Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la perfection divine.XXXI.La perfection divine et la pluralité des noms divins ne répugnent pas à la simplicité de Dieu.SUITE
Nous voyons quelque chose de semblable dans les facultés intellectuelles et les puissances actives de l'homme. L'intelligence, en effet, connaît, par une vertu unique, tout ce que la partie sensitive saisit au moyen de diverses puissances, et même beaucoup d'autres choses. Plus, même, l'intelligence est élevée, et plus elle connaît facilement, dans une seule chose, beaucoup d'autres qu'une intelligence inférieure n'arrive à découvrir qu'an moyen d'un grand nombre. La puissance royale s'étend à tout ce qui entre dans les attributions des divers pouvoirs établis au-dessous d'elle.
Ainsi donc Dieu, à raison de son être seul, qui est simple, possède toute espèce de perfection, et même une perfection plus grande que celle à laquelle peuvent arriver les créatures par différents moyens.
Il résulte de tout cela qu'il est nécessaire de donner plusieurs noms à Dieu. En effet, puisque nous ne pouvons le connaître naturellement qu'en remontant des effets jusqu'à lui, il faut que les noms qui nous servent à exprimer sa perfection soient variés comme les perfections que nous apercevons dans les créatures. Si nous pouvions comprendre son essence telle qu'elle est, et trouver un nom qui lui convienne en propre, nous l'exprimerions par un seul terme. C'est ce qui est promis à ceux qui verront Dieu dans son essence : En ce jour-là, il y aura un seul Seigneur, et son nom sera unique [Zach. XIV, 9].
Chap. XXXII. Aucun terme ne s’applique dans le même sens à Dieu et aux créatures.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la perfection divine.XXXII.Aucun terme ne s’applique dans le même sens à Dieu et aux créatures.
Il est clair, d'après ce qui vient d'être dit, que l'on ne peut donner le même sens à aucun des termes que l'on emploie en parlant de Dieu et fies créatures (1). Car :
1º L'effet, qui ne reçoit pas une forme semblable pour l'espèce à celle au moyen de laquelle l'agent entre en action, ne peut recevoir une dénomination tirée de cette forme et qui ait la même signification. Ainsi, on ne dit pas que le feu produit par le soleil est chaud de la même manière que le soleil. Il en est de même des êtres, qui ont Dieu pour cause. Leurs formes ne parviennent pas à égaler, quant à l'espèce, la vertu divine, puisqu'ils ne reçoivent que partiellement et particulièrement ce qui est en Dieu simplement et universellement. Il en résulte donc qu'on ne peut rien attribuer de la même manière à Dieu et aux créatures.
2º Si un effet entre dans la même espèce que la cause, il ne prend une dénomination identique et ayant le même sens, qu'autant qu'elle lui est donnée, à raison du même mode d'existence, de la même espèce ou de sa forme. On n'emploie pas, en effet, dans le même sens le terme de maison pour celle qui est encore dans l'esprit de l'architecte et pour celle qui est réellement construite, parce que la forme de la maison diffère dans les deux cas. Pour les créatures, lors même qu'elles arriveraient à avoir une forme absolument semblable à celle de Dieu, elles ne l'auraient pas à raison du même mode d'existence; car il n'y a rien en Dieu qui ne soit l'être divin lui-même [ch. 13], ce qu'on ne peut dire des autres êtres. Il est donc impossible de rien attribuer dans le même sens à Dieu et aux créatures.
3º Si l'on attribue quelque chose dans le même sens à plusieurs êtres, ce ne peut être que le genre, l'espèce, la différence, l'accident ou le propre. Or, on n'attribue rien à Dieu comme genre [ch. 25], ni pareillement comme différence, ni par conséquent comme espèce, puisqu'elle résulte du genre et de la différence. Il ne peut également se trouver en lui aucun accident [ch. 23]. D'où il suit qu'on ne doit rien prêter à Dieu comme accident ou comme propre; car le propre rentre dans le genre de l'accident. Donc il ne faut rien attribuer dans le même sens à Dieu et aux créatures.
4º Ce que l'on attribue à plusieurs dans le même sens est plus simple que chacun d'eux, au moins …
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(1) Le terme univocus désigne un attribut que l'on accorde purement et simplement à plusieurs êtrcs, dans le même sens et sans restriction .
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la perfection divine.XXXII.Aucun terme ne s’applique dans le même sens à Dieu et aux créatures.SUITE
4º Ce que l'on attribue à plusieurs dans le même sens est plus simple que chacun d'eux, au moins dans l'intelligence, or, on ne peut rien trouver qui soit ni en soi ni intellectuellement plus simple que Dieu. Rien donc ne s'applique également à Dieu et aux créatures.
5º Ce qui se dit de plusieurs dans le même sens, par participation, convient à chacun des êtres auxquels on l'attribue; car l'espèce participe au genre et l'individu à l'espèce. Pour Dieu, on ne peut rien lui attribuer par participation; car tout ce qui est ainsi acquis doit arriver au même mode que ce qui est partagé, et conséquemment on ne le possède que partiellement ou particulièrement, et non dans toute la perfection. Donc il ne faut rien affirmer de Dieu et des créatures dans le même sens.
6º Il est certain que si l'on affirme quelque chose de plusieurs êtres, en tenant compte d'un ordre de priorité et de postériorité (2), on ne peut le leur appliquer de la même manière; car ce qui est avant se trouve compris dans la définition de ce qui vient après, de même que la substance l'est dans la définition de l'accident considéré comme être. Si donc on appliquait dans le même sens le terme d'être à la substance et à l'accident, il faudrait aussi que la substance entrât dans la définition de l'être, en tant qu'on l'attribue à la substance, ce qui est évidemment impossible. Or, on n'attribue à Dieu et aux créatures rien qui soit dans le même ordre; mais on tient compte de la priorité et de la postériorité, puisque tout se dit essentiellement de Dieu. Quand on dit qu'il est un être, on le considère comme étant l'essence elle-même, et lorsqu'on l'appelle bon, on l'envisage comme la bonté même. Pour les autres êtres, on ne leur accorde rien que par participation. Par exemple, si l'on dit que Socrate est homme, on ne le prend pas pour l'humanité elle-même, mais comme étant revêtu de l'humanité. Il est donc impossible d'attribuer quelque chose dans le même sens à Dieu et aux créatures.
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(2) On applique le mot être à la substance, per prius, et à l'accident, per posterius, parce que l'être de la substance est indépendant de l'accident, tandis que celui de l'accident dépend de la substance.
Chap. XXXIII. On n’affirme rien de Dieu et des créatures par pure équivoque.
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De la perfection divine.XXXIII.On n’affirme rien de Dieu et des créatures par pure équivoque (1).
On doit encore conclure de ce qui précède que, dans tout ce qu'on affirme de Dieu et des créatures, il n'y il pas équivoque pure, comme il arrive pour les choses auxquelles le hasard seul a fait donner la même dénomination (2). En effet :
1º Quand plusieurs choses sont fortuitement équivoques, on n'aperçoit entre elles ni ordre ni rapport; mais c'est par pur accident que l'on donne le même nom à des objets différents, puisque la dénomination que l'on applique à l'un n'indique pas qu'il est coordonné avec l'autre. Il n'en est pas ainsi des noms que l'on donne à Dieu et aux créatures; car on tient compte dans cette communauté de noms de l'ordre de cause et d'effet, comme on le voit par ce qui a déjà été dit [ch. 29 et 32]. On n'affirme donc rien de Dieu et des autres êtres par pure équivoque.
2º Lorsqu'il y a pour des objets divers équivoque pure, on ne saisit entre eux aucune ressemblance, mais seulement un nom unique. Or, comme on doit le conclure de ce qui précède [ch. 29], il y a une certaine ressemblance entre les créatures et Dieu. Donc, si l'on désigne Dieu au moyen du même terme, il n'y a pas équivoque pure.
3º Si l'on affirme une même chose de plusieurs objets par pure équivoque, il est impossible d'arriver par l'un à la connaissance de l'autre; car ce n'est pas le terme, mais le sens du nom qui fait connaître une chose. Or, nous arrivons à connaître ce qu'il y a en Dieu au moyen de ce que nous apercevons dans les créatures [ch. 3 et 31]. Ce n'est donc pas par pure équivoque qu'on attribue ces qualités à Dieu et aux créatures.
4º L'équivoque du nom rend le raisonnement irrégulier et en fausse…
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(1) Un terme équivoque comprend des choses diverses entre elles et qui ont cependant une dénomination commune.
(2) Il y a cette différence entre l'équivoque pure ou fortuite et l'équivoque raisonnée, que la première s'entend d'une dénomination commune que le hasard seul a fait donner à. deux ou plusieurs objets de natures diverses, tandis que la seconde est fondée sur les rapports réels qui les rattachent l'un à l'autre. C'est ce qui résulte des explications données par saint Thomas lui-même dans ce chapitre et dans le suivant, où il désigne celle-ci sous le nom d'analogie.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la perfection divine.XXXIII.On n’affirme rien de Dieu et des créatures par pure équivoque (1).SUITE
4º L'équivoque du nom rend le raisonnement irrégulier et en fausse la marche. Si donc on n'affirmait rien de Dieu et des créatures que par pure équivoque, il serait impossible d'argumenter en parlant des créatures pour arriver à Dieu; ce qui détruirait la méthode adoptée par tous ceux qui traitent des choses divines.
5º C'est en vain qu'on impose un nom à un objet, s'il n'en fait pas comprendre quelque chose. Or, si l'on donne à Dieu et aux créatures le même nom par pure équivoque, les termes que l'on emploie ne nous font rien apercevoir en Dieu, puisque nous ne connaissons leur signification qu'en tant qu'ils s'appliquent aux créatures. Il serait donc inutile d'affirmer et de prouver que quelque chose appartient à Dieu, par exemple, qu'il est bon ou qu'il possède quelque autre qualité semblable.
Si l'on répond que nous savons seulement au moyen de ces noms ce que Dieu n'est pas, en sorte qu'en le disant vivant, nous prétendons seulement qu'il n'appartient pas au genre des êtres inanimés, et ainsi de suite, il faudra au moins que l'attribut vivant donné à Dieu et aux créatures revienne à la négation de l'inanimé, et par conséquence, il ne sera pas purement équivoque.
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(1) Un terme équivoque comprend des choses diverses entre elles et qui ont cependant une dénomination commune.
Chap. XXXIV. C’est par analogie que l’on affirme la même chose de Dieu et des créatures.
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De la perfection divine.XXXIV.C’est par analogie que l’on affirme la même chose de Dieu et des créatures.
Il résulte donc de ce que nous venons d'établir que, si l'on affirme quelque chose de Dieu et des créatures, ce n'est ni par pure équivoque, ni dans le même sens, mais simplement par analogie (1), c'est-à-dire selon l'ordre ou le rapport qui les rattache à un être unique.
C'est ce qui peut avoir lieu de deux manières :
D'abord, en ce que plusieurs choses se rapportent à une seule. Par exemple, on dit relativement à la santé unique: de l'animal, qu'il est sain, parce qu'il en est le sujet; de la médecine, qu'elle est saine, parce qu'elle la produit. On affirme la même chose de la nourriture, qui la conserve; et de l'urine, qui en est le signe.
Cela arrive, en second lieu, quand on examine l'ordre ou le rapport de deux choses, non relativement à une troisième, mais à l'une des deux. Ainsi, on applique le terme d'être à la substance et à l'accident, en ce sens que l'accident se rapporte a la substance, et non parce que la substance et l'accident se rapportent à une troisième chose.
Lors donc qu'on donne à Dieu et aux créatures les mêmes noms par analogie, ce n'est pas dans le premier sens, mais dans le second, parce que le premier supposerait un être plus ancien que Dieu (2).
Dans cette affirmation par analogie, on a quelquefois en vue le même ordre, et quant au nom et quant à la chose…
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(1) L'analogie existe lorsque des êtres entre lesquels il y a diversité se ressemblent cependant sous certains rapports.
(2) An moins rationnellement.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la perfection divine.XXXIV.C’est par analogie que l’on affirme la même chose de Dieu et des créatures.SUITE
Dans cette affirmation par analogie, on a quelquefois en vue le même ordre, et quant au nom et quant à la chose, et quelquefois un ordre différent. En effet, l'ordre du nom résulte de l'ordre de la connaissance, parce qu'il est le signe intelligible de la conception.
Si donc ce qui vient le premier quant à la chose se trouve être aussi le premier quant à la connaissance, le même est premier et quant à la raison du nom et quant à la nature de la chose. La substance, par exemple, est avant l'accident par sa nature, puisque la substance est la cause de l'accident. Elle le précède aussi dans l'ordre de connaissance, puisque la substance entre dans la définition de l'accident ; et par conséquent, on doit donner le nom d'être à la substance avant de l'accorder à l'accident, et quant à sa nature et quant à la raison du nom.
Si, au contraire, ce qui est antérieur par nature est postérieur d'après la connaissance, le même ordre ne se trouve plus dans l'analogie quant à la chose et quant à la raison du nom. Ainsi, la vertu de guérir qui réside dans les remèdes est naturellement antérieure à la santé qui est dans l'animal, de même que la cause précède l'effet. Mais parce que nous ne connaissons cette vertu que par l'effet, nous la nommons aussi d'après l'effet. Il en résulte que la faculté de guérir est la première suivant l'ordre de la chose; mais on dit tout d'abord que l’animal est sain, d'après la raison du nom.
Ainsi donc, parce que nous arrivons à connaître Dieu au moyen des créatures, les choses signifiées par les noms que l'on donne à Dieu et aux créatures sont premièrement en Dieu, suivant un mode qui lui est particulier; mais la raison du nom ne s'y trouve qu'en second lieu, et c'est ce qui fait dire qu'on le désigne d'après ses effets.
Chap. XXXV. Les noms divers que l’on donne à Dieu ne sont pas synonymes.
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De la perfection divine.XXXV.Les noms divers que l’on donne à Dieu ne sont pas synonymes.
Ce qui précède prouve également que les noms donnés à Dieu, bien que signifiant la même chose, ne sont cependant pus synonymes, parce qu'ils n'indiquent par le même rapport.
En effet, de même que des êtres divers sont assimilés à un être simple qui est Dieu, au moyen de leurs formes variées, ainsi notre intelligence lui est assimilée en quelque manière au moyen de ses conceptions diverses, c'est-à-dire qu'elle parvient à le connaître par différents rapports, qui sont les perfections des créatures.
Par conséquent, notre intelligence, en concevant plusieurs choses d'un être un, n’est ni fausse ni vaine, parce que cet être divin, malgré sa simplicité, est tel que plusieurs choses peuvent lui être assimilées à raison de leurs formes multiples, comme on l'a démontré plus haut [ch. 29 et 31].
Or, l'intelligence a trouvé, pour les donner à Dieu, des noms variés qui correspondent à ses conceptions diverses; et comme ils ne lui sont pas appliqués suivant le même rapport, ils ne sont évidemment pas synonymes, quoiqu'ils désignent une chose qui est absolument une. En effet, la signification du nom n'est pas la même, parce qu'il représente la conception de l'intelligence avant la chose que l'intelligence saisit.
Chap. XXXVI. Les propositions formulées par notre intelligence au sujet de Dieu ne sont pas vides de sens.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la perfection divine.XXXVI.Les propositions formulées par notre intelligence au sujet de Dieu ne sont pas vides de sens.
Il est également clair que notre intelligence ne formule pas inutilement des propositions au sujet de Dieu, être simple, ou composant et divisant, quoique la simplicité divine soit absolue.
En effet, quoique notre intelligence arrive à connaître Dieu au moyen de ses conceptions diverses, ainsi qu'on l'a déjà observé au chapitre précédent [ch. 35], elle comprend néanmoins que tout ce qui répond à ces conceptions est absolument un. L'intelligence n'attribue pas la manière dont elle comprend aux choses qu'elle comprend.
Ainsi, elle ne croit pas que la pierre soit immatérielle, quoiqu'elle l'a connaisse immatériellement. C'est pourquoi elle énonce l'unité d'une chose au moyen d'une composition verbale qui est une marque d'identité, lorsqu'elle dit : Dieu est bon ou la bonté même. En sorte que, s'il y a quelque diversité dans la composition, elle appartient seulement à l'intelligence, tandis que la chose qu'elle saisit conserve l'unité.
C'est pour cette raison que notre intelligence formule quelquefois, au sujet de Dieu, un jugement qui renferme la marque de la diversité et l'exprime par une préposition. Lorsqu'on dit, par exemple: La bonté est en Dieu, cette préposition indique une certaine diversité qui est dans l'intelligence, et une certaine unité qu'il faut rapporter à l'objet.
Chap. XXXVII. Dieu est bon.
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De la bonté divine.XXXVII.Dieu est bon.
De ce que nous avons démontré que Dieu est parfait, on peut conclure qu'il est bon. En effet :
1º Ce qui fait dire qu'une chose est bonne, c'est sa propre vertu; car la propre vertu de chaque chose fait qu'il y a du bon en elle et rend bonnes ses opérations. La vertu est une certaine perfection; car on dit qu’un être est parfait quand il a atteint sa propre vertu : c'est la doctrine d'Aristote (1). Tout être est donc bon, par cela seul qu'il est parfait, et c'est la raison pour laquelle chacun recherche sa perfection comme son bien propre. Or, il a été prouvé que Dieu est parfait [ch. 28]. Donc il est bon.
2º Nous avons démontré [ch. 13] qu'il y a un premier moteur immobile qui est Dieu. Il donne le mouvement en qualité de moteur complètement immobile, qui meut comme terme d'un désir (2). Or Dieu, tant le premier moteur immobile, est le premier objet désiré. On désire un objet dans deux cas: ou lorsqu’il est bon, ou lorsqu'il paraît tel, et celui qui est réellement bon l'emporte sur l'autre ; car celui qui le paraît seulement ne meut pas à cause de lui, mais parce qu'il a quelque apparence de bien, et le bien meut par lui-même. Donc le premier objet désiré, qui est Dieu, est réellement bon.
3º Le bien est ce que tous les êtres recherchent, ainsi que l'observe judicieusement le Philosophe (3). Or, tout recherche à sa manière l'être actuel ; ce qui paraît en ce que chaque chose, suivant sa nature, répugne à la corruption. L'être actuel constitue donc la raison du bien. D'où il suit que par la privation de l'acte la puissance arrive au mal, qui est l'opposé du bien. C'est encore une remarque du Philosophe (4). Or, Dieu est un être en acte et non en puissance [ch. 16]. Donc il est véritablement bon.
4º La communication de l'être et de la bonté vient de la bonté elle-même; ce qui se prouve par…
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(1), (3), (4) Ces notes sont libellées en latin. Sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
(2) Ou comme puissance attractive.
Dernière édition par Louis le Mar 15 Mar 2022, 4:43 pm, édité 2 fois (Raison : 15 mars 2022 @ 7:49: Correction du lien du chap. XXVIII.)
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la bonté divine.XXXVII.Dieu est bon.SUITE
4º La communication de l'être et de la bonté vient de la bonté elle-même; ce qui se prouve par la nature du bien et par sa raison, car naturellement le bien de chaque chose est son action et sa perfection. Or, toute chose agit parce quelle est en acte, et son action fait passer l'être et la bonté dans d'autres; c'est pourquoi le signe de la perfection d'un être, c'est, au sentiment du Philosophe, qu'il puisse produire son semblable (5).
La raison du bien consiste en ce qui est désirable; c'est une fin qui provoque l'action de l'agent, et voilà la raison qui fait dire que le bien tend à répandre son être pour le communiquer. Cette diffusion convient à Dieu; car il a été démontré [ch. 13] que Dieu, en tant qu'il est l'être existant nécessairement par lui-même, est la cause de l'existence des autres êtres. Il est donc véritablement bon. — Aussi nous lisons dans l'Écriture : Que le Dieu d'Israël est bon pour ceux qui ont le cœur droit [Ps. LXXII, 1]; et encore : Le Seigneur est bon pour ceux qui espèrent en lui, et pour l'âme qui le cherche [Jérém., Thren. III, 25].
Chap. XXXVIII. Dieu est sa propre bonté.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la bonté divine.XXXVIII.Dieu est sa propre bonté.
On déduit de tout cela que Dieu est sa propre bonté.
En effet : 1º L'être actuel est le bien de chaque chose. Or, Dieu n'est pas simplement un être en acte ; mais il est à lui-même son être, comme nous l'avons prouvé [ch. 22]. Donc il n'est pas seulement bon, mais la bonté même.
2º La perfection d'un être est sa bonté [ch. 37]. Or, la perfection de l'être divin n'implique pas quelque chose qui lui soit ajouté ; mais elle consiste en ce qu'il est parlait lui-même et en lui-même [ch. 28]. La bonté de Dieu n'est donc pas quelque chose ajouté à sa substance, mais sa substance est sa propre bonté.
3º Tout bien qui n'est pas sa propre bonté ne s'appelle bien que par participation, et tout ce qui ne s'appelle bien que par participation suppose avant soi quelque chose comme source de sa bonté. Or, il est impossible de remonter ainsi jusqu'à l'infini, qu'on ne saurait trouver dans les causes finales; car l'infini répugne à la fin, et le bien est une fin. Il faut donc arriver à un premier bien qui soit tel, non par participation et relativement à un autre, mais en vertu de son essence. Or, ce premier bien est Dieu; donc Dieu est sa propre bonté.
4º Ce qui est peut participer à quelque chose; mais l'être lui-même ne peut participer à rien; car ce qui participe ainsi est par cela même une puissance, tandis que l'être est un acte. Or, Dieu est l'être lui-même [ch. 22]. Donc il est bon essentiellement et non par participation.
5º Tout ce qui est simple possède comme unité son être et ce qu'il est; car s'il était une chose et une autre chose, sa simplicité disparaîtrait. Or, Dieu est tout-à-fait simple [ch. 18]. Donc le bien n'est autre que lui-même; donc il est sa propre bonté.
Il est clair, pour la même raison, qu'aucun autre bien n'est sa propre bonté. C'est pour cela qu'il est dit dans l'Évangile: Personne n'est bon que Dieu seul [Marc, X, 18; Luc, XVIII, 19)].
Chap. XXXIX. Le mal ne peut pas se trouver en Dieu.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la bonté divine.XXXIX.Le mal ne peut pas se trouver en Dieu.
Il est évident, par là même, que le mal ne peut pas se trouver en Dieu. En effet :
1º L'être et la bonté et tout ce qui est compris sous le nom d'essence n'admettent aucun mélange avec ce qui leur est étranger, quoique ce qui est bien puisse avoir quelque chose en dehors de l'être et de la bonté; car rien n'empêche que le sujet d'une perfection soit, aussi le sujet d'une autre : par exemple, ce qui est un corps peut être blanc et doux. Chaque chose est renfermée dans les limites de sa raison [ou nature] ; en sorte qu'elle ne peut contenir en elle-même rien d'étranger. Or, Dieu est non-seulement bon, mais la bonté même [ch. 37 et 38]. II ne peut donc y avoir en lui rien qui ne soit la bonté, et par conséquent, il est absolument impossible que le mal existe en lui.
2º Ce qui est opposé à l'essence d'une chose ne peut lui convenir eu aucune façon, tandis qu'elle reste la même. Ainsi, il ne peut convenir à l'homme d'être irraisonnable ou insensible, à moins qu'il ne cesse d'exister comme homme. Or, l'essence divine est la bonté même [ch. 38]: donc le mal, qui est opposé au bien, ne peut se trouver en Dieu, à moins qu'il ne cesse d'exister; ce qui est impossible, puisqu'il est éternel, comme on l'a démontré [ch. 13].
3º Puisque Dieu est à lui-même son être, on ne peut rien lui attribuer par participation, comme le prouve la raison qu'on vient de donner [ch. 38]. Si donc on lui attribuait le mal, ce ne serait pas par participation, mais en vertu de son essence. Or, on ne peut attribuer le mal à aucun être comme sou essence; car il serait privé de l'être, qui est un bien [ch. 27]. D'un autre côté, le mal ne saurait souffrir aucun mélange avec ce qui lui est étranger, non plus que le bien. Donc on ne peut attribuer le mal à Dieu.
4º Le mal est opposé au bien…
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Chap. XL. Dieu est le bien de tout bien.De la bonté divine.XXXIX.Le mal ne peut pas se trouver en Dieu.SUITE
4º Le mal est opposé au bien. Or, la nature ou la raison du bien consiste dans la perfection. Donc la raison du mal est dans l'imperfection. Or, il ne peut se rencontrer en Dieu, qui est, véritablement parfait, aucun défaut ou imperfection [ch. 28]. Donc le mal ne peut pas exister en lui.
5º Un être est parfait selon qu'il est en acte. Donc il sera imparfait autant qu'il s'éloignera de l'acte. Donc le mal est une privation ou renferme une privation, ou n'est rien. Or, le sujet d'une privation est une puissance, et cela ne peut pas être en Dieu. Donc le mal ne peut pas s'y trouver davantage.
6º Si le bien est ce que tout être recherche, la nature de chaque être évite le mal en tant que mal. Or, ce qui est pour un être contraire à l'impulsion de son appétit naturel est forcé et en dehors de sa nature. Le mal est donc, pour tout être, violent et en dehors de sa nature, en tant que c'est pour lui un mal, quoiqu'il puisse lui être naturel sous un certain rapport, ainsi qu'il arrive dans les êtres composés. Or, Dieu n'est pas composé et il ne peut y avoir en lui rien de forcé ou qui soit en dehors de sa nature [ch. 19]. Donc le mal ne peut exister en Dieu.
Cette vérité est confirmée par les livres saints. Nous y trouvons ces paroles : Dieu est lumière et il n'y a pas de ténèbres en lui [Joan. I, 5]; et ailleurs: Loin de Dieu une injuste rigueur; loin du Tout-Puissant l'iniquité [Job. XXXIV, 10].
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la bonté divine.XL.Dieu est le bien de tout bien.
Ce qui précède montre que Dieu est le bien de tout bien. En effet :
1° La bonté d'un être est sa perfection [ch. 38]. Or Dieu, étant simplement parfait, comprend dans sa perfection toutes les perfections des êtres [ch. 28]. Donc il comprend toutes les bontés dans sa bonté, et par conséquent, il est le bien de tout bien.
2º L'être auquel on attribue une qualité par participation ne la reçoit qu'autant qu'il a quelque ressemblance avec celui auquel on la donne en vertu de son essence. On dit, par exemple, que le fer est igné, parce qu'il participe en quelque manière à la ressemblance du feu. Or, Dieu est bon par essence, et toutes les créatures sont bonnes par participation [ch. 38]. Donc si l'on dit d'un être qu'il est bon, ce n'est qu'autant qu'il a une certaine ressemblance avec la divine bonté. Donc Dieu est lui-même le bien de tout bien.
3º Comme chaque chose n'est désirable que pour une fin, et que la raison du bien consiste en ce qu'il est désirable, ce que l'on dit bon est nécessairement envisagé ainsi, ou parce que c'est une fin, ou parce que cela se rapporte à une fin. C'est, donc de la Jin dernière que tout reçoit la bouté. Or, cette fin est Dieu, comme on le prouvera plus loin [ch. 74]. Donc Dieu est le bien de tout bien.
C'est, pour cela que Dieu, promettant de se montrer à Moïse, lui dit: Je vous ferai voir tout le bien [Exod. XXXIII,19]. Il est encore écrit de la sagesse. Tous les biens me sont venus avec elle [Sap. VII, 11].
Chap. XLI. Dieu est le souverain bien.
Dernière édition par Louis le Dim 03 Juil 2022, 6:47 am, édité 1 fois (Raison : Insertion du lien du chapitre 74.)
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De la bonté divine.XLI.Dieu est le souverain bien.
La vérité que nous venons d'établir prouve encore que Dieu est le souverain bien. En effet:
1º Le bien universel l'emporte sur tout bien particulier: par exemple, le bien d'une nation est préférable au bien d'un individu; car la bonté du tout et sa perfection passent avant la bonté et la perfection de la partie. Or, la divine bonté, mise en comparaison avec tout ce qui existe, est comme le bien universel par rapport ou bien particulier, puisque Dieu est le bien de tout bien, ainsi que le prouve le chapitre précédent. Donc il est lui-même le souverain bien.
2° On est plus dans la vérité en qualifiant un objet d'après son essence qu'en lui accordant une qualité par participation. Or, Dieu est bon en vertu de son essence, et les créatures ne sont bonnes que par participation [ch. 38]. Donc Dieu est lui-même le souverain bien.
3º L'être le plus grand de chaque genre est la cause des autres qui sont compris dans le même genre; car la cause est plus considérable que l'effet. Or, c'est de Dieu que tout a reçu ce qui constitue le bien [ch. 40]. Donc il est lui-même le souverain bien.
4º De même que l'objet le plus blanc est celui qui est le moins mélangé de noir, de même celui qui est le moins mélangé de mal est le meilleur. Or, Dieu est au suprême degré exempt de tout mélange avec le mal, qui ne peut être en lui ni en acte, ni en puissance, et cela à raison de sa nature [ch. 39]. Donc il est lui-même le souverain bien.
C'est pourquoi on lit dans l'Écriture : Personne n'est saint comme le Seigneur [I Reg. II, 2].
Chap. XLII. Dieu est un.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’unité de Dieu.XLII.Dieu est un.
Cela démontré, il est évident que Dieu doit être un. En effet:
1º Il est impossible qu'il y ait deux souverains biens; car ce qu'on affirme par surabondance doit se trouver dans un seul être. Or, Dieu est le souverain bien [ch. 41]. Donc Dieu est un.
2º Il a été prouvé que Dieu est absolument parfait et qu'il ne lui manque aucune perfection [ch. 28]. Si donc il y a plusieurs dieux, il faut aussi qu'il y ait plusieurs êtres parfaits comme lui. Or, cela est impossible; car s'il ne manque à aucun d'eux aucune perfection, et qu'aucun ne soit mélangé de quelque imperfection, ce qui est indispensable pour qu'une chose soit absolument parfaite, il n'y aura rien qui serve à les distinguer entre eux. On ne peut donc admettre plusieurs dieux.
3º Une chose est meilleure si, pouvant bien être faite par un seul, elle est réellement faite par lui plutôt que par plusieurs. Or, l'ordre de l'univers est aussi bon qu'il peut être (1); car la puissance du premier agent ne fait pas défaut à la puissance qui se trouve dans les êtres pour atteindre la perfection, et tous se complètent suffisamment en les ramenant à un principe unique. Donc il n'y a pas lieu de supposer plusieurs principes.
4º Il est impossible que le mouvement unique et continu qui règle…
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(1) Cette proposition de saint Thomas se trouve expliquée dans sa Somme théologique. A cette question: Dieu peut-il rendre meilleures les choses qu'il fait ? il répond : Dieu ne peut pas rendre meilleure une chose substantiellement, mais accidentellement. Cependant, il peut simplement faire une autre chose meilleure que toutes celles qu'il a faites. En voici la raison. Il y a deux sortes de bontés dans une chose. L'une provient de l'absence même de la chose; par exemple, il est essentiel à l'homme d'être raisonnable. Et quant à cette espèce de bonté, Dieu ne peut faire qu'une chose devienne meilleure qu'elle n'est en elle-même, quoiqu'il puisse faire une autre chose meilleure qu'elle; de même qu'il ne peut rendre plus grand le nombre quatre, car s'il devenait plus grand, ce ne serait plus le nombre quatre, mais un autre nombre. En effet, l'addition de la différence substantielle dans les définitions produit le même résultat qui l'addition de l'unité dans les nombres. La seconde espèce de bonté est en dehors de l'essence de la chose: ainsi, il est bon pour l'homme d'être vertueux ou sage; et, quant à cette bonté, Dieu peut rendre meilleures les choses qu'il a faites. Néanmoins, il est permis de dire simplement que Dieu peut produire d'autres êtres meilleurs que ceux qu'il a créés.
Le saint Docteur, pour répondre à la troisième objection, tire cette conséquence : L'univers, en supposant ce qui existe, ne peut être meilleur, parce que l'ordre établi par Dieu entre tous les êtres est très convenable, et que dans cet ordre consiste le bien de l'univers. En effet, si l'un des êtres devenait meilleur, la proportion qui maintient l'ordre entre eux serait détruite; de même que si une corde était plus tendue qu'il ne faut, la harpe cesserait de rendre des sons harmonieux. Cependant, Dieu pourrait créer d'autres êtres, ou bien en ajouter à ceux qu'il a déjà créés; et dans ce sens, l'univers deviendrait meilleur (I, p., q. 25, a. 6).
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’unité de Dieu.XLII.Dieu est un.SUITE
4º Il est impossible que le mouvement unique et continu qui règle chaque chose soit produit par plusieurs moteurs. En effet, s'ils impriment le mouvement en même temps, aucun d'eux n'est un moteur parfait, mais tous ensemble tiennent lieu d'un seul moteur parfait: ce qui ne saurait convenir au premier moteur; car le parfait est avant l'imparfait. Si, au contraire, ils n'impriment pas le mouvement ensemble, chacun d'eux est tantôt en action et tantôt en repos. Il en résulte que le mouvement n'est ni continu ni régulier; car le mouvement continu et unique vient d'un seul moteur, et le moteur qui ne meut pas toujours meut irrégulièrement, comme on le voit dans les moteurs inférieurs, pour lesquels le mouvement, violent et rapide dans le principe, se relâche vers la fin, tandis que c'est l'opposé pour le mouvement naturel (2). Or, le premier mouvement est un et continu, ainsi que les philosophes l'ont prouvé (3). Donc le moteur qui le produit doit être un.
5º La substance corporelle se rapporte à la substance spirituelle comme à son bien; car cette bonté est plus complète, à laquelle la substance corporelle tend à s'assimiler, puisque tout ce qui existe désire atteindre le meilleur, autant que cela est possible. Or, on trouve que tous les mouvements de la créature corporelle se réduisent à un premier mouvement unique, au-delà duquel il n'en existe point d'autre premier que l'on ramène à lui d'aucune manière. Donc il n'y a point, en dehors de la substance spirituelle qui est la fin du mouvement premier, d'autre substance qui ne revienne pas à elle-même. Or, c'est ce que nous entendons désigner sous le nom de Dieu. Donc il n'y a qu'un seul Dieu.
6º L'ordre qui existe entre tous les êtres divers, qui sont mis en rapport les uns avec les autres…
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(1) Le mouvement naturel, c'est à-dire celui qui est déterminé par les lois générales et constantes de la nature est régulier et conserve toujours la même intensité.
(2) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
[De l’unité de Dieu.XLII.Dieu est un.SUITE
6º L'ordre qui existe entre tous les êtres divers, qui sont mis en rapport les uns avec les autres, a pour cause l'ordre qui les rattache à un être unique. Par exemple, l'ordre qu'on aperçoit entre les parties d'une armée résulte du rapport de l'armée entière avec son général. En effet, si des êtres divers sont unis entre eux par une certaine disposition, cela ne provient pas de leurs propres natures qui causent cette diversité, parce qu'elles établiraient plutôt une distinction entre eux; ni des divers ordonnateurs, car ils ne pourraient pas rechercher d'eux-mêmes, et en tant qu'ils sont divers, un ordre unique.
Ainsi, ou l'ordre qui rattache plusieurs êtres les uns aux autres est accidentel, ou il faut le rapporter à un premier ordonnateur unique qui dispose tous les autres êtres en raison de la fin qu'il veut atteindre. Or, nous trouvons qu'il existe quelque rapport entre toutes les parties de ce monde, en tant que les unes reçoivent l'aide des autres. Nous en avons un exemple dans les corps inférieurs, qui sont mis en mouvement par les supérieurs, et ceux-ci par les substances incorporelles, comme on le voit par ce qui a été dit [ch. 13]. Cet effet n'est pas un accident, puisqu'il persévère toujours, du moins dans la plus grande partie des êtres. Donc tout ce monde n'a qu'un seul ordonnateur et un administrateur unique, De plus, il n'y a pas d'autre monde que celui-ci. Donc il n'y a pour gouverner toutes choses qu'un seul être que nous appelons Dieu.
7º S'il y a deux êtres qui aient l'un et l'autre une existence nécessaire, ils doivent avoir pour point de ressemblance la même raison de cette nécessité d'être. Il faudra donc les distinguer par une addition, qui sera faite ou seulement à l'un d'eux ou à tous les deux ensemble ; et il en résultera ou que l'un d'eux sera composé, ou qu'ils le seront tous deux. Or, rien de ce qui est composé n'existe nécessairement par soi-même, ainsi qu'on l'a démontré plus haut [ch. 18]. il est donc impossible qu'il y ait plusieurs êtres ayant chacun une existence nécessaire, et par conséquent plusieurs dieux.
8º Ce qui constitue la différence des êtres ayant en commun, comme on le prétend…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’unité de Dieu.XLII.Dieu est un.SUITE
8º Ce qui constitue la différence des êtres ayant en commun, comme on le prétend, la nécessité de leur existence, est en quelque manière indispensable pour rendre cette nécessité complète ou ne l'est pas du tout.
Si cette différence n'est pas indispensable, c'est donc quelque chose d'accidentel, parce qu'on doit considérer comme accident tout ce qui survient dans un objet sans modifier son être. Donc cet accident reconnaît une cause. Donc cette cause est, ou l'essence de l'être qui existe nécessairement, ou quelque autre chose.
Si c'est son essence, comme cette essence est pour lui la nécessité même d'exister [ch. 16], la nécessité d'exister sera la cause de l'accident. Or, nous trouvons dans chacun d'eux la même nécessité d'exister. Donc chacun d'eux aura aussi cet accident, qui conséquemment ne pourra pas servir à les distinguer.
Si, au contraire, la cause de cet accident est autre chose que l'essence, en supposant que cette autre chose n'existât pas, l'accident n'existerait pas non plus; et si cet accident n'existait pas, la distinction dont on a parlé disparaîtrait. Donc, si cette autre chose n'existait pas, les deux êtres que l'on suppose comme existant nécessairement ne seraient pas deux, mais se réduiraient à un seul. Donc l'être propre à chacun d'eux dépend d'un autre, et par conséquent, ni l'un ni l'autre n'existe nécessairement par soi-même.
Si la différence qui les distingue est indispensable pour compléter la nécessité de leur existence, ce sera ou parce que en qui la constitue se trouvera compris dans la raison de cette nécessité : comme, par exemple, être animé est renfermé dans la définition de l'animal; ou parce quelle spécifiera la nécessité d'être, de même que l'animal se complète par le raisonnable.
Dans le premier cas, partout où se rencontrera la nécessité d'être, devra aussi se rencontrer ce qui est compris dans sa raison : par exemple, s'il convient à quelque chose d'être animal, il lui convient aussi, par là même, d'être animé. Par conséquent, comme on attribue en même temps la nécessité d'exister aux deux êtres dont il s'agit, on ne pourra s'en servir pour les distinguer.
Dans le second cas, on retombe dans la même impossibilité ; car la différence, spécifiant le genre, ne complète pas sa raison, mais elle lui donne l'être en acte. En effet, la raison du terme animal est complète avant l'addition du terme raisonnable. Cependant l'animal ne peut être en acte s'il n'est raisonnable ou privé de raison. Si donc quelque chose complète la nécessité d'exister, c'est quant à l'être en acte et non quant à la raison de cette nécessité; ce qui ne se peut pour deux raisons: d'abord parce que la quiddité de ce qui existe nécessairement n'est autre que son être [ch. 22]; en second lieu, parce qu'il en résulterait que ce qui est nécessaire arriverait à être par le moyen d'un autre, ce qu'on ne saurait admettre. Il est donc impossible de supposer plusieurs êtres dont chacun existerait nécessairement par soi-même.
9º S'il y a deux dieux, on leur donne le nom de Dieu dans le même…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’unité de Dieu.XLII.Dieu est un.SUITE
9º S'il y a deux dieux, on leur donne le nom de Dieu dans le même sens ou bien par équivoque.
Si c'est par équivoque (1), cela se trouve en dehors de la question présente; car rien n'empêche de donner, à n'importe quel objets quelque nom que ce soit par équivoque, si l'usage le permet.
Si, au contraire, on leur donne ce nom dans le même sens, on doit le leur appliquer suivant la même manière d'être, et par conséquent, il y a dans tous les deux une nature unique quant à la manière d'être. Cette nature se trouvera donc dans tous les deux sens le rapport d'un être unique ou sous le rapport de deux êtres différents. Dans le premier cas, ils ne seront pas deux, mais seulement un; car deux objets ne peuvent avoir un être unique s'ils sont substantiellement distincts. S'il y a, au contraire, dans chacun d'eux un être différent, ni l'un ni l'autre ne sera sa quiddité ou son être: ce qui est nécessaire en Dieu [ch. 22]. Donc ni l'un ni l'autre ne sera ce que nous comprenons sous le nom de Dieu, et par conséquent on ne peut supposer deux dieux.
10º Il répugne que rien de ce qui convient à tel être déterminé…
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(1) Voir la note 1 du chap. XXXIII. => Un terme équivoque comprend des choses diverses entre elles et qui ont cependant une dénomination commune.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
[De l’unité de Dieu.XLII.Dieu est un.SUITE
10º Il répugne que rien de ce qui convient à tel être déterminé, en tant qu'il est cet être déterminé, convienne aussi à un autre; car l'existence singulière d'une chose ne se trouve dans aucune autre que dans cette chose singulière elle-même. Or, la nécessité d'être convient à ce qui est nécessairement, en tant que le sujet a cet être déterminé. Donc il est impossible qu'elle convienne à quelque autre. Ainsi il ne peut exister plusieurs êtres ayant tous une existence nécessaire, et par conséquent il est impossible qu'il y ait plusieurs dieux.
La mineure se prouve ainsi : Si l'être dont l'existence est nécessaire n'est pas cet être déterminé, en tant qu'il existe nécessairement, il en résulte que la désignation de son être n'a rien de nécessaire en elle-même, mais dépend de quelque autre. Or, tout être, selon qu'il est en acte, est distinct de tous les autres; et c'est là précisément ce qu'on entend par être déterminé. Donc ce qui est nécessairement dépend d'un autre en tant qu'être en acte ; ce qui est opposé a la notion de l'être nécessaire. Donc ce qui a une existence nécessaire n'est tel qu'en tant qu'il est déterminé.
11º La nature représentée par le nom de Dieu est individualisée dans ce Dieu par elle-même ou par quelque autre chose. Si c'est par autre chose, il y aura nécessairement composition. Si c'est par elle-même, il est impossible qu'elle convienne à un autre être; car ce qui est le principe de l'individualité ne peut être commun à plusieurs. Donc il ne peut exister plusieurs dieux.
12º S'il y a plusieurs dieux, la nature divine ne peut être unique dans chacun d'eux. Donc elle doit être distinguée dans chacun d'eux par quelque signe particulier. Or, cela est impossible, parce que la nature divine n'admet ni addition, ni différence essentielle ou accidentelle [ch. 23 et 24]. Elle n'est pas non plus la forme d'une certaine matière, en sorte qu'elle se trouve divisée par la division de la matière. Donc il ne peut y avoir plusieurs dieux.
13º L'être abstrait est unique. Par exemple,…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’unité de Dieu.XLII.Dieu est un.SUITE
13º L'être abstrait est unique. Par exemple, si l'on considère la blancheur comme abstraite, elle sera unique. Or, Dieu est l'être abstrait par essence, puisqu'il est à lui-même son être [ch. 22]. Donc il ne peut exister qu'un seul Dieu.
14º L'être propre de chaque chose est unique. Or; Dieu est à lui-même son être [ch. 22]. Donc il ne peut exister qu'un seul Dieu.
15° Une chose a l'être de la même manière qu'elle possède l'unité.
C'est ce qui fait que chaque chose répugne autant qu'elle le peut à être divisée, de peur d'arriver par là au non-être. Or, l'être est surtout la propriété de la nature divine. Donc on doit trouver en elle l'unité la plus parfaite. Donc, par conséquent, on ne peut en aucune façon la distinguer en plusieurs.
16º Nous voyons que dans chaque genre la multitude procède de l'unité. C'est pourquoi l'on trouve dans quelque…
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’unité de Dieu.XLII.Dieu est un.SUITE
16º Nous voyons que dans chaque genre la multitude procède de l'unité. C'est pourquoi l'on trouve dans quelque genre que ce soit un premier être qui est la mesure ou le type de tous ceux qu'il comprend dans son étendue. Donc tous les êtres qui se réunissent dans un genre unique doivent dépendre d'un certain être unique. Or, tout ce qui existe se réunit dans l'être. Donc il y a nécessairement un être absolument unique qui est le principe de toute chose, et cet être est Dieu.
17º Dans tout gouvernement, celui qui préside désire l'unité. C'est ce qui fait qu'entre tous les gouvernements le plus parfait est la monarchie ou la royauté. On voit également qu'il y a une seule tête pour plusieurs membres; et cela nous montre avec évidence que celui qui gouverne doit avoir l'unité. Il faut donc admettre de même et confesser simplement un seul Dieu, qui est la cause de tous les êtres.
Nous pouvons appuyer la démonstration de l'unité de Dieu par l'autorité des livres sacrés : Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est le Dieu unique [Deuter. VI, 4]. Tu n'auras pas de dieux étrangers en ma présence [Exod. XX, 3]. Il y a un seul Seigneur et une seule foi [Ephés. IV, 5].
Cette vérité détruit l'erreur des Gentils, qui font profession d'admettre une multitude de dieux. Plusieurs cependant, parmi eux, ont enseigné qu'il y a un seul dieu suprême et créateur de tous les autres qu'ils appellent également dieux. Ils ont accordé le nom qui convient à la Divinité à toutes les substances qui ne doivent pas finir, et cela principalement parce qu'ils leur attribuaient la sagesse, le bonheur et le gouvernement du monde. Nous trouvons la même manière de parler dans la Sainte-Écriture, qui appelle dieux les saints anges ou même des hommes et des juges. On peut citer pour exemples ces passages : II n'y en a point parmi les dieux qui soit semblable à vous. Seigneur [Ps. LXXXV, 8]; et encore : J'ai dit : Vous êtes des dieux [Ps. LXXXI, 6]; et beaucoup d'autres semblables répandus dans les livres inspirés.
Nous voyons aussi combien sont ennemis de cette vérité les Manichéens, qui admettent deux premiers principes, dont l'un n'est pas la cause de l'autre. Les Ariens l'ont également combattue lorsque, se voyant forcés par l'autorité de l'Écriture de confesser que le Fils est vrai Dieu, ils ont enseigné que le Père et le Fils sont deux dieux distincts et non pas un seul.
Chap. XLIII. Dieu est infini.
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Re: Somme contre les Gentils (suite) : Livre premier.
De l’infinité de Dieu.XLIII.Dieu est infini.
Puisque, selon le sentiment des philosophes, l'infini résulte de la quantité (1), on ne saurait attribuer à Dieu l'infinité, à raison de la multitude, puisqu'il n'y a qu'un seul Dieu, qui n'admet aucune composition de parties ou d'accidents [ch. 42]. On ne peut pas dire davantage qu'il est infini comme quantité continue; car il est incorporel [ch. 20]. Il reste donc à rechercher s'il est infini comme grandeur spirituelle.
On considère cette grandeur spirituelle sous deux rapports, quant à la puissance et quant à la bonté ou état complet de sa propre nature. On dit, en effet, qu'une chose est plus ou moins blanche, selon que sa blancheur est plus ou moins complète. On apprécie aussi la grandeur de la vertu par la grandeur de l'action. Parmi ces grandeurs, l'une est la conséquence de l'autre ; car par cela même qu'un être est en acte, il est actif, et le degré dans lequel il se complète dans son acte détermine le degré atteint par la grandeur de sa vertu; d'où il suit qu'on regarde comme grandes les choses spirituelles, suivant le degré dans lequel elles se complètent. C'est ce qui fait dire à saint Augustin que, parmi les choses dont la grandeur ne se mesure pas par la masse, celle-là est la plus grande, qui est la meilleure quant à l'être (2).
Nous avons donc à démontrer que Dieu est infini dans ce genre de grandeur; car nous ne prenons pas le terme d'infini dans le sens de privation, comme on le fait pour la quantité des dimensions ou des nombres, qui, par elle-même, doit avoir un terme. C'est pour cela que si l'on qualifie d'infinis (3) certains êtres, c'est à raison de la soustraction de ce qu'ils doivent naturellement avoir; et il en résulte que pour eux le terme d'infini ne signifie autre chose que l'imperfection. En Dieu, au contraire, on ne conçoit que l'infini négatif, parce que sa perfection n'a ni terme ni fin; mais il est souverainement parfait, et par conséquent, on doit le considérer comme infini. En effet :
1º Tout ce qui est fini quant à sa nature appartient à un certain genre. Or, Dieu…
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(1), (2), Ces notes sont libellées en latin. Sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
(3) Le terme infini est pris ici dans le même sens que non fini ou non complet.
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