L'âme humaine est-elle immortelle ?

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Message  Louis Dim 17 Sep 2017, 4:04 pm

Bonjour à tous,

L’idée de publier ce fil m’est venu à la suite de cette lecture dans le Catéchisme de Gasparri.

Ve Concile de Latran (1512-1517), session VIII, De anima humana :

«…avec l’approbation du sacré Concile, nous condamnons et réprouvons tous ceux qui soutiennent que l’âme intellectuelle est mortelle…»

Source

Je voulais en savoir plus sur l’âme humaine immortelle. Quoi de plus excellent que la Somme de S. Thomas d’Aquin, quand nous savons ce qui suit :

Mais le plus grand honneur rendu à saint Thomas, réservé à lui seul, et qu'il ne partagea avec aucun des docteurs catholiques, lui vint des Pères du concile de Trente: ils voulurent qu'au milieu de la sainte assemblée, avec le livre des divines Écritures et des décrets des Pontifes suprêmes, sur l'autel même, la Somme de Thomas d'Aquin fût déposée ouverte, pour qu'on pût y puiser des conseils, des raisons, des oracles.
________________________________________________

(extraits de l’Encyclique ÆTERNI PATRIS, 4 août 1879, de S.S. Léon XIII)

Source

Voici un petit tableau explicatif qui résume bien le fil :

L'âme humaine est-elle immortelle ? Tablea11

Ce qui suit a été publié par :


L'âme humaine est-elle immortelle ? Droiux10

Nous éditerons ce fil pour y déposer les * dès leur parution.

Studieuse et profitable lecture.

Bien à vous.

Question 75 : L'ESSENCE DE L'ÂME

* art. 1 : L’âme est-elle un corps ?
* art. 2 : L’âme humaine est-elle une chose subsistante ?
* art. 3 : L’âme des animaux sont-elles subsistantes ?
* art. 4 : L’âme est-elle l’homme ?
* art. 5 : L’âme est-elle composée de matière et de forme ?
* art. 6 : L’âme humaine est-elle corruptible ?
* art. 7 : L’âme est-elle de même nature que l'ange ?

Question 76 : L'UNION DE L'ÂME ET DU CORPS

* art. 1 : Le principe intelligent s’unit-il au corps comme sa forme ?
* art. 2 : Y a-t-il autant de principes intelligents qu'il y a de corps ?
* art. 3 : Y a-t-il dans l'homme, outre l’âme intellectuelle, d'autres âmes d’essence différente?
* art. 4 : Y a-t-il dans l'homme une autre forme que l'âme intellectuelle ?
* art. 5 : Convenait-il à l’âme intellectuelle d’être unie à un corps, tel que le corps humain ?
* art. 6 : L'âme intellectuelle est-elle unie au corps par le moyen de dispositions accidentelles ?
* art. 7 : L’âme est-elle unie au corps par le moyen d’un autre corps quelconque ?
* art. 8 : L’âme est-elle unie au corps par le moyen d’un autre corps quelconque ?

Question 77 : LES FACULTÉS DE L'ÂME EN GÉNÉRAL

* art. 1 : L'essence de l'âme est-elle identique à sa puissance ?
* art. 2 : Y a-t-il une ou plusieurs puissances dans l'âme ?
* art. 3 : Les puissances de l’âme se distinguent-elles par leurs actes et leurs objets?
* art. 4 : Y a-t-il une hiérarchie entre les puissances de l'âme ?
* art. 5 : Toutes les facultés sont-elles dans l’âme comme en leur sujet ?
* art. 6 : Les facultés de l’âme émanent-elles Puissances émanent-elles de son essence ?
* art. 7 : Les puissances procèdent-elles les unes des autres ?
* art. 8 : Toutes les puissances demeurent-elles dans l'âme après qu’elle est séparée du corps ?

Question 78 : LES FACULTÉS DE L’ÂME EN PARTICULIER

* art.1 : Faut-il distinguer dans l’âme des puissances de cinq genres différents ?
* art.2 : Les puissances de l'âme végétative se divisent-elles exactement en facultés de nutrition, d’accroissement et de reproduction ?
* art. 3 : Y-a-t-il exactement cinq sens externes ?
* art. 4 : Avons-nous une division satisfaisante des sens internes ?

Question 79 : DES PUISSANCES INTELLECTUELLES

* art. 1 : L’intellect est-il une puissance de l’âme ?
* art. 2 : L'intelligence est-elle une puissance passive ?
* art. 3 : Faut-il admettre dans l’âme un intellect agent ?
* art. 4 : L’intellect agent est-il quelque chose de l’âme ?
* art. 5 : N’y a-t-il qu'un seul intellect agent pour tous les hommes ?
* art. 6 : La mémoire est-elle dans la partie intellective de l’âme ?
* art. 7 : La mémoire intellectuelle est-elle une faculté différente de l’entendement ?
* art. 8 : La raison est-elle une autre puissance que l’intellect ?
* art. 9 : La raison supérieure et la raison inférieure sont-elles des puissances diverses ?
* art. 10 : L’intelligence est-elle une autre puissance de l’intellect ?
* art. 11 : L’intellect pratique et l’intellect spéculatif sont-ils des puissances diverses ?
* art. 12 : La syndérèse est-elle une puissance spéciale distincte des autres ?
* art. 13 : La conscience est-elle une puissance ?

Question 80 : DES PUISSANCES APPÉTITIVES EN GÉNÉRAL

* art. 1 : L’appétit est-il une puissance spéciale de l’âme ?
* art. 2 : L’appétit sensitif et l’appétit intelligentiel sont-ils des puissances diverses ?

Question 81 : DE LA SENSUALITÉ

* art. 1 : La sensualité n’est-elle qu’appétitive ?
* art. 2 : L’appétit sensitif se distingue-t-il en appétit irascible et concupiscible comme en deux puissances ?
* art. 3 : L’appétit irascible et l’appétit concupiscible obéissent-ils à la raison ?

Question 82 : DE LA VOLONTÉ

* art. 1 : La volonté désire-t-elle nécessairement quelque chose ?
* art. 2 : La volonté veut-elle nécessairement tout ce qu’elle veut ?
* art. 3 : La volonté est-elle une puissance supérieure à l'intellect ?
* art. 4 : La volonté meut-elle l'intellect ?
* art. 5 : Y a-t-il dans l’appétit supérieur un appétit irascible distinct de l’appétit concupiscible ?

Question 83 : DU LIBRE ARBITRE

* art. 1 : L'homme a-t-il le libre arbitre ?
* art. 2 : Le libre arbitre est-il une puissance ?
* art. 3 : Le libre arbitre est-il une puissance appétitive?
* art. 4 : Le libre arbitre est-il une puissance différente de la volonté ?

Question 84 : COMMENT L’ÂME UNIE AU CORPS, COMPREND LES CHOSES CORPORELLES QUI LUI SONT INFÉRIEURES.

* art. 1 : L'âme connaît-elle les corps par l'intellect ?
* art. 2 : L'âme connaît-elle par son essence les choses corporelles ?
* art. 3 : L’âme comprend-t-elle toutes choses par des espèces qui lui sont naturellement innées?
* art. 4 : Les espèces intelligibles viennent-elles à l'âme de quelques formes séparées ?
* art. 5 : L’âme intellective connaît-elle les choses immatérielles dans les raisons éternelles ?
* art. 6 : La connaissance intellectuelle nous vient-elle des choses sensibles ?
* art. 7 : L'intellect peut-il comprendre en acte au moyen des espèces intelligibles qu’il possède sans avoir recours aux images sensibles ?
* art. 8 : Le jugement de l'intellect est-il empêché lorsque les sens ont eux-mêmes perdu leur liberté ?

Question 85 : DE LA MANIÈRE ET DE L'ORDRE D' APRÈS LESQUELS L'INTELLIGENCE COMPREND LES CHOSES CORPORELLES.

* art. 1 : Notre entendement comprend-il les les choses corporelles et matérielles par  l'abstraction des images sensibles ?
* art. 2 : Les espèces intelligibles qui ont été abstraites des images sensibles se rapportent-elles à l'entendement humain, comme un objet ou comme un moyen de connaissance ?
* art. 3 : Les choses les plus universelles sont-elles antérieures dans notre connaissance intellectuelle à celles qui le sont le moins ?
* art. 4 : Pouvons-nous comprendre plusieurs chose à la fois?
* art. 5 : Notre intellect comprend-il en composant et en divisant ?
* art. 6 : L'entendement peut-il être faux ?
* art. 7 : La même chose peut-elle être mieux comprise par les uns que par les autres ?
* art. 8 : L’intellect comprend-il l'indivisible avant le divisible ?

Question 86 : QU'EST-CE QUE NOTRE ENTENDEMENT CONNAÎT DANS LES CHOSES MATÉRIELLES?

* art. 1 : Notre entendement connaît-il les choses particulières ?
* art. 2 : Notre entendement peut-il connaître ce qui est infini ?
* art. 3 : Notre entendement peut-il connaître les choses contingentes ?
* art. 4 : Notre entendement connaît-il les choses futures ?

Question 87 : COMMENT L'ÂME INTELLECTUELLE SE CONNAÎT-ELLE ELLE-MÊME, ET CE QUI EST EN ELLE.

* art. 1 : L'âme intellectuelle se connaît-elle elle-même par son essence ?
* art. 2 : Notre entendement connaît-il les habitudes de l'âme par leur essence ?
* art. 3 : L'entendement connaît-il son acte propre ?
* art. 4 : L'intellect comprend-il l'acte de la volonté ?

Question 88 : COMMENT L’ÂME HUMAINE CONNAIT CE QUI EST AU-DESSUS D'ELLE.

* art. 1 : L'âme humaine dans l'état de la vie présente, peut-elle comprendre les  substances immatérielles par elles-mêmes?
* art. 2 : Notre entendement peut-il parvenir par la connaissance des choses matérielles à l'intelligence des substances immatérielles ?
* art. 3 : Dieu est-il la première choses que l'esprit humain connaisse ?

Question 89 : DE LA CONNAISSANCE DE L'ÂME SÉPARÉE DU CORPS.

* art. 1 : L'âme séparée du corps peut-elle comprendre quelque chose ?
* art. 2 : L'âme séparée comprend-elle les substances immatérielles ?
* art. 3 : L’âme séparée connaît-elle toutes les choses naturelles ?
* art. 4 : L’âme séparée connaît-elle chaque chose en particulier ?
* art. 5 : L’habitude de la science que nous avons acquise ici-bas reste-t-elle dans l'âme séparée ?
* art. 6 : L'acte de la science acquise ici-bas reste-t-il dans l’âme après la mort ?
* art. 7 : La distance locale est-elle un obstacle à la connaissance de l'âme séparée ?
* art. 8 : Les âmes séparées connaissent-elles ce qui se passe ici-bas ?



Dernière édition par Louis le Lun 21 Mai 2018, 6:08 pm, édité 106 fois

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Message  Louis Mer 20 Sep 2017, 4:04 pm

Question 75.

DE L'HOMME QUI EST COMPOSÉ D'UNE SUBSTANCE SPIRITUELLE ET D'UNE SUBSTANCE CORPORELLE ET D' ABORD DE L'ESSENCE DE L'AME.

Après avoir parlé de la créature spirituelle et corporelle, nous avons à nous occuper de l'homme qui est composé de cette double substance. Nous examinerons en premier lieu sa nature et en second lieu sa production. Le théologien doit étudier la nature de l'homme sous le rapport de l’âme, mais non sous le rapport du corps, sinon quant aux relations que le corps a avec l'âme.

C'est pour ce motif que nous devons avant tout traiter de l'âme. Et comme d'après saint Denis (De ang. hier. c. 11) il y a dans les substances spirituelles trois choses : l'essence, la vertu et l'action, nous considérerons :

1° ce qui tient à l'essence de l’âme; 2° ce qui a rapport à sa vertu ou à ses facultés; 3° ce qui regarde son action.

— A l'égard de l'essence de l'âme il faut considérer : 1° l'âme en elle-même; 2º son union avec le corps.

— Relativement à l'âme considérée en elle-même sept questions se présentent : 1° L'âme est-elle un corps? — 2° L'âme humaine est-elle quelque chose de subsistant? — 3" Les âmes des brutes sont-elles subsistantes? — 4° L'âme est-elle l'homme ou plutôt l'homme est-il un composé d'une âme et d'un corps? — 5° Est-elle composée de matière et de forme? — 6° L'âme humaine est-elle incorruptible? — 7° L'âme est-elle de même espèce que l'ange?


ARTICLE 1.

L’âme est-elle un corps ? (1)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'âme soit un corps. Car l'âme est le moteur du corps. Mais ce n'est pas un moteur qui n'est pas mû. Car il semble qu'un être ne puisse en mouvoir un autre qu'autant qu'il est mû lui-même ; d'abord parce qu'on ne donne pas à un autre ce qu'on n'a pas, ainsi ce qui n'est pas chaud n'échauffe pas. Ensuite si un être en meut un autre sans être mû lui-même, il produit alors un mouvement perpétuel, invariable, comme Aristote le prouve (Phys. lib. VIII, text.45). Le mouvement que l'âme imprime au corps n'ayant pas ce caractère, il s'ensuit que l'âme ne le meut que parce qu'elle est mue. Et puisque tout moteur qui est mû lui-même est un corps, il s'en suit que l'âme est un corps.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que comme on ne peut pas dire que l'être qui meut est toujours mû par un autre, parce qu'il faudrait alors remonter indéfiniment de moteur en moteur, il est donc nécessaire de dire que tout moteur n'est pas mû. Car être mû consistant à passer de la puissance à l'acte, le moteur donne au mobile ce qu'il a dans le sens qu'il le fait exister en acte.

Or, comme le dit Aristote, il y a un moteur absolument immobile qui n'est mû ni par lui-même, ni par accident, et c'est ce moteur qui peut imprimer un mouvement toujours uniforme. Mais il y a un autre moteur qui n'est pas mû par lui-même (2), mais par accident, et qui pour ce motif n'imprime pas un mouvement aussi invariable ; ce moteur est l'âme.

Enfin il y a un autre moteur qui est mû par lui-même, c'est le corps.

Et parce que les anciens philosophes ne croyaient qu'à l'existence des corps, ils ont supposé que tout moteur est mû, et que l'âme est mue par elle-même et que c’est un corps.

DIFFICULTÉ: 2. Toute connaissance est l'effet d'une ressemblance quelconque. Or, il ne peut pas y avoir de ressemblance entre un corps et une chose incorporelle. Par conséquent si l'âme n'était pas un corps elle ne pourrait connaître les choses matérielles.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, qu’il n’est pas nécessaire que la ressemblance de la chose connue soit en acte dans la nature du sujet qui la connaît. Mais si c'est une chose par rapport à laquelle le sujet est d'abord en puissance, puis en acte, il ne faut pas que l'image de l'objet connu soit en acte, mais seulement en puissance dans celui qui le connaît.

C'est ainsi que la couleur n'est pas en acte, mais seulement en puissance dans la prunelle de l'œil. Il n'est donc pas nécessaire que les ressemblances des choses matérielles soient en acte dans la nature de l'âme, il suffît que l'âme soit en puissance par rapport à elles.

Mais comme les philosophes anciens ne savaient pas distinguer entre l'acte et la puissance (1), ils supposaient, parce que l'âme connaît les corps, qu'elle était un corps et qu'elle était composée des principes qui les constituent.

DIFFICULTÉ: 3.  Il faut que le moteur soit en contact de quelque manière avec l'objet qu'il meut. Or, il n'y a que des corps qui puissent être en contact. Par conséquent puisque l'âme meut le corps il semble qu'elle soit elle-même un corps.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, qu'il y a deux sortes de contact, un contact matériel et un contact virtuel. Un corps ne peut être touché que par un corps dans le premier sens; dans le second il peut être touché par un être spirituel qui lui communique le mouvement.

CEPENDANT, saint Augustin dit (De Trin.  lib. VI, cap. 6) que l'âme est absolument simple par rapport au corps et qu'elle ne remplit pas les lieux par son étendue.

CONCLUSION : …
___________________________________________________________

(1) Cet article est une réfutation de l'erreur de Tertullien, des saducéens et des philosophes matérialistes. Cette erreur a été condamnée par le pape Innocent III, au concile général de Latran : Credimus quod Deus de nihilo condidit creaturam humanam quasi communem ex spiritu et corpore constitutam. (2) C’est-à-dire d’une manière absolue, comme le corps est mû par ce qui agit sur lui. —   (1)  C'est Aristote qui a établi le premier cette distinction qui joue un si grand rôle dans toutes ses théories.


Dernière édition par Louis le Sam 03 Fév 2018, 4:27 pm, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Jeu 21 Sep 2017, 7:19 am

ARTICLE 1.

L’âme est-elle un corps ? (1)

SUITE

CONCLUSION : L'âme étant le premier principe de vie pour tous les êtres vivants, il ne peut se faire que ce soit un corps, mais elle est l'acte du corps.

Il faut répondre que quand on veut rechercher quelle est la nature de l'âme, il faut préalablement savoir qu'on appelle âme le premier principe de vie qui anime tous les êtres vivants ici-bas.

Car nous appelons animés les êtres qui vivent et inanimés ceux qui ne vivent pas.

Or, la vie se manifeste de deux manières, par la connaissance et le mouvement.

Les anciens philosophes (1), ne pouvant pas s'élever au-dessus de l'imagination, supposaient que le principe de la connaissance et du mouvement était un corps ; ils disaient même qu'il n'y avait de réel que les corps, que ce qui n'était pas corps n'était rien, et pour cette raison ils soutenaient que l'âme est un corps. Quoiqu'on puisse démontrer de plusieurs manières la fausseté de cette opinion, nous n'emploierons qu'un seul raisonnement pour prouver de la façon la plus simple et la plus certaine que l'âme n'est pas matérielle.

Ainsi il est évident que tout ce qui est le principe d'une opération vitale n'est pas l'âme. Car si c'était elle, l'œil qui est le principe de la vision serait l'âme, et on en pourrait dire autant des autres instruments dont l'âme se sert, tandis que nous ne donnons ce nom qu'au premier principe de la vie.

A la vérité un corps peut être un des principes de la vie, comme le cœur, par exemple, est le principe de la vie animale, mais il ne peut en être le premier principe.

Car il est évident qu'un corps considéré comme tel ne peut être un principe de vie, c'est-à-dire qu'il ne peut être vivant ; autrement tous les corps seraient vivants, tous seraient des principes de vie. Or, un corps ne vit ou n'est un principe de vie qu'autant qu'il existe dans des conditions déterminées. Et ces conditions il les tient d'un autre principe qu'on appelle son acte.

L'âme qui est le premier principe de vie n'est donc pas le corps, mais elle est son acte, comme la chaleur qui est le principe de réchauffement n'est point un corps, mais un acte du corps.
______________________________________________________________

(1) Cet article est une réfutation de l'erreur de Tertullien, des saducéens et des philosophes matérialistes. Cette erreur a été condamnée par le pape Innocent III, au concile général de Latran : Credimus quod Deus de nihilo condidit creaturam humanam quasi communem ex spiritu et corpore constitutam. (1) Aristote a fait la critique de tous les systèmes matérialistes des anciens philosophes ( Voyez son Traité de l’âme, liv. I).

A suivre :  Article 2.  L’âme humaine est-elle une chose subsistante ?


Dernière édition par Louis le Sam 03 Fév 2018, 4:28 pm, édité 3 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux et orthographe.)

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Message  Louis Ven 22 Sep 2017, 7:40 am

ARTICLE 2.

L’âme humaine est-elle une chose subsistante ? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'âme humaine ne soit pas quelque chose de subsistant. Car ce qui est subsistant est nécessairement une chose particulière. Or, l'âme n'est pas une chose particulière, ce qui mérite ce nom c'est l'être qui est composé d'une âme et d'un corps. Donc l'âme n'est pas une chose subsistante.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, qu'on peut entendre par chose particulière :

1° tout ce qui subsiste; 2° toute substance complète qui appartient à une espèce quelconque (2).

Par le premier sens on exclut tout accident et toute forme matérielle inhérente à un autre être, et par le second tout ce qui fait partie d'un tout.

Ainsi on peut dire dans le premier sens que la main est une chose particulière, mais on ne pourrait pas le dire dans le second. De même l'âme faisant partie de l'homme on peut dire que c'est une chose particulière dans le premier sens parce qu'elle subsiste réellement, mais on ne pourrait le dire dans le second (3). Il n'y a que l'homme, qui est composé d'âme et de corps, qui soit ainsi une substance complète.

DIFFICULTÉ: 2. Tout ce qui est subsistant peut opérer, agir. Or, on ne dit pas que l'âme opère; car, d'après Aristote (De anima, lib. I, text. 64), dire que l'âme sent ou qu'elle comprend, ce serait comme si l'on disait qu'elle tisse ou qu'elle bâtit. Donc l'âme n'est pas subsistante.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, qu'Aristote n'exprime pas en cet endroit son propre sentiment, mais il parle d'après l'opinion de ceux qui supposaient que l'intelligence est un mouvement. On le voit par ce qui précède (4).

— Ou bien on peut répondre que c'est à l'être qui existe par lui-même qu'il convient d'agir par lui-même.

On dit quelquefois qu'une chose existe par elle-même quand elle n'est pas inhérente à une autre comme un accident ou comme une forme matérielle, bien qu'elle fasse partie d'un tout. Mais on ne regarde à proprement parler comme subsistant par elle-même que la chose qui n'est pas inhérente à une autre à la manière que nous venons de dire et qui n'est pas non plus une partie d'un tout. Dans ce sens on ne peut pas dire que l'œil ou la main subsistent par eux-mêmes, et conséquemment on ne peut pas dire non plus qu'ils agissent par eux-mêmes.

C'est pour cela que les actions des parties sont attribuées au tout qui les fait agir. Ainsi nous disons que l'homme voit par l'œil et qu'il palpe par la main, mais nous donnons à ces propositions un autre sens que quand on dit que le chaud échauffe par la chaleur, parce que la chaleur n'échauffe pas à proprement parler.

On peut donc dire que l'âme comprend comme on dit que l'œil voit; mais on se sert d'une locution plus propre quand on dit que l'homme comprend par le moyen de l'âme.

DIFFICULTÉ: 3. Si l'âme était une chose subsistante, elle pourrait quelquefois agir sans le corps. Or, elle ne peut produire aucune opération sans le corps, elle ne peut pas même comprendre puisqu'elle ne conçoit qu'au moyen des images qui se présentent à elle. Et comme l'imagination ne peut produire d'images sans le corps, il s'ensuit que l'âme humaine n'est pas une chose qui soit subsistante

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que le corps est nécessaire à l'action de l'intelligence non comme un organe par lequel telle ou telle action se produit, mais sous le rapport de l'objet (1). Car les images sensibles sont à l'entendement ce que la couleur est à la vue. Ainsi le besoin que l'âme a du corps n'empêche pas l'intelligence d'être subsistante ; autrement il faudrait dire que l'animal ne subsiste pas, parce qu'il a besoin des objets extérieurs pour sentir.

CEPENDANT, saint Augustin dit (De Trin. lib. X, cap. 7) : Quiconque voit que l'âme est par sa nature une substance et qu'elle est immatérielle, remarque que ceux qui croient qu'elle est un corps tombent dans cette erreur parce qu'ils ne peuvent la dégager des formes sous lesquelles ils se représentent toujours la nature des êtres, c'est-à-dire des images corporelles. Ainsi, d'après ce docteur, non-seulement l'âme humaine est immatérielle, mais elle est encore substantielle, c'est-à-dire qu'elle est subsistante.

CONCLUSION : …
__________________________________________________________________

(2) Cet article est une réfutation de l'erreur des libertins, des saducéens et de tous ceux qui nient l'immortalité de l'âme. Cette erreur a été condamnée au concile de Latran par le pape Léon X, dans la huitième session. (2) C'est la distinction de l'individu complet et de l'individu incomplet. (3) Parce que l'âme n'est pas par elle-même une substance complète, puisqu'elle a été faite pour animer le corps. (4) Quoi qu'on en ait dit, Aristote n'est guère positif à l'égard de l'immortalité de l'âme. Les uns ont soutenu avec chaleur qu'il avait eu une connaissance claire de celte vérité, d'autres ont affirmé le contraire. Pour nous, il nous semble qu'il a laissé la question douteuse, et qu'il n'a fait qu'entrevoir à peine les éléments de sa solution. (1) En ce sens que les images sensibles sont les objets de l'entendement.


Dernière édition par Louis le Sam 03 Fév 2018, 2:56 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Sam 23 Sep 2017, 8:00 am

ARTICLE 2.

L’âme humaine est-elle une chose subsistante ? (2)

SUITE

CONCLUSION : L'âme humaine connaissant tous les corps est par là même immatérielle et substantielle.

Il faut répondre qu'il est nécessaire de reconnaître que le principe de nos opérations intellectuelles auquel nous donnons le nom d'âme est un principe immatériel et subsistant

En effet il est évident que l'homme peut connaître par son intelligence la nature de tous les corps.

Or, ce qui connaît certaines choses ne doit rien avoir d'elles dans sa nature; parce que ce qu'il aurait naturellement d'elles en lui l'empêcherait de connaître le reste.

Ainsi nous voyons, par exemple, que la langue d'un malade qui est souillée de bile  ou d'une humeur amère, ne peut rien trouver de doux; tout lui semble amer. Pour le même motif si le principe intellectuel avait en soi la nature d'un corps, il ne pourrait pas les connaître tous ; car un corps quelconque a nécessairement un caractère déterminé.

Il est donc impossible que le principe intellectuel soit un corps. Il est pareillement impossible qu'il comprenne au moyen d'un organe corporel, parce que la nature particulière de cet organe l'empêcherait de connaître tous les corps.

Ainsi, qu'une couleur déterminée existe, par exemple, non-seulement dans la prunelle, mais encore dans un vase transparent, la liqueur qu'on y versera paraîtra empreinte de cette couleur.

— Le principe intellectuel auquel nous donnons les noms d'esprit ou d'entendement a par lui-même une action qui n'a rien de commun avec le corps.

Or, un être ne peut avoir une action propre s'il ne subsiste par lui-même. Car l'action n'est le propre que de l'être en acte.

Ainsi un être agit suivant ce qu'il est; c'est pourquoi nous ne disons pas que c'est la chaleur (1), mais le chaud qui échauffe. Il faut donc reconnaître que l'âme humaine que nous appelons l'entendement ou l'esprit est une chose immatérielle et subsistante.
__________________________________________________________________

(2) Cet article est une réfutation de l'erreur des libertins, des saducéens et de tous ceux qui nient l'immortalité de l'âme. Cette erreur a été condamnée au concile de Latran par le pape Léon X, dans la huitième session.(1) Dans ce cas le terme abstrait n'exprime qu'une idée générale, tandis que le terme concret exprime une réalité.


A suivre :  Article 3.  Les âmes des animaux sont-elles subsistantes ?


Dernière édition par Louis le Sam 03 Fév 2018, 3:05 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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L'âme humaine est-elle immortelle ? Empty Re: L'âme humaine est-elle immortelle ?

Message  Louis Dim 24 Sep 2017, 7:17 am

ARTICLE 3.

Les âmes des animaux sont-elles subsistantes ? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que les âmes des animaux soient subsistantes. Car l'homme est du même genre que les autres animaux. Or, l'âme de l'homme est une chose subsistante, comme nous l'avons prouvé (art. préc). Donc il en est de même des âmes des autres animaux.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que quoique l'homme soit du même genre que les autres animaux, il n'est cependant pas de la même espèce. Car la différence d'espèce se prend de la différence de forme, mais toute différence de forme ne constitue pas nécessairement une diversité de genre.

DIFFICULTÉ: 2. La sensibilité est aux choses sensibles ce que l'entendement est aux choses intelligibles. Or, l'entendement comprend les choses intelligibles sans le corps. Donc la sensibilité peut aussi percevoir les choses sensibles sans le corps. Et comme les âmes des animaux sont sensitives il en résulte qu'elles sont subsistantes et pour la même raison que l'âme humaine qui est intelligente.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que la sensibilité est aux choses sensibles ce que l'intelligence est aux choses intelligibles, mais sous un rapport seulement, c'est-à-dire dans le sens que ces deux facultés sont l'une et l'autre en puissance à l'égard de leurs objets. Mais sous d'autres rapports elles diffèrent.

Ainsi la sensibilité subit l'affection des objets sensibles, et il s'opère alors dans le corps un changement; c'est ce qui fait que l'excès des choses sensibles nuit aux sens.

Mais il n'en est pas de même de l'intelligence (1). Car en s'élevant aux choses intelligibles les plus hautes elle n'en comprend que mieux ensuite les choses les plus simples. Ainsi donc si le travail de l'esprit fatigue le corps c'est par accident. Cela résulte de ce que l'entendement a besoin des facultés sensitives qui lui préparent les images sous lesquelles elle conçoit les choses.

DIFFICULTÉ: 3. L'âme des animaux meut le corps. Or, le corps ne meut pas, mais il est mû. Donc l'âme des animaux a une action propre qu'elle produit sans que le corps y participe.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, qu'il y a deux sortes de forces motrices. L'une qui ordonne le mouvement, c'est la force appétitive. Elle n'agit pas dans l'âme sensitive sans le corps ; car la colère, la joie et les autres passions supposent dans le corps une modification quelconque. L'autre exécute le mouvement commandé. C'est elle qui rend les membres aptes à obéir à l'appétit, son acte ne consiste pas à mouvoir, mais à être mue. C'est pourquoi il est évident que l'âme sensitive ne peut mouvoir si elle n'est unie au corps (2).

CEPENDANT, il est dit (De Eccl. dogm. cap. 16 et 17) : Nous croyons qu'il n'y a que l'homme qui ait une âme substantielle, et que les âmes des animaux n'ont pas ce caractère (3).

CONCLUSION : …
______________________________________________________________________

(2) Bossuet a parfaitement résumé dans son traité De la connaissance de Dieu el de soi-même les controverses qui se sont élevées entre les philosophes au sujet de l’âme des bêtes. Saint Thomas ne refuse pas aux animaux le sentiment, comme fait Descartes, mais il ne fait pas de leur âme sensitive un être qui subsiste par lui-même indépendamment du corps. Cette opinion évite les difficultés que présente le système de Descartes, et n'expose pas à tomber dans l'erreur des gnostiques, des manichéens et de certains philosophes rationalistes qui assimilent presque l'âme des bêtes à l'âme humaine. (1) Aristote fait remarquer que quand la sensation est trop violente elle ne peut plus être perçue , tandis que plus un objet est intelligible, et mieux l'intelligence le comprend. (2) Parce qu'en elle la vertu appétitive qui meut et la puissance motrice qui exécute le mouvement s'exercent l'une et l'autre au moyen du corps. (3) Gennade de Marseilles est l’auteur de cet ouvrage qu'on a attribué à saint Augustin.


Dernière édition par Louis le Sam 03 Fév 2018, 3:40 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Lun 25 Sep 2017, 7:49 am

ARTICLE 3.

Les âmes des animaux sont-elles subsistantes ? (2)

SUITE

CONCLUSION : Les âmes des animaux n'agissant point par elles-mêmes, elles ne sont pas subsistantes, car l'être d'une chose est de même nature que son action.

II faut répondre que les anciens philosophes n'établissaient aucune différence entre la sensibilité et l'intelligence. Ils attribuaient ces deux facultés à un principe matériel, comme nous l'avons dit (quest. 1, art. 1). Platon distingue à la vérité l'intelligence de la sensibilité, mais il attribue toutefois l'une et l'autre à un principe spirituel, parce qu'il supposait que comprendre et sentir se rapportaient également à l'âme considérée en elle-même. De là il résultait que les âmes des animaux étaient subsistantes.

Mais Aristote a établi que l'intelligence était de toutes les opérations de l'âme la seule qui pût fonctionner sans les organes du corps (De an. lib. I, text. 66, et lib. m, text. 6 et 7). La sensibilité et toutes les autres opérations de l'âme sensitive supposent au contraire dans le corps un changement, une modification quelconque.

Ainsi, en voyant, la prunelle est modifiée par la couleur qu'elle reflète, et il en est de même des autres sens. Il est donc évident que l'âme sensitive n'a pas par elle-même une action propre, mais que toutes ses actions supposent son union avec le corps. D'où il résulte que les âmes des animaux n'agissant pas par elles-mêmes, elles ne sont pas des substances. Car l'être d'une chose est de même nature que son action.

______________________________________________________________

(2) Bossuet a parfaitement résumé dans son traité De la connaissance de Dieu el de soi-même les controverses qui se sont élevées entre les philosophes au sujet de l’âme des bêtes. Saint Thomas ne refuse pas aux animaux le sentiment, comme fait Descartes, mais il ne fait pas de leur âme sensitive un être qui subsiste par lui-même indépendamment du corps. Cette opinion évite les difficultés que présente le système de Descartes, et n'expose pas à tomber dans l'erreur des gnostiques, des manichéens et de certains philosophes rationalistes qui assimilent presque l'âme des bêtes à l'âme humaine.


A suivre :  Article 4. L’âme est-elle l’homme ?


Dernière édition par Louis le Sam 03 Fév 2018, 3:44 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mar 26 Sep 2017, 7:22 am

ARTICLE 4.

L’âme est-elle l’homme ? (3)

DIFFICULTÉ: 1.  Il semble que l'âme soit l'homme. Car l'Apôtre dit (II. Cor. IV, 16) : Bien qu'en nous l'homme extérieur se détruise, néanmoins l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Or, ce qui est au dedans de l'homme, c'est l'âme. Donc l'âme est l'homme intérieur.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que d'après Aristote ( Eth. lib. IX,cap. 8 ) ce qu'il y a de principal dans un être est ordinairement pris pour l'être lui-même. Ainsi ce que fait le premier magistrat d'une ville on dit que c'est la ville qui le fait. De même on donne le nom d'homme à ce qu'il y a en nous de prédominant. Ainsi la partie intelligente de l'homme est quelquefois appelée l'homme intérieur, et on donnera le nom d'homme extérieur à la partie sensitive unie au corps pour se conformer à l'opinion de ceux qui ne voient dans la vie que les choses sensibles.

DIFFICULTÉ: 2. L'âme humaine est une substance, mais elle n'est pas une substance universelle. Elle est donc une substance particulière, une hypostase, une personne et elle n'est qu'une personne humaine. Donc elle est l'homme, car la personne humaine est l'homme.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que toute substance particulière n'est pas une hypostase, ni une personne, il n'y a que celle dont la nature est complète dans son espèce. On ne peut donc dire ni de la main, ni du pied que ce sont des hypostases ou des personnes. On ne peut pas non plus le dire de l'âme, puisque ce n'est qu'une partie de l'espèce humaine.

CEPENDANT, saint Augustin (De civ Dei , lib. XIX, cap. 3) approuve Varron d'avoir dit que l'homme n'est ni l'âme seule, ni le corps seul, mais l'âme et le corps réunis.

CONCLUSION : …
_____________________________________________________

(3) Cet article est le commentaire raisonné de ces paroles de la Genèse (Gen.II) : Formavit hominem de limo terræ, et inspiravit in eum spiraculum vitæ; et factus est homo in animam viventem.


Dernière édition par Louis le Sam 03 Fév 2018, 4:12 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mer 27 Sep 2017, 7:51 am

ARTICLE 4.

L’âme est-elle l’homme ? (3)

SUITE

CONCLUSION : Puisqu'on ne donne le nom d'homme qu'à celui qui remplit toutes les fonctions propres à la nature humaine, et que d'ailleurs l'âme sans le corps ne peut produire les phénomènes qui tiennent à la sensibilité, il est évident que l'homme n'est pas seulement l'âme, mais un composé de corps et d'âme.

Il faut répondre qu'on peut entendre de deux manières que l'âme est l'homme.

1° On peut entendre que l'homme en général est l'âme, mais que tel homme en particulier, par exemple Socrate, n'est pas une âme uniquement, mais un composé de corps et d'âme. Nous rappelons cette opinion, parce qu'il y a des philosophes qui ont supposé que la forme seule était de l'essence de l'espèce et que la matière faisait partie de l'individu. Il ne peut en être ainsi ; car l'essence de l'espèce comprend ce que la définition exprime.

Or, dans les choses naturelles la définition n'embrasse pas seulement la forme, mais la forme et la matière. La matière fait donc partie de l'espèce quand il s'agit des choses naturelles. Toutefois il ne s'agit pas de la matière désignée qui est le principe de l'individualisation, mais de la matière générale.

Ainsi comme il est dans l'essence de tel homme en particulier d'avoir telle âme, telle chair et tels os, de même il est de l'essence de l'homme en général d'être ainsi composé. Car tout ce qui est de l'essence de tous les individus compris sous une espèce est de l'essence de l'espèce elle-même.

2º On peut entendre par là que telle âme est tel homme en particulier. On pourrait soutenir cette proposition, s'il était vrai que l'âme sensitive eût son action propre sans le corps, parce qu'alors toutes les opérations qu'on attribue à l'homme conviendraient à l'âme toute seule.

Car quand un être remplit les opérations d'un autre être il est la môme chose que lui. Ainsi on donne le nom d'homme à celui qui remplit les opérations de l'homme.

Or, nous avons prouvé (art. préc.) que l'âme réduite à elle seule ne peut sentir, et comme la sensibilité est une des actions de l'homme, bien qu'elle ne lui soit pas propre, il s'ensuit que l'homme n'est pas seulement une âme, mais un composé d'âme et de corps. Platon ayant supposé que sentir était une opération propre à l'âme a pu dire par là même que l'homme était une âme se servant d'organes (1).
________________________________________________________________________

(3) Cet article est le commentaire raisonné de ces paroles de la Genèse (Gen.II) : Formavit hominem de limo terræ, et inspiravit in eum spiraculum vitæ; et factus est homo in animam viventem. (1)  M. de Bonald a défini  l'homme une intelligence servie par des organes. Cette belle définition se rapproche de celle de Platon, mais saint Thomas combat ce dernier, parce qu'il ne reconnaissait dans l'âme que l’entendement, et qu'il regardait seulement comme probables les perceptions fournies par les sens.

A suivre : Article 5. L’âme est-elle composée de matière et de forme ?


Dernière édition par Louis le Sam 03 Fév 2018, 4:18 pm, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Jeu 28 Sep 2017, 7:31 am

ARTICLE 5.

L’âme est-elle composée de matière et de forme ? (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'âme soit composée de matière et de forme. Car sa puissance se divise contrairement à l'acte. Or, toutes les choses qui sont en acte participent au premier acte qui est Dieu, et par suite de cette participation elles sont toutes bonnes, existantes et vivantes, comme le dit saint Denis (De div. nom. cap. 5). Donc tous les êtres qui sont en puissance participent à la puissance première. Mais la puissance première est la matière première. Par conséquent l'âme humaine étant sous certain rapport en puissance (ce qui est manifeste, puisque l'homme est quelquefois intelligent en puissance), il semble qu'elle participe à la matière première et que celle-ci fasse partie d'elle.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que l'acte premier est le principe universel de tous les actes, parce qu'il est virtuellement infini, et qu'il possède en lui préalablement toutes choses, comme le dit saint Denis (loc. cit.). Tous les êtres participent de lui, non comme faisant partie de son essence, mais parce qu'ils en émanent et en procèdent.

La puissance étant destinée à recevoir l'acte, il faut qu'elle soit proportionnée à l'acte lui-même. Et comme les actes qui procèdent du premier acte infini en sont des participations, et qu'ils sont divers, il ne peut pas se faire qu'il n'y ait qu'une puissance pour recevoir tous les actes, comme il n'y a qu'un acte qui influe sur tous les actes qui existent par participation. Autrement la puissance passive qui reçoit l'acte égalerait la puissance active de l'acte premier.

Or, dans l'âme intelligente il y a une autre puissance réceptive que celle de la matière première, comme on le voit par la diversité des choses qu'elles reçoivent. Car la matière première reçoit les formes individuelles, tandis que l'intelligence reçoit les formes absolues.

Ainsi cette puissance qui existe dans l'âme intelligente ne prouve pas que l'âme soit composée de matière et de forme.

DIFFICULTÉ: 2. Partout où l'on trouve les propriétés de la matière, la matière existe. Or, on trouve dans l'âme ces propriétés qui consistent à être soumise et à changer. Car l'âme est soumise à la science et à la vertu, et elle change en passant de l'ignorance à la science, du vice à la vertu. Donc il y a dans l'âme une matière.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, qu'être soumise et changeante c'est le propre de la matière suivant qu'elle est en puissance.

Par conséquent, comme la puissance de l'intelligence diffère de la puissance de la matière, de même aussi leur manière d'être soumise (1) et d'être changée diffère.

Car l'intelligence est soumise à la science, et elle change en passant de l'ignorance à la science selon qu'elle est en puissance par rapport aux espèces intelligibles.

DIFFICULTÉ: 3. Les êtres qui sont sans matière n'ont pas de cause de leur être, comme le dit Aristote (Met. lib. VIII, text. 16). Or, l'âme a une cause de son être puisqu'elle est créée par Dieu. Donc elle a une matière.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que la forme est la cause de l'être de la matière et que c'est un agent. Ainsi l'agent par là même qu'il réduit la matière à l'acte est cause de son être.

Quand une chose est une forme subsistante elle ne reçoit pas l'être d'un principe formel, elle n'a pas non plus de cause motrice qui la fasse passer de la puissance à l'acte. C'est pour cela qu'après les paroles précitées Aristote conclut que dans les êtres composés de matière et de forme il n'y a pas d'autre cause que le moteur qui les fait passer de la puissance à l'acte.

Quant aux êtres qui n'ont pas de matière, ils existent absolument, comme des êtres purs et simples (2).

DIFFICULTÉ: 4.  Ce qui n'a pas de matière et qui n'est qu'une forme est un acte pur et infini. Or, il n'y a que Dieu qui soit ainsi. Donc l'âme a une matière

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, que tout être qui participe d'un autre est l'acte de celui dont il participe. Or, toute forme créée subsistant par elle-même doit nécessairement participer à l'être. Car la vie et tout ce qui est du même genre participe à l'être, comme le dit  saint Denis (De div. nom. cap. 5).

D'un autre côté l'être qui existe par participation est limité suivant la capacité de l'être dont il participe. C'est pourquoi Dieu seul étant son être lui-même, il n'y a que lui qui soit un acte pur et infini. Ainsi les substances intellectuelles sont composées d'acte et de puissance, mais non de matière et de forme ; la formé et l'être reçu par participation voilà ce qui les constitue.

Il y a des philosophes qui expriment la même pensée en disant qu'elles se composent ex quo est et quod est, c'est-à-dire de leur essence et du principe dont elles émanent (3).

CEPENDANT, saint Augustin dit ( Sup. Gen. ad litt. lib. VII, cap. 6, 7 et 8 ) que l'âme n'a été faite ni d'une matière corporelle, ni d'une matière spirituelle.

CONCLUSION : …
________________________________________________________________________________________

(2) Clément V a condamné ceux qui nieraient que l'âme est la forme du corps, ou qui prétendraient que celte doctrine est contraire à la foi catholique. (1) L'âme est soumise aux formes absolues tandis que la matière est soumise aux formes individuelles. (2) Ainsi les choses qui n'ont pas de matière n'ont pas de cause formelle de leur être, mais elles ont une cause efficiente qui est Dieu. (3) Tandis que Dieu est à lui-même son être, et ne participe de personne.


Dernière édition par Louis le Lun 05 Fév 2018, 9:52 am, édité 1 fois (Raison : Recadrage d'après le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Ven 29 Sep 2017, 7:45 am

ARTICLE 5.

L’âme est-elle composée de matière et de forme ? (2)

SUITE

CONCLUSION : Puisqu'il est dans la nature de l'âme, si on la considère en général, d'être la forme du corps, et si on la considère en particulier, c'est-à-dire comme puissance cognitive, de connaître les formes absolues ou universelles, on doit dire qu'elle n'est pas composée de matière et de forme.

Il faut répondre que l'âme n'est pas composée de matière, et on peut le prouver de deux manières.

1° Par la nature de l'âme en général.

Car il est dans la nature de l'âme d'être la forme d'un corps. Par conséquent ou elle en est la forme selon tout son être ou seulement selon une partie.

Si elle en est la forme selon tout son être il est impossible que la matière en fasse partie, si on définit la matière un être qui n'est qu'en puissance , parce que la forme, comme forme, est un acte (1 ), et ce qui n'est qu'en puissance ne peut être une partie de l'acte, puisque la puissance répugne à l'acte comme lui étant opposée.

Si elle n'en est la forme que par une partie de son être nous donnerons à cette partie le nom d'âme et nous appellerons la matière dont elle est primitivement l'acte la première chose animée.

2° On peut le prouver spécialement par la nature de l'âme humaine en tant qu'elle est intelligente.

Car il est évident que tout ce qui est reçu dans un être y est reçu selon la manière d'être du sujet qui le reçoit. Ainsi un être est connu suivant la forme qu'il a dans le sujet qui le connaît.

Or, l'âme intelligente connaît les choses dans leur nature absolue; par exemple elle connaît la pierre dans ce qu'elle a d'absolu. Par conséquent la forme de la pierre est absolument selon sa propre raison formelle dans l'âme intelligente.

L'âme est donc elle-même une forme absolue et non un composé de matière et de forme. Car si l'âme intelligente était composée de matière et de forme, les formes des choses seraient reçues en elle individuellement.

Ainsi elle ne connaîtrait que le particulier comme les facultés sensitives qui reçoivent les formes des choses dans un organe corporel. Car la matière est le principe de l'individualisation des formes. Il est donc nécessaire que l'âme intelligente et que toute substance intellectuelle qui connaît les formes d'une manière absolue ne soit pas composée de forme et de matière (2).
__________________________________________________________________

(2) Clément V a condamné ceux qui nieraient que l'âme est la forme du corps, ou qui prétendraient que celte doctrine est contraire à la foi catholique. (1) La forme, d'après Aristote dont saint Thomas suit ici la terminologie, est entéléchie ou réalité parfaite, tandis que la matière n'est qu'une simple puissance. Elle n'est rien, et elle peut devenir tout, avant que la forme l'ait spécifiquement déterminée. —   (2) Sur la forme et la matière Aristote entre dans de longs détails dans sa Métaphysique (lib.VII, cap. 3 et seq.). Par matière, dit-il, j'entends l'airain ; la forme, c'est la figure idéale ; l'ensemble, c'est la statue réalisée. D'après cette même doctrine, on peut dire que le corps est la matière, l'âme la forme , et l'ensemble, l'homme (Voyez le Traité de l'âme, liv. II, ch. 1).

A suivre :  Article 6  L’âme humaine est-elle corruptible ?


Dernière édition par Louis le Lun 05 Fév 2018, 9:59 am, édité 1 fois (Raison : Recadrage d'après le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Sam 30 Sep 2017, 7:57 am

ARTICLE  6.   L’âme humaine est-elle corruptible ? (4)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'âme humaine soit corruptible. Car les êtres qui ont le même principe et la même procession paraissent avoir la même fin.

Or, le principe de la génération des hommes et des bêtes est le même; car ils sont les uns et les autres formés de terre.

La vie procède dans les uns comme dans les autres de la même manière, puisque tous vivent en respirant. Et comme le dit l'Ecclésiaste (Eccl. III, 19) : L'homme n'a rien de plus que la bête ! d'où il conclut : l'homme et la bête ont un même trépas, le même sort leur est réservé.

Or, l'âme des animaux est corruptible. Donc l'âme humaine l'est aussi.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, qu'en cet endroit de l'Ecriture, Salomon fait ainsi raisonner les insensés, comme nous en prévient la Sagesse (Sap. II). Quant à ce qu'on dit que l'homme et les autres animaux ont le même principe de génération, cela est vrai pour le corps, puisque tous les animaux sont également faits de terre, mais cela n'est pas vrai pour l'âme. Car l'âme des brutes a pour cause une certaine vertu matérielle, tandis que l'âme humaine vient de Dieu.

Pour montrer que telles étaient les âmes des bêtes, la Genèse dit (Gen. I) : Que la terre produise une âme vivante. Mais quand il s'agit de l'homme, Moïse dit que Dieu souffla sur son visage un souffle de vie. C'est ce que l'Ecclésiaste exprime par ces belles paroles (Eccl. ult. 7) : Que la poussière retourne à la terre d'où elle est sortie, et que l'esprit revienne à Dieu qui l'a donné.

La vie se manifeste aussi de la même manière quant au corps, et c'est ce qui fait dire à l'Ecclésiaste : Tous les animaux respirent de même ; et à la Sagesse (Sap. II) : La fumée et le souffle est dans nos narines. Mais il n'en est pas de même par rapport à l'âme. Car l'homme est intelligent, tandis que les animaux ne le sont pas.

Il est donc faux de dire que l'homme n'a rien de plus que la bête; et par conséquent si son corps meurt comme le sien, il n'en est pas de même de son âme.

DIFFICULTÉ: 2. Tout ce qui vient du néant doit retourner au néant, parce que la fin doit répondre au principe. Or, comme le dit la Sagesse (Sap. II, 2) : Nous sommes sortis du néant; ce qui est vrai non-seulement du corps, mais encore de l'âme. Donc, comme l'écrivain sacré le conclut lui-même, nous serons ensuite comme si nous n'avions pas été, même sous le rapport de l'âme.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que quand on dit qu'un être peut être créé, on entend par cette puissance non la puissance passive, mais la puissance active du créateur qui peut tirer quelque chose du néant.

De même quand on dit qu'une chose peut retourner au néant, cette proposition n'implique pas dans la créature une puissance au non-être, mais elle signifie que le créateur a le pouvoir de l'anéantir. Mais on dit qu'un être est corruptible quand il tend par sa nature au non-être.

DIFFICULTÉ: 3. Il n'y a pas de chose qui existe sans son action propre. Or, l'action propre de l'âme, qui consiste à comprendre au moyen d'images, ne peut avoir lieu sans le corps, puisque l'âme ne comprend pas sans images, et qu'il n'y a pas d'images sans le corps, comme le dit Aristote (De animâ,lib. II, text. 160). Donc l'âme ne peut exister une fois que le corps est détruit.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que comprendre à l'aide d'images est une opération propre de l'âme, selon qu'elle est unie au corps. Mais une fois qu'elle sera séparée du corps elle aura un autre mode de comprendre semblable aux autres substances spirituelles, comme on le verra (quest.  LXXIX, art. 1).

CEPENDANT, saint Denis dit (De div. nom. cap. 4) que l'âme humaine a reçu de la bonté divine une nature intelligente et une substance incorruptible.

CONCLUSION : …
_____________________________________________________________________

(4) Cet article est le corollaire de l'article 2 de cette même question. Il est comme lui dirigé contre les incrédules et les matérialistes, qui nient l'immortalité de l'âme.


Dernière édition par Louis le Sam 19 Mai 2018, 3:33 pm, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux et insérer un lien.)

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Message  Louis Dim 01 Oct 2017, 6:58 am

ARTICLE  6.   L’âme humaine est-elle corruptible ? (4)

SUITE

CONCLUSION : L'âme étant une forme qui subsiste par elle-même et qui ne comprend pas d'éléments contraires, elle n'est corruptible ni par elle-même, ni par accident.

Il faut répondre qu'on doit dire nécessairement que l'âme humaine ou le principe pensant est incorruptible. En effet, une chose est corrompue de deux manières. Elle peut se corrompre par elle-même ou par accident.

Or, il est impossible que ce qui subsiste par soi soit engendré ou corrompu par accident, c'est-à-dire par un autre être qui serait engendré ou corrompu lui-même. Car ce qui vient de génération ou de corruption peut être acquis ou perdu de cette façon, mais ce qui a l'être par soi ne peut être engendré ni corrompu que par soi.

Quant aux choses qui ne sont pas subsistantes, comme les accidents ou les formes matérielles, on dit qu'elles sont produites ou détruites par la génération et la corruption de leurs composés.

Or, nous avons prouvé (art. 3) que les âmes des animaux ne sont pas subsistantes par elles-mêmes, et qu'il n'y a que l'âme humaine qui ait cette propriété.

Par conséquent les âmes des bêtes meurent avec le corps qu'elles animent (1), tandis que l'âme humaine ne peut se corrompre qu'autant qu'elle serait corrompue par elle-même.

Ce qui d'ailleurs n'est pas vrai seulement de l'âme humaine, mais encore de tout être qui subsiste et qui n'est qu'une forme. Car il est évident que ce qui convient en soi à un être est inséparable de lui.

Or, l'être convient par lui-même à la forme qui est un acte. C'est ce qui fait que la matière est en acte, suivant qu'elle acquiert une forme, et qu'elle se corrompt suivant qu'elle se sépare de sa forme. Mais comme il est impossible qu'une forme soit séparée d'elle-même, il s'ensuit qu'il est également impossible qu'une forme subsistante cesse d'exister.

— En supposant que l'âme soit composée de matière et de forme, comme quelques-uns le prétendent, il faudrait encore admettre qu'elle est incorruptible.

Car il n'y a pas de corruption là où il n'y a pas d'antipathie, d'opposition, puisque la génération et la corruption supposent des éléments contraires. Les corps célestes sont incorruptibles précisément parce qu'ils n'ont pas une matière soumise à cette opposition d'éléments.

Or, dans l'âme intelligente il ne peut y avoir aucune contrariété. En effet, elle reçoit toutes ses perceptions selon son mode d'être, et ses perceptions n'ont rien d'antipathique entre elles.

Car les raisons des idées les plus opposées, une fois qu'elles sont dans l'entendement, ne se combattent pas réciproquement ; elles ne forment qu'une seule el même science qu'on peut appeler la science des contraires.

Il est donc impossible que le principe pensant soit corruptible.

— On peut encore en tirer une preuve du désir qu'a tout être d'exister.

Or, le désir dans les créatures intelligentes est la conséquence de la connaissance (1). Les sens ne connaissent les êtres qu'autant qu'ils sont présents actuellement dans un lieu déterminé, mais l'intelligence les connaît absolument sans que le temps limite d'aucune manière sa pensée.

C'est pourquoi tout être intelligent désire naturellement exister toujours. Et comme un désir naturel ne peut être vain, il s'ensuit que toute substance intellectuelle est incorruptible.
_________________________________________________________________________

(4) Cet article est le corollaire de l'article 2 de cette même question. Il est comme lui dirigé contre les incrédules et les matérialistes, qui nient l'immortalité de l'âme. (1) Dans le système de saint Thomas, la survivance de l'âme humaine et l'anéantissement de l'âme des bête s'expliquent tout naturellement. (1) Les preuves précédentes démontrent que l'âme n'est pas corruptible par elle-même, et reviennent à l'argument vulgaire qui s'appuie sur ce qu'elle ne peut périr par la dissolution des parties. Toutefois elles n'établissent pas directement l'immortalité de l'âme, parce que toute incorruptible qu'elle est, elle pourrait être anéantie par celui qui l'a créée. Mais le désir que nous avons de l'immortalité en est une preuve directe, parce que ce désir ne peut venir que de Dieu, qui ne peut nous tromper. Cependant les scotistes ont attaqué cette preuve.

A suivre :  Article 7.  L’âme et l’ange sont-ils de la même espèce ?  


Dernière édition par Louis le Mer 07 Fév 2018, 3:43 pm, édité 1 fois

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Message  Louis Lun 02 Oct 2017, 7:44 am

ARTICLE  7.

L’âme et l’ange sont-ils de la même espèce ?   (2)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que l'âme et l'ange soient de la même vers lequel il doit tendre. Or, la fin de l'âme et de l'ange est la même, c'est la béatitude éternelle. Donc l'âme et l'ange sont de la même espèce.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que ce raisonnement repose sur la fin prochaine et naturelle, mais que la béatitude est la fin dernière et sur naturelle (1).

DIFFICULTÉ: 2. La dernière différence spécifique est la plus noble, parce que c'est elle qui complète la nature de l'espèce. Or, il n'y a rien de plus noble dans l'ange et dans l'âme que l'intelligence. Donc l'âme et l'ange ont pour dernière différence spécifique la môme chose, et par conséquent ils sont de la même espèce.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que la dernière différence spécifique est la plus noble, dans le sens qu'elle est celle qui est la mieux déterminée par le mode suivant lequel l'acte l'emporte sur la puissance.

Mais l'être intellectuel n'est pas le plus noble, parce qu'il est susceptible en général d'une multitude de degrés, comme l'être sensible (2).

Par conséquent comme les êtres sensibles ne sont pas tous de la même espèce, on en doit dire autant des êtres intellectuels.

DIFFICULTÉ: 3. L'âme ne semble différer de l'ange qu'en ce qu'elle est unie au corps. Or, le corps étant étranger à l'essence de l'âme ne semble pas appartenir à son espèce. Donc l'âme et l'ange sont de la même espèce.espèce. Car un être se rapporte à sa propre fin par la nature de son espèce qui détermine le but

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que le corps n'est pas de l'essence de l'âme, mais qu'il est dans l'essence de l'âme d'être unie à un corps. Ainsi ce n'est donc pas, à proprement parler, l'âme, mais son composé qui forme l'espèce. Et par là même que l'âme a besoin du corps pour ses opérations, il s'en suit qu'elle tient parmi les êtres intellectuels un rang inférieur à celui de l'ange qui n'est pas uni à un corps.

CEPENDANT, les êtres dont les opérations naturelles diffèrent ne sont pas de la même espèce. Or, les opérations naturelles de l'âme ne sont pas les mêmes que celles des anges. Car, comme le dit saint Denis (De div. nom. cap. 7), les anges ont une intelligence simple, qui puise sa lumière dans la gloire divine et qui n'emprunte pas ses connaissances aux choses visibles, tandis que c'est le contraire pour l'âme humaine. Donc l'âme et l'ange ne sont pas de la même espèce.

CONCLUSION : …
_____________________________________________________________________

(2) En démontrant que l'ange et l'âme humaine ne sont pas de la même espèce, saint Thomas réfute les gnostiques et les manichéens, qui prétendaient qu'ils étaient les uns et les autres de la substance de Dieu. Cette erreur a été condamnée par le concile de Braga (can. 1 ) et par le pape saint Léon (epist. 95). (1) Les choses qui ont une même fin prochaine sont de la même espèce; mais il n’en est pas de même de celles qui ont une même fin éloignée. —   (2) C’est-à-dire qu’il y a des choses plus ou moins intelligentes, comme il y a des choses plus ou moins sensibles.


Dernière édition par Louis le Mer 07 Fév 2018, 3:45 pm, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mar 03 Oct 2017, 6:36 am

ARTICLE  7.

L’âme et l’ange sont-ils de la même espèce ?   (2)

SUITE

CONCLUSION : Puisque l'ange est une forme séparée et qui n'est pas unie à la matière, il n'est pas de même espèce que l'âme humaine.

Il faut répondre qu'Origène a supposé que les âmes humaines et les anges étaient de la même espèce (Periarch. lib. I, cap. 5 et 8 ). C'est pour ce motif qu'il a établi dans les substances de cette nature une diversité de rang toute accidentelle, qui aurait eu pour cause l'usage qu'elles ont fait de leur libre arbitre, comme nous l'avons dit (quest. XLVII, art. 2).

Mais il ne peut en être ainsi, parce que dans les substances immatérielles il ne peut y avoir de diversité numérique sans une différence spécifique et sans inégalité naturelle. Car par là même qu'elles ne sont pas composées de matière et de forme et qu'elles sont des formes subsistantes, il est évident que la diversité qui règne entre elles doit reposer sur l'espèce.

En effet, on ne peut pas comprendre qu'une forme soit séparée si elle n'est une dans son espèce, comme la blancheur si elle était séparée ne pourrait exister qu'autant qu'elle serait une. Car la blancheur n'est différente d'elle-même que parce qu'elle existe dans des sujets différents.

Or, la diversité spécifique est toujours nécessairement accompagnée d'une diversité naturelle. C'est ainsi que dans les différentes espèces de couleurs il y en a une qui est plus parfaite que l'autre, et il en est de même de tout le reste.

Et il en est ainsi parce que les différences qui divisent le genre sont contraires, et qu'entre les contraires l'un est à l'égard de l'autre ce que le parfait est à l'imparfait, parce que le principe qui les produit est la privation et la possession d'après Àristote(1) (Met., lib.X, text. 15 et 16).

La même chose arriverait si les substances en question étaient composées de matière et de forme. Car si la matière de telle substance se distingue de la matière de telle autre, il faut ou que la forme soit le principe de cette distinction matérielle, c'est-à-dire que les matières soient diverses, parce qu'elles se rapportent à diverses formes, et alors il en résulte tout à la fois une diversité spécifique (2) et une inégalité naturelle, ou que la matière soit le principe de la distinction des formes.

Mais cette dernière hypothèse ne peut être faite, parce qu'une matière ne peut être différente d'une autre qu'en raison de la différence d'étendue qui n'existe pas pour les substances immatérielles, telles que l'ange et l'âme humaine.

Il ne peut donc pas se faire que l'ange et l'âme soient de la même espèce. Nous dirons (quest. seq. art. 3 ad 1 arg.) comment il se fait que les âmes humaines sont de la même espèce.
________________________________________________________________________________

(2) En démontrant que l'ange et l'âme humaine ne sont pas de la même espèce, saint Thomas réfute les gnostiques et les manichéens, qui prétendaient qu'ils étaient les uns et les autres de la substance de Dieu. Cette erreur a été condamnée par le concile de Braga (can. 1 ) et par le pape saint Léon (epist. 95). (1) Le texte d'Aristote porte : La contrariété première est celle de la possession et de la privation ; non pas toute privation, mais la privation parfaite.—   (2) Parce qu'une différence selon la forme est une différence d'espèce.


Dernière édition par Louis le Lun 12 Mar 2018, 4:06 pm, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux et orthographe.)

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Message  Louis Mer 04 Oct 2017, 6:42 am

Question 76.

DE L'UNION DE L'AME AVEC LE CORPS.

Après avoir parlé de l'âme en elle-même, nous avons maintenant à traiter de son union avec le corps. — A cet égard huit questions se présentent : 1° Le principe pensant est-il uni au corps comme sa forme? — 2° Le principe pensant se multiplie-t-il numériquement suivant le nombre des corps, ou n'y en a-t-il qu'un seul pour tous les hommes ? — 3° Y a-t-il dans le corps dont le principe pensant est la forme une autre âme ? — 4° Y a-t-il en lui quelqu'autre forme substantielle ? — 5º Quel doit être le corps dont le principe pensant est la forme? — 6º L'âme est-elle unie au corps par le moyen d'un autre corps? — 7° Lui est-elle unie au moyen de quelque accident? — 8° Est-elle tout entière dans chaque partie du corps?
ARTICLE 1.

Le principe pensant est-il uni au corps comme sa forme ? (3)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que le principe pensant ne soit pas uni au corps, comme sa forme. Car Aristote dit (De animâ, lib. III, text. 6 et 7) que l'intelligence est séparée et qu'elle n'est l'acte d'aucun corps. Elle n'est donc pas unie au corps comme sa forme.

SOLUTION : 1. II faut répondre au premier argument, que, comme le dit Aristote (Pys.lib. II, text. 26), la dernière des formes naturelles à laquelle s'arrêtent les philosophes, c'est-à-dire l'âme humaine, est séparée à la vérité, mais elle existe néanmoins dans la matière. Ce qu'il prouve, parce que l'homme engendre l'homme matériellement. Elle est séparée en raison de sa faculté intellectuelle, parce que la faculté intellectuelle n'est pas la vertu d'un organe corporel, comme la faculté de la vue est l'acte de l'œil. Car l'intelligence est un acte qui ne peut s'exercer au moyen d'un organe corporel comme la vision. Elle est dans la matière, parce que l'âme à laquelle elle se rattache est la forme du corps et le terme de la génération humaine. Ainsi quand Aristote dit (De animâ, lib. III) que l'intelligence est séparée, il entend par là qu'elle n'est pas la vertu d'un organe corporel.

DIFFICULTÉ: 2. Toute forme est déterminée selon la nature de la matière à laquelle elle s'applique. Autrement il n'y aurait pas proportion entre la matière et la forme. Si donc l'intelligence était unie au corps comme sa forme, tout corps ayant une nature déterminée, il s'ensuivrait que l'intelligence aurait aussi une nature déterminée, et que, par conséquent, elle ne pourrait connaître tous les êtres, comme nous l'avons prouvé (quest. préc. art. 2 et 5), ce qui est évidemment contraire à la nature même de l'intelligence. L'intelligence n'est donc pas unie au corps comme sa forme.

DIFFICULTÉ: 3. Toute puissance qui est susceptible de recevoir l'acte d'un corps reçoit sa forme matériellement et individuellement, parce que l'objet reçu est dans celui qui le reçoit, conformément à la manière d'être de ce dernier. Or, la forme de la chose comprise n'est pas reçue dans l’intelligence, matériellement ni individuellement ; elle y est plutôt immatériellement et universellement. Autrement l'intelligence ne pourrait connaître les choses immatérielles et universelles, mais seulement les choses singulières, comme font les sens. Donc l'intelligence n'est pas unie au corps comme sa forme.

SOLUTION : 2 et 3.  

La réponse au second et au troisième argument est par là même évidente. (n.d.l.r.: Ne pas oublier que dans la Somme de saint Thomas d'Aquin, les solutions sont données après l'énoncé de la conclusion.)

Car il suffit que l'homme puisse tout comprendre par son intelligence, et que l'intelligence comprenne toutes les choses immatérielles et universelles pour que la faculté intellectuelle ne soit pas un acte du corps.

DIFFICULTÉ: 4…


Dernière édition par Louis le Mer 07 Fév 2018, 3:55 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Jeu 05 Oct 2017, 7:49 am

ARTICLE 1.

Le principe pensant est-il uni au corps comme sa forme ? (3)

DIFFICULTÉ: 4. C'est au même être que se rapportent la puissance et l'action,  car c'est le même être qui peut agir et qui agit. Or, l'action intellectuelle n'appartient pas à un corps, comme nous l'avons démontré (quest. préc. art. 2); par conséquent, la puissance intellectuelle ne lui appartient pas non plus. Or, la puissance ne peut pas être plus abstraite, ni plus simple que l'essence dont elle découle. Donc la substance de l'intellect n'est pas la forme d'un corps.

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, que l'âme humaine n'est pas une forme plongée dans la matière ou totalement absorbée par elle en raison de sa perfection. C'est pourquoi rien n'empêche que l'une de ses facultés ne soit pas un acte corporel, bien que l'âme soit par son essence la forme du corps.

DIFFICULTÉ: 5. Ce qui a l'être en soi n'est pas uni à un corps comme sa forme, parce que la forme est le moyen par lequel une chose existe et qu'ainsi la forme ne possède pas l'être en elle-même. Or, le principe pensant a l'être en soi et il est subsistant, comme nous l'avons dit (quest. LXXV art. 2). Donc il n'est pas uni au corps comme sa forme.

SOLUTION : 5. Il faut répondre au cinquième, que l'âme communique l'être dans lequel elle subsiste à la matière corporelle, et que de cette matière et de l'âme il se forme un tout, de telle sorte que l'être de ce tout est aussi l'être de l'âme elle-même ; ce qui n'a pas lieu dans les autres formes qui ne sont pas subsistantes. C'est pour cela que l'âme humaine conserve son être après la destruction du corps, tandis qu'il n'en est pas de même des autres formes.

DIFFICULTÉ: 6.  Ce qui est de soi inhérent à une chose ne peut en être séparé. Or, il est en soi inhérent à la forme d'être unie à la matière. Car elle n'est pas accidentellement, mais essentiellement son acte; autrement de la matière et de la forme on ne ferait pas substantiellement, mais accidentellement le même être. Ainsi la forme ne peut être sans sa matière propre. Cependant, le principe pensant, par là même qu'il est incorruptible, comme nous l'avons prouvé (quest. LXXV art. 6), existe sans être uni au corps, du moment que le corps est corrompu. Il n'est donc pas uni au corps comme sa forme.

SOLUTION : 6. Il faut répondre an sixième, qu'il est dans la nature de l'âme d'être unie au corps, comme il est dans la nature d'un corps léger de s'élever dans l'air. Et comme un corps léger reste avec sa nature quand on le sépare du lieu qui lui est propre, bien qu'il ait de l'aptitude et de la propension à tendre vers ce même lieu ; de même l'âme humaine conserve son être quand elle est séparée du corps, bien qu'elle ait de l'aptitude et de la propension à lui être unie.

CEPENDANT, d'après Aristote (Met. lib. VIII, text. 6), la différence d'une chose vient de sa forme. Or, la différence constitutive de l'homme est son caractère raisonnable, et ce caractère se rapporte à la nature même du principe pensant. Donc ce principe est la forme de l'homme.

CONCLUSION : …
________________________________________________________________________

(3) Jean d’Olive ayant soutenu, contrairement à la doctrine de saint Thomas, que l’âme n’est pas la forme, d’où il résultait que ce n’est pas l’homme, mais l’âme qui mérite ou démérite, il fut condamné par le concile général de Vienne, qui se tint sous Clément V. Quisquis asserere defendere, seu tenere pertinaciter præsumpserit quod anima rationalis seu intellectiva non sit forma corporis humani per se essentialiter tanquàm hæreticus sit consendus; ce sont les paroles du concile.


Dernière édition par Louis le Mer 07 Fév 2018, 4:13 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Ven 06 Oct 2017, 6:51 am

ARTICLE 1.

Le principe pensant est-il uni au corps comme sa forme ? (3)

SUITE

CONCLUSION : Le principe pensant étant ce qui rend primitivement l'homme intelligent, qu'on lui donne le nom d'intelligence ou d'âme intellective, il est nécessaire qu'il soit uni au corps comme sa forme.

Il faut répondre qu'il est nécessaire de reconnaître que l'intelligence qui est le principe de nos opérations intellectuelles est la forme du corps humain. Car le principe primitif en vertu duquel un être produit son action est sa forme, comme le principe premier qui guérit le corps est la santé et le principe premier qui instruit l'âme est la science.

Ainsi la santé est la forme du corps et la science celle de l'âme. La raison en est qu'un être n'agit qu'autant qu'il est en acte et que, par conséquent, une chose agit suivant ce qu'elle est en acte.

Or, il est évident que le premier principe de vie du corps, c'est l'âme. Et comme la vie se manifeste par des opérations diverses dans les divers degrés des êtres vivants, le premier principe par lequel nous opérons chacune de ces œuvres vitales, c'est l'âme.

Car l'âme est le principe premier par lequel nous nous nourrissons, nous sentons, nous allons d'un lieu à un autre, comme elle est aussi le principe premier par lequel nous comprenons. Qu'on appelle ce premier principe de la pensée, intelligence ou âme intellective, il n'en est pas moins la forme du corps.

Cette démonstration est celle que donne Aristote (De animâ, lib. II., text. 24).

Si l'on veut rejeter ce sentiment et soutenir que l'intelligence n'est pas la forme du corps, il faut qu'on dise comment il se fait que comprendre est l'action propre de tel ou tel homme. Car quiconque s'interroge sait que c'est lui-même qui comprend.

Or, on attribue une action à un être de trois manières (Phys. lib. V, text.1). En effet, on dit qu'il meut ou qu'il fait une chose, soit par tout son être, comme le médecin guérit; soit par une partie de lui-même, comme l'homme voit au moyen de son œil ; soit par accident, comme quand on dit que le blanc bâtit, parce que celui qui bâtit se trouve blanc.

Quand nous disons que Socrate ou que Platon comprend, il est évident qu'on ne lui attribue pas cette action accidentellement. Car on la lui attribue comme homme et, par conséquent, on suppose qu'elle lui convient essentiellement.

Il faut donc dire que Socrate comprend par tout son être, comme l'a supposé Platon en définissant l'homme une âme intelligente (1 Alcib.); ou bien il faut dire que l'intelligence est une partie de Socrate. Il est impossible de soutenir la première opinion, comme nous l'avons prouvé (quest. LXXV, art. 4), parce que c'est le même homme qui perçoit qu'il comprend et qu'il sent(1) et qu'on ne peut sentir sans le corps. Il faut donc que le corps fasse partie de l'homme.

Par conséquent il ne reste plus à dire qu'une chose, c'est que l'intelligence par laquelle Socrate comprend est une partie de Socrate, de telle sorte qu'elle est unie d'une manière quelconque à son corps.

Le commentateur d'Aristote (2) dit que cette union a lieu par une espèce intelligible qui a un double sujet; l'un est l'intellect possible, et l'autre les images qui sont dans les organes corporels. C'est par cette espèce intelligible que l'intellect possible est uni au corps de tel ou tel homme. Mais cette union ne suffit pas pour que l'action de l'intelligence soit l'action de Socrate. C'est ce qu'on peut rendre évident par une comparaison empruntée aux sens, à l'exemple d'Aristote qui part toujours des sens pour examiner ce qui a rapport à l'intelligence. Car les images sont à l'intelligence ce que les couleurs sont à la vue (De an. lib. III, text. 18).

Ainsi donc, comme les espèces des couleurs sont dans la vue, de même les espèces des images sont dans l'intellect possible. Or, il est manifeste qu'on n'attribue pas à une muraille l'action de la vue parce qu'elle offre les couleurs dont on perçoit les images. Au lieu de dire que le mur voit, on dit plutôt qu'il est vu. De même de ce que les espèces des images sont dans l'intellect possible, il ne s'ensuit pas que Socrate qui perçoit ces images comprenne ; mais il en résulterait plutôt que l'intellect lui-même ou ses images seraient compris.

— D'autres ont voulu dire que…
____________________________________________________________________

(3) Jean d’Olive ayant soutenu, contrairement à la doctrine de saint Thomas, que l’âme n’est pas la forme, d’où il résultait que ce n’est pas l’homme, mais l’âme qui mérite ou démérite, il fut condamné par le concile général de Vienne, qui se tint sous Clément V. Quisquis asserere defendere, seu tenere pertinaciter præsumpserit quod anima rationalis seu intellectiva non sit forma corporis humani per se essentialiter tanquàm hæreticus sit consendus; ce sont les paroles du concile. (1) Platon avait nié la sensation et le sensible comme objet scientifique, sous prétexte que la sensation et les choses sensibles ne pouvaient être que des probabilités; saint Thomas leur rend leur valeur véritable. —   (2) Averroës.


Dernière édition par Louis le Sam 24 Nov 2018, 4:01 pm, édité 2 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux et orthographe.)

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Message  Louis Sam 07 Oct 2017, 7:37 am

ARTICLE 1.

Le principe pensant est-il uni au corps comme sa forme ? (3)

CONCLUSION : (SUITE)   Le principe pensant étant ce qui rend primitivement l'homme intelligent, qu'on lui donne le nom d'intelligence ou dame intellective, il est nécessaire qu'il soit uni au corps comme sa forme.

— D'autres ont voulu dire que l'intellect était uni au corps comme un moteur, et qu'ils ne faisaient qu'un tout (3) auquel on pouvait attribuer l'action de l'intellect. Mais cette opinion est sans fondement pour plusieurs raisons.  

1º Parce que l'intelligence ne meut le corps que par l'appétit et que le mouvement de l'appétit présuppose lui-même l'opération de l'esprit. Socrate ne comprend donc pas parce qu'il est mû par l'intellect; mais c'est plutôt le contraire, il est mû par l'intellect parce qu'il comprend (4).

2° Parce que Socrate étant naturellement un individu dont l'essence est une et composée de matière et de forme, si l'intellect n'est pas sa forme, il s'ensuit qu'il est en dehors de son essence et que, par conséquent, il est, par rapport à Socrate, ce que le moteur est par rapport à l'objet qui est mû.

Or, comprendre est un acte immanent dans le sujet qui le produit et non un acte qui passe ainsi dans un autre comme le calorique.

On ne peut donc pas l'attribuer à Socrate parce qu'il est mû par l'intellect (1).

3° Parce que l'action d'un moteur n'est jamais attribuée à l'objet qu'il meut, que comme cause instrumentale. C'est ainsi qu'on attribue l'action de scier à la scie du charpentier. Si donc on attribue à Socrate l'intelligence parce qu'elle est l'action de son moteur, il s'ensuit qu'on la lui attribue comme à un instrument (2), ce qui est contraire au sentiment d'Aristote qui veut qu'on ne puisse comprendre par un instrument matériel (De animâ , lib. I , text. 12).

4° Parce que, quoique l'action de la partie soit attribuée au tout, comme l'action de l'œil à l'homme, on n'attribue cependant jamais, sinon accidentellement, l'action d'une partie à une autre partie.

Ainsi on ne dit pas que la main voit parce que l'œil voit. Si donc de l'intellect et de Socrate on ne fait qu'un seul tout, l'acte de l'intellect ne peut être attribué à Socrate. Mais si Socrate est un tout, composé de l'union de l'intellect avec ses autres parties constitutives, et que néanmoins l'intellect ne soit uni à ces autres parties que comme le moteur au mobile, il s'ensuivra alors que Socrate ne sera plus un absolument et que, par conséquent, il ne sera pas absolument un être (3). Car une chose n'est un être qu'autant qu'elle est une.

— Il faut donc en revenir à l'opinion d'Aristote…
____________________________________________________________________

(3) Jean d’Olive ayant soutenu, contrairement à la doctrine de saint Thomas, que l’âme n’est pas la forme, d’où il résultait que ce n’est pas l’homme, mais l’âme qui mérite ou démérite, il fut condamné par le concile général de Vienne, qui se tint sous Clément V. Quisquis asserere defendere, seu tenere pertinaciter præsumpserit quod anima rationalis seu intellectiva non sit forma corporis humani per se essentialiter tanquàm hæreticus sit consendus; ce sont les paroles du concile. (3)  Cette opinion était celle des platoniciens, et elle était soutenue par quelques disciples d'Averroës ; c'est pour ce motif que saint Thomas insiste sur ce point si vivement. —   (4) La première absurdité qui découlerait de ce sentiment c'est que la connaissance on l'intelligence ne serait pas ce qu'il y a de premier dans l'âme. (1) La seconde absurdité c'est que l'intelligence serait une chose passagère mais non immanente dans l'homme. —   (2) ) La troisième absurdité c'est que l'homme ne serait que la cause instrumentale de ses connaissances. (3) Cette dernière déduction complète cette preuve ex absurdis.  


Dernière édition par Louis le Mar 13 Fév 2018, 4:19 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Dim 08 Oct 2017, 7:18 am

ARTICLE 1.

Le principe pensant est-il uni au corps comme sa forme ? (3)

CONCLUSION : (SUITE)   Le principe pensant étant ce qui rend primitivement l'homme intelligent, qu'on lui donne le nom d'intelligence ou dame intellective, il est nécessaire qu'il soit uni au corps comme sa forme.

—  Il faut donc en revenir à l'opinion d'Aristote qui établit (De an. lib. II, text. 25 et 26) que l'homme comprend parce que le principe pensant est sa forme. Il est par conséquent démontré, par l'action même de l'intelligence, que le principe pensant est uni au corps comme sa forme. On peut aussi prouver la même chose d'après la nature de l'espèce humaine. Car la nature d'une chose se montre par son opération.

Or, l'opération propre de l'homme, comme homme, c'est l'intelligence. C'est par elle qu'il s'élève au-dessus de tous les animaux. Aristote part de là pour placer la félicité dernière de l'homme dans cette action, parce qu'elle lui est propre (Eth. lib. X, cap. 7).

Il faut donc, d'après cela, que l'homme tire son espèce de ce qui est le principe de cette opération;  et comme dans tous les êtres l'espèce résulte de la forme qui leur est propre, il s'ensuit que le principe pensant est la forme propre de l'homme.

Mais il faut observer que plus la forme est noble, et élevée au-dessus de la matière corporelle, et que moins elle est mêlée à la matière , plus elle la surpasse par son action ou sa puissance.

Ainsi nous voyons que la forme d'un corps mixte a une autre action que celle qui résulte des qualités élémentaires. Et plus on avance dans la perfection des formes, plus on trouve qu'elles s'élèvent au-dessus de la matière élémentaire. Par exemple, l'âme végétative est plus noble que la forme des corps bruts, et l'âme sensitive est supérieure à l'âme végétative. L'âme humaine est ce qu'il y a de plus élevé parmi les formes. C'est pour cela qu'elle surpasse tellement la matière corporelle qu'elle a une action et une puissance qui n'a rien de commun avec elle. Et c'est cette puissance que nous désignons par le nom d'intelligence.

—  On doit aussi remarquer que si l'on supposait l'âme composée de matière et de forme, on ne pourrait dire d'aucune manière qu'elle est la forme du corps. Car la forme étant l'acte, et la matière n'étant que l'être en puissance, ce qui est composé de matière et de forme ne peut être en aucune manière la forme d'un autre être dans sa totalité. Mais s'il en est la forme selon une partie de lui-même, nous donnons le nom d'âme à ce qui est forme, et nous appelons le premier être animé le sujet dont elle est la forme, comme nous l'avons dit (quest. LXXV, art. 5).
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(3) Jean d’Olive ayant soutenu, contrairement à la doctrine de saint Thomas, que l’âme n’est pas la forme, d’où il résultait que ce n’est pas l’homme, mais l’âme qui mérite ou démérite, il fut condamné par le concile général de Vienne, qui se tint sous Clément V. Quisquis asserere defendere, seu tenere pertinaciter præsumpserit quod anima rationalis seu intellectiva non sit forma corporis humani per se essentialiter tanquàm hæreticus sit consendus; ce sont les paroles du concile.

A suivre :  Article II. Le principe pensant se multiplie-t-il comme les corps eux-mêmes ?


Dernière édition par Louis le Mar 13 Fév 2018, 4:23 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Lun 09 Oct 2017, 8:04 am

ARTICLE 2.

Le principe pensant se multiplie-t-il comme les corps eux-mêmes ? (1)

DIFFICULTÉ: 1. Il semble que le principe pensant ne se multiplie pas en raison du nombre des corps, et qu'il n'y ait qu'un seul entendement pour tous les hommes. Car il n'y a pas de substance immatérielle qui soit multiple numériquement dans une même espèce. Or, l'âme humaine est une substance immatérielle puisqu'elle n'est pas composée de matière et de forme, comme nous l'avons dit (quest. LXXV, art. 5). Il est donc impossible qu'il y en ait plusieurs dans une même espèce, et comme les hommes sont tous d'une seule espèce il s'ensuit qu'il n'y a pour eux tous qu'un seul entendement.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que quoique l'âme intelligente ne soit pas plus composée de matière que l'ange lui-même, elle est néanmoins la forme d'une matière, ce qui n'est pas dans la nature de l'ange. C'est pour quoi, selon la division de la matière, il y a beaucoup d'âmes d'une seule et même espèce, tandis qu'il ne peut pas y avoir beaucoup d'anges.

DIFFICULTÉ: 2. En écartant la cause on écarte aussi l'effet. Si donc les âmes se multipliaient en raison de ce que les corps se multiplient eux-mêmes, il semblerait naturel qu'en détruisant les corps la multitude des âmes ne dût plus exister, et que de toutes il n'y en eût plus qu'une seule ; ce qui est hérétique, parce que d'après ce sentiment on détruirait la différence qu'il y a entre les récompenses et les punitions.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que toutes les choses ont l'unité de la manière qu'elles ont l'être, et que par conséquent on juge de la multiplicité d'une chose comme de son être. Or, il est évident que l'âme intelligente est naturellement unie au corps par son être comme sa forme, et que le corps détruit, l'âme conserve son être. Pour la même raison les âmes se multiplient en raison de la multiplicité des corps, et les corps détruits, les âmes restent multiples comme elles étaient.

DIFFICULTÉ: 3. Si mon intelligence est autre que la vôtre, mon intelligence est un individu et la vôtre aussi. Car les choses qui sont de la même espèce et qui diffèrent numériquement sont des choses individuelles. Or, tout ce qui est reçu dans un être est en lui selon la manière d'être du sujet qui le reçoit. Donc les espèces des choses devraient être reçues individuellement dans mon intelligence comme dans la vôtre, ce qui est contraire à la nature même de l'intelligence qui ne perçoit que les choses universelles.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que l'individualisation du sujet qui comprend ou de l'espèce par laquelle il comprend n'exclut pas l'intelligence des choses universelles ; autrement les intelligences séparées étant des substances subsistantes et par conséquent particulières ne pourraient comprendre ce qui est universel. Mais la matérialité du sujet qui connaît et de l'espèce par laquelle il connaît est un obstacle à la connaissance de l'universel.

Car, de même que toute action est selon le mode de la forme par laquelle l'agent agit comme l’échauffement est selon le mode de la chaleur, ainsi la connaissance est selon le mode de l'espèce par laquelle le sujet connaît.

Or, il est évident que la nature générale se distingue et se multiplie suivant les principes matériels qui l'individualisent.

Si donc la forme par laquelle la connaissance s'opère était matérielle et qu'elle ne fût pas séparée des conditions de la matière, elle ressemblerait alors à la nature de l'espèce ou du genre, selon qu'elle est distinguée et multipliée par les principes qui l'individualisent, et alors elle ne pourrait faire connaître la nature d'une chose dans sa généralité.

Mais quand l'espèce est séparée des conditions de la matière individuelle, elle ressemble dans ce cas à la nature dépouillée de ce qui la distingue et de ce qui la multiplie, et elle fait connaître les choses universelles. Peu importe d'ailleurs que l'entendement soit unique ou qu'il soit multiple; parce que quand même il serait un, il faudrait qu'il fût une chose, et l'espèce par laquelle il comprend une autre.

DIFFICULTÉ
______________________________________________________________

(1) Averroës enseignait qu'il n'y a pour tous les hommes qu'un seul entendement ou qu'une seule âme intelligente. Cette opinion psychologique, qui se rattache au panthéisme, était si sérieuse au XIIIe siècle, que saint Thomas crut devoir la combattre , dans un traité spécial qui se trouve au nombre de ses opuscules. Tout étrange qu'il est, ce système obtint une certaine consistance, puisque nous le trouvons condamné par le pape Léon X au concile de Latran, au XVIe siècle: Sacro approbante concilio, damnamus et reprobamus omnes asserentes animam inlellectivam mortalem esse aut unicam in cunctis hominibus, et hæc in dubium vertentes, eum illa immortalis existat et pro corporum quibus infunditur multitudine singulariter multiplicabilis et multiplicata et multiplicanda.


Dernière édition par Louis le Mer 21 Fév 2018, 3:48 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mar 10 Oct 2017, 8:08 am

ARTICLE 2.

Le principe pensant se multiplie-t-il comme les corps eux-mêmes ? (1)

DIFFICULTÉS (SUITE)

DIFFICULTÉ: 4. L'objet compris est dans l'intelligence de celui qui le comprend. Si donc mon intelligence est autre que la vôtre, il faut que l'objet que je comprends soit autre que celui que vous comprenez. Il se multipliera ainsi individuellement et ne sera compris qu'en puissance. Il faudra en abstraire une intention générale, parce qu'on doit abstraire des choses diverses ce qu'elles ont d'intelligible universellement; ce qui est contraire à la nature de l'intellect, parce que dans ce cas il ne serait plus distinct de l'imagination. Il semble donc qu'il n'y ait pour tous les hommes qu'un seul intellect.

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, que l'entendement soit unique ou qu'il soit multiple, ce qui est compris est un. Car ce qui est compris n'est pas dans l'entendement par lui-même, il n'y est que par son image. Ainsi ce n'est pas la pierre qui est dans l'âme, mais c'est son espèce ou image, comme le dit Aristote (De animâ, lib. III, text. 38). Cependant la pierre est ce qui est compris et non son espèce, à moins que l'intelligence ne se replie par la réflexion sur elle-même ; autrement les sciences n'auraient pas les choses pour objet, mais seulement leurs espèces intelligibles.

Or, la même chose peut s'assimiler à divers sujets sous diverses formes. Et comme la connaissance a lieu suivant que le sujet qui connaît s'assimile la chose connue, il s'ensuit que le même objet peut être connu par divers sujets, comme on le voit évidemment par ce qui se passe dans les sens.

Car plusieurs yeux voient la même couleur sous des images diverses. De même aussi plusieurs intelligences comprennent la même chose. Il y a seulement cette différence entre les sens et l'intelligence, d'après Aristote (loc. cit.), que l'on sent la chose suivant la disposition qu'elle a, considérée en particulier hors de l'âme, tandis que la nature de la chose comprise est à la vérité hors de l'âme, mais elle n'a pas la même manière d'être que celle d'après laquelle nous la comprenons.

Car on comprend la nature en général en dehors des principes qui l'individualisent, et hors de l'âme elle n'a pas cette manière d'être. Mais dans le système de Platon la chose comprise existe hors de l'âme de la manière qu'on la comprend, parce qu'il suppose que les natures des choses sont séparées de la matière (1).

DIFFICULTÉ: 5. Le disciple recevant sa science du maître, on ne peut pas dire que la science du maître engendre la science dans le disciple, parce qu'alors la science serait comme la chaleur une forme active, ce qui est évidemment faux. Il semble donc que la science qui est dans le maître soit numériquement la même que celle qui est communiquée au disciple. Ce qui ne peut être s'ils n'ont pas pour eux deux un seul entendement. Il semble donc que l'intelligence du disciple et du maître soit la même, et que par conséquent il en soit ainsi de l'intelligence de tous les hommes.

SOLUTION : 5. Il faut répondre au cinquième, que la science est autre dans le disciple et autre dans le maître. Comment se produit-elle, c'est ce que nous verrons (quest . CXVII, art. 1).

DIFFICULTÉ: 6. Saint Augustin dit (De quant, anim. cap. 32) : Si je disais qu'il y a beaucoup d'âmes, je serais le premier à rire de moi. Or, l'âme semble être une surtout par rapport à l'intelligence. Donc il n'y a pour tous les hommes qu'une seule intelligence.

SOLUTION : 6. Il faut répondre au sixième, que quand saint Augustin dit qu'il n'y a pas plusieurs âmes, il entend par là qu'il n'y en a pas plusieurs espèces (2).

CEPENDANT, Aristote dit (Phys. lib. II, text. 38) : Ce que sont  les causes universelles par rapport aux objets universels, les causes particulières le sont par rapport aux objets particuliers. Or, il est impossible qu'une âme qui est d'une espèce anime des êtres d'espèce différente. Il est donc pareillement impossible qu'une seule âme numériquement anime des êtres qui sont numériquement divers.

CONCLUSION : …
________________________________________________________________________

(1) Averroës enseignait qu'il n'y a pour tous les hommes qu'un seul entendement ou qu'une seule âme intelligente. Cette opinion psychologique, qui se rattache au panthéisme, était si sérieuse au XIIIe siècle, que saint Thomas crut devoir la combattre , dans un traité spécial qui se trouve au nombre de ses opuscules. Tout étrange qu'il est, ce système obtint une certaine consistance, puisque nous le trouvons condamné par le pape Léon X au concile de Latran, au XVIe siècle: Sacro approbante concilio, damnamus et reprobamus omnes asserentes animam inlellectivam mortalem esse aut unicam in cunctis hominibus, et hæc in dubium vertentes, eum illa immortalis existat et pro corporum quibus infunditur multitudine singulariter multiplicabilis et multiplicata et multiplicanda. (1) Dans ce système, la matière n’est qu’une apparence, elle n’est pas une réalité.—   (2) Il ne nie pas leur pluralité numérique.


Dernière édition par Louis le Mer 21 Fév 2018, 3:52 pm, édité 2 fois (Raison : Insertion d'un lien et recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Mer 11 Oct 2017, 8:10 am

ARTICLE 2.

Le principe pensant se multiplie-t-il comme les corps eux-mêmes ? (1)

SUITE

CONCLUSION : Puisqu'il est impossible que plusieurs êtres soient numériquement différents et qu'il3 aient la même forme, comme il est impossible qu'ils n'aient qu'un seul et même être, il faut donc que le principe pensant soit multiplié selon que les corps se multiplient.

Il faut répondre qu'il est absolument impossible qu'il n'y ait qu'un seul entendement pour tous les hommes. C'est évident si l'on admet avec Platon que l'homme est l'entendement lui-même. Car il s'ensuivrait dans cette hypothèse que si Socrate et Platon n'avaient qu'une seule intelligence, ils ne formeraient qu'un seul et même homme et qu'ils ne seraient distingués l'un de l'autre que par ce qui est en dehors de leur essence. Il n'y aurait pas alors entre Socrate et Platon d'autre différence que celle qui existe entre l'homme portant une tunique et l'homme portant une cappe, ce qui serait absolument absurde.

Il est également impossible qu'il n'y ait qu'une intelligence pour tous les hommes si l'on admet avec Aristote (De animâ, lib. III, text. 52) que l'intelligence est une partie ou une puissance de l'âme qui est la forme de l'homme; car il est impossible que plusieurs êtres qui sont numériquement différents aient une seule et même forme, comme il est impossible qu'ils aient un seul et même être. Car la forme est le principe de l'être.

— C'est pareillement impossible de quelque manière que l'on comprenne l'union de l'intelligence avec tel ou tel homme en particulier. Car il est évident que s'il n'y a qu'un agent principal et deux instruments, on pourra dire qu'il n'y a absolument qu'un seul agent, mais plusieurs actions ; comme si, par exemple, un homme touchait de ses deux mains divers objets, il n'y aurait qu'un sujet qui toucherait, mais il y aurait deux contacts. Si au contraire il n'y avait qu'un instrument et qu'il y eut plusieurs agents différents, on dirait qu'il y a plusieurs agents, mais qu'il n'y a qu'une seule action.

Quand, par exemple, plusieurs se mettent à une corde pour traîner un vaisseau, il y a plusieurs traîneurs, mais ils ne produisent qu'un seul et même effet. Si l'agent principal est un et l'instrument aussi, on doit dire qu'il n'y a qu'un seul agent et qu'une seule action ; comme quand l'ouvrier frappe avec un marteau, il n'y a qu'un sujet qui frappe et il n'y a qu'une percussion.

Or, il est évident que quel que soit le mode suivant lequel l'intelligence est unie à tel ou tel homme, elle tient le premier rang parmi toutes les autres facultés humaines; car c'est à elle que les facultés sensitives obéissent, et c'est elle qu'elles servent.

Ainsi donc si l'on supposait que deux hommes ont plusieurs intelligences, mais qu'ils n'ont qu'un seul sens, par exemple qu'ils n'ont qu'un œil, il y aurait alors plusieurs voyants, mais il n'y aurait qu'une seule vision.

Mais s'il n'y a qu'une intelligence, de quelque façon que l'on varie toutes les facultés secondaires dont l'intelligence se sert comme d'instruments, de toutes manières on sera obligé de dire que Socrate et Platon ne forment qu'un seul être intelligent.

Et si nous ajoutons que le comprendre qui est l'action de l'intelligence n'a pas lieu par le moyen d'un autre organe que l’intelligence elle-même, il s'ensuivrait alors que l'agent serait un et l'action aussi, c'est-à-dire que tous les hommes ne formeraient qu'un seul être intelligent et qu'une seule compréhension (1) relativement au même objet intelligible. Mon action intellectuelle pourrait différer de la vôtre par la diversité des images, parce que l'image de la pierre qui est en moi serait autre que celle qui est en vous, si l'image, suivant ce qu'elle est en moi différente de ce qu'elle est en vous, était la forme de l'entendement possible.

Car le même agent varie ses actions en raison de la diversité de ses formes, comme le même œil a des visions différentes, suivant qu'il est en présence de formes diverses. Mais l'image n'est pas la forme de l'entendement possible, c'est l'espèce intelligible qui s'abstrait des images.

Or, dans le même intellect il ne s'abstrait des images diverses de la même espèce, qu'une seule espèce intelligible. C'est ce qu'on voit évidemment dans l'homme. Le même individu peut avoir en lui-même différentes images de la pierre, cependant de toutes ces images il ne s'abstrait qu'une seule espèce intelligible au moyen de laquelle l'homme connaît immédiatement, par une seule opération de son esprit, la nature de la pierre, malgré la diversité des images qu'il s'en est formées.

Par conséquent, s'il n'y avait pour tous les hommes qu'un seul entendement, les images diverses qui sont dans tel ou tel individu ne pourraient produire la diversité d'action intellectuelle qui existe entre eux, comme le suppose Averroës. Il faut donc reconnaître qu'il est absolument impossible et absurde de n'admettre qu'un intellect pour tous les hommes.

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(1) Averroës enseignait qu'il n'y a pour tous les hommes qu'un seul entendement ou qu'une seule âme intelligente. Cette opinion psychologique, qui se rattache au panthéisme, était si sérieuse au XIIIe siècle, que saint Thomas crut devoir la combattre , dans un traité spécial qui se trouve au nombre de ses opuscules. Tout étrange qu'il est, ce système obtint une certaine consistance, puisque nous le trouvons condamné par le pape Léon X au concile de Latran, au XVIe siècle: Sacro approbante concilio, damnamus et reprobamus omnes asserentes animam inlellectivam mortalem esse aut unicam in cunctis hominibus, et hæc in dubium vertentes, eum illa immortalis existat et pro corporum quibus infunditur multitudine singulariter multiplicabilis et multiplicata et multiplicanda. (1) Littéralement qu’un seul comprendre; nous n'avons pu conserver cet infinitif.

Article 3 : Indépendamment de l’âme intellective y-a-t-il dans l’homme d’autres âmes qui soient essentiellement distinctes ?


Dernière édition par Louis le Mer 21 Fév 2018, 4:04 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Jeu 12 Oct 2017, 7:34 am

ARTICLE 3.

Indépendamment de l’âme intellective y-a-t-il dans l’homme
d’autres âmes qui soient essentiellement distinctes ?
(3)

DIFFICULTÉ: 1. Indépendamment de l'âme intelligente il semble qu'il y ait dans l'homme d'autres âmes essentiellement distinctes, par exemple , l'âme sensitive et l'âme nutritive. Car ce qui est corruptible et ce qui est incorruptible n'appartient pas à la même substance. Or, l'âme intellective est incorruptible, tandis que les autres âmes, la sensitive et la nutritive, sont corruptibles, comme nous l'avons prouvé (quest. LXXV, art. 6). Donc il ne peut y avoir dans l'homme une seule essence pour l’âme intellective, sensitive et nutritive.

SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que l'âme sensitive n'est pas incorruptible parce qu'elle a la faculté de sentir, mais qu'elle a cet avantage parce qu'elle est intellective. Quand l'âme n'est que sensitive elle est donc corruptible ; mais quand elle est tout à la fois sensitive et intellective, elle est incorruptible. Car quoique la faculté de sentir ne rende pas incorruptible l'être qui en est doué, elle ne peut pas néanmoins enlever à l'âme intellective son privilège.

DIFFICULTÉ: 2. Si on prétend que l'âme sensitive est incorruptible dans l'homme, on peut ainsi insister. Le corruptible et l'incorruptible ne sont pas du même genre, comme le dit Aristote (Met. lib. X, text. 26). Or, l'âme sensitive est corruptible dans le cheval, le lion et les autres animaux. Si donc elle est incorruptible dans l'homme, on ne pourra pas dire qu'elle est du même genre dans l'homme que dans la brute. Et comme l'animal doit son nom à l'âme sensitive qui l'anime, il s'ensuit que ce mot ne désignera plus un genre commun à l'homme et aux autres animaux, ce qui répugne.

SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, qu'on ne range les formes ni dans le genre, ni dans l'espèce; ce sont les êtres composés qu'on classe ainsi. Or, l'homme est corruptible comme les autres animaux. C'est pourquoi la différence du corruptible et de l'incorruptible qui provient des formes ne fait pas que l'homme diffère quant au genre des autres animaux.

DIFFICULTÉ: 3. Aristote dit (De gen. anim. lib. II, cap. 3) que l'embryon est animal avant d'être homme. Mais il ne pourrait en être ainsi, si l'âme sensitive et l'âme intellective avaient la même essence; car il est animal par l'âme sensitive et il est homme par l'âme intellective. II n'y a donc pas dans l'homme une seule essence pour l'âme sensitive et l'âme intellective.

SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que l'embryon a d'abord une âme qui n'est que sensitive. Cette âme fait place ensuite (1) à une âme plus parfaite qui est tout à la fois sensitive et intellective, comme nous le prouverons ( quest. CXVIII, art. 2, ad 2 ).

DIFFICULTÉ: 4. Aristote dit (Met. lib. VIII, text. 6) que le genre se prend de la matière et la différence de la forme. Or, le caractère d'être raisonnable qui est la différence constitutive de l'homme se prend de l'âme intellective, et on lui donne le nom d'animal parce qu'il a un corps animé par une âme sensitive. L'âme intellective est donc, par rapport au corps animé par l'âme sensitive, ce que la forme est à la matière. Donc l'âme intellective n'est pas essentiellement la même que l'âme sensitive dans l'homme, mais elle la présuppose comme son suppôt matériel.

SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, qu'il ne faut pas, d'après les différentes vues de l'esprit et d'après nos manières de voir, juger qu'il y a diversité dans l'ordre de la nature (1); parce que la raison peut saisir le même objet sous des aspects divers. Comme l'âme intellective contient virtuellement ce que possède l'âme sensitive, et quelque chose de plus, ainsi que nous l'avons dit (in corp. art.), la raison peut considérer à part ce qui appartient à la faculté sensitive comme quelque chose d'imparfait et de matériel, et parce que cette propriété est commune à l'homme et aux animaux elle en forme la nature du genre. Elle considère ensuite ce que l'âme intellective a de plus que la sensitive comme notre raison formelle et notre complément et elle en forme la différence qui est propre à l'homme et qui le distingue.

CEPENDANT, nous lisons (De dog. eccl. cap. 15): Nous ne disons pas qu'il y ait dans le même homme deux âmes, comme les jacobites le prétendent, l'une animale qui anime le corps et se mêle au sang, et l'autre spirituelle qui est raisonnable : mais nous disons qu'il n'y a dans l’homme qu'une seule et même âme qui vivifie le corps par son alliance avec lui et qui se règle elle-même par sa raison.

CONCLUSION : …
_________________________________________________________________

(3) Il y a eu des hérétiques qui ont admis dans l’homme deux âmes raisonnables, et Photius paraît avoir été du nombre. Cette erreur a été condamnée par le huitième concile de Constantinople (sess. X, can. 2). (1) D’après saint Thomas, il n’y aurait d’abord dans l’embryon qu’une âme sensitive, et cette âme serait détruite pour faire place à une âme raisonnable. Ce système ne peut se soutenir ni théologiquement ni physiologiquement; mais on conçoit que saint Thomas l’ait admis, quand on se représente l’idée qu’il se faisait de l’âme sensitive. —  (1) Ou plus clairement, tous les être de raison ne sont pas des êtres réels.


Dernière édition par Louis le Lun 12 Mar 2018, 4:09 pm, édité 2 fois (Raison : Insertion d'un lien et recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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Message  Louis Ven 13 Oct 2017, 7:21 am

ARTICLE 3.

Indépendamment de l’âme intellective y-a-t-il dans l’homme
d’autres âmes qui soient essentiellement distinctes ?
(3)

SUITE

CONCLUSION : L'âme n'étant pas seulement unie au corps comme son moteur, mais encore comme sa forme, il est impossible que dans un seul homme il y ait plusieurs âmes essentiellement distinctes; mais il n'y a qu'une âme intelligente qui remplit les fonctions d'âme intellective, sensitive et végétative.

Il faut répondre que Platon, comme le rapporte Aristote (De an. lib. I, text. 90), a supposé qu'il y avait dans un même corps plusieurs âmes qu'il distinguait d'après les organes. Il leur attribuait des opérations vitales différentes. Ainsi d'après lui l'âme nutritive avait son siège dans le foie, l'âme concupiscible dans le cœur et l'âme cognitive dans le cerveau  (1).

Mais Aristote combat cette opinion dans son livre de l'âme (De an. lib. III, text. 41 et seq.). Il l'attaque par rapport à cette division de l'âme dont les parties se servent des organes corporels pour remplir leurs fonctions, parce que dans les animaux qui vivent, après qu'on les a ouverts, on remarque dans chaque partie les différentes opérations de l'âme, comme la sensibilité et l'appétit. Or, il n'en serait pas ainsi, si les divers principes des opérations de l'âme étaient essentiellement différents et qu'ils fussent distribués dans les différentes parties du corps.

Mais à l'égard de l'âme intellective Aristote ne décide pas si elle est séparée des autres parties de l'âme seulement rationnellement ou si elle l'est localement. On pourrait certainement soutenir l'opinion de Platon si l'on supposait avec lui que l'âme est unie au corps, non comme sa forme, mais comme son moteur, ainsi qu'il l'a supposé lui-même. Car il n'y a pas d'inconvénient à ce que le même mobile soit mû par divers moteurs, surtout dans ses diverses parties. Mais si nous supposons que l'âme est unie au corps comme sa forme, il semble absolument impossible qu'il y ait plusieurs âmes essentiellement distinctes dans le même corps ; ce qui peut se prouver en effet par trois raisons : …
_____________________________________________________________

(3) Il y a eu des hérétiques qui ont admis dans l’homme deux âmes raisonnables, et Photius paraît avoir été du nombre. Cette erreur a été condamnée par le huitième concile de Constantinople (sess. X, can. 2). (1) On trouve quelque chose de semblable dans les Eclaircissements sur le sacrifice, publiés par M. de Maistre, à la suite de ses Soirées de Saint-Pétersbourg. Il ne manque pas de se faire l'objection tirée de la sentence du concile, et il y répond en faisant remarquer qu'il s'agit là de deux âmes raisonnables ; ce qui est exact. Car le concile motive sa sentence en disant: Nam Vetus et Novum Testamentum, omnesque Ecclesiæ Patres unam animam  rationalem  habere hominem asserunt.


Dernière édition par Louis le Lun 12 Mar 2018, 4:54 pm, édité 1 fois (Raison : Recadrage avec le texte de l'abbé Drioux.)

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