Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.

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Message  Louis Mer 16 Aoû 2017, 8:04 am

La construction du monastère se poursuit toujours, malgré cette épreuve.

(suite)

Cependant, quelque temps après son arrivée à Montréal, dans l'été de 1642, Mme de la Peltrie qu'elle « cherchait à y faire un second établissement de son Ordre, au cas qu'elle rentrât, disait-elle, dans la jouissance de son bien 1 ». Son zèle pour la conversion des sauvages était si sincère, qu'elle songea sérieusement à se rendre jusqu'aux lointaines et difficiles missions du lac Huron. Elle avait fait même préparer à ses frais, pour cela, un grand canot de voyage et retenu des canoteurs, quand un Père jésuite qui arrivait de ces missions l'en dissuada complètement.

Que nos lecteurs se rassurent; ils la verront bientôt revenir à ce doux bercail qu'elle vient d'abandonner. Mais, à son retour, elle trouvera sa famille adoptive établie dans un monastère aux vastes proportions et peuplé de nombreux enfants. Comment ce miracle fut-il accompli?

« Si les documents du temps n'en disent rien, les faits parlent d'eux-mêmes, disent les mémoires des Ursulines de Québec. D'où vinrent en effet les 50,000 lb 2, que coûta ce monastère de 92 X 28, en pierre à trois étages? De la France sans doute, en bonne partie, par le moyen de M. de Bernières, gérant des biens de la fondatrice, des communautés de Paris et de Tours, et autres bienfaiteurs dont la liste a été conservée par nos anciennes Mères. Mais cette liste même est une preuve manifeste de l'intervention divine. En effet, le total des sommes reçues, de 1640 à 1651, est de 23,332 lb., en moyenne 2,000 lb. par année, à l'exception de 1645, où la reine fit un don de 2,000 lb. On reçut aussi des effets et des rafraîchissements, mais en petite quantité, la Mère de l'Incarnation demandant surtout de l'argent pour hâter les travaux et rendre le monastère habitable, tant pour les religieuses que pour les élèves françaises et les séminaristes sauvages. Que l'on considère maintenant que les accidents sur mer, comme en 1643 où fut perdu le vaisseau qui apportait aux Ursulines, aussi bien qu'aux révérends Pères et à l'Hôtel-Dieu, la plus grande partie des provisions et autres secours, obligèrent souvent d'appliquer une partie des sommes reçues aux nécessités les plus urgentes, la détresse étant telle que, dans la circonstance dont nous parlons, ces belles paroles s'échappaient du cœur de la vénérée Mère : « Dieu nourrit les oiseaux du ciel et les animaux de la terre, nous laisserait-il mourir ! »

« Comment donc fut bâti et payé ce monastère? Dieu multiplia-t-il entre les mains de la vénérée Mère Marie de l'Incarnation, comme on sait qu'il le fit plus tard dans la reconstruction, les offrandes de la charité? Nous le croyons sans peine 1. »

Ce grand miracle paraît, en effet, bien probable. On ne saurait expliquer autrement le succès d'une telle entreprise. Du reste, toute la vie de notre vénérée Mère semble n'avoir été que la preuve évidente que Dieu n'abandonne jamais ceux qui mettent en lui leur confiance.

C'était au mois de juin de cette même année que devaient avoir lieu...
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1 Nos lecteurs se rappellent qu'on fit en France la plus vive opposition à ce que Mme de la Peltrie entrât dans la pleine possession de ses droits. — 2 Cette valeur monétaire équivalait à peu près â la moitié de l'ancienne livre française.1 Les Ursulines de Québec, t. Ier, p. 75.

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Message  Louis Jeu 17 Aoû 2017, 6:57 am

La Mère Marie de l'Incarnation est confirmée pour trois ans dans sa charge de supérieure.

C'était au mois de juin de cette même année que devaient avoir lieu, d'après les constitutions générales de l'Ordre, les élections pour une nouvelle supérieure. Depuis le départ de Tours, la Mère de l'Incarnation en avait exercé les fonctions en vertu, nous l'avons dit, d'une délégation spéciale de Mgr l'archevêque de cette ville. Mais depuis lors, trois ans s'étaient écoulés, au terme desquels les Ursulines de Québec devaient procéder à des élections canoniques.

Elles furent présidées par le R. P. Vimont, supérieur général des missions de la Nouvelle-France. Il fut décidé que notre Mère Marie de l'Incarnation, n'ayant exercé, pendant les trois années précédentes, les fonctions de supérieure que d'une manière extraordinaire, c'est-à-dire sans avoir été nommée par la communauté, pouvait être élue ; ce qui fut fait, à la grande joie de toute la famille de Sainte-Ursule.

Notre vénérée Mère reprit donc, pour trois ans encore, le fardeau du gouvernement de sa chère communauté. Grâce à ses soins, à son ardeur infatigable, et plus encore à une merveilleuse intervention du Ciel, on voyait s'élever chaque jour, dans la partie haute de Québec, une grande et belle maison qui faisait l'admiration de  toute la petite colonie canadienne. C'était la demeure que notre Mère était venue bâtir pour Jésus, Marie, Joseph, dans le nouveau monde. Nous ne sommes encore qu'à l'été de 1644 ; trois ans ont suffi pour l'accomplissement de cette merveille. Quelques semaines encore, et nos chères Ursulines pourront aller habiter dans leur premier monastère.
A suivre : Chapitre V. UNE JEUNE CAPTIVE CHEZ LES IR0QU01S

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Message  Louis Ven 18 Aoû 2017, 8:47 am

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CHAPITRE V

UNE  JEUNE CAPTIVE CHEZ LES IR0QU0IS

Confitebor tibi in gentibits, Domine.
Seigneur,  je confesserai votre nom au sein des nations idolâtres.
(II Rois,XXII, 50.)

Divers détails sur les progrès de la foi chez les sauvages et les petites élèves des Ursulines.

En retraçant à grands traits l'histoire de la communauté naissante, nous ne devons oublier ni le succès de l'apostolat de nos vaillantes Ursulines, ni les événements qui se passaient alors au sein de cette glorieuse Église du Canada, dont les intérêts préoccupaient si vivement le cœur de notre vénérable Mère. Ses chers sauvages, son cher Canada, vrai « paradis terrestre, disait-elle,  où la  croix et es épines naissent si amoureusement, que plus on est piqué, plus le cœur est rempli de douceur 1 », n'était-ce point là, en effet, plus encore peut-être que sa chère famille spirituelle, l'objet de ses affections les plus vives ? Ses lettres nous offrent, à cet égard, un témoignage irrécusable. Une mère ne parlerait pas de ses propres enfants autrement qu'elle ne le fait de ses chers sauvages. Elle entre en mille détails, fière de raconter leurs progrès dans la foi et dans la vie chrétienne, heureuse de faire leur éloge. Que ne pouvons-nous rapporter ici tout ce que son cœur y a épanché de sentiments affectueux et maternels ? Glanons du moins çà et là quelques traits.

« Nos petites séminaristes, écrit-elle à la supérieure des Ursulines de Tours, en septembre de cette année 1642, ne vous aiment pas moins que nous. Nous en avons eu cette année au-dessus de nos forces, mais notre bon Maître nous a fait la grâce de pouvoir les faire vivre ainsi que nous. Outre les sauvages sédentaires qui ont passé l'hiver autour de notre maison, nous en avons eu un grand nombre de passagers, qui étaient presque continuellement à notre porte pour demander avec la nourriture spirituelle celle du corps. La Providence du Père céleste a pourvu à tout, en sorte que les chaudières étaient toujours sur le feu; pendant que l'une se vidait, l'autre s'apprêtait.

« Les vaisseaux ne furent pas plus tôt partis l'année dernière, qu'on nous amena un grand nombre de filles sauvages pour les disposer au saint baptême. Au bout de quelque temps, on en baptisa cinq à la fois en notre petite chapelle. Nous y avons vu baptiser aussi un grand nombre d'hommes et de femmes, qui faisaient paraître des sentiments si chrétiens, que nos cœurs fondaient de tendresse et de dévotion. Une jeune femme fut tellement transportée dans cette action, qu'aussitôt qu'on lui eut versé sur la tête les eaux sacrées, elle se tourna vers les assistant en s'écriant: « Ah! c'en est fait, je suis lavée.» Il y avait plus de dix-huit mois qu'elle pressait pour être admise au nombre des enfants de Dieu ; c'est ce qui la fit crier si haut, avec des tressaillements de joie non pareils.

« Un jeune homme que nous vîmes baptiser ne voulut jamais partir, quoique tous les gens le quittassent, qu'il ne fût lavé des eaux du baptême; je l'interrogeai assez longtemps sur les mystères de notre sainte religion, et j'étais ravie de l'entendre et de voir qu'il en avait plus de connaissance que des milliers de chrétiens qui font les savants; ce fut pour cela qu'on le nomma Augustin. Durant son séjour à la chasse, il fut contraint de demeurer avec des païens de sa nation, qui est une des plus corrompues. Ils lui donnèrent de graves sujets d'exercer sa foi et sa patience; mais, quoi qu'ils lui pussent dire, ils ne l'ébranlèrent jamais, et il ne quitta point sa prière, qui est le point sur lequel on le combattait. Etant de retour pour la fête de Pâques, je lui demandai comment il s'était comporté : « Ah ! me dit-il, le diable m'a grandement tenté. — Et que faisais-tu pour le chasser? — Je tenais, répondit-il. en la main le chapelet que tu m'as donné, et je faisais le signe de Jésus (c'est le signe de la croix) ; puis je disais : Aie pitié de moi. Jésus, car j'espère en toi; c'est toi qui me détermines, chasse le diable, afin qu'il ne me trompe point. » Ainsi ce bon néophyte demeura victorieux de ses ennemis visibles et invisibles.

« Comme le grand fleuve de Saint-Laurent a été cette année tout plein de glace, il a servi de pont à nos sauvages, et ils y marchaient comme sur une belle plaine. Nous eûmes toute la satisfaction possible, la veille et le matin du saint jour de Pâques, de les voir accourir à perte d'haleine pour se confesser et communier. Comme nous sommes logées sur le bord de l'eau, ils aperçurent quelques-unes de nous, et s'écrièrent : « Dites-nous si c'est aujourd’hui le jour de Pâques, auquel Jésus est ressuscité. Avons-nous bien compris notre massinahigan? (C'est un papier où on leur marque les jours et les lunes.) — Oui, dîmes-nous ; mais il est tard, et vous êtes en danger de ne point entendre la messe. » A ces mots, ils commencèrent à courir au haut de la montagne et arrivèrent à l'église, où ils eurent encore le temps de faire leurs dévotions. Ils étaient altérés comme des cerfs du désir d'entendre la messe et de recevoir le saint Sacrement, après en avoir été privés près de quatre mois. On les voyait venir par troupes à notre église pour faire leurs prières, et rendre leur première visite au saint Sacrement, et nous prier de leur aider à rendre grâces à Dieu de ce qu'il les avait gardés durant leur chasse, qu'il leur avait donnée très bonne.

« Un excellent chrétien nommé Charles…
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1 Lettres historiques. Lettre XVI. page 337.

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Message  Louis Sam 19 Aoû 2017, 6:27 am

Divers détails sur les progrès de la foi chez les sauvages et les petites élèves des Ursulines.

(suite)

« Un excellent chrétien nommé Charles, dont les relations parlent avantageusement, fut un des premiers qui arriva la veille de Pâques, avec une grande troupe de femmes et de filles, pour se disposer à la fête. Après son action de grâces, je lui demandai :

« Que veux-tu faire de toutes ces femmes et de ces filles? — Ho, ningue, me dit-il, c'est-à-dire ma mère , je les ai toujours gardées durant la chasse, et je n'avais garde de les laisser seules, de crainte qu'il ne leur arrivât quelque accident; nous avons toujours prié ensemble, et elles n'ont point eu d'autre cabane que la mienne. »

« Ce bon homme, qui mène une vie de saint, n'avait presque rien rapporté de sa chasse, parce qu'il lui avait fallu toujours nourrir ses hôtesses, durant les trois mois de son absence, par un pur zèle de rendre service à Dieu, et pour la conservation de leur pureté. Il eut un zèle apostolique pour aller au Sagenay, afin d'inviter de nouveau sa nation à croire en Dieu. A cet effet, il vint me trouver, et me dit :

« Je te prie de me prêter un crucifix assez grand, je te le rapporterai; je ferai un coffre exprès pour le conserver. » Je lui demandai : « Qu'en veux-tu faire? — Je veux, me dit-il, aller aider au Père de Quen à convertir ma nation. D'ailleurs il y a des lieux très dangereux où il ne saurait aller ; ce sont des sauts dans l'eau, où il faut toujours aller à genoux; moi, j'irai pour convertir mes gens, et je ferai ce voyage, que le Père ne saurait faire sans mourir. »

Je le louai de son dessein, et lui donnai mon crucifix qu'il baisa et caressa avec une très grande dévotion ; puis il sortit aussitôt pour aller trouver sa compagnie, qui était venue ici pour se faire instruire et baptiser. Ce sauvage, devenu apôtre, a enseigné tous ceux de sa nation, en sorte qu'ils sont capables d'être mis au nombre des enfants de Dieu.

Le Père de Quen, qui l'avait attendu à Tadoussac, n'ayant pu passer outre, fut ravi du zèle apostolique de ce bon sauvage, et de voir un si heureux succès de sa prédication, de sorte qu'en peu de temps il en baptisa un grand nombre, réservant à une autre occasion les autres qui ne sont pas sédentaires, pour ne point hasarder le saint baptême, qu'après les avoir bien éprouvés.

« Le bon Victor…

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Message  Louis Dim 20 Aoû 2017, 7:28 am

Divers détails sur les progrès de la foi chez les sauvages et les petites élèves des Ursulines.

(suite)


« Le bon Victor, qui est un de nos meilleurs chrétiens, ayant peu de mémoire, oublie facilement ses prières. Il n'en n'est pas de même de son intérieur, car il est dans une attention continuelle à Dieu et dans un entretien familier et très intime avec sa divine Majesté ; mais il croit ne rien faire s'il ne fait comme les autres chrétiens. Il vient donc à la grille, et à la première de nous qu'il rencontre il dit:

« Hélas! je n'ai point d'esprit, fais-moi prier Dieu. »

II a la patience de se faire répéter dix ou douze fois une prière, et, la croyant bien savoir, il s'en retourne à sa cabane, où il n'est pas plus tôt arrivé, qu'il l'oublie. Il revient à mains jointes ; il confesse, comme un enfant, qu'il n'a point d'esprit, et prie qu'on recommence à l'instruire. Combien pensez-vous que cette ferveur est agréable à des personnes qui désirent la gloire de Dieu et le salut des âmes? Le bon Charles, dont j'ai parlé ci-dessus, s'accorde très bien avec celui-ci ; car, quand il le visite, il lui dit : « Prions Dieu, mon frère. » Ils se mettent à genoux, et récitent le chapelet trois ou quatre fois, sans se lever. Je n'avais dessein que de vous parler de nos séminaristes ; comme ceux-ci sont passagers, et la plupart du temps à notre grille, il ne m'est pas facile de m'empêcher de parler de leur ferveur, la charité me liant à nos néophytes d'une étrange manière.

« Nous avons eu trois grandes séminaristes qui ont été cet hiver à la chasse avec leurs parents, pour leur aider dans le ménage et à apprêter leur pelleterie. Elles s'appellent Anne-Marie Uthirdchich, Agnès Chabvekche, Louise Aretevir ; elles eurent bien de la peine à se résoudre à ce voyage, parce qu'elles devaient être privées trois mois de la sainte messe et de l'usage des sacrements ; mais, leurs parents étant de nos principaux chrétiens, on ne put les refuser. Nous les garnîmes autant que la pauvreté du Canada nous le put permettre ; après quoi elles nous quittèrent avec bien des larmes.

« Leur principal office était de régler les prières et les exercices du chrétien, ce qui passe pour un grand honneur parmi les sauvages. L'une réglait les prières et les faisait faire avec une singulière dévotion; la seconde déterminait les cantiques spirituels sur les mystères de notre foi, et la troisième présidait à l'examen de conscience, et faisait concevoir à l'assemblée l'importance de cet exercice. Mais, quoiqu'elles passassent ainsi le temps dans des pratiques de dévotion, elles ne laissèrent pas d'écrire deux fois au révérend Père supérieur de la Mission et à moi, en des termes si religieux et si judicieux, que tout le monde admirait leur esprit. Monsieur notre gouverneur m'en parla surtout avec une consolation toute particulière de voir en des filles sauvages, nourries dans les bois et dans les neiges, des sentiments de dévotion et une politesse d'esprit qui ne se trouvent pas bien souvent dans des filles bien élevées de la France. Le sujet de leurs lettres était que, se voyant si longtemps privées des sacrements, elles demandaient qu'on leur envoyât du secours pour les retirer de cet ennui. A leur retour, la première visite qu'elles firent fut au très saint Sacrement, et la seconde à l'image de la très sainte Vierge. Anne-Marie avait cherché les premières fleurs du printemps pour couronner cette image et celle du petit Jésus. Ensuite elles nous rendirent compte de toutes leurs actions. « Ah ! disaient-elles, que la privation de la sainte messe et des sacrements nous a été pénible 1 ! »

Mais, de toutes les élèves sauvages des Ursulines...
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1 Lettres historiques. Lettre xxv, page 353 et suiv.

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Message  Louis Lun 21 Aoû 2017, 6:29 am

Thérèse la Huronne.

Mais, de toutes les élèves sauvages des Ursulines, la plus intéressante assurément, celle qui fit le plus d'honneur à ses maîtresses, ce fut une jeune enfant appelée Thérèse qui est désignée dans les Mémoires des Ursulines de Québec sous le nom de Thérèse la Huronne.

Elle était née de parents hurons, mais renommés par leur zèle pour la foi catholique et la sainteté de leur vie. Un de ses oncles, qui veilla sur ses premières années, était considéré comme un saint ; un autre était très estimé de la Mère Marie de l'Incarnation. La petite Thérèse avait pieusement profité des bonnes leçons qu'elle avait reçues chez ses parents. La nature d'ailleurs s'était plu à la favoriser, non moins que la grâce.

Amenée chez les Ursulines par un de ses oncles, au printemps de l'année 1640, elle n'y demeura que deux ans ; mais elle sut si bien  mettre à profit ces deux années, qu'elle devint en peu de temps un modèle accompli de toutes les vertus. Déjà, étant encore au pensionnat, elle était considérée comme un petit apôtre. Il n'était pas un Huron venant à Québec qui ne voulût la voir. Elle leur parlait à tous de Dieu, en des termes si touchants et avec un tel amour, qu'ils en étaient émus profondément. Plusieurs même se convertirent aux accents de sa vive piété. C'est du moins le précieux témoignage que lui a rendu le Père Vimont.

Du reste, un trait charmant de son enfance...

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Message  Louis Mar 22 Aoû 2017, 7:36 am

Son zèle et sa piété.

Du reste, un trait charmant de son enfance, lorsqu’elle était chez les Ursulines, nous donnera une idée  de son ardeur pour le salut des âmes. Un de ses compatriotes, ravi de sa piété, voulut la soumettre à une petite épreuve. Il était sur le point d'être baptisé, et la jeune Thérèse en ressentait une grande joie. Or, étant venu un jour la demander au parloir des Ursulines, il feignit devant elle d'avoir perdu la foi, lui disant qu'il avait peine à croire tout ce qu'on lui enseignait, et qu'il ne pensait plus à son baptême. A ces paroles notre petite Thérèse est toute en feu.

« Que penses-tu faire, misérable, lui dit-elle dans une sainte colère ? Qui est-ce qui a troublé tes pensées? Veux-tu donc aller dans l'enfer avec les démons? Tu mourras peut-être cette nuit, et tu te trouveras avec eux avant le jour ! Ah ! le diable t'a renversé la tête. »

Voyant qu'il continuait ainsi à se déclarer infidèle, Thérèse éclate en sanglots et l'accable de reproches. Enfin, croyant qu'il n'y avait plus rien à espérer pour lui, elle le quitte et va, tout éplorée, trouver la Mère de l'Incarnation et la Mère Marie de Saint-Joseph.

« II est perdu, dit-elle, et je suis triste, car il ne veut plus croire en Dieu ; le diable l'a trompé, et il dit qu'il ne se soucie plus d'aller au ciel ! »

Puis, rehaussant sa voix et gesticulant avec menace :

« Ah ! si j'eusse pu rompre la grille, je l'aurais bien battu. »

Les Mères étonnées se rendirent au parloir, et là, ayant découvert la plaisanterie, elles voulurent la consoler ; mais elles ne pouvaient y parvenir, et il fallut que le R. P. de Brébeuf l'assurât que tout cela n'était qu'un jeu de la part de son compatriote 1.

Voici un autre trait de cette aimable enfant…
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1 Les Ursulines de Québec, t. Ier, p. 47.

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Message  Louis Mer 23 Aoû 2017, 8:10 am

Son zèle et sa piété.

(suite)


Voici un autre trait de cette aimable enfant qui nous est raconté par notre vénérée Mère : « Nous fîmes nos exercices spirituels après la fête de Pâques. Quand nous les eûmes finis, notre Thérèse eut aussi le désir de les faire. Elle se retira sur petite hauteur qui borne notre clôture, et en partant elle dit à une de ses compagnes : « Je m'en vais me cacher comme les filles vierges, et là je prierai Dieu pour tous les sauvages et les Français et pour vous toutes, afin qu'il vous fasse miséricorde ; et pendant tout ce temps je ne parlerai à aucune créature, mais seulement à Dieu. »

Sa compagne, bien étonnée et en même temps bien édifiée de cette résolution, vint en donner avis à toutes ses autres compagnes, qui allèrent aussitôt trouver notre petite recluse et lui dirent qu'elles voulaient être de la partie. Elles la ramenèrent et se construisirent chacune une espèce de petite cellule, où elles se renfermèrent et gardèrent un silence très exact. Elles firent des prières et des oraisons continuelles durant tout le temps de leur retraite, ce qui fut pour nous une cause de grande consolation ; car c'est une chose très rare que des filles sauvages, habituées à une entière liberté, se captivent de la sorte et gardent une solitude volontaire. Cependant elles passèrent tout ce temps dans une si grande douceur, qu'il fallut les en retirer de force ; car elles y montraient trop de zèle et d'ardeur 1

Mais une autre captivité d'un tout autre genre était réservée à notre petite Thérèse, et une grande occasion allait lui être bientôt donnée de signaler son courage et sa foi.

Ses parents, qui habitaient sur les bords des grands lacs, dans le pays des Hurons, la réclamaient avec instance pour la marier, bien qu'elle n'eût encore que treize à quatorze ans.

Or on était arrivé au milieu de cette année 1642, marquée dans les annales canadiennes par des événements si douloureux et de si fâcheux augure. Les Iroquois , peuple cruel et féroce, et qu'on aurait dit vraiment voué au démon, rendus furieux par les progrès de la foi chez leurs voisins, les Hurons, avaient résolu de les anéantir, et surtout les Français qui leur prêchaient l'Evangile. Le R. P. J. Lallemand, alors supérieur de la Mission huronne, voyant le péril qui menaçait sa chère Église, députa à Québec un des Pères missionnaires les plus intrépides, pour y demander du secours. Ce fut le séraphique Père Jogues.

Ce voyage était plein de périls; car…
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1 Lettres historiques. Lettre XXV, page 362, 363.

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Message  Louis Jeu 24 Aoû 2017, 7:55 am

Son zèle et sa piété.

(suite)


Ce voyage était plein de périls; car les farouches Iroquois, bien plus nombreux que les Hurons, s'étaient répandus dans tout ce pays, et occupaient en plusieurs points déjà les bords du grand fleuve, qui était la communication  la plus facile entre le centre de la Mission huronne et Québec.

Notre saint religieux, destiné à cueillir bientôt la palme du martyre, n'hésita pas un instant. Il arriva à Québec, après un heureux voyage, dans les premiers jours d'août, en compagnie de cinq Hurons très fidèles, dont trois étaient des plus considérables de la tribu et parents de notre jeune Thérèse.

« Durant tout le séjour qu'ils firent à Québec avec le Père Jogues, ils étaient presque toujours ou dans notre chapelle ou à notre grille, raconte notre vénérée Mère. On eût dit, à voir la grande modestie de ces bons néophytes, qu'ils eussent été élevés dès leur enfance parmi des religieux. Ils nous firent des harangues si chrétiennes que nous en étions ravies. On ne peut imaginer les remerciements les plus humbles qu'ils nous adressaient pour les soins que nous avions donnés à leur parenté, pendant les deux années qu'elle avait passées au séminaire. Ils regardaient comme un miracle de la voir lire et écrire, ce qu'ils n'avaient encore jamais vu parmi eux. Ils la voyaient adroite comme une Française. Ils l'entendaient parler en deux ou trois langues, et ils la considéraient déjà comme l'exemple de leur nation et la maîtresse des filles et des femmes huronnes. Nous les pourvûmes, ajoute notre Mère, de tout ce qui était nécessaire à son mariage, et puis il nous fallut la remettre entre les mains de ses parents qui étaient venus la chercher. Je ne sais en qui il y eut plus de douleur en cette occasion, en nous de la perdre, ou en elle de nous quitter. Mais l'exhortation que lui fit le Père Jogues sur l'obéissance qu'elle devait à ses parents, la décida à nous dire adieu. On l'embarqua donc, et le Père Jogues, qui était à la tête de cette petite flotte de barques huronnes, la fît mettre, pour une plus grande sûreté, dans son canot, où il y avait trois Hurons 1. »

La caravane était cette fois assez nombreuse. Elle se composait d'une vingtaine de Hurons avec quelques filles ou femmes, du R. P. Jogues et de deux Français qui avaient voulu accompagner ce bon Père par dévouement pour sa personne, mais surtout par un vif sentiment de zèle apostolique. Ils se nommaient René Goupil et Guillaume Couture.

Les premières journées du voyage furent heureuses. La petite flottille remontait tranquillement le grand fleuve. Mais...
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1 Lettres historiques. Lettre XXV, p. 363, 364.

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Message  Louis Ven 25 Aoû 2017, 7:49 am

Elle est emmenée en captivité chez les Iroquois avec le Père Jogues.

Les premières journées du voyage furent heureuses. La petite flottille remontait tranquillement le grand fleuve. Mais, quand on fut arrivé à une cinquantaine de kilomètres au delà du village des Trois-Rivières, les féroces Iroquois, armés d'arquebuses, cachés en nombre considérable dans les joncs qui en cet endroit bordaient le fleuve, fondirent tout à coup, avec une effroyable impétuosité, sur le Père Jogues et son escorte.

Au bout d'un moment de résistance désespérée de la part des Hurons, trop faibles en nombre, les sauvages agresseurs se rendirent maîtres de leurs personnes et de tous les canots. Le R. P. Jogues fut leur plus précieuse conquête, victime innocente vouée au sacrifice, sur laquelle ils se promirent bien d'assouvir à leur aise leur infernale cruauté. Thérèse fut emmenée, elle aussi, en captivité avec tous ses autres compagnons. Cependant ces affreux barbares ne lui firent aucun mal, pendant les trois ans qu'elle demeura en leur possession ; mais elle fut témoin des horribles supplices infligés au Père Jogues, et dont la pensée fait frémir.

C'est ici que commence, pour le glorieux martyr...

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Message  Louis Sam 26 Aoû 2017, 8:36 am

Horribles tourments infligés au Père Jogues.

C'est ici que commence, pour le glorieux martyr, la voie douloureuse dans laquelle nous ne pouvons le suivre que les larmes aux yeux.

Après l'avoir dépouillé de ses vêtements, ses bourreaux le jettent au fond d'un canot et l'accablent de coups de bâton et de massue. Ils mordent affreusement ses mains et ses pieds, lui arrachent tous les ongles avec leurs dents et lui mâchent les deux index. La victime demeure longtemps privée de sentiment et presque de vie; mais ce n'est là que le commencement de ses douleurs.

On se met en route. Quand on allait par eau, lié au fond d'un canot, ces êtres dénaturés s'amusaient, pour charmer les ennuis du voyage, à le piquer profondément avec de longues épines, des alênes ou des éclats de bois. Quand on allait par terre, ils le chargeaient de lourds fardeaux, comme une bête de somme. Exposé la nuit à d'innombrables nuées d'insectes, attaché à un piquet, il n'avait souvent pendant le jour, pour toute nourriture, que quelques baies sauvages.

Le lugubre convoi  ayant rencontré un jour, dans sa marche, une troupe de guerriers iroquois qui se rendaient sur les bords du fleuve, les pauvres et malheureux prisonniers et le Père Jogues surtout furent le jouet de leur horrible cruauté. Le martyr, de nouveau roué de coups, fut porté à moitié mort sur un amas d'écorces d'arbres, où ils lui brûlèrent un doigt et lui en broyèrent un autre avec les dents.

Enfin, le 14 août, on arriva au premier bourg…

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Message  Louis Dim 27 Aoû 2017, 6:39 am

Horribles tourments infligés au Père Jogues.

(suite)


Enfin, le 14 août, on arriva au premier bourg iroquois de ces régions. Hélas ! c'était le terme de la voie douloureuse, mais ce n'était pas celui des supplices. La plume nous tombe ici des mains. Elle se refuse à décrire ces horribles scènes que la rage des démons peut seule produire. Attachées à des pieux établis sur une sorte de théâtre au-dessus de la foule, afin d'être mieux exposées aux regards de tous, les innocentes victimes voient tourbillonner autour d'elles de nombreux sauvages, couteau en main, qui arrachent en dansant et en poussant des cris de joie féroce, qui un doigt, qui un lambeau de chair.

La nuit vient; les bourreaux, par lassitude, s'arrêtent un peu, mais c'est pour mieux recommencer le lendemain encore. Traîné de village en village, le Père Jogues et quelques-uns de ses compagnons, les deux Français surtout qui l'avaient accompagné, sont pendant plusieurs mois laissés seuls, nuit et jour, au milieu des bois, exposés presque sans vêtements à toutes les rigueurs de l'hiver qui était venu.

Un jour, un des deux héroïques compagnons du Père Jogues, René Goupil, ayant fait le signe de la croix sur le front d'un enfant, fut assommé d'un  coup de hache, tandis que l'autre était relégué dans un autre village et entièrement séparé du fervent missionnaire.

Ce glorieux martyr, demeuré seul au milieu de ces loups dévorants, ne cessait d'offrir à Dieu ses larmes, ses souffrances et ses prières pour la conversion de ses bourreaux.

« Que de fois, racontait-il lui-même après son évasion, dont nous parlerons tout à l'heure, que de fois nous nous sommes assis sur les bords des fleuves de Babylone et nous avons versé des larmes au souvenir de Sion , non seulement de la Sion triomphante dans les cieux, mais de celle qui glorifie Dieu sur la terre! Que de fois, bien que sur une terre étrangère, nous avons chanté le cantique du Seigneur , et nous avons fait retentir les forêts et les montagnes des louanges de leur auteur, qu'elles n'avaient pas entendues depuis leur création ! Que de fois j'ai gravé le Nom de Jésus sur les arbres élevés des forêts, afin que les démons qui tremblent en l'entendant prononcer , prissent la fuite en le voyant! Que de fois, en découpant l'écorce, j'ai tracé sur les arbres la très sainte Croix de mon Dieu, pour faire fuir ses ennemis, et que par elle, ô mon Seigneur et mon Roi, vous régnassiez au milieu des ennemis de la croix, les hérétiques et les païens, habitants de ces contrées, et sur les démons qui y dominent au loin 1 ! »

Cependant ce généreux confesseur de la foi trouvait encore le moyen d'annoncer la bonne nouvelle de l'Évangile à quelques âmes moins cruelles et moins adonnées au démon que les autres. Il en baptisa, en secret, dit-on, une soixantaine, qui devinrent le premier noyau de l'Eglise chez les Iroquois.

Mais une de ses plus grandes consolations au milieu de ses tourments fut notre jeune Thérèse. Un des oncles de cette digne élève des Ursulines, traîné en captivité avec elle et toute la caravane dirigée par le Père Jogues, étant parvenu à s'évader, après un an de séjour chez les Iroquois, apporta à Québec les nouvelles les plus consolantes sur sa jeune nièce. Sa première visite fut pour les Ursulines qui l'avaient si bien accueilli l'année précédente. Nous laissons à penser avec quel empressement on se groupa autour de lui, pour avoir des nouvelles des malheureux captifs.

« Thérèse, disait-il, n'a point de honte de son baptême….
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1L'abbé Casgrain. Introduction, p. 38.

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Message  Louis Lun 28 Aoû 2017, 6:48 am

Thérèse confesse le nom de Jésus-Christ chez les Iroquois.

« Thérèse, disait-il, n'a point de honte de son baptême; elle prie Dieu publiquement, elle se confesse souvent au Père Jogues, et elle m'obéissait en tout. Je l'exhortais souvent à bien faire et à ne point perdre courage. Je vous remercie, mes Mères, ajoutait le pauvre homme, des bonnes instructions que vous lui avez données. Elle ne les oubliera point ; elle sait tout ce que vous enseignez. Thérèse parle au Père Jogues toutes les fois qu'elle peut le voir ; mais cela n'empêche pas qu'elle ne soit grandement triste de se voir au milieu de nos plus cruels ennemis. Elle a bien souffert du froid durant l'hiver, et elle a été fort malade ; mais Dieu lui a rendu la  santé. Je lui disais souvent : « Aie courage, cette vie est courte ; tes travaux prendront fin, et tu seras heureuse au ciel, si tu persévères. » Elle n'a point de chapelet pour prier, mais elle se sert de ses doigts ou de petites pierres, qu'elle laisse tomber à chaque Ave Maria qu'elle dit. Thérèse parlait souvent de vous, mes Mères. « Hélas ! disait-elle, si les filles vierges me voyaient en cet état parmi ces méchants Iroquois, qui ne connaissent pas Dieu, oh ! comme elles auraient pitié de moi 1! »

Quelle n'était pas la joie de notre Mère de l'Incarnation et de toutes les religieuses, en entendant un tel témoignage sur la conduite de leur jeune élève ! Elles eussent voulu la couvrir de leurs saintes caresses, mais du moins elles ne cessaient de prier pour sa persévérance et de s'intéresser à son sort.

Les Iroquois, ayant été battus dans une rencontre avec les soldats français de la colonie...
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1 Les Ursulines de Québec, tome Ier, p. 50.

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Message  Louis Mar 29 Aoû 2017, 6:50 am

Sa délivrance.

Les Iroquois, ayant été battus dans une rencontre avec les soldats français de la colonie, vers l'année 1645, furent obligés de demander la paix et d'accepter les conditions que M. de Montmagny, gouverneur de Québec, leur imposa. La Mère de l'Incarnation et de MME de la Peltrie obtinrent que parmi ces conditions se trouvât la reddition de Thérèse. C'est ainsi que notre jeune captive recouvra la liberté, après avoir vaillamment rendu témoignage à Jésus-Christ au sein d'un peuple idolâtre, féroce et   cruel. Glorieux exemple, noble leçon donnée par cette humble fille des bois à tant de jeunes filles et de femmes qui se disent chrétiennes et n'osent pas confesser le nom de Jésus-Christ par leur langage et leur conduite, au sein même des nations civilisées !

Cependant, depuis deux ans déjà, l'innocente victime de la cruauté des Iroquois...

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Message  Louis Mer 30 Aoû 2017, 6:51 am

Évasion du Père Jogues, qui arrive en France et revient ensuite à Québec.

Cependant, depuis deux ans déjà, l'innocente victime de la cruauté des Iroquois, le glorieux Père Jogues, était parvenu à se soustraire à la fureur de ses ennemis. Vendu à plusieurs reprises, en qualité d'esclave, à certains chefs iroquois, il avait été conduit par l'un d'eux jusque sur les rivages de la baie d'Hudson, où un navire hollandais qui croisait dans ces parages avait favorisé son évasion.

Jeté par ses libérateurs, qui étaient protestants et ennemis jurés des Français, à fond de cale du navire, il eut à supporter durant la traversée, qui fut bien longue, l'abandon le plus complet, les odeurs nauséabondes de l'obscur réduit dans lequel il était renfermé, et quelquefois même les angoisses de la faim. Enfin on le débarqua un jour sur les rivages de la Bretagne.

Le glorieux martyr, ainsi jeté sur les côtes de la France, se dirigea vers la ville de Rennes, dont il n'était pas éloigné. On raconte que le frère portier de la résidence des Pères Jésuites de cette ville vit un jour apparaître, sur le seuil de la porte, un homme au visage amaigri, à demi vêtu, se traînant à peine, tout couvert de cicatrices, avec des membres mutilés, qui lui parut d'abord être un mendiant. C'était le Père Jogues.

A l'aspect du vaillant témoin de Jésus-Christ, la communauté entière tomba à genoux. Mais lui ne répondait qu'avec peine et à demi à toutes les questions qu'on lui posait. On eût dit qu'il voulait cacher par humilité, aux yeux de ses frères et à ceux des hommes, les mérites qu'il avait acquis durant sa longue passion douloureuse.

La nouvelle de son arrivée ne tarda pas à franchir l'enceinte de la maison des jésuites. On accourut bientôt de toutes parts pour voir et vénérer le généreux confesseur de la foi. Lorsque cette nouvelle arriva à Paris, la ville entière se sentit émue. La reine, régente du royaume, voulut voir le saint missionnaire et contempler sur sa personne les stigmates sacrés de Jésus-Christ. Le Père Jogues vint donc à Paris, et fut présenté à cette princesse, qui ne put s'empêcher, en le voyant, de verser d'abondantes larmes. Il eut aussi le bonheur d'embrasser sa vieille mère, qui vivait encore.

Cependant une consolation suprême ne pouvait être accordée au glorieux fils de saint Ignace, celle de monter au saint autel, car les blessures de ses mains privées de plusieurs de leurs doigts ne lui permettaient pas d'offrir le saint sacrifice de la messe. On fit des démarches à Rome pour obtenir les dispenses nécessaires ; et on raconte qu'au récit des souffrances du vaillant apôtre, Urbain VIII, vivement ému, fit cette réponse si digne du vicaire de Jésus-Christ : « II serait indigne qu'un martyr de Jésus-Christ ne pût  boire le   sang de Jésus-Christ : Indignum esse Christi martyrem, Christi non bibere sanguinem. » Et il accorda la permission demandée.

Le séjour en France du Père Jogues ne fut que de quelques mois à peine. Enivré de la folie de la Croix, ce sublime missionnaire ne soupirait que vers son cher Canada et vers le jour béni où il pourrait consommer son sacrifice. Il repartit donc pour Québec au printemps de l'année 1644.

La vénérable Mère de l'Incarnation écrivait peu de temps après son retour : « Le révérend Père Jogues est revenu comme un vrai martyr qui porte en son corps les livrées de Jésus-Christ. Il devait être brûlé à son arrivée dans le village des Iroquois, si les Hollandais, qui en furent avertis, ne l'eussent enlevé secrètement. Il m'a raconté les conduites de Dieu sur lui pendant sa captivité. Il y a des milliers de martyrs qui sont morts à moindres frais 1. »

Pendant son séjour à Québec, il fit deux voyages chez les Iroquois en qualité de...
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1 Lettres historiques. Lettre XXXI. p. 383.

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Message  Louis Jeu 31 Aoû 2017, 6:48 am

Son martyre.

Pendant son séjour à Québec, il fit deux voyages chez les Iroquois en qualité de représentant et d'ambassadeur de M. de Montmagny; car la paix conclue par ces sauvages en 1645 durait encore. Mais, avant de partir pour un troisième voyage, il eut le pressentiment de sa mort prochaine. « Ibo et non redibo, j'irai et je ne reviendrai pas, dit-il ; mais je serais heureux si Notre-Seigneur voulait achever le sacrifice où il l'a commencé, et que le peu de sang que j'ai répandu sur cette terre fut comme les arrhes de celui que je donnerai de toutes les veines de mon corps et de mon cœur 1. »

A peine arrivé chez les Iroquois, il fut, en effet, dépouillé de nouveau de ses vêtements, accablé de coups et bientôt après assommé à coups de hache à l'entrée d'une cabane. Son sacrifice fut accompli le 18 octobre 1646.

Le martyre du Père Jogues attira les grâces du ciel...
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1 L'abbé Casgrain. Introduction, p. 39, 40.

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Message  Louis Ven 01 Sep 2017, 7:24 am

De nouvelles couronnes se préparent au ciel pour de nouveaux martyrs.

Le martyre du Père Jogues attira les grâces du ciel, comme une rosée abondante, sur toute la nation huronne ; mais elle ne fit qu'exciter, au contraire, la rage et la fureur des Iroquois. Plus que jamais la guerre est allumée entre les deux peuples sauvages, dont l'un ouvre son cœur à l’Évangile et l'autre lui résiste avec une infernale opiniâtreté. D'autres couronnes se préparent au ciel pour de nouveaux martyrs et pour la jeune Eglise huronne elle-même, qui va bientôt mêler son sang aux eaux du baptême dans lesquelles elle vient à peine d'être régénérée.

Mais, avant de poursuivre le récit de ces sanglantes persécutions, revenons à notre chère communauté.


À suivre : Chapitre VI. Le premier monastère.

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Message  Louis Sam 02 Sep 2017, 7:40 am

CHAPITRE VI

LE PREMIER MONASTÈRE

21 Novembre 1642. — 30 décembre 1650.

In labore et œruinna, in vigiliis multis,
in fame et siti, in jejuniis multis, in frigore et nuditate,
prœter illa quæ intrinsecus
sunt instantia mea quotidiana.


Dans les travaux et les peines, les veilles fréquentes,
la faim et la soif, les jeûnes nombreux, le froid et la nudité,
et par-dessus toutes ces privations extérieures,
mes sollicitudes intérieures quotidiennes.
(II Cor., XI, 27, 28.)


Prise de possession du monastère.

La construction du monastère, commencée dans les circonstances difficiles que nous venons de raconter, était loin encore d'être terminée, lorsque la petite communauté, qui ne se composait encore que de cinq religieuses de chœur et d'une converse tout récemment arrivée de la maison de Dieppe, voulut en prendre possession. Les planchers des rez-de-chaussée étaient seuls en bon état ; les autres n'étaient encore formés que de madriers volants, posés sur des poutres. Toutefois l'édifice, considéré dans son ensemble, présentait un aspect assez imposant. Il mesurait, dit-on, quatre-vingt-douze pieds de longueur sur vingt-huit de largeur, et par ses larges proportions, non moins que par sa position dans la partie la plus élevée de Québec, surpassait et dominait toutes les habitations des colons français et des sauvages 1.

Ce fut le 21 novembre 1642, fête de la Présentation de la très sainte Vierge, de très grand matin, que la nouvelle communauté quitta sa résidence provisoire de la basse ville, et s'achemina en ordre de procession vers le monastère. On raconte que le R. P. Vimont marchait en tête, suivi de la Mère Marie de l'Incarnation et des autres religieuses qui conduisaient le nombreux cortège des élèves tant françaises que sauvages.

En franchissant le seuil de cette maison qu'elle venait d'élever à Jésus. à Marie et à saint Joseph dans le Canada, selon l'ordre qu'elle avait reçu autrefois de Dieu, notre vénérée Mère entonna, de sa belle voix forte et vibrante, l'hymne de l'action de grâces, qui fut chantée par les religieuses et les enfants, tandis que le pieux cortège se rendait directement à la chapelle. La sainte messe y fut célébrée par le R. P. Gabriel Lallemand, cet aimable et ardent apôtre qui devait bientôt généreusement verser son sang pour Jésus-Christ. Pendant le saint sacrifice, les petites filles sauvages, dirigées et soutenues par la Mère Marie de l'Incarnation, chantèrent de pieux cantiques dans leur langue maternelle. Toutes les religieuses firent ensuite la sainte communion. Leur nombre était encore petit, il est vrai; mais à cause de leur ferveur on aurait pu les comparer, ce nous semble, à ces fondements placés à la base de la Jérusalem céleste, dont il est parlé au livre de l'Apocalypse 1, et sur lesquels sont écrits les noms des douze apôtres ; car dans leur âme on retrouvait aussi sinon le nom des apôtres, du moins l'image des vertus qu'ils ont pratiquées.

Ces vénérées Mères voulurent inaugurer leur habitation dans le monastère…
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1 Ce premier monastère était bâti sur l'emplacement même occupé encore aujourd'hui par le monastère des Ursulines. 1 Apoc.,XXI, 14.

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Message  Louis Dim 03 Sep 2017, 7:33 am

Prise de possession du monastère.
(suite)

Ces vénérées Mères voulurent inaugurer leur habitation dans le monastère par la pénitence. Dès la veille du jour où elles y firent leur première entrée solennelle, elles avaient pratiqué un jeûne austère qui ne fut interrompu que le lendemain de leur prise de possession. Du reste, on était à la fin du mois de novembre, c'est-à-dire déjà au cœur de l'hiver, et la saison rigoureuse commençait à leur apporter un autre genre de souffrance. Chose vraiment extraordinaire, étant donnée la rigueur du froid en ce pays, elles n'adoptèrent l'usage des poêles que longtemps après leur établissement au Canada. Le premier instrument de chauffage de ce genre qui fut en usage dans le dortoir du monastère n'y fut introduit qu'à l'occasion de l'entrée au noviciat de Mlle Madeleine de Lauzon, en l'année 1668, sur la demande de la famille de Lauzon, et d'après l'ordre formel des supérieurs. Mais jusqu'à cette époque elles s'étaient contentées, pour ne point périr de froid, de s'enfermer la nuit dans des espèces de coffres. « Nos couchettes sont de bois, dit notre vénérée Mère, et, quoiqu'elles soient doublées de couvertes ou de serge, à peine s'y peut-on réchauffer 1. »

Durant le jour, on ne se servait au monastère que de cheminées ordinaires. Mais la consommation du bois, tant pour la cuisine que pour le chauffage, ne s'élevait pas au delà de « cent soixante-quinze cordes de gros bois ». C'est encore la Mère Marie de l'Incarnation qui nous donne ces petits détails.

C'était bien peu dans un pays si froid, pour suffire aux besoins non seulement des religieuses, mais encore et surtout des enfants. Quelque rude d'ailleurs que fût la saison, nos vaillantes Ursulines ne se relâchaient point de leurs pieuses observances. L'office du chœur ne fut jamais supprimé. Leur chapelle cependant n'était ni plus commode ni moins froide que le reste de la maison, bien qu'elle fût située à l'extrémité du bâtiment, du côté du midi. Elle mesurait dix-sept pieds de largeur sur autant de longueur, ce qui était la mesure de la largeur entière de tout le bâtiment. « Vous pensez que tout cela est petit, dit la Mère de l'Incarnation; mais le trop grand froid ne permet pas qu'on fasse des lieux plus vastes. Il y a des temps auxquels les prêtres sont en danger d'avoir les doigts et les oreilles gelés 1. »

Que de fois, dans cette première chapelle, les révérends Pères Jésuites, qui furent en ces temps héroïques de la colonisation du Canada les apôtres et les glorieux martyrs de Jésus-Christ, n'ont-ils pas célébré les saints mystères ! Citons seulement ici les RR. PP. Daniel, G. Lallemand, Garnier, de Brebœuf. Pendant la messe, la Mère de l'Incarnation et la Mère de Saint-Joseph, entourées et aidées par leurs enfants sauvages ou françaises, chantaient ordinairement en langue huronne un cantique de mission. On entendait la voix forte et sonore de la première, qui dominait, sans l'étouffer cependant, la voix douce et mélodieuse de la seconde, et toutes ces petites voix enfantines ; et toutes ensemble répétaient : « Allez, allez, nous sommes ravies que vous alliez dans un lieu d'abandonnement. Oh ! plût à Dieu qu'on vous fende la tête d'un coup de hache ! »

Puis venait le refrain: « Ce n'est pas assez, il faut être écorché, et brûlé, et souffrir tout ce que peut inventer la férocité des barbares, et tout cela de bon cœur, pour l'amour de Dieu et le salut des sauvages. »

Le service religieux de la maison était cependant déjà organisé…
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1 Lettres spirituelles. Lettre à son fils, p. 384. — 1. Id.

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Message  Louis Lun 04 Sep 2017, 7:21 am

Service religieux de la chapelle assuré par
les RR. PP. Jésuites et divers aumôniers.

Le service religieux de la maison était cependant déjà organisé, en dehors et indépendamment du concours des Pères Jésuites.

Dès le 12 août 1641, était arrivé à Québec M. l'abbé Faulx, qui fut le premier aumônier du monastère et le premier prêtre séculier de la mission. Les anciennes chroniques disent qu'on ne lui donnait pour son traitement que 90 lbs avec sa nourriture. Il prenait ses repas au parloir des religieuses et logeait chez les révérends Pères Jésuites.

Obligé, au bout de deux ans, de retourner en France, sa santé ne pouvant supporter la rigueur du climat, il fut remplacé, en 1643, par M. l'abbé René Chartrier, prieur de la Monnaye, qui se dévoua pendant cinq ans, avec beaucoup de piété et de zèle, au succès de la mission; mais au bout de ce temps il voulut, lui aussi, revoir la France.

M. l'abbé Vignal, de la congrégation de Saint-Sulpice, qui fut le bienfaiteur insigne de la communauté et que nous verrons, après maintes vicissitudes, mourir victime de son zèle sous le fer des barbares, lui succéda en 1648.

Cependant Dieu…

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Message  Louis Mar 05 Sep 2017, 7:44 am

Retour de Mme de la Peltrie.

Cependant Dieu, qui mêle toujours certaines joies aux tristesses de ce monde pour la consolation de ses serviteurs fidèles, ne voulut pas laisser s'écouler cette année 1643, sans réjouir le cœur de nos généreuses Ursulines encore attristées par le départ de celle qu'elles considéraient comme la fondatrice de leur monastère et leur seconde Mère. Après dix-huit mois d'absence, Mmede la Peltrie revint à ses bons amis de Québec et à sa chère famille du cloître. Il y eut à cette occasion de très grandes réjouissances parmi les enfants de la forêt.

« Quand ces petites plantes la virent de retour, dit le R. P. Vimont, elles étaient toutes joyeuses; car elles la regardaient comme leur vraie mère, qui les avait toujours bien aimées et bien chéries. Il y a une jeune séminariste qui n'a pas manqué, depuis trois ans, de prier Dieu tous les jours pour elle. »

Quant aux religieuses, on essayerait vainement de peindre leurs sentiments en revoyant au milieu d'elles cette admirable compagne et émule de leurs premiers travaux. Notre vénérée Mère de l'Incarnation , qui mieux que toute autre connaissait le mérite de cette âme généreuse choisie par Dieu pour lui ouvrir les portes du Canada, en éprouvait une consolation indicible. « Hélas ! disait-elle pendant son absence, madame notre fondatrice avait coutume de conduire nos séminaristes aux pèlerinages et processions publiques, et de marcher à la tête des femmes et filles sauvages, après quoi nous leur préparions un festin ; aujourd'hui qu'elle est éloignée, elle est privée de cette consolation 1. »

Mais maintenant cette douce plainte faisait place aux doux transports de la joie et de la reconnaissance. De son côté, Mme de la Peltrie témoignait de ses sentiments, en cette circonstance, dans une  lettre qu'elle adressait à dom Claude  Martin qui venait de prononcer ses vœux, depuis deux ans à peine, au monastère de Vendôme.

« Je puis vous assurer, lui disait-elle…
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1 Les Ursulines de Québec, tome Ier, p. 88.

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Message  Louis Mer 06 Sep 2017, 7:50 am

Retour de Mme de la Peltrie.

(suite)

« Je puis vous assurer, lui disait-elle, que Notre-Seigneur continue toujours à faire beaucoup de grâces à notre très aimée Mère Marie de l'Incarnation, et c'est une bénédiction toute particulière de l'avoir en cette petite maison, laquelle, par son exemple et ses paroles, augmente tous les jours en vertus et en sainteté. Elle a tant de charité pour nous, qu'elle daigne bien prendre la peine de nous faire tous les jours des conférences, pour nous enseigner le chemin de la perfection, et je serai bien responsable à notre bon Dieu , si je ne mets en pratique ses bons avis et ses saintes instructions. Oh! que je vous estime heureux d'appartenir à une personne si sainte et si fidèle aux mouvements de la grâce ! Et moi, que je me tiens obligée à cette aimable Providence de m'avoir associée et unie à une si grande servante de Dieu !

« Je m'estime très privilégiée de vivre en sa sainte compagnie, que je chéris et honore parfaitement. La paix et l'union règnent heureusement parmi nous, et vous pouvez croire aussi bien que moi que c'est sa vertu et sa sainteté qui nous obtiennent de Dieu des grâces si particulières. Si je lui survis, je vous promets de vous mander bien des nouvelles de sa vie, lesquelles vous feront bien rendre grâces à la divine Majesté des faveurs spéciales qu'elle opère dans son âme, qui est assurément une âme d'élite et précieuse à Dieu.

« Cependant je vois par votre lettre que vous avez un grand désir de savoir quelque chose de ses vertus. Elle vous écrivit, l'an passé, bien au long toute sa vie et toutes les grâces extraordinaires que Notre-Seigneur lui a faites ; et après avoir vu tant de merveilles et de grâces si éminentes, que voulez-vous que je vous en dise? Je puis vous assurer que vous savez plus que moi en une manière, mais dans une autre je crois en savoir plus que vous. Je veux parler de ces vertus de la vie commune et régulière qui sont fondées sur les exemples de notre bon Sauveur ; c'est surtout ce que je prise dans notre chère Mère, puisqu'elle s'y rend si fidèle. Puisque vous le désirez, je vous en dirai quelque chose par avance pour votre consolation.

« La Mère de l'Incarnation a un grand amour pour les personnes qui lui font du déplaisir; elle leur rend beaucoup de services, elle les supporte avec amour et charité. Elle vit dans un grand détachement de tout ce qui n'est point Dieu, et dans un grand abandon à sa Providence en tous les accidents et les difficultés qui lui arrivent en ce bout du monde. Vous la voyez toujours dans une soumission, dans une paix et dans une tranquillité de cœur inébranlable. Elle est toujours aussi dans une présence de Dieu continuelle, et son recueillement intérieur est si admirable que ni les grandes affaires ni les tracas qui se rencontrent d'ordinaire en ce nouveau pays ne peuvent la distraire. Que voulez-vous davantage? Si j'avais la dixième partie de ses vertus, ah! que je m'estimerais heureuse ! Surtout, je le répète, elle est admirable dans l'amour qu'elle porte à ses ennemis, n'ayant que de la douceur et de la bienveillance pour ceux qui lui font de la peine ou du déplaisir.

« Priez Notre-Seigneur qu'Il me donne une semblable vertu; aimez-le pour moi, adorez-le pour moi, bénissez-le pour moi, louez-le pour moi qui suis votre toute dévouée dans le cœur de Jésus.

« MADELEINE DE CHAUVIGNY DE LA PELTRIE. »

A son retour à Québec, Mme de la Peltrie…

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Message  Louis Jeu 07 Sep 2017, 7:38 am

Nouvelles religieuses venues de France.

A son retour à Québec, Mme de la Peltrie ne trouvait pas seulement ses chères Ursulines logées dans un vaste monastère bien différent de la petite résidence de la basse ville, où elle les avait quittées, elle les revoyait aussi plus nombreuses. Durant l'été de 1643, les Ursulines de Ploërmel avaient envoyé au Canada un de leurs meilleurs sujets, la Mère Anne du Lézenet des Séraphins, qui avait fait le voyage en compagnie de deux sœurs hospitalières et du second aumônier, M. l'abbé René Chartrier, prieur de la Monnaye.

Cette religieuse fit preuve d'un grand zèle pendant les douze années qu'elle passa au Canada. Malheureusement elle y contracta des infirmités qui obligèrent ses supérieurs de France à la rappeler dans son monastère de profession, où elle mourut saintement peu de mois après son retour.

L'année suivante, en 1644, les Ursulines de Tours donnèrent, de leur côté, deux nouvelles sœurs à la maison de Québec. Ce furent la Mère Anne Compain de Sainte-Cécile et la Mère Anne le Boue de Notre-Dame. Leur arrivée portait à huit le nombre des sœurs de chœur du nouveau monastère. On ne peut lire sans émotion le récit des travaux et des fatigues qu'elles eurent à endurer, dans ces temps héroïques de la fondation de leur maison. Car ces « filles vierges », comme on les appelait chez les sauvages, furent souvent la providence du pays, non seulement par leur zèle à propager l'instruction et l'éducation religieuse parmi les tribus sauvages, mais encore par leurs bienfaits matériels.

En voici un témoignage pris au hasard, entre mille autres :

« Plusieurs sauvages de l'Isle, de la nation d'Iroquets (dans les environs du lac Témiscaming) et d'autres endroits, étant venus se camper assez près de Québec, raconte le R. P. Vimont dans sa relation de 1644, allaient tous les jours dans la chapelle des Ursulines, où le Père de Quen leur faisait l'aumône spirituelle ; on en a baptisé quelques-uns dans cette petite église, après les avoir suffisamment instruits. Or, comme la misère accablait ce peuple, l'aumône spirituelle étant faite, suivait l'aumône corporelle ; les Mères, au sortir du sermon, donnaient à manger à quatre-vingts personnes, charité qu'elles ont continuée environ six semaines durant. Les femmes venaient encore en d'autres temps visiter les Mères Ursulines ; elles entraient dans la classe des filles sauvages, où l'on ne cessait de leur apprendre à prier Dieu. Les hommes entraient au parloir pour le même sujet; leur ferveur payait et récompensait la bonté des Mères, et, comme un bienfait dispose un bon cœur à en faire un autre, elles ne pouvaient renvoyer ces bonnes gens sans une seconde aumône. Quel moyen de voir ces grands corps affamés sans les secourir ? Qui donne à Dieu doit ouvrir son cœur et ses mains pour recevoir. Il veut être le maître et avoir le dessus en tout. Qu'il soit béni dans le temps et dans l'éternité 1! »

Cependant un événement très important…
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1 Les Ursulines de Québec, tome Ier, p. 100, 107.

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Message  Louis Ven 08 Sep 2017, 7:46 am

Mère Athanase élue supérieure
en remplacement de la Mère Marie de l'Incarnation,
qui demeure toujours chargée de l'achèvement du monastère.

Cependant un événement très important pour la communauté des Ursulines s'était accompli sur ces entrefaites. Laissons parler notre vénérée Mère : « Nous avons fait notre élection, après laquelle je soupirais depuis longtemps. Notre-Seigneur nous a fait de grandes grâces en cette action, comme II a fait en toutes celles d'importance que nous avons ; car il semble que Dieu prenne nos cœurs pour n'en faire qu'un, afin de le mettre où II veut ; cela est ravissant, et nos Pères en sont consolés jusqu'à verser des larmes. Cela est d'autant plus à remarquer, que nous sommes de diverses congrégations; mais, quelque différente que nous ayons été dans notre origine, nous ne pouvons plus voir ni vouloir qu'une même chose. Nous avons élu ma révérende Mère de Saint-Athanase, qui est une excellente fille de la congrégation de Paris ; elle s'est toujours parfaitement bien comportée, et c'est un esprit d'union qui mourrait plutôt que de rien faire qui la puisse troubler. Encore que je ne sois plus supérieure, je n'en ai pas moins le soin de nos affaires. »

La Mère de l'Incarnation et la Mère de Saint-Athanase se succédèrent de six ans en six ans, jusqu'à la mort de la première, en 1672. Toutefois, comme elle vient de le dire, en quittant la supériorité, notre Mère de l'Incarnation était restée chargée de la conduite des affaires temporelles, ce qui n'était pas un léger fardeau; car, outre les œuvres incessantes de charité telles que aumônes, distributions de vêtements et de nourriture, il était nécessaire encore de pourvoir à la construction du monastère, qui n'était pas complètement terminé.

Dieu bénissait, il est vrai…
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1 Les Ursulines de Québec, tome Ier, p. 118.

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Message  Louis Sam 09 Sep 2017, 7:33 am

Miraculeuse intervention de la Providence. — Divers traits de l'apostolat des Ursulines.

Dieu bénissait, il est vrai, d'une manière souvent miraculeuse la confiance et le zèle de sa servante ; mais le miracle ne se faisait que peu à peu, laissant à celle qui en était l'objet tout le mérite de la foi et du sacrifice.

Les ouvriers du pays étaient remplis de bonne volonté, eux aussi sans doute, mais il fallait  cependant les payer.   «  Un  homme coûte trente sous par jour, dit notre vénérée Mère dans une de ses lettres, encore faut-il le nourrir les fêtes et les dimanches et dans les mauvais temps. » Aussi, ajoute-t-elle, « nous faisons venir de France nos artisans, qu'on loue pour trois ans au plus. Nous en avons dix qui font toutes nos affaires, excepté que les habitants nous fournissent la chaux, le sable et la brique 1. »

Plus d'une fois, il est vrai, les Ursulines de Québec eurent à se louer du dévouement absolu et du zèle de leurs serviteurs. En 1646, par exemple, lorsqu'elles se trouvaient absolument sans ressources, « le frère Jacques, dit le vieux récit, vint de France et se donna à la maison pour faire le jardin, où il a beaucoup travaillé pour le défricher et le mettre en état de servir... Le 16 décembre de cette année 1647, le sieur Pierre Moreau, maçon, s'est donné à la communauté pour la servir en ses besoins. Il était venu travailler pour nous dès l'année 1641, n'étant alors âgé que de vingt-quatre ans. Après avoir travaillé six ans à gages, il s'est remis de tout à la maison, nous abandonnant la somme de 190 lbs que nous lui devions et dont il eût pu disposer autrement 2. » Le monastère s'achevait ainsi peu à peu, malgré les graves difficultés du temps.

Après sept années d'efforts et de patience...
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1Les Ursulines de Québec, tome Ier, p. 119. — 2 Id. Ibid., p. 120.

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