Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
La grande vision prophétique.
« Une nuit, après un entretien intime et familier avec mon divin Époux, il me fut représenté en songe que j'étais avec une dame séculière que j'avais rencontrée par je ne sais quel hasard. Nous quittâmes, elle et moi, le lieu de notre demeure ordinaire, et, la prenant par la main, je l'emmenai avec moi à grands pas et avec bien de la fatigue vers la mer, du côté où l'on fait les embarquements. Nous trouvions des obstacles très considérables qui s'opposaient à notre passage et à notre arrivée au lieu où nous aspirions. Bien que je ne susse pas quel était ce lieu ni le chemin qui y conduisait, je franchissais cependant tous ces obstacles, ayant toujours auprès de moi cette bonne dame. Nous arrivâmes enfin à une belle place précédée d'un magnifique portique, sur le seuil duquel nous trouvâmes un homme vêtu de blanc que je compris être un apôtre. Il était le gardien de ce lieu. Par un signe de sa main il nous y fît entrer, nous donnant à entendre que c'était par là qu'il fallait passer. Nous entrâmes donc. Le lieu était ravissant. On eût dit une grande place dont le pavé était de marbre blanc ou d'albâtre, par carreaux, et les liaisons en paraissaient être d'un beau rouge. Il n'avait point d'autre voûte ou plafond que la voûte céleste. Il était entouré de superbes édifices en forme de monastères. Le silence absolu qui y régnait ajoutait encore au charme et à la beauté de ces lieux. En y avançant, j'aperçus de loin, à main gauche, comme une petite église de marbre blanc, d'une belle architecture antique. A l'entrée, s'élevait un siège dans une sorte de niche, où la très sainte Vierge se tenait assise, ayant entre ses bras son divin enfant Jésus.
« Au bas de ce lieu, qui était très éminent, s'étendait un grand et vaste pays, plein de montagnes et de vallées, mais tout couvert de brouillards épais, à l'exception d'un petit édifice qui servait d'église à tout le pays. La Mère de Dieu regardait avec compassion ces vastes contrées infidèles, dont la vue causait autant de pitié que de frayeur, et où l'on ne pouvait descendre que par un sentier rude et étroit. De loin, la sainte Vierge et son Fils paraissaient de marbre comme tout le reste ; mais, en approchant, je reconnus qu'ils étaient vivants. D'abord, la Mère de Dieu me parut aussi inflexible que le marbre sur lequel elle était assise; cependant je ne laissai pas de m'avancer vers elle. Dès que je fus proche, je laissai la main de ma compagne, et, par un tressaillement d'amour, je courus vers cette divine Mère, étendant les bras, en sorte qu'ils pouvaient atteindre les deux bouts de la petite église. J'attendais avec ardeur qu'elle me fît quelque grâce ; mais, comme elle regardait ce pauvre pays, je ne pouvais apercevoir son visage. Un instant après, je la vis tout à coup devenir flexible, et jeter les yeux sur son divin Fils, auquel elle paraissait faire entendre quelque chose d'important, et il me semblait qu'elle parlait de ce pays et de moi. Alors mon cœur s'enflamma de plus en plus, et mon âme ressentit je ne sais quoi de divin qui me plongea dans une paix et une satisfaction intérieure inexprimables. Ma compagne s'était arrêtée à deux ou trois pas, pour descendre dans ce grand pays, d'où elle regardait la sainte Vierge, qu'elle pouvait voir de côté. Cette divine Mère était d'une beauté ravissante...
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Les tendres caresses de Marie.
Cette divine Mère était d'une beauté ravissante toute céleste, et paraissait avoir l'âge de quinze ou seize ans. Cependant, les bras toujours étendus, je soupirais après elle. Alors, avec une grâce ineffable, elle se tourna vers moi en souriant amoureusement, et elle me baisa sans me dire mot. Puis elle se retourna vers son Fils et continua de lui parler, ayant toujours, ainsi qu'il me paraissait, quelque dessein sur moi. Elle se tourna une seconde fois et me baisa derechef. Elle parla encore à son très adorable Fils et me baisa pour la troisième fois. Ces douces caresses remplirent mon âme d'une onction toute céleste 1. »
Toutes ces circonstances sont remarquables. Mais on ne peut se lasser d'admirer surtout les douces caresses prodiguées par la Mère de Dieu à cette âme privilégiée qui avait reçu, on s'en souvient, dès les premiers jours de son enfance, celles de Jésus.
« Voyant que la très sainte Vierge parlait de moi, ajouta-t-elle, mon cœur se sentait ému et s'enflammait de plus en plus, et j'éprouvais en même temps je ne sais quelle paix suave et satisfaction intérieure. La beauté de cette divine Mère était ravissante. Son souvenir me pénètre encore d'une ineffable joie. Je me réveillai alors, tout émue et transportée de bonheur, portant en mon âme l'influence des sacrés baisers de Marie. Peu s'en fallut même que je ne courusse partout pour dire à toutes mes sœurs et mères la faveur ineffable qui venait de m'être accordée. Mais je ne pus m'empêcher d'en parler à quelques novices que je rencontrai, après les heures du grand silence 2. »
La future Ursuline du Canada était bien éloignée de comprendre…
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1 Dom Claude Martin, relation, ch. VII, IIe partie, p. 209-210. — 1 Id., addition ch. VII, p. 230.
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
A suivre: Chapitre VI. Le Sacré-Coeur de Jésus et le Canada.Nouvelles ardeurs pour l'apostolat.
La future Ursuline du Canada était bien éloignée de comprendre encore la signification mystérieuse de la grande vision qu'elle vient elle-même de rapporter. Ce secret ne lui fut révélé que plus tard. Mais ce grand pays qu'elle avait entrevu de loin, cet apôtre vêtu de blanc qui lui en avait ouvert les portes, cette dame séculière qui l'accompagnait, toutes ces circonstances vraiment prophétiques demeurèrent gravées au fond de son cœur comme un précieux et mystérieux souvenir. Elles y excitèrent, en outre, un plus ardent attrait pour la vie apostolique. Depuis les doux baisers de la très sainte Vierge, « je portais, dit-elle, dans mon âme un feu qui me consumait pour cela 1. » Et ailleurs : « J'avais toujours eu, il est vrai, dès mon enfance, une grande inclination pour le salut des âmes. C'était même cet attrait pour l'apostolat qui m'avait déterminée à entrer dans l'ordre des Ursulines. Il n'avait cessé de se développer et d'augmenter en moi, à mesure que j'avançais dans la connaissance des choses intérieures. Mais, après avoir reçu les tendres caresses de Marie, dont je viens de parler, je me sentis tout embrasée d'un zèle ardent tout nouveau pour le salut des infidèles. J'aurais voulu voler partout pour aller les racheter, suivre les missionnaires dans leurs courses apostoliques, m'associer à leur ministère pour sauver tant de pauvres âmes abandonnées 1. »
Ce furent là les premiers préludes de sa vocation au Canada. Tous les événements vont bientôt se dérouler, comme ils lui ont été prédits par cette vision prophétique. Mais avant de la suivre dans ces régions lointaines, où elle doit faire connaître et aimer le nom de Jésus-Christ, il nous reste à la considérer dans son cher monastère de Tours. Elle doit y remplir auparavant une grande mission.
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1 Dom Claude Martin, relation, ch. VII, p. 235. — 1 Id. addition ch. VII, p. 233-234.
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
CHAPITRE VILE SACRÉ COEUR DE JÉSUS ET LE CANADAAngustus est mihi locus;
fac spatium mihi ut habitem.
Ce lieu m'est étroit; ouvrez devant moi
l'espace pour que j'aille y habiter.
(Isaïe XLIX, 20.)Dabo eis cor...ut intelligant.
Je leur donnerai (mon) coeur,
afin qu'ils comprennent.
(Baruch, II, 31.)Pressentiments de départ.
Depuis le jour où elle avait reçu les tendres caresses de l'auguste Mère de Dieu, après sa première vision du Canada, notre fervente Ursuline ne cessait d'entendre au fond de son cœur les appels de plus en plus pressants de son divin Époux. « Ce lieu m'est étroit, disait-il; va au loin me chercher des âmes. » L'esprit apostolique qui l'animait ne lui laissait point de repos.
« Mon corps était dans notre monastère, dit-elle…
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Ardeurs apostoliques.
« Mon corps était dans notre monastère, dit-elle; mais mon esprit, qui était lié à celui de Jésus, ne pouvait y demeurer enfermé. L'esprit apostolique qui s'était emparé de mon cœur me portait dans les Indes, au Japon, en Amérique, en Orient, en Occident, dans les parties septentrionales les plus inaccessibles, partout enfin où il y a des âmes à conquérir à Jésus-Christ. Je voyais les démons s'emparer de ces pauvres âmes, qu'ils ravissaient ainsi à l'empire de Jésus-Christ, qui les avait cependant rachetées de son sang précieux. A cette vue, j'entrais en jalousie, je n'en pouvais plus; je languissais, j'embrassais toutes ces pauvres âmes, je les serrais sur mon cœur, je les présentais au Père éternel, lui disant qu'il était temps qu'il fît justice en faveur de mon Époux ; qu'il savait bien qu'il lui avait promis toutes les nations en héritage, que ce divin Fils avait satisfait par l'effusion de son sang pour tous les péchés des hommes. J'ajoutais que bien qu'il fût mort ainsi pour le salut du monde, toutes les âmes qu'il avait créées ne lui appartenaient pas encore, bien loin de là, et que je lui demandais pour Jésus-Christ toutes celles que je lui présentais et que je portais dans mon cœur. J'allais ainsi, poussée par cet ardent esprit catholique, dans les vastes étendues des Indes, du Japon, de la Chine. J'y accompagnais les ouvriers de l'Évangile, auxquels je me sentais étroitement unie, parce qu'ils se consumaient pour les intérêts de mon céleste et divin Époux. Il me semblait que je n'étais avec eux qu'une même chose, et quoique corporellement je fusse dans l'actuelle pratique de mes règles, mon esprit ne cessait point d'aller ainsi à travers le monde, ni mon cœur de presser le Père éternel, par une activité amoureuse, pour obtenir le salut de tant de millions de créatures raisonnables que je lui présentais. O Père, que tardez-vous, lui disais-je, puisqu’il y a si longtemps que mon Bien-Aimé a répandu son sang? Je prie pour les intérêts de mon Époux. N'oubliez pas la parole que vous lui avez donnée, car vous lui avez promis toutes les nations.
« Je comprenais alors clairement, à l'aide d'une lumière infuse en mon âme, le sens des nombreux passages de la sainte Écriture où il est parlé du souverain pouvoir que le Père éternel a donné à son Fils sur tous les êtres créés. En même temps, mon cœur était tout embrasé d'un amour qui le consumait. Je sentais grandir en moi le désir que le Verbe divin régnât sur toute la terre, à l'exclusion des démons.
M'adressant au Père éternel, je lui disais :...
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Prières, larmes, objurgations pressantes à Dieu pour obtenir le salut des âmes.
« …M'adressant au Père éternel, je lui disais : Il est juste que mon divin Époux soit le maître, je me sens capable de le faire connaître à toutes les nations ; donnez-moi une voix assez puissante pour être entendue des extrémités de la terre, et pour dire partout que mon divin Époux est digne de régner et d'être aimé de tous les cœurs. Ces ardents désirs et ces gémissements étaient comme autant de flèches embrasées que je lançais à tout instant vers Dieu. Je lui représentais en même temps les passages de la sainte Écriture, particulièrement ceux de l'Apocalypse où il est parlé de règne du Verbe Incarné sur toutes les nations. Puis, me considérant moi-même, il me semblait que j'étais déjà au milieu de toutes ces âmes, qui ne connaissent point encore mon Époux, et qui par conséquent ne lui rendent point leurs hommages; mais je les lui rendais pour elles, je les tenais, ce me semble, étroitement embrassées. J'aurais voulu les concentrer dans le sang-précieux de mon adorable Seigneur et Maître.
« Mon esprit était toujours hors de moi-même. Mon corps lui-même semblait se consumer tous les jours peu à peu sous l'action de ce feu dévorant, et il devint bientôt presque semblable à un squelette. Mon supérieur, qui m'interrogeait souvent sur l'état de mon âme, craignit même que ces ardeurs apostoliques ne me donnassent la mort; aussi me commanda-t-il de faire tous mes efforts pour en éloigner ma pensée. Mais il m'était impossible de lui obéir, malgré toute la violence que je me faisais pour cela. Aussi il renonça bientôt à m'imposer cette obligation et il me laissa à l'esprit qui m'animait 1.»
C'était surtout la nuit que notre ardente Ursuline se consumait ainsi sous l'action de ce feu intérieur. Libre alors de toute occupation extérieure, sa pensée s'envolait en quelque sorte à travers l'espace à la recherche des infidèles et des pécheurs. Mais, loin de goûter dans le temps de l'oraison ce repos et cette quiétude dont elle y jouissait autrefois, elle n'y trouvait plus maintenant qu'un terrible accablement. Elle semblait être chargée de toutes ces âmes plongées dans les ténèbres de l'infidélité, encore soustraites au règne d'amour de son Bien-Aimé. Elle se présentait en cet état devant le Père éternel, qui paraissait demeurer sourd à ses véhémentes prières. Et chaque fois qu'elle se présentait ainsi devant Dieu, son agonie intérieure augmentait, car elle n'était point écoutée au gré de ses désirs.
Certes, si la tradition catholique semble nous défendre de donner à des femmes…
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1 Dom Claude Martin, relation, ch, IX, IIe partie, p. 300 et suiv.
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Louis- Admin
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Prières, larmes, objurgations pressantes à Dieu pour obtenir le salut des âmes.SUITE
Certes, si la tradition catholique semble nous défendre de donner à des femmes le titre d'Apôtre, spécialement réservé à ces hommes choisis par Jésus-Christ lui-même qui ont été les colonnes de son Église, nous pouvons bien dire de notre Mère Marie de l'Incarnation qu'elle a été essentiellement et au plus haut degré une femme apostolique. Nous ne croyons pas, en effet, qu'il y ait eu jamais un cœur plus dévoré du zèle du salut des âmes.
Ses grandes tribulations intérieures, causées par cette soif de la conversion du monde, nous rappellent à chaque instant celles du grand apôtre saint Paul. Elle en vint même jusqu'à imiter cet excès de zèle qui portait l'Apôtre des nations à désirer encourir lui-même l'anathème divin pour en délivrer l'âme de ses frères. Et ce désir n'a pas été chez notre vénérée Mère l'effet d'un transport passager; mais il est devenu, ainsi que nous le verrons dans la suite de cette histoire, une de ses dispositions habituelles et permanentes.
Déjà bien des fois elle s'était offerte à Dieu comme une victime prête à souffrir toutes sortes de supplices pour obtenir la conversion des infidèles, et la pleine possession pour son divin Époux de l'héritage universel des nations qui lui avait été promis. Non contente de souffrir pour une cause si juste et si chère, elle eût désiré ardemment être crucifiée, déchirée, brûlée, tourmentée de toutes manières. La cruauté des tyrans lui semblait trop douce, les peines qu'ils infligeaient aux martyrs trop légères, pour gagner le cœur de Dieu et obtenir un tel résultat. Ce fut alors qu'elle en vint à ce sacrifice dont nous venons de parler. Elle s'offrit à Dieu pour être envoyée en enfer jusqu'au jour du jugement dernier, et à en endurer tous les supplices pour obtenir enfin de Dieu la grâce qu'elle sollicitait depuis si longtemps.
Nous avons le témoignage de cet acte d'oblation héroïque non seulement dans ses relations, mais encore dans une lettre qu'elle écrivit à cette époque au Père dom Raymond de Saint-Bernard.
« Un désir comme le mien, lui disait-elle, ne peut longtemps garder le silence. Il se renouvelle sans cesse, et j'ai toujours de nouvelles choses à dire. Il n'y a heure, mon révérend Père, où je ne ressente de nouveaux attraits qui me font ardemment aimer ces pauvres âmes plongées dans les ténèbres du péché et de l'infidélité. L'oraison a du pouvoir sur Dieu, j'ose donc me promettre leur conversion, et que le cœur de mon divin Époux se laissera fléchir, car je le caresserai si amoureusement qu'il ne pourra pas me la refuser. L'ardeur que je sens en mon âme me porte aussi à vouloir souffrir des choses très grandes, que Votre Révérence ne croirait pas volontiers de ma charité, qu'elle sait être très petite; mais celui qui alluma en mon cœur ce feu qui me consume est assez fort pour tirer sa gloire de la plus faible et de la plus chétive de ses créatures. C'est la grande lumière dont je suis toute pénétrée sur les vérités de notre sainte Foi qui cause en moi de tels effets. Je vois l'état déplorable où sont les âmes qui les ignorent ; il me semble qu'elles sont déjà plongées dans l'enfer, et que le sang de mon Jésus a été en vain répandu pour elles. Mon cœur est percé quand je pense que l'incompréhensible bonté de Dieu n'est pas connue, aimée et glorifiée des créatures mêmes dans lesquelles Dieu habite par sa puissance, et qui sont capables de le connaître, aimer et glorifier. Cela me fait souffrir plus que je ne puis vous le dire, et je conjure ce Dieu tout-puissant, auquel rien n'est impossible, de permettre, s'il le veut, que j'aille dans l'enfer jusqu'au jour du jugement. Il me fera ainsi une grande miséricorde, pourvu qu'il convertisse ces pauvres gens 1. »
Malgré tous ces sublimes élans d'amour…
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1 Dom Claude Martin, addition au ch, X, IIe partie, p. 307 et suiv.
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Louis- Admin
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Prières, larmes, objurgations pressantes à Dieu pour obtenir le salut des âmes.SUITE
Malgré tous ces sublimes élans d'amour, Dieu cependant semblait demeurer sourd à tant de prières. Il fallut pour fléchir son cœur que lui-même vînt révéler à sa servante le secret qu'il tenait caché depuis des siècles, mais qu'il ne devait pas tarder à révéler aux âmes de bonne volonté. Laissons la Mère Marie de l'Incarnation nous raconter elle-même cette sublime révélation.
« Une nuit, tandis que je représentais à Dieu cette grande affaire du salut des hommes rachetés par le sang de son divin Fils, je compris, par une lumière intérieure qui me fut communiquée, que cette divine Majesté ne m'écoutait point, et qu'elle ne se rendait point propice aux vœux et aux instances que je lui faisais. Je voyais en outre en mon âme que le Père éternel agréerait mes instances pour une si juste cause, mais qu'il voulait auparavant de moi quelque chose qui me manquait pour être exaucée. Je me confondais alors à ses pieds, je m'abîmais au centre de ma bassesse et de mon néant, afin qu'il plût à sa divine bonté de mettre en moi ce qui y faisait défaut. En ce moment même, j'expérimentai comme un écoulement et un rayon divin en tout mon être, et j'entendis aussitôt ces paroles : Demande-moi par le Cœur de Jésus mon très aimable Fils; c'est par lui que je t'exaucerai et que je t'accorderai tes demandes 1. »
A peine notre vénérable Mère eut-elle commencé à prier par le Cœur de Jésus…
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1 Dom Claude Martin, relation, ch, X, IIe partie, p. 306.
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Révélation du sacré Cœur de Jésus.
A peine notre vénérable Mère eut-elle commencé à prier par le Cœur de Jésus, selon l'ordre divin qu'elle avait reçu, son esprit fut aussitôt ravi en Dieu. Elle revit une seconde fois, dans ce ravissement sublime, « ce grand pays » qui lui avait été montré précédemment dans une circonstance analogue. Mais cette fois la vision fut accompagnée de ces paroles: « C'est le Canada que je t'ai fait voir, il faut que tu y ailles bâtir une maison à Jésus et à Marie. » — « Ces paroles, nous a-t-elle dit elle-même, qui portaient vie et esprit dans mon âme, la rendirent en cet instant dans un anéantissement indicible au commandement de cette infinie et adorable Majesté. » La servante de Dieu, accablée par cette révélation et cet ordre divin, trouva cependant assez de force pour répondre : « O mon grand Dieu! vous pouvez tout, et moi je ne puis rien; s'il vous plaît de m'aider, me voilà prête ; je vous promets de vous obéir, faites en moi et par moi votre très adorable volonté 1. »
Après cette réponse, la grande élue du Seigneur pour la conversion du Canada…
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1 Dom Claude Martin, relation, ch, XI, IIe partie, p. 309.
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Louis- Admin
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Le Canada.
Après cette réponse, la grande élue du Seigneur pour la conversion du Canada entra dans une extase amoureuse, durant laquelle elle reçut de son divin Époux d'ineffables caresses, « auxquelles succédèrent, nous a-t-elle dit, de grands effets intérieurs de vertu. » — « Je ne voyais plus, ajoute-t-elle, d'autre pays pour moi que le Canada. Mes courses ordinaires étaient dans le pays des Hurons pour y accompagner les ouvriers de l'Evangile. J'y étais unie d'esprit au Père éternel, sous les auspices du sacré Cœur de Jésus, pour lui gagner des âmes. Le Canada était maintenant ma demeure et mon pays 2. »
O admirables desseins de la Providence ! On n'était encore qu'en l'année 1635, c'est-à-dire douze ans avant la naissance de la bienheureuse Marguerite-Marie, l'illustre révélatrice de la dévotion au sacré Cœur, et déjà Dieu se plaisait à en dévoiler lui-même le secret précieux à notre vénérée Mère Marie de l'Incarnation, à l'occasion de sa vocation apostolique dans le nouveau monde. Ce seul fait nous dit assez combien son âme était agréable au Seigneur, et combien le Canada, objet d'une telle prévenance, lui est cher aussi.
C'était du reste en cette année-là même que l'illustre Champlain mourait, au milieu de ses compagnons en larmes, sur cette terre lointaine qu'il venait de conquérir, après Jacques Cartier, à Jésus-Christ et à la France. Ne semble-t-il pas que Dieu ait voulu donner une mère selon son cœur à cette colonie naissante, au moment où il rappelait à lui celui qui en a été toujours considéré comme le vrai fondateur et le père?
L'histoire nous montre ordinairement de nobles et saintes femmes à l'origine des peuples chrétiens. Par son dévouement, par son courage, non moins que par ses éminentes vertus chrétiennes et religieuses, la Mère de l'Incarnation a mérité de prendre place avec honneur à côté des héros qui fondèrent au XVIIe siècle la première colonie française. Mais ce qui doit toucher tout particulièrement les dignes fils du Canada, c'est que cette glorieuse Mère leur a été donnée par le sacré Cœur de Jésus, à une époque où ce divin Cœur n'avait pas encore révélé au monde ses ineffables secrets.
A partir de cette année 1635, le culte du sacré Coeur…
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2 Dom Claude Martin, relation, ch, XI, IIe partie, p. 309.
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Le Canada.SUITE
A partir de cette année 1635, le culte du sacré Cœur et l'amour du Canada furent inséparablement unis, on le comprendra sans peine, dans l'âme de notre vénérable Mère. Elle n'offrait le moindre sacrifice à Dieu et ne lui demandait quelque grâce que par l'entremise de l'adorable Cœur de Jésus-Christ, qui devint dès lors son refuge dans les périls, sa consolation dans ses peines, son repos dans ses fatigues, son trésor dans ses indigences matérielles et son tout dans les mépris qu'elle avait pour les faux biens de ce monde. Elle-même nous a parlé « des nouvelles infusions de grâces » qu'elle en recevait, qui lui « faisaient produire, disait-elle, des choses admirables que sa plume et sa langue ne peuvent exprimer, au sujet de l'amplification du royaume de Jésus-Christ 1 ».
Dans une lettre qu'elle écrivait du Canada à son fils, à la date du 16 septembre 1661, elle nous donne des détails qui trouvent ici naturellement leur place sur une de ses grandes pratiques de dévotion à l'égard du sacré Cœur de Jésus. Après avoir rappelé les circonstances que nous venons de rapporter, elle ajoute:
« Cette divine touche eut son effet, car tout mon intérieur se trouva dans une communication très intime avec cet adorable Cœur, en sorte que je ne pouvais plus parler au Père éternel que par lui. Cette révélation m'avait été faite sur les huit à neuf heures du soir. Depuis lors, je n'ai jamais manqué un seul jour, sauf par impuissance de maladie ou pour n'avoir pas été libre dans mon action intérieure, de faire à cette heure-là un exercice de dévotion en l'honneur du sacré Cœur de Jésus. Voici à peu près comme je m'y comporte, lorsque je suis libre, en parlant au Père éternel :
« C'est par le cœur de mon Jésus, ma voie, ma vérité et ma vie, que je m'approche de vous, ô Père éternel. Par ce divin Cœur, je vous adore pour tous ceux qui ne vous adorent pas ; je vous aime pour tous ceux qui ne vous aiment pas ; je vous reconnais pour tous les aveugles volontaires qui, par mépris, ne vous connaissent pas. Je veux par ce divin Cœur satisfaire au devoir de tous les mortels. Je fais en esprit le tour du monde, pour chercher toutes les âmes rachetées du sang très précieux de mon divin Époux, afin de satisfaire pour toutes par ce divin Cœur. Je les embrasse pour vous les présenter par lui, et par lui je vous demande leur conversion. Hé quoi ! Père éternel, voulez-vous bien souffrir qu'elles ne connaissent pas mon Jésus et qu'elles ne vivent pas pour celui qui est mort pour tous ? Vous voyez, ô divin Père, qu'elles ne vivent pas encore. Ah! faites qu'elles vivent par ce divin Cœur. »
(Ici notre Mère faisait mention particulière de l'Église du Canada ; puis…
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1 Dom Claude Martin, relation, ch, X, IIe partie, p. 306.
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Louis- Admin
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Le Canada.SUITE
( Ici notre Mère faisait mention particulière de l'Église du Canada ; puis elle ajoutait : ) « Sur ce divin Cœur, comme sur un autel divin, je vous présente N. 1, votre petit serviteur, et N. 2, votre petite servante. Je vous demande, au nom de mon divin Époux, que vous les remplissiez de son esprit et qu'ils soient éternellement avec vous sous les auspices de ce divin et sacré Cœur. »
Puis elle s'adressait au sacré Verbe incarné lui-même : « Vous savez, mon Bien-Aimé, tout ce que je veux dire à votre Père par votre divin Cœur et par votre sainte âme; je vous le dis en le lui disant, parce que vous êtes dans votre Père et que votre Père est en vous ; faites donc tout cela avec lui. Je vous présente toutes ces âmes, faites qu'elles soient une même chose avec vous. »
Venait ensuite le tour de la très sainte Vierge, pour laquelle notre vénérée Mère a eu toujours une dévotion tendre et filiale, « O mon divin Époux, que vous rendrai-je pour l'excès de votre charité en mon endroit? C'est par votre divine Mère que je veux vous rendre mes actions de grâces. Je vous présente son sacré Cœur comme je présente le vôtre à votre Père. Je vous aime par ce sacré Cœur, qui vous a tant aimé ; je vous offre ce sein virginal qui vous a porté, je vous l'offre en actions de grâces de tous vos bienfaits sur moi, tant de grâce que de nature. Je vous l'offre pour l'amendement de ma vie et pour la sanctification de mon âme. Je vous le présente afin qu'il vous plaise me donner la grâce de la persévérance finale dans votre service et dans votre amour. Je vous rends grâces, mon divin Époux, de ce qu'il vous a plu choisir cette très sainte Vierge pour votre mère, de ce que vous avez voulu être enfermé neuf mois dans son sacré sein, et de ce qu'il vous a plu nous la donner pour Mère. J'adore le moment de votre Incarnation en elle et tous les divins moments que vous avez passés sur la terre. Je vous en rends grâces, et de ce que vous vous êtes voulu faire non seulement notre vie modèle, mais encore notre vie méritoire dans tous vos travaux et dans l'effusion de votre sang précieux. Je ne veux vivre que par vous. Purifiez donc ma vie impure et imparfaite par la pureté et la perfection de la vôtre et celle de votre divine Mère 1. »
En récitant cette formule, notre Mère avait coutume de considérer le Cœur sacré de Jésus comme l'autel de son sacrifice, et les âmes qu'elle offrait à Dieu, et la sienne tout d'abord, comme les victimes qui devaient y être offertes et consumées.
Quant au Canada, elle ne cessait…
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1 Claude Martin, son fils. — 2 Sa nièce, dont nous parlerons plus loin, qui, après avoir couru de grands dangers dans le monde, rentra plus tard au monastère des Ursulines de Tours et y finit saintement ses jours, sous le nom de Mère Marie de l'Incarnation, qu'elle avait voulu prendre au jour de sa profession, en souvenir de sa tante. — 1 Lettres spirituelles. Lettre XCVIIe, à son fils, 16 septembre 1661.
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Le Canada.SUITE
Quant au Canada, elle ne cessait d'intercéder pour lui auprès de son divin Époux. Au réfectoire, dans sa cellule, en récréation, partout elle était poursuivie par la pensée de ce cher pays, auquel elle consacrera désormais ses travaux, ses souffrances, ses prières, et jusqu'aux derniers battements de son cœur maternel.
Par une coïncidence étonnante et vraiment merveilleuse, le Père Poncet, jésuite, qui avait eu l'occasion de la connaître par l'intermédiaire du R. P. de la Haye, lui envoya, sur ces entrefaites, une relation détaillée des missions de la Nouvelle-France, avec un petit bourdon de pèlerin qu'il avait apporté lui-même de Notre-Dame de Lorette, et une image représentant la Mère Anne de Saint-Barthélémy, religieuse espagnole, au moment où elle recevait de Notre-Seigneur l'ordre d'aller évangéliser la Flandre, dans laquelle l'hérésie protestante avait fait les plus affreux ravages. Le tout était accompagné d'une lettre, dans laquelle le Père Poncet disait qu'il se sentait lui-même appelé de Dieu à porter la lumière de l'Évangile dans le Canada et qui se terminait par ces mots : « Je vous envoie ce bourdon et cette image, pour vous convier d'aller vous aussi servir Dieu dans la Nouvelle-France. »
C'était répondre aux plus ardents désirs de notre Mère, et confirmer l'ordre que Dieu venait de lui donner intérieurement.
Il n'y avait donc plus pour elle qu'à attendre le signal providentiel du départ; l'heure n'en est point éloignée, car Dieu a disposé depuis déjà longtemps toutes choses pour une si sainte et si glorieuse entreprise.
A suivre : Chapitre VII. Madame de la Peltrie (extraits).
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
CHAPITRE VII
(Extrait)MADAME DE LA P E L T R I E
Le vœu d'une mourante miraculeusement exaucé. — Ordre divin d'aller travailler à l'évangélisation du Canada.Erat autem eleganti aspectu nimis, cui
vir suus reliquerat divitias multas;... et erat
in omnibus famosissima , quoniam timebat
Dominum valde , nec erat qui loqueretur de
illa verbum malum. .
Elle était d'un aspect excessivement agréable;
son époux lui avait laissé de grandes richesses,
et sa renommée était répandue partout; car
elle craignait Dieu beaucoup, et il n'était personne
qui se permit sur son compte une parole mauvaise.
(Judith, VIII, 7, 8.)Le vœu d'une mourante miraculeusement exaucé.
Tandis que Dieu manifestait à la Mère Marie de l'Incarnation, dans le monastère de Tours, le secret de la dévotion au sacré Cœur et ses desseins de miséricorde sur le Canada, une touchante scène se passait à Alençon, petite ville admirablement située sur les frontières méridionales de la Normandie. Une jeune veuve connue sous le nom de Mme de la Peltrie, à peine âgée de vingt-trois ans, non moins richement dotée des biens de la terre que de ceux du ciel, était au moment de rendre sa belle âme à Dieu. Étendue sur sa couche, sentant la mort approcher à grands pas, elle avait déjà demandé à être revêtue des saintes livrées du Tiers-Ordre de Saint-François d'Assise, pour accomplir sous les auspices de ce saint patriarche son passage du temps à l'éternité. Deux religieux capucins veillaient à son chevet, récitant les prières des agonisants. Autour d'elle on n'entendait déjà que gémissements et lamentations.
Tout à coup le front de la mourante semble s'illuminer. Une pensée toute céleste a traversé son esprit, et tout bas, sans être entendue des personnes qui l'entourent, elle fait vœu à saint Joseph d'aller bâtir une église en son honneur au Canada, si la santé lui est rendue.
A peine ce vœu eut-il été formulé, un doux sommeil appesantissait les paupières de la malade ; et quand, au bout de quelques moments, elle se réveilla, tout mal avait disparu : ce n'était même pas la convalescence, c'était la guérison complète et la santé.
A cette nouvelle si inattendue, tout le monde s'empresse auprès de la jeune dame si miraculeusement guérie ; les médecins arrivent ; ils ont peine à en croire leurs yeux. L'un d'eux, ayant voulu encore lui tâter le pouls, lui dit en riant : « Où est donc votre fièvre, Madame? Serait-elle allée au Canada? — Oui, Monsieur, répondit celle-ci en souriant à son tour, mais d'un ton ému dont personne ne pouvait comprendre autour d'elle la signification, oui, Monsieur, elle y est allée. »
Ce n'était pas, du reste, la première fois que la pensée de ce lointain pays se présentait à l'esprit de cette riche et sainte veuve. Peu de temps avant sa maladie, elle avait lu, elle aussi, comme la Mère Marie de l'Incarnation, la relation des missions de la Nouvelle-France, et son cœur en avait été profondément touché. Elle s'était proposé dès lors de consacrer sa grande fortune à la conversion de cette terre encore plongée dans les ténèbres de l'idolâtrie.
Une grande faveur spirituelle…
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Ordre divin d'aller travailler à l'évangélisation du Canada.
Une grande faveur spirituelle, qui lui fut accordée le jour de la fête de la Visitation de la très sainte Vierge, vint achever de l'y déterminer. Étant ce jour-là en oraison, Notre-Seigneur daigna parler fortement à son cœur, et lui dire que sa volonté était qu'elle allât au Canada pour se dévouer au salut des indigènes de ces contrées, lui promettant de très grandes grâces, en retour de sa fidélité à exécuter ses ordres. A cette parole intérieure, la pieuse dame se sentit couverte d'une extrême confusion, et son visage fut en un instant tout inondé de larmes. « Ce n'est pas à moi, Seigneur, dit-elle, qui suis une si grande pécheresse et une si vile créature, qu'il faut faire de si grandes faveurs. — Il est vrai, repartit le divin Maître, mais c'est pour donner sujet d'admirer davantage ma miséricorde. Je veux me servir de vous en ce pays-là, et, nonobstant les obstacles qui s'élèveront pour empêcher l'exécution de mes ordres, vous irez et vous y mourrez. »
Bientôt après elle tomba malade et fut réduite à la dernière extrémité, ainsi que nous venons de le raconter.
A suivre : Chapitre VIII. Au monastère des Ursulines de Tours.
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
CHAPITRE VIIIAU MONASTÈRE DES URSULINES DE TOURSExpectans expectavi Dominum,
et intendit mihi.
J'ai attendu le Seigneur et mis en lui toute ma confiance,
et il s'est incliné vers moi.
(Ps. XXXIX .)Lutte amoureuse entre la volonté de l'Époux divin et celle de son épouse.
Dieu, qui est si jaloux de régner en maître absolu dans les âmes qui sont l'objet de ses préférences, exige d'elles le sacrifice complet de toutes choses, mais surtout celui de leur volonté. Et plus une âme ainsi aimée de Dieu est naturellement ardente et généreuse, plus elle doit s'attendre à être mortifiée de ce côté.
Nous allons voir notre vénérée Mère passer pendant deux années, bien longues au gré de ses désirs, par cette épreuve si mortifiante, mais si nécessaire, de la mort de la volonté propre. Son âme, avide de sacrifices, ne rêve plus que le Canada, où elle sait que son divin Époux veut l'envoyer, et Dieu cependant lui impose de longs retards, lui suscite des contradictions de tous genres, jusqu'à ce que, faisant à Dieu, en quelque sorte, le sacrifice de Dieu lui-même, elle se soumette, se résigne et meure à tous les plus saints désirs.
Au moment où nous avons laissé notre fervente Ursuline, elle venait, nous l'avons vu, de recevoir l'ordre divin d'aller fonder une maison religieuse destinée à faciliter l'œuvre de l'apostolat dans la Nouvelle-France. Elle nous a raconté elle-même que peu après cet événement, et pour hâter le moment où il lui serait donné d'exécuter cet ordre divin, elle s'offrit à Dieu en qualité de victime. Elle voulut aussi unir le souvenir et le nom de saint Joseph, pour lequel elle a toujours eu une grande dévotion, à ceux de Jésus et de Marie, et demanda à Dieu que la maison qu'elle avait reçu l'ordre d'aller fonder au Canada fût placée sous la protection spéciale de Jésus, Marie, Joseph.
« J'avais de fortes impressions, disait-elle en parlant de saint Joseph, que c'était lui que j'avais vu dans ma vision, sous la forme de ce personnage habillé de blanc qui me parut être le gardien de ce grand pays. Aussi, dans mes plus intimes et familiers entretiens avec Dieu, j'avais en esprit que Jésus, Marie et Joseph ne devaient point être séparés. Un jour, étant à table, au réfectoire, ressentant des affections extatiques, je disais : O mon Amour, il faut que cette maison soit pour Jésus, Marie et Joseph. Je le disais, sans pouvoir m'en empêcher. J'avais une certitude que la divine Majesté agréait mes instances, que je ne faisais, du reste, que par le mouvement de son Esprit 1. »
Il y eut alors comme une lutte entre la volonté de Dieu et celle de sa généreuse servante, mais c'était une lutte amoureuse, que notre vénérée Mère nous a décrite avec une grâce charmante et une touchante simplicité. L'épouse mystique veut ravir à son divin Époux sa volonté, afin d'exécuter sans retard ses ordres, et l’Époux divin veut absolument s'emparer de la volonté de son épouse pour l'anéantir et l'identifier, en quelque sorte, à la sienne. Inutile d'ajouter lequel des deux fut le vainqueur dans cette ineffable lutte d'amour.
« La divine Majesté jetait ses regards sur moi, lorsque je voulais ravir sa volonté par un généreux effort... Mais elle me signifiait que, puisque j'avais voulu ravir sa volonté, elle voulait par son amour triompher de la mienne 2. » Cette victoire fut bientôt remportée. Le divin Époux s'empara de la volonté de sa servante, comme il s'était autrefois, on s'en souvient, emparé de son cœur.
« Il se fit alors, dit-elle, une opération dans mon âme qui la faisait délicieusement agoniser; elle respirait seulement un peu, se confessant vaincue et disant par les aspirations qu'elle pouvait faire : Ah! mon Amour ! Ah ! mon grand Dieu ! Je ne veux plus rien et je ne puis rien vouloir, car vous m'avez ravi ma volonté. Exercez donc en moi votre pure volonté dans la droiture et la parfaite justice de vos adorables desseins. Mon âme demeura ensuite comme perdue dans cet océan d'amour de l'infinie Majesté de Dieu. Et au sortir de cette opération, dont je ne puis parler ici qu'en bégayant, parce qu'elle contenait des choses indicibles, je me trouvai dans un entier changement d'état, eu égard à celui dans lequel j'étais auparavant. C'était une paix, un repos, un non-vouloir et une demeure dans la volonté de Dieu, avec qui je traitais de toutes les affaires du royaume du sacré Verbe incarné. Cette divine volonté me conduisait et me gardait dans ces chemins de paix d'une manière qui m'était encore inconnue, quelque grandes grâces qu'elle m'eût faites 1. »
Une année entière se passa dans cet état d'absorption de la volonté de notre vaillante Ursuline en celle de Dieu…
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1 Dom Claude Martin, relation, ch, XII, IIe partie, p. 317. — 2 Id., ibid. — 1 Dom Claude Martin, relation, ch, XII, IIe partie, p. 317-318.
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Elle manifeste le secret de sa vocation apostolique au Canada.
Une année entière se passa dans cet état d'absorption de la volonté de notre vaillante Ursuline en celle de Dieu. Au bout de ce temps, elle comprit que son divin Époux voulait qu'elle manifestât à ses directeurs spirituels tout ce qui s'était passé en elle au sujet du Canada. Elle s'en ouvrit d'abord à un Père jésuite, le Père Salin, qui la rebuta en lui disant « de ne point s'arrêter à des fantaisies vaines et ridicules ».
La pauvre Mère fut grandement mortifiée d'une telle réponse, mais elle ne perdit point confiance, et se contenta de s'humilier devant Dieu en lui adressant du fond du cœur cette prière : « O mon doux Amour, s'il y a quelque chose à faire, faites-le, s'il vous plaît, puisque rien ne vous est caché; vous savez que je suis une personne de néant, que l'on ne croira jamais ; l'on dira que je veux tromper les autres après avoir été trompée moi-même, surtout en une chose qui semble être hors du sens commun, eu égard à ma condition de religieuse, qui m'oblige à vivre et à mourir dans un cloître. Je veux cependant, nonobstant tout cela, vous obéir; mais faites, s'il vous plaît, que je puisse le faire selon votre très sainte volonté 1. »
Plusieurs mois s'écoulèrent ainsi, durant lesquels la servante de Dieu était partagée entre la crainte et la confiance. D'un côté, elle n'osait plus parler directement à personne de ses vifs attraits apostoliques, et de l'ordre divin qu'elle avait reçu à ce sujet ; mais, de l'autre côté cependant, elle ne pouvait renoncer à cette idée, qui lui paraissait être, à quelque point de vue qu'elle l'examinât, d'inspiration vraiment divine. Elle avait beau, du reste, s'efforcer de faire silence sur ses vifs et irrésistibles attraits apostoliques, elle ne pouvait y parvenir. Malgré elle, et à tout instant, elle laissait échapper des paroles qui trahissaient sa grande préoccupation intérieure. Elle excitait toutes ses sœurs à travailler constamment auprès de Dieu, pour obtenir la conversion des sauvages. De sorte que, dans le monastère, « ce n'était, dit-elle, que prières, pénitences, communions à cet effet. »
Mais comment oser dévoiler ses grands secrets à sa supérieure et à son confesseur, après l'accueil qui leur avait été fait une première fois?
Heureusement, sur ces entrefaites, Dieu vint à son secours, en lui envoyant la visite du R. P. de Lydel, de la Compagnie de Jésus. Dès qu'elle eut vu ce bon Père, elle se sentit pressée de lui ouvrir son cœur et de lui demander ses conseils. Celui-ci écouta avec la plus grande attention ses pieuses confidences, et, après avoir réfléchi un instant devant Dieu, il lui déclara qu'elle devait se hâter de communiquer toute cette affaire au R. P. de la Haye, ainsi qu'elle en avait déjà eu l'inspiration.
Ce sage conseil fut béni de Dieu…
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1 Dom Claude Martin, relation, ch, XIII, p. 322.
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Le Père de la Haye.
Ce sage conseil fut béni de Dieu. Quand le R. P. de la Haye eut reçu la relation détaillée de tout ce qui se rapportait à la vocation de notre Mère pour les missions du Canada, il en fut émerveillé et ne put s'empêcher d'offrir à Dieu de vives actions de grâces. Il la communiqua aussitôt au R. P. Poncet, qui en fut ravi lui aussi, et nous verrons bientôt comment Dieu se servit de cet excellent religieux pour mettre en communication les deux grandes âmes prédestinées à coopérer si activement aux missions de la Nouvelle-France, notre vénérée Mère et Mme de la Peltrie.
Les choses en étaient là, lorsqu'une nouvelle bien…
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Le Père dom Raymond de Saint-Bernard.
Les choses en étaient là, lorsqu'une nouvelle bien étonnante et tout à fait inattendue arriva au monastère de Tours. On apprit que le R. P. dom Raymond de Saint-Bernard, dont nous avons déjà si souvent parlé, ce saint religieux qui avait été depuis si longtemps pour notre Mère comme un ange conducteur, était sur le point de s'embarquer pour aller évangéliser le nouveau monde.
A cette grande nouvelle, notre généreuse Ursuline ne se tint pas de joie. Elle s'empressa d'écrire à son ancien Père et directeur la lettre suivante, qui est datée du 10 mars 1635 :
(Note de Louis: J’insère ici, dans un seul message, la longue lettre-réponse de Mère Marie de l’Incarnation au R.P. Raymond de Saint-Bernard, pour ne pas perdre le « fil », si je puis dire, de sa pensée. Cette lettre est publiée dans un seul "bloc" dans le livre : pour fin de lecture, je mets des "paragraphes" au meilleur de ma connaissance, les espérant complets par eux-mêmes. Bien à vous.)« Mon très Révérend Père,
« II me serait impossible de ne point vous témoigner ce qui me presse. Je n'ai jamais eu de désir par rapport à mon avancement dans l'amour de mon Jésus, que je ne vous l'aie communiqué et qu'en même temps je ne me sois soumise à votre bon plaisir et à vos salutaires avis.
« Or aujourd'hui, mon très Révérend Père, j'ai un extrême désir d'aller au Canada, et ce désir me suit partout. Je ne sais à qui je dois le dire et demander secours pour l'exécuter. Mais on m'a appris que vous avez vous-même le dessein de tenter une aussi grande entreprise, que l'affaire est déjà fort avancée, et que même vous devez partir par la première flotte qui doit prendre la mer après Pâques. Bon Dieu ! cela est-il vrai ? S'il en est ainsi, de grâce, ne me laissez pas et menez-moi avec vous. J'aime ardemment tous ces petits sauvages, et il me semble que je les porte dans mon cœur. Que je m'estimerais heureuse de leur pouvoir apprendre à aimer Jésus et Marie!
« Il faut que je vous confesse qu'il y a plus de dix ans que je suis poursuivie du désir de travailler au salut des âmes, et je vois tant de charmes et de bonheur en l'exercice de cet emploi, que ce désir se rallume sans cesse. Il n'y a point de pensée si agréable à mon esprit, et il me semble qu'il n'y a personne sous le ciel qui soit capable de mériter la possession d'un bien aussi estimable que celui-là. Je pense que pour l'obtenir, il faut plus aimer que les Séraphins eux-mêmes, car cela doit se gagner par amour. Si j'aimais comme je devrais aimer, je me serais déjà saisie du cœur de mon très aimable Jésus, et l'aurais forcé de m'exaucer sans retard. Vous ne sauriez croire néanmoins combien je fais de saillies, ni combien de fois le jour mon esprit est dans de vifs transports, pour importuner celui qui seul peut m'ouvrir la porte.
« Ce qu'on m'a dit de vos projets, fait que je me demande si le divin Sauveur ne vous a point choisi pour me faire cette grande grâce, et mettre ainsi le comble à tous les biens qu'il a daigné m'accorder par vous. Si cela est, qu'il soit béni sans cesse et que son amour fasse que je ne m'en rende point indigne.
« J'avoue que quand je considère mes imperfections, je me dis aussitôt qu'il ne voudra pas de moi, que quelque autre plus aimée lui gagnera le cœur, et qu'il fera tomber cet heureux sort sur elle. Mais je lui rends grâces d'avance de ce choix, dans lequel il ne peut se tromper. Il se formera des sujets tels qu'il les veut capables de lui former de riches vases d'élection.
« Néanmoins je vous conjure de m'aider dans mon dessein et de me donner une réponse favorable. Mais je m'imagine que vous allez me blâmer de ce qu'étant si misérable, j'ose aspirer à une vie si sublime. Mais faites tout ce qu'il vous plaira, mon très Révérend Père, j'honorerai toujours vos rigueurs autant que vos bontés. »
Le premier sentiment du R. P. dom Raymond de Saint-Bernard, à la lecture de cette lettre, fut un sentiment d'étonnement et de désapprobation. Il ne comprenait pas que son ancienne pénitente pût avoir la pensée de quitter son monastère, surtout pour aller au delà des mers, dans un pays sauvage, où tant de considérations diverses devaient interdire à une femme de s'aventurer, même pour y remplir une mission sainte. Cependant il n'osa pas non plus condamner absolument ce projet. Il avait vu la Mère Marie de l'Incarnation marcher jusqu'à ce jour dans des voies si extraordinaires, il savait qu'elle était favorisée de tant de grâces, qu'il se dit à lui-même que Dieu, qui est tout-puissant, qui a fait dans tous les temps par le ministère de ses saints tant de prodiges, et dont le bras n'est point raccourci, pourrait bien, après tout, appeler cette âme d'élite à un genre de vie en apparence si contraire à toutes les données de la prudence humaine. Il voulut donc, avant de porter un jugement définitif sur cet attrait apostolique…
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Ardeurs apostoliques.
Il voulut donc, avant de porter un jugement définitif sur cet attrait apostolique, en connaître à fond le commencement, le progrès, les circonstances. Ce fut de sa part l'objet d'une lettre à laquelle notre vénérée Mère fit une réponse qui est trop belle et trop touchante pour que nous ne la reproduisions pas entièrement ici.
« Vous avez grand sujet, mon très Révérend Père, de présumer et tout ensemble de vous défier de mon ignorance et de ma faiblesse. Et je ne m'étonne pas que vous ayez été surpris de mes projets. Pardonnez-moi donc si l'instinct si violent qui me pousse me fait vous dire des choses que je devrais tenir cachées, à cause de ma bassesse. Je vais donc vous parler simplement, puisqu'il vous plaît de me le commander.
(Note de Louis: Ce qui suit est publié comme un seul paragraphe dans le livre; je vais respecter cette présentation, ne voulant pas perdre le sentiment de Mère Marie de l'Incarnation. Bien à vous.)
« Votre Révérence sait comment mon cher Époux m'a tenue depuis longtemps dans une union si étroite avec lui, que je ne pouvais considérer un autre objet que lui seul. Elle sait aussi combien j'étais heureuse et contente dans cette possession, et combien il m'était doux et facile de me passer de tous les biens terrestres. Or il est arrivé que depuis ma profession religieuse il a tenu mon esprit dans une douce contemplation des ravissantes beautés de sa sainte loi, et surtout de l'harmonie qui existe entre la loi ancienne et la loi évangélique. Ma mémoire était continuellement remplie des passages de la sainte Écriture qui se rapportent au sacré Verbe incarné. De sorte que, par la grandeur des lumières que je recevais, je me suis trouvée dans de si grands transports que, toute hors de moi, je disais : O mon grand Dieu! ô mon grand Amour! je fais vœu de croire tout ce qui a été dit de vous et tout ce que la créature si faible ne peut dire de vous. Or tout cela a mis dans mon âme un extrême désir de la vie apostolique. Il me semblait qu'avec tout ce que Dieu communiquait à mon cœur de lumière et de force, j'étais capable de convertir tous ceux qui ne le connaissaient pas et ne l'aimaient pas. Lorsque je fis mes exercices spirituels, je me trouvai toute honteuse d'avoir à rendre compte de ces sentiments, qui ne me paraissaient convenir ni à mon sexe ni à ma condition. Je n'avais pas entendu parler encore de la Mission, et cependant mon esprit était déjà par désir dans ces terres étrangères. Il y a plus de dix ans, ainsi que je vous l'ai dit dans ma dernière lettre, que je souhaite et envisage cette grande chose. Mais mon désir s'est accru depuis que j'ai entendu dire qu'il pourrait y avoir quelque moyen de l'exécuter. La lecture de la relation qui nous a été envoyée par le Père Poncet a excité encore mon désir et mon courage. Il me serait impossible de vous dire les communications intérieures que j'ai continuellement avec mon cher Époux sur ce sujet. Il me fait voir cette entreprise comme la plus grande, la plus glorieuse et la plus heureuse de toutes les fonctions de la vie chrétienne. Aucune créature n'est digne de cet emploi, ni ne peut le mériter. C'est son amour qui choisit tout à fait gratuitement ceux auxquels il le destine. Pour moi, j'y vois tant de charmes, que mon cœur en est ravi, et il me semble que je donnerais volontiers mille vies, si je les avais, pour acquérir la possession d'un si grand bien. Mais je me sens aussi si pauvre, si abjecte, si éloignée des conditions nécessaires pour gagner les bonnes grâces de Celui qui seul peut me le procurer, que je me sens pressée de lui dire : O mon Jésus, vous connaissez tous mes défauts. Je suis la créature la plus digne de mépris qui soit sur la terre; mais, mon cher Amour, vous êtes tout-puissant pour me donner ce que vous me faites si ardemment désirer. Alors je me sens dans une paix que je ne puis exprimer, et mon esprit s'occupe à contempler ces âmes qui n'aiment point Celui qui est infiniment aimable. J'ai souvent présent à la mémoire ce passage de saint Paul, où il est dit que Jésus-Christ est mort pour tous ; et je vois avec une extrême douleur que tous ne vivent pas encore, et que tant d'âmes sont plongées dans la mort. J'ai aussi de la confusion de penser que je puis contribuer à leur procurer la vie, et même d'oser aspirer à le faire. Je demande pardon de ma témérité, mais je ne puis retirer ma vue de ces chères âmes, ni abandonner un désir qui me suit partout. Quelquefois, dans la crainte que ces désirs ne soient chez moi que des impétuosités naturelles, ou bien que mon amour-propre ne se veuille contenter en cela, j'envisage tous les périls tant de la mer que du pays que je pourrai courir, les travaux qui m'incomberaient, le danger qu'il y a d'habiter avec des barbares, celui de mourir de faim ou de froid, d'être prise par les sauvages, enfin tout ce qui peut se rencontrer de plus affreux et d'épouvantable dans l'exécution d'un tel dessein. Toutes ces considérations si effrayantes ne produisent aucun changement dans mes dispositions intérieures. Tout au contraire, je sens un instinct intérieur qui me dit que Notre-Seigneur donnera aux âmes qui s'exposeront ainsi pour sa gloire la plénitude de son esprit, et que ce ne sera point en elles-mêmes, mais en lui qu'elles opéreront et viendront à bout de leur entreprise. Tout cela me fait poursuivre mes importunités auprès de mon Bien-Aimé, à qui je tâche de gagner le cœur. Mais je me demande ensuite si je ne suis pas comme cette mère dont il est parlé dans le saint Évangile, qui demandait à Jésus les deux premières places de son royaume, et à qui il fut répondu : Vous ne savez pas ce que vous demandez. C'est pourquoi j'ai recours alors à ma prière ordinaire, qui consiste à demander à Dieu de ne pas m'accorder ce que je lui demande, si cela est contraire à ce qu'il m'a destiné lui-même de toute éternité.
« Quoi qu'il en soit, mon Révérend Père…
(A suivre)…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Ardeurs apostoliques.SUITE
« Quoi qu'il en soit, mon Révérend Père, qu'heureuses sont les âmes sur lesquelles tombera ce bienheureux sort! Quelles qu'elles soient, je bénirai éternellement Dieu de les avoir choisies, et je dirai que si le choix divin n'est pas tombé sur moi, ce n'est pas que Dieu, mon cher Maître, n'ait pas d'amour pour moi, mais que c'est moi qui me suis rendue indigne de cette grande miséricorde.
« Je dois aussi vous dire que depuis le jour où j'ai commencé à avoir ces ardents désirs, ils n'ont pas cessé un seul moment de me poursuivre. Mais je découvre, au contraire, chaque jour dans mon projet de nouvelles beautés qui me le font chérir encore davantage. Aidez-moi donc, mon Révérend Père, afin que je meure en servant Celui qui me fait tant de miséricordes. Si vous saviez la force de mon désir, vous auriez certainement compassion de moi, et je suis assurée que vous ne me refuserez pas votre assistance. Plût à Dieu que vous puissiez lire dans mon intérieur, car il m'est impossible de dire tout ce que je pense. J'ose seulement vous dire que je crois très fortement que Dieu veut cela de moi. Mes oraisons continuelles seront à ce projet, car je ne veux rien que la volonté de sa divine Majesté, à laquelle je veux que tous mes désirs soient soumis et subordonnés 1. »
Peu de jours après, la Mère de l'Incarnation écrivit encore à son ancien directeur pour lui renouveler ses demandes. Elle lui disait qu'une lettre de la supérieure du monastère de Tours accompagnait la sienne, et qu'elle était toujours et plus que jamais toute languissante en attendant « l'accomplissement de ce que son cher Époux lui avait ordonné ».
Elle ajoutait en finissant : « Vous m'avez conduite à Dieu lorsque j'étais encore dans le siècle, vous m'avez donnée à lui dans la vie religieuse. Pour l'amour de lui-même encore, conduisez-moi au bien que je vois comme le plus grand de tous les biens. »
Le Père dom Raymond de Saint-Bernard ne put s'empêcher d'être très ému à la lecture de ces deux lettres…
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1 Lettre du mois d'avril 1635.
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Ardeurs apostoliques.SUITE
Le Père dom Raymond de Saint-Bernard ne put s'empêcher d'être très ému à la lecture de ces deux lettres.
Après un examen prolongé et attentif, il fut obligé de reconnaître que ce projet n'était point un effet de l'imagination, ni un dessein conçu à la légère. Il se rappela que la Mère Marie de l'Incarnation, étant toute jeune encore, se joignait déjà en esprit aux hommes apostoliques, pour travailler avec eux au salut des âmes, et que son attrait surnaturel, constant et permanent, avait toujours été de se dévouer à la conversion des infidèles.
Il remarqua en outre que, malgré ses vifs et véhéments désirs pour la vie apostolique dans le Canada, elle subordonnait complètement sa volonté propre à celle de Dieu, jusqu'au point de supplier son divin Maître et Époux de ne point l'envoyer dans la Nouvelle-France, si ce n'était point son bon plaisir.
Ce qui le frappa non moins encore, ce fut de voir que, dans l'impétuosité de ses désirs et de son zèle, elle ne ressentait jamais ni trouble ni inquiétude, mais qu'elle demeurait toujours, au contraire, dans une profonde et solide paix.
Toutes ces considérations agirent vivement sur son esprit, et commencèrent à lui faire envisager le projet qui lui était soumis, sous un aspect favorable.
Du reste, il était bien facile de reconnaître tous les signes du véritable appel de Dieu dans cette vocation étonnante. On a vu avec quel respect, quelle déférence, quel esprit d'obéissance et de soumission, la fidèle servante de Dieu a soumis humblement son projet à l'approbation de ses supérieurs et des organes vivants de la sainte église. Bien que Dieu lui eût dévoilé directement le mystère du sacré Cœur de Jésus, lui eût montré le Canada et lui eût donné lui-même l'ordre formel d'y aller, elle garde pour elle-même tous ces ineffables secrets divins, ou, si elle les communique à ses directeurs, ce n'est que tout bas, humblement, avec la plus grande réserve et discrétion. Elle sait trop bien, en effet, que ce n'est pas par des révélations directes que Dieu conduit les âmes, sauf dans des cas extrêmement rares, mais par le ministère extérieur, visible et authentique des ministres de l'Église et des supérieurs qu'il a établis. Aussi c'est à eux qu'elle s'adresse, à eux qu'elle demande de sanctionner de leur approbation et de leur autorité la mission divine qu'elle croit avoir reçue de Dieu.
Quand elle aura reçu cette sanction apostolique, elle marchera sans crainte dans la voie qui lui a été tracée. Rien ne pourra arrêter son ardeur ni ébranler son courage. Nous la verrons alors surmonter, Dieu sait avec quel héroïsme, tous les obstacles pour voler où Dieu l'appelle. Mais jusque-là elle hésite, elle attend, elle interroge, et se soumet d'avance à la pure volonté de Dieu qui lui sera manifestée par ses supérieurs. Ce sont bien là, il n'y a pas à s'y méprendre, tous les signes d'une vraie vocation divine.
Qu'on considère de plus avec quel esprit d'humilité…
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Ardeurs apostoliques.SUITE
Qu'on considère de plus avec quel esprit d'humilité, d'abnégation, de dévouement et de sacrifice, la future apôtre du Canada s'abandonne à Dieu pour l'accomplissement d'une œuvre si glorieuse, sans doute, mais aussi si périlleuse et si pénible à la nature; et l'on ne sera pas étonné de la réponse du Père dom Raymond de Saint-Bernard.
Ce saint et savant religieux répondit, en effet, en donnant sa pleine et complète approbation au grand projet qui lui avait été soumis. Il promettait même de faire tous ses efforts pour en favoriser l'exécution. Mais il ajoutait qu'il ne pouvait songer à emmener avec lui sa généreuse émule dans la carrière apostolique, puisqu'il était déjà à la veille de son départ.
La mission des religieuses dans les pays infidèles était, du reste, alors toute nouvelle. On n'en avait jamais vu aucun exemple, et l'on ne pouvait se rendre un compte exact des vrais moyens qu'il y aurait à prendre pour la faire réussir. Aussi le Père dom Raymond déclarait fort sagement, qu'après avoir lui-même examiné le pays, les habitants, les mœurs, les usages, tout ce qui concerne une installation matérielle, il en transmettrait à la Mère de l'Incarnation une relation détaillée, avec ses conseils pour l'exécution d'un tel projet.
Mais, une fois l'approbation donnée à sa mission, comment cette âme ardente eût-elle pu s'accommoder de tant de retards ?
« Quoi ! mon Père, vous partez, lui écrivait-elle, et vous partez sans nous! Celui qui donna la ferveur à saint Laurent martyr, nous en donnera à nous aussi dans sa grande miséricorde, pour vous dire ce qu'il disait à son père saint Xyste, lorsqu'on le conduisait au martyre: Où allez-vous, mon père, sans vos filles ? Avez-vous peur qu'elles souffrent ce que vous allez souffrir ? Je sais que vous ne trouverez point de lieu préparé pour vous recevoir en cette terre lointaine. Mais c'est justement ce qui est glorieux, et vous voulez nous priver de cette gloire ! Vous dites que vous nous donnerez avis de l'état des choses ; pour moi je sais qu'en quelque temps que nous y allions, nous n'y trouverons que des incommodités. Et pourquoi donc différer plus longtemps de nous perdre entre les bras de la divine Providence? J'estime et je chéris cet abandon par-dessus tout ce qu'il y a de plus éminent sous le ciel, et je vois tout au-dessous. Si vous nous laissez, qui nous facilitera les moyens du départ ? A qui faudra-t-il nous adresser ? Comment aurons-nous des obédiences ? et par quelle autorité? Vous avez encore un mois durant lequel il vous sera facile de résoudre tout cela. Poussez donc l'affaire, pour l'amour de Dieu ! Je crois que vous en viendrez aisément à bout, si vous l'entreprenez. Veuillez considérer aussi que, quand vous serez parti, il nous sera très difficile d'avoir de vos nouvelles. Et puis voici la meilleure saison pour faire ce voyage; car, comme le pays est très mauvais, ainsi que le témoigne la relation, il serait bon d'en prendre les habitudes avant l'hiver. Je ne sais pourtant de quel côté nous irons, ou à Québec ou ailleurs; mais en quelque lieu que ce soit, je regarde cet aimable pays comme mon paradis terrestre, où il me semble que la plénitude des grâces du Saint-Esprit nous attend 1. »
Le Père dom Raymond de Saint-Bernard eût bien voulu satisfaire les ardents désirs de son ancienne fille spirituelle…
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1 Lettre du 19 avril 1635.
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Re: Mère Marie de l'Incarnation, Ière Supérieure des Ursulines de Québec.
Ardeurs apostoliques.SUITE
Le Père dom Raymond de Saint-Bernard eût bien voulu satisfaire les ardents désirs de son ancienne fille spirituelle. Il s'efforça même de gagner à ses desseins un homme fort pieux et fort riche de sa connaissance, qui aurait pu se charger de la fondation d'un monastère d'Ursulines au Canada; mais, pour des motifs que nous ignorons, il ne put y réussir.
En apprenant à notre vénérée Mère l'insuccès de ses efforts, le zélé religieux, voulant atténuer autant que possible le chagrin que cette nouvelle devait lui causer, lui adressait quelques petites plaintes aimables sur ce qu'il appelait « son trop grand amour d'elle-même, qui la portait, disait-il, à penser trop à ses propres intérêts, au préjudice de ceux d'autrui, car elle l'exposait lui-même à perdre sa vocation en voulant trop se servir de lui pour faire réussir la sienne ». Puis, répondant à l'exemple de saint Xyste que notre Mère lui avait allégué, il ajoutait que, « de même que saint Xyste passa outre sans avoir égard aux plaintes de saint Laurent, il était décidé lui aussi de passer sans l'écouter davantage ».
On pense bien que l'ardente Ursuline ne se tint pour pas battue, en recevant cette lettre. Elle prit aussitôt la plume.
(Note de Louis: La lettre de Mère Marie de l’Incarnation suivante est publiée dans un seul "bloc" dans le livre : pour fin de lecture, je mets des "paragraphes" au meilleur de ma connaissance, les espérant complets par eux-mêmes. Bien à vous.)
« Vous me martyrisez, répondit-elle à son ancien directeur, quand vous dites qu'il nous faut différer et que vous êtes décidé à partir sans nous. Avons-nous donc tant de chose à disposer, que nous ne puissions le faire avant le départ de la flotte? Je crois que vous voulez nous laisser entièrement à la Providence, sans que nous devions faire d'autre recherche. S'il en est ainsi, j'agrée votre procédé, mais je réponds à votre lettre. Je vous parle en toute candeur, et sans rechercher mon propre intérêt.
« Après avoir prié et m'être entretenue avec Dieu, je me sens portée sans que je puisse m'en empêcher à vous supplier très humblement de nous attendre, si tant est que nous ne puissions d'aucune manière partir par cette prochaine flotte. Et ne craignez pas de hasarder votre vocation, en attendant un peu pour faire une œuvre de charité; autrement nous n'aurions plus de dom Raymond pour nous aider, et tout autre qui ne serait pas embrasé du même désir ne prendrait pas l'affaire si à cœur, et c'est en ce cas que notre vocation serait en hasard plutôt que la vôtre.
« Ce n'est donc pas rechercher nos propres intérêts que de recourir à ceux que Dieu a mis en ce monde pour nous aider. Combien pensez-vous que je chérisse votre vocation? Je n'en puis assez louer Dieu, qui sait que j'aimerais mieux mourir plutôt que d'être la cause de sa perte pour un retard inutile.
« Mais je vous le répète, à l'heure où je vous écris, je me sens encore poussée de vous prier de hâter l'affaire, et pour vous et pour nous. Ce n'est pas que nous ayons la présomption de pouvoir vous apporter quelque soulagement dans vos travaux, mais nous voulons profiter de vos exemples pour animer et soutenir notre courage. Il est possible que l'aimable Jésus veuille tirer sa gloire des choses basses, viles et misérables, je veux dire de nous autres pauvres religieuses.
« Mais ne seriez-vous pas bien aise que ces paroles, qui sont de saint Paul, soient accomplies en nous? La divine Majesté en a bien fait d'autres, et, pour moi, je suis pleine d'espérance et je crois que nous recevrons des grâces surabondantes. Nous nous voyons comme ces petits moucherons, mais nous nous sentons assez de cœur pour voler avec les aigles du Roi des saints, si nous pouvons les suivre, car ces aigles nous porteront sur leurs ailes, comme elles portent leurs petits. »
Quant à l'exemple de saint Xyste, qui passa outre, allant au martyre...
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Quant à l'exemple de saint Xyste, qui passa outre, allant au martyre, malgré les intentions de saint Laurent : « Il est vrai, répondit-elle, que saint Xyste passa outre laissant saint Laurent à l'écart; mais il ne le devança que de trois jours, après lesquels il fut facile au fils de suivre son père. Le champ lui était ouvert pour satisfaire son désir, mais nous ne l'avons pas, et, si vous faites tant, il y a danger qu'une année ne soit trop longue ; il avait des trésors à distribuer, et nous n'en avons point; mais plutôt nous sommes les pauvres de Jésus-Christ, et c'est à nous de recevoir la charité de vous-mêmes. »
Le Père dom Raymond voulut encore alléguer, à l'appui de ses conseils de modération et de patience, l'exemple de saint Pierre, qui à cause de sa présomption « était tombé dans un abîme où il courut risque de se perdre ».
Mais cette Mère, dont l'humilité était égale à la confiance en son divin Époux, lui fit aussitôt cette réponse :
« J'étais étonnée que vous ne m'ayez point encore parlé de saint Pierre. »
Puis elle ajoutait :
« Je vous avoue, mon révérend Père, que la défiance que j'ai de moi-même, jointe à l'expérience de mes propres faiblesses, me fait souvent appréhender ce que vous me dites. Je m'efforce d'entrer pleinement dans les dispositions que vous m'indiquez, m'abandonnant sans réserve entre les mains de Dieu, qui peut me remplir de son esprit de force et apaiser l'impétuosité naturelle du mien, avec lequel je ne prétends point agir. Au reste, ajoutait-elle, je connais trop votre charité pour croire que vous ne faites pas plus pour nous que vous ne le dites. Hâtez-vous donc, mon révérend Père; nos cœurs seront tout brûlés avant que nous ne soyons en Canada, si vous n'y prenez garde. Ne nous condamnez pas non plus, si nous semblons si impétueuses, et cela sans motif, comme vous le dites, car il y a, au contraire, pour cela bien des raisons. Au reste, si nous sommes si pressées, vous ne sauriez nous condamner sans condamner aussi Celui qui m'apprend qu'il n'y a que les violents qui ravissent le ciel. Nous attendons de vos nouvelles par la poste, le messager tarde trop. »
Et dans une autre lettre qui fit suite de quelques jours à cette dernière…
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