

CONCLUSION :…
_________________________________________________________

(2) en recherchant le criterium de nos connaissances, les philosophes modernes ont traité cette même question.

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Message  Louis Lun 26 Fév 2018, 6:47 am

ARTICLE 6.

L’entendement peut-il être faux ? (2)

SUITE

CONCLUSION : L'essence de la chose étant l'objet propre de l'intellect, il n'est jamais dans l'erreur par rapport à elle, sinon par accident, suivant l'influence qu'exercent sur lui la composition, la division et le raisonnement qui le trompent quelquefois.


Il faut répondre que sous ce rapport Aristote compare l'intellect aux sens ( De animâ, lib. III, text. 26). Car les sens ne se trompent point à l'égard de leur objet propre (3). Ainsi, la vue ne se trompe à l'égard de la couleur qu'accidentellement par suite d'un obstacle que l'organe rencontre ; de même le goût chez les fiévreux juge amer ce qui est doux, parce que la langue est chargée d'humeurs fétides. A l'égard des objets sensibles dont la connaissance dépend de plusieurs sens la vue se trompe. Elle se trompe, par exemple, sur la grandeur de la figure, comme quand elle suppose que le soleil n'a qu'un pied de diamètre tandis qu'il est plus gros que la terre. Elle se trompe encore davantage quand elle juge des objets sensibles par accident, comme quand elle prend du fiel pour du miel parce qu'il a la même couleur. La raison de ce phénomène provient évidemment de ce que chaque puissance se rapporte par elle-même à l'objet qui lui est propre. Et comme la puissance et son objet sont toujours dans le même rapport, il s'ensuit que tant que la puissance existe, elle ne manque pas de porter un jugement exact sur son objet.

Or, l'objet propre de l'intellect est la quiddité ou l'essence de la chose. Par conséquent l'intellect n'erre pas relativement à cette essence. Il ne peut errer que sur les circonstances qui l'environnent, quand il met une chose en rapport avec une autre, soit en composant, soit en divisant, soit en raisonnant.

C'est pourquoi il ne peut se tromper sur les propositions qui sont connues aussitôt qu'on connaît la nature de leurs termes, comme il en est des premiers principes dont les conséquences sont également certaines quand elles sont logiquement déduites. Il peut cependant arriver par accident que l'intellect se trompe sur l'essence des choses composées.

L'erreur ne provient pas de l'organe, parce que l'intellect n'est pas une puissance qui se sert d'organe, mais elle résulte de la composition qui a lieu à propos de la définition, comme quand on applique faussement la définition d'une chose à une autre, la définition du cercle, par exemple, à un triangle, ou quand une définition est fausse en elle-même et qu'elle implique la réunion d'éléments impossibles, si on définissait, par exemple, un être quelconque, un animal raisonnable qui a des ailes (1). Mais pour les choses simples dont la définition ne suppose aucune composition, il n'y  a pas possibilité de se tromper. Nous ne pouvons être alors en défaut, comme le dit Aristote (Met. lib. IX, text. 22), qu'en n'embrassant pas la chose dans toute son étendue.
_________________________________________________

(2) en recherchant le criterium de nos connaissances, les philosophes modernes ont traité cette même question. (3) Ce principe a été trop souvent méconnu, et c'est ce qui a permis à M. de Lamennais et à plusieurs autres de battre en brèche toutes les connaissances humaines, pour arriver au scepticisme. (1) D'après cet exemple, on voit que, selon la remarque d'Aristote, l'erreur consiste dans la combinaison des pensées, et non dans la perception de l'intellect.

A suivre : Article 7. La même chose peut-elle être mieux comprise par les uns que par les autres ?

_________________
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Message  Louis Mar 27 Fév 2018, 6:56 am

ARTICLE 7.

La même chose peut-elle être mieux comprise par les uns que par les autres ?  (2)

DIFFICULTÉ: 1. 1. Il semble que la même chose ne puisse pas être mieux comprise par les uns que par les autres. Car saint Augustin dit (Quæst. lib. LXXXIII, quæst. 32) : « Quiconque comprend une chose autrement qu'elle n'est ne la comprend pas. C'est pourquoi il n'y a pas lieu de douter que l'intelligence ne soit parfaite et que rien ne puisse lui être supérieur ; c'est aussi pour ce motif qu'une chose ne peut être comprise indéfiniment, et que l'un ne peut pas la comprendre mieux qu'un autre. »

SOLUTION : 1. La réponse au premier argument ressort évidemment de ce qui vient d'être dit. (n.d.l.r. : Voir la conclusion demain.)

DIFFICULTÉ: 2. L'intellect en comprenant est vrai. Or, la vérité étant l'égalité ou l'équation de l'intellect et de la chose, n'est susceptible ni de plus, ni de moins. Car on ne dit pas à proprement parler qu'une chose est plus ou moins égale. Donc on ne peut admettre de degré dans l'intelligence et dire qu'on comprend plus ou moins.

SOLUTION : 2. Il en est de même de la réponse au second (n.d.l.r. : Voir la conclusion demain.). Car la vérité de l'intellect consiste en ce qu'il comprend les choses comme elles sont.

DIFFICULTÉ: 3. L'intellect est ce qu'il y a dans l'homme de plus formel. Or, la différence de la forme produit la différence de l'espèce. Si donc un homme comprend mieux qu'un autre, il semble qu'ils ne soient pas de la même espèce.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que la différence de la forme, qui ne provient que de la disposition diverse de la matière, n'établit pas une différence dans l'espèce, mais seulement dans le nombre. Car les divers individus ont des formes différentes en raison de la diversité de la matière dont ils sont formés.

CEPENDANT, L'expérience est là pour nous apprendre qu'il y a des hommes qui comprennent plus profondément que d'autres. Ainsi celui qui peut ramener immédiatement une conséquence quelconque aux premiers principes et aux premières causes a une intelligence plus profonde que celui qui ne peut les ramener qu'aux causes les plus prochaines.

CONCLUSION :…
__________________________________________________________________________

(2) Les principes établis dans cet article, relativement à l'ordre naturel, donnent l'explication de la différence qu'il y a entre les élus qui voient Dieu, et par là même l'intelligence de ces paroles : Multæ sunt mansiones, etc.

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Message  Louis Mer 28 Fév 2018, 7:23 am

ARTICLE 7.

La même chose peut-elle être mieux comprise par les uns que par les autres ?  (2)

SUITE

CONCLUSION : La même chose peut être comprise mieux par les uns que par les autres, non pas objectivement, mais subjectivement, c'est-à-dire en raison de l'intelligence plus ou moins grande de ceux qui la comprennent, ce qui est une conséquence de la disposition de leur âme.

Il faut répondre que quand on dit que la même chose peut être mieux comprise par les uns que par les autres, cette proposition a deux sens :

1° Le mot mieux peut se rapporter à la chose même que l'on comprend. En ce sens la même chose ne peut pas être mieux comprise de l'un que de l'autre. Car si on la comprenait autrement qu'elle n'est, mieux ou pire, on se tromperait également; par conséquent on ne la comprendrait pas, comme le dit saint Augustin.

— 2° Le mot mieux peut se rapporter au sujet qui comprend. Alors la même chose peut être comprise par l'un mieux que par l'autre, en raison de la diversité de leur intelligence. Ainsi celui qui a la vue la meilleure et les organes les mieux disposés voit plus parfaitement les choses corporelles. Cette différence à l'égard de l'intelligence peut avoir une double cause. Elle provient d'abord de l'intellect lui-même qui est plus parfait.

Car il est évident que mieux un corps est constitué et plus il y a de capacité dans l'âme qui lui est destinée. C'est une loi qu'on peut surtout vérifier en examinant les choses qui ne sont pas de même espèce. La raison en est que l'acte et la forme sont toujours proportionnés à la capacité de la matière qui les reçoit.

Par conséquent, puisque parmi les hommes il y en a dont le corps est mieux disposé, il est naturel qu'il y en ait aussi dont l'âme soit plus intelligente. Aristote dit (De animâ, lib. II, text. 94) que ceux qui ont la chair molle ont plus d'aptitude du côté de l'esprit (1).

— Une autre cause de cette différence existe dans la disposition des facultés inférieures dont l'intellect a besoin pour remplir ses fonctions. Car ceux dont l'imagination, la pensée et la mémoire sont brillantes sont toujours beaucoup plus aptes à comprendre.
_____________________________________________________

(2) Les principes établis dans cet article, relativement à l'ordre naturel, donnent l'explication de la différence qu'il y a entre les élus qui voient Dieu, et par là même l'intelligence de ces paroles : Multæ sunt mansiones, etc. (1) La physiologie moderne a reconnu la vérité de ce principe, et elle a poussé très loin ses investigations, en recherchant les rapports qu’il y a entre le physique et le moral.

A suivre : Article 8. L’intellect comprend-il l’indivisible avant le divisible ?

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Message  Louis Jeu 01 Mar 2018, 6:40 am

ARTICLE 8.

L’intellect comprend-il l’indivisible avant le divisible ?  (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'intellect comprenne l'indivisible avant le divisible. Car Aristote dit (Phys. lib. I, text.1) que nous comprenons et que nous savons d'après la connaissance des principes et des éléments. Or, les choses indivisibles sont les principes et les éléments des choses divisibles. Donc nous connaissons les choses indivisibles avant celles qui sont divisibles.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que quand on apprend une science les principes et les éléments ne sont pas toujours ce que l'on connaît d'abord. Car quelquefois on part des effets sensibles pour s'élever à la connaissance des principes et des causes intelligibles. Mais quand on connaît parfaitement la science on voit toujours que la connaissance des effets dépend de la connaissance des principes et des éléments, parce que, comme le dit Aristote (loc. cit.), nous ne savons réellement qu'autant que nous pouvons ramener les effets à leurs causes.

DIFFICULTÉ: 2. Ce qui entre dans la définition d'une chose nous est connu antérieurement à elle. Car, d'après Aristote (Top. lib. VI, cap. 1), la définition se compose de ce qu'il y a d'antérieur et de plus connu. Or, l'indivisible entre dans la définition du divisible, comme le point entre dans la définition de la ligne; car Euclide dit que la ligne est une longueur sans largeur terminée par deux points: l'unité entre aussi dans la définition du nombre; car Aristote dit que le nombre est une multitude qui a l'unité pour mesure (Met. lib. X,  text. 21). Donc notre entendement comprend l'indivisible avant le divisible.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que le point n'entre pas dans la définition de la ligne considérée en général. Car il est évident que dans la ligne indéfinie ou dans la ligne courbe il n'existe qu'en puissance. Mais Euclide ayant à définir la ligne droite finie, a fait entrer le point dans sa définition, comme le terme entre dans la définition de l'objet qu'il termine. L'unité étant la mesure du nombre, elle entre aussi dans la définition du nombre mesuré, mais elle n'entre pas dans la définition du nombre divisible, c'est plutôt le contraire.

DIFFICULTÉ: 3. Le semblable est connu par son semblable. 0r, l'indivisible ressemble plus à l'intellect que le divisible, parce que l'intellect est simple, comme le dit Aristote (De animâ, lib. II, text. 12). Donc c'est l'indivisible que nous connaissons tout d' abord.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que la ressemblance par laquelle nous connaissons est l'image de l'objet connu dans le sujet qui le connaît. C'est pourquoi ce qui fait qu'une faculté cognitive connaît une chose avant une autre, ce n'est pas la ressemblance de nature qu'il y a entre cette faculté et la chose qu'elle perçoit, mais c'est le rapport plus ou moins direct qu'il y a entre la chose perçue et l'objet propre de la faculté qui la connaît ; autrement la vue connaîtrait les sons plutôt que les couleurs (1).

CEPENDANT, Aristote dit (De animâ, lib. III,  text. 25) que l'indivisible se présente comme une privation. Or, la privation ou la négation est connue après l'affirmation. Donc l’indivisible après le divisible.

CONCLUSION :…
___________________________________________________________________

(2) Connaissons-nous l'indivisible avant le divisible, l'abstrait avant le concret? Cette question touche à toutes les bases les plus fondamentales de la philosophie, et l'idéalisme est né de la mauvaise solution que certains philosophes ont donnée à ce problème. (1) Parce que l'organe de la vue est en mouvement et que le son résulte du mouvement, tandis qu'il n'en est pas de même de la couleur.

CONCLUSION :…

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Message  Louis Ven 02 Mar 2018, 7:18 am

ARTICLE 8.

L’intellect comprend-il l’indivisible avant le divisible ?  (2)

SUITE

CONCLUSION : L'indivisible continu et l'indivisible selon l'espèce sont connus avant la division de leurs parties, mais l'indivisible absolu, c'est-à-dire ce qui ne peut être divisé ni en acte ni en puissance, n'est connu que postérieurement.

Il faut répondre que l'objet de notre intellect est dans l'état présent la quiddité ou l'essence des choses matérielles qu'il abstrait des images sensibles, comme nous l'avons dit (quest. LXXXIV, art. 6 et 7.). Et comme ce que la faculté cognitive connaît tout d'abord et par soi est son objet propre, pour savoir dans quel ordre nous comprenons l'indivisible nous devons rechercher dans quels rapports il est à l'égard de la quiddité ou de l'essence des êtres.

Or, il y a trois sortes d'indivisible, d'après Aristote (De animâ, lib. III,text. 23) :

1° l'indivisible continu qui est indivis en acte, bien qu'il soit divisible en puissance. Cet indivisible est connu de nous avant sa division qui se fait par partie; car nous avons une connaissance vague et générale des objets avant d'en avoir une connaissance distincte, comme nous l'avons dit (art. 3).

2° L'indivisible selon l'espèce. La raison humaine est indivisible de la sorte. Cet indivisible est aussi connu avant sa division en parties, comme nous l'avons dit (loc. cit.). Il est aussi connu avant que l'intellect ne compose et ne divise en affirmant ou en niant. La raison en est que l'intellect comprend par lui-même ces deux sortes d'indivisible comme son objet propre.

3° L'indivisible absolu qui ne peut être divisé ni en acte, ni en puissance (1), comme le point et l'unité. Cette espèce d'indivisible est connue postérieurement par la privation ou la négation de la divisibilité. Aussi nous donnons du point une définition négative; car nous disons : le point est ce qui n'a pas de partie. Il est également de l'essence de l'unité d'être indivisible, comme le dit Aristote (Met. lib. X, text. 2) et nous ne la connaissons aussi que négativement.

Ce qui fait que nous ne comprenons que postérieurement l'indivisible absolu, c'est qu'il y a une certaine opposition entre lui et les choses corporelles dont l'essence est l'objet propre et primitif de notre entendement. Si nous comprenions, comme le veulent les platoniciens, en participant aux indivisibles séparés, il s'en suivrait que l'indivisible absolu serait ce que nous connaîtrions tout d'abord, parce qu'ils prétendent que l'idée de l'unité nous est communiquée avant celle de la multiplicité.
___________________________________________________________

(2) Connaissons-nous l'indivisible avant le divisible, l'abstrait avant le concret? Cette question touche à toutes les bases les plus fondamentales de la philosophie, et l'idéalisme est né de la mauvaise solution que certains philosophes ont donnée à ce problème. (1) D'après saint Thomas, il y a donc trois sortes d'indivisible, l'indivisible en quantité, l'indivisible selon l'espèce ou selon la définition, et l'indivisible absolu. Tout objet matériel est divisible dans la quantité qui le forme; indivisible dans son espèce, parce que son espèce est une; le point est indivisible absolument, parce qu'il n'est connu que comme une négation. On le définit ce qui n'a ni longueur, ni largeur, ni profondeur.

A suivre : Question 86. Qu'est-ce que notre entendement connaît dans les choses matérielles ?

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Message  Louis Sam 03 Mar 2018, 6:56 am

Question 86.


QU'EST-CE QUE NOTRE ENTENDEMENT CONNAIT DANS LES CHOSES MATÉRIELLES?

Nous avons maintenant à examiner ce que notre entendement connaît dans les choses matérielles. — A cet égard quatre questions se présentent : 1° Connait-il les choses particulières? — 2° Connait-il les choses infinies ? — 3º Connait-il les choses contingentes? — 4º Connait-il les choses futures?

ARTICLE 1.

Notre entendement connaît-il les choses particulières ? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que notre intellect connaisse les choses particulières. Car quiconque connaît une chose composée en connaît les deux extrêmes. Or, notre entendement connaît cette proposition composée, Socrate est un homme, puisque c'est lui qui la forme. Il connaît donc particulièrement l'individu qui se nomme Socrate.

SOLUTION : 1. La réponse au premier est par là (n.d.l.r. : c’est-à-dire par la CONCLUSION, à paraître demain) évidente.

DIFFICULTÉ: 2. L'intellect pratique nous dirige dans nos actions. Or, les actions se rapportent à ce qui est particulier, individuel. Donc l'intellect connaît les choses particulières.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que le choix d'une action particulière que l'on veut faire est en quelque sorte la conclusion d'un syllogisme de l'intellect pratique, comme dit Aristote (Eth. lib. VII, cap. 3).

Or, d'une proposition universelle on ne peut pas directement tirer une conséquence particulière, sans employer l'intermédiaire d'une proposition particulière quelconque.

Par conséquent la raison universelle de l'intellect pratique n'agit elle-même que par l'intermédiaire d'une conception particulière provenant de la partie sensitive, comme l'observe Aristote (De animâ, lib. III, text. 58).

DIFFICULTÉ: 3. Notre intellect se comprend lui-même. Or, il est lui-même une chose particulière, individuelle; autrement il ne produirait pas d'actes, car il n'y a que les individus qui agissent. Donc il connaît les choses particulières.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que le particulier ne répugne pas à l'entendement comme objet particulier, mais comme chose matérielle, parce que l'entendement ne comprend que ce qui est immatériel. C'est pourquoi s'il y a une chose qui soit tout à la fois particulière et spirituelle, comme l'intellect lui-même, rien ne s'oppose à ce que nous en ayons l'intelligence.

DIFFICULTÉ: 4. Une puissance supérieure peut tout ce qui est possible à une puissance inférieure. Or, les sens connaissent les objets en particulier. Donc à plus forte raison l'intellect.

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, qu'une puissance supérieure peut ce qui est possible à une puissance inférieure, mais d'une manière plus éminente. Ainsi ce que les sens connaissent matériellement et concrètement, l'intellect le connaît immatériellement et abstractivement. La première de ces connaissances est la connaissance directe des choses particulières, et la seconde est celle de l'universel.

CEPENDANT, Aristote dit (Phys. lib. I, text. 49) que l'universel est connu par la raison et le particulier par les sens.

CONCLUSION :…
___________________________________________________________________

(2) Comment l'intellect, qui a pour objet l’être universel, comprend-il ce qui est particulier et individuel ? Cette question a reçu des philosophes une foule de solutions différentes. Après avoir vivement attaqué Aristote, on en revient maintenant à son système.

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Message  Louis Dim 04 Mar 2018, 6:29 am

ARTICLE 1.

Notre entendement connaît-il les choses particulières ? (2)

SUITE

CONCLUSION : Puisque l'intellect ne comprend qu'en faisant abstraction de la matière, il ne peut percevoir directement les objets en particulier, il ne les connaît qu'indirectement et par une sorte de réflexion.

Il faut répondre que notre entendement ne peut connaître directement et primitivement ce qu'il y a de particulier ou d'individuel dans les choses matérielles. La raison en est que le principe de la particularité dans les choses matérielles, c'est la matière individuelle.

Or, comme nous l'avons dit (quest. LXXXV, art. 1.), notre intellect comprend en abstrayant de cette matière individuelle l'espèce intelligible. Le produit de cette abstraction ne pouvant être qu'une chose universelle il s'ensuit que notre entendement ne connaît directement que ce qui est universel. Mais il peut connaître les choses particulières indirectement et par manière de réflexion. Car, comme nous l'avons vu (quest. LXXXIV, 7.), après que l'intellect a abstrait les espèces intelligibles, il ne peut avec elles comprendre en acte qu'en recourant aux images sensibles (1) dans lesquelles il comprend les espèces intelligibles elles-mêmes, comme le dit Aristote (De animâ, lib. III, text. 32).

Ainsi donc il connaît directement l'universel par l'espèce intelligible et il connaît indirectement les choses particulières que les images sensibles représentent. De cette manière il parvient à formuler cette proposition : Socrate est un homme.
________________________________________________________________

(2) Comment l'intellect, qui a pour objet l’être universel, comprend-il ce qui est particulier et individuel ? Cette question a reçu des philosophes une foule de solutions différentes. Après avoir vivement attaqué Aristote, on en revient maintenant à son système. (1) Ces images étant des choses singulières, individuelles, il connaît ainsi indirectement les individus.

A suivre : Article 2.  Notre entendement peut-il connaître ce qui est infini?

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Message  Louis Lun 05 Mar 2018, 7:32 am

ARTICLE 2.

Notre entendement peut-il connaître ce qui est infini? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il  semble que notre entendement puisse connaître ce qui est infini. Car Dieu est au-dessus de tout ce qui est infini. Or, notre entendement peut le connaître, comme nous l'avons dit (quest. XII, art. I). Donc à plus forte raison peut-il connaître tous les autres infinis.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que, comme nous l'avons observé (quest. VII, art. I), on dit que Dieu est infini comme une forme qui n'est terminée par aucune matière. Mais dans les choses matérielles l'infini est pris pour la privation de tout terme formel. Et comme la forme est connue par elle-même tandis que la matière sans la forme est inconnue, il en résulte que l'infini matériel est inconnu en soi, tandis que l'infini formel qui est Dieu est connu par lui-même. S'il est inconnu par rapport à nous, il faut en accuser l'imperfection de notre entendement qui, dans cette vie, est naturellement apte à connaître les choses matérielles. C'est ce qui fait que pour le présent nous ne pouvons connaître Dieu que par des effets sensibles. Dans l'autre vie la gloire détruira cette imperfection de notre intellect, et alors nous pourrons voir Dieu dans son essence sans toutefois le comprendre.

DIFFICULTÉ: 2. Notre entendement est naturellement fait pour connaître les genres et les espèces. Or, il y a des genres dont les espèces sont infinies, comme les nombres, les proportions et les figures. Donc notre entendement peut connaître ce qui est infini.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que notre intellect est naturellement fait pour connaître les espèces qu'il abstrait des images sensibles. C'est pourquoi il ne peut connaître ni actuellement, ni habituellement ces espèces de nombres et de figures que l'imagination .n'a pas encore produites (1), ou s'il les connaît ce n'est qu'en général, d'après des principes universels, ce qui revient à les connaître en puissance et confusément.

DIFFICULTÉ: 3. Si un corps n'en empêchait pas un autre d'être dans le même lieu que lui il n'y aurait pas de raison pour qu'il n'y eût pas une infinité de corps dans un même lieu. Or, une espèce intelligible n'en empêche pas une autre d'exister en même temps qu'elle dans le même intellect; car il nous arrive d'avoir en nous la connaissance habituelle d'une foule de choses. Il ne répugne donc pas que notre intellect possède habituellement (in.habitu) une science infinie

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que si deux corps étaient dans un seul et même lieu ou s'il y en avait plusieurs, il ne faudrait pas qu'ils entrassent successivement dans ce lieu et que par suite de ce mouvement successif ils fussent nécessairement comptés. Mais les espèces intelligibles entrent successivement dans notre intellect, puisque nous ne comprenons pas actuellement plusieurs choses en même temps. Il faut donc qu'elles soient comptées, et par conséquent elles ne peuvent être infinies.

DIFFICULTÉ: 4. L'intellect n'étant pas une vertu qui émane de la matière corporelle, comme nous l'avons dit (quest. LXXIX, art. 4 ad. 1.), semble être une puissance infinie. Or, une vertu infinie peut s'étendre à l'infini. Donc notre entendement peut connaître ce qui est infini.

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, que notre intellect connaît l'infini dans le même sens que sa vertu est infinie (2). Car sa vertu est infinie en ce qu'elle n'est limitée aucunement par la matière corporelle, et il connaît l'universel qui est séparé de la matière individuelle et qui par conséquent ne se borne pas à quelques individus, mais qui en comprend au contraire une multitude infinie.

CEPENDANT, Aristote  a dit (Phys. lib. I, text. 35; lib .III, text. 65): L'infini comme tel nous est inconnu.

CONCLUSION :…
__________________________________________________________________

(2) Cet article détermine les rapports intellectuels qu’il y a entre nous et l'infini potentiel. (1) L'intellect ne peut connaître que les nombres et les figures produits par l'imagination, et parce que l'imagination n'en peut produire une infinité, l'intellect ne peut connaître une infinité d'espèces. (2) C’est-à-dire en puissance

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Message  Louis Mar 06 Mar 2018, 6:15 am

ARTICLE 2.

Notre entendement peut-il connaître ce qui est infini? (2)

SUITE

CONCLUSION : L'entendement humain ne peut connaître ni actuellement, ni habituellement les choses infinies, il ne les connaît qu'en puissance.

Il faut répondre que la puissance étant toujours proportionnée à son objet, il faut que l'intellect se rapporte à l'infini comme son objet propre qui est la quiddité ou l'essence des choses matérielles s'y rapporte.

Or, dans les êtres matériels on ne trouve pas l'infini en acte, mais seulement l'infini en puissance (1) qui résulte de ce qu'une chose succède à une autre, comme le dit Aristote (Phys. lib. III, text. 56 et 57).

C'est pourquoi dans notre entendement il y a aussi l'infini en puissance qui consiste en ce qu'il peut toujours recevoir quelque chose. Car jamais il ne comprend assez de choses pour qu'il ne puisse pas en apprendre toujours de nouvelles. Mais il ne peut connaître l'infini ni actuellement, ni habituellement.

En effet, il ne peut le connaître actuellement, car il ne peut connaître actuellement que ce qu'il connaît par une seule et même espèce, et il n'y a pas d'espèce unique qui représente l'infini parce qu'alors l'infini embrasserait l'universalité des êtres et des perfections. On ne peut le comprendre que comme une succession ininterrompue de parties d'après la définition qu'en donne Aristote (Phys. lib. III, text. 63). Car selon lui l'infini est ce qui comprend toujours quelque chose au delà de la pensée de ceux qui veulent le saisir.

On ne pourrait par conséquent le connaître actuellement qu'autant qu'on aurait compté toutes ses parties, ce qui est impossible. Pour la même raison nous ne pouvons le comprendre habituellement. Car toutes nos connaissances habituelles sont le fruit de nos idées actuelles, puisque c'est par l'intellect que la science nous vient, comme le dit Aristote (Eth. lib. II, cap. 1).

Nous ne pourrions donc avoir une connaissance habituelle bien distincte des infinis qu'autant que nous les aurions tous considérés, en les comptant à mesure qu'ils se succéderaient dans notre esprit, ce qui est impossible. Par conséquent notre intellect ne peut connaître les infinis ni actuellement, ni habituellement ; mais il peut les connaître en puissance, comme nous venons de le dire.
________________________________________________________________

(2) Cet article détermine les rapports intellectuels qu’il y a entre nous et l'infini potentiel. (1) L'infini en puissance, c'est ce que les philosophes actuels appellent l'infini potentiel.

À  suivre : ARTICLE 3. Notre entendement peut-il connaître les choses contingentes?

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Message  Louis Mer 07 Mar 2018, 7:08 am

ARTICLE 3.

Notre entendement peut-il connaître les choses contingentes? (3)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'intellect ne puisse connaître les choses contingentes. Car comme le dit Aristote (Eth. lib. VI, cap. 6) : L'intelligence, la sagesse et la science n'ont pas pour objet ce qui est contingent, mais ce qui est nécessaire.

SOLUTION : 1. La réponse au premier est par là (n.d.l.r. : c’est-à-dire la Conclusion, à paraître demain) évidente.

DIFFICULTÉ: 2. Aristote dit encore (Phys. lib. IV, text. 120) : Les choses qui tantôt existent et tantôt n'existent pas ont le temps pour mesure. Or, l'intellect fait abstraction du temps et de toutes les autres conditions de la matière. Le propre des choses contingentes étant d'exister et de n'exister pas, il semble que l'intellect ne les connaisse pas.

SOLUTION : 2. La réponse au deuxième  est par là (n.d.l.r. : c’est-à-dire la Conclusion, à paraître demain) évidente.

CEPENDANT, toute science réside dans l'intellect. Or, il y a des sciences qui traitent des choses contingentes, comme les sciences morales qui s'occupent des actes humains qui sont soumis au libre arbitre; comme aussi les sciences naturelles, du moins pour la partie qui regarde les êtres engendrés et corruptibles. Donc notre entendement peut connaître les choses contingentes.

CONCLUSION :…
_______________________________________________________________

(3) Ce qui fait la difficulté de ces questions philosophiques, c'est l'inégalité de rapport qu’il y a entre le sujet et l'objet de la connaissance. Ainsi quand il s'agit des choses individuelles, l'intellect qui est le sujet de la connaissance est universel, et son objet est particulier ; quand il s'agit de l'infini, l'intellect est fini, limité, et son objet ne l'est pas ; quand il s'agit des choses contingentes, l'intellect est immuable, nécessaire dans ses principes, et son objet a des caractères tout opposés.

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Message  Louis Jeu 08 Mar 2018, 6:24 am

ARTICLE 3.

Notre entendement peut-il connaître les choses contingentes? (3)

SUITE

CONCLUSION : Les choses contingentes sont connues directement comme telles par les sens et indirectement par l'intellect, mais l'intellect connaît directement ce qu'il y a en elles de nécessaire et d'universel.

Il faut répondre que les choses contingentes peuvent être considérées sous un double aspect : 1º comme choses contingentes ; 2° d'après ce qu'il y a en elles de nécessaire. Car il n'y a rien de si contingent qu'il ne renferme en lui quelque chose de nécessaire.

Ainsi que Socrate coure, voilà un fait qui est contingent en lui-même. Mais la course implique nécessairement le mouvement; car il est nécessaire que Socrate se meuve, s'il court. D'un autre côté tout ce qui participe à la matière est contingent; car on appelle contingent ce qui peut être et n'être pas.

Or, la puissance appartient à la matière, tandis que la nécessité résulte de la nature de la forme, parce que tout ce qui est une conséquence de la forme existe nécessairement.

De plus la matière est le principe de l'individualité, et la forme abstraite de la matière particulière donne la raison universelle des choses. Comme nous avons dit (art. 1) que l'intellect connaît par lui-même et directement les choses universelles, tandis qu'il ne connaît qu'indirectement les choses particulières qui sont l'objet propre des sens, nous devons donc conclure que les choses contingentes sont connues, comme telles, directement par les sens et indirectement par l'intellect, mais que l'intellect connaît leurs raisons universelles et nécessaires.

Par conséquent si on s'arrête aux raisons universelles des choses sensibles, toutes les sciences ont pour objet le nécessaire, mais si on considère les choses elles-mêmes, il y a des sciences dont l'objet est nécessaire et d'autres dont l'objet est contingent.
______________________________________________________________________

(3) Ce qui fait la difficulté de ces questions philosophiques, c'est l'inégalité de rapport qu il y a entre le sujet et l'objet de la connaissance. Ainsi quand il s'agit des choses individuelles, l'intellect qui est le sujet de la connaissance est universel, et son objet est particulier ; quand il s'agit de l'infini, l'intellect est fini, limité, et son objet ne l'est pas ; quand il s'agit des choses contingentes, l'intellect est immuable, nécessaire dans ses principes, et son objet a des caractères tout opposés.

A suivre : ARTICLE 4. Notre entendement connaît-il les choses futures?

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Message  Louis Ven 09 Mar 2018, 6:36 am

ARTICLE 4.

Notre entendement connaît-il les choses futures? (1)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que notre intellect connaisse les choses futures. Car notre intellect connaît par les espèces intelligibles qui font abstraction de l'espace et du temps et qui se rapportent indifféremment à toutes les époques. Or, il peut connaître les choses présentes. Donc il peut aussi connaître les choses futures.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que ce raisonnement s'appuie sur la connaissance qui résulte des raisons universelles des causes d'après lesquelles on peut connaître les choses futures suivant le rapport de l'effet à la cause.

DIFFICULTÉ: 2. L'homme quand il ne fait pas usage de ses sens peut connaître quelques choses futures, comme on le voit dans ceux qui dorment et dans les frénétiques. Or, moins l'homme fait usage de ses sens, et plus il se sert de son intellect. Donc l'intellect peut autant qu'il est en lui connaître les choses futures.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que d'après saint Augustin (Conf. lib. VII, cap. 6) l'âme a une certaine force de divination qui lui permet de connaître par sa nature les choses à venir.

C'est pourquoi quand elle se retire des sens corporels et qu'elle rentre en quelque sorte en elle-même, elle participe à la connaissance de l'avenir. Ce sentiment serait raisonnable, si nous admettions avec les platoniciens que l'âme connaît les choses selon qu'elle participe aux idées; car alors l'âme connaîtrait par sa nature les causes universelles de tous les effets, et il n'y aurait que le corps qui l'empêcherait de jouir de cette connaissance.

Par conséquent quand elle serait délivrée des sens, elle connaîtrait l'avenir. Mais ce mode de connaître n'étant pas naturel à notre entendement, puisque c'est plutôt des sens qu'il reçoit ses connaissances, il n'est pas dans la nature de l'âme qu'elle connaisse l'avenir quand elle ne fait pas usage des sens. On doit plutôt attribuer ces connaissances à l'impression produite sur elle par des causes supérieures, soit spirituelles (1), soit corporelles.

Ainsi elles proviennent de causes spirituelles quand Dieu, par le ministère des anges, éclaire l'entendement humain et dispose les images sensibles qui sont en lui de manière à lui faire connaître des choses futures. Il en est de même quand l'action du démon sur l'imagination lui révèle des choses qu'il sait lui-même à l'avance, comme nous l'avons dit (quest. LVII, art. 3 et 4).

L'âme est plus propre à recevoir l'influence de ces causes spirituelles quand elle ne fait pas usage des sens, parce qu'elle se rapproche par là même davantage des substances spirituelles et qu'elle est plus libre de toute sollicitude extérieure. Il arrive aussi que ces connaissances peuvent être attribuées à l'action des causes supérieures corporelles. Car il est évident que les corps supérieurs exercent de l'influence sur les corps inférieurs.

Ainsi les forces sensitives étant les actes des organes corporels, il s'ensuit que l'imagination est affectée d'une certaine manière par l'impression des corps célestes. Et ces corps étant cause d'une foule de choses à venir (1), ils produisent dans l'imagination les signes de ces choses qu'ils doivent produire. On perçoit mieux ces signes la nuit quand on dort que le jour quand on est éveillé, parce que, comme le dit Aristote ( De div. per. som. , cap. 2), dans la journée ces mouvements se dissipent aisément, tandis que l'air est de nuit moins agité que de jour. Les nuits étant plus calmes, ces mouvements font alors impression sur le corps à cause du sommeil, parce que les petites sensations intérieures se sentent mieux quand on dort que quand on est éveillé. Ce sont précisément ces mouvements qui produisent ces images à l'aide desquelles on prévoit l'avenir.

DIFFICULTÉ: 3. La connaissance intellectuelle de l'homme est supérieure à la connaissance des animaux quelle qu'elle soit. Or, il y a des animaux qui connaissent certaines choses à venir. Ainsi le cri fréquent des corneilles annonce qu'il pleuvra. Donc à plus forte raison l'entendement humain peut-il connaître des choses futures.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que les animaux n'ont pas de faculté supérieure à l'imagination qui en règle l'usage, comme les hommes ont la raison. C'est pourquoi l'imagination des animaux suit totalement l'impression des corps célestes, et c'est pour cela que d'après leurs mouvements on pourra connaître plus sûrement certaines choses à l'avance, comme la pluie et les autres phénomènes de l'atmosphère, que d'après les pressentiments de l'homme qui est mû par le conseil de la raison.

C'est ce qui fait dire à Aristote (loc. cit.) que les hommes les moins sensés peuvent être les plus prévoyants. Car leur intelligence n'étant préoccupée d'aucun soin, et se trouvant pour ainsi dire déserte et absolument vide, elle obéit aveuglément à l'impulsion qu'elle reçoit.

CEPENDANT, il est écrit (Eccl. VIII, 6) : Une des grandes afflictions de l'homme, c'est qu'il ne sait pas le passé et que personne ne peut lui apprendre l'avenir.

CONCLUSION :…
__________________________________________________________________________

(1) Cette question a une grande importance théologique, parce qu’il est nécessaire d’avoir à cet égard des notions bien exactes pour apprécier la nature et la force démonstrative des prophéties. (1) Saint Thomas a traité ex professo la question de la divination dans la seconde section de la seconde partie de la Somme. Nous renvoyons à cet endroit nos observations à ce sujet. (1) Voyez plus loin ce que dit saint Thomas sur l’influence des corps célestes (quest CXV).

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Message  Louis Sam 10 Mar 2018, 7:02 am

ARTICLE 4.

Notre entendement connaît-il les choses futures? (1)

SUITE

CONCLUSION : Les choses futures telles qu'elles arrivent dans le temps, notre entendement ne les comprend que par la réflexion, puisque ce sont des choses particulières ; mais si on les considère comme les raisons universelles de ce qui doit arriver, l'intellect les connaît comme tout ce qui est universel.

Il faut répondre qu'on doit faire la même distinction sur la connaissance des choses futures que sur la connaissance des choses contingentes. Car les choses futures considérées telles qu'elles arrivent dans le temps sont des choses particulières que l'entendement humain ne connaît que par la réflexion, comme nous l'avons dit (art. 1). Mais les raisons des choses futures peuvent être universelles, et être perçues à ce titre par l'intellect et devenir ainsi l'objet de la science.

Or, pour parler en général de la connaissance des choses futures, il faut savoir qu'on peut les connaître de deux manières : 1° en elles-mêmes, 2º dans leurs causes.

Elles ne peuvent être connues en elles-mêmes que par Dieu. Car les choses futures faisant partie du cours général des événements, elles lui sont présentes, puisque son éternel regard embrasse simultanément toute l'étendue des temps, comme nous l'avons dit en traitant de la science de Dieu (quest. XIV, art. 13).

Mais nous les pouvons connaître dans leurs causes. Quand elles en résultent nécessairement, nous les connaissons d'une science certaine. C'est ainsi qu'un astronome connaît à l'avance une éclipse qui doit avoir lieu. Mais si elles ne sont renfermées dans leurs causes que pour en sortir probablement, nous ne pouvons alors les connaître que par des conjectures plus ou moins probables selon que les causes ont plus ou moins de propension à produire leurs effets.
_____________________________________________________________________

(1) Cette question a une grande importance théologique, parce qu’il est nécessaire d’avoir à cet égard des notions bien exactes pour apprécier la nature et la force démonstrative des prophéties.

A suivre : Question 87. COMMENT L'ÂME INTELLECTUELLE SE CONNAÎT-ELLE -MÊME, ET CE QUI EST EN ELLE ?  

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Message  Louis Dim 11 Mar 2018, 7:19 am

Question 87.

L'ÂME INTELLECTUELLE SE CONNAÎT-ELLE ELLE-MÊME, ET CE QUI EST EN ELLE.

Nous avons ensuite à examiner comment l'âme intellectuelle se connaît elle-même et les choses qui sont en elle. — A ce sujet quatre questions se présentent : 1° L'âme se connait-elle elle-même par son essence? — 2º Connait-elle les habitudes qui sont en elle? — 3º L'intellect connait-il son acte propre? — 4° Connait-il l'acte de la volonté?
ARTICLE 1.

L'âme intellectuelle se connaît-elle elle-même par son essence ? (2)  

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'âme intellectuelle se connaisse elle-même par son essence. Car saint Augustin dit (De Trin. lib. IX, cap. 3) que l'âme se connaît elle-même par elle-même puisqu'elle est incorporelle.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que l'esprit se connaît par lui-même, puisqu'il parvient à se connaître bien que ce soit par son acte. D'ailleurs il se connaît lui-même puisqu'il s'aime lui-même, comme le dit encore saint Augustin (loc. cit. in arg.). Au reste on peut dire qu'une chose est connue par elle-même de deux manières. Cette proposition peut signifier qu'elle est connue sans le secours d'aucun intermédiaire; c'est ainsi que les premiers principes sont connus par eux-mêmes, ou elle signifie qu'une chose n'est pas connue par accident; dans ce sens on dit que la couleur est visible par elle-même tandis que la substance l’est par accident.

DIFFICULTÉ: 2. L'ange et l'âme humaine sont l'un et l'autre du genre de la substance intellectuelle. Or, l'ange se comprend lui-même par son essence. Donc l'âme humaine aussi.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que l'essence de l'ange est comme l'acte dans le genre des choses intelligibles, et c'est pour cela qu'il y a en elle identité entre le sujet qui comprend et l'objet compris, et c'est ce qui fait par conséquent que l'ange perçoit par lui-même son essence ; mais il n'en est pas de même de l'entendement humain qui est absolument en puissance par rapport aux choses intelligibles, comme l'intellect possible, ou qui est l'acte des choses intelligibles (2) abstraites des images sensibles, comme l'intellect agent.

DIFFICULTÉ: 3. Quand il s'agit de choses immatérielles l'intellect et l'objet compris sont identiques, comme le dit Aristote (De animâ, lib. III, text. 15). Or, l'esprit humain est immatériel puisqu'il n'est l'acte d'aucun organe, comme nous l'avons vu (quest. LXXV, art. 2). Donc à l'égard de l'esprit humain l'intellect et l'objet compris sont une même chose, et par conséquent l'intellect se comprend par son essence.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que cette parole d'Aristote est vraie universellement pour tout intellect. Car, comme les sens en acte sont actuellement sensibles à cause de l'image de l'objet sensible qui est leur forme actuelle ; de même l'intellect en acte est compris en acte à cause de l'image de l'objet compris qui est sa forme actuelle. C'est ce qui fait que l'entendement humain qui est mis en acte par l'espèce de la chose qu'il comprend, est compris lui-même par cette même espèce comme par sa forme. Et quand on dit que pour les choses qui sont immatérielles l'intellect et ce qu'il comprend sont une même chose, c'est comme si l'on disait que pour les choses qui sont comprises en acte l'intellect et son objet ne font qu'un, parce que par là même qu'une chose est comprise en acte elle est immatérielle.

Il y a toutefois cette différence à établir c'est qu'il y a des choses dont les essences sont immatérielles, comme les substances séparées auxquelles nous donnons le nom d'ange. Chacune d'elles est tout à la fois l'objet compris et le sujet qui comprend. Il y en a d'autres dont les essences ne sont pas immatérielles ; les ressemblances seules qu'on en abstrait ont ce caractère. D'où le commentateur d'Aristote dit (De animâ, lib. III,  text. 15) que la proposition précitée n'est vraie que des substances séparées. Car nous avons vu (in solut., ad 2 præc.) que ce qui est vrai de ces substances n'est pas vrai des autres.

CEPENDANT, Aristote dit (De animâ, lib. II, text. 15) que l'intellect se comprend comme il comprend les autres choses. Or, il ne comprend pas les autres choses par leur essence, mais par leurs ressemblances. Il ne se comprend donc pas non plus par son essence.

CONCLUSION :…
_____________________________________________________________________________

(2) La solution de saint Thomas, d'après Aristote, se rapproche sur ce point des systèmes qui sont actuellement le plus en vogue. Mallebranche a combattu cette théorie, et il expose, comme on le sait, un système tout différent (Voy. Recherche de la vérité , liv. II, ch. 7). (2) C'est-à-dire qui rend les choses intelligibles en acte, en les abstrayant des images sensibles; ce qui est la fonction de l'intellect agent.

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Message  Louis Lun 12 Mar 2018, 7:35 am

ARTICLE 1.

L'âme intellectuelle se connaît-elle elle-même par son essence ? (2)  

SUITE

CONCLUSION : L'entendement humain n'étant par rapport aux choses intelligibles qu'un être en puissance, il ne se connaît pas lui-même par son essence, mais par l'acte au moyen duquel l'intellect agent abstrait des images sensibles les espèces intelligibles.

Il faut répondre que pour qu'une chose puisse être connue il faut qu'elle soit en acte, ce n'est pas assez qu'elle existe en puissance, comme le dit Aristote (Met. lib. IX, text. 20). Ainsi une chose n'est un être et n'est vraie qu'autant qu'elle est connue comme existant actuellement. C'est ce qu'on voit évidemment dans les choses sensibles. Car la vue ne perçoit pas l'objet qui est coloré en puissance, elle ne perçoit que celui qui l'est en réalité actuellement. Et il en est de même de l'intellect; car il est manifeste que pour qu'il connaisse les choses matérielles il faut qu'elles existent actuellement.

D'où il résulte qu'il ne connaît la matière première que d'après son rapport avec la forme qui doit lui donner une existence actuelle (Phys. lib. I, text. 69). Pour le même motif les substances immatérielles se connaissent par leur essence suivant que par leur essence elles sont plus ou moins en acte.

Ainsi, l'essence de Dieu qui est un acte pur et parfait est absolument et parfaitement intelligible par elle-même. C'est pourquoi Dieu ne se comprend pas seulement lui-même, mais il comprend encore toutes les autres choses par son essence. Comme acte l'essence de l'ange est du genre des choses intelligibles, mais ce n'est ni un acte pur, ni un acte complet, par conséquent l'ange ne comprend pas toutes choses par son essence. Quoiqu'il se comprenne ainsi lui-même il ne peut pas cependant connaître de la même manière toutes les autres choses, il faut qu'il les connaisse par des ressemblances ou des images.

L'entendement humain n'est dans le genre des choses intelligibles que ce qu'est l'être en puissance, comme la matière première dans le genre des choses sensibles : c'est ce qui lui a fait donner la dénomination de possible. Ainsi, quand on le considère dans son essence, il n'est qu'un être capable de comprendre. Il a donc par lui-même la faculté de comprendre, mais non d'être compris, sinon suivant qu'il passe à l'acte. Les platoniciens avaient ainsi supposé un ordre d'êtres intelligibles au-dessus de l'ordre des intelligences; parce que, dans leur système, l'intellect ne comprenant qu'autant qu'il participe à l'être intelligible, le sujet qui participe devait être nécessairement au-dessous de l'être dont il participait. Par conséquent, d'après ces mêmes philosophes, l'entendement humain étant mis en acte par la participation des formes intelligibles séparées, c'était par cette participation des choses immatérielles qu'il se comprenait lui-même.

Mais comme il est naturel à notre intellect, dans l'état de la vie présente, d'être en rapport avec les choses matérielles et sensibles, ainsi que nous l'avons dit (quest. préc. art. 4 ad 2, et quest. LXXXIV, art. 7), il s'ensuit qu'il se connaît lui-même selon qu'il est mis en acte par les espèces que la lumière de l'intellect agent abstrait des choses sensibles et que cette lumière est l'acte des choses intelligibles par le moyen desquelles l'intellect possible comprend.

Notre entendement ne se connaît donc pas par son essence, mais par son acte, et cela de deux manières : …
__________________________________________________________

(2) La solution de saint Thomas, d'après Aristote, se rapproche sur ce point des systèmes qui sont actuellement le plus en vogue. Mallebranche a combattu cette théorie, et il expose, comme on le sait, un système tout différent (Voy. Recherche de la vérité, liv. II, ch. 7).

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Message  Louis Mar 13 Mar 2018, 7:47 am


ARTICLE 1.

L'âme intellectuelle se connaît-elle elle-même par son essence ? (2)  

CONCLUSION (SUITE): L'entendement humain n'étant par rapport aux choses intelligibles qu'un être en puissance, il ne se connaît pas lui-même par son essence, mais par l'acte au moyen duquel l'intellect agent abstrait des images sensibles les espèces intelligibles.

Notre entendement ne se connaît donc pas par son essence, mais par son acte, et cela de deux manières :

1° D'une manière particulière. Ainsi, Socrate ou Platon perçoit qu'il a une âme intellective par là même qu'il perçoit qu'il comprend.

2° D'une manière générale, dans le sens que nous connaissons la nature de l'esprit humain d'après l'acte de l'intellect (1).

Mais il est vrai que le jugement que nous portons sur la nature de l'âme et la connaissance que nous en avons nous vient de la lumière que notre entendement reçoit de la vérité divine qui renferme les raisons de toutes choses, comme nous l'avons vu (quest. LXXXIV, art. 5). C'est ce qui fait dire à saint Augustin (De Trin., lib. IX, cap. 6) : Nous contemplons la vérité inviolable d'après laquelle nous déterminons aussi parfaitement que possible, non quel est l'esprit de chaque homme, mais ce qu'il doit être d'après les raisons éternelles. Mais il y a entre ces deux sortes de connaissances cette différence; que pour avoir la première connaissance de l'âme il suffit de la présence de l'esprit qui est le principe de l'acte par lequel il se perçoit lui-même, et c'est ce qui fait dire que l'intellect se connaît par sa présence; tandis que pour avoir la seconde connaissance ce n'est pas assez de la présence de l'esprit, il faut encore des recherches très-minutieuses et très-subtiles.

C'est pourquoi il y a un grand nombre d'hommes qui ignorent la nature de leur âme et il y en a beaucoup qui se sont trompés à ce sujet. Ainsi à propos de cette étude de l'âme saint Augustin dit (De Trin. lib. X, cap. 9) que l'âme ne se cherche pas comme si elle était absente, mais que présente elle cherche à se discerner, c'est-à-dire à connaître en quoi elle diffère des autres choses, ou bien en quoi consistent son essence et sa nature.
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(2) La solution de saint Thomas, d'après Aristote, se rapproche sur ce point des systèmes qui sont actuellement le plus en vogue. Mallebranche a combattu cette théorie, et il expose, comme on le sait, un système tout différent (Voy. Recherche de la vérité, liv. II, ch. 7). (1) Ainsi, comme le dit la science actuelle, nous avons d'abord conscience de l'acte de notre entendement quand nous comprenons une chose; puis réfléchissant sur la nature de ces actes, nous arrivons à connaître la nature de l'entendement lui-même, qui est leur principe et leur cause.

A suivre : Article 2. Notre entendement  connaît-il  les habitudes  de l'âme par leur essence?

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Message  Louis Mer 14 Mar 2018, 7:23 am

ARTICLE 2.

Notre entendement  connaît-il  les habitudes  de l'âme par leur essence? (1)

DIFFICULTÉ: 1.  Il semble que notre intellect connaisse les habitudes de l'âme par leur essence. Car saint Augustin dit (De Trin. lib. XIII, cap. 1) : On ne voit pas la foi dans le cœur de celui qui la possède, comme on voit l'âme d'un autre homme se manifester par les mouvements de son corps; mais la science la découvre certainement et la conscience la proclame. On peut faire le même raisonnement sur toutes les autres habitudes de l'âme. Donc les habitudes de l’âme ne sont pas connues par des actes, mais par elles-mêmes.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que, quoique la foi ne soit pas connue par les mouvements extérieurs du corps, cependant celui qui la possède la perçoit par l'acte intérieur du cœur.

DIFFICULTÉ: 2. Les choses matérielles qui sont hors de l'âme sont connues parce que leurs images sont présentes dans l'âme elle-même. C'est ce qui fait dire qu'elles sont connues par leurs images. Or, les habitudes de l'âme sont présentes en elle par son essence. Donc elles sont connues de même.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que les habitudes sont présentes dans notre intellect, non comme ses objets, parce que l'objet de notre intellect dans l'état de la vie présente est la nature des choses matérielles, comme nous l'avons dit (quest. LXXXIV, art. 7), mais elles y sont présentes, comme les moyens par lesquels il comprend (1).

DIFFICULTÉ: 3. La fin pour laquelle une chose se fait l'emporte sur la chose elle-même (2). Or, l'âme connaît les autres choses au moyen de ses habitudes et des espèces intelligibles. Donc à plus forte raison les connait-elles par elles-mêmes

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que quand on dit : La fin pour laquelle une chose se fait l'emporte sur la chose elle-même, cette proposition est vraie quand il s'agit de choses qui sont du même ordre, par exemple, qui appartiennent au même genre de cause. Ainsi, quand on dit que la santé est désirable à cause de la vie, il s'ensuit que la vie est plus désirable encore.

Mais s'il s'agit de choses qui ne sont pas du même ordre, elle n'est plus vraie. Par exemple, si on disait que la santé est désirable pour la médecine, il ne s'ensuivrait pas que la médecine est plus désirable que la santé. Car la santé est dans l'ordre des causes finales, tandis que la médecine est dans l'ordre des causes efficientes.

Ainsi donc, si nous prenions deux choses qui appartiennent l'une et l'autre par elles-mêmes à l'ordre des objets de notre connaissance, ce qui sert à faire connaître une chose sera plus connu qu'elle; les principes sont, par exemple, plus connus que les conclusions. Mais l'habitude, en tant qu'habitude, n'est pas de l'ordre des objets de notre connaissance, et si l'on connaît certaines choses à cause de l'habitude, ce n'est pas parce que l'habitude est un objet connu, mais c'est parce qu'elle est la disposition ou la forme par laquelle le sujet intelligent connaît. C'est pourquoi le raisonnement est défectueux.

CEPENDANT, Les habitudes sont les principes des actes aussi bien que les puissances. Or, comme le dit Aristote (De animâ, lib. II, text. 33), les actes et les opérations sont rationnellement antérieurs aux puissances. Ils sont donc, pour la même raison, antérieurs aux habitudes, et par conséquent les habitudes comme les puissances sont connues par les actes.

CONCLUSION :…
___________________________________________________________________

(1) C'est par leurs actes qu'on connaît les puissances et les habitudes. Ce principe général est la base de toute la psychologie. (2) En particularisant ce principe on peut dire : le moyen qui sert à faire connaître une chose est plus connu qu'elle. (1) Cette réponse repose sur ce principe : ce qui, selon l'essence, est présent à l'entendement comme objet est connu par son essence, mais non ce qui lui est présent comme moyen.

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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis
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