Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET

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Message  Louis Jeu 23 Aoû 2012, 6:29 am

V. Les Iroquois détruisent les missions huronnes. — Réflexions de MleMance sur ce sujet.

Pendant le séjour que Mlle Mance fit en France, les Iroquois, toujours animés contre les Hurons, achevèrent de les ruiner, quoique ceux-ci fussent au nombre d'environ 30,000 ; ils massacrèrent cruellement les uns, et dispersèrent les autres dans les bois : de sorte que, lorsqu'elle arriva à Montréal, trois jours avant la Toussaint de l'année 1650, les missions huronnes n'existaient plus. Elle entendit avec douleur les détails qu'on lui raconta sur ce désastre lamentable, et en prit occasion de mettre de plus en plus sa confiance au secours de DIEU pour la conservation de Villemarie.

« Tout cela m'a bien fait adorer la Providence divine, disait-elle depuis, quand j'ai vu à mon retour que M. Lemoine, qui était parti pour porter du secours dans le pays des Hurons, a été obligé de relâcher, les trouvant tous qui venaient, du moins autant qu'il en restait. Car enfin, si les associés de Montréal avaient tourné leurs vues vers ce dessein, et y avaient appliqué leurs dépenses, à quoi tout cela aurait-il abouti? Il est vrai que l'état pitoyable où j'avais laissé les Hurons me faisait compassion ; le Ciel, qui voulait les humilier, n'a pas permis que ses serviteurs aient ouvert leurs bourses pour un ouvrage qu'il ne voulait pas maintenir; il a choisi dans Montréal une œuvre qu'apparemment, il veut rendre plus solide. Son saint nom soit béni à jamais (1) ! »

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(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1649 à 1650.

A suivre : VI. Les Iroquois attaquent Villemarie. — On fortifie l' Hôtel-Dieu.

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Message  Louis Ven 24 Aoû 2012, 6:59 am

VI. Les Iroquois attaquent Villemarie. — On fortifie l' Hôtel-Dieu.

Les Iroquois, ayant détruit ou mis en fuite les Hurons, sans pouvoir poursuivre les fuyards dans les pays où ils s'étaient retirés, résolurent en 1650 de ruiner Villemarie (2). « Ils se tournèrent contre nous, écrivait Mlle Mance, avec plus d'orgueil et d'insolence qu'ils ne l'avaient fait jusque alors. Ils nous serraient de si près, et leurs attaques étaient si brusques et si fréquentes, qu'il n'y avait plus de sûreté pour personne. Ils tuèrent plusieurs des nôtres, et brûlèrent des maisons dans les environs même de Villemarie. Notre hôpital n'était pas en sûreté, et il fallait y mettre une forte garnison pour le défendre (3). »

Dans ce dessein, les seigneurs de Montréal firent construire deux redoutes auprès de l'hôpital, et les fournirent de toutes les armes et munitions nécessaires en cas d'attaque, spécialement de deux pièces d'artillerie (1). Nous ne raconterons pas ici les traits de valeur et de courage que la colonie offrit alors à l'admiration du reste du Canada, ni les barbaries atroces que les Iroquois exercèrent sur les Montréalistes dans cette cruelle guerre. Ils ne se contentaient pas de tourmenter ainsi les hommes qui tombaient entre leurs mains, mais, ce qu'on ne peut lire qu'avec horreur, ils en usaient avec la même barbarie à l'égard des femmes ; et Mlle Mance pensa être elle-même la victime de leur cruauté, le 6 mai de l'année suivante 1651.

Ce jour-là, le nommé Jean Boudart, et Catherine Mercier sa femme, l'un et l'autre singulièrement respectés dans la colonie pour leur piété et leur vertu, étant poursuivis par huit ou dix Iroquois, regagnaient à toutes jambes leur maison, lorsque enfin la femme, qui ne pouvait tenir pied à son mari, fut saisie par ces barbares. Boudart, touché de ses cris, revient alors sur ses pas pour la leur arracher; mais cet acte de dévouement, qui ne sauva pas sa femme, lui coûta à lui-même la vie, qu'il perdit sur la place en se débattant à coups de poings avec les Iroquois. Au bruit de cette action, M. Lemoine, dont on a parlé, le sieur Archambault et un autre, accourent en toute hâte pour secourir leurs concitoyens, et se voient chargés à leur tour par quarante Iroquois cachés en embuscade derrière l'hôpital, qui s'efforcent de les envelopper. Voyant alors qu'il n'y avait pour eux de salut que dans une prompte fuite, retournent sur leurs pas, et, essuyant le feu de ces quarante hommes, qui n'eut heureusement d’autre effet que de percer le bonnet de M. Lemoine, ils se jettent dans l'hôpital, où Mlle Mance était seule (1).

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(2) Histoire du Montréal, ibid., 1650, 1651.
(3) Vie de la sœur Bourgeoys, Villemarie, 1818, P. 33.
(1) Mémoire de Mlle Mance sur les choses fournies par les seigneurs de l’Hôtel-Dieu, de 1644 à 1660 ; archives du séminaire de Villemarie.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1650 à 1651. — Histoire du Canada, par M. de Belmont.



A suivre : VII. DIEU ne permet pas que les Iroquois s’emparent de Mlle Mance…

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Message  Louis Sam 25 Aoû 2012, 8:20 am

VII. DIEU ne permet pas que les Iroquois s'emparent de
Mlle Mance. — Mort glorieuse de Catherine Mercier.

L'enclos de cet établissement, comme on l'a déjà dit, était environné d'une forte clôture de pieux, où l'on entrait par une grande porte placée dans un petit bâtiment de défense, et par une autre plus petite. Ces deux portes, qu'on fermait avec des serrures et des barres de fer (2), se trouvaient ouvertes par hasard lorsque les trois individus dont nous parlons vinrent à passer devant ; et cette circonstance avait sans doute été ménagée par une disposition particulière de la divine Providence : car, selon la remarque de M. Dollier de Casson, de qui nous empruntons ce récit, si ces trois hommes n'eussent pas trouvé l'hôpital ouvert, ils étaient pris infailliblement par les barbares ; et s'ils eussent continué de fuir, les Iroquois, qui les poursuivaient, le voyant tout ouvert, y seraient certainement entrés, auraient enlevé MlleMance, pillé et brûlé la maison.

Mais les trois Montréalistes en ayant aussitôt fermé les portes, les Iroquois ne songèrent qu'à se retirer avec la femme de Boudart et à chercher un autre colon appelé Chiquot, qu'ils avaient vu se cacher sous un arbre et qu'ils trouvèrent. Ils voulaient l'emmener vivant dans leur pays pour lui faire souffrir d'horribles supplices; mais il se défendait, et les frappait si rudement à coups de pieds et de poings, qu'ils ne purent le contraindre de les suivre ; et qu'enfin, craignant d'être joints par les Montréalistes qui accouraient pour le délivrer, ils lui enlevèrent la chevelure avec un morceau du crâne. Mlle Mance par les soins qu'elle en prit, parvint à le guérir, et Chiquot vécut encore près de quatorze ans (1).

Le sort de Catherine Mercier fut plus triste selon la nature, mais plus glorieux encore si on l'envisage des yeux de la foi. Ces barbares la brûlèrent cruellement dans leur pays, après qu'ils lui eurent arraché les mamelles, coupé le nez et les oreilles, et qu'ils eurent déchargé sur elle le poids de leur rage, pour se venger de la mort de huit des leurs perdus dans un combat.

« DIEU ajoute le P. Ragueneau, Jésuite, donna du courage à cette pauvre femme. Au milieu des tourments, sans cesse elle implorait son secours ; ses yeux furent collés au ciel, et son cœur fut fidèle à DIEU jusqu'à la mort. En expirant elle avait encore à la bouche le nom de JESUS, qu'elle invoqua aussi longtemps que durèrent ses peines (1). »

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(2) Mémoire de Mlle Mance sur les choses fournies par les seigneurs, etc
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, ibid.
(1) Relation de la Nouvelle-France, an. 1650 et 1651, p. 5 et 6. — Lettres de Marie de l'Incarnation, 1681, in-4º, 2epartie, lettre 44e, du 3 septembre 1652 , p. 457. Vie de la Mère Catherine de Saint-Augustin, hospitalière de Québec, par le R. Paul Ragueneau , in-8º, p. 57.


A suivre : VIII. Les Iroquois forment le siège de l'Hôtel-Dieu…

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Message  Louis Dim 26 Aoû 2012, 7:12 am

VIII. Les Iroquois forment le siège de l'Hôtel-Dieu. — Mlle Mance et tous les colons se retirent dans le fort.

Cette année, les attaques des Iroquois furent presque continuelles, et firent périr plusieurs braves Montréalistes, entre autres Léonard Lucos dit Barbot, qui mourut de ses blessures, ainsi que Jean Hébert. Mais l'attaque la plus alarmante pour Mlle Mance fut celle qui eut lieu le 26 du mois de juillet. Deux cents Iroquois, s'étant retranchés dans un grand fossé qui était à côté de l'hôpital, et descendait vers la rue Saint-Paul qu'il traversait, fondirent sur cette maison. Comme il n'y avait alors personne pour la défendre, M. Closse, major de Villemarie, accompagné de seize hommes, s'y rendit incontinent pour soutenir l'attaque. Elle fut des plus opiniâtres, et la défense des plus vigoureuses; et quoique les assiégés ne fussent qu'au nombre de dix-sept contre deux cents ennemis, qui environnaient l'hôpital de toutes parts, ils soutinrent le combat depuis six heures du matin jusqu'à six heures du soir, sans éprouver d'autre perte que celle de Denis Archambault qui mettant le feu à un canon de fonte, fut tué un éclat de cette pièce, qui creva (1) et tua beaucoup d'ennemis (2).

Enfin les Iroquois se virent contraints d'abandonner le siège de l'hôpital, et, pour se venger de la perte des leurs ils incendièrent dans leur retraite une maison voisine, qui fut toute la perte que la colonie fit dans cette action avec celle du brave Archambault (3).

Comme ces attaques se renouvelaient tous les jours, et qu'il n'y avait plus de sécurité pour personne, les habitants prirent le parti d'abandonner leurs maisons, pour se retirer dans le fort (4).

Ce fut pour Mlle Mance une nécessité de s'y loger aussi, et de quitter enfin l'hôpital, où l'on ne pouvait plus établir une garnison pour le défendre, vu le petit nombre de soldats qui restaient après tant de pertes.

« Montréal écrivait cette année le P. Ragueneau, serait un paradis terrestre si ce n'était que les Iroquois y portent la terreur, qu'ils y paraissent quasi continuellement, et rendent ce lieu presque inhabitable. Il n'y reste en tout qu'environ cinquante Français. C'est une merveille qu'ils n'aient été exterminés par les fréquentes surprises des troupes iroquoises, qui ont été fortement repoussées diverses fois. M. de Maisonneuve a maintenu cette habitation par sa bonne conduite ; la paix et la crainte de DIEU y ont régné entre les Français (1). »

« Montréal à fort à souffrir, écrivait de son côté la mère de l'Incarnation; tout est néanmoins en paix à Québec (2). »

_____________________________________________________

(1) Registres des sépultures de Villemarie, 26 juillet 1651.
(2) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(3) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1650 à 1651.
(4) Histoire du Montréal, ibid.
(1) Relation de la Nouvelle-France, an. 1650 et 1651, p. 4 et 5.
(2) Lettres — 2epartie, lettre 44, 3 septembre 1651 , p. 457.

A suivre : IX. Mlle Mance envoie M. de Maisonneuve en France.



Dernière édition par Louis le Mer 29 Aoû 2012, 5:24 pm, édité 1 fois (Raison : Balises.)

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Message  Louis Lun 27 Aoû 2012, 6:28 am

IX. Mlle Mance envoie M. de Maisonneuve en France. — Elle offre 22,000 livres de la fondation pour être employées à une levée de soldats.

La petite colonie voyant donc diminuer de jour en jour le nombre de ses soldats, sans pouvoir réparer ses pertes, tandis que les Iroquois recevaient toujours de nouveaux renforts, il était manifeste que, s'il ne venait bientôt un puissant secours de France, l'établissement de Villemarie était perdu.

« Tout le monde était découragé, écrit Mlle Mance; dans cette extrémité, comme je faisais réflexion quel préjudice ce serait pour la religion, et quelle humiliation pour l'État, si l'on était obligé d'abandonner le pays, je me sentis inspirée de m'adresser à M. de Maisonneuve pour l'engager à faire un voyage en France afin d'aller demander du secours à MM. de Montréal (3). »

M. de Maisonneuve entra d'autant plus volontiers dans les vues de Mlle Mance, qu'il ne voyait pas d'autre moyen de conserver la colonie. Et pour la maintenir il jugeait qu'il ne fallait guère moins d'un renfort de deux cents hommes. Il répondit donc à Mlle Mance qu'il partirait incontinent pour la France, et que, s'il ne pouvait amener au moins cent hommes avec lui il ne reviendrait plus en Canada (1).

La difficulté était de trouver des fonds pour une pareille levée, la plus considérable qu'on eût jamais vue dans la Nouvelle-France. Les associés, alors réduits au nombre de sept qui fussent en état de fournir aux frais de l'œuvre, s'étaient épuisés l'année précédente pour le dernier embarquement et il n'était pas à présumer qu'ils pussent faire seuls les frais d'une recrue de soldats si nombreuse.

Pour diminuer ces difficultés, Mlle Mance imagina un expédient qui lui réussit.

Considérant que de la conservation de la colonie dépendait celle de l'hôpital, et jugeant que Mmede Bullion était disposée à faire toutes sortes de sacrifices pour maintenir cette maison, son ouvrage, elle offrit à M. de Maisonneuve d'employer à la levée de ces hommes 22,000 livres que Mme de Bullion lui avait données pour l'hôpital, et qui étaient placées à Paris entre les mains de Mme de Renty. Seulement, elle exigea qu'en remplacement de cette somme, M. de Maisonneuve, comme procureur de la Compagnie de Montréal en Canada, donnât à l'hôpital cent arpents de terre défrichée du domaine des seigneurs. M. de Maisonneuve agréa ces propositions, nomma M. de Musseaux pour gouverneur en son absence, et partit incontinent (1).


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(3) Vie de la sœur Bourgeoys. — Villemarie, 1818, in-12, p. 33.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1651 à 1652.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1650 à 1651.

A suivre :

1652. X. MlleMance apprend que M. de Maisonneuve doit revenir avec un renfort. — Courage des Montréalistes en attendant l'arrivée de celui-ci.

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Message  Louis Mar 28 Aoû 2012, 6:31 am

1652. X. Mlle Mance apprend que M. de Maisonneuve doit revenir avec un renfort.
— Courage des Montréalistes en attendant l'arrivée de celui-ci.

L'année suivante, 1652, la petite colonie de Montréal, dans l'attente d'un prochain secours, sembla redoubler de courage et de résolution, en repoussant avec une vigueur non pareille les diverses attaque que lui livrèrent les Iroquois. Au rapport de la sœur Bourgeoys, il n'y restait plus alors que dix-sept hommes en état de porter les armes (2); ce qui dura sans doute jusqu'à l'arrivée de dix autres qu'on reçut de Québec (3).

Comme donc à Villemarie chacun était impatient de savoir le résultat du voyage de M. de Maisonneuve, Mlle Mance, dès que l'été fut venu, résolut de se rendre à Québec pour savoir s'il était de retour, et elle pria M. Closse de l'escorter jusqu'aux Trois-Rivières; ce qu'il fit.

Mais après quelques jours, et pendant que Mlle Mance attendait une commodité pour descendre à Québec, M. Closse apprit que les Iroquois se montraient plus terribles contre Montréal qu'ils ne l'avaient jamais été; et qu'enfin, depuis son départ, les colons étaient si épouvantés, qu'ils ne savaient que devenir. Là-dessus il laisse aux Trois-Rivières Mlle Mance, qui attendait le départ de M. Duplessis, gouverneur de ce lieu, et se rend en toute hâte à Montréal, où sa présence relève le courage de tous les siens. Mais Mlle Mance, au lieu de trouver M. de Maisonneuve à Québec, reçut une lettre de lui par laquelle il lui mandait qu'il espérait revenir l'année suivante, et conduire avec lui plus de cent hommes. Il ajoutait qu'il avait vu adroitement Mme de Bullion pour lui faire connaître l'état des choses, et qu'il avait sujet d'espérer beaucoup de sa générosité ; qu'enfin elle ne manquât pas de lui écrire à lui-même, sans nommer cependant Mme de Bullion (1).

Regardant alors comme assuré le retour de M. de Maisonneuve, qui avait paru auparavant fort incertain, Mlle Mance fut extrêmement consolée par cette lettre, et après qu'elle eut donné ses ordres relativement à divers effets envoyés de France par les associés, elle retourna promptement à Villemarie pour y annoncer cette heureuse nouvelle, et relever par là le courage et la confiance des colons.

__________________________________________________________

(2) Mémoires autographes de la sœur Bourgeoys.Archives de la Congrégation de Villemarie.
(3) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1651 à 1652.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1651 à 1652.

A suivre : XI. M. de Maisonneuve visite Mme de Bullion…


Dernière édition par Louis le Mer 29 Aoû 2012, 5:19 pm, édité 1 fois (Raison : balise)

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Message  Louis Mer 29 Aoû 2012, 6:22 am

XI. M. de Maisonneuve visite Mme de Bullion
pour lui faire connaître l'emploi qu'il va faire des 22,000 livres.

M. de Maisonneuve lui marquait dans cette lettre, comme on vient de le voir, qu'il avait vu adroitement Mme de Bullion. C'est que, malgré les assurances que Mlle Mance avait données plusieurs fois du consentement présumé de cette dame touchant l'usage qu'il allait faire des 22,000 livres dont on a parlé, il avait désiré trouver quelque occasion de s'entretenir à Paris avec elle, afin qu'elle y donnât quelques marques d'approbation.

Pour le seconder dans ce dessein, Mlle Mance, qui s'était toujours abstenue de nommer cette humble et généreuse bienfaitrice, conformément à sa recommandation expresse, avait cru cependant pouvoir confier son secret à M. de Maisonneuve lorsqu'il était parti de Montréal. D'un côté, la nécessité extrême où elle voyait le pays ne lui permettait pas d'aller elle-même en France pour conférer avec Mme de Bullion; et de l'autre, elle ne pouvait la consulter par lettre, depuis la mort du P. Rapin, cette dame lui ayant expressément défendu de lui écrire, de peur d'être connue par ce moyen. Mais en nommant Mme de Bullion, elle avait fait observer à M. de Maisonneuve que ce serait tout perdre que de lui donner à entendre qu'il la connût (1).

Arrivé à Paris, après que M. de Maisonneuve eut visité chacun des associés de Montréal, il chercha quelque occasion de s'entretenir avec la fondatrice de l'hôpital, et la Providence lui en offrit une toute naturelle, qui lui donna lieu de s'assurer par lui-même de son consentement.

Comme la réalité de ce consentement fut dans la suite le sujet de longues et vives discussions, qui affligèrent beaucoup Mlle Mance, nous rapporterons ici le récit que M. de Maisonneuve lui en fit lui-même à son retour en Canada :

« Ayant appris qu'une de mes sœurs, dit-il, était en procès avec Mme de Bullion, je m'offris de lui donner la main pour aller chez elle; et comme je savais qu'elle n'ignorait pas mon nom, à cause du gouvernement de Montréal, je me fis nommer à la porte, afin que mon nom lui renouvelât le souvenir du Canada. DIEU donna sa bénédiction à ma ruse, car l'ayant saluée, et ma sœur lui ayant parlé de ses affaires, elle s'enquit de moi si j'étais le gouverneur de Montréal qu'on disait être dans la Nouvelle-France. Je lui répondis que c'était moi-même, et que j'en étais revenu depuis peu.

Apprenez-nous, me dit-elle, des nouvelles de ce pays-là: quelles sont les personnes qui y demeurent, ce qu'on y fait, comment on y vit. Dites-le-nous, s'il vous plaît : car je suis curieuse de savoir tout ce qui se passe dans les pays étrangers (1). »

______________________________________________________

(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1651 à 1652.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1652 à 1653.

A suivre : XII. M. de Maisonneuve expose à Mme de Bullion l'extrémité où la colonie est réduite.

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Message  Louis Jeu 30 Aoû 2012, 6:40 am

XII. M. de Maisonneuve expose à Mme de Bullion
l'extrémité où la colonie est réduite.

« Madame, lui dis-je, je suis venu chercher du secours pour tâcher de délivrer ce pays des dernières calamités où les guerres des Iroquois l'ont réduit, et de tenter si je pourrais trouver le moyen de le tirer de misère. L'aveuglement est grand parmi les sauvages ; néanmoins on ne laisse pas d'en gagner toujours quelques-uns. Ce pays est grand, et le Montréal est une île fort avancée dans les terres, très-propre pour en être la frontière. Ce nous sera une extrémité bien fâcheuse s'il faut abandonner ces contrées si étendues, sans qu'il y reste personne pour annoncer les louanges de Celui qui est le créateur.

« Au reste, cette terre est un lieu de bénédiction pour ceux qui y viennent; la solitude, jointe aux périls de la mort où la guerre nous met à tout moment, fait que les plus grands pécheurs y vivent avec édification et sont des modèles de vertu.

« Cependant, s'il faut tout abandonner, je ne sais ce que deviendra cette colonie, ni quel sera le sort d'une bonne fille qu'on appelle MlleMance; et c'est ce qui me fait le plus de peine. Car si je n'ai un puissant secours à amener dans cette colonie, je ne puis me résoudre à y retourner, d'autant que mon retour serait inutile ; et si je ne retourne pas, je ne sais ce que deviendra cette bonne demoiselle.

« Je ne sais pas non plus quel sera le sort d'une certaine fondation qu'une bonne dame qu'on ne connaît point y a faite pour un hôpital, dont elle a établi cette bonne demoiselle administratrice ; car enfin, si je ne vais les secourir, il faut que tout échoue, et quitte le pays.

« A ces mots, elle me dit: Comment s'appelle cette dame? Hélas! lui répondis-je, elle a défendu à Mlle Mance de la nommer.
Au reste, cette demoiselle assure que sa dame est si généreuse, qu'on aurait lieu de tout espérer d'elle, si elle pouvait avoir l'honneur de lui parler ; mais qu'étant si éloignée, elle n'a aucun moyen de lui exposer l'état des choses. Qu'autrefois elle avait auprès de sa bienfaitrice un bon religieux qui le lui eût fait connaître, et eût bien négocié cette affaire ; mais que, maintenant que ce religieux est mort, elle ne peut lui parler ni lui faire parler, pas même lui écrire, cette dame lui ayant défendu de mettre son nom sur l'adresse d'aucune de ses lettres. Quand ce religieux vivait, elle lui envoyait ses lettres, qu'il portait lui-même à la dame ; à présent elle ne peut plus lui écrire. Si elle mettait seulement son nom pour servir d'adresse sur une lettre, elle assure qu'elle tomberait dans sa disgrâce, et qu'elle aime mieux laisser le tout à la seule Providence que fâcher une personne à qui elle est tant obligée, elle et toute la Compagnie de Montréal (1). »


_________________________________________________

(1)) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1652 à 1653.


A suivre. : XIII. Il lui fait connaître l'emploi qu'il va faire des 22,000 livres pour lever des hommes.


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Message  Louis Ven 31 Aoû 2012, 8:37 am

XIII. Il lui fait connaître l'emploi qu'il va faire des 22,000 livres
pour lever des hommes. — Mme de Bullion en donne secrètement 20,000 pour le même dessein.

« Voilà, Madame, l'état où sont les choses. On est même si pressé de secours, que la demoiselle, voyant que tous les desseins de sa fondatrice sont prêts à être mis au néant, m'a donné pouvoir de prendre 22,000 livres de la fondation de l'Hôtel-Dieu, qui sont dans Paris, pour cent arpents de terre que la Compagnie lui donne, me disant :

« Il vaut mieux qu'une partie de la fondation périsse que le total; servez-vous de cet argent pour lever du monde, afin de garantir tout le pays en sauvant le Montréal, Je ne crains point, dit-elle, d'engager ma conscience, je connais les dispositions de ma bonne dame : si elle savait les angoisses où nous sommes, elle ne se contenterait pas de cela.

« Voilà l'offre que m'a faite cette demoiselle. J'avais de la peine à l'accepter; mais enfin, en ayant été pressé vivement par elle, qui m'assurait toujours qu'elle pouvait hardiment interpréter la volonté de sa bonne dame en cette rencontre, j'ai fait un concordat avec elle pour les cent arpents de terre, en échange des 22,000 livres qu'elle a espéré pouvoir beaucoup aider à garantir le pays ; et c'est l'unique vue de ce concordat.

« Telle est, Madame, la situation où nous sommes. »

Après cet exposé, qu'elle écoutait avec l'intérêt le plus vif, Mme de Bullion pria M. de Maisonneuve…

A suivre...

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Message  Louis Sam 01 Sep 2012, 6:41 am

XIII. Il lui fait connaître l'emploi qu'il va faire des 22,000 livres
pour lever des hommes. — Mme de Bullion en donne secrètement 20,000 pour le même dessein.
(suite)

Après cet exposé, qu'elle écoutait avec l'intérêt le plus vif, Mme de Bullion pria M. de Maisonneuve de venir la revoir pour lui parler encore du Canada. Il le lui promit volontiers, et la visita plusieurs fois. Dans ces visites, elle lui témoigna toujours le même empressement à l'entendre; elle prenait même plaisir à le faire entrer dans son cabinet pour qu'il pût l'entretenir à loisir de toutes les particularités de la colonie.

Mais ce qui est un bel éloge de la rare humilité de cette dame et de la pureté de ses intentions dans ses abondantes charités, jamais elle ne lui découvrit ni ne lui donna à entendre qu'elle fût elle-même la fondatrice de l'hôpital. Au reste, non-seulement elle ne fit rien pour l'empêcher d'employer les 22,000 livres à lever une nouvelle recrue ; mais, pleinement informée après ces entretiens du triste état de la colonie, elle donna en outre la somme de 20,000 livres, afin qu'on pût lever un plus grand nombre de soldats pour la secourir. On eut lieu d'admirer encore ici les saintes industries de son humilité à fuir les regards des hommes, pour pratiquer à la lettre ce précepte du Seigneur : Que dans vos aumônes votre main gauche ignore ce que fait votre main droite (1). Elle voulut que les associés ne pussent savoir de qui venait ce don : elle remit les 20,000 livres à M. de Lamoignon, en lui disant qu'une personne de qualité faisait ce présent à la Compagnie de Montréal afin de l'aider à lever des hommes pour secourir leur île, sous la conduite de M. de Maisonneuve.

Enfin elle fit tout ce qu'elle put pour que M. de Lamoignon demeurât lui-même persuadé que ces fonds venaient d'une autre main que de la sienne Mais, quelque précaution qu'elle prit, elle ne put empêcher qu'on ne sût que c'était elle-même qui faisait ce don (2). Ainsi, comme Mlle Mance l'avait assuré à M. de Maisonneuve, Mme de Bullion donna beaucoup plus que la somme des 22,000 livres; elle en fournit elle seule 42,000 pour cette nouvelle recrue, qui se composa de cent huit hommes (3), et coûta en tout 75,000 livres à la Compagnie (4).

_____________________________________________________

(1) Evangile selon saint Matthieu. c.VI. v. 3.
(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1652 à 1653.
(3) Archives du séminaire de Villemarie, rôle de la levée de 1653.
(4) Annales des hospitalières de Saint-Joseph, par la sœur Morin.


A suivre : 1653. xiv. Mlle Mance descend à Québec…

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Message  Louis Dim 02 Sep 2012, 6:31 am

1653. XIV. Mlle Mance descend à Québec.
— DIEU ne permet pas qu elle tombe entre les mains des barbares.

Cependant Mlle Mance, par le grand désir qu'elle avait du prompt retour de M. de Maisonneuve, descendit en canot à Québec, dès que le fleuve Saint-Laurent fut navigable, afin d'apprendre de ses nouvelles par les navires qui arriveraient. La Providence lui avait inspiré sans doute l'empressement qu'elle mit à ce voyage, pour l'empêcher d'être prise par les Iroquois, dans les mains desquels elle serait tombée infailliblement si elle fût descendue plus tard à Québec. L'année précédente, ces barbares, après avoir échoué à Montréal, étaient tombés de là sur les Trois-Rivières, où ils avaient tué M. Duplessis, gouverneur de ce lieu, et une grande partie des plus braves citoyens.

Cette année, 1653, dans l'espérance d'assouvir leur cruauté sur ce qui y restait encore, ils en formèrent le blocus au nombre de six cents, peu après que Mlle Mance eut heureusement quitté cette habitation pour continuer son voyage. A Québec elle apprit de M. du Hérisson, arrivé par le premier navire, que M. de Maisonneuve venait avec plus de cent hommes ; et cette nouvelle lui donna une joie inexprimable, ainsi qu'à tous les colons de Québec et des environs. Mlle Mance, qui désirait donner au plus tôt cette agréable nouvelle à ceux de Montréal, pria M. de Lauson, gouverneur général du Canada, de leur dépêcher une chaloupe ; ce qu'il fit à l'instant. Mais un vent contraire empêcha la chaloupe d'avancer et d'aller se jeter dans le blocus des Trois-Rivières, dont on n'avait encore aucune nouvelle à Québec.

Dès qu'on eut appris dans ce lieu l'arrivée des six cents Iroquois, et le péril où étaient les Trois-Rivières, la consternation fut générale. On y redoubla les vœux et les prières publiques pour la prompte arrivée de M. de Maisonneuve, qui parut enfin avec ses soldats, et fit renaître la confiance dans tous les cœurs (1).


______________________________________________________________

(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1652 à 1653. — Histoire du Canada, par M. de Belmont.

A suivre : XV. Arrivée de la sœur Bourgeoys. — Mlle Mance se lie d'une sainte amitié avec elle.

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Message  Louis Lun 03 Sep 2012, 6:31 am

XV. Arrivée de la sœur Bourgeoys. — MlleMance se lie d'une sainte amitié avec elle.

Il serait difficile de dire quelle fut la joie de MlleMance en le revoyant, et en apprenant de sa bouche les entretiens qu'il avait eus à Paris avec Mme de Bullion, toujours si dévouée à l'œuvre de Villemarie. Un autre sujet de consolation pour elle, ce fut le don que DIEU fit alors au Canada de la sœur Marguerite Bourgeoys, que M. de Maisonneuve amenait avec lui, et qu'il s'empressa de lui faire connaître.

«Cette bonne fille, dont la vertu est un trésor, lui dit-il, sera un puissant secours au Montréal. Au reste, c'est encore un fruit de notre Champagne, qui semble vouloir donner à ce lieu plus que toutes les autres provinces réunies ensemble. »

Là-dessus, il lui dépeignit le caractère, les vertus et toute la conduite de cette sainte fille, et lui fit enfin le récit des circonstances admirables de sa vocation pour le Canada. Mlle Mance, sachant le rare mérite de la sœur Bourgeoys, conçut dès lors pour elle cette estime parfaite et cette sainte affection dont elle ne cessa de lui donner des preuves jusqu'à la fin de sa vie, la considérant comme une compagne que DIEU lui avait associée pour travailler de concert, quoique par des voies différentes, à la sanctification et au bien de Villemarie (1).

_____________________________________________________

(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1652 à 1653.
A suivre : XVI. Agrandissement de l'Hôtel-Dieu…

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Message  Louis Mar 04 Sep 2012, 6:23 am

XVI. Agrandissement de l'Hôtel-Dieu. — Mlle Mance va s'y loger avec ses malades.


La recrue que M. de Maisonneuve y conduisait n'était composée que d'ouvriers pleins d'adresse et de cœur, également propres à exécuter tous les ouvrages nécessaires dans un pays nouveau, et à repousser les barbares par les armes. Dès qu'ils y furent arrivés, il les employa à construire un grand corps de logis à la suite des bâtiments de l'hôpital, pour suffire au nombre des malades, et servir en même temps d'église aux fidèles, en attendant que l'on pût en bâtir une pour la colonie (2).

Ce corps de logis, construit en bois de charpente et aux frais des seigneurs, avait environ quatre-vingts pieds de long (env. 24 m.) et trente de large (env. 9 m.) , sur vingt pieds de haut (env. 6 m.). A une extrémité se trouvait l'église, d'environ cinquante pieds de longueur (env. 15m.), surmontée d'un clocher de forme régulière et élégante, avec deux cloches. Le reste de ce bâtiment formait une grande salle pour les hommes, et on y ménagea une grande porte, qui leur donnât vue dans l'église, et qu'on pût laisser ouverte pendant le service divin.

A l'autre extrémité de cette salle était une cheminée double, qui devait servir en même temps â chauffer la salle des femmes, située derrière la précédente, comme aussi à la cuisine, à la pharmacie, et généralement à toutes les nécessités de la maison (1). Ce bâtiment ayant été poussé avec une très-grande diligence, Mlle Mance sortit du fort au petit printemps de cette année 1654, et vint l'occuper avec ses malades.

___________________________________________

(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1653 à 1654.
(1) Mémoires de Mlle Mance sur les choses fournies par les seigneurs de 1644 à 1660. — Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.

A suivre : 1654. XVII. Les colons sortent du fort…

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Message  Louis Mer 05 Sep 2012, 6:21 am

1654. XVII. Les colons sortent du fort.
— Mlle Mance sauve ainsi la colonie et le Canada.

L'arrivée des cent hommes avait tellement relevé le courage de toute la colonie, que chacun reprit possession des maisons qu'il avait abandonnées trois ans auparavant. Ces pieux et valeureux colons, par leur union entre eux, leur dévouement au bien du pays, et leur intrépidité dans les hasards de la guerre, surent inspirer de la terreur aux Iroquois, qui depuis ce temps ne les obligèrent plus à évacuer cette ville naissante, quoiqu'elle n'eût encore aucune enceinte fermée qui la mît à l'abri de leurs incursions (2).

Enfin, le 8 août de cette année 1654, M. de Maisonneuve, au nom des associés de Montréal, et en exécution du concordat dont on a parlé, mit l'hôpital en possession, tant de cent arpents de terre défrichée, qui formaient la moitié de la métairie des seigneurs, que de la moitié des bâtiments et des bestiaux, en dédommagement des 22,000 livres. Cette concession, à simple hommage, fut ratifiée à Paris par tous les associés, le 4 mars de l'année suivante (1).

Ainsi Mlle Mance, par sa sagesse et sa prudence, en sacrifiant cette somme sans avoir encore d'autre assurance du succès que son immense confiance en DIEU, sauva une seconde fois la colonie de Montréal, qui sans ce secours devait infailliblement périr. Bien plus, au jugement des personnes les plus éclairées et les plus impartiales, le renfort qu'elle procura fut le salut de toute la colonie française. C'était le témoignage que M. de Denonville, gouverneur général, et M. de Champigny, intendant du Canada, rendaient longtemps après, en écrivant à la cour : « Du consentement de la fondatrice, disaient-ils, on prêta 22,000 livres à la Compagnie de Montréal pour lever cent hommes, afin de garantir cette île des insultes des Iroquois. Ces hommes l'ont sauvée en effet, et tout le Canada aussi (2). »

Mais cette fille admirable n'était pas seulement destinée à protéger la colonie de Villemarie contre ces barbares. Elle devait, pour en procurer le solide établissement, y attirer les trois communautés choisies par la divine Providence pour y faire honorer la Sainte-Famille, comme elle le fit peu après, ainsi que nous le raconterons dans le chapitre suivant ; et ce fut sans doute par quelques vue prophétique que M. Olier écrivait déjà dès l’année 1642, qu’elle était celle dont DIEU s’était servi pour aller fonder cette nouvelle église (1).

_________________________________________________________

(2)Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1653 à 1654.
(1) Acte de Basset, notaire à Villemarie, 8 août 1654— Acte de Chaussière notaire à Paris, 4 mars 1655.— Inventaire du séminaire de Paris ; archives du royaume.Archives du séminaire de Villemarie.
(2) Archives de la marine ; colonies en général, t. XVI ; mémoire sur l'hôpital de Montréal, 1687.
(1) Mémoires autographes de M. Olier, t. II, p. 51.

A suivre : Chapitre IV. Mademoiselle Mance est l’instrument dont DIEU se sert…

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Message  Louis Jeu 06 Sep 2012, 7:14 am

CHAPITRE IV

MADEMOISELLE MANCE EST L’INSTRUMENT
DONT DIEU SE SERT POUR ATTIRER A VILLEMARIE
LES TROIS COMMUNAUTES
DESTINEES A REPANDRE L’ESPRIT DE LA SAINTE FAMILLE,
ET SPECIALEMENT CETTE DE SAINT-JOSEPH.


I. Mlle Mance engage M. de Maisonneuve à passer en France
pour en amener des prêtres de Saint-Sulpice et des filles de Saint-Joseph.

Dès la formation de Villemarie, la Compagnie de Montréal avait résolu de donner la conduite de cet établissement au séminaire de Saint-Sulpice (2), que M. Olier instituait à Paris. Mais les guerres des Iroquois et l’état chancelant de la colonie firent juger que les moments de DIEU étaient encore éloignés, tant pour l’établissement du séminaire de Saint-Sulpice en Canada que pour celui des deux autres communautés appelées à concourir au même dessein.

Cependant, en 1652, M. Olier ayant essuyé une grave maladie, et depuis étant toujours infirme et même atteint de paralysie, Mlle Mance et M. de Maisonneuve craignaient qu’il ne mourût sans y avoir envoyé de ses ecclésiastiques. De leur côté, les principaux colons de Villemarie ne cessaient de lui écrire (1) pour lui rappeler ses anciennes promesses, et comme toutes ces lettres n’étaient pas suivies de l’effet qu’on en attendait, Mlle Mance et M. de Maisonneuve jugèrent, vers la fin de l’année 1655, qu’il était urgent d’aller lui exposer de vive voix le besoin qu’on avait de ses ecclésiastiques, et de faire les derniers efforts pour en obtenir.

Il fut donc résolu entre eux, quoique fort secrètement, que M. de Maisonneuve ferait pour ce motif le voyage de France, et qu’il engagerait les autres associés de Montréal à joindre leurs prières aux siennes auprès de M. Olier. Un autre objet de la sollicitude de Mlle Mance, c’était d’attirer à Villemarie les filles de Saint-Joseph (2), qui devaient lui succéder dans l’administration de l’Hôtel-Dieu. Il fut donc aussi convenu que M. de Maisonneuve, dans ce voyage, préparerait les voies à leur établissement.


_______________________________________________________

(2) Histoire du Canada, par M. de Belmont.
(1) Assemblée du séminaire de Saint-Sulpice, le 31 mars 1663.
(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1656 à 1657.


A suivre : 1656. II. La Compagnie de Montréal s’engage à donner la conduite de l’Hôtel-Dieu aux filles de Saint-Joseph.

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Message  Louis Ven 07 Sep 2012, 2:50 pm

1656. II. La Compagnie de Montréal s’engage à
donner la conduite de l’Hôtel-Dieu aux filles de Saint-Joseph.

La négociation eut tout le succès que l’un et l’autre s’en étaient promis. Le 31 mars 1656, M. Olier, M. de Fancamp, M. de La Dauversière, M. de Maisonneuve, ainsi que quatre autres associés de Montréal, firent un compromis avec les hospitalières de Saint-Joseph de la Flèche pour assurer à celles-ci la direction de l'hôpital de Villemarie.

Par cet acte ils s'engageaient, au nom de leurs autres associés et au nom de la personne fondatrice, qui ne veut être connue (c'est ainsi que Mmede Bullion est désignée dans leur contrat), à recevoir dans cette maison trois ou quatre hospitalières de Saint-Joseph et à leur en donner la propriété, ainsi que celle des bâtiments qu'ils y feront construire pour le logement de ces filles.

Ils promettent aussi de leur donner telle quantité de terre que M. de Maisonneuve, Mlle Mance et les hospitalières elles-mêmes détermineront d'un commun avis : le tout est donné à la communauté que les filles de Saint-Joseph formeront à Villemarie, et dont les biens seront séparés de ceux des pauvres. De leur côté, les hospitalières s'engagèrent à envoyer, dès que les logements seraient en état, trois ou quatre de leurs sœurs avec une pension annuelle de cinquante écus au moins pour chacune, et à leur fournir tous les meubles nécessaires à leur communauté.

Enfin il fut stipulé que si la colonie de Montréal était contrainte d'abandonner pour un temps ce pays, les hospitalières de Villemarie seraient reçues dans la maison de la Flèche, qui jouirait alors de leur revenu jusqu'à leur retour en Canada.

Cet acte fut passé à Paris devant Chaussière, et signé par M. Olier, M. de Bretonvilliers, M. de Maisonneuve et par tous les autres associés présents, ainsi que par M. Blondel procureur des hospitalières de la Flèche (1).

_________________________________________________________

(1) Acte de Chaussière , notaire à Paris, du 31 mars 1656.

A suivre : 1657. III. MlleMance se démet le poignet…

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Message  Louis Sam 08 Sep 2012, 7:25 am

1657. III. MlleMance se démet le poignet,
et devient incapable de rendre aucun service l'Hôtel-Dieu

Mais, pendant qu'en France M. de Maisonneuve disposait ainsi les moyens d'attirer les hospitalières de Saint-Joseph à Montréal, un accident survenu à Mlle Mance fit sentir plus vivement que jamais le besoin qu'on y avait de leurs services.

Le dimanche 28 janvier 1657, à huit heures du matin, elle tomba sur la glace et dans sa chute, qui fut très-rude, elle se rompit l'avant-bras droit, et se démit le poignet. Le chirurgien du lieu, Etienne Bouchard, s'étant rendu une demi-heure après à l'Hôtel-Dieu pour la visiter, la trouva étendue sur un lit, en proie à des douleurs si excessives, qu'elle resta un quart d'heure sans connaissance (2). Lorsqu'elle fut revenue à elle, il reconnut sans peine que les deux os de l'avant-bras étaient rompus, mais il ne s'aperçut pas de la dislocation du poignet. C'est pourquoi, dans les soins qu'il lui donna depuis ce jour, il se borna à la guérir de sa raclure, sans songer à la dislocation, qu'il ne remarqua que six mois après, c'est-à-dire lorsqu’il n’y eut plus de remède à ce mal (*). Aussi, presque toutes les fois qu’il la pansait, les douleurs vives et extrêmes qu’elle éprouvait la faisait entrer dans des convulsions si étranges, que dans une de ces circonstances quatre hommes vigoureux ne furent pas capables de la tenir (1).

Cependant Mlle Mance était fort considérée par tout ce qu’il y avait de personnes de condition dans le Canada, le bruit de cet accident se répandit bientôt jusqu’à Québec. M. d’Ailleboust, qui tenait alors la place de gouverneur général, y fut surtout très-sensible, et ne négligea rien pour procurer son rétablissement (2). Elle fut visitée par le lieutenant des chirurgiens du Canada, Jean Madry, qui résidait à Québec (3). Mais celui-ci, non plus que Bouchard, ne s’aperçut pas de la dislocation du poignet, en sorte que le bras de Mlle Mance tomba dans un état d'amaigrissement excessif, quoique la fracture fût entièrement guérie. « Je demeurai tout à fait privée de l'usage de ma main, écrit-elle, et de plus j'en souffrais beaucoup. J'étais obligée de porter toujours mon bras en écharpe, ne pouvant le soutenir autrement ou sans quelque autre appui. Depuis le moment de ma fracture je ne pus m'aider ni me servir de ma main en aucune manière, ni avoir la moindre liberté, en sorte qu'il me fallait habiller et servir comme un enfant (1).»


(*) Etienne Bouchard, né de la paroisse Saint-Paul à Paris, et ensuite résidant à Épernon, s’obligea par contrat passé le 10 mai 1653, devant de Lafousse, notaire à la Flèche, à servir la colonie de Montréal, en sa qualité de chirurgien, l’espace de cinq ans, sous les ordres de M. de Maisonneuve. De son côté, la Compagnie de Montréal prit l’engagement de le conduire gratuitement à Villemarie, de le nourrir, de le loger pendant ce temps, et de le reconduire en France, comme aussi de lui fournir à Villemarie tous les instruments de chirurgie nécessaires ; enfin, de lui donner cent cinquante livres d’honoraires chaque année (1).

(1) Acte de Lafousse, notaire à la Flèche, du 10 mai 1653


_________________________________________________

(2) Attestations autographes de miracles attribués à M. Olier, p. 59. — Rapport d'Etienne Bouchard.
(1) Attestations authentiques de miracles, etc. — Déclaration de Mlle Mance du 13 février 1659, p. 51 et suiv.
(2) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(3) Attestations, etc., p, 61. — Rapport de Jean Madry.
(1) Attestations, etc. Déclaration de Mlle Mance du 13 février 1659.

A suivre : IV. Arrivée des prêtres de Saint-Sulpice à Villemarie.

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Message  Louis Dim 09 Sep 2012, 6:48 am

IV. Arrivée des prêtres de Saint-Sulpice à Villemarie.

Elle était dans cet état, lorsque M. de Maisonneuve arriva à Villemarie avec quatre ecclésiastiques de Saint-Sulpice, M. Souart, M. Galinier, M. Dallet, à la tête desquels était M. de Queylus, abbé de Locdieu, que M. Olier venait de rappeler de Vivarais, et d’admettre au nombre des associés de Montréal.

La désignation de ces Messieurs pour la mission de Villemarie fut le dernier acte d’autorité que fit M. Olier, étant mort le 2 avril de cette même année, avant même qu’ils eussent mis à la voile (2) : circonstance qui donna lieu à Mlle Mance de bénir la bonté divine de l’empressement qu’elle avait mis à envoyer M. de Maisonneuve en France pour les obtenir. Car si celui-ci eût différé son départ jusqu’après la mort de M. Olier, il y a toute apparence que ces ecclésiastiques n'auraient pu aller en Canada, à cause des grandes oppositions qui s'élevèrent contre leur voyage, et auxquelles on aurait cédé.

Ils partirent néanmoins, sur l'assurance donnée par M. Olier avant sa mort que DIEU voulait qu'on exécutât ce dessein, et qu'il ne manquerait pas de le bénir dans la suite. MlleMance, qui les avait désirés si ardemment, s'empressa de leur céder une chambre de l'hôpital, où ils se logèrent en attendant qu'ils eussent fait construire un bâtiment pour leur communauté.

Ces Messieurs, à leur arrivée, la comblèrent de joie, et répandirent l'allégresse dans tout le pays lorsqu'ils annoncèrent que les filles de Saint-Joseph de la Flèche avaient été choisies par la Compagnie de Montréal pour prendre la conduite de l'Hôtel-Dieu , et qu'elles pourraient partir de France dès que les bâtiments destinés pour elles seraient prêts à les recevoir (1).

_________________________________________________________

(2) Vie de M. Olier, t. II, p. 433 et suiv.
(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
A suivre : V. Les filles de Saint-Joseph n'ayant point de fondation à Villemarie,
M. de Queylus songe à appeler les hospitalières de Québec.


Dernière édition par Louis le Sam 15 Sep 2012, 12:26 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe)

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Message  Louis Lun 10 Sep 2012, 6:24 am

V. Les filles de Saint-Joseph n'ayant point de fondation à Villemarie,
M. de Queylus songe à appeler les hospitalières de Québec.

Cependant une difficulté plus considérable devait retarder encore leur départ : c'était le manque de fonds pour subsister à Villemarie. Conformément aux intentions de M. de La Dauversière, et à l'esprit de désintéressement qu'il avait su inspirer à son institut, Mme de Bullion, en fondant l'Hôtel-Dieu de Villemarie, avait exigé qu'on y établit des hospitalières qui servissent les pauvres gratuitement, et non aux dépens de sa fondation (1). Or, les cinquante écus de pension que les filles de Saint-Joseph, par suite du compromis du 31 mars 1656 (2), devaient apporter en Canada, n'étaient pas suffisants pour les y faire vivre, dans un temps où tout s'y vendait à un prix excessif.

D'ailleurs, les terres que la Compagnie de Montréal avait promis de leur donner, étant alors couvertes de bois, ne produisaient aucun revenu; et, pour les mettre en valeur, il fallait faire des dépenses énormes, que ces filles étaient incapables de supporter. En vue donc de hâter leur départ, Mlle Mance résolut d'aller trouver Mme de Bullion, afin d'obtenir de sa grande charité une fondation pour elles, et de les amener elle-même à Villemarie (3). Mais lorsqu'elle était sur le point d'exécuter ce dessein, elle reçut de M. de Queylus un sujet de mortification qui lui fut très-sensible.

Cet ecclésiastique, qui…

_________________________________________________________

(1) Acte de Chaussière, notaire à Paris, du 17 mars 1648.
(2) Acte de Chaussière, notaire à Paris, du 31 mars 1656.
(3) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1657 à 1658.


A suivre…


Dernière édition par Louis le Sam 15 Sep 2012, 12:23 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe)

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Message  Louis Lun 10 Sep 2012, 8:30 pm

V. Les filles de Saint-Joseph n'ayant point de fondation à Villemarie,
M. de Queylus songe à appeler les hospitalières de Québec.
(suite)

Cet ecclésiastique, qui, avant son départ de France, travaillait depuis sept à huit ans à la conversion des calvinistes et à la réformation du clergé dans le Vivarais (4), ignorait entièrement le dessein de DIEU sur les trois communautés destinées à répandre dans le Canada l'esprit delà Sainte-Famille; et DIEU, pour montrer sans doute que ce dessein n'avait point été concerté par les hommes, permit qu'il s'efforçât d'abord de le traverser.

Peu de jours après son arrivée à Villemarie, M. de Queylus fut obligé de partir pour Québec, où il resta onze mois (1); et durant ce temps il eut occasion de visiter les hospitalières que Mme la duchesse d'Aiguillon y avait fondées. Ces filles, qui suivaient la règle de Saint-Augustin, avaient été tirées de l'Hôtel-Dieu de Dieppe, de la communauté même à qui les RR. PP. Jésuites avaient désiré en 1639 que M. de La Dauversière confiât l'administration de l'hôpital de la Flèche, plutôt que d'établir un nouvel institut d'hospitalières, dont une colonie serait ensuite envoyée dans l'île de Montréal.

On a raconté que ces mêmes religieuses, invitées alors par M. de La Dauversière, et autorisées par l'évêque d'Angers à s'établir en effet à la Flèche, n'avaient pu, malgré le désir qu'elles en avaient, y envoyer quelques-unes d'entre elles. Mais depuis l'arrivée de Mlle Mance en Canada en 1641, et surtout depuis que l'Hôtel-Dieu de Villemarie avait été fondé par Mme de Bullion, elles désiraient de pouvoir renouer ce premier dessein, en prenant elles-mêmes la conduite de cet établissement.

M. de Queylus se montra tout disposé à entrer dans leurs vues; au rapport de la mère Juchereau, il les pressa même de l'accepter, et fit tant, qu'à la fin elles y consentirent (1), dans l'espérance qu'elles avaient d'obtenir de Mme la duchesse d'Aiguillon une fondation pour s'établir à Villemarie.

___________________________________________________

(4) Vie de M. de Queylus, par Grandet, — Vie de M. Olier, t. ii, p. 418 et suiv.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, ibid.
(1) Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, par la mère Juchereau, p. 114 — Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin. Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, 1657-1658.


A suivre : VI. Pourquoi M. de Queylus pense à appeler les hospitalières de Québec.


Dernière édition par Louis le Mer 12 Sep 2012, 8:59 am, édité 1 fois (Raison : Correction des références de bas de page.)

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Message  Louis Mer 12 Sep 2012, 6:10 am

VI. Pourquoi M. de Queylus pense à appeler les hospitalières de Québec.

A ne considérer les choses que selon les règles de la prudence ordinaire, ce parti paraissait être sage et très-utile à la colonie de Montréal.

« M. l’abbé de Queylus, dit encore la mère Juchereau, jugea que ce serait un avantage pour nous et pour tout le pays s'il n'y avait à Québec et à Villemarie qu'un même institut parce que cela entretiendrait mieux la paix qui doit être entre les maisons religieuses. »

D'ailleurs, les hospitalières de Saint-Joseph n'étant point érigées alors en ordre religieux, on craignait avec raison qu'elles ne trouvassent que difficilement des sujets en Canada, et qu'ainsi leur communauté ne vint bientôt à s'éteindre Au reste, elles étaient dans l'impossibilité de s'y établir, n'ayant point de fondation, ni même d'espérance probable d'en avoir. Enfin, depuis l'accident survenu à Mlle Mance, qui la rendait inutile à l'Hôtel-Dieu, il était urgent de pourvoir sans délai au service de cette maison.

Dans l'incertitude où l'on était alors à l'égard des hospitalières de Saint-Joseph, M. de Queylus conclut donc qu'il valait mieux profiter de la bonne volonté de celles de Québec que d'exposer l'établissement à périr. Il est vrai que le compromis, fait au nom de Mme de Bullion, et signé par M. Olier et les autres associés, attribuait la direction de cette maison aux filles de Saint-Joseph. Mais comme elles n'étaient pas en état de la prendre alors et que d'ailleurs il y avait nécessité d'y pourvoir au plus tôt, M. de Queylus pouvait croire qu'il suivait les intentions des seigneurs et celles de la fondatrice en procurant que les hospitalières de Québec en eussent la conduite au défaut des autres. Car il est à remarquer que dans le contrat de fondation de l'Hôtel-Dieu il avait été expressément stipulé par Mme de Bullion et par les seigneurs , que si l'on ne trouvait pas d'hospitalières qui voulussent administrer l'Hôtel-Dieu gratuitement, sans être à la charge de cette maison, la fondatrice ordonnait que l'administration fût faite par les seigneurs de l'île, et régie par telles personnes qu'il leur plairait choisir (1).

M. de Queylus, l'un des seigneurs, et leur représentant en Canada, jugeant donc apparemment que ce cas était arrivé, ne fit pas difficulté d'offrir l'établissement aux hospitalières de Québec, dans l'espérance de faire agréer ce projet aux autres associés ses confrères.

Toutefois, comme il ne pouvait conclure seul cette affaire, il voulut qu'elle demeurât secrète entre lui et ces religieuses (1) jusqu'à ce qu'elle eût reçu l'approbation de la Compagnie de Montréal.

___________________________________________________________

(1) Acte de Chaussière, à Paris, le 17 mars 1648.
(1) Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, p. 114.

A suivre : 1658. VII. M. de Queylus approuve le voyage de Mlle Mance en France.


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Message  Louis Jeu 13 Sep 2012, 6:31 am

1658. VII. M. de Queylus approuve le voyage de Mlle Mance en France.

Après onze mois de séjour à Québec, M. de Queylus retourna enfin à Villemarie. Mlle Mance, qui ignorait ses intentions, s'ouvrit à lui en toute simplicité sur le dessein qu'elle avait formé de faire le voyage de France.

« Monsieur, lui dit-elle, voilà que mon mal empire au lieu de se guérir : mon bras est quasi tout desséché, et me laisse le reste du corps en danger de quelque paralysie. Je ne le puis aucunement remuer, et même on ne peut y toucher sans me causer les plus vives douleurs. Cet état me met dans un embarras extrême, étant chargée d'un hôpital auquel je ne puis subvenir, et me voyant obligée de demeurer ainsi inutile tout le reste de mes jours. Cela étant, voyez ce qu'il est à propos que je fasse. Ne serait-il pas bon que j'allasse en France trouver la fondatrice pendant qu'elle est encore vivante, et que je parlasse aussi à messieurs de la Compagnie de Montréal, afin d'obtenir de la fondatrice, s'il se peut, un fonds pour des religieuses. La Compagnie n'est pas présentement en état de faire elle-même cette fondation, ayant à fournir à tant d'autres dépenses pour la colonie; et moi, de mon côté, je ne peux plus soigner les malades. Si je réussis, je tacherai d'amener ces bonnes hospitalières de la Flèche, avec lesquelles feu M. Olier et les autres associés ont, il y a déjà longtemps, passé contrat pour le même dessein. Que pensez-vous, Monsieur, de mon projet? »

A cette proposition, qui lui parut être une conjoncture favorable pour l'exécution du dessein qu'il méditait de son côté, M. de Queylus répondit avec beaucoup de joie à Mlle Mance, qu'elle ne pouvait mieux faire (1). C'est que, désirant de procurer aux hospitalières de Québec l'occasion de faire d'abord un essai à Villemarie, pour qu'elles jugeassent par elles-mêmes de l'opportunité de leur établissement dans ce lieu, il crut trouver dans le départ de Mlle Mance un prétexte naturel d'appeler quelques-unes de ces filles, comme pour la remplacer pendant son absence.

________________________________________________________

(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1657 à 1658.

A suivre : VIII. M. de Queylus appelle à Villemarie deux hospitalières de Québec.


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Message  Louis Ven 14 Sep 2012, 6:12 am

VIII. M. de Queylus appelle à Villemarie deux hospitalières de Québec.

Mais, craignant de la blesser trop sensiblement s'il lui donnait d'abord à connaître le fond de sa pensée, car Mlle Mance n'avait en vue que les hospitalières de la Flèche, il feignit un motif spécieux, qui n'eut pas tout le succès qu'il s'en était promis. Ce fut de prier M. Souart d'aller à Québec afin de visiter une religieuse qui avait été malade, et de la conduire avec lui à Villemarie, sous prétexte de lui faire changer d'air et de la rétablir par ce moyen. Cette religieuse, la mère Marie-René Bouillé de la Nativité (1), personne de mérite, était apparemment celle qu'on se proposait de mettre à la tête de l'Hôtel-Dieu.

M. Souart avait étudié la médecine avant d'être ecclésiastique, et il l'exerçait en Canada (2), par permission du Souverain-Pontife (3). Ne connaissant pas les intentions de M. de Queylus, il crut qu'il s'agissait simplement de donner une consultation à cette religieuse, comme il le faisait à l'égard de tous ceux qui avaient recours à lui et de lui procurer quelque soulagement par ce changement de lieu. Il se rendit donc aussitôt à Québec. Les hospitalières, non contentes d'envoyer la mère Bouille à Villemarie, lui donnèrent encore pour compagne la mère Jeanne-Thomas-Agnès de Saint-Paul (4).

Enfin le P. Dequen, Jésuite, qui remplissait alors à Québec les fonctions de grand-vicaire au nom de l'archevêque de Rouen (5), et désirait, conjointement avec ses confrères, l'exécution du projet de M. de Queylus (6), donna à ces filles toutes les permissions nécessaires. Elles partirent donc de Québec sous la conduite de M. Souart, le 18 septembre de cette année 1658 (1).

_____________________________________________

(1) Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, p. 114-115.
(2) Histoire des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(3) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson,, ibid.
(4) Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, ibid. — Annales des hospitalières, ibid.
(5) Archives à l’archevêché de Rouen, lettre de M. de Harley sur la juridiction du Canada , 1658.
(6) Histoire des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(1) Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, par la mère Juchereau, p. 115.

A suivre : IX. Mlle Mance reçoit à l’Hôtel-Dieu les deux hospitalières de Québec.


Dernière édition par Louis le Sam 15 Sep 2012, 12:22 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe)

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Message  Louis Sam 15 Sep 2012, 6:18 am

IX. Mlle Mance reçoit à l’Hôtel-Dieu les deux hospitalières de Québec.

Dès qu'elles furent débarquées à Villemarie, M. de Queylus, qui n'avait rien dit à Mlle Mance de leur voyage, alla aussitôt la prévenir de leur arrivée, et lui dit : « Voici deux bonnes filles hospitalières qui arrivent; l'une d'elles a eu besoin de changer d'air ; elles vont venir vous saluer et vous demander le couvert. » Peu après les deux religieuses entrèrent.

Mlle Mance, un peu interdite, ne put s'empêcher de soupçonner dans leur arrivée quelque dessein d'établissement ; elle leur fit néanmoins la meilleure réception qu'elle put, leur donna une chambre de sa maison (2), et leur dit agréablement : « Vous venez, mes mères, et moi je m'en vais. »

Après avoir causé quelque temps avec elles, elle alla visiter M. de Maisonneuve. Celui-ci, jugeant aussi que ces religieuses étaient venues dans le dessein de supplanter les hospitalières de la Flèche, malgré le compromis signé par M. Olier et par lui-même, reçut assez froidement Mlle Mance. Il croyait d'abord qu'elle les avait elle-même appelées à Villemarie ; et il était étonné qu'elle ne lui eût rien dit de son dessein. Mais il fut aisé de le détromper sur ce dernier point, et lorsqu'elle lui eut appris que ces religieuses n'étaient venues, disait-on, que pour changer d'air, ils se mirent à rire l'un et l'autre, et se séparèrent bons amis (1).

Mlle Mance ne put s'empêcher d'être blessée de ce procédé, qu'elle avait droit de juger comme peu délicat à son égard. Elle n'en témoigna cependant aucune peine, ni à M. de Queylus, ni à ces religieuses, qu'elle combla au contraire d'honnêtetés, et à qui elle fit, pendant les deux jours qu'elle demeura avec elles, tous les bons traitements qu'elle put.

____________________________________________________________

(2) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1657 à 1658. — Histoire du Canada, par M. de Belmont.


A suivre : X. Mlle Mance charge Mlle de La Bardilliaire du soin de l'Hôtel-Dieu pendant son absence.

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Message  Louis Dim 16 Sep 2012, 6:44 am

X. Mlle Mance charge Mlle de La Bardillière
du soin de l'Hôtel-Dieu pendant son absence.

Elle crut pourtant qu'il était de son devoir d'empêcher qu'elles ne prissent l'administration de l'Hôtel-Dieu durant son absence (2), et comme par le contrat de fondation elle en avait été établie administratrice jusqu'à la fin de ses jours par Mme de Bullion (3), elle chargea de ses pouvoirs une pieuse personne nommée Mlle de La Bardillière, en lui faisant toutes les recommandations qu'elle jugea à propos.

Celle-ci, aidée d'une servante, administra en effet l'Hôtel-Dieu pendant l'absence de Mlle Mance.

Elle déploya tant de zèle, de charité et d'intelligence dans le service des malades, qu'elle mérita l'approbation de toute la colonie, et spécialement des deux religieuses de Québec. Celles-ci ne purent s'empêcher de louer aussi sa fidélité et sa fermeté à exécuter les ordres de Mlle Mance; car Mlle de La Bardillière ne leur permit jamais de servir les malades, quelque instance qu'elles lui en fissent, et veilla constamment à ce qu'elles ne prissent possession de rien dans la maison (1).

____________________________________________

(2) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(3) Contrat de fondation, Chaussières, notaire à Paris, supra.
(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.

A suivre : XI. Mlle Mance promet à M. de Queylus de solliciter en faveur des hospitalières de Québec.


Dernière édition par Louis le Dim 16 Sep 2012, 8:50 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe)

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