Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
IntroductionIII.Ce que nous affirmons de Dieu appartient à deux ordres de vérités.SUITE
Que parmi les attributs divins intelligibles il y en ait qui dépassent toutes les forces de la raison humaine, c'est une vérité de la dernière évidence. En effet:
1º Comme le principe de toute connaissance que la raison peut acquérir relativement à un être est l'intelligence de sa substance elle-même, parce que selon la doctrine du Philosophe la base de toute démonstration, c'est l'essence de la chose (2), il est nécessaire que les propriétés connues d'un objet soient conformes à la notion que nous avons de sa substance.
C'est pourquoi, si l'intelligence humaine comprend la substance d'une chose, par exemple, d'une pierre ou d'un triangle, aucune de ses qualités intelligibles ne dépassera la raison de l'homme. Nous ne pouvons pas en arriver là par rapport à Dieu, car l'esprit humain ne saurait parvenir au moyen de ses forces naturelles à comprendre sa substance, puisque dans la condition où nous sommes pendant la vie présente, toute connaissance qui passe dans notre intelligence commence par un sens.
C'est pourquoi tout ce qui ne tombe pas sous l'un des sens ne peut être saisi par l'esprit de l'homme, si ce n'est en tant que la connaissance de ces choses est recueillie par le canal des sens. Or, les êtres sensibles ne peuvent amener notre intelligence à voir en eux la nature de la substance divine, puisqu'ils sont des effets dont la puissance est loin d'égaler celle de [la] cause. Cependant, les objets sensibles conduisent notre esprit à la science des choses divines: c'est par eux qu'il connaît l'existence de Dieu, et les attributs qu'il faut nécessairement admettre dans le premier principe (3). Parmi les qualités intelligibles qui sont en Dieu, il y en a donc qui sont à la portée de la raison humaine, et d'autres qui la dépassent absolument.
2° On peut encore se convaincre de la même vérité en distinguant…
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(2) Omnis definitio eo pertinet ut quod res sit atque essentiam declaret; demonstrationes autem onmes non quid res sit concludunt, sed ante demonstrationem id positum ne perceptum esse debet (Arist., Analytic. poster. II, c. 3).
Aristote emploie fréquemment cette manière de parler : quod quid est, ou quod quid erat esse, pour exprimer l'essence, ou encore, dans son langage, la quiddité, c'est-à-dire ce qui fait qu'une chose existe de telle manière et n'est pas autre.
(3) On voit qu'il s'agit ici d'une double démonstration : la première a priori, dont l'objet est la nature ou la quiddité divine, qui échappe aux sens; la seconde a posteriori, qui établit l'existence de Dieu au moyen de ses effets. Saint Thomas admet cette dernière par rapport à Dieu; il rejette l'autre comme impossible. — Il semble tout d'abord que ce passage favorise la théorie sensualiste sur l'origine des idées qui, selon Locke et Condillac, ne sont que des sensations transformées. Il n'en est rien cependant si l'on examine avec attention la manière dont elles se produisent. Elles ont une double origine, l'expérience et la raison. Il faut admettre conjointement ces deux sources si l'on veut éviter, à la fois, deux systèmes exclusifs qui sont l'empirisme sensualiste et l'idéalisme. Il est évident que la perception externe dont nos sens sont les organes donne naissance aux idées des objets physiques ; quant aux idées des choses métaphysiques, elles nous arrivent par la raison. Mais cette raison ne saurait se développer que par le langage; car, dit un philosophe, si l'homme parle, c'est-à-dire s'il émet des idées, c'est parce qu'on lui a parlé. Or, le langage et avec lui les idées qu'il exprime nous sont transmis par deux sens, l'ouïe ou la vue, selon que la parole est articulée ou représentée par des signes; en sorte qu'il est vrai de dire que toute connaissance, même des choses que les sens ne sauraient saisir, commence et arrive à l'intelligence par un sens. C'est ce qui fait dire à saint Paul : Fides ex auditu (Rom. X, 17]. Et c'est ainsi qu'il faut entendre ce principe, dont les partisans du systèmes sensualiste ont si étrangement abusé : Nihil est in intellectu quod non prius fuerit sub sensu.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
IntroductionIII.Ce que nous affirmons de Dieu appartient à deux ordres de vérités.SUITE
2° On peut encore se convaincre de la même vérité en distinguant différents degrés dans ce qui est intelligible. De deux esprits dont l'un est plus pénétrant que l'autre, celui qui est plus élevé comprend beaucoup de choses que le second est dans l'impossibilité de saisir. C'est ce qui paraît avec évidence dans un homme complètement illettré qui ne saurait s'élever aux considérations subtiles de la philosophie. Cependant, l'intelligence de l'ange l'emporte bien davantage sur celle de l'homme que l'esprit du meilleur philosophe sur celui de l'ignorant le plus grossier. La raison en est que les deux termes de cette dernière différence sont compris dans les limites de l'espèce humaine, qui est considérablement dépassée par les esprits angéliques; car l'ange connaît Dieu par des effets beaucoup plus excellents que ceux qui sont visibles à l'homme.
Si la substance de l'ange, qui lui fait connaître Dieu d'une connaissance naturelle, est plus noble que les être sensibles et même que l'âme qui élève l'intelligence humaine à la connaissance de l'Être divin, la différence est bien plus grande encore entre l'intelligence de Dieu et celle de l'ange qu'entre l'intelligence angélique et celle de l'homme; car l'intelligence de Dieu est aussi étendue que sa substance. C'est pourquoi il comprend parfaitement sa propre nature et tout ce qui est intelligible en lui-même, tandis que l'ange ne connaît pas naturellement l'essence divine, parce que sa substance elle-même, qui lui fait connaître Dieu, est un effet dont la vertu ne peut égaler celle de la cause.
D'où il faut conclure que l'ange ne saisit pas par une connaissance naturelle tout ce que Dieu comprend en lui-même, et, que la raison humaine ne saurait parvenir à l'intelligence de tout ce que l'ange aperçoit en vertu de sa capacité naturelle. De même donc que l'on considérerait comme parvenu au plus haut degré de la folie l'ignorant qui soutiendrait que toutes les doctrines philosophiques sont fausses, parce que ces questions dépassent son intelligence; ainsi, et à beaucoup plus forte raison, devrait-on traiter l'homme d'insensé, s'il soupçonnait de fausseté les dogmes divinement révélés par le ministère des anges, sous prétexte qu'ils n'offrent pas de prise à la raison.
3º Nous avons une nouvelle preuve de cette vérité lorsque nous voyons tous les jours…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
IntroductionIII.Ce que nous affirmons de Dieu appartient à deux ordres de vérités.SUITE
3° Nous avons une nouvelle preuve de cette vérité lorsque nous voyons tous les jours combien de choses nous échappent dans les objets que nous cherchons à connaître. Nous ignorons un grand nombre de propriétés des êtres sensibles et nous ne pouvons pas découvrir parfaitement le principe de celles que nous saisissons par le moyen des sens. La raison humaine se trouve donc bien plus encore dans l'impossibilité de scruter tout ce qui est intelligible dans cette substance si excellente qui la dépasse de si loin.
Aristote est de ce sentiment, lorsqu'il dit que notre intelligence est, relativement aux premiers des êtres qui sont les plus apparents dans la nature, comme l'œil de la chauve-souris par rapport au soleil (4). L'Écriture-Sainte rend elle-même témoignage à cette vérité par ces paroles : Avez-vous par hasard compris les voies de Dieu et pénétré la perfection du Tout-Puissant [Job. XI, 7] ? Ce grand Dieu a vaincu notre science [XXXVI, 26]. Et encore : Nous ne connaissons qu'en partie [I. Cor. XIII, 9]. Donc nous ne pouvons pas rejeter comme faux tout ce qu'on nous affirme de Dieu, bien que notre raison ne puisse le pénétrer, ainsi que les Manichéens et beaucoup d'infidèles l'ont pensé (5).
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(4), (5) Ces notes sont libellées en latin. Sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
A suivre : Chap. IV. Il convient de proposer aux hommes comme objet de la foi ce que nous connaissons naturellement de Dieu..
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
Introduction.IV.Il convient de proposer aux hommes comme objet de la foi
ce que nous connaissons naturellement de Dieu.
Puisqu'on distingue deux sortes de vérités dans les attributs divins intelligibles, les unes que nous pouvons découvrir par les efforts de notre intelligence et les autres qui dépassent l'esprit humain, rien n'empêche de les proposer toutes à l'homme comme objet de foi divine.
C'est ce qu'il faut établir d'abord pour les vérités accessibles aux recherches de la raison, de peur qu'on ne s'imagine que, par cela même que la raison peut les atteindre, il serait inutile de les proposer à croire comme étant du domaine de la révélation surnaturelle.
Si l'on voulait abandonner à la raison seule le soin de rechercher ces vérités, il en résulterait trois inconvénients.
Le premier, c'est que la connaissance de Dieu serait le partage d'un petit nombre d'hommes, puisqu'ils sont privés pour la plupart du fruit d'une étude assidue, qui est la découverte de la vérité; et cela pour trois raisons.
D'abord, il en est beaucoup qui par l'effet d'une constitution vicieuse manquent naturellement de dispositions pour la science. C'est pourquoi ils ne peuvent se livrer à aucune étude capable de les faire parvenir au plus haut degré de la science humaine, qui est la connaissance de Dieu.
D'autres, ensuite, trouvent un obstacle dans la nécessité de s'occuper de leurs propres affaires, puisqu'il faut que parmi les hommes il y en ait qui se consacrent à l'administration des biens temporels. Il ne reste plus à ceux-là assez de temps pour examiner à loisir ces questions et faire les recherches nécessaires pour arriver à la découverte la plus avancée de l'intelligence humaine, savoir la notion de Dieu.
Il en est, enfin, qui sont arrêtés par la paresse; car il faut savoir beaucoup de choses avant d'arriver à celles que la raison peut découvrir en Dieu, puisque presque toutes les méditations de la philosophie tendent à nous le faire connaître. C'est pour cette raison que la métaphysique, qui a pour objet les choses divines, est de toutes les parties de la philosophie celle que l'on réserve pour l'étudier la dernière.
Ainsi donc, ce n'est qu'à force d'application et de peine que l'on parvient à découvrir celle vérité ; et il en est peu qui veuillent s'imposer ce travail par amour de la science, bien que Dieu ait mis dans l'esprit humain un penchant naturel qui le porte vers elle.
Le second inconvénient, c'est que…
Dernière édition par Louis le Jeu 20 Jan 2022, 6:10 am, édité 1 fois (Raison : Insertion de caractères gras.)
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
Introduction.IV.Il convient de proposer aux hommes comme objet de la foi
ce que nous connaissons naturellement de Dieu.SUITE
Le second inconvénient, c'est que ceux qui pourraient enfin connaître ou découvrir celte vérité n'y parviendraient qu'avec peine et après un long espace de temps.
Il en est ainsi, d'abord à cause de la profondeur des vérités de cette espèce que l'esprit humain ne peut trouver et saisir au moyen de la raison qu'après s'y être longtemps exercé; ensuite parce que des connaissances préliminaires très étendues sont absolument nécessaires, comme nous l'avons déjà dit.
Cela vient encore de ce que pendant la jeunesse l'âme, agitée en sens divers par les mouvements des passions, n'est pas apte à rechercher une vérité si relevée; et ce n'est qu'en se calmant qu'elle devient sage et instruite : c'est la réflexion du Philosophe (1).
Si donc la voie de la raison était la seule qui pût nous conduire à la connaissance de Dieu, le genre humain resterait plongé dans les ténèbres de l'ignorance la plus profonde, puisque le petit nombre seulement, et encore après un temps très considérable, pourrait acquérir cette notion qui rend les hommes bons et parfaits.
Le troisième inconvénient, c'est...
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(1) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
Introduction.IV.Il convient de proposer aux hommes comme objet de la foi
ce que nous connaissons naturellement de Dieu.SUITE
Le troisième inconvénient, c'est que la raison humaine est le plus souvent embarrassée par l'erreur dans ses recherches, parce que notre esprit, faible dans ses jugements, se laisse aller à l'illusion.
Il en résulte que beaucoup de personnes continueraient à douter de ce qui est démontré avec la dernière évidence, parce qu'elles ne connaissent pas la force de la démonstration, et surtout parce qu'elles voient les choses les plus contradictoires enseignées par ceux qui portent le nom de sages.
II arrive aussi qu'il se mêle aux vérités parfaitement prouvées des choses fausses qui, loin d'être rigoureusement établies, reposent seulement sur une raison plausible ou sur un sophisme que l'on prend quelquefois pour une démonstration réelle.
Voilà pourquoi il est devenu nécessaire que la vérité, même concernant les choses divines, fut proposée aux hommes avec une certitude inébranlable par la voit de la foi.
C'est donc avec une sage prévoyance que la bonté divine a voulu que l'on admît comme articles de foi même les choses que la raison peut découvrir, afin que tous participent facilement à la connaissance de Dieu avec assurance et sans danger d'erreur.
C'est ce qui fait dire à saint Paul: Ne vivez plus comme les Gentils, qui suivent dans leur conduite la vanité de leurs pensées et dont l'esprit est rempli de ténèbres [Eph. IV, 17, 18]. Isaïe dit encore : Je ferai que tous vos enfants seront instruits par le Seigneur [Isaïe, LIV, 13].
A suivre : Chap. V. Il est convenable de proposer aux hommes comme objet de la foi les vérités que la raison ne saurait découvrir..
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
Introduction.V.Il est convenable de proposer aux hommes comme objet de la foi
les vérités que la raison ne saurait découvrir.
II en est qui pensent, de leur côté, que l'on ne doit peut-être pas proposer à l'homme comme articles de foi les choses que sa raison ne peut découvrir, puisque la sagesse de Dieu pourvoit aux besoins do tous les êtres selon les lois de leur nature respective.
Il faut donc démontrer qu'il est nécessaire de présenter, comme devant être crues de foi divine, même les vérités supérieures à la raison; car personne ne désire une chose et ne s'y porte avec ardeur s'il ne la connaît pas d'avance.
La Providence divine ayant destiné l'homme à un bien de beaucoup supérieur à tout ce que la faiblesse de notre nature peut goûter pendant cette vie, ce qui sera démontré plus loin [liv. III, c. 147], elle a dû aussi diriger son intelligence vers quelque chose de plus élevé que tout ce qui est maintenant à la portée de la raison, afin qu'il apprît par là à désirer et à rechercher avec empressement un objet qui surpasse tout ce que nous possédons ici-bas.
Ceci regarde en particulier la religion chrétienne, qui promet spécialement des biens spirituels et éternels, et par…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
Introduction.V.Il est convenable de proposer aux hommes comme objet de la foi
les vérités que la raison ne saurait découvrir.SUITE
Ceci regarde en particulier la religion chrétienne, qui promet spécialement des biens spirituels et éternels, et par conséquent enseigne beaucoup de choses qui dépassent la portée de l'esprit humain. La loi ancienne au contraire, dont les promesses étaient temporelles, n'avait dans sa doctrine qu'un petit nombre d'articles au-dessus de la raison. C'est aussi pour ce motif que les philosophes, comme nous le fait voir Aristote (1), eurent soin, pour détourner les hommes des plaisirs sensuels et leur en faire rechercher de plus nobles, de leur prouver qu'il y a des biens plus excellents que tous ceux qui tombent sous les sens, et dont la jouissance procure une plus grande somme de bonheur à ceux qui pratiquent les vertus de la vie active ou de la vie contemplative.
Il est encore nécessaire de proposer ces vérités à la croyance des hommes pour qu'ils aient de Dieu une connaissance plus exacte; car nous ne le connaissons véritablement que si nous le considérons comme infiniment supérieur à l'idée que l'homme peut s'en former, parce que l'esprit humain ne saurait naturellement embrasser la substance divine, ainsi qu'il a été prouvé plus haut [ch. 3]. Si donc on propose à l'homme sur Dieu des vérités au-dessus de la raison, il est par là même confirmé dans cette pensée, que Dieu est un être plus parfait que tout ce qu'on pourrait imaginer.
Cette méthode est encore avantageuse en ce qu'elle arrête la présomption, mère de l'erreur. Il s'en trouve, en effet, qui ont tant de confiance dans leur esprit, qu'ils pensent mesurer par leur intelligence toute la nature divine; en sorte qu'ils estiment vrai tout ce qui leur paraît tel et rejettent comme faux tout ce qu'ils ne peuvent comprendre. Afin donc que l'esprit humain, guéri de cette présomption, recherche humblement la vérité, il a été nécessaire de proposer à l'homme comme venant de Dieu des dogmes qui dépassent absolument son intelligence.
Aristote nous indique encore un troisième avantage...
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(1) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
Aristote parle dans le même sens au ch. 5 du même livre, et au ch. 13 du VIIe liv. où il dit que le plaisir ne peut être considéré comme le souverain bien, et qu'il n'est véritable que lorsqu'il résulte de l'accomplissement d'un devoir.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
Introduction.V.Il est convenable de proposer aux hommes comme objet de la foi
les vérités que la raison ne saurait découvrir.SUITE
Aristote nous indique encore un troisième avantage. Simonide essayait de persuader à quelqu'un qu'il ne devait pas chercher à connaître Dieu, mais appliquer son intelligence aux choses humaines, parce que l'homme doit savoir ce qui le touche, et l'être mortel connaître ce qui le concerne. Le Philosophe répond que l'homme doit faire effort pour s'élever autant que possible à ce qui est immortel et divin (2). C'est ce qui lui fait dire encore que, bien que notre science soit très bornée quand aux substances de l'ordre supérieur, nous sommes cependant très attachés à ce peu que nous possédons et nous le préférons à toutes les connaissances que nous pouvons avoir des substances inférieures (3); et ailleurs : que l'auditeur ressent la joie la plus vive lorsqu'il voit donner une solution logique et brève aux difficultés qui concernent les corps célestes.
Il résulte de tout cela que la connaissance des êtres les plus excellents, quelque incomplète qu'elle soit, élève l'âme à un très haut degré de perfection. Par conséquent, bien que la raison humaine soit incapable de comprendre ces choses qui la dépassent, elle se perfectionne cependant beaucoup si elle les possède au moins en quelque manière par la foi. C'est pourquoi il est dit au livre de l'Ecclésiastique : Il vous a été montré un grand nombre de merveilles qui surpassent l'esprit de l'homme [III,25]; et dans la première épître aux Corinthiens: Personne ne connaît ce qui est en Dieu, sinon l'esprit de Dieu. Pour nous, Dieu nous l'a révélé par son esprit [II, 10, 11].
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(2). (3) Ces notes sont libellées en latin. Sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
A suivre : Chap. VI. Il n’y a pas de légèreté à donner son assentiment aux choses de la foi, quoiqu’elles soient au-dessus de la raison.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
Introduction.VI.Il n’y a pas de légèreté à donner son assentiment
aux choses de la foi, quoiqu’elles soient au-dessus de la raison.
Lorsque nous recevons comme de foi une vérité dont la raison humaine ne peut se rendre compte, nous ne croyons pas légèrement comme ceux qui admettent, suivant l'expression de saint Pierre, des fictions ingénieuses [II Petr. I, 16].
La sagesse divine elle-même, qui connaît parfaitement toutes choses, a daigné révéler aux hommes ses secrets, leur donner des preuves convaincantes de sa présence et rendre certaine la vérité de sa doctrine et de son inspiration, lorsque pour confirmer les dogmes qui sont au-delà de nos connaissances naturelles, elle a fait visiblement des œuvres qui surpassent les forces de la nature entière, comme la guérison miraculeuse des maladies, la résurrection des morts, des changements surprenants clans les corps célestes et, ce qui est plus admirable encore, l'esprit humain saisi d'une inspiration en vertu de laquelle des hommes ignorants et simples se trouvaient, par le don de l'Esprit-Saint, subitement remplis de la plus haute sagesse et parlaient avec une facilité extraordinaire.
A la vue de ces prodiges, sans qu'il fût besoin de recourir à la violence des armes ou de promettre des plaisirs, la force de cette démonstration fut telle que, par la plus étonnante des merveilles, une foule innombrable composée non-seulement d'hommes sans lettres, mais encore des savants les plus renommés, se prononça pour la foi chrétienne, pour cette foi qui enseigne des dogmes hors de la portée de toute intelligence humaine, interdit les plaisirs sensuels, et nous apprend à mépriser tout ce qui est dans le monde.
Que l'esprit de l'homme donne son assentiment à de telles choses, c'est là un miracle du premier ordre. Dédaigner tout ce qui parait à nos yeux pour n'aspirer qu'à des biens invisibles, c'est manifestement l'œuvre d'une inspiration divine. Et cela ne se fit pas d'une manière imprévue et par hasard; mais il est évident que ce fut le résultat d'une disposition divine. En effet, Dieu avait révélé longtemps auparavant ce dessein dans les oracles multipliés des prophètes, dont les livres sont en vénération parmi nous, parce qu'ils rendent témoignage à notre foi.
C'est de cette démonstration qu'il est question dans ces paroles :…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
Introduction.VI.Il n’y a pas de légèreté à donner son assentiment
aux choses de la foi, quoiqu’elles soient au-dessus de la raison.SUITE
C'est de cette démonstration qu'il est question dans ces paroles: « Le salut des hommes, ayant été premièrement annoncé par le Seigneur lui-même, nous a été confirmé par ceux qui l'avaient appris de lui. Et Dieu lui-même a appuyé leur témoignage par les miracles, les prodiges et différentes distributions des dons de l'Esprit-Saint » [Hebr.,II,3,4].
Cette conversion étonnante du monde à la foi chrétienne est elle-même la preuve la plus certaine de ces prodiges passés; en sorte qu'il n'est plus nécessaire qu'ils se reproduisent davantage, puisqu'on les voit encore avec évidence dans leurs effets. Quoique Dieu ne cesse, même de nos jours, de faire par ses saints des œuvres merveilleuses pour confirmer notre foi, ce serait pour nous quelque chose de plus surprenant que tous les miracles, que tout le monde eût été amené sans miracles, par des ignorants et les derniers des hommes, à croire des dogmes si relevés, à remplir des devoirs si difficiles, à espérer des biens si supérieurs aux sens.
Les sectaires qui veulent introduire l'erreur emploient des moyens tout opposés. Nous le voyons par l'exemple de…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
Introduction.VI.Il n’y a pas de légèreté à donner son assentiment
aux choses de la foi, quoiqu’elles soient au-dessus de la raison.SUITE
Les sectaires qui veulent introduire l'erreur emploient des moyens tout opposés. Nous le voyons par l'exemple de Mahomet, qui gagna les peuples en leur promettant les plaisirs des sens, auxquels on se sent porté par la concupiscence de la chair. Ôtant tout frein à la volupté sensuelle, il leur donna aussi des lois conformes à ses promesses et auxquelles les hommes charnels sont toujours prêts à obéir. Il n'enseigna comme vérités que des choses qui sont facilement saisies par les esprits les plus médiocres à l'aide des lumières naturelles; et même il mêla à ces vérités des fables nombreuses et les dogmes les plus faux. Il ne chercha pas à s'autoriser de prodiges faits par une vertu surnaturelle et qui seuls rendent un témoignage suffisant à l'inspiration divine, puisque l'opération visible ne pouvant venir que de Dieu, elle prouve que le docteur de la vérité est invisiblement inspiré ; mais il se dit envoyé avec la force des armes, caractère que peuvent revendiquer aussi les voleurs de grand chemin et les tyrans.
Au commencement, il lui fut impossible de s'attacher même un petit nombre d'hommes sensés et versés dans les choses divines et humaines, mais ceux-là seulement qui, vivant dans les déserts à la manière des bêtes, ignoraient complètement les vérités divines. C'est avec cette multitude et par la violence des armes qu'il en contraignit d'autres à plier sous ses lois. Il n'a pour lui le témoignage divin d'aucun des prophètes venus avant lui. Au contraire, il altère dans une histoire pleine de fictions tout ce que contiennent l'Ancien et le Nouveau-Testament, ainsi qu'il est facile de s'en convaincre en examinant sa loi. C'est pour ce motif qu'il prit l'astucieuse précaution d'empêcher ses partisans de lire les livres des deux Testaments, de peur d'être par eux convaincu d'imposture. Il est donc bien évident que ceux-là croyaient légèrement qui ajoutaient foi à ses paroles.
A suivre : Chap. VII. Il n’y a pas d’opposition ente les vérités accessibles à la raison et celles qui sont du domaine de la foi chrétienne.
Dernière édition par Louis le Ven 28 Jan 2022, 8:22 am, édité 1 fois (Raison : Orthographe.)
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
A suivre: Chap. VIII. Quel est le rôle de la raison humaine relativement aux premières vérités de la foi.IntroductionVII.Il n’y a pas d’opposition entre les vérités accessibles
à la raison et celles qui sont du domaine de la foi chrétienne.
Quoique la vérité de la foi chrétienne dépasse la portée de la raison humaine, il est impossible qu'elle soit on opposition avec les données qui forment naturellement le fond de la raison. En effet :
1º Il est évident que les données naturelles de la raison sont très conformes à la vérité ; en sorte qu'il n'est pas même possible de penser qu'elles soient fausses. Il n'est pas non plus permis de regarder comme erroné ce qui appartient à la foi, lorsque cela est certainement attesté par Dieu même. Puis donc que le faux est oppose au vrai, ainsi que le prouvent clairement leurs définitions, il est impossible que les vérités de la foi contredisent les principes naturellement connus par la raison.
2° Si le maître qui enseigne ne cherche pas à tromper, ce qui ne saurait être supposé en Dieu, les notions qu'il fait entrer dans l'intelligence de son disciple font partie de sa science. Or, les principes que nous connaissons naturellement sont gravés en nous par la main divine, puisque Dieu lui-même est l'auteur de notre nature. Donc ces principes se trouvent aussi dans la sagesse divine; et par conséquent tout ce qui leur est contraire est aussi opposé à la sagesse de Dieu et ne peut, par cela même, venir de lui. Il faut donc conclure que les articles de foi divinement révélés ne peuvent contrarier nos connaissances naturelles.
3º Les raisons opposées embarrassent notre intelligence et l'empêchent d'arriver à la connaissance de la vérité. Si donc Dieu mettait en nous des notions contradictoires, il serait impossible à notre esprit de découvrir la vérité; ce qu'on ne peut attribuer à Dieu.
4º Ce qui est naturel ne peut être changé tant que la nature reste la même. Or, deux opinions contradictoires ne peuvent subsister ensemble dans le même sujet. Donc, Dieu n'impose pas à l'homme comme article de foi une opinion qui contredit une notion naturelle.
C'est ce qui fait dire à l'Apôtre : La parole est proche de vous, elle est dans votre bouche ; c'est la parole de la foi que nous vous annonçons [Rom. X, 8]. Mais parce qu'elle dépasse la raison, quelques-uns prétendent qu'elle lui est opposée, ce qui est impossible. On peut encore établir la même chose par l'autorité de saint Augustin, qui dit au second livre de l' Explication littérale de la Genèse : On ne peut en aucune façon nous opposer ce que la vérité nous découvre dans les livres saints tant de l'Ancien que du Nouveau-Testament (1).
Il faut donc évidemment conclure de ce qui précède que, quelques objections que l'on fasse contre les enseignements de la foi, elles ne peuvent être légitimement prises dans les premiers principes naturels connus par eux-mêmes. Par conséquent, elles ne peuvent avoir aucune force démonstrative ; mais ce ne sont que des raisons plausibles ou des sophismes qu'il est facile de réfuter.
(1) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
A suivre: Chap. IX. Ordre et plan de cet ouvrage.Introduction.VIII.Quel est le rôle de la raison humaine relativement aux premières vérités de la foi.
Il est à propos d'observer aussi que les choses sensibles, qui sont pour la raison humaine le principe de la connaissance (1), conservent en elles quelques traces de la ressemblance divine, en ce qu'elles existent et qu'elles sont bonnes. Mais ces traces sont tellement imparfaites qu'elles ne sauraient en aucune façon suffire pour nous révéler la substance même de Dieu; car si les effets ont dans la manière d'être qui leur est propre quelque ressemblance avec leurs causes, puisque le principe actif produit un être semblable à lui, toutefois, cette ressemblance entre l'effet et le principe actif n'est pas toujours complète.
Lors donc que la raison humaine veut connaître une vérité de foi qui ne peut être parfaitement claire que pour ceux qui voient la substance divine, elle peut à cette fin réunir des ressemblances réelles, qui ne suffisent cependant pas pour démontrer cette vérité, la rendre intelligible par elle-même et la faire comprendre. Il est pourtant avantageux à l'esprit humain de peser ces raisons, quelque faibles qu'elles soient, pourvu qu'il n'ait pas la présomption de vouloir comprendre et de faire une démonstration rigoureuse, parce que quand il s'agit d'objets si relevés, c'est un véritable bonheur d'arriver à apercevoir quelque chose, bien que cette vue soit faible et bornée. C'est ce qui a été précédemment prouvé. [ch. 5, in fine : Il résulte de tout cela….]
Ce sentiment s'appuie sur l'autorité de saint Hilaire qui, dans son livre de la Trinité, parlant d'une vérité de cette nature, s'exprime dans le même sens :
« Commencez par croire ces choses; étudiez-les ensuite avec persévérance, et, quoique certain d'avance que vous ne réussirez pas complètement, je me réjouirai des succès que vous aurez obtenus. Celui qui par principe de piété poursuit l'infini, bien qu'il ne l'atteigne jamais en effet, ne laisse pas de gagner en s'avançant toujours. Cependant, ne vous engagez pas trop dans cette région inconnue, ne vous plongez pas dans le mystère de cette vérité sans limites en cherchant témérairement à comprendre l'intelligence souveraine; mais comprenez que tout cela est incompréhensible » (2).
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(1) Voir la note 3 du chapitre III => On voit qu'il s'agit ici d'une double démonstration : la première a priori, dont l'objet est la nature ou la quiddité divine, qui échappe aux sens; la seconde a posteriori, qui établit l'existence de Dieu an moyen de ses effets. Saint Thomas admet cette dernière par rapport à Dieu; il rejette l'autre comme impossible. — Il semble tout d'abord que ce passage favorise la théorie sensualiste sur l'origine des idées qui, selon Locke et Condillac, ne sont que des sensations transformées. Il n'en est rien cependant si l'on examine avec attention la manière dont elles se produisent. Elles ont une double origine, l'expérience et la raison. Il faut admettre conjointement ces deux sources si l'on veut éviter, à la fois, deux systèmes exclusifs qui sont l'empirisme sensualiste et l'idéalisme. Il est évident que la perception externe, dont nos sens sont les organes, donne naissance aux idées des objets physiques ; quant aux idées des choses métaphysiques, elles nous arrivent par la raison. Mais cette raison ne saurait se développer que par le langage; car, dit au philosophe, si l'homme parle, c'ost-à-dire s'il émet des idées, c'est parce qu'on lui a parlé. Or, le langage et avec lui les idées qu'il exprime nous sont transmis par deux sens, l'ouïe ou la vue, selon que la parole est articulée ou représentée par des signes; en sorte qu'il est vrai de dire que toute connaissance, même des choses que les sens ne sauraient saisir, commence et arrive à l'intelligence par un sens. C'est ce qui fait dire à saint Paul : Fides ex auditu (Rom. chap. X, 17]. Et c'est ainsi qu'il faut entendre ce principe, dont les partisans du systèmes sensualiste ont si étrangement abusé : Nihil est in intellectu quod non prius fuerit sub sensu.
(2) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
Introduction.IX.Ordre et plan de cet ouvrage.
Tout ce qui précède prouve évidemment que le sage doit diriger son attention vers deux sortes de vérités divines, et s'attacher à détruire les erreurs opposées. De ces vérités, les unes peuvent être découvertes par la raison, et les autres échappent à sa subtilité.
Je dis que ces vérités sont de deux sortes, non par rapport à Dieu, qui est la vérité une et simple, mais relativement à notre intelligence, qui arrive de différentes manières à. connaître ce qui est en Dieu.
Il faut donc, pour établir les vérités de la première espèce, apporter des raisons démonstratives que l'adversaire ne puisse rejeter. Mais parce que ces raisonnements n'ont aucune valeur pour les autres vérités, on ne doit pas chercher à le convaincre par des arguments, mais seulement répondre aux difficultés qu'il oppose, puisque la raison naturelle ne peut être en contradiction avec les vérités de la foi, ainsi qu'il a été démontré [ch. 7].
L'unique moyen de réduire l'adversaire qui nie ces vérités, c'est de se retrancher sur l'autorité de l'Écriture, qui s'appuie elle-même sur l'autorité divine des miracles; car nous ne croyons aucune des vérités inaccessibles à la raison humaine si elle n'est révélée par Dieu. Cependant, lorsqu'il s'agit de prouver ces vérités, on peut apporter quelques raisons probables pour exercer et satisfaire les fidèles, mais non pour convaincre les adversaires, parce que ces arguments eux-mêmes, étant insuffisants, ne feraient que les confirmer davantage dans leur erreur, puisqu'ils croient que notre assentiment aux vérités de foi s'appuie sur des raisons si faibles.
Voulant donc procéder de la manière indiquée, nous nous efforcerons d'abord de rendre évidentes les vérités que la foi professe et que la raison peut découvrir au moyen de raisons démonstratives et probables, dont un certain nombre, tirées des ouvrages des philosophes et des saints, sont destinées à fortifier la vérité el à convaincre l'adversaire.
Après cela, pour passer du plus au moins, nous nous occuperons des vérités qui surpassent la raison, répondant aux objections des adversaires, et établissant, avec l'aide de Dieu, la vérité de la foi sur des arguments probables et des autorités.
Au moment de rechercher par la voie du raisonnement ce que l'intelligence humaine peut découvrir en Dieu, la première chose qui se présente, c'est d'examiner ce qui convient à Dieu considéré en lui-même [liv. I]. Nous traiterons ensuite de la manière don les créatures procèdent de lui [liv. II], et en troisième lieu, de l'ordre qui les rattache à lui comme à leur fin [liv. III] (1).
Pour ce, qui regarde Dieu considéré en lui-même, il faut nécessairement établir comme fondement de tout l'ouvrage qu'il existe un Dieu; sans cela toute dissertation des attributs divins ne serait qu'une hypothèse et tomberait d'elle-même.
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(1) Saint Thomas n'indique pas ici quelle sera la matière du quatrième livre. Après, avoir traité, dans les trois premiers, des vérités accessibles à la raison, il abordera dans le dernier les vérités fondamentales contenues dans le dépôt de la révélation, et donnera la solution des objections qu'on leur oppose.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la simplicité de Dieu.XVIII.Dieu n’admet aucune composition.
On peut conclure de ce qui a été dit jusqu'ici que Dieu n'est pas un être composé. Car :
1º Tout composé doit renfermer l'acte et la puissance, pour cette raison que plusieurs êtres ne peuvent pas devenir simplement un, s'il n'y n pas dans cette unité acte et puissance. En effet, les êtres qui sont en acte ne s'unissent que dans ce sens qu'ils sont joints ou assemblés, et ils ne sont pas simplement un. Leurs parties ainsi rassemblées sont comme en puissance relativement à leur union, et elles sont unies en acte après avoir été en puissance aptes à cette union. Or, en Dieu rien n'est eu puissance; donc rien en lui n'est composé.
2º Le composé est postérieur aux éléments qui le composent. Donc le premier être, qui est Dieu, n'est pas composé d'éléments.
3º Tout ce qui est composé est dissoluble en puissance, en tant qu'il est le résultat de la composition, bien qu'en certains êtres il y ait quelque chose qui répugne à la dissolution. Or, ce qui est dissoluble a la puissance de n'être pas; ce qu'on ne saurait dire de Dieu, puisqu'il est nécessairement par lui-même. Donc on ne peut pas trouver en lui de composition.
4º Toute composition demande un compositeur ; car si la composition existe, elle résulte de plusieurs choses. Or, les êtres qui en eux-mêmes sont plusieurs ne s'assemblent pas sans être unis par un compositeur . Si donc Dieu était composé, il aurait un compositeur ;car il ne pourrait pas se composer lui-même, parce que rien n'est cause de soi-même, attendu que pour cela il faudrait être avant soi-même, ce qui est impossible. Or, le compositeur est cause efficiente du composé ; donc Dieu aurait une cause efficiente, et par conséquent il ne serait pas la cause première, comme on l'a prouvé plus haut [ch. 13].
5º En tout genre, un être est d'autant plus noble qu'il est plus simple, par exemple, pour ce qui regarde la chaleur…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la simplicité de Dieu.XVIII.Dieu n’admet aucune composition.SUITE
5º En tout genre, un être est d'autant plus noble qu'il est plus simple, par exemple, pour ce qui regarde la chaleur, le feu, qui n'est pas mélangé de froid (1). Donc ce qui est le dernier terme de la noblesse de tous les êtres doit être aussi le dernier terme de la simplicité (2). Or, l'être qui est le dernier terme de la noblesse de tous les êtres, nous l’appelons Dieu, puisqu'il est la première cause et que In cause est plus noble que reflet. Donc il ne peut se faire qu'il soit composé.
6º Dans tout composé, le bien ne réside pas eu telle ou telle partie, ruais dans le tout. J'entends ici par bien cette bonté qui est propre au tout et fait sa perfection; car les parties sont imparfaites relativement au tout : par exemple, les parties de l'homme ne sont pas un homme; les parties du nombre six n'ont pas la perfection de ce nombre, et pareillement, les parties d'une ligne ne sont pas aussi parfaites que la mesure comprise dans toute la ligne. Si donc Dieu est composé, sa perfection et sa bonté propre se trouvent dans son tout, et non dans quelqu'une de ses parties; et ainsi, il n'y aura pas en lui absolument ce bien qui lui est propre. Donc il n'est pas le premier et le souverain bien.
7º L'unité est le principe nécessaire de la multiplicité; or, il y a multiplicité dans tout être composé; donc il faut que ce qui est avant toutes choses, c'est-à-dire Dieu, soit parfaitement exempt de composition.
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(1) Saint Thomas parle ici du froid suivant l'acception vulgaire, qui le considère comme un être réel et non comme une simple négation ou privation de la chaleur.
(2) Il faut entendre ici par simplicité l'absence de tout principe ou élément contraire.
A suivre: Chap. XIX. En Dieu il n’y a rien de forcé ou d’étranger à sa nature.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la simplicité de Dieu.XIX.En Dieu il n’y a rien de forcé ou d’étranger à sa nature.
On conclut de tout ce qui précède qu'il n'y a en Dieu rien de forcé ou d'étranger à sa nature. En effet :
1º L'être qui a en soi quelque chose de force ou d'étranger à sa nature a aussi quelque chose d'ajouté à lui-même; car ce qui est de la substance d'un être ne peut être ni forcé, ni en dehors de sa nature.
2º La nécessité de coaction est une nécessité qui provient d'un autre et est imposée par un autre (1). Or, en Dieu, il n'y a pas de nécessité provenant d'un autre être; mais il est nécessaire par lui-même et cause de nécessité pour les autres. Donc rien en lui n'est soumis à la coaction.
3º Partout où se trouve une sorte de violence, on peut aussi rencontrer autre chose que ce qui convient essentiellement à l'être; car la violence contrarie ce qui est selon la nature. Or, il est impossible qu'il y ait en Dieu autre chose que ce qui lui convient essentiellement, puisqu'il est nécessairement par lui-même [ ch. 13]. Il ne peut donc être soumis à la violence.
4º Il faut que tout être en qui se trouve la violence ou quelque chose d'étranger à sa nature soit mû par un autre, sans le concours de celui qui souffre la violence, puisqu'elle vient d'un principe extérieur. Or, Dieu est complètement immobile [ch. 13]. Donc il ne peut exister en lui rien de forcé ou d'étranger à sa nature (2).
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(1) Le terme de nécessité a plusieurs sens. Une chose est nécessaire si elle est dans l'impossibilité de ne pas exister, et cette impossibilité provient: premièrement, d'un principe intrinsèque, qui est ou matériel, ce que nous exprimons en disant: Tout être composé d'éléments contraires est nécessairement sujet à la corruption ; ou formel, comme dans la proposition suivante: Tout triangle a nécessairement trois angles égaux à deux angles droits. Cette nécessité est naturelle et absolue. Secondement: un être est dans l'impossibilité de ne pas exister, en vertu d'un principe extrinsèque qui est une fin ou un agent. C'est une fin, lorsque quelqu'un ne peut, à défaut de tel moyen, arriver à sa fin ou l'atteindre de la manière convenable. En ce sens, la nourriture est nécessaire pour vivre, et un cheval l'est aussi pour voyager. Cette nécessité prend le nom de nécessité de la fin, et quelquefois celui d'utilité. C'est un agent, lorsque quelqu'un se trouve forcé par l'action d'un autre, de telle sorte qu'il ne peut faire le contraire ; alors il y a nécessité de coaction (Somme théol., p. I, q. 82, a. 2].
(2) Il est bon d'ajouter qu'il y a dans le sujet de la violence une inclination opposée. En effet, il ne suffit pas pour que la violence soit réelle que celui qui la souffre n'ait aucune inclination à ce qui se passe en lui, car cela serait seulement étranger à sa nature; mais il est de plus nécessaire qu'il sente une inclination opposée ou de la répugnance, puisque la violence est contraire à la nature (Franc. de Sylv., Comment).
A suivre: Chap. XX. Dieu n’est pas un corps.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la simplicité de Dieu.XX.Dieu n’est pas un corps.
1º Comme tous les corps sont continus, ils sont composés et ont des parties. Or, il a été démontré [ch. 18] que Dieu n'est pas composé; donc il n'est pas un corps.
2º Toute quantité est en quelque manière en puissance ; car ce qui est continu est en puissance divisible à l'infini, et le nombre peut être augmenté aussi à l'infini. Or, tout corps est une quantité; donc tout corps est en puissance. Or, Dieu n'est pas en puissance; mais il est un acte pur [ch. 16]. Donc Dieu n'est pas un corps.
3º Si Dieu est un corps, il est nécessairement un corps naturel; car le corps mathématique n'existe pas par lui-même, ainsi que le prouve le Philosophe, d'après ce principe, que les dimensions sont des accidents (1). Cependant, il ne peut être un corps naturel, puisqu'il est immobile [ch. 13]. Or, tout corps naturel est mobile. Donc Dieu n'est pas un corps.
4º Tout corps est fini : c'est ce qu'Aristote établit tant pour les corps qui ont la forme sphérique que pour ceux qui…
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(1) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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De la simplicité de Dieu.XX.Dieu n’est pas un corps.SUITE
4º Tout corps est fini : c'est ce qu'Aristote établit tant pour les corps qui ont la forme sphérique que pour ceux qui sont terminés par la ligne droite (2). Or, nous pouvons à l'aide de l'intelligence et de l'imagination aller au-delà de tout corps fini. Si donc Dieu est un corps, notre intelligence peut concevoir et notre imagination se représenter quelque chose de plus grand que Dieu ; et ainsi, Dieu ne serait pas plus grand que notre intelligence, ce qu'on ne saurait admettre. Donc il n'est pas un corps.
5º La notion qui est le produit de l'intelligence est plus certaine que celle qui vient des sens. Or, les sens ont leur objet dans la nature: donc l'intelligence doit avoir aussi le sien. L'ordre qui existe entre les objets doit déterminer l'ordre des puissances et les distinguer entre elles. Donc dans le nombre des êtres il en existe d'intelligibles qui sont au-dessus des objets sensibles. Or, tout corps qui est dans la nature est sensible. Donc on doit admettre au-dessus de tous les corps quelque chose de plus noble qu'eux. Si donc Dieu est un corps, il ne sera pas le premier et le plus grand des êtres.
6º Un être doué de la vie est plus noble que tous les corps qui en sont privés. Or, la vie de tout corps vivant est plus noble que lui-même, puisqu'il reçoit d'elle cette noblesse qui le place au-dessus des autres corps. Donc l'être que rien ne surpasse en noblesse n'est pas un corps. Or, cet être est Dieu; donc il n'est pas un corps.
7º Les philosophes ont essayé de prouver la même proposition par…
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(2) Cette note est libellée en latin.Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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De la simplicité de Dieu.XX.Dieu n’est pas un corps.SUITE
7º Les philosophes ont essayé de prouver la même proposition par des raisons tirées de l'éternité du mouvement, comme celle-ci, par exemple : Il est nécessaire que dans tout mouvement éternel, le premier moteur ne soit mû ni par lui-même, ni par accident [ch. 13].Or, le corps du ciel se meut circulairement (3) d'un mouvement éternel. Donc son premier moteur n'est mû ni par lui-même, ni par accident. Or, il n'est aucun corps qui donne le mouvement quant au lieu sans être mû, parce que le sujet du mouvement et le moteur doivent être ensemble, et ainsi il faut que le corps moteur soit lui-même en mouvement pour être avec le corps qui est mû. De plus, aucune force résidant dans un corps ne meut si elle n'est mue accidentellement, parce que quand le corps est en mouvement la force du corps est aussi mue par accident. Donc le premier moteur du ciel n'est pas un corps ni une force résidant dans un corps, mais l'être auquel se rapporte en dernier lieu le mouvement du ciel comme au premier moteur immobile est Dieu. Donc Dieu n'est pas un corps.
8º Aucune puissance |active] infinie n'est comme puissance dans une étendue…
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(3) Les anciens philosophes, regardant le cercle comme la plus parfaite de tontes les figures, ont été amenés par là à croire que les corps célestes, qui sont aussi pour eux les plus parfaits, ont un mouvement circulaire, tandis que ce mouvement est en réalité elliptique.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la simplicité de Dieu.XX.Dieu n’est pas un corps.SUITE
8º Aucune puissance [active] infinie n'est comme puissance dans une étendue. Or, la puissance du premier moteur est une puissance infinie. Donc elle n'existe pas dans une étendue, et par conséquent Dieu, qui est le premier moteur, n'est ni un corps, ni une force résidant clans un corps.
La première partie se prouve de cette manière : Si l'on admet une puissance infinie dans une étendue, cette étendue sera finie ou infinie. Or, il n'existe pas d'étendue infinie, ainsi qu'Aristote le démontre (4), et la puissance d'une étendue finie ne peut être infinie; par conséquent, aucune étendue ne peut avoir une puissance infinie.
Qu'il ne puisse pas se trouver de puissance infinie dans une étendue finie, on le prouve ainsi : Une puissance plus grande produit en moins de temps un effet égal à celui qu'une puissance inférieure produit dans un temps plus considérable, quelque soit cet effet, que ce soit un changement, un mouvement local ou tout autre mouvement. Or, la puissance infinie l'emporte sur tonte puissance finie. Donc elle doit nécessairement en imprimant un mouvement plus rapide produire son effet dans un temps moindre que la puissance finie, quelle qu'elle soit. Mais il ne peut se faire que ce soit dans un temps moindre. Reste donc à dire que ce sera dans un point indivisible du temps, et ainsi, mouvoir, être mû et le mouvement, tout cela sera compris en un instant, contrairement à ce que démontre Aristote (5).
On prouve aussi qu'une puissance infinie dans une étendue finie ne…
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(4), (5) Ces notes sont libellées en latin.Sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
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De la simplicité de Dieu.XX.Dieu n’est pas un corps.SUITE8º Aucune puissance [active] infinie n'est comme puissance dans une étendue.SUITE
On prouve aussi qu'une puissance infinie dans une étendue finie ne peut pas mouvoir dans le temps. Soit donnée une puissance infinie A, et une partie de cette puissance A B. Cette partie devra employer à mouvoir un temps plus considérable. Il faudra cependant qu'il y ait quelque proportion entre ce temps et celui pendant lequel toute la puissance donnera le mouvement, puisque ces deux durées sont finies. Que de ces deux temps comparés ensemble l'un soit dix fois plus considérable que l'autre, il importe peu pour notre démonstration que l'on prenne cette proportion ou une autre.
Si l'on augmente celle puissance finie dont il vient d'être parlé, il faudra retrancher du temps dans la proportion de l'addition faite à la puissance finie, puisqu'une puissance plus grande meut en moins de temps.
Si donc on la décuple, cette puissance devra mouvoir dans un temps qui égalera un dixième du temps que la première partie prise dans la puissance infinie, c'est-à-dire A B, employait à mouvoir. Et cependant, cette puissance, qui est dix fois plus grande qu'elle, est une proportion finie, puisqu'elle a un rapport déterminé à la puissance finie.
Il faut donc dire que la puissance finie et la puissance infinie meuvent dans un temps égal, ce qui est impossible.
Donc il ne peut se faire qu'une puissance infinie d'une étendue finie (6) meuve dans un certain temps.
On établit de cette manière que la puissance du premier moteur est infinie…
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(6] C'est-à-dire une puissance active infinie, existant dans un corps.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la simplicité de Dieu.XX.Dieu n’est pas un corps.SUITE8º Aucune puissance [active] infinie n'est comme puissance dans une étendue.SUITE
On établit de cette manière que la puissance du premier moteur est infinie: Aucune puissance finie ne peut mouvoir pendant une durée infinie. Or, la puissance du premier moteur meut pendant une durée infinie, puisque le premier mouvement est éternel. Donc la puissance du premier moteur est infinie.
La première partie se prouve ainsi :
Si une puissance finie résidant en un corps meut dans un temps infini, une partie de ce corps doué d'une partie de la puissance imprimera le mouvement pendant un temps moindre, parce que plus un être a de puissance, plus il peut prolonger le mouvement: la partie en question devra donc mouvoir pendant un temps fini.
Pour la partie plus grande, elle pourra mouvoir pendant un temps plus considérable. Et ainsi, autant on ajoutera à la puissance du moteur, autant il faudra ajouter au temps dans une proportion exacte. Mais cette addition, répétée plusieurs fois, finira par égaler et même par dépasser la quantité du tout: donc l'addition faite au temps atteindra aussi la quantité du temps pendant lequel le tout donne le mouvement. Or, nous disions que le temps pendant lequel le tout donne le mouvement est infini. Donc un temps fini mesurera un temps infini, ce qui est impossible.
On élève plusieurs objections contre cette démonstration…
Dernière édition par Louis le Mar 08 Fév 2022, 7:42 am, édité 1 fois (Raison : Orthographe et caractères gras.)
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la simplicité de Dieu.XX.Dieu n’est pas un corps.SUITE8º Aucune puissance [active] infinie
n'est comme puissance dans une étendue.SUITE
On élève plusieurs objections contre cette démonstration.
Voici la première : On peut dire que le corps qui donne le premier mouvement au premier mobile n'est pas divisible, comme on le voit dans les corps célestes. Or, l'argument qu'on vient de construire repose sur sa division (7).
Il faut répondre qu'une proposition conditionnelle peut être vraie, bien que son antécédent soit impossible. C'est pourquoi ce qui viendrait à détruire la vérité d'une telle conditionnelle serait impossible. Si par exemple quelque chose renversait la vérité de cette conditionnelle: Si un homme vole, il a des ailes, ce serait quelque chose d'impossible. C'est ainsi qu'on doit comprendre la preuve précédente, qui repose sur cette conditionnelle: Si un corps céleste est divisé,, une de ses parties aura moins de puissance que le tout ; et la vérité de cette conditionnelle se trouve détruite si l'on suppose que le premier moteur est un corps, à cause des impossibilités qui en résultent. C'est ce qui fait voir clairement que cette proposition renferme une impossibilité.
Si l'on objecte, sur l'augmentation progressive des puissances finies, que l'on ne trouve point dans la nature ces forces progressives qui répondent aux rapports des temps, la réponse sera la même ( 8 ). Cependant la conditionnelle dont on a besoin dans la preuve précédente est vraie.
Seconde objection : Quoique le corps se divise, il peut se trouver dans un corps une force qui reste indivise lorsque le corps est divisé, de même que lame raisonnable ne se divise pas quand on divise le corps.
Il faut répondre que la thèse précédente n'a pas pour objet de prouver que Dieu n'est pas uni à un corps, comme l'âme raisonnable est unie au corps humain, mais qu'il n'est pas une force résidant en un corps, comme la force matérielle, dont la division suit celle du corps. On dit de même de l'intelligence humaine qu'elle n'est ni un corps, ni une force résidant dans un corps. On prouve par une autre raison que Dieu n'est pas, ainsi que l'âme, uni à un corps.
Troisième objection: S'il est vrai que la puissance de tout corps est finie, comme l'établit la thèse précédente, et…
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(7) Cette objection est faite par Avicenne, et la réponse de saint Thomas, qui va suivre, est prise dans Averrhoès.
( 8 ) C''cst-à-dire que la conditionnelle qui sert à la démonstration précédente n'en est pas moins vraie.
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