Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
XCVI. Les substances séparées ne connaissent pas par les objets sensibles.Des substances séparées.XCVComment on peut distinguer le genre et l'espèce des substances séparées.SUITE
La conséquence qui découle clairement de là est donc, pour ce qui concerne le genre et la différence, que cette détermination [ou restriction] qui accompagne la différence a pour cause un autre principe que la nature du genre, puisque la nature précisée par la définition se compose d'une matière et d'une forme, qui sont le terme et la chose terminée. Si donc il existe une nature simple, elle sera terminée par elle-même, sans qu'il y ait nécessairement en elle deux parties qui soient, l'une le terme, et l'autre la chose terminée.
La raison constitutive de la nature sera donc aussi la raison constitutive du genre, et la différence spécifique consistera en ce que cette nature sera déterminée à faire partie des êtres de tel degré.
Il en résulte encore que si quelque nature n'est point limitée, mais infinie en elle-même, telle qu'est la nature divine [liv. I, ch.43], on ne peut distinguer en elle ni le genre ni l'espèce, et c'est là ce que nous avons démontré [liv. I, ch.25].
On doit conclure, en troisième lieu, de ce que les substances séparées appartiennent à diverses espèces, parce qu'elles sont placées dans des degrés divers, et que la même espèce ne comprend pas plusieurs individus, qu'il n'y a pas deux substances séparées égales entre elles et appartenant au même ordre, mais l'une est supérieure à l'autre par sa nature.
Voilà pourquoi nous lisons dans l'Écriture : Connaissez-vous l'ordre établi dans le ciel [Job, XXXVIII, 33] ? — Saint Denys enseigne que, de même que toute la multitude des Anges est distribuée en une triple hiérarchie, supérieure, moyenne et inférieure, de même aussi, dans chaque hiérarchie, il y a trois ordres, le plus élevé, celui du milieu et le plus bas, et chacun des ordres se compose également d'Anges du premier, du second et du troisième degré (2).
Nous réfutons par là la fausse opinion d'Origène, d'après laquelle toutes les substances spirituelles, et de ce nombre sont les âmes, ont été créées au commencement dans la même condition. La différence qui existe maintenant entre elles, et qui consiste en ce que les unes sont unies à des corps et les autres restent séparées, les unes sont plus et les autres moins élevées, aurait alors pour cause la différence des mérites (3). Nous avons prouvé, au contraire [ch.44, 93 et 94] que cette différence de degré est dans la nature ; que l'âme et les substances séparées, non plus que ces substances comparées ensemble, ne sont pas de la même espèce, et encore que l'ordre naturel lui-même n'établit aucune égalité entre ces dernières.
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(2). Cette note est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous. — (3) Voyez la note 8 du ch. 83. [Cette note 8 est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.]
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.XCVILes substances séparées ne connaissent pas par les objets sensibles.
On peut prouver, par tout ce qui précède, que les substances séparées n'acquièrent pas la connaissance intellectuelle par le moyen des objets sensibles. En effet :
1° En vertu de leur nature, les objets sensibles doivent être saisis par les sens, de même que les êtres intelligibles le sont par l'intelligence. Donc, par cela même qu'une substance douée de la faculté de connaître connaît par les êtres sensibles, sa connaissance est sensitive; et par conséquent, elle a un corps naturellement uni avec elle, puisque la connaissance sensitive ne saurait se produire sans organe corporel. Or, les substances séparées n'ont point de corps qui leur soit naturellement uni [ch. 91]. Donc elles n'acquièrent pas la connaissance intellectuelle par le moyen des choses sensibles.
2° L'objet le plus excellent doit relever de la vertu [ou faculté] la plus noble. Or, la faculté intellectuelle inhérente à une substance séparée est au-dessus de la faculté intellectuelle de l'âme humaine, puisque, dans l'ordre des intelligences, celle de l'âme humaine occupe le dernier degré [ch.78]. L'objet de l'intelligence humaine est l'image [ch.60], et dans l'ordre des objets, cette image est supérieure aux choses sensibles, qui ont leur existence en dehors de l'âme, ainsi que le prouve l'ordre établi entre les vertus qui sont les principes de la connaissance. Donc une substance séparée ne peut avoir pour objet une chose existant en dehors de l'âme, en sorte qu'elle connaisse immédiatement par elle, ni l'image [qui la représente]. Donc l'objet propre de l'intelligence d'une substance séparée est plus élevé que l'image. Or, parmi les objets susceptibles d'être connus, il n'y en a point qui soit supérieur à l'image, si ce n'est l'être qui est intelligible en acte. Doncles substances séparées n'acquièrent pas la connaissance intellectuelle par les êtres sensibles, mais elles connaissent ceux mêmes qui sont intelligibles par eux-mêmes.
3º L'ordre des choses intelligibles est déterminé par l'ordre des intelligences…
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Des substances séparées.XCVILes substances séparées ne connaissent pas par les objets sensibles.SUITE
3º L'ordre des choses intelligibles est déterminé par l'ordre des intelligences. Or, dans l'ordre des choses intelligibles, celles qui le sont en elles-mêmes sont supérieures à celles qui ne deviennent intelligibles que parce que nous les rendons telles. Tous les intelligibles abstraits des objets sensibles doivent avoir ce caractère; car les êtres accessibles aux sens ne sont pas intelligibles en eux-mêmes, et ce sont là les intelligibles que notre intelligence connaît. Donc, puisque l'intelligence d'une substance séparée est supérieure à la nôtre, elle ne connaît pas les intelligibles abstraits des sens, mais ceux qui sont intelligibles en acte et par eux-mêmes.
4º Le mode de l'opération propre à chaque être correspond, suivant une certaine proportion, au mode d'existence et à la nature de la substance. Or, toute substance séparée est une intelligence existant par elle-même et non dans un corps. Donc son opération intellectuelle a pour terme des intelligibles indépendants des corps. Or, tous les intelligibles abstraits des objets sensibles sont, en quelque manière, attachés à des corps, de même que les intelligibles qui sont à notre portée reposent sur les images produites dans les organes corporels. Donc les substances séparées ne tirent pas leur connaissance des choses sensibles.
5º De même que la matière première est au plus bas degré de l'échelle des choses sensibles…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.XCVILes substances séparées ne connaissent pas par les objets sensibles.SUITE
5º De même que la matière première est au plus bas degré de l'échelle des choses sensibles, et, par cela même, n'est qu'en puissance relativement à toutes les formes qui affectent les sens, ainsi l'intellect possible, qui est le dernier des êtres intelligibles, est en puissance pour toutes les formes intelligibles [ch. 59]. Or, les êtres qui, dans l'ordre des choses sensibles, sont supérieurs à la matière première, possèdent actuellement leur forme propre, qui les place dans le genre de l'être sensible. Donc les substances séparées, qui sont, dans l'ordre intelligible, au-dessus de l'intellect possible de l'homme, sont actuellement à l'état d'êtres intelligibles; car l'intelligence qui arrive à connaître par les objets sensibles n'est pas comprise en acte, mais seulement en puissance, dans le genre de l'être intelligible. Donc aucune substance séparée ne tire sa connaissance des choses sensibles.
6º La perfection d'une nature supérieure ne peut dépendre d'une nature qui lui est inférieure. Or, les substances séparées étant des natures intelligentes, leur perfection consiste dans l'opération de connaître. Donc cette opération des substances séparées ne peut être subordonnée aux choses sensibles, de telle manière qu'elles en reçoivent la connaissance.
Il résulte de là qu'on ne peut pas distinguer dans les substances séparées un intellect actif et un intellect possible, si ce n'est par équivoque, parce que, s'il y a dans l'âme intelligente un intellect possible et un intellect actif, cela vient de ce qu'elle tire sa connaissance intellectuelle des objets sensibles ; car c'est l'intellect actif qui rend intelligibles toutes les espèces [ou formes] abstraites des choses sensibles, et l'intellect possible est en puissance pour connaître toutes ces formes. Donc, puisque les substances séparées n'arrivent pas à connaître par le moyen des êtres sensibles, elles n'ont point cette double faculté de l'intellect actif et de l'intellect possible. C'est pour cela qu'Aristote, en établissant l'existence de ces deux intellects, dit qu'ils doivent être dans l'âme (1).
Il est aussi évident que la distance des lieux ne saurait empêcher une âme séparée de connaître. La distance locale, en effet, n'existe que pour les sens et nullement pour l'intelligence, si ce n'est accidentellement, c'est-à-dire en tant que cette dernière saisit un objet par le moyen des sens; car les choses sensibles produisent une impression dans les sens à raison d'une distance déterminée, tandis que les êtres intelligibles, en ce qu'ils affectent l'intelligence, ne sont pas dans un lieu, puisqu'ils sont séparés de la matière corporelle. Donc, puisque les substances séparées ne tirent pas leur connaissance intellectuelle des choses sensibles, la distance locale n'influe en aucune manière sur cette connaissance.
Nous voyons clairement encore que le temps est étranger à l'opération intellectuelle…
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(1). Cette note est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.XCVILes substances séparées ne connaissent pas par les objets sensibles.SUITE
Nous voyons clairement encore que le temps est étranger à l'opération intellectuelle de ces substances. De même, en effet, que les intelligibles actuels ne sont pas dans un lieu, de même aussi ils sont en dehors du temps; car le temps est une conséquence du mouvement local, et par là même, il ne peut mesurer que ce qui est en quelque manière dans un lieu. Voilà pourquoi l'opération intellectuelle des substances séparées est au-dessus du temps.
Quant à notre opération intellectuelle, le temps l'accompagne, parce que nous tirons notre connaissance des images, qui sont en rapport avec un temps déterminé. C'est pour cela qu'en procédant par voie de synthèse et d'analyse, notre intelligence considère toujours le temps passé ou le futur; mais il n'en est pas ainsi lorsqu'elle conçoit la quiddité [ou l'essence] de la chose; car elle ne saisit cette quiddité qu'autant qu'elle sépare abstractivement les formes intelligibles des conditions qui rendent les objets sensibles. Lors donc qu'elle se livre à cette opération, elle perçoit l'être intelligible indépendamment du temps et de toute condition sensible, tandis que par la synthèse et l'analyse, elle applique aux êtres réels les formes intelligibles auparavant abstraites, et cette application est impossible si elle ne perçoit pas simultanément le temps (2).
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(2) Il faut se rappeler ici ce qui a été précédemment observé, que les espèces intelligibles sont les formes essentielles des êtres. Les essences étant éternelles, et comme telles parfaitement simples et immuables, elles ne peuvent être circonscrites dans un lieu, ni renfermées dans la durée du temps. Le lieu, en effet, suppose une limite et des dimensions, et on ne le conçoit pas sans cela. Pour la même raison, il n'y a pas de temps ou de durée successive sans un mouvement ou changement quelconque, puisque le temps est la mesure du mouvement. Les êtres réels ou les individus peuvent donc seuls être dans un lieu et exister dans le temps; mais leurs formes ou essences, qui ne sont point substantielles et n'existent que dans l'intelligence, sont en dehors de tout lieu et de toute durée finie, tant qu'elles ne sont pas appliquées à telle substance, ou individualisées.
Note de Louis: Pour plus d'info. concernant la quiddité voir, dans le fil suivant, le 1º et sa note en bas de page. Bien à vous.
https://messe.forumactif.org/t9221p400-somme-de-la-foi-catholique-contre-les-gentils#167402
XCVII. La connaissance est toujours actuelle dans l’intelligence d’une substance séparée.
Dernière édition par Louis le Jeu 12 Oct 2023, 5:55 am, édité 1 fois (Raison : Note de Louis.)
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.XCVIILa connaissance est toujours actuelle dans l’intelligence d’une substance séparée.
La conséquence qui ressort de ce que nous venons de dire, c'est que l'intelligence des substances séparées connaît toujours actuellement. En effet :
1º L'être qui est tantôt en acte et tantôt en puissance est soumis à la mesure du temps. Or, l'intelligence des substances séparées est au-dessus du temps [ch. 96]. Donc leur connaissance n'est pas successivement actuelle et non actuelle.
2º Toute substance vivante est douée, en vertu même de sa nature, d'une opération vitale actuelle, qui persévère toujours, quoique d'autres opérations soient quelquefois en elle à l'état de puissance; les animaux, par exemple, ne cessent pas de se nourrir, quoiqu'ils ne sentent pas constamment. Or, les substances séparées sont des substances vivantes, comme le prouvent les démonstrations précédentes, et elles n'ont pas d'autre opération vitale que l'acte de connaître. Donc leur nature exige qu'elles connaissent toujours actuellement.
3º Les philosophes enseignent que les substances séparées meuvent les corps célestes par leur intelligence (1). Or, le mouvement des corps célestes n'est jamais interrompu. Donc l'opération des substances séparées est continuelle et perpétuelle. — La conclusion reste la même, si nous ne considérons pas ces substances comme les moteurs des corps célestes, auxquels elles sont supérieures. Si donc l'opération propre des corps célestes, qui consiste dans leurs révolutions, se continue sans cesse, à plus forte raison, l'opération propre des substances séparées, c'est-à-dire l'acte de connaître, ne devra pas avoir de terme.
4º Lorsque l'opération est intermittente, le sujet est mû essentiellement ou par accident; d'où il suit que la cause pour laquelle nous connaissons maintenant et nous perdons ensuite cette connaissance n'est autre qu'une altération survenue dans la partie sensible, ainsi qu'Aristote l'observe (2). Or, les substances séparées ne peuvent être mues ni essentiellement ni par accident, puisqu'elles ne sont ni des corps, ni des substances unies à des corps. Donc leur opération propre, qui est celle de connaître, se continue sans aucune interruption.
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(1). Cette note est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous. — (2) Cette proposition ne se trouve pas textuellement dans Aristote. Le Philosophe prouve seulement, dans le chapitre 6 du livre VIIIe de sa Physique, que l'animal se meut de lui-même ou reste en repos alternativement, suivant que la partie qui remplit en lui l'office de moteur est mue ou ne l'est pas par un autre être. Saint Thomas raisonne ici a pari, parce que l'acte de connaître est l'opération propre et naturelle des substances intelligentes. Si cette opération est quelquefois interrompue, c'est parce que la substance elle-même n'est pas toujours mue ou impressionnée par son objet; ce qui dépend des conditions diverses dans lesquelles elle se trouve. Comme les substances séparées ne sont ni des corps ni des substances unies à des corps, elles ne peuvent être soumises à aucun mouvement; d'où le saint Docteur conclut que leur opération essentielle ne peut jamais être suspendue.
XCVIII. Comment une substance séparée en connaît une autre.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.XCVIIIComment une substance séparée en connaît une autre.
[Si] les substances séparées connaissent les êtres essentiellement intelligibles [ch. 96], comme les êtres essentiellement intelligibles sont des substances séparées car un être est intelligible en ce sens qu'il n'a rien de commun avec la matière [liv. I, ch.47], nous en concluons que les substances séparées connaissent, comme étant leurs objets propres, des substances séparées. Chacune d'elles se connaît donc elle-même, et connaît aussi les autres. Elles ne se connaissent cependant pas elles-mêmes de la même manière que se connaît l'intellect possible; car cet intellect possible n'est qu'en puissance à l'état d'être intelligible, et cette puissance arrive à l'acte au moyen de l'espèce [ou forme] intelligible, de la même manière que la forme naturelle fait passer la matière première dans la condition de l' être sensible actuel.
Or, la connaissance ne peut avoir pour objet ce qui n'existe qu'en puissance, mais ce qui est en acte; par conséquent, la forme est le principe de la connaissance de la chose à laquelle elle confère l'actualité, et, pour la même raison, il faut une espèce [intelligible] quelconque pour produire une connaissance actuelle dans la faculté de connaître. Donc notre intellect possible ne se connaît lui-même que par une espèce intelligible, qui le met actuellement dans la condition de l'être intelligible.
C'est ce qui fait dire à Aristote que cet intellect est intelligible comme tous les autres objets, c'est-à-dire par les espèces abstraites des images, qui sont les formes propres des choses (1).
Les substances séparées ont, en vertu même de leur nature, une existence actuelle dans le genre de l'être intelligible; et, pour cette raison, elles se connaissent chacune par sa propre essence, et non par l'espèce [ou forme] d'un autre être. Parce que nulle connaissance ne se produit qu'autant que la ressemblance de l'objet connu est dans le sujet qui connaît, et qu'une substance séparée ressemble à une autre, à raison de la nature commune qui constitue le genre, tandis qu'elles sont d'espèces différentes [ch. 93], la conséquence qui paraît en résulter, c'est que la connaissance qu'elles ont les unes des autres ne consiste pas dans la notion de l'espèce propre à chacune, mais seulement dans la notion du genre qui les renferme toutes.
Quelques auteurs prétendent que…
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(1). Cette note est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Des substances séparées.XCVIIIComment une substance séparée en connaît une autre.SUITE
Quelques auteurs prétendent que les substances séparées sont causes efficientes les unes pour les autres. Or, toute cause efficiente doit avoir en elle la ressemblance de son effet, et tout effet doit également porter la ressemblance de sa cause, puisque l'agent, quel qu'il soit, produit un être semblable à lui.
La substance séparée la plus élevée renferme donc la ressemblance de la substance inférieure, de la même manière que celle de l'effet est dans la cause; et la substance inférieure ressemble à la plus élevée, comme l'effet ressemble à sa cause. Lorsque les causes n'ont pas une dénomination commune avec leurs effets (2), la ressemblance de l'effet est suréminente dans la cause, et celle de la cause se trouve affaiblie dans l'effet.
Les substances séparées qui dominent les autres doivent être causes, en ce sens, pour les substances inférieures, puisqu'elles ne sont pas toutes renfermées dans la même espèce, mais distribuées suivant des degrés divers.
Une substance séparée d'un degré inférieur a donc des substances plus élevées, une connaissance proportionnée au mode d'existence de la substance qui connaît, et non à la manière d'être de la substance connue ; et cette connaissance est défectueuse, tandis que les substances supérieures connaissent celles qui sont au-dessous d'elles beaucoup plus parfaitement. C'est pour cela que nous lisons dans le livre Des Causes que l'intelligence connaît ce qui est au-dessous et ce qui est au-dessus d'elle, d'après le mode de sa substance, parce que l'une est la cause de l'autre (3).
Mais : 1° Puisqu'il est démontré que les substances intellectuelles séparées ne se composent pas d'une matière et d'une forme…
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(2) Le terme univocus désigne un attribut ou une dénomination commune, que l'on accorde purement et simplement à plusieurs êtres, dans le même sens et sans restriction, La dénomination d'homme, par exemple, convient également au père et à son fils, quoique l'un soit la cause de l'autre. Il n'en est pas de même du mot être appliqué à Dieu, cause universelle, et à l'homme, qui est l'un de ses effets, parce qu'ils ne sont pas dans les mêmes conditions d'existence. — (3) Ce livre Des causes, dont on ne connaît d'une manière certaine ni l'auteur, ni le titre même, fut longtemps attribué à Aristote. Saint Thomas, dans son traité qui porte le même nom, le considère comme un extrait du philosophe Proclus, qui vivait au Ve siècle de notre ère.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.XCVIIIComment une substance séparée en connaît une autre.SUITE
Mais : 1° Puisqu'il est démontré que les substances intellectuelles séparées ne se composent pas d'une matière et d'une forme [ch. 50], elles ne peuvent sortir de leurs causes que par voie de création. Or, la puissance de créer appartient exclusivement à Dieu [ch. 21]. Il est donc impossible que les substances séparées soient causes les unes des autres.
2° Nous avons prouvé [ch. 15] que les parties principales de l'univers ont toutes été créées immédiatement par Dieu. Donc elles ne procèdent pas l'une de l'autre. Or, chaque substance séparée doit être mise au nombre des parties principales de l'univers, bien plutôt encore que le soleil et la lune, puisque chacune d'elles a son espèce propre qui l'emporte sur toutes les espèces d'êtres corporels. Donc elles ne sont pas causes l'une de l'autre, mais elles viennent toutes de Dieu immédiatement.
Il ressort donc de là que chaque substance séparée connaît Dieu, d'une connaissance naturelle proportionnée à la qualité de sa substance, qui la rend semblable à Dieu comme à sa cause. Pour Dieu, il les connaît toutes, par la raison qu'il est leur cause propre et qu'il renferme en lui leur ressemblance. Mais ce n'est pas ainsi que ces substances se connaissent entre elles; car l'une n'est pas la cause de l'autre.
Il faut donc observer qu'aucune des substances séparées n'étant, par son essence, un principe assez complet pour connaître tous les autres êtres, il s'ajoute nécessairement à la substance de chacune quelques ressemblances intelligibles, qui leur donnent la connaissance de la nature propre aux autres êtres.
Or, voici comment on peut le démontrer. …
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.XCVIIIComment une substance séparée en connaît une autre.SUITE
Or, voici comment on peut le démontrer.
L'objet propre de l'intelligence est l'être [esse] intelligible qui comprend [dans son universalité] toutes les différences et toutes les espèces possibles de l'être [à quelque degré qu'il soit]; car tout ce qui peut exister peut aussi être connu. Or, puisque toute connaissance est une sorte d'assimilation, l'intelligence est incapable de connaître complètement son objet, si elle n'a pas en elle la ressemblance de l'être universel et de toutes ses différences. Il n'y a pas d'autre ressemblance de l'être universel qu'une nature infinie, qui n'est point limitée à une espèce ou à un genre particulier de l'être, mais qui est, au contraire, le principe commun et la puissance productive de l'être tout entier; et nous avons prouvé [Liv. I, 25 et 43] que la nature divine a seule ce caractère.
Toutes les autres natures étant circonscrites dans un genre et une espèce déterminés de l'être, il n'en est aucune qui comporte la ressemblance de l'être universel. Dieu seul connaît donc par son essence tous les êtres. Les substances séparées, quel que soit leur degré, ne connaissent parfaitement, en vertu de leur nature, que leur espèce propre, et l'intellect possible ne connaît rien par lui-même, mais par l'intermédiaire d'une espèce intelligible, ainsi que nous l'avons déjà remarqué.
Par là même qu'une substance est dans l'ordre intellectuel, elle a la faculté de comprendre l'être dans son entier…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
17 octobre 2023
Des substances séparées.XCVIIIComment une substance séparée en connaît une autre.SUITE
Par là même qu'une substance est dans l'ordre intellectuel, elle a la faculté de comprendre l'être dans son entier. C'est pourquoi, comme les substances séparées ne comprennent pas actuellement l'être tout entier par leur nature, considérées dans leur substance, elles sont en quelque sorte en puissance relativement aux ressemblances intelligibles par lesquelles se connaît la totalité de l'être, et ces ressemblances seront l'acte de ces substances, en tant qu'elles sont intelligentes.
Ces ressemblances ne sauraient se multiplier, puisque nous avons fait voir que la ressemblance parfaite de l'être universel est nécessairement infinie. Si donc la nature d'une substance séparée n'est pas infinie, mais bornée, la ressemblance intelligible qui est en elle ne pourra pas non plus être infinie, mais elle sera limitée à une espèce ou à un genre particulier de l'être; d'où il suit que plusieurs de ces ressemblances lui sont nécessaires pour arriver à comprendre l'être dans sa totalité.
Plus une substance séparée est élevée et plus la ressemblance est grande entre sa nature et la nature divine; par conséquent, elle est moins restreinte, en ce sens qu'elle se rapproche davantage de l'être universel qui renferme toute perfection et toute bonté, et qu'en raison de cette proximité elle participe d'une manière plus générale à la bonté et à l'être [absolu]. Voilà ce qui fait que les ressemblances intelligibles, dans une substance supérieure, sont moins nombreuses et plus universelles.
Saint Denys exprime ce sentiment quand il nous dit que la science des Anges les plus élevés est plus étendue (4); et nous lisons aussi, dans le livre Des causes, que les intelligences supérieures ont des formes plus universelles. Cette universalité est à son plus haut degré en Dieu, qui connaît tout par une seule chose, qui est son essence; elle est au dernier degré dans l'intelligence humaine, puisqu'il lui faut, pour connaître chacun des être intelligibles, une espèce intelligible particulière égale à l'objet.
La perfection de la connaissance acquise par les substances supérieures n'est donc point, comme pour nous, en raison inverse de l'universalité des formes…
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(4). Cette note est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.XCVIIIComment une substance séparée en connaît une autre.SUITE
La perfection de la connaissance acquise par les substances supérieures n'est donc point, comme pour nous, en raison inverse de l'universalité des formes. Par exemple, la ressemblance de l'animal, qui nous révèle seulement le genre, nous donne une notion moins parfaite que la ressemblance de l'homme; car cette dernière nous découvre l'espèce complète; et connaître une chose seulement comme contenue dans son genre c'est la connaître imparfaitement et, pour ainsi dire, en puissance, tandis qu'elle est connue parfaitement et actuellement lorsqu'on en connaît l'espèce.
Notre intelligence, qui est inférieure à toutes les substances intellectuelles, a besoin de ces ressemblances particulières, afin d'avoir en elle la propre ressemblance de l'objet déterminé qu'elle peut connaître; et nous voyons par là que la ressemblance de l'animal [pris en général] ne suffit pas pour lui donner la notion de l'être raisonnable, ni par conséquent celle de l'homme, à moins qu'on ne l'envisage que sous un certain rapport (5).
La ressemblance de l'être intelligible a, dans les substances séparées, une vertu plus étendue, et elle suffit seule à représenter plusieurs objets. La connaissance qu'elle produit n'est donc pas moins complète, mais au contraire plus parfaite, puisque cette ressemblance est virtuellement universelle dans le même sens que la forme de l'agent, lorsque la cause est universelle; car plus la forme est universelle elle-même, plus aussi ses effets sont nombreux, et elle les produit avec plus d'efficacité. Au moyen d'une ressemblance unique, les substances séparées connaissent donc l'animal [comme genre] et toutes ses différences ; ou bien encore leur connaissance est plus étendue ou plus restreinte, suivant le degré de chacune. Nous pouvons, comme on l'a vu plus haut, appuyer cette doctrine sur des exemples pris dans les deux extrémités de l’ordre intellectuel, c'est-à-dire dans l'intelligence divine et dans l'intelligence humaine.
Dieu connaît tous les êtres par une seule chose, qui est son essence; mais il faut à l'homme plusieurs ressemblances [ou images] pour connaître plusieurs objets. Nous voyons même qu'à mesure que son intelligence s'élève le nombre des images diminue et celui des objets connus augmente. C'est ce qui met dans la nécessité d'apporter à ceux qui ont peu de vivacité dans l'esprit des exemples particuliers, pour leur faire comprendre les choses.
De ce que les substances séparées, considérées dans leur nature…
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(5) C est-à-dire seulement comme étant dans le genre animal, sans tenir compte de la qualité d'être raisonnable, qui est sa différence spécifique et en complète la notion.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.XCVIIIComment une substance séparée en connaît une autre.SUITE
De ce que les substances séparées, considérées dans leur nature, sont en puissance pour les ressemblances qui donnent la notion de l'être complet, il n'en faudrait pas conclure qu'elles n'ont en elles aucune de ces ressemblances; car, selon la remarque d'Aristote, cette disposition est celle de l'intellect possible avant que se produise l'acte de connaître (6).
On n'en doit pas inférer davantage qu'elles en ont quelques-unes en acte et les autres seulement en puissance, de même que, parmi les corps inférieurs, la matière première reçoit actuellement telle forme et peut recevoir les autres formes; ou bien encore, comme notre intellect possible qui, la science une fois acquise, est en acte relativement à certains êtres intelligibles et en puissance pour les autres. En effet, puisque les substances séparées ne sont sujettes à aucun mouvement essentiel ou accidentel [ch. 97], elles ont nécessairement en acte tout ce qui entre dans leur puissance; et, si le contraire avait lieu, elles passeraient de la puissance à l'acte, et par conséquent, elles seraient mues essentiellement ou accidentellement. Donc la puissance et l'acte sont pour elles, par l'apport à l'être intelligible, ce que sont dans les corps célestes la puissance et l'acte, par rapport à l'être naturel.
La matière des corps célestes, en effet, se perfectionne par sa forme, de telle sorte qu'elle n'est plus en puissance pour d'autres formes. De même, pour ce qui regarde sa connaissance naturelle, l'intelligence d'une substance séparée reçoit des formes intelligibles toute la perfection dont elle est capable.
Notre intellect possible, au contraire, est proportionné aux corps corruptibles avec lesquels il s'unit comme étant leur forme ; car il est en possession de certaines formes intelligibles, de telle manière qu'il reste en puissance pour les autres. C'est pour cette raison qu'il est dit dans le livre Des causes que l'intelligence est remplie de formes, parce que toute la puissance de son intellect se trouve complétée par des formes intelligibles; et ainsi, au moyen de ces espèces intelligibles, une substance séparée peut en connaître une autre.
On croira peut-être que les substances séparées étant intelligibles par leurs essences…
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(6). Cette note est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.XCVIIIComment une substance séparée en connaît une autre.SUITE
On croira peut-être que les substances séparées étant intelligibles par leurs essences, elles ne peuvent se connaître l'une l'autre au moyen de quelques espèces intelligibles, mais seulement par l'essence même de la substance connue; car si l'on connaît une substance par une espèce intelligible, cela ne paraît avoir lieu que pour les substances matérielles, qui ne sont pas actuellement intelligibles par leurs essences, et ne sauraient, par conséquent, être connues indépendamment des formes abstraites. Le Philosophe semble partager cette opinion, lorsqu'il dit qu'il n'y a aucune différence, pour les substances séparées de la matière, entre l'intelligence, l'opération de connaître et la chose connue (7).
Si nous accordions ce point, il en résulterait de nombreuses difficultés :…
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(7). Cette note est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
Dernière édition par Louis le Sam 21 Oct 2023, 7:46 am, édité 1 fois (Raison : Orthographe.)
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
XCIX. Les substances séparées connaissent les êtres matériels.Des substances séparées.XCVIIIComment une substance séparée en connaît une autre.SUITE
Si nous accordions ce point, il en résulterait de nombreuses difficultés :
1º Parce que, selon la doctrine d'Aristote, l'intelligence en acte est la chose actuellement connue ( 8 ) Et nous ne voyons pas comment une substance séparée est une même chose avec une autre substance, tandis qu'elle la connaît.
2º Tout être qui agit ou opère réalise son opération au moyen de sa forme, et l'opération correspond à la forme, de même que l'échauffement à la chaleur; et c'est pour cette raison que nous voyons l'objet dont l'image modifie la vue. Or, il nous paraît impossible qu'une substance séparée devienne la forme d'une autre, puisqu'elles ont chacune un être distinct. Donc elles ne peuvent se connaître réciproquement par leurs essences.
3º L'objet connu perfectionne le sujet qui connaît; et il répugne qu'une substance séparée d'un degré inférieur puisse perfectionner une substance plus élevée. Il faudrait dire encore que les substances supérieures ne connaissent nullement les substances inférieures, s'il était vrai que chacune d'elles fût connue par sa propre essence et non par une autre espèce [intelligible].
4º Considéré par rapport au moyen par lequel il est connu, l'objet intelligible est dans l'intelligence. Or, nulle substance ne pénètre dans l'esprit, excepté Dieu, qui est dans tous les êtres par son essence, sa présence et sa puissance. Donc une substance séparée ne peut être connue par sa propre essence d'une autre qui n'aurait pas en elle sa ressemblance.
Il doit en être ainsi, d'après l'opinion d'Aristote, qui enseigne que l'opération de connaître consiste en ce que l'objet actuellement connu devient une même chose avec l'intelligence en acte (9). C'est pourquoi, bien que les substances séparées soient essentiellement et actuellement intelligibles, elles ne sont cependant connues en elles-mêmes que par l'intelligence avec laquelle elles deviennent une même chose. Ainsi donc, toute substance séparée se connaît elle-même par sa propre essence, et alors il n'y a pas de distinction entre l'intelligence, l'objet connu et l'acte de connaître.
Dans le système de Platon, au contraire, cet acte de connaître est le résultat d'une sorte de contact entre l'intelligence et la chose intelligible; d'où il suit qu'une substance séparée peut en connaître une autre par son essence, tandis que ce contact spirituel existe entre elles. Or, une substance plus élevée touche une substance inférieure, en ce sens qu'elle la renferme et la contient virtuellement ; et la substance inférieure touche la plus élevée, comme recevant d'elle sa perfection.
Saint Denys exprime la même idée en disant que les substances intelligibles d'un ordre supérieur sont comme l'aliment des autres (10).
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( 8 ), (10) Ces notes sont libellées en latin; sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
(9) Voyez la note précédente.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.XCIXLes substances séparées connaissent les êtres matériels.
Au moyen des formes intelligibles dont nous venons de parler, chaque substance séparée connaît, non seulement les autres substances séparées, mais encore les espèces des êtres corporels. En effet :
1º Comme leur intelligence est aussi parfaite que le comporte sa nature, puisqu'elle est tout entière en acte, elle doit comprendre dans son universalité son objet, qui est l'être intelligible. Or, les espèces des choses corporelles appartiennent au genre de l'être intelligible. Donc elles sont connues des substances séparées.
2º Puisqu'on distingue les espèces des choses aussi bien que les espèces des nombres [ch. 95], l'espèce supérieure doit contenir en quelque manière ce qui compose l'espèce inférieure, de même que le nombre plus grand renferme le plus petit. Donc, par là même que les substances séparées sont au-dessus des substances corporelles, les êtres qui font partie des substances corporelles, à raison de leur condition matérielle, doivent se trouver en qualité d'intelligibles dans les substances séparées; car ce qui est dans un sujet y est conformément au mode d'existence de ce sujet.
3º Si les substances séparées …
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.XCIXLes substances séparées connaissent les êtres matériels.SUITE
3º Si les substances séparées sont les moteurs des corps célestes, ainsi que le croient les philosophes (1), tout ce qui résulte du mouvement des corps célestes ne peut leur être attribué que comme à des instruments, puisque ces moteurs sont mus eux-mêmes, et ces effets remontent aux substances séparées qui meuvent comme agents principaux. Or, l'action de ces substances et le mouvement qu'elle imprime ont leur intelligence pour principe. Donc elles sont les causes des effets réalisés par le mouvement des corps célestes, dans le même sens que l'ouvrier agissant au moyen de ses instruments.
Donc les substances séparées ont en elles-mêmes, comme intelligibles, les formes des êtres produits par voie de génération et qui sont sujets à la destruction; ce qui fait dire à Boèce que « les formes inhérentes à la matière viennent des formes qui sont sans matière » (2) [De la Trinité, liv. I, ch. 3].
Donc les substances séparées ne connaissent pas seulement les substances séparées, mais encore les espèces des choses matérielles; car si elles connaissent les espèces des êtres produits par voie de génération et sujets à la destruction, comme étant celles de leurs effets propres, à plus forte raison devront-elles connaître aussi les espèces des corps célestes, qui sont leurs propres instruments. Et parce que l'intelligence des substances séparées est en acte, c'est-à-dire qu'elle renferme réellement toutes les ressemblances pour lesquelles elle est en puissance, car la compréhension dont elle est capable s'étend à toutes les espèces et à toutes les différences de l'être, les substances séparées, quel que soit leur degré, doivent nécessairement connaître toutes les choses qui sont dans la nature et leur ordre complet.
On nous objectera peut-être que l'objet…
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(1) Voyez la note 1 du ch. 97. => Cette note 1 est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous. — (2) C'est-à-dire que les formes inhérentes à la matière sont la réalisation, dans l'individu, des formes universelles qui, en leur qualité d'intelligibles, sont dans ces intelligences à l'état d'abstraction.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
C. Les substances séparées connaissent le singulier.Des substances séparées.XCIXLes substances séparées connaissent les êtres matériels.SUITE
On nous objectera peut-être que l'objet actuellement connu perfectionnant l'intelligence en acte, une substance séparée ne peut avoir la connaissance de choses matérielles; car il répugne que la matière confère quelque perfection à une substance séparée.
Mais en examinant bien cette question, on voit que l'objet connu perfectionne le sujet qui connaît, seulement par sa ressemblance qui est dans l'intelligence de ce dernier: par exemple, la pierre même qui existe en dehors de l'âme n'ajoute rien à la perfection de notre intellect possible. La ressemblance [ou le type] de l'être matériel est dans l'intelligence de la substance séparée, sans aucune matière, conformément au mode d'existence, non de la substance matérielle, mais de la substance séparée. Il n'y a donc pas de contradiction à dire que cette ressemblance perfectionne l'intelligence d'une substance séparée en devenant sa propre forme.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.CLes substances séparées connaissent le singulier.
Parce que les ressemblances, telles qu'elles existent dans l'intelligence des substances séparées, sont plus universelles que dans notre intelligence et douées d'une vertu plus grande pour faire connaître les choses mêmes, ces substances connaissent, au moyen des ressemblances des choses matérielles, les êtres composés de matière, non seulement par la notion qu'elles possèdent du genre ou de l'espèce, à la manière de notre intelligence, mais encore en tant qu'ils sont des individus. En effet:
1º Comme les espèces [intelligibles] des choses sont nécessairement immatérielles dans l'intelligence, elles ne pourront pas, parce qu'elles existent dans notre intelligence, devenir pour nous le principe de la connaissance des singuliers qui s'individualisent par la matière; et la raison de ceci, c'est que ces espèces ont dans notre intelligence une vertu tellement limitée, que l'une d'elles ne peut nous révéler qu'une seule chose.
C'est pourquoi, de même que la ressemblance de la nature générique ne peut nous faire connaître à la fois le genre et la différence, pour nous faire acquérir par cette dernière la notion de l'espèce, de même aussi la ressemblance de la nature propre à l'espèce est incapable de nous amener à connaître simultanément les principes qui déterminent l'espèce et l'individu et qui sont inhérents à la matière, de telle sorte que par là nous arrivions à connaître l'individu comme quelque chose de singulier.
Quant à la ressemblance qui est dans l'intelligence d'une substance séparée, sa vertu n'est pas limitée; elle est unique et immatérielle, et elle peut, par conséquent, donner la connaissance des principes matériels qui constituent l'espèce et l'individu; ce qui permettra à cette substance séparée de connaître par son intelligence non-seulement la matière du genre et de l'espèce, mais encore celle dont se compose l'individu, sans que, pour cela, la forme au moyen de laquelle elle connaît soit matérielle, ou bien que les formes se multiplient indéfiniment, en nombre égal à celui des individus.
2° Ce qu'une vertu [ou puissance active] inférieure peut faire,…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.CLes substances séparées connaissent le singulier.SUITE
2º Ce qu'une vertu [ou puissance active] inférieure peut faire, une vertu supérieure le fera aussi, mais d'une manière plus excellente. C'est pourquoi, lorsque la vertu inférieure réalise son opération au moyen de plusieurs choses, la vertu supérieure réalise la sienne au moyen d'une seule; car plus une vertu est élevée et plus elle se simplifie et se rapproche de l'unité, tandis que la vertu inférieure, au contraire, se divise et se multiplie; aussi voyons-nous que la seule faculté du sens universel perçoit tous les objets sensibles des divers genres qui relèvent des cinq sens extérieurs (1).
Or, dans l'ordre de la nature, l'âme humaine est au-dessous des substances séparées, et sa faculté de connaître l'universel et l'individuel s'exerce avec le concours de deux principes, qui sont les sens et l'intelligence.
Donc les substances séparées, qui sont plus nobles, connaissent l'un et l'autre d'une manière plus relevée et par le seul principe de l'intelligence.
3º Les formes intelligibles des choses arrivent à notre…
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(1) Voyez la note 5 du ch. 74 => Les anciens, comme on peut le voir dans la note précédente *, croyaient que l'homme possède un sens intérieur, dont les cinq sens extérieurs, qui ont chacun leurs fonctions spéciales et leurs objets propres, ne seraient que des ramifications. Saint Thomas raisonne, en plusieurs endroits, d'après cette opinion qu'il ne contredit pas. Cette erreur physiologique, si c'est une erreur, a peu d'importance en psychologie; car elle ne change pas les résultats. Nous pouvons considérer, en effet, comme étant ce sens universel, le cerveau, centre nerveux où viennent aboutir toutes les sensations produites dans les organes des sens particuliers, et qui ne sont autre chose que l'ébranlement des nerfs causé par le contact immédiat ou médiat des objets extérieurs. Ces sensations perçues par l'âme, de la manière qui convient à une substance immatérielle, deviennent le fondement de la science ou de la connaissance des êtres sensibles.
* Note de Louis: cette note précédente est libellée en latin; sur demande, nous les publierons. Bien à vous..
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des substances séparées.CLes substances séparées connaissent le singulier.SUITE
3º Les formes intelligibles des choses arrivent à notre intelligence et à celle des substances séparées en suivant un ordre opposé. Elles pénètrent dans notre intelligence par voie d'analyse, c'est-à-dire en tant qu'elles sont abstraites des conditions dans lesquelles sont placés la matière et l'individu, ce qui fait que nous ne pouvons connaître par elles les singuliers, tandis qu'elles entrent dans l'intelligence des substances séparées, pour ainsi dire, par voie de synthèse ;car cette dernière intelligence reçoit en elle les espèces intelligibles, parce qu'elle est assimilée à la première espèce intelligible renfermée dans l'intelligence divine, et qui n'est pas une abstraction, mais le principe productif [ou créateur] des êtres.
Or, cette production a pour résultat, non-seulement la forme, mais encore la matière, principe de l'individualité.
Donc les espèces intelligibles qui sont dans l’intelligence d'une substance séparée représentent la chose tout entière, c'est-à-dire, non les seuls principes qui déterminent l'espèce, mais encore ceux qui constituent l'individu. Donc on ne doit pas refuser aux substances séparées la connaissance du singulier, quoique notre intelligence ne puisse l'acquérir.
4º S'il est vrai, comme le croient les philosophes, que les moteurs des corps célestes sont des substances séparées (2), puisqu'elles meuvent par leur intelligence, chacune d'elles doit connaître son mobile, qui est un être particulier; car les universaux sont immobiles. Les positions [relatives] qui changent par suite du mouvement sont également des choses singulières, et la substance qui meut au moyen de son intelligence ne peut les ignorer. Il faut donc admettre que les substances séparées connaissent les individus dans l'ordre matériel.
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(2 ) Cette note est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
CI. Les substances séparées connaissent-elles naturellement tous les êtres ensemble ?
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
FIN du LIVRE II.Des substances séparées.CILes substances séparées connaissent-elles
naturellement tous les êtres ensemble ?
Parce que l'intelligence en acte s'identifie avec l'objet actuellement connu (1), de même que le sens en acte devient l’objet actuellement senti, et que la même chose ne saurait être simultanément plusieurs choses, il paraît impossible que l'intelligence des substances séparées ait en elle, comme on vient de le dire [ch. 100], plusieurs formes d'êtres intelligibles.
Mais il ne faut pas oublier que toutes les choses dont les espèces intelligibles sont en acte dans l'intelligence ne sont pas pour cela actuellement connues. En effet, chaque substance intelligente étant aussi douée de volonté, elle est, par là même, maîtresse de son acte, et il dépend d'elle, lorsqu'elle possède une espèce intelligible, d'en faire usage actuellement, ou bien, si elle en a plusieurs, de se servir de l'une d'elles. C'est pour cette raison que notre attention n'est pas toujours fixée sur toutes les choses qui font partie de notre science.
Les substances intellectuelles connaissant au moyen de plusieurs espèces intelligibles, leur volonté fait un choix, et ainsi elles ont la connaissance actuelle de tout ce qu'elles peuvent connaître par une seule de ces espèces; car toutes ces choses sont comme un objet intelligible unique, puisqu'on les connaît par une seule, de même que notre intelligence connaît, comme étant une même chose, plusieurs choses qui entrent dans la composition d'un être ou se rattachent ensemble par quelque rapport.
Ces substances n'ont pas la connaissance actuelle des choses qu'elles ne peuvent connaître qu'au moyen de plusieurs espèces [intelligibles], et par conséquent, de même que l'intelligence est une, de même aussi la chose actuellement connue est unique. Donc il y a, en quelque sorte, dans l'intelligence d'une substance séparée, des connaissances successives. Cependant cette succession ne constitue pas un mouvement [ou changement] proprement dit, parce que l'acte ne succède pas à la puissance, mais un acte à un autre acte.
Il en est autrement de l'intelligence divine; car Dieu, qui connaît tout par sa seule essence, et dont l'action et l'essence sont identiques, voit simultanément tous les êtres. C'est pourquoi il n'y a pas de succession dans son intelligence, mais son acte de connaître est complet, d'une perfection actuelle, et il persévère dans les siècles des siècles. Amen !
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(1 ) Cette note est libellée en latin; sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
I.Avant-propos.
Dieu est le souverain Seigneur; il est le grand Roi qui règne sur tous les dieux. Le Seigneur ne rejettera point son peuple; car tous les confins de la terre sont en sa main, et ses regards s'étendent sur les hauteurs des montagnes; car la mer est à lui: c'est son ouvrage, et ses mains ont formé la terre [Ps. XCIV, 3, 4 et 5] (1).
Nous avons prouvé [liv. I, ch.13] qu'il y a un premier être unique, qui possède l'existence dans toute sa perfection, et nous l'appelons Dieu. C'est en communiquant [dans une certaine mesure] sa perfection sans limites qu'il donne à tout l'existence; en sorte qu'il se révèle à nous, non-seulement comme le premier des êtres, mais encore comme la source première d'où découle l'être de tout ce qui existe. S'il donne l'existence à tout ce qui n'est pas lui, ce n'est pas en vertu d'une nécessité naturelle, mais par une libre détermination de sa volonté, ainsi que nous l'avons démontré [liv. II, ch.23]. D'où il suit qu'il est le maître de ses créatures; car nous exerçons notre domaine sur les choses qui sont soumises à notre volonté. Ce domaine de Dieu sur ses œuvres est parfait, puisque pour les produire il n'a besoin, ni du secours d'un agent extérieur, ni d'une matière qui lui serve de fondement [liv. II, ch.16]; car il est la cause efficiente qui donne à tout un être complet.
Chacune des choses qui résultent de la volonté d'un agent est coordonnée en vue d'une fin déterminée par cet agent; car la volonté n'a d'autre objet que le bien et la fin; c'est pourquoi tout ce qui procède de sa volonté est nécessairement disposé pour une fin. Or, tous les êtres arrivent à leur fin dernière par leur action, et cette action doit être réglée par celui de qui ils ont reçu les principes qui les font agir. Il est donc absolument nécessaire que Dieu, qui est naturellement parfait en lui-même et qui, par sa puissance, donne l'être à tout ce qui existe, régisse toute chose sans être dirigé par aucune ; et rien ne peut se soustraire à son gouvernement, de même qu'il n'est rien qui n'ait reçu de lui l'existence. Donc il est aussi parfait dans son gouvernement que dans son être et dans son action comme cause.
Les résultats de ce gouvernement sont visibles dans les diverses créatures…
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(1) Le commencement de ce psaume, tel qu'on le lit ici et qu'on le récite à l'office de Matines, est un peu différent du texte de la Vulgate. Ces paroles : Quia non repellet Dominus plebem suam, paraissent avoir été empruntées au psaume XCIII, v. 14, et ajoutées à celui-ci. On les trouve dans un manuscrit très ancien, d'où elles ont passé dans le Bréviaire, au sentiment de Bellarmin. Elles sont également dans les Septante de l'édition du Vatican. Saint Jérôme et saint Augustin ne les ont point rejetées dans leurs commentaires.— Au lieu de ces mots : Et altitudines montium ipse conspicit, on lit dans la Vulgate : Et altitudines montium ipsius sunt. Le P. Berthier observe que cette seconde traduction est plus conforme à l'hébreu et au grec, dont le sens lui parait plus beau; « car, dit-il, il y a plus de grandeur à être le maître des montagnes qu'à les voir simplement. » Bellarmin interprète la première version en ce sens que Dieu est au-dessus de tout, puisqu'il domine les plus hautes montagnes et qu'il voit à leur sommet des choses inaccessibles à l'œil de l'homme. — On a laissé subsister ces différences dans le Bréviaire, parce que la réformation qui en fut faite par S. Pie V précéda l'édition de la Vulgate donnée par Clément VIII.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
I.Avant-propos.SUITE
Les résultats de ce gouvernement sont visibles dans les diverses créatures; mais ils sont variés en raison de la différence des natures.
— Il en est que Dieu a mises, en les produisant, dans une condition telle que, par l'intelligence dont elles sont douées, elles portent sa ressemblance et reproduisent son image. C'est pour cela qu'elles ne sont pas seulement dirigées, mais qu'elles tendent aussi d'elles-mêmes à atteindre, au moyen de leurs propres opérations, la fin qui leur est assignée. Si, en se dirigeant elles-mêmes, elles restent soumises au gouvernement divin, Dieu leur permet d'arriver à leur fin dernière, et il les rejette, au contraire, lorsqu'elles prennent une fausse direction.
— D'autres êtres ne recherchent pas eux-mêmes leur fin, mais ils se laissent conduire. Quelques-uns d'entre eux sont incorruptibles, et comme leur être naturel ne peut leur faire défaut en rien, jamais ils ne s'écartent, dans les actions qui leur sont propres, de l'ordre établi en vue de leur fin, mais ils exécutent constamment la volonté du suprême ordonnateur : tels sont les corps célestes, dont les révolutions s'accomplissent avec une invariable uniformité.
Quant aux êtres sujets à la corruption, leur être naturel peut leur faire défaut, mais cette défectuosité est compensée par l'avantage que d'autres en retirent; car la destruction de l'un donne lieu à la naissance de l'autre. Ils peuvent également s'écarter de l'ordre naturel dans leurs actions propres; mais cette irrégularité se trouve réparée par le bien qui en résulte. Il est donc évident que ceux-là mêmes qui semblent sortir de l'ordre fixé par le premier législateur ne peuvent cependant se soustraire à son empire; car tous les corps corruptibles ayant été créés par Dieu, il a sur eux un pouvoir absolu.
Pénétré de cette pensée et rempli de l'Esprit-Saint, le Psalmiste…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Chap. II. Tout agent agit pour une fin…I.Avant-propos.SUITE
Pénétré de cette pensée et rempli de l'Esprit-Saint, le Psalmiste, voulant nous montrer ce que c'est que le gouvernement divin, nous décrit d'abord la perfection du premier maître: dans sa nature, en lui donnant le nom de Dieu; dans sa puissance, en l'appelant le Seigneur souverain; dans son autorité, en disant qu'il est le grand roi qui règne sur tous les dieux (2); car quoique plusieurs aient le droit de commander, ils relèvent tous de son gouvernement.
— Le Psalmiste nous apprend ensuite de quelle manière s'exerce le gouvernement divin :
1º sur les intelligences, qui, en suivant la direction donnée par Dieu, atteignent par lui leur fin dernière, qui n'est autre que lui-même; c'est ce qu'exprime cette parole : Le Seigneur ne rejettera point son peuple;
2º sur les êtres sujets à la corruption, qui, tout en s'éloignant quelquefois du mode d'action qui leur est propre, ne sont cependant pas affranchis de l'autorité du maître suprême ; car tous les confins de la terre sont en sa main;
3º enfin, sur les corps célestes, qui sont beaucoup au-dessus de la terre ou des corps corruptibles, et restent toujours dans l'ordre établi par une disposition divine; c'est pourquoi il ajoute : Et ses regards s'étendent sur les hauteurs des montagnes.
— Il nous expose, en troisième lieu, la raison pour laquelle le gouvernement universel appartient à Dieu : c'est que les êtres créés par Dieu doivent nécessairement être régis par lui; et il rend sa pensée en disant : Car la mer est à lui; c'est son ouvrage, et ses mains ont formé la terre.
Puisque, dans le premier livre, nous avons traité de la perfection de la nature divine, et, dans le second, de la perfection de la puissance de Dieu considéré comme cause productrice et maître de toutes choses, nous allons, dans ce troisième livre, nous occuper de son autorité parfaite, c'est-à-dire de sa dignité, en l'envisageant comme la fin et le régulateur de toutes choses.
Nous adopterons donc l'ordre suivant. Nous nous occuperons d'abord de Dieu, en tant qu'il est la fin de tous les êtres [ch. 2 à 63]; ensuite, de son gouvernement appliqué à la création en général [ch. 64-110]; en troisième lieu, de ce même gouvernement appliqué spécialement aux créatures intelligentes [ch. 111-163].
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(2) Par ces dieux, il faut entendre, non-seulement les faux dieux ou les démons dont il est dit : Omnes dii gentium dæmonum (Ps. XCV, 5), mais encore les rois et les juges de la terre, auxquels Dieu adresse cette parole : Ego dixi: dii estis et filii Excelsi omnes (Ps. LXXXI, 6).
Dernière édition par Louis le Jeu 13 Juin 2024, 5:47 am, édité 1 fois (Raison : Insertion du lien: "ch. 2 à 63.")
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