L'âme humaine est-elle immortelle ?

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Message  Louis Jeu 15 Mar 2018, 7:28 am

ARTICLE 2.

Notre entendement  connaît-il les habitudes de l'âme par leur essence? (1)

SUITE

CONCLUSION : Puisque l'habitude n'est pas un acte et qu'elle tient le milieu entre l'acte et la puissance, comme d'ailleurs on ne peut connaître une chose qu'autant qu'elle est en acte, il faut que l'habitude ne soit pas connue par elle-même, mais par son acte.

Il faut répondre que l'habitude tient en quelque sorte le milieu entre la puissance pure et l'acte pur.

Or, nous avons déjà dit ( art. préc.) qu'on ne connaît une chose que selon ce qu'elle est en acte. Par conséquent, suivant que l'habitude est éloignée de l'acte parfait, elle est d'autant moins susceptible d'être connue par elle-même.

Il est donc nécessaire qu'elle soit connue par son acte, soit qu'on reconnaisse simplement l'existence de l'habitude par l'acte propre qui la révèle, soit qu'on recherche sa nature et ses lois en approfondissant l'acte qui en émane. La première de ces deux connaissances résulte de la présence même de l'habitude. Car, par là même qu'elle est présente dans l'âme, l'habitude produit l'acte qui la manifeste. La seconde est le fruit du travail et de l'étude, comme nous l'avons dit en parlant de l'esprit ( art. préc.).
_______________________________________________________

(1) C'est par leurs actes qu'on connaît les puissances et les habitudes. Ce principe général est la base de toute la psychologie.

A suivre : Article 3. L'entendement connaît-il son acte propre?

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Message  Louis Ven 16 Mar 2018, 7:13 am


ARTICLE 3.

L'entendement connaît-il son acte propre? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'intellect ne connaisse pas son acte propre. Car ce qui est connu proprement est l'objet de la faculté cognitive. Or, l'acte diffère de l'objet. Donc l'intellect ne connaît pas son acte.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que l'objet de l'intellect est quelque chose de général, par exemple l'être et le vrai, qui comprend dans sa généralité l'acte même de l'intelligence.

Par conséquent l'intellect peut comprendre son acte, mais ce n'est pas la première chose qu'il comprenne, parce que dans l'état présent son premier objet n'est pas l'être et le vrai absolu, mais l'être et le vrai considérés dans les choses matérielles, comme nous l'avons dit ( quest. LXXXIV, art. 7), et que c'est par ces choses que nous arrivons à la connaissance de tout le reste.

DIFFICULTÉ: 2. . Tout ce qui est connu l'est par un acte. Si donc l'intellect connaît son acte, il le connaît par un autre acte, puis il connaît cet acte par un autre, et il faudra ainsi aller jusqu'à l'infini, ce qui semble impossible.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que dans l'homme l'intelligence n'est pas un acte et une perfection de la nature qui est comprise de telle sorte qu'on puisse comprendre par un seul acte la nature des choses matérielles et l'action par laquelle on les comprend, comme on comprend par un seul acte une chose avec ses perfections.

Par conséquent autre est l'acte par lequel l'intellect comprend la pierre et autre celui par lequel il comprend qu'il en a l'intelligence, et ainsi de suite. Il ne répugne pas d'ailleurs que l'intellect soit infini en puissance, comme nous l'avons dit ( quest. préc. art. 2).

DIFFICULTÉ: 3. Ce que le sens est à son acte, l'intellect l'est au sien. Or, le sens propre ne sent pas son acte, c'est le sens commun qui le sent, comme le dit Aristote (De animâ, lib. II, text. 132). Donc l'intellect ne comprend pas son acte.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que le sens propre éprouve une sensation selon l'impression que produisent les objets extérieurs sur l'organe matériel. Mais il n'est pas possible qu'une chose matérielle se modifie elle-même, il faut qu'elle le soit par une autre ; c'est pour cette raison que l'acte de chaque sens en particulier est perçu par un sens commun. Comme l'intellect ne comprend pas ainsi par suite de l'impression que les choses matérielles font sur les organes, il n'y a donc pas de parité.

CEPENDANT, saint Augustin dit : Je comprends que je comprends (De Trin. lib. X, cap. 10 et 11).

CONCLUSION :…
____________________________________________________________________

(2) D'après la théorie péripatéticienne, l'entendement connaît premièrement son objet propre, qui lui est extérieur ; par l'objet il connaît son acte, et par son acte il se connaît lui-même.

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Message  Louis Sam 17 Mar 2018, 7:51 am

ARTICLE 3.

L'entendement connaît-il son acte propre? (2)

SUITE

CONCLUSION : Puisque l'intellect est en acte par là même qu'il comprend, ce qu'il comprend avant tout c'est l'intelligence qu'il a d'autre chose, mais tous les intellects ne comprennent pas cet acte de la même manière.

Il faut répondre que, comme nous venons de le dire (art. 1 et 2), une chose n'est connue que selon qu'elle est en acte. Or, la perfection souveraine de l'entendement c'est son opération. Car il n'est pas comme l'action qui se porte vers un objet extérieur et qui perfectionne la chose qu'elle opère, tel que l'édifice est perfectionné par l'acte qui le bâtit, mais il est immanent dans celui qui l'opère, il est sa perfection et son acte, comme le dit Aristote (Met. lib. IX, text. 16). Ce que l'intellect comprend avant tout de lui-même c'est donc son acte même d'intelligence (1).

Mais à cet égard les différentes sortes d'intellect n'agissent pas de la même manière. Ainsi il y a l'entendement divin qui est son intelligence même. Par conséquent, que Dieu comprenne qu'il comprend ou qu'il comprenne son essence, c'est la même chose parce que son essence est son intelligence. L'entendement des anges n'est pas son intelligence même, comme nous l'avons dit (quest. LIV, art. 1 et 2), mais néanmoins le premier objet de son intelligence est son essence.

Par conséquent, quoiqu'il y ait rationnellement une différence entre le sentiment qu'a l'ange de son intelligence et la connaissance qu'il a de son essence, néanmoins il comprend simultanément ces deux choses par un seul et même acte, parce qu'il est de la perfection de l'essence de se comprendre elle-même et qu'on comprend tout à la fois par un seul et même acte la chose et la perfection qui lui est propre.

Il y a encore l'entendement humain qui n'est pas son intelligence même et qui n'a pas pour objet premier de ses connaissances son essence, mais quelque chose d'extrinsèque comme la nature des choses matérielles. C'est pourquoi ce qu'il connaît avant tout c'est son objet propre. Il ne connaît qu'en second lieu l'acte par lequel il perçoit son objet, et c'est par cet acte qui est sa perfection qu'il se connaît lui-même. C'est ce qui fait dire à Aristote (De animâ, lib. II, text. 33) que les objets sont connus avant les actes et les actes avant les puissances.
________________________________________________________

(2) D'après la théorie péripatéticienne, l'entendement connaît premièrement son objet propre, qui lui est extérieur; par l'objet il connaît son acte, et par son acte il se connaît lui-même. (1) Le texte porte ejus intelligere ; il n'y a pas possibilité de traduire en français cet infinitif: je l'ai constamment remplacé par le substantif dont je me sers ici , employant les mots intellect, entendement pour désigner la puissance, et celui d'intelligence pour exprimer l'acte.

A suivre :  ARTICLE 4. L'intellect comprend-t-il l'acte de volonté?

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Message  Louis Dim 18 Mar 2018, 7:08 am

ARTICLE 4.

L'intellect comprend-t-il l'acte de la volonté? (1)  

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'intellect ne comprenne pas l'acte de la volonté. Car l'intellect ne connaît que ce qui est présent en lui de quelque manière. Or, l'acte de la volonté n'est pas présent dans l'intellect, puisque la volonté et l'intellect sont des puissances différentes. Donc l'intellect ne connaît pas l'acte de la volonté.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que cette raison serait valable si la volonté et l'intellect n'étaient pas seulement des puissances diverses, mais qu'elles eussent encore un sujet différent. Dans ce cas ce qui est dans la volonté ne serait pas présent à l'intellect. Mais ces deux facultés ayant l'une et l'autre leur origine dans la même substance de l'âme et l'une étant en quelque sorte le principe de l'autre, il en résulte que ce qui est dans la volonté est aussi d'une certaine manière dans l'intellect.

DIFFICULTÉ: 2. L'acte se spécifie d'après son objet. Or, l'objet de la volonté diffère de l'objet de l'intellect. Donc l'acte de la volonté est d'une autre espèce que l'objet de l'intellect, par conséquent l'intellect ne le connaît pas.

SOLUTION : 2. Le bien et le vrai qui sont les objets de la volonté et de l'intellect, diffèrent à la vérité rationnellement, mais cela n'empêche pas que l'un ne soit contenu sous l'autre, comme nous l'avons dit ( quest. LXXXII, art. 3 ad 1, et quest. XVI, art. 4 ad 1). Car le vrai est une sorte de bien et le bien est une sorte de vrai. C'est pourquoi ce qui est du domaine de la volonté tombe sous celui de l'intellect et ce qui est du domaine de l'intellect peut tomber sous celui de la volonté.

DIFFICULTÉ: 3. Saint Augustin dit (Conf. lib. X, cap. 17) que les affections de l'âme ne sont pas connues par des images comme les corps, ni par leur présence comme les arts, mais par certaines notions (2). Or, il semble que ces notions qui sont dans l'âme ne peuvent pas être autre chose que les essences des objets connus ou que leurs images. Il est donc impossible que l'intellect connaisse les affections de l'âme qui sont les actes de la volonté.

SOLUTION : 3. Les affections de l'âme ne sont pas dans l'intellect par des images à la façon des corps, ni par leur présence à la manière des arts, mais comme ce qui résulte d'un principe existe dans ce principe même qui en renferme la notion . C'est ce qui fait dire à saint Augustin que toutes les affections de l'âme existent dans la mémoire par des notions (1).

CEPENDANT, saint Augustin écrit au Traité de la Trinité (lib. X, cap. 10 et 11) : Je comprends que je veux.

CONCLUSION :…
_________________________________________________________

(1) Cet article détermine les rapports qu’il y a entre l’intellect et la volonté : rapports qui servent de fondement à la morale. (2) Le texte de saint Augustin porte: notiones vel notationes. (1) Ou par des impressions.

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Message  Louis Lun 19 Mar 2018, 7:41 am

ARTICLE 4.

L'intellect comprend-t-il l'acte de la  volonté? (1)  

SUITE

CONCLUSION : L'acte de la volonté étant rationnellement intelligible, il est nécessaire que l'intellect le comprenne.

Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (quest. LIX, art. 1), l'acte de la volonté n'est rien autre chose que l'inclination qui résulte de la forme que nous avons comprise, comme l'appétit naturel est l'inclination qui résulte de la forme naturelle.

Or, l'inclination d'une chose existe en elle-même selon sa manière d'être.

Ainsi l'inclination naturelle existe naturellement dans les choses naturelles, l'inclination sensible ou l'appétit sensitif existe sensiblement dans le sujet qui sent, et l'inclination intellectuelle ou l'acte de la volonté existe intelligiblement dans l'être qui comprend, comme dans son principe et son sujet propre.

C'est ce qui fait dire à Aristote (De animâ, lib. III, text. 42) que la volonté existe dans la raison.

Or, ce qui existe d'une manière intelligible dans un sujet intelligent doit nécessairement en être compris.

L'acte de la volonté est donc compris par l'intellect ; il l'est en tant que l'individu sait qu'il veut et en tant qu'il connaît la nature de cet acte et conséquemment la nature de son principe qui est une habitude ou une puissance.
_________________________________________________________________________

(1) Cet article détermine les rapports qu’il y a entre l’intellect et la volonté : rapports qui servent de fondement à la morale.

A suivre : Article 88. Comment l’âme humaine connaît ce qui est au-dessus d’elle.

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Message  Louis Mar 20 Mar 2018, 6:51 am

Question 88.

COMMENT L'ÂME  HUMAINE CONNAÎT CE QUI EST AU-DESSUS D’ELLE.

Nous avons ensuite à examiner comment l'âme humaine connaît les choses qui sont au-dessus d'elle, c'est-à-dire les substances immatérielles. — A cet égard trois questions se présentent : 1° L'âme humaine dans l'état de la vie présente peut-elle comprendre par elles-mêmes les substances immatérielles auxquelles nous donnons le nom d'anges? — 2° Peut-elle parvenir à leur connaissance par la connaissance des choses matérielles? — 3° Dieu est-il la première chose que nous connaissions ?

ARTICLE 1.

L'âme humaine peut-elle, dans l'état de la vie présente, connaître les substances immatérielles par elles-mêmes ? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'âme humaine dans l'état de la vie présente puisse comprendre les substances immatérielles par elles-mêmes. Car saint Augustin dit (De Trin. lib. îIX, cap. 3) : Comme l'esprit acquiert la connaissance des choses corporelles par les sens, de même il acquiert celle des choses spirituelles par lui-même. Or, les substances immatérielles sont spirituelles. Donc l'esprit humain les connaît.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que de ce passage de saint Augustin on peut conclure que notre âme peut connaître par la connaissance qu'elle a d'elle-même ce que nous savons des substances incorporelles. Ce qui est si vrai qu'Aristote dit lui-même (De animâ, lib. I, text. 2) que la science de l'âme est le principe de la connaissance que nous avons des substances immatérielles. Car par là même que notre âme se connaît elle-même, elle arrive à avoir une certaine connaissance des substances incorporelles, sans toutefois les connaître absolument et parfaitement.

DIFFICULTÉ: 2. Le semblable est connu par son semblable. Or, l'esprit humain ressemble plus aux choses immatérielles qu'aux choses matérielles puisqu'il est immatériel lui-même, comme nous l'avons prouvé  ( quest. LXXV, art. 5 ). Donc puisque notre esprit comprend les choses matérielles, à plus forte raison comprend-il les choses immatérielles.

SOLUTION : 2. La ressemblance de nature n'est pas une raison suffisante pour qu'il y ait connaissance; autrement il faudrait dire avec Empédocle que l'âme serait de même nature que toutes les choses qu'elle connaît. Mais pour que la connaissance existe, il faut que la ressemblance de l'objet connu soit dans le sujet qui le connaît comme sa forme. Notre intellect possible étant fait dans l'état actuel pour recevoir les ressemblances des choses matérielles, abstraites des images sensibles, il s'ensuit qu'il connaît plutôt ce qui est corporel que ce qui ne l'est pas.

DIFFICULTÉ: 3. Si ce qu'il y a de plus sensible en soi n'est pas ce que nous sentons le plus vivement, la raison en est que quand la sensation est trop vive elle paralyse nos sens (3). Mais il n'en est pas de même de l'excellence des choses intelligibles par rapport à l'intellect, comme le dit Aristote (De animâ, lib. III, text. 7). Donc les choses qui sont le plus intelligibles par elles-mêmes sont aussi celles qui sont le plus intelligibles par rapport à nous. Et comme les choses matérielles ne sont intelligibles qu'autant que nous les rendons telles en faisant abstraction de la matière, il est évident que les substances qui sont immatérielles par leur nature sont plus intelligibles par elles-mêmes et par conséquent que nous les comprenons mieux que les choses matérielles.

SOLUTION : 3.  Il doit y avoir proportion entre l'objet et la puissance cognitive, comme entre l'actif et le passif, entre la perfection et la perfectibilité. Par conséquent, si les sens ne perçoivent pas les objets qui causent les plus fortes sensations, ce n'est pas uniquement parce que ces objets paralysent et altèrent les organes, mais c'est parce qu'il n'y a plus proportion entre eux et les puissances sensitives. De même c'est parce que les substances immatérielles sont au-dessus de la portée de notre entendement ici-bas que nous ne pouvons les comprendre.

DIFFICULTÉ: 4. Le Commentateur…
___________________________________________________________________

(2) Sur cette question Platon. Aristote et Averroës sont partagés. Saint Thomas expose leur sentiment, et après avoir embrassé celui d'Aristote, il réfute les deux autres. (3) Bossuet développe cette pensée dans son Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même.

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Message  Louis Mer 21 Mar 2018, 7:31 am

ARTICLE 1.

L'âme humaine peut-elle, dans l'état de la vie présente, connaître les substances immatérielles par elles-mêmes ? (2)

SUITE

DIFFICULTÉ (suite)

DIFFICULTÉ: 4. Le commentateur (4) dit (in Met. lib. II) que si nous ne pouvions comprendre les substances abstraites, la nature aurait fait quelque chose d'inutile, parce qu'il serait arrivé que ce qui est en soi naturellement intelligible n'eût été cependant compris par personne. Or, il n'y a rien d'oiseux ni d'inutile dans la nature. Par conséquent nous pouvons comprendre les substances immatérielles.

SOLUTION : 4. Ce raisonnement du commentateur est défectueux pour plusieurs raisons :

1º Parce que si nous ne comprenons pas les substances séparées il ne s'ensuit pas qu'elles ne soient comprises par personne. Elles le sont d'abord par elles-mêmes et ensuite elles se comprennent réciproquement.

2° Parce que les substances séparées n'ont pas été créées pour que nous les comprenions. On dit qu'une chose est inutile et vaine quand elle n'atteint pas la fin pour laquelle elle existe. Par conséquent quand nous ne comprendrions d'aucune manière les substances immatérielles, il ne s'ensuivrait pas qu'elles ont été produites en vain.

DIFFICULTÉ: 5. Ce que les sens sont aux choses sensibles, l'intellect l'est aux choses intelligibles. Or, notre vue peut voir tous les corps, qu'ils soient supérieurs et incorruptibles ou qu'ils soient inférieurs et corruptibles. Donc notre intellect peut comprendre toutes les substances intelligibles supérieures et immatérielles.

SOLUTION : 5. Les sens connaissent de la même manière les corps supérieurs et les corps inférieurs, c'est-à-dire qu'ils les connaissent suivant l'impression que les organes reçoivent de la part des choses sensibles. Mais nous ne comprenons pas de la même manière les substances matérielles que nous connaissons par abstraction et les substances immatérielles que nous ne pouvons ainsi connaître puisqu'il n'y a pas d'images sensibles qui les représentent.

CEPENDANT, il est dit dans la Sagesse (Sap. IX, 16) : Qui découvrira ce qui est dans les cieux? Or, on dit que les substances immatérielles sont dans les cieux, d'après ces paroles de saint Matthieu (XVIII, 10): Leurs anges dans les cieux voient toujours la face de mon Père. Donc les substances immatérielles ne peuvent être connues par l'intelligence humaine.

CONCLUSION :…
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(2) Sur cette question Platon. Aristote et Averroës sont partagés. Saint Thomas expose leur sentiment, et après avoir embrassé celui d'Aristote, il réfute les deux autres. —   (4) Averroës.

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Message  Louis Jeu 22 Mar 2018, 7:07 am

ARTICLE 1.

L'âme humaine peut-elle, dans l'état de la vie présente, connaître les substances immatérielles par elles-mêmes ? (2)

SUITE

CONCLUSION : Puisque l'expérience est là pour nous prouver que nous ne comprenons rien sans image sensible, il est évident que les substances immatérielles qui ne sont ni du domaine des sens, ni de celui de l'imagination, ne peuvent être comprises de nous primitivement et par elles-mêmes dans l'état de la vie présente.

Il faut répondre que dans l'opinion de Platon, non-seulement nous comprenons les substances immatérielles, mais ce sont encore nos premières connaissances. Car Platon a supposé que les formes subsistantes immatérielles auxquelles il donnait le nom d'idées étaient les objets propres de notre intellect et que nous les comprenions ainsi avant toutes choses et par elles-mêmes. Suivant son système notre âme connaît les choses matérielles parce que l'imagination et les sens se mêlent à notre entendement, et il concluait de là que plus l'intellect est pur et mieux il perçoit l'intelligible vérité des choses immatérielles.

D'après Aristote dont nous préférons le sentiment, notre entendement dans l'état de la vie présente se rapporte naturellement aux choses matérielles. C'est pourquoi il ne comprend qu'à l'aide des images sensibles, comme nous l'avons prouvé ( quest. LXXXIV, art. 7 ).  D'après cela il est évident que selon notre mode de connaissance nous ne pouvons comprendre primitivement et par elles-mêmes les substances immatérielles qui ne sont ni du domaine des sens, ni de celui de l'imagination.

—  Cependant Averroës prétend (De an. III, Comm. 36) que l'homme en cette vie peut parvenir à connaître les substances séparées par l'action continue ou l'union de cette substance séparée de nous qu'il appelle l'intellect agent et qui en sa qualité de substance séparée comprend naturellement les substances qui ont le même caractère (1). Ainsi quand cet intellect nous sera uni de manière à pouvoir comprendre par lui, nous comprendrons les substances séparées comme nous comprenons les choses matérielles par l'intellect possible qui est en nous.

Ce philosophe suppose que cette union existe. Car, dit-il, quand nous comprenons par l'intellect agent et par des objets intelligibles réfléchis, comme il arrive en comprenant les conclusions par les principes, il est nécessaire que l'intellect agent soit aux objets réfléchis que l'on comprend ce que l'agent principal est aux instruments ou ce que la forme est à la matière. Car on attribue de ces deux manières une action à deux principes; ainsi on l'attribue à l'agent principal et à l'instrument, comme on attribue l'action de couper à l'ouvrier et à la scie, et on l'attribue à la forme et au sujet comme l'action d'échauffer convient à la chaleur et au feu.

Or, d'après Averroës, l'intellect agent doit être dans les deux sens aux objets intelligibles réfléchis ce que la perfection est à la perfectibilité, ce que l'acte est à la puissance. Le même sujet recevant tout à la fois le parfait et la perfection, comme l'objet actuellement visible et la lumière existent dans la prunelle; ainsi l'intellect possible reçoit simultanément les objets réfléchis qu'il comprend et l'intellect agent. Et plus nous comprenons d'objets réfléchis, plus nous nous approchons de l'union intime de l'intellect agent avec nous, de telle sorte que quand nous connaitrons tous les objets réfléchis qui sont du domaine de notre intelligence, l'intellect agent nous sera alors parfaitement uni, et nous pourrons par lui connaître toutes les choses matérielles et immatérielles, ce qui constitue, dit-il, la félicité dernière de l'homme. Peu importe d'ailleurs à l'hypothèse que dans cette vie heureuse l'intellect possible comprenne par l'intellect agent les substances séparées, comme le veut Averroës, ou qu'il ne les comprenne pas du tout, comme il le fait dire à Alexandre (1), qui veut que l'intellect possible soit corruptible; il n'en est pas moins vrai que l'homme, d'après Averroës, comprend les substances séparées par l'intellect agent.

Mais ce système est insoutenable…
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(2) Sur cette question Platon. Aristote et Averroës sont partagés. Saint Thomas expose leur sentiment, et après avoir embrassé celui d'Aristote, il réfute les deux autres. —   (1) Averroës voulait qu'il n'y ait qu'un seul intellect agent pour tous les hommes. Saint Thomas a réfuté déjà cette erreur ( quest. LXXIX, art. 5 ). (1) Alexandre d'Aphrodisée, qui fleurit au commencement du IIIee siècle, et qui fut un des principaux interprètes de la doctrine d'Aristote. Averroës tenait par conséquent beaucoup à s'appuyer de son autorité.

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Message  Louis Ven 23 Mar 2018, 7:36 am


ARTICLE 1.

L'âme humaine peut-elle, dans l'état de la vie présente, connaître les substances immatérielles par elles-mêmes ? (2)

CONCLUSION (SUITE) : Puisque l'expérience est là pour nous prouver que nous ne comprenons rien sans image sensible, il est évident que les substances immatérielles qui ne sont ni du domaine des sens, ni de celui de l'imagination, ne peuvent être comprises de nous primitivement et par elles-mêmes dans l'état de la vie présente.

Mais ce système est insoutenable.

1° Parce que, si l'intellect agent est une substance séparée il est impossible que nous comprenions par elle formellement. Car le moyen par lequel l'agent agit formellement est sa forme et son acte, puisque tout agent agit selon qu'il est en acte, comme nous l'avons dit ( quest. LXXIX, art. 3 ) en parlant de l'intellect possible.

2° Parce que dans le système d’Averroës l'intellect agent, s'il est une substance séparée, ne nous sera pas uni substantiellement. Il ne nous sera uni que par sa lumière qui nous aide à connaître les choses matérielles et les substances immatérielles, sans que pour cela les autres actions de l'intellect agent aient rien de commun avec nous ; comme quand nous voyons les couleurs illuminées par le soleil, la substance de cet astre ne nous est pas unie au point que nous puissions faire ce qu'il fait, mais nous ne recevons que sa lumière qui nous fait voir les objets.

3º Parce qu'en supposant dans le système d'Averroës que l'intellect agent nous soit substantiellement uni, ces philosophes ne prétendent pas qu'il le serait totalement par un seul objet intelligible ni par deux, mais par tous les objets matériels intelligibles.

Or, l'intelligence de toutes les choses matérielles est moindre que la vertu de l'intellect agent, parce que c'est une plus grande chose de connaître les substances séparées que de connaître toutes les choses matérielles. D'où il est évident que quand même nous comprendrions toutes les choses matérielles, l'intellect agent ne nous serait pas encore uni au point que nous puissions par lui comprendre les substances séparées.

4° Parce qu'on trouve à peine quelqu'un en ce monde qui puisse comprendre toutes les choses matérielles. A ce compte il n'y aurait personne ou fort peu d'hommes capables d'arriver au bonheur, ce qui est opposé au sentiment d'Aristote (Eth. lib. I, cap. 9), qui dit que la félicité est un bien général que peuvent acquérir tous ceux qui ne sont pas dépourvus de vertu. Il est aussi contraire à la raison que des êtres aient une fin et qu'il n'y ait que la plus petite partie de ces êtres qui puisse l'atteindre.  

5° Parce que Aristote dit expressément (Eth. lib. I, cap. 10) que la félicité est une manière d'agir parfaitement conforme à la vertu. Et après avoir énuméré beaucoup de vertus ( Eth. lib. X, cap. 7 et 8 ), il conclut que la félicité dernière consiste dans la connaissance des vérités les plus hautes, et il la rapporte à la vertu de sagesse qu'il avait placée (Eth. lib. VI, cap. 7) à la tête des sciences spéculatives. D'où il est évident qu'Aristote a mis la félicité dernière de l'homme dans la connaissance des substances séparées telle qu'on peut l'acquérir par les sciences spéculatives et non par l'action continue de l'intellect agent tel que Averroës l'a imaginé.

6° Parce que nous avons prouvé ( quest. LXXIX, art. 4 ) que l'intellect agent n'est pas une substance séparée, mais une vertu de l'âme qui s'étend activement à tout ce que l'intellect possible reçoit. Car, comme l'a dit Aristote (De animâ, lib. III, text. 18), l'intellect possible est la puissance passive qui peut devenir toutes choses (1), et l'intellect agent la puissance active qui peut tout faire (2). Donc dans l'état de la vie présente ces deux intellects ne s'étendent qu'aux choses matérielles que l’intellect agent rend intelligibles en acte et qui sont reçues dans l'intellect possible. Par conséquent, dans l'état actuel nous ne pouvons comprendre les substances séparées immatérielles par elles-mêmes ni au moyen de l'intellect possible, ni au moyen de l'intellect agent.
____________________________________________________________________

(2) Sur cette question Platon. Aristote et Averroës sont partagés. Saint Thomas expose leur sentiment, et après avoir embrassé celui d'Aristote, il réfute les deux autres. (1) C’est l’intelligence en puissance, qui devient en acte tous les sujets mêmes qu’elle pense et qu’elle comprend. (2) C’est l’intelligence active qui peut tout rendre intelligible en acte.

A suivre : Article 2. Notre entendement peut-il parvenir par la connaissance des choses matérielles à l’intelligence des substances immatérielles ?

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Message  Louis Sam 24 Mar 2018, 7:17 am

ARTICLE 2.

Notre entendement peut-il parvenir par la connaissance des choses matérielles
à l’intelligence des substances immatérielles ?
(1)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que notre intellect puisse par la connaissance des choses matérielles arriver à l'intelligence des substances immatérielles. Car saint Denis dit (De cœl. hier. cap. 1) qu'il n'est pas possible à l'esprit humain de s'élever à la contemplation immatérielle de ces hiérarchies célestes, s'il n'y est conduit par l'étude des choses matérielles. Il faut donc que les choses matérielles puissent nous conduire à l'intelligence des substances immatérielles.

SOLUTION : 1. Nous pouvons par les choses matérielles nous élever à une connaissance quelconque des choses immatérielles, mais non à une connaissance parfaite, parce qu'il n'y a pas de rapport adéquat entre ce qui est matériel et ce qui ne l'est pas. Les ressemblances, quand on en établit entre les choses matérielles et les choses immatérielles, sont plutôt des dissemblances, comme le dit saint Denis (De cœl. hier. cap. 2)

DIFFICULTÉ: 2. La science est dans l'intellect. Or, il y a des sciences et des définitions qui ont les substances immatérielles pour objets. Car saint Jean Damascène définit l'ange (De fid. orth. lib. II, cap. 3), et la théologie aussi bien que la philosophie s'occupent de la nature de ces êtres spirituels. Donc nous pouvons comprendre les substances immatérielles.

SOLUTION : 2. Les sciences s'occupent surtout d'une manière négative des choses supérieures. Ainsi Aristote fait connaître les corps célestes en déclarant qu'ils n'ont pas les propriétés des corps inférieurs ((De Cœlo, lib. I,  text. 17, 18 et 19). A plus forte raison sommes-nous dans l'impossibilité de connaître les substances immatérielles et de saisir leurs essences. Les sciences ne peuvent nous les faire connaître que négativement en les comparant aux choses matérielles.

DIFFICULTÉ: 3. L'âme humaine est du genre des substances immatérielles. Or, nous pouvons la comprendre par son acte qui lui donne la connaissance des choses matérielles. Donc nous pouvons aussi connaître les autres substances immatérielles par les effets qu'elles produisent dans les choses matérielles.

SOLUTION : 3. L'âme humaine se comprend elle-même par sa connaissance qui est son acte propre, et qui démontre parfaitement sa vertu et sa nature. Mais on ne peut connaître parfaitement, ni par elle, ni par ce qui existe dans les choses matérielles, la vertu et la nature des substances immatérielles, parce qu'aucune de ces choses n'est adéquate avec ces dernières.

DIFFICULTÉ: 4.  La seule cause qu'on ne puisse comprendre par ses effets est celle qui en est infiniment éloignée. Or, il n'y a que Dieu qui soit dans ce cas. Donc nous pouvons connaître les autres substances immatérielles par les choses matérielles.

SOLUTION : 4. Les substances immatérielles créées ne sont pas naturellement du même  genre que les substances matérielles parce qu'en elles la puissance et la matière ne sont pas dans le même rapport; mais elles sont du même genre logiquement, parce que les substances immatérielles sont comprises dans la catégorie générale de la substance, puisque leur essence n'est pas leur être. Mais Dieu n'est pas du même genre que les choses matérielles ni naturellement, ni logiquement, parce qu'il n'est d'aucun genre, comme nous l'avons dit (quest. III, art. 5). Par conséquent par la ressemblance des choses matérielles on peut connaître quelque chose des anges affirmativement sous un rapport général (1), quoiqu'on ne puisse rien en connaître sous le rapport de l'espèce. Mais on ne peut rien connaître de Dieu d'aucune manière.

CEPENDANT, saint Denis dit (De div. nom. cap. 1) que les choses intelligibles ne peuvent être comprises par ce qui est sensible, les choses simples par ce qui est composé, les choses incorporelles par ce qui est corporel.

CONCLUSION :…
__________________________________________________________________

(1) Quoique saint Thomas fasse venir les idées des sens, on voit par cet article combien sa doctrine s’éloigne de la doctrine matérialiste du dernier siècle, qui faisait tout reposer sur la sensation. (1) On peut les connaître en général comme substance.

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Message  Louis Dim 25 Mar 2018, 7:06 am

ARTICLE 2.

Notre entendement peut-il parvenir par la connaissance des choses matérielles
à l’intelligence des substances immatérielles ?
(1)

SUITE

CONCLUSION : Puisque la quiddité ou l'essence des choses matérielles que notre entendement abstrait de la matière est absolument d'une autre nature que les substances immatérielles, nous ne pouvons pas connaître parfaitement les substances immatérielles par les substances matérielles.

Il faut répondre que Averroës rapporte qu'un philosophe appelé Avempace (2) voulait que selon les vrais principes de la philosophie nous puissions par la connaissance des substances matérielles arriver à l'intelligence des substances spirituelles. Car, disait-il, notre intellect étant fait naturellement pour abstraire de la matière l'essence des choses matérielles, s'il y a encore quelque chose de matériel dans cette essence, il pourra l'abstraire de nouveau, et comme cette opération ne peut se répéter à l'infini, il pourra enfin parvenir à une essence qui soit absolument sans matière, et c'est ce qui constitue l'intelligence des substances immatérielles.

A la vérité ce raisonnement serait concluant, si les substances immatérielles étaient les formes et les espèces des substances matérielles, comme le voulaient les platoniciens. Mais si l'on n'admet pas cette hypothèse et qu'on suppose au contraire que les substances immatérielles sont absolument d'une autre nature que l'essence des choses matérielles, notre intellect aura beau abstraire de la matière ces essences, il ne parviendra jamais à quelque chose qui ressemble à une substance spirituelle. C'est pourquoi nous ne pouvons comprendre parfaitement les substances immatérielles au moyen des substances matérielles.
_________________________________________________________________

(1) Quoique saint Thomas fasse venir les idées des sens, on voit par cet article combien sa doctrine s’éloigne de la doctrine matérialiste du dernier siècle, qui faisait tout reposer sur la sensation. (2) Avempace ou Aben-pace fut un des philosophes arabes les plus célèbres. Il naquit à Cordoue et mourut très jeune à Fez en 1138.
A suivre : Article 3. Dieu est-il la première chose que l’esprit humain connaisse?

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Message  Louis Lun 26 Mar 2018, 6:51 am

ARTICLE 3.

Dieu est-il la première chose que l’esprit humain connaisse? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que Dieu soit le premier objet que l'esprit humain connaisse. En effet, l'être en qui tout est connu et celui par qui nous jugeons de tout le reste, est le premier objet que nous connaissions. C'est ainsi que l'œil voit avant tout la lumière et l'intellect les premiers principes. Or, nous connaissons toutes choses dans la lumière de la vérité première, et nous jugeons de tout par elle, comme le dit saint Augustin (De ver. relig. cap. 3). Donc Dieu est le premier objet que nous connaissons.

SOLUTION : 1. Nous  comprenons tout, nous jugeons tout dans la lumière de la vérité première, dans le sens que la lumière de notre intellect, qu'elle soit naturelle ou gratuite, n'est rien autre chose qu'une impression de la vérité première, comme nous l'avons dit (quest. XII, art. 2). Par conséquent, la lumière elle-même de notre intellect n'étant pas son objet, mais son moyen de connaissance, Dieu est-il encore moins l'objet premier que notre entendement perçoit.

DIFFICULTÉ: 2. Ce qui fait connaître une chose est plus connu que la chose elle-même. Or, Dieu est la cause de toutes nos connaissances; car il est la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde, comme le dit saint Jean (Joan. I, 9). Donc Dieu est l'être que nous connaissons avant tous les autres, et que nous connaissons le mieux.

SOLUTION : 2. Ce principe : Ce qui fait connaître une chose est plus connu qu'elle, n'est applicable qu'aux choses de même ordre, comme nous l'avons dit (quest. LXXXVII, art. 2 ad 3). Or, les autres choses nous sont connues à cause de Dieu, non parce qu'il est le premier objet que nous connaissons, mais parce qu'il est la cause première de toute faculté cognitive.

DIFFICULTÉ: 3. Ce qu'on connaît avant tout dans une image , c'est le type d'après lequel elle a été formée. Or, l'image de Dieu existe dans notre esprit, comme le dit saint Augustin (De Trin. lib. XII, cap. 5 et 19). Donc Dieu est l'objet premier que nous connaissons en nous-mêmes.

SOLUTION : 3. S'il y avait dans notre âme une image parfaite de Dieu, comme le fils est l'image parfaite du père, notre âme comprendrait Dieu immédiatement. Mais nous n'avons de Dieu qu'une image imparfaite, et par conséquent le raisonnement n'est pas concluant.

CEPENDANT, saint Jean dit (Joan. I, 18) : Personne n'a jamais vu Dieu.

CONCLUSION :…
________________________________________________________

(2) Cet article est un corollaire des questions précédentes. Il vient d’ailleurs à l’appui de ce que saint Thomas a dit sur la manière dont l’existence de Dieu peut se démontrer.

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Message  Louis Mar 27 Mar 2018, 7:09 am

ARTICLE 3.

Dieu est-il la première chose que l’esprit humain connaisse? (2)

SUITE
CONCLUSION : Puisque nous ne connaissons Dieu que par les créatures, il n'est pas le premier objet de nos connaissances.

Il faut répondre que l'intellect humain, dans l'état de la vie présente, ne pouvant pas comprendre les substances immatérielles créées, comme nous l'avons dit ( art. préc. LXXXVIII, art. 1 ), peut encore moins comprendre l'essence de la substance incréée. Il faut donc dire absolument que Dieu n'est pas l'objet premier de nos connaissances, mais que nous parvenons plutôt à le connaître par les créatures, suivant ces paroles de saint Paul (Rom. I, 20) : Les perfections invisibles de Dieu nous ont été rendues intelligibles par les choses qu'il a faites. La première chose que nous comprenons en cette vie, c’est donc la quiddité ou l'essence des créatures matérielles ; voilà l'objet propre de notre intellect, comme nous l'avons tant de fois répété  ( quest. LXXXIV, art. 7 ; quest. LXXXV, art. 1 ; quest. LXXXVII, art. 2 ad. 2 ).
A suivre : Article 89. DE  LA CONNAISSANCE  DE  L'ÂME SÉPARÉE   DU  CORPS.

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Message  Louis Mer 28 Mar 2018, 7:33 am

Question 89.


DE  LA CONNAISSANCE  DE  L'ÂME SÉPARÉE   DU  CORPS.

Nous avons enfin à nous occuper de la connaissance de l'âme séparée du corps.

À cet égard huit questions se présentent :

1° L'âme séparée du corps peut-elle comprendre? — 2° Comprend-elle les substances séparées? — 3º Comprend-elle toutes les choses naturelles ? — 4° Connait-elle chaque chose en particulier? — 5° Les sciences qu'elle a acquises ici-bas restent-elles dans l'âme après sa séparation du corps ? — 6° Peut-elle faire usage des sciences qu'elle a acquises ici-bas ? — 7º La distance des lieux est-elle un obstacle à la connaissance de l'âme séparée? — 8° Les âmes séparées des corps connaissent-elles ce qui se passe ici-bas ?

ARTICLE 1.

L'âme séparée du corps peut-elle comprendre quelque chose? (1)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'âme séparée du corps ne puisse absolument rien comprendre. Car Aristote dit (De animâ, lib. I, text. 66) que l'entendement se corrompt quand certains organes intérieurs se corrompent. Or, la mort corrompt tous les organes intérieurs de l'homme. Donc elle détruit la connaissance aussi.

SOLUTION : 1. Si l'on approfondit avec soin ces paroles d'Aristote, on remarquera qu'il parle en cet endroit conformément à une hypothèse qu'il avait préalablement établie (loc. cit., text. 12), c'est-à-dire qu'il raisonne dans le cas où l'intelligence serait comme la sensation un mouvement de l'âme et du corps réunis. Car il n'avait point encore établi la différence qu'il y a entre l'entendement et les sens. — Ou bien on peut dire qu'il parle du mode d'intelligence qui suppose l'emploi d'images sensibles, et c'est aussi là-dessus que repose le second argument.

DIFFICULTÉ: 2.  L'âme humaine ne peut comprendre quand les sens sont enchaînés et que l'imagination est troublée, comme nous l'avons dit (quest. LXXXIV, art. 7 et 8 ). Or, la mort détruit totalement les sens et l'imagination, comme nous l'avons vu ( quest. LXXVII, art. 8 ). Donc l'âme ne comprend rien après la mort.

SOLUTION : 2. (n.d.l.r. : voir  SOLUTION 1.)

DIFFICULTÉ: 3.  Si l'âme séparée du corps comprend, il faut que ce soit par des espèces. Or, elle ne comprend pas par des espèces innées, puisqu'elle est à son origine comme une tablette sur laquelle il n'y a rien d'écrit; elle ne comprend pas non plus par des espèces qu'elle abstrairait alors des objets matériels, puisqu'elle n'a plus les organes des sens et de l'imagination au moyen desquels elle pourrait faire ces abstractions ; elle ne comprend pas par des espèces qu'elle aurait auparavant abstraites et ensuite conservées, parce que dans ce cas l'âme d'un enfant ne comprendrait rien; enfin, elle ne comprend pas par des espèces intelligibles que Dieu lui communiquerait, parce que ce ne serait plus la connaissance naturelle dont il est maintenant question, mais une connaissance qui résulterait de la grâce. Donc l'âme séparée du corps ne comprend rien.

SOLUTION : 3. L'âme séparée ne comprend ni par des espèces innées, ni par des espèces qu'elle abstrait alors, ni par des espèces qu'elle a conservées, comme le prouve l'objection. Mais elle comprend par des espèces qui lui viennent de la lumière divine et auxquelles elle participe comme les autres substances séparées, bien que d'une manière moins élevée. Par conséquent du moment où elle cesse d'être en rapport avec le corps elle se tourne immédiatement vers les régions supérieures, il ne s'ensuit pas pour cela que sa connaissance ou sa puissance ne soit pas naturelle, parce que Dieu est l'auteur non-seulement de la lumière qu'il nous communique par sa grâce, mais encore de celle que nous recevons naturellement.

CEPENDANT: Aristote dit (De animâ, lib. I, text. 13) que si l'âme n'avait pas une opération propre, elle ne pourrait être séparée. Or, il arrive qu'elle est séparée. Donc elle a une opération propre, et celle qui lui est la plus propre c'est l'intelligence. Donc elle comprend sans que le corps existe avec elle.

CONCLUSION :…
__________________________________________________________________________

(1) Cette question philosophique touche à la foi sous divers rapports. Elle établit d'abord la spiritualité de l'âme, ensuite sa survivance, enfin la possibilité des relations entre les morts et les vivants que la prière suppose.


Dernière édition par Louis le Jeu 05 Avr 2018, 6:24 am, édité 1 fois (Raison : Orthographe.)

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Message  Louis Jeu 29 Mar 2018, 7:36 am

ARTICLE 1.

L'âme séparée du corps peut-elle comprendre quelque chose? (1)

SUITE

CONCLUSION : Puisque en chaque chose le mode d'opération est la conséquence de son mode d'être, il est nécessaire que l'âme séparée du corps comprenne non en faisant usage des images sensibles qui sont dans les organes corporels, mais en se portant vers les choses qui sont absolument intelligibles.

Il faut répondre que ce qui fait la difficulté de cette question c'est que l'âme, tant qu'elle est unie au corps, ne peut rien comprendre sans avoir recours à des images sensibles, comme l'expérience le démontre. Si l'on admettait avec les platoniciens que cette disposition ne tient pas à la nature de l'âme, mais que c'est un accident qui résulte de son union avec le corps, la solution de la question serait facile. Car du moment où l'obstacle du corps serait écarté, l'âme reviendrait à sa nature et comprendrait simplement les choses intelligibles sans avoir recours aux images sensibles, comme font du reste toutes les autres substances séparées. Mais dans cette hypothèse ce ne serait pas un avantage pour l'âme d'être unie au corps, puisque dans ce cas elle comprendrait moins bien pendant qu'elle lui est unie qu'après en être séparée. Il n'y aurait profit en cela que pour le corps, ce qui est absurde, puisque c'est la matière qui existe pour la forme et non réciproquement. Mais si nous supposons qu'il est dans la nature de l'âme de comprendre par le moyen d'images sensibles, comme la nature de l'âme n'est pas changée après la mort du corps, il semble qu'alors elle ne puisse rien comprendre naturellement puisqu'alors elle n'a plus d'images sensibles dont elle puisse faire usage.

—  C'est pourquoi pour détruire la difficulté il faut observer que tout être n'opérant qu'autant qu'il est en acte, le mode d'opération de chaque chose est une conséquence de son mode d'être. Or l'âme a une autre manière d'être quand elle est unie au corps que quand elle en est séparée, mais elle conserve dans l'un et l'autre état l'identité de sa nature. Ce n'est pourtant pas que son union avec le corps soit un pur accident; car elle lui est unie à raison même de sa nature. Mais elle est immuable au milieu de ses changements comme la nature d'un corps léger reste la même, soit qu'il se trouve dans le lieu qui lui est propre, soit qu'il existe dans un autre qui lui soit contraire. Quand l'âme est unie au corps elle a une manière d'être d'après laquelle elle ne comprend que par les images sensibles qui sont dans les organes corporels. Mais quand elle en est séparée elle a une nouvelle manière d'être d'après laquelle elle comprend directement les choses intelligibles à la façon des autres substances immatérielles. Ainsi donc, il est naturel à l'âme humaine de comprendre par les images sensibles, comme il lui est naturel d'être unie au corps, et il est en dehors des lois de sa nature d'être séparée du corps comme il est en dehors de ces mêmes lois qu'elle comprenne sans avoir recours aux images sensibles. C'est pourquoi elle est unie au corps pour qu'elle agisse selon sa nature.

— Mais ici une nouvelle question se présente…
_______________________________________________________________

(1) Cette question philosophique touche à la foi sous divers rapports. Elle établit d'abord la spiritualité de l'âme, ensuite sa survivance, enfin la possibilité des relations entre les morts et les vivants que la prière suppose.

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Message  Louis Dim 01 Avr 2018, 7:09 am

ARTICLE 1.

L'âme séparée du corps peut-elle comprendre quelque chose? (1)

CONCLUSION (SUITE) : Puisque en chaque chose le mode d'opération est la conséquence de son mode d'être, il est nécessaire que l'âme séparée du corps comprenne non en faisant usage des images sensibles qui sont dans les organes corporels, mais en se portant vers les choses qui sont absolument intelligibles.

—  Mais ici une nouvelle question se présente. Chaque chose étant faite pour le mieux, puisqu'il est mieux de comprendre simplement par le moyen des choses intelligibles sans avoir recours aux images sensibles, Dieu aurait dû créer notre âme de telle sorte que le mode d'intelligence le plus noble lui eût été naturel, et qu'elle n'eût pas besoin pour comprendre d'être unie au corps.

— Il faut ici remarquer que bien qu'absolument parlant il soit plus noble de comprendre par le moyen des choses intelligibles que par les images sensibles, ce mode d'intelligence était par rapport à l'âme plus imparfait, et c'est ce qu'on peut rendre ainsi évident. En effet dans toutes les substances intellectuelles il y a une puissance d'entendement qui résulte de la lumière divine (1). Cette lumière, qui est une et simple à sa première origine, se divise d'autant plus que les créatures intellectuelles s'écartent davantage de leur premier principe, et elle se diversifie comme il arrive aux lignes qui sortent d'un centre.

De là il arrive que Dieu comprend toutes choses par son essence unique, tandis que les substances intellectuelles les plus élevées, bien qu'elles comprennent par plusieurs formes, embrassent cependant l'ensemble des choses par un nombre de formes très-restreint qui ont une extension et une efficacité en rapport avec la puissance de leur vertu intellectuelle.

Dans les substances inférieures il y a plus de formes, elles sont moins universelles et moins aptes à faire comprendre les objets parce que ces substances n'ont pas la même vigueur intellectuelle que les autres. Si donc les substances inférieures avaient des formes aussi universelles que les substances supérieures, comme elles n'ont pas la même force d'intelligence, elles n'auraient pas une connaissance parfaite des choses, elles ne les connaîtraient qu'en général et d'une manière confuse, comme on le remarque quelquefois parmi les hommes. Car ceux qui ont l'intelligence médiocre ne peuvent rien apprendre au moyen des conceptions générales de ceux qui sont plus intelligents qu'eux;  il faut qu'on leur explique chaque chose en particulier.

Or, il est évident que parmi les substances intellectuelles l'âme humaine tient le dernier rang dans l'ordre de la nature. La perfection de l'univers exigeait qu'il y eût ainsi divers degrés dans les êtres.

Par conséquent, si Dieu eût créé l'âme humaine pour qu'elle comprit à la manière des substances séparées, elle n'aurait rien connu parfaitement, mais elle n'aurait eu qu'une connaissance vague et confuse en général. Pour qu'elle pût avoir des choses une connaissance propre et parfaite, il l'a donc naturellement créée pour être unie au corps et par conséquent pour recevoir des choses sensibles ses connaissances. Ainsi, les hommes grossiers ne peuvent arriver à la science que par des exemples qui frappent leurs sens.

Il est donc évident qu'il est avantageux à l'âme d'être unie au corps et de comprendre à l'aide des images sensibles, bien qu'elle puisse être séparée et comprendre d'une autre manière.
_______________________________________________________________

(1) Cette question philosophique touche à la foi sous divers rapports. Elle établit d'abord la spiritualité de l'âme, ensuite sa survivance, enfin la possibilité des relations entre les morts et les vivants que la prière suppose. —   (1) C’est dans ce sens que l’on peut admettre la doctrine de Mallebranche, qui dit que nous voyons Dieu, et divers passages de saint Augustin qui ont le même sens.
A suivre : Article 2.  L'âme séparée comprend-t-elle les substances immatérielles ?

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Message  Louis Lun 02 Avr 2018, 7:04 am

ARTICLE 2.

L'âme séparée comprend-t-elle les substances immatérielles ? (1)

DIFFICULTÉ: 1. Il  semble que l'âme séparée ne comprenne pas les substances spirituelles. Car l'âme unie au corps est plus parfaite que quand elle en est séparée, puisque l'âme est naturellement une partie de la nature humaine, et que toute partie est plus parfaite quand elle est unie au tout que quand elle ne l'est pas. Or, l'âme unie au corps ne comprend pas les substances immatérielles, comme nous l'avons dit (quest. LXXXVIII, art. 1). Donc elle les comprend encore moins quand elle en est séparée.

SOLUTION : 1. L'âme séparée est à la vérité plus imparfaite si l'on considère la nature du corps, mais sous un autre rapport son intelligence a plus de liberté parce que la pesanteur du corps et ses travaux ne sont plus là pour en entraver l'exercice.

DIFFICULTÉ: 2. Tout ce que nous connaissons nous le connaissons, soit parce qu'il est présent à notre esprit, soit par sa ressemblance ou son image. Or, l'âme ne peut connaître les substances spirituelles par leur présence parce qu'il n'y a que Dieu qui pénètre en elle. Elle ne les connaît pas non plus par les espèces ou images qu'elle pourrait abstraire de l'ange, parce que l'ange est plus simple qu'elle. Donc l'âme séparée ne peut en aucune manière connaître les substances spirituelles.

SOLUTION : 2. L'âme séparée comprend les anges par les ressemblances que la Divinité imprime en elle, mais ces images ne représentent pas parfaitement leur nature parce que la nature de l'âme est inférieure elle-même à celle de l'ange.

DIFFICULTÉ: 3. Il y a des philosophes qui ont supposé que la félicité dernière de l'homme consistait dans la connaissance des substances spirituelles. Si donc l'âme après sa séparation du corps peut comprendre les substances spirituelles, il s'ensuit que par le fait seul de sa séparation elle arrive au bonheur, ce qui répugne.

SOLUTION : 3. La félicité dernière de l'homme ne consiste pas dans la connaissance de quelques substances séparées quelles qu'elles soient;  elle ne consiste que dans la connaissance de Dieu qui ne peut être vu que par la grâce. Toutefois il y a un grand bonheur à connaître les autres substances séparées, quand on les connaît parfaitement, bien que ce bonheur ne soit pas le plus élevé. Mais l'âme séparée ne les comprend pas naturellement de la sorte, comme nous l'avons dit (in corp. art.).

CEPENDANT, les âmes après la mort se connaissent entre elles, comme on le voit par le mauvais riche qui était dans l'enfer et qui voyait Lazare et Abraham (Luc, XVI). Elles voient donc aussi les démons et les anges.

CONCLUSION :…
________________________________________________________________

(1) L'Ecriture, en parlant de l’autre vie, nous montre les élus formant une société entre eux ; ce qui suppose qu'ils se connaissent. D'ailleurs, quand l'âme est séparée du corps, il est tout simple qu'elle connaisse les autres substances séparées, puisqu'elle est de même nature qu'elles.

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Message  Louis Mar 03 Avr 2018, 6:36 am

ARTICLE 2.

L'âme séparée comprend-t-elle les substances immatérielles ? (1)

SUITE

CONCLUSION : L'âme  séparée du corps se comprenant elle-même par elle-même, tandis qu'elle comprend les autres choses spirituelles selon le mode de sa substance qui es inférieur au mode de la substance des anges, mais qui est conforme à celui des autres âmes séparées, il s'ensuit qu'elle connaît parfaitement les autres âmes qui sont comme elle séparées de leur corps, mais qu'elle ne connaît qu'imparfaitement les anges.

Il faut répondre que, comme le dit saint Augustin (De Trin. lib. IX, cap. 3), notre esprit connaît les choses incorporelles par lui-même, c'est-à-dire qu'il les connaît en se connaissant, comme nous l'avons vu  ( quest. LXXXVII, art. 1 ad 1 ).

Nous n'avons donc qu'à examiner comment l'âme séparée se connaît elle-même pour savoir comment elle connaît les autres substances qui sont séparées aussi.

Or, nous avons dit ( art. préc.) que tant que l'âme est unie au corps elle comprend à l'aide d'images sensibles. C'est pourquoi elle ne peut se comprendre elle-même qu'autant qu'elle est mise en acte par l'espèce qu'elle a abstraite des images sensibles ; ce qui fait conséquemment qu'elle se comprend par son acte, comme nous l'avons dit  (quest. LXXXVII, quest art. 1 et 3 ). Mais quand elle est séparée du corps, comme au lieu de comprendre à l'aide d'images sensibles elle comprend par ce qui est intelligible en soi, il arrive qu'alors elle se comprend elle-même par elle-même.

Or, toutes les substances séparées ont ceci de commun qu'elles comprennent ce qui est au-dessus d'elles et ce qui est au-dessous selon leur manière d'être. Car une chose est comprise suivant ce qu'elle est dans le sujet qui la comprend, et une chose est dans une autre d'après le mode de celle qui la reçoit. Le mode de l'âme séparée est inférieur au mode de la substance des anges, mais il est égal à celui de toutes les autres âmes qui sont séparées comme elle.

C'est pourquoi si l'on ne parle que de la connaissance naturelle de l'âme séparée, elle a une connaissance parfaite des autres âmes qui sont séparées comme elle, mais elle n'a qu'une connaissance imparfaite et défectueuse des anges. Toutefois on doit raisonner autrement quand il s'agit de la connaissance de la gloire.
__________________________________________________________

(1) L’Écriture, en parlant de l’autre vie, nous montre les élus formant une société entre eux ; ce qui suppose qu'ils se connaissent. D'ailleurs, quand l'âme est séparée du corps, il est tout simple qu'elle connaisse les autres substances séparées, puisqu'elle est de même nature qu'elles.

A suivre : ARTICLE 3. L'âme séparée connaît-elle toutes les choses naturelles ?

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Message  Louis Mer 04 Avr 2018, 7:24 am

ARTICLE 3.

L'âme séparée connaît-elle toutes les choses naturelles ? (1)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'âme séparée connaisse toutes les choses naturelles. Car les substances séparées renferment les raisons de toutes les choses naturelles. Or, les âmes séparées connaissent les substances séparées. Donc elles connaissent toutes les choses naturelles.

SOLUTION : 1. Les anges eux-mêmes ne connaissent pas toutes les choses naturelles par leur substance, mais par des espèces, comme nous l'avons dit (quest. LXXXVIII, art. 1). De ce que l'âme connaît les substances séparées il ne s'ensuit donc pas qu'elle connaisse toutes les choses naturelles.

DIFFICULTÉ: 2. Celui qui comprend ce qu'il y a de plus intelligible comprend à plus forte raison ce qui l'est moins. Or, l'âme séparée comprend les substances séparées qui sont ce qu'il y a de plus intelligible.  Donc à plus forte raison peut-elle comprendre toutes les choses naturelles qui sont ce qu'il y a de moins intelligible.

SOLUTION : 2. Comme l'âme séparée ne connaît pas parfaitement les substances séparées, de même elle ne connaît pas parfaitement toutes les choses naturelles ; elle ne les connaît que confusément, comme nous l'avons dit (in corp. art.).

DIFFICULTÉ: 3. Au contraire : les démons ont une connaissance naturelle plus étendue que l'âme humaine après sa séparation du corps. Or, les démons ne connaissent pas toutes les choses naturelles; car, comme le dit saint Isidore (De sum. Bono, lib. I, cap. 12, § 17), l'expérience des siècles leur en apprend beaucoup. Donc les âmes séparées ne connaissent pas toutes les choses naturelles.

SOLUTION : 3. Saint Isidore parle de la connaissance des choses futures que les anges, les démons et les âmes séparées ne connaissent que dans leurs causes ou par la révélation divine. Mais nous ne parlons ici que de la connaissance naturelle.

DIFFICULTÉ: 4. Si l'âme aussitôt qu'elle est séparée du corps connaissait toutes les choses naturelles, les hommes travailleraient en vain à l'étude des sciences, ce qui semble répugner. Donc l'âme ne connaît pas toutes les choses naturelles aussitôt qu'elle est séparée du corps.

SOLUTION : 4. La connaissance que nous acquérons ici-bas des choses naturelles est une connaissance propre et parfaite, tandis que l'autre est une connaissance confuse. On ne peut donc en conclure que l'étude de la nature soit une chose vaine.

CONCLUSION :…
______________________________________________________________

(1) Il est à remarquer que dans tous ces articles il s'agit de la connaissance naturelle de l'âme après la mort ; saint Thomas parlera de sa connaissance surnaturelle, quand il s'agira de la grâce et de la gloire. Mais comme la nature est le fondement de la grâce, toutes les propositions qu'il démontre ici sont essentielles.

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Message  Louis Jeu 05 Avr 2018, 6:24 am

ARTICLE 3.

L'âme séparée connaît-elle toutes les choses naturelles ? (1)


SUITE

CONCLUSION : Les âmes séparées du corps n'ont pas une connaissance certaine et propre des choses naturelles, mais elles en ont une connaissance générale et confuse.

Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. 1 ad 3), l'âme séparée comprend par des espèces qu'elle reçoit de l'action de la lumière divine comme les anges. Mais parce que la nature de l'âme est inférieure à celle de l'ange à qui ce mode de connaissance est naturel, l'âme séparée ne reçoit pas par ces espèces une connaissance parfaite des choses, elle n'en reçoit qu'une connaissance vague et confuse.

Ainsi comme les anges connaissent parfaitement les choses naturelles au moyen de ces espèces, de même les âmes séparées les connaissent d'une manière imparfaite et confuse. D'ailleurs les anges ont à l'aide de ces espèces une connaissance parfaite de toutes les choses naturelles, parce que tous les êtres dont Dieu a enrichi la nature ont été d'abord produits dans l'intelligence des anges, comme le dit saint Augustin ( Sup. Gen. ad litt. lib. II, cap. 8 ). D'où l'on doit conclure que les âmes séparées n'ont pas de toutes les choses naturelles une connaissance certaine et propre, mais une connaissance générale et confuse.
_______________________________________________________________

(1) Il est à remarquer que dans tous ces articles il s'agit de la connaissance naturelle de l'âme après la mort ; saint Thomas parlera de sa connaissance surnaturelle, quand il s'agira de la grâce et de la gloire. Mais comme la nature est le fondement de la grâce, toutes les propositions qu'il démontre ici sont essentielles.

A suivre : ARTICLE 4. L'âme séparée connaît-elle chaque chose en particulier ?

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Message  Louis Ven 06 Avr 2018, 5:40 am

ARTICLE 4. L'âme séparée connaît-elle chaque chose en particulier ? (1)  

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'âme séparée ne connaisse pas chaque chose en particulier. Car il ne reste pas dans l'âme séparée d'autre puissance cognitive que l'intellect, comme nous l'avons prouvé ( quest. LXXVII art. 8 ). Or, l'intellect n'est pas  fait pour connaître les choses particulières, comme nous l'avons dit (quest. LXXXVI art. 1). Donc l'âme séparée ne connaît pas chaque chose en particulier.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que l'intellect ne peut par l'abstraction connaître les objets en particulier. Aussi ce n'est pas de cette manière que l'âme séparée les connaît, comme nous l'avons dit (in corp. art.).

DIFFICULTÉ: 2. La connaissance par laquelle on connaît une chose en particulier est plus précise que celle par laquelle on la connaît en général. Or, l'âme séparée n'a pas une connaissance précise des espèces des choses naturelles. Par conséquent elle connaît encore moins chaque objet en particulier.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que l'âme séparée a une connaissance précise des espèces ou des individus avec lesquels elle a été en rapport de quelque manière, comme nous l'avons dit (in corp. art.).

DIFFICULTÉ: 3. Si elle connaît certains objets en particulier et que ce ne soit pas au moyen des sens, elle connaît pour la même raison toutes les choses particulières. Or, elle ne les connaît pas toutes. Donc elle n'en connaît aucune.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que l'âme séparée n'a pas les mêmes rapports avec tous les objets en particulier ; elle a des relations avec les uns qu'elle n'a pas avec les autres. C'est pourquoi il n'y a pas de raison pour qu'elle connaisse également toutes les choses particulières.

CEPENDANT, le mauvais riche dit dans l’enfer (Luc. XVI, 28) : J'ai cinq frères.

CONCLUSION :…
___________________________________________________________________________

(1) Saint Thomas indique dans cet article tous les moyens par lesquels l’âme après la mort peut être mise en rapport avec toutes les choses particulières qu'elle connaît. Ces  considérations justifient, au seul point de vue de la raison, la prière pour les morts et le culte des saints.


Dernière édition par Louis le Sam 07 Avr 2018, 1:15 pm, édité 1 fois (Raison : Orthographe.)

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Message  Louis Sam 07 Avr 2018, 7:07 am

ARTICLE 4. L'âme séparée connaît-elle chaque chose en particulier ? (1)

SUITE

CONCLUSION : L'âme séparée connaît quelques objets en particulier, mais elle ne les connaît pas tous : elle ne connaît que ceux avec lesquels elle se trouve en rapport, soit par une connaissance antérieure, soit par une affection quelconque, soit par une relation naturelle, soit par la volonté divine.

Il faut répondre que les âmes séparées connaissent quelques objets en particulier, mais qu'elles ne connaissent même pas tous ceux qui sont présents. Pour s'en convaincre jusqu'à l'évidence il faut remarquer qu'il y a deux manières de comprendre.

L'une s'effectue en abstrayant des images sensibles l'essence des choses. De cette manière l'intellect ne peut pas connaître directement les objets en particulier, mais il le peut indirectement, comme nous l'avons dit (quest. LXXXVI art. 4).

L'autre a lieu par l'action des espèces qui viennent de Dieu. En ce sens l'intellect peut connaître chaque chose en particulier. Car comme Dieu en tant que cause des principes universels et individuels connaît par son essence tous les objets généraux et particuliers (quest. XIV, art. 2); de même les substances séparées peuvent connaître chaque objet en particulier par les espèces qui sont des ressemblances et des participations de l'essence divine.

Toutefois il y a cette différence entre les anges et les âmes séparées, c'est que les anges ont par ces espèces une connaissance propre et parfaite des choses, tandis que les âmes séparées n'en ont qu'une connaissance confuse.

Par conséquent les anges en raison de la puissance de leur intellect peuvent connaître non-seulement la nature spécifique des choses, mais encore tous les objets particuliers compris sous chaque espèce. Mais les âmes séparées ne peuvent connaître que les objets particuliers avec lesquels elles sont en rapport soit par une connaissance antérieure, soit par une affection quelconque, soit par une habitude naturelle, soit par la volonté divine, parce que tout ce qui est reçu dans un sujet y est reçu selon la manière d'être de celui qui le reçoit.
___________________________________________________________________

(1) Saint Thomas indique dans cet article tous les moyens par lesquels l’âme après la mort peut être mise en rapport avec toutes les choses particulières qu'elle connaît. Ces  considérations justifient, au seul point de vue de la raison, la prière pour les morts et le culte des saints.

A suivre : ARTICLE 5. L'habitude de la science que nous avons acquise ici-bas reste-elle dans l’âme séparée?

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Message  Louis Dim 08 Avr 2018, 7:10 am

ARTICLE 5.

L'habitude  de la science que nous avons acquise ici-bas reste-elle dans l’âme séparée? (1)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'habitude de la science que nous avons acquise ici-bas ne reste pas dans l'âme séparée. Car saint Paul dit ( I. Cor. XIII, 8 ) : La science sera détruite.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que saint Paul ne parle pas en cet endroit de l'habitude de la science, mais de l'acte de la connaissance. C'est pourquoi il dit en preuve de ce qu'il avance : Maintenant je ne connais qu'en partie : Nunc cognosco ex parte.

DIFFICULTÉ: 2. En ce monde ceux qui ont le plus de science sont souvent moins vertueux que d'autres qui en sont dépourvus. Si donc l'habitude de la science restait dans l'âme après la mort il s'ensuivrait que dans l'autre vie les moins vertueux seraient placés avant ceux qui le sont le plus, ce qui répugne.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que comme celui qui est moins vertueux peut être d'une taille plus avantageuse que celui qui est plus parfait, de même il peut aussi avoir une science plus grande que la sienne; mais cette supériorité n'est d'aucune importance relativement aux autres prérogatives dont doivent jouir ceux qui ont le mieux accompli leurs devoirs.

DIFFICULTÉ: 3. Les âmes séparées recevront la science par l'influence de la lumière divine. Si la science qu'elles ont acquise ici-bas reste en elles, il arrivera donc que dans le même sujet il y aura deux formes d'une seule et même espèce, ce qui est impossible.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que ces deux sciences ne sont pas du même ordre et que par conséquent il n'y a là rien qui répugne.

DIFFICULTÉ: 4.  Aristote dit (De prædic.  in præd. qualit.) que l'habitude est une qualité qui change difficilement. Or, le chagrin ou d'autres causes altèrent quelquefois la science en cette vie. Par conséquent comme de tous les changements auxquels nous sommes sujets ici-bas, il n'y en a pas de plus profond que celui qui est causé par la mort, il semble que la mort détruise l'habitude de la science.

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, que cet argument n'a rapport qu'à cette partie de la science qui existe dans les facultés sensitives et qui à ce titre est corruptible, comme nous l'avons dit.

CEPENDANT, saint Jérôme dit (in Ep. ad Paulin.) : Apprenons sur cette terre les choses dont la science nous accompagne dans le ciel.

CONCLUSION :…
__________________________________________________________________________

(1) Si l'habitude de la science survit à  la mort du corps, l'habitude de la sagesse doit y survivre aussi, et par conséquent l'âme doit se trouver avec ses mérites et ses vertus, comme aussi avec ses vices et ses mauvaises actions. On voit par là même le rapport qu'il y a entre le dogme et cette proposition philosophique.

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Message  Louis Lun 09 Avr 2018, 6:53 am

ARTICLE 5.

L'habitude  de la science que nous avons acquise ici-bas reste-elle dans l’âme séparée? (1)

SUITE

CONCLUSION : L'habitude de la science que nous avons acquise ici-bas reste dans l'âme séparée suivant ce qu'elle est dans l'intellect ; car elle ne peut être détruite ni par accident, ni par elle-même.

Il faut répondre qu'il y a des philosophes qui ont supposé que l'habitude de la science n'existait pas dans l'intellect même, mais dans les facultés sensitives telles que l'imagination, la pensée et la mémoire (2), et que les espèces intelligibles ne se conservaient pas dans l'intellect possible. Si ce sentiment était vrai, il s'ensuivrait qu'une fois le corps détruit, l'habitude de la science que nous avons acquise ici-bas serait par le fait absolument anéantie. Mais la science étant dans l'intellect qu’Aristote définit le lieu des espèces (De animâ, lib. III, text. 6), il faut que l'habitude de la science acquise soit partie dans les facultés sensitives et partie dans l'entendement lui-même.

Nous pouvons d'ailleurs nous en rendre compte d'après les actes par lesquels l'habitude de la science s'acquiert. Car les habitudes ressemblent aux actes par lesquels on les acquiert, comme le dit Aristote (Eth. lib. II, cap. 1).

Or, les actes de l'intellect par lesquels nous acquérons la science en cette vie s'effectuent par l'attention qu'il prête aux images sensibles qui sont dans les facultés sensitives.

Par conséquent c'est par ces actes que l'entendement possible acquiert la faculté de considérer les espèces transmises par les sens et que les puissances inférieures acquièrent de leur côté une certaine aptitude qui fait que l'intellect en s'aidant de leur secours peut plus aisément comprendre les choses intelligibles.

Ainsi comme l'acte de l'intellect existe principalement et formellement dans l'entendement lui-même, tandis qu'il est matériellement et dispositivement dans les puissances inférieures, il en faut dire autant de l'habitude. L'âme séparée ne conservera donc pas ce qui existe actuellement de la science dans les puissances inférieures, mais elle conservera nécessairement tout ce qui est dans l'intellect.

Car, selon la remarque d'Aristote (De long, et brev. vitae, cap. 1 et 3), une forme se corrompt de deux manières : 1° par elle-même quand elle est détruite par son contraire, comme le chaud par le froid ; 2° par accident quand c'est le sujet lui-même qui est détruit. Or, il est évident que la science qui est dans l'entendement humain ne peut être détruite de cette dernière manière, parce que l'entendement est incorruptible, comme nous l'avons prouvé (quest. LXXIV , art. 2 ad 2).

De même les espèces intelligibles qui sont dans l'intellect possible ne peuvent être détruites par leur contraire, parce qu'il n'y a rien de contraire aux espèces intelligibles, surtout quand il s'agit de la simple intelligence, par laquelle on comprend l'essence des choses (1). Si on les considérait par rapport à l'opération par laquelle l'intellect compose et divise ou raisonne, dans ce cas il y a opposition ou contrariété dans l'intellect en ce sens que ce qu'il y a de faux dans une proposition ou un raisonnement est contraire à ce qui est vrai. De cette manière la science est quelquefois viciée par son contraire, dans le cas par exemple où on se laisse écarter de la science de la vérité par une argumentation mauvaise. C'est pourquoi Aristote dit que la science peut se vicier par elle-même de deux manières : 1º par oubli, et c'est la faute de la mémoire ; 2º par erreur , et c'est le fait d'une mauvaise argumentation. Mais cela n'a pas lieu dans l'âme séparée. On doit donc dire que l'habitude de la science, selon qu'elle est dans l'intellect, reste dans l'âme après sa séparation du corps.

__________________________________________________________________

(1) Si l'habitude de la science survit à  la mort du corps, l'habitude de la sagesse doit y survivre aussi, et par conséquent l'âme doit se trouver avec ses mérites et ses vertus, comme aussi avec ses vices et ses mauvaises actions. On voit par là même le rapport qu'il y a entre le dogme et cette proposition philosophique. (2) Ces philosophes n'avaient pas suffisamment distingué l'intellect  des puissances sensitives, et cette erreur les conduisait au matérialisme. (1) L'essence des choses étant l'objet propre de l'intellect, il ne peut se tromper quand il se borne à connaître cette essence. L'erreur ne provient que des combinaisons produites par la pensée.

A  suivre : Article 6. L’acte de la science acquise ici-bas reste-t-il dans l'âme après la mort ?

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Message  Louis Mar 10 Avr 2018, 7:03 am

ARTICLE 6.

L’acte de la science acquise ici-bas reste-t-il dans l'âme après la mort ? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'acte de la science acquise ici-bas ne reste pas dans l'âme séparée (3). Car Aristote dit (De animâ, lib. I, text. 66) que après la corruption du corps l'âme ne se ressouvient plus, n'aime plus. Or, le souvenir consiste à considérer ce qu'on savait antérieurement. Donc l'âme séparée ne peut avoir l'acte de la science qu'elle a acquise ici-bas.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, qu'Aristote parle du souvenir, c'est-à-dire de cette mémoire qui appartient à la partie sensitive, mais non de la mémoire qui existe dans l'intellect ( quest. LXXIX art. 6 ).

DIFFICULTÉ: 2. Les espèces intelligibles ne peuvent pas avoir plus de puissance dans l'âme séparée qu'elles n'en avaient dans l’âme unie au corps.Or, nous ne pouvons maintenant comprendre par les espèces intelligibles qu'autant que nous avons recours aux images sensibles. Donc l'âme séparée ne peut comprendre par les espèces intelligibles qu'elle a acquises ici-bas.

SOLUTION : 2. II faut répondre au second, que ce divers mode de comprendre ne provient pas de la diversité des espèces, mais des divers états de l'âme qui comprend.

DIFFICULTÉ: 3. Aristote dit (Eth. lib. II, cap. 1 et 2) que les habitudes produisent des actes semblables à ceux par lesquels on les acquiert. Or, l'habitude de la science est acquise ici-bas par des actes de l'intellect faisant usage des images sensibles. Donc elle ne peut produire d'autres actes. Et comme ces actes ne peuvent être produits par l'âme séparée, il s'ensuit qu'il n'y a en elle aucun acte de la science que nous acquérons en ce monde.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que les actes par lesquels l'habitude s'acquiert ressemblent, quant à l'espèce, aux actes qu'elle produit, mais ils ne leur ressemblent pas quant au mode. Car les actes justes qui ne sont pas agréables produisent l'habitude de la justice légale par laquelle nous agissons avec plaisir.

CEPENDANT, on dit au mauvais riche (Luc, XVI, 25) : Souviens-toi que tu as reçu beaucoup de biens pendant ta vie.

CONCLUSION :…
_______________________________________________________________________

(2) Si l'âme n'avait plus l'acte de la science qu'elle a acquise ici-bas, elle ne se rappellerait pas la vie qu'elle a menée, et ne sentirait pas ainsi par elle-même la justice de Dieu à son égard, soit qu'il la récompense, soit qu'il la punisse. (3) C'est-à-dire il semble que l'âme séparée ne puisse faire usage de la science qu'elle a acquise ici-bas. Nous avons conservé cette tournure péripatéticienne.

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