Somme de la Foi catholique contre les Gentils.

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Message  Louis Dim 10 Mar 2024, 6:11 am


De la vraie félicité

XL

La félicité humaine ne consiste pas dans la connaissance de Dieu acquise par la foi.

Il est encore une autre connaissance de Dieu qui, à certains égards, est supérieure à la précédente.

Elle consiste à connaître Dieu par la foi, et, sous ce rapport, elle surpasse la connaissance acquise par la voie de démonstration ; car la foi nous apprend des choses que la raison ne saurait démontrer, à cause de l'excellence de l'objet, ainsi que nous l'avons déjà dit en commençant [liv.I, ch. 5]. Or, le souverain bonheur de l'homme ne peut pas non plus se trouver dans cette manière de connaître Dieu. En effet :

1° La félicité de l'homme consiste dans une opération parfaite de son intelligence [ch. 38 et 39]. Or, dans la connaissance que nous donne la foi, l'opération intellectuelle est très imparfaite, en ce qui concerne l'intelligence elle-même, quoique l'objet soit d'une absolue perfection; car l'intelligence ne comprend pas les choses qu'elle accepte avec soumission. Donc la suprême félicité de l'homme n'est pas dans cette connaissance de Dieu.

2° Nous avons établi [ch.26] que le bonheur suprême ne consiste pas principalement dans un acte de la volonté. Or, la volonté a la principale part dans la connaissance qui vient de la foi, puisque l'intelligence donne volontairement son assentiment aux choses que la foi lui propose, sans être irrésistiblement entraînée par l'évidence de la vérité. Donc cette connaissance ne fait pas le bonheur suprême de l'homme.

3° Celui qui croit donne son assentiment à des choses qu'un autre lui propose et qu'il ne voit pas…

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Message  Louis Lun 11 Mar 2024, 6:31 am


De la vraie félicité

XL

La félicité humaine ne consiste pas dans la connaissance de Dieu acquise par la foi.

SUITE

3° Celui qui croit donne son assentiment à des choses qu'un autre lui propose et qu'il ne voit pas lui-même; c'est pourquoi la connaissance qui vient de la foi ressemble davantage à la perception de l'ouïe qu'à la vision (1). Or, personne ne croirait jamais ce qu'il ne voit pas et qu'un autre lui propose, s'il n'était persuadé que celui-là connaît plus parfaitement ces choses que lui qui ne les voit pas. Donc la conviction du disciple est fausse, ou bien le docteur qui lui propose de telles choses à croire les connaît réellement plus parfaitement que lui.

Si ce docteur ne tire pas de lui-même cette connaissance, mais l'a reçue d'un autre, on ne pourra pas remonter ainsi jusqu'à l'infini; car l'assentiment donné aux enseignements de la foi serait vain et dépourvu de certitude, puisqu'il n'y aurait pas de premier principe certain par lui-même qui communique la certitude à ceux qui se soumettent à la foi.

On ne conçoit pas, en effet, que la connaissance qui vient de la foi soit fausse sans être vaine, comme nous l'avons fait voir [liv. I, ch. 6]; et si elle est en même temps fausse et vaine, elle ne doit pas renfermer la félicité (2).

Donc on peut avoir de Dieu une notion supérieure à celle que donne la foi, soit que l'homme qui propose les vérités de son domaine voie lui-même immédiatement la vérité, et c'est ainsi que nous croyons à la parole de Jésus-Christ; soit qu'il les ait apprises de celui qui en a la perception immédiate, comme les Apôtres et les Prophètes dont nous acceptons l'autorité.

Donc, puisque le bonheur suprême de l'homme consiste dans la connaissance de Dieu la plus parfaite, il ne saurait le rencontrer dans celle qu'il acquiert par la foi.

4° La félicité étant la fin dernière, elle met un terme au désir…
___________________________________________

(1) Fides ex auditus, auditus autem per verbem Christi (Rom., X, 17). (2) Parce qu'une telle connaissance, loin de donner à l'opération intellectuelle sa perfection dernière, qui consiste dans la perception de la vérité, ne fait, au contraire, que la vicier davantage, et saint Thomas nous a déjà rappelé plusieurs fois ce principe, que cette opération parfaite est la suprême félicité de l'homme.

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Message  Louis Mar 12 Mar 2024, 5:42 am


De la vraie félicité

XL

La félicité humaine ne consiste pas dans la connaissance de Dieu acquise par la foi.

SUITE

4° La félicité étant la fin dernière, elle met un terme au désir. Or, au lieu d'apaiser le désir de l'homme, la connaissance que donne la foi ne fait que l'exciter davantage, puisque chacun désire voir ce qu'il croit. Donc cette connaissance n'est pas le souverain bonheur de l'homme.

5° La connaissance de Dieu est une fin, puisqu'elle nous met en rapport avec la fin dernière des êtres, qui est Dieu. Or, la connaissance qui vient de la foi ne rend pas la chose que l'on croit parfaitement présente pour l'intelligence, puisqu'elle a pour objet des choses éloignées qui échappent à nos regards (3). C'est ce qui fait dire à l'Apôtre que tant que nous marchons guidés par la foi, nous sommes loin du Seigneur [II Cor., V, 6] (4). Cependant, comme en croyant volontairement nous faisons acte de soumission à Dieu, la foi nous le rend présent en affection, selon cette parole de saint Paul : Jésus-Christ habite par la foi dans nos cœurs [Éphés., III, 17]. Donc la souveraine félicité de l'homme ne saurait consister dans la connaissance acquise par la foi.
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Chap. XLI. Pendant cette vie, l'homme ne parviendra pas à connaître les substances séparées par l'étude et l'application aux sciences spéculatives, comme le prétend Avempace.

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Message  Louis Mer 13 Mar 2024, 6:05 am


De la vraie félicité

XLI

Pendant cette vie, l'homme ne parviendra pas à
connaître les substances séparées par l'étude et l'application
aux sciences spéculatives, comme le prétend Avempace.

Les substances intellectuelles ont encore une autre manière de connaître Dieu. Nous avons dit ailleurs [liv. II, ch. 96 à 100] que les substances séparées connaissent par leur propre essence les choses qui sont au-dessus et au-dessous d'elles, chacune suivant le mode particulier de sa substance; et il doit en être ainsi, surtout si dans le degré supérieur se trouve comprise leur cause, puisque l'effet porte nécessairement la ressemblance de sa cause.

D'où il suit que, Dieu étant la cause de toutes les substances intellectuelles créées [liv. II,ch. 15], les substances intellectuelles séparées, par là même qu'elles connaissent leur essence, ont aussi de Dieu une connaissance qui est une sorte de vision.

L'intelligence, en effet, connaît par manière de vision une chose dont la ressemblance est en elle, et c'est ainsi que la ressemblance de l'objet corporel perçu par la vue est dans l'organe du sujet qui le voit. Donc toute intelligence qui connaît l'essence d'une substance séparée connaît Dieu par une vision qui l'emporte sur la connaissance de ces substances.

Plusieurs ayant enseigné que le souverain bonheur de l'homme pendant cette vie consiste dans la connaissance des substances séparées, nous avons à examiner si l'homme peut réellement connaître ici-bas les substances de ce genre. C'est ce qui nous paraît douteux. Dans notre état présent, en effet, notre intelligence ne connaît rien sans image, et l'image est pour l'intellect possible, au moyen duquel nous connaissons les choses, ce que les couleurs sont pour le sens de la vue [liv. II, ch. 58 à 60] (1).

Si donc la connaissance intellectuelle qui vient des images est capable de conduire l'homme à celle des substances séparées, il parviendra à les connaître pendant cette vie, et, par conséquent, en voyant ces substances, il se trouvera dans la même condition que les substances séparées, qui connaissent Dieu en se connaissant elles-mêmes.

Si, au contraire, l'homme est dans l'impossibilité absolue d'arriver par la connaissance qui lui vient des images à celle des substances séparées, jamais il ne pourra, pendant cette vie terrestre, connaître Dieu de la même manière que ces substances.

Plusieurs de ceux qui prétendent que nous pouvons connaître les substances séparées à l'aide de la…
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(1)  Voyez la note 1 du livre II, ch. LXXVIII. =>  Cette note 1 : Nous reproduisons ici les passages d'Aristote, indiqués ou cités par saint Thomas, en les rétablissant dans leur ordre naturel. Ces passages sont distingués les uns des autres par des chiffres correspondant aux renvois du texte. Tous sont extraits du liv. III  du traité De l'âme, La traduction latine est celle que l'on attribue à Jean Argyropulo. Cette note d'Argyropulo est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.

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Message  Louis Jeu 14 Mar 2024, 6:55 am


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XLI

Pendant cette vie, l'homme ne parviendra pas à
connaître les substances séparées par l'étude et l'application
aux sciences spéculatives, comme le prétend Avempace.

SUITE

Plusieurs de ceux qui prétendent que nous pouvons connaître les substances séparées à l'aide de la connaissance acquise au moyen des images donnent de leur opinion des explications diverses.

Avempace pense que l'étude des sciences spéculatives peut nous conduire, au moyen des objets connus par les images, à la connaissance des substances séparées. La raison qu'il en donne, c'est que nous pouvons, par un acte de l'intelligence, abstraire la quiddité (2) de l'être qui n'est pas lui-même sa propre quiddité; car l'intelligence est naturellement apte à connaître toute quiddité comme quiddité, puisque son objet propre est de saisir ce qu'est la chose.

Or, si le premier objet connu par l'intellect possible a une quiddité, nous pouvons par l'intellect possible abstraire la quiddité de cet objet, et si cette quiddité a également une quiddité, on pourra de nouveau abstraire la quiddité de la quiddité; et puisqu'on ne saurait pousser la même opération jusqu'à l'infini, on devra en trouver le terme. Donc notre intelligence peut parvenir par la voie de l'analyse à connaître la quiddité d'une substance séparée qui n'a pas d'autre quiddité. Or, telle est la quiddité de toute substance séparée. Donc, au moyen de la connaissance qui lui vient des images, notre intelligence peut arriver à connaître les substances séparées.

Le même auteur essaie encore de prouver sa proposition par un autre argument qui ressemble au précédent. Il pose en principe que la notion d'une même chose, d'un cheval, par exemple, ne se multiplie dans les individus qu'à raison de la multiplicité des espèces spirituelles (3), qui sont distinctes en vous et en moi. Donc la notion qui ne repose sur aucune espèce de cette nature doit être la même en vous et en moi. Or, la quiddité de l'objet connu, que notre intelligence a la faculté d'abstraire, n'est représentée par aucune espèce spirituelle et individuelle, puisque la quiddité d'un être saisi par l'intelligence n'est pas celle d'un individu spirituel ou corporel; car la chose connue, considérée comme telle, est universelle. Donc l'intelligence est apte à connaître une quiddité dont nous avons tous une notion unique. Or, telle est la quiddité des substances séparées. Donc notre intelligence a la faculté de connaître les substances séparées.

Si l'on veut peser avec attention ces arguments, ils paraîtront peu solides. En effet: …
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(2)  Le mot quiddité signifie ici l'essence connue ou la notion de la chose, quod quid est ; l'essence se rapporte à l'être ou existence, et la quiddité à la définition. —   (3) Il ne faut pas confondre ces espèces spirituelles, qui sont les formes représentées dans l'imagination, avec les espèces intelligibles reçues dans l'intellect possible, et qui sont le principe de la connaissance intellectuelle.

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Message  Louis Ven 15 Mar 2024, 6:29 am


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XLI

Pendant cette vie, l'homme ne parviendra pas à
connaître les substances séparées par l'étude et l'application
aux sciences spéculatives, comme le prétend Avempace.

SUITE

Si l'on veut peser avec attention ces arguments, ils paraîtront peu solides. En effet :

1° La chose connue, par là même qu'elle est connue, est universelle, et sa quiddité est nécessairement la quiddité d'une chose universelle, c'est-à-dire du genre ou de l'espèce. Or, la quiddité du genre ou de l'espèce des êtres sensibles, dont nous acquérons la connaissance au moyen des images, comprend la matière et la forme. Donc elle diffère absolument de la quiddité d'une substance séparée, qui est simple et immatérielle. Donc on ne peut pas, parce que l'on connaît la quiddité d'une chose sensible par les images, connaître aussi la quiddité d'une substance séparée.

2° Il y a une différence à établir entre la forme qui, pour ce qui la concerne, n'admet pas d'être séparée d'un certain sujet, et celle qui, sous le rapport de l'être, se sépare de tel sujet, bien qu'on les considère toutes les deux abstraction faite d'un sujet déterminé. L'étendue, en effet, n'est pas de même nature qu'une substance séparée, à moins que nous n'admettions avec quelques Platoniciens des étendues séparées intermédiaires entre les espèces et les choses sensibles. Or, il est impossible de séparer, quant à l'être, la quiddité du genre ou de l'espèce des choses sensibles de telle matière individuelle, si nous rejetons avec Aristote les espèces séparées des Platoniciens (4). Donc cette quiddité diffère complètement des substances séparées qui n'ont rien de commun avec la matière. Donc ce n'est pas parce que l'on connaît ces quiddités que l'on pourra connaître les substances séparées.

Si l'on veut que la quiddité d'une substance séparée ait la même raison constitutive que la…
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 (4).  Cette note d’Aristote est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous. —  Dans le chapitre suivant, Aristote réfute plusieurs opinions, entre autres celle de Platon qu'il vient d'exposer. — Voyez la note 4 du livre II, ch. LXXIV . =>  Cette note 4 est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.

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Message  Louis Sam 16 Mar 2024, 6:31 am


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XLI

Pendant cette vie, l'homme ne parviendra pas à
connaître les substances séparées par l'étude et l'application
aux sciences spéculatives, comme le prétend Avempace.

SUITE

Si l'on veut que la quiddité d'une substance séparée ait la même raison constitutive que la quiddité du genre ou de l'espèce des choses sensibles, on ne sera pas autorisé à dire pour cela que cette identité existe sous le rapport de l'espèce ; car alors il faudrait accorder aux Platoniciens que les substances séparées sont elles-mêmes les espèces des êtres sensibles. Donc on ne pourra les réunir qu'à raison de la quiddité considérée comme quiddité. Or, la quiddité est la notion commune qui comprend à la fois le genre, l'espèce et la substance. Donc ces quiddités ne nous feront connaître rien autre chose de ces substances séparées que leur genre éloigné. Or, le genre étant connu, on ne connaît pas pour cela l'espèce, sinon en puissance. Donc la connaissance de ces quiddités ne nous fera pas connaître les substances séparées.

4° La distance est plus grande d'une substance séparée à tous les objets sensibles que d'un objet sensible à un autre de même nature. Or, il ne suffit pas de connaître la quiddité d'une chose sensible pour acquérir la connaissance d'une autre chose également sensible. L'aveugle-né, par exemple, connaît très bien la quiddité du son, et cependant cette quiddité ne lui fait pas connaître celle de la couleur. Donc, à plus forte raison, l'homme n'arrivera pas à connaître la quiddité d'une substance séparée par cela seul qu'il connaît la quiddité d'une substance sensible.

En admettant même que les substances séparées sont les moteurs…

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Message  Louis Dim 17 Mar 2024, 6:10 am


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XLI

Pendant cette vie, l'homme ne parviendra pas à
connaître les substances séparées par l'étude et l'application
aux sciences spéculatives, comme le prétend Avempace.

SUITE

En admettant même que les substances séparées sont les moteurs des sphères dont les mouvements produisent les formes sensibles, cette manière de connaître les substances séparées par les êtres sensibles sera insuffisante pour nous donner la connaissance de leur quiddité. Nous connaissons l'effet d'après sa cause, soit à raison de la ressemblance qui existe entre l'effet et la cause, soit parce que l'effet nous indique quelle est la vertu de la cause. Or, la ressemblance qui est dans l'effet ne peut nous faire juger de ce qu'est la cause que si l'agent appartient à la même espèce que lui; et telles ne sont pas les substances séparées relativement aux choses sensibles.

On ne peut non plus se baser, pour faire cette appréciation, sur la vertu que fait paraître la cause, si l'effet ne l'égale pas tout entière; car alors nous voyons par l'effet jusqu'où s'étend la vertu de la cause, et cette vertu nous révèle la nature de sa substance. Or, ceci n'est pas applicable au cas présent, puisque les vertus des substances séparées dépassent tous les effets sensibles que comprend notre intelligence, de même qu'une vertu universelle s'étend plus loin que l'effet particulier. Donc la connaissance des choses sensibles est incapable de nous faire connaître les substances séparées.

6° Toutes les choses intelligibles que nous parvenons à connaître à force de recherches et d'étude…

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Message  Louis Lun 18 Mar 2024, 6:13 am


De la vraie félicité

XLI

Pendant cette vie, l'homme ne parviendra pas à
connaître les substances séparées par l'étude et l'application
aux sciences spéculatives, comme le prétend Avempace.

SUITE

6° Toutes les choses intelligibles que nous parvenons à connaître à force de recherches et d'étude ressortissent de quelqu'une des sciences spéculatives. Si donc, par là même que nous connaissons les natures et les quiddités des objets sensibles, nous acquérons la connaissance des substances séparées, nous serons nécessairement redevables de cette dernière notion à l'une des sciences spéculatives. Or, nous ne voyons rien de semblable ; car aucune science spéculative ne nous découvre la quiddité, mais seulement l'existence des substances séparées. Donc nous ne pouvons arriver à connaître les substances séparées par la connaissance que nous avons de la nature des choses sensibles.

Il ne sert de rien de répondre que l'on découvrira peut-être une science spéculative capable de produire ce résultat, bien qu'on l'ignore encore. Aucun des principes actuellement connus ne nous donne le moyen de pénétrer la nature des substances séparées; car les principes fondamentaux de chaque science découlent des premiers principes, qui sont indémontrables, connus par eux-mêmes, et dont la connaissance nous vient des objets sensibles, ainsi qu'Aristote le démontre (5).

Or, nous venons de prouver que les sens n'ont pas la puissance de nous conduire à la connaissance des êtres immatériels. Donc jamais il n'existera de science qui puisse nous faire connaître les substances séparées.
_________________________________________________

 (5). Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.

Chap. XLII. Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des substances séparées de la manière indiquée par Alexandre.

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Message  Louis Mar 19 Mar 2024, 5:03 am


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XLII

Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des
substances séparées de la manière indiquée par Alexandre.

Alexandre ayant posé ce principe, que l'intellect possible est produit par voie de génération et sujet à la corruption, parce que c'est lui qui prépare en quelque sorte la nature humaine et qu'il résulte du mélange des éléments [liv. II, ch. 62], comme une vertu de cette nature est incapable de s'élever au-dessus de l'ordre matériel, il en tire cette conséquence, que notre intellect possible ne peut jamais arriver à connaître les substances séparées. Cela ne l'empêche pourtant pas d'admettre que dans notre condition présente nous puissions acquérir cette connaissance, et il s'efforce de le prouver de la manière suivante :

Aussitôt que la génération d'un être est complète et que sa substance a atteint sa dernière perfection, tout défaut disparaît de son opération propre, qu'elle consiste à être actif ou bien à rester passif; car de même que l'opération est attachée à la substance, ainsi la perfection de la substance a pour conséquence la perfection de l'opération; et c'est pour cela que l'animal peut marcher seul lorsqu'il est muni de tout ce qui entre dans sa nature. Or, l'intellect habituel, qui se compose des espèces intelligibles réunies par l'intellect actif dans l'intellect possible, a une double opération: l'une, qui a son principe dans l'intellect actif, consiste à faire connaître en acte ce qui n'est connu qu'en puissance; l'autre est l'opération même de connaître les objets connus en acte; et l'homme a la faculté de faire ces deux choses au moyen de l'intellect habituel.

Donc ces deux opérations seront parfaites en lui lorsque son intellect habituel se trouvera complètement productif. Or, cet intellect marche sans cesse vers ce terme, à mesure qu'il reçoit de nouvelles espèces intelligibles, et par conséquent, si rien ne s'y oppose, il arrivera nécessairement un instant où il l'aura atteint, puisque nulle production ne peut se continuer jusqu'à l'infini. Donc la double opération de l'intellect habituel sera parfaite au moment où il fera connaître en acte les choses connues auparavant en puissance, ce qui complète la première opération, et aussi lorsqu'il connaîtra tous les êtres intelligibles séparés et non séparés.

Comme, dans l'opinion de ce philosophe, l'intellect possible ne peut connaître maintenant les substances séparées…

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Message  Louis Mer 20 Mar 2024, 6:03 am


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XLII

Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des
substances séparées de la manière indiquée par Alexandre.

SUITE

Comme, dans l'opinion de ce philosophe, l'intellect possible ne peut connaître maintenant les substances séparées, ainsi qu'on vient de le voir, il pense que nous les connaîtrons au moyen de l'intellect habituel, en ce sens que l'intellect actif, qu'il considère comme une substance séparée, deviendra en nous la forme de l'intellect habituel; on sorte que nous connaîtrons par lui de la même manière que nous connaissons présentement par l'intellect possible. Et parce que l'intellect actif a la vertu de faire connaître en acte tout ce qui est connu en puissance, et même de connaître les substances séparées, arrivés à cet état, nous connaîtrons toutes les substances séparées et tous les intelligibles non séparés. Ainsi donc nous parvenons à connaître les substances séparées, par la connaissance qui vient des images.

On ne prétend pourtant pas ici, avec l'auteur de l'opinion précédente [ch. 41], que les images mêmes perçues dans l'intellect soient, comme il arrive pour les sciences spéculatives, un milieu dans lequel nous connaissons les substances séparées; mais les choses se passent ainsi, parce que les espèces intelligibles préparent en quelque manière en nous telle forme, savoir l'intellect actif. C'est en cela premièrement que diffèrent ces deux opinions.

Il résulte de ceci qu'à l'instant où l'intellect habituel se trouvera perfectionné par ces espèces…

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Message  Louis Jeu 21 Mar 2024, 6:25 am


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XLII

Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des
substances séparées de la manière indiquée par Alexandre.

SUITE

Il résulte de ceci qu'à l'instant où l'intellect habituel se trouvera perfectionné par ces espèces intelligibles que produit en nous l'intellect actif, il deviendra lui-même, ainsi qu'il a déjà été dit, un intellect actif qui sera notre forme. Cet intellect, Alexandre l'appelle un intellect acquis, et certains auteurs veulent qu'Aristote le considère comme provenant d'un principe extrinsèque (1).

Ainsi, quoique d'après l'opinion précédente, la souveraine perfection de l'homme ne se trouve pas dans les sciences spéculatives, elles mettent cependant l'homme dans la disposition requise pour atteindre ce degré de perfection; ce qui constitue une seconde différence entre les deux opinions.

La troisième différence consiste en ce que les partisans de la première opinion prétendent que l'acte de connaître l'intellect actif est la cause qui continue de le faire exister en nous, tandis que, suivant la seconde, c'est le contraire qui a lieu ; car de ce qu'il continue d'exister en nous, il résulte que nous le connaissons, et avec lui les autres substances séparées.

Or, tout cela ne nous paraît fondé sur aucune raison sérieuse. En effet:
____________________________________________________

(1) Aristote, dans le passage dont il est ici parlé, ne paraît pas faire de distinction entre les divers intellects ; mais il se borne à indiquer comment, dans son système, l'âme arrive à sa perfection en suivant les progrès de la génération, et il ajoute que l'esprit seul, mens, vient d'un principe extrinsèque à l'homme. — Ce qui suit est libellé en latin et en grec. Sur demande, nous le publierons. Bien à vous.

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Message  Louis Ven 22 Mar 2024, 6:58 am


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XLII

Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des
substances séparées de la manière indiquée par Alexandre.

SUITE

Or, tout cela ne nous paraît fondé sur aucune raison sérieuse. En effet:

Alexandre veut que l'intellect habituel, aussi bien que l'intellect possible, soit produit par voie de génération et assujetti à la destruction. Or, il admet lui-même que rien d'éternel ne peut devenir la forme de ce qui se trouve dans une telle condition ; et c'est d'après ce principe qu'il fait passer par la génération et la destruction l'intellect possible, qui nous est uni comme notre forme, tandis qu'il envisage l'intellect actif, qui est indestructible, comme une substance séparée. Donc, puisque selon Alexandre l'intellect actif est une substance séparée et éternelle, il ne peut devenir la forme de l'intellect habituel.

2º L'espèce intelligible est la forme de l'intelligence, en tant que telle, de même que la forme d'un sens est l'objet sensible ; car, en prenant les choses absolument, l'intelligence ne reçoit quelque chose en elle que d'une manière intelligible, et pareillement les sens ne sont affectés par leurs objets qu'autant qu'ils sont sensibles. Si donc l'intellect habituel est incapable de rendre intelligible l'intellect actif, ce dernier ne peut être la forme de l'autre.

Nous connaissons une chose par une autre de trois manières : …

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Message  Louis Sam 23 Mar 2024, 6:05 am


De la vraie félicité

XLII

Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des
substances séparées de la manière indiquée par Alexandre.

SUITE

Nous connaissons une chose par une autre de trois manières :

— premièrement, par l'intelligence, vertu qui est le principe de l'opération de connaître; c'est ce qui fait dire que notre intelligence connaît elle-même, et que l'acte de connaître de notre intelligence est notre acte propre ;

— secondement, par une espèce intelligible, et nous connaissons par elle, non en ce sens qu'elle connaît elle-même, mais parce que par elle la vertu [ou faculté] intellectuelle arrive à l'acte parfait, comme l'espèce de telle couleur perfectionne sous le même rapport la faculté de voir;

— troisièmement, par un moyen, c'est-à-dire, au moyen d'une chose dont la connaissance nous fait connaître une autre chose. Si donc l'homme placé dans certaines conditions parvient à connaître les substances séparées par l'intellect actif, il doit les connaître suivant l'une de ces trois manières. Or, ce n'est pas de la troisième manière; car Alexandre refuse d'admettre que l'intellect possible ou l'intellect habituel puisse connaître l'intellect actif; ni de la seconde, puisque l'on attribue l'opération de connaître par une espèce intelligible à la vertu intellectuelle, dont cette espèce intelligible est la forme, et Alexandre nie que l'intellect possible ou l'intellect habituel ait la connaissance des substances séparées.

D'où il suit que nous ne saurions connaître les substances séparées par l'intellect actif de la même manière que nous connaissons certains êtres par une espèce intelligible. Si donc nous connaissons ces substances par l'intellect actif, comme étant une vertu intellectuelle, l'acte de connaître de l'intellect actif est nécessairement une opération qui appartient à l'homme. Or, cela ne peut être, à moins que la substance de l'intellect actif et celle de l'homme ne se réunissent dans un être identique; car si ce sont deux substances ayant chacune son être distinct, nous ne concevons pas que l'opération de l'une soit l'opération de l'autre.

Donc l'intellect actif ne fera qu'un avec l'homme quant à l'être, et cet être ne sera pas un simple accident, parce que, dans ce cas, l'intellect actif ne serait pas une substance, mais un accident, de même que la couleur et le corps coloré sont une même chose sous le rapport de l'être accidentel.

Nous concluons donc de là que l'intellect actif est un avec l'homme quant à l'être substantiel. Donc cet intellect est l'âme humaine, ou bien une partie de cette âme, et non une substance séparée, ainsi que le prétend Alexandre. Donc, en raisonnant dans l'opinion même de ce philosophe, on n'est pas en droit d'affirmer que l'homme connaît les substances séparées.

Si l'intellect actif doit être à un instant donné la forme de tel homme, en sorte que cet homme…

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Message  Louis Dim 24 Mar 2024, 4:40 am


De la vraie félicité

XLII

Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des
substances séparées de la manière indiquée par Alexandre.

SUITE

Si l'intellect actif doit être à un instant donné la forme de tel homme, en sorte que cet homme puisse connaître par lui, il pourra aussi, pour la même raison, devenir la forme d'un autre homme qui connaîtra également par lui. Il arrivera donc que deux hommes connaîtront simultanément par l'intellect actif comme par leur forme. Or, nous avons déjà observé que cette opération se fait de telle manière que l'acte de connaître de l'intellect actif est aussi l'acte de l'être qui connaît par lui. Donc deux individus doués d'intelligence n'auront qu'une opération intellectuelle; ce qui est absurde.

La raison invoquée par Alexandre en faveur de son opinion n'a aucune valeur. Car :…

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Message  Louis Lun 25 Mar 2024, 6:04 am


De la vraie félicité

XLII

Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des
substances séparées de la manière indiquée par Alexandre.

SUITE

La raison invoquée par Alexandre en faveur de son opinion n'a aucune valeur. Car :

1° Lorsqu'une production appartenant à tel genre arrive à sa perfection, son opération se perfectionne également, mais conformément à la manière d'être de ce genre et non d'un genre supérieur: par exemple, la perfection de l'air suppose qu'il est produit complètement, et que le mouvement qui le porte en haut ne rencontre pas d'obstacle, sans que, pour cela, il puisse s'élever jusqu'au lieu qu'occupe le feu.

De même, lorsque la production de l'intellect habituel est complète, son opération, qui est celle de connaître, se trouve complétée selon qu'il convient à sa nature; mais elle ne va pas jusqu'à connaître à la manière des substances séparées, c'est-à-dire, jusqu'à connaître ces substances. Par conséquent, on ne peut conclure de la production de l'intellect habituel que l'homme arrive au point de connaître les substances séparées.

2° Il appartient de compléter l'opération à la vertu qui en est le principe. Si donc l'acte de connaître les substances séparées complète l'opération de l'intellect habituel, il faut dire que cet intellect habituel pourra en venir à la connaissance des substances séparées: conséquence que ne tire pas Alexandre, parce qu'il s'ensuivrait que l'opération de connaître les substances séparées serait le résultat des sciences spéculatives, qui sont comprises dans l'intellect habituel.

3° Les choses qui commencent à être produites arrivent le plus souvent au terme de leur production, puisque toutes les productions sont dues à des causes déterminées qui réalisent leurs effets toujours ou du moins dans la plupart des cas. Si donc la production parfaite amène comme conséquence la perfection de l'action, les êtres qui sont produits toujours ou dans la plupart des cas doivent être, par ce seul fait, en possession de leur opération complète. Or, ceux qui s'efforcent de faire naître en eux l'intellect habituel ne parviennent à la connaissance actuelle des substances séparées ni toujours, ni le plus souvent, et même aucun d'eux ne s'est flatté d'avoir atteint ce degré de perfection. Donc ce n'est pas l'acte de connaître les substances séparées qui perfectionne l'opération de l'intellect habituel.

Chap. XLIII. Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des substances séparées de la manière indiquée par Averrhoès.

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Message  Louis Mar 26 Mar 2024, 5:56 am


De la vraie félicité

XLIII

Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des
substances séparées de la manière indiquée par Averrhoès.

L'opinion d'Alexandre présentant une difficulté très sérieuse, en ce qu'elle assujétit complètement à la destruction l'intellect possible devenu habituel, Averrhoès crut avoir trouvé le moyen de démontrer facilement que nous pouvons, dans de certaines conditions, connaître les substances séparées, en affirmant que l'intellect possible, aussi bien que l'intellect actif, est indestructible et séparé de nous quant à l'être.

Il établit d'abord qu'il faut nécessairement admettre, entre l'intellect actif et les principes que nous connaissons naturellement, le même rapport qui existe entre l'agent et l'instrument, ou bien entre la forme et la matière. L'intellect habituel par lequel nous connaissons ne se borne pas, en effet, à connaître, mais il lui appartient en outre de rendre les choses actuellement connues; et l'expérience nous prouve que cette double opération dépend de nous.

Or, l'acte de rendre une chose actuellement connue est plutôt le signe indicatif de l'intellect habituel que de l'opération de connaître, parce que l'acte de rendre une chose actuellement connue précède l'opération de connaître; car certaines choses, telles que les premiers principes intelligibles, nous sont actuellement connues naturellement, sans étude et indépendamment de notre volonté.

Or, l'intellect habituel, qui nous fait actuellement connaître les choses dont la science nous vient de l'étude, ne nous donne pas la connaissance actuelle de ces premiers intelligibles, mais ils sont plutôt le commencement de l'intellect habituel; c'est ce qui fait dire à Aristote que l'intelligence consiste dans l'habitude de ces intelligibles (1). L'intellect actif seul en donne la connaissance actuelle, et par eux deviennent actuellement connues les autres choses dont la science s'acquiert par l'étude. Donc c'est à l'action collective de l'intellect qui est en habitude, relativement aux premiers principes et aussi de l'intellect actif, que doivent d'être connues en acte les conséquences qui découlent de ces principes.

Or, une action unique ne peut être le fait de deux êtres, à moins que l'un ne soit à l'autre ce qu'est l'agent à l'instrument, ou la forme à la matière. Donc l'intellect actif est nécessairement, avec les premiers principes contenus dans l'intellect habituel, dans le même rapport que l'agent avec l'instrument, ou la forme avec la matière.

Comment cela peut-il se faire? Averrhoès l'explique ainsi : …
________________________________________________

 (1). Cette note est libellée en latin et en grec. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.

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Message  Louis Mer 27 Mar 2024, 4:25 am


De la vraie félicité

XLIII

Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des
substances séparées de la manière indiquée par Averrhoès.

SUITE

Comment cela peut-il se faire? Averrhoès l'explique ainsi :

Puisque, dans son opinion, l'intellect possible est une substance séparée, il connaît l'intellect actif, les autres substances séparées et même les choses connues spéculativement dès le principe (2); par conséquent, il est le sujet de tout cela. Or, lorsque plusieurs choses se réunissent dans un même sujet, l'une  est comme la forme de l'autre : ainsi, quand la couleur et la lumière se rencontrent dans un corps diaphane comme dans un sujet, l'une, la lumière, doit être la forme de l'autre, qui est la couleur. Cela est nécessaire si ces choses sont coordonnées entre elles et ne se réunissent pas accidentellement dans le même sujet, comme, par exemple, la blancheur et l'harmonie. Il existe un certain ordre entre les objets connus spéculativement et l'intellect actif; car c'est l'intellect actif qui rend ces objets actuellement connus.

Donc l'intellect actif est à ces objets ce qu'est la forme pour la matière.

Donc, puisque les objets connus spéculativement s'unissent à nous par le moyen des images, qui sont en quelque sorte leurs sujets, l'intellect actif doit également s'unir avec nous en ce qu'il est la forme des choses spéculativement connues.

Donc, tant que les choses ainsi connues sont en nous seulement en puissance, l'intellect actif ne nous est uni qu'en puissance, et quand nous en possédons quelques-unes en acte et les autres en puissance, cet intellect nous est uni partie en acte et partie en puissance ; alors nous sommes en mouvement pour arriver à cette union [complète], parce que l'intellect actif s'unit avec nous plus parfaitement à mesure que le nombre des objets actuellement connus s'augmente en nous.

L'application aux sciences spéculatives fait approcher de son terme le mouvement, qui nous porte vers cette union ; car cette étude nous fait acquérir la connaissance du vrai et dissipe les opinions erronées qui sont étrangères à l'ordre de ce mouvement, de même que les monstres sortent de l'ordre assigné aux opérations de la nature ; c'est pourquoi les hommes concourent mutuellement à ce progrès en s'entr'aidant dans l'étude des sciences spéculatives.

Lors donc que nous serons arrivés à connaître en acte toutes les choses connues seulement en puissance, l'intellect actif nous sera parfaitement uni comme forme, et nous connaîtrons parfaitement par lui, de même que nous connaissons parfaitement dans notre état présent par l'intellect habituel.

D'où il suit que l'opération de connaître les substances séparées étant propre à l'intellect actif, nous connaîtrons alors les substances séparées, comme nous connaissons maintenant les substances spéculatives; et cette connaissance fera le souverain bonheur de l'homme, qui, dans cet état, sera en quelque sorte un Dieu.

On peut tirer dans les démonstrations précédentes les raisons nécessaires pour réfuter cette opinion
_______________________________________________

[2) Les choses connues spéculativement sont les espèces ou formes  intelligibles des êtres. Cette connaissance diffère de la connaissance sensible, qui ne dépasse pas la partie sensitive de l'âme.[/b]

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Message  Louis Dim 31 Mar 2024, 7:41 am


De la vraie félicité

XLIII

Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des
substances séparées de la manière indiquée par Averrhoès.

SUITE

On peut tirer dans les démonstrations précédentes les raisons nécessaires pour réfuter cette opinion qui repose sur les nombreux arguments que nous avons détruits.

1° Nous avons prouvé [liv.II, ch. 59] que l'intellect possible n'est pas une substance séparée de nous quant à l'être. Il n'est donc pas le sujet des substances séparées, pour cette raison surtout donnée par Aristote, que l'intellect possible est celui qui a la faculté de devenir toutes choses (3). Il n'est, par conséquent, le sujet que des choses qui sont connues en vertu d'une action.

2° Nous avons également établi ce point [liv. II, ch. 76 et 78], que l'intellect actif, auquel Aristote attribue l'opération de rendre actuellement connu tout ce qu'il est en notre pouvoir de connaître (4), n'est pas non plus une substance séparée. D'où il suit que l'acte de connaître par l'intellect actif n'est pas la cause qui nous donne la faculté de connaître les substances séparées; car s'il en était ainsi, nous les connaîtrions toujours.

3º En admettant que l'intellect actif soit une substance séparée, il…
_____________________________________________

(3). Cette note est libellée en latin]. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous. (4). Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.  —  Saint Thomas, dans le chapitre 78 du livre II, explique comment il faut entendre ce que dit Aristote de l'intellect actif : Et is intellectus separabilis est et non mixtus. « On voit clairement, dit-il, qu'on ne peut pas conclure des paroles d'Aristote que l'intellect actif est une substance séparée, maïs seulement qu'il est séparé de la même manière que l'intellect possible, c'est-à-dire qu'il n'a point d'organe corporel. Il ne se contredit pas non plus lorsqu'il dit que cet intellect est « un être actuel à raison de la substance; » et ensuite que « la substance de l'âme est en puissance, » comme nous l'avons établi nous-même dans le chapitre 76 . »

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Message  Louis Lun 01 Avr 2024, 7:07 am


De la vraie félicité

XLIII

Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des
substances séparées de la manière indiquée par Averrhoès.

SUITE

3º En admettant que l'intellect actif soit une substance séparée, il en résulte qu'il ne s'unit avec nous, aussi bien que l'intellect possible, qu'au moyen des espèces [intelligibles] dont la connaissance est actuellement produite, bien que l'intellect possible soit, relativement à ces espèces, ce qu'est la matière pour la forme, et l'intellect actif, au contraire, ce qu'est la forme pour la matière.

Or, selon la même opinion, les espèces, au moment où elles sont actuellement connues, s'unissent à nous au moyen des images, qui sont avec l'intellect possible dans le même rapport que les couleurs avec la vue, et avec l'intellect actif dans le rapport qui existe entre les couleurs et la lumière, ainsi que l'enseigne le Philosophe (5).

Or, on ne peut attribuer à la pierre, à laquelle la couleur est inhérente, ni l'action de la vue qui fait voir, ni celle du soleil qui éclaire.

Donc, en raisonnant toujours dans le système qui précède, on ne peut non plus attribuer à l'homme, ni l'action de l'intellect possible, pour connaître les substances séparées, ni l'action de l'intellect actif, pour donner la connaissance actuelle d'une chose.

Suivant l'opinion précédemment exposée, l'intellect actif ne s'unit à nous comme forme que parce qu'il est la forme des choses connues spéculativement ; et il est la forme de ces choses parce que l'intellect actif et les choses ainsi connues ont une même action, qui consiste à produire la connaissance actuelle.

Donc il ne pourra devenir notre forme qu'autant que les choses connues spéculativement participeront à son action.

Or, on ne peut dire que ces choses participent à son action, qui est l'acte de connaître les substances séparées, puisqu'elles sont les espèces [intelligibles] des êtres sensibles, sans retomber dans le système d'Avempace, qui prétend que nous arrivons à connaître les quiddités [ou essences] des substances séparées au moyen de ce que nous percevons dans les objets sensibles.

Donc le moyen ci-dessus indiqué est tout-à-fait insuffisant pour nous conduire à la connaissance des substances séparées.

5º Ainsi qu'il résulte du sentiment d'Averrhoès, le rapport qui…
_____________________________________________

 (5). Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.

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Message  Louis Mar 02 Avr 2024, 7:21 am


De la vraie félicité
XLIII

Il nous est impossible, durant cette vie, de connaître des
substances séparées de la manière indiquée par Averrhoès.

SUITE

Ainsi qu'il résulte du sentiment d'Averrhoès, le rapport qui existe entre l'intellect actif et les objets de la science spéculative qu'il produit n'appartient pas au même ordre que celui qui le rattache aux substances séparées qu'il ne peut pas produire, mais seulement connaître. Donc, s'il s'unit à nous parce qu'il produit les objets connus spéculativement, il ne s'ensuit pas qu'il nous est également uni par là même qu'il vient à connaître les substances séparées; mais un tel raisonnement est évidemment ce que l'on appelle le sophisme de l'accident (6).

Si nous connaissons réellement les substances séparées par l'intellect actif, ce n'est pas parce que cet intellect est la forme de tel ou tel objet de la connaissance spéculative, mais parce qu'il devient notre forme ; car c'est de cette dernière manière que nous pouvons connaître par lui. Or, selon Averrhoès, il devient également notre forme au moyen de choses connues spéculativement dès le principe. Donc l'homme peut, dès l'origine, arriver à connaître par l'intellect actif les substances séparées.

Si l'on nous répond que certains objets connus spéculativement ne font pas de l'intellect actif une forme assez parfaite pour que nous connaissions par lui les substances séparées, cela ne peut venir que de ce que ces objets ainsi connus ne s'élèvent pas jusqu'à la perfection acquise par l'intellect actif lorsqu'il connaît les substances séparées.

Or, tous les objets de la science spéculative réunis ensemble ne sauraient égaler la perfection à laquelle arrive l'intellect actif par la connaissance des substances séparées, puisque tous ces objets ne sont intelligibles qu'autant qu'une action étrangère les fait connaître, tandis que ces substances le sont en vertu même de leur nature.

Donc on ne peut pas prétendre que, par là même que nous parviendrons à connaître tous les objets de la science spéculative, l'intellect actif sera nécessairement pour nous une forme tellement parfaite, que par lui nous connaîtrons les substances séparées; et, si l'on ne pose pas cette condition, il faudra dire que la connaissance d'un intelligible, quel qu'il soit, nous donne la connaissance des substances séparées.
__________________________________________________

(6) Le sophisme de l'accident, fallacia per accidens, a lieu quand on attribue absolument à un être ce qui ne lui convient qu'accidentellement.
Chap. XLIV. La félicité suprême de l'homme ne consiste pas dans la connaissance des substances séparées, telle que la conçoivent les auteurs des opinions précédentes.

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Message  Louis Mer 03 Avr 2024, 5:55 am


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XLIV

La félicité suprême de l'homme ne consiste pas dans la connaissance
des substances séparées, telle que la conçoivent les auteurs des opinions précédentes.

Nous ne pouvons admettre que la connaissance des substances séparées, telle que la conçoivent les philosophes dont nous venons de parler, constitue le souverain bonheur de l'homme.En effet:

1° Une chose n'a aucune raison d'être, si elle ne peut atteindre la fin qui lui est assignée. Donc, puisque la fin de l'homme est le bonheur vers lequel tend son désir naturel, on ne doit pas le placer dans une chose située hors de sa portée ; car il s'ensuivrait que l'existence de l'homme n'aurait aucun but, et que le désir naturel qui est en lui serait vain; ce qui répugne. Or, nous avons prouvé avec évidence qu'il est impossible à l'homme de connaître les substances séparées, de la manière indiquée par les auteurs des opinions précédentes. Donc la souveraine félicité de l'homme n'est pas dans la connaissance des substances séparées ainsi entendue.

2° Pour que l'intellect actif s'unisse à nous comme une forme, en sorte que nous connaissions par lui les substances séparées, il est nécessaire, d'après Alexandre, que l'intellect habituel soit complètement produit (1), et selon Averrhoès, que toutes les choses qui entrent dans la science spéculative nous deviennent actuellement connues : ce qui revient au même; car l'intellect habituel prend naissance en nous en tant que les choses spéculatives sont en nous à l'état d'acte.

Or, toutes les espèces [intelligibles] des êtres sensibles sont connues en puissance. Il faut donc, pour que l'intellect actif se trouve uni à tel individu, que cet individu connaisse en acte, par l'intellect spéculatif, toutes les natures des êtres sensibles, et généralement leurs vertus, leurs opérations et leurs mouvements.

Or, nul homme ne peut acquérir cette science par les principes des sciences spéculatives, lesquelles, selon les mêmes auteurs, préparent notre union avec l'intellect possible, puisque nous ne saurions arriver à la connaissance des choses que nous venons d'énumérer au moyen des objets qui tombent sous les sens et d'où se tirent les principes des sciences spéculatives. Donc l'homme ne peut arriver à cette union de la manière indiquée par ces philosophes. Donc cette union ne peut faire le bonheur de l'homme.

3° En supposant que l'homme puisse s'unir à l'intellect actif comme le veulent les philosophes…
__________________________________________

(1) L'intellect habituel est complet, dans le sentiment d'Alexandre, lorsque l'intellect actif a fait passer dans l'intellect possible toutes les espèces ou formes intelligibles qu'il est capable de recevoir. — [Voyez le ch. 42].

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Message  Louis Jeu 04 Avr 2024, 5:12 am


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XLIV

La félicité suprême de l'homme ne consiste pas dans la connaissance
des substances séparées, telle que la conçoivent les auteurs des opinions précédentes.

SUITE

En supposant que l'homme puisse s'unir à l'intellect actif comme le veulent les philosophes, il n'en est pas moins certain que le très petit nombre seulement est capable d'une telle perfection; et cela est si vrai, que ni ces auteurs ni d'autres, quelque application qu'ils aient d'ailleurs apportée et quelques succès qu'ils aient obtenus dans les sciences spéculatives, n'ont osé se dire parfaits à ce point. Bien plus, ils conviennent eux-mêmes qu'ils ignorent beaucoup de choses.

C'est ainsi qu'Aristote nous dit, dans son traité Du ciel [liv. II], qu'on ne peut donner que des raisons probables (2) lorsqu'on traite de la quadrature du cercle et qu'on veut expliquer l'ordre des corps célestes; et, dans sa Métaphysique [liv. XII, c. 8], il ajoute qu'il laisse à d'autres de décider sous quel rapport ces corps et leurs moteurs sont nécessaires.

Or, selon la doctrine du Philosophe, le bonheur est un bien commun que le plus grand nombre peut posséder, si rien ne s'y oppose (3); et il faut en dire autant de toute fin naturelle propre à une espèce; car les êtres qu'elle comprend arrivent pour la plupart à cette fin. Donc le souverain bonheur de l'homme ne peut consister dans l'union dont il s'agit.

Il est bien certain qu'Aristote, que nos philosophes veulent prendre pour guide dans cette…
_______________________________________________

(2) Nous traduisons topicas rationes par raisons probables, d'après Aristote lui-même qui dit au commencement de son livre des Topiques : «  Cet extrait des Topiques » est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.» — L'argument probable est opposé à l'argument apodictique, qui repose toujours sur un principe certain. —   (3). Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.

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Message  Louis Ven 05 Avr 2024, 6:04 am


De la vraie félicité

XLIV

La félicité suprême de l'homme ne consiste pas dans la connaissance
des substances séparées, telle que la conçoivent les auteurs des opinions précédentes.

SUITE

Il est bien certain qu'Aristote, que nos philosophes veulent prendre pour guide dans cette question, ne place pas la félicité suprême de l'homme dans cette union. Il établit, en effet, que le bonheur de l'homme consiste dans celle de ses opérations qui découle d'une vertu parfaite (4), et ce principe le conduit logiquement à parler des vertus, qu'il divise en vertus morales et en vertus intellectuelles. Il prouve encore que le souverain bonheur de l'homme est dans la contemplation (5); d'où il résulte qu'il ne se trouve dans aucun acte des vertus morales, ni dans un acte de prudence ou dans l'exercice d'un art qui, cependant, appartiennent à l'ordre intellectuel. Donc ce bien n'est autre que l'opération de la sagesse, la principale des opérations intellectuelles, qui, selon Aristote, sont au nombre de trois : la sagesse, la science, l'intelligence (6); et il prononce ensuite que le sage est heureux (7).

Or, le Philosophe, dans le livre Des mœurs, met la sagesse au premier rang des sciences spéculatives, et au commencement de sa Métaphysique il donne le nom de sagesse à la science qu'il se propose d'enseigner ( 8 ). Il ressort donc clairement de tout cela qu'Aristote fait consister dans la connaissance des choses divines, telle que peuvent nous la donner les sciences spéculatives, le plus grand bonheur dont l'homme est capable ici-bas. Quant à cette manière de connaître les choses divines, non par les sciences spéculatives, mais en suivant un certain ordre naturel dans la génération [de l'intellect], c'est une invention due à quelques-uns de ses commentateurs.
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[4], [5]. [6]. Ces notes sont libellées en latin]. Sur demande, nous les publierons. Bien à vous. [7] Voyez la note 5 qui précède. [8] Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous. — Voyez aussi la note 6 qui précède.
Chap. XLV. Pendant cette vie, nous ne pouvons en aucune manière connaître les substances séparées.

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Somme de la Foi catholique contre les Gentils.  - Page 24 Empty Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.

Message  Louis Sam 06 Avr 2024, 6:49 am



De la vraie félicité

XLV

Pendant cette vie, nous ne pouvons
en aucune manière connaître les substances séparées.

Puisque, durant la vie présente, nous sommes dans l'impossibilité de connaître les substances séparées suivant les diverses manières que nous venons d'examiner, il nous faut rechercher maintenant si nous avons ici-bas quelque autre moyen d'acquérir cette connaissance (1).

Thémistius s'efforce de prouver que nous le pouvons par cet argument a minori : Les substances séparées sont plus intelligibles que les êtres matériels; car ceux-ci ne sont intelligibles qu'autant que l'intellect actif les fait actuellement connaître, tandis que celles-là sont intelligibles en elles-mêmes. Si donc notre intelligence comprend les êtres matériels, il est capable, à plus forte raison, de connaître les substances séparées.

La manière d'apprécier ce raisonnement doit varier suivant les diverses opinions qui se sont produites touchant l'intellect possible. S'il est vrai que l'intellect possible est une vertu indépendante de la matière, et que son être est distinct de celui du corps, selon le sentiment d'Averrhoès, il s'ensuit qu'il n'existe entre lui et les choses matérielles aucune relation nécessaire. Par conséquent, les êtres qui sont plus intelligibles en eux-mêmes seront plus intelligibles pour lui. Mais il semble résulter de là que, puisque dès le commencement nous connaissons par l'intellect possible, nous devons aussi, dès le principe, connaître les substances séparées; ce qui est évidemment faux. C'est pourquoi, comme nous l'avons vu en discutant son opinion [ch. 43], Averrhoès essaie d'éluder cette conséquence, et nous avons prouvé qu’il est dans l'erreur.

Si, au contraire, l'intellect possible n'a pas un être distinct de celui du corps, par là même qu'il est uni à tel corps quant à l'être, il y a entre lui et les êtres matériels une relation nécessaire, en sorte qu'il ne peut arriver que par eux à en connaître d'autres. Il ne suit donc pas, de ce que les substances séparées sont plus intelligibles en elles-mêmes, qu'elles sont aussi plus intelligibles pour notre intelligence.

Aristote est du même sentiment lorsqu'il dit que « la difficulté de connaître ces choses ne vient pas d'elles, mais de nous, parce que  notre intelligence est, à l'égard des choses les plus claires, dans la même disposition que l'œil du hibou relativement aux rayons du soleil (1). » Ainsi que nous venons de le prouver [ch. 44], on ne peut donc arriver à connaître les substances séparées par la connaissance des êtres matériels. Donc notre intellect possible n'a aucun moyen de connaître les substances séparées.

Nous avons une preuve de ceci dans…
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(1) Connaissance est ici synon[i]me d’intelligence. (1) Voyez, pour la reproduction exacte du texte d'Aristote, la note 2 du ch. 77, liv. II=> « N.D.L.R. Ce texte est  libellé en latin ; sur demande, nous le publierons. Bien à vous.»  

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