Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
II. 1640. Occasion de la vocation de Mlle Mance pour le Canada. (suite)
Dans cet état d'agitation et de trouble, elle ouvre son cœur à son directeur. D'abord il s'efforce de la calmer, en lui représentant que DIEU ne lui impose pas l'obligation de quitter ainsi sa patrie, et qu'elle ne doit avoir nulle crainte en ne suivant pas cet attrait. Mais quelque confiance qu'elle ait aux avis de son guide spirituel, ses inquiétudes augmentent toujours davantage, malgré tout ce qu'il peut lui dire pour les dissiper. Son pays natal n'est plus pour elle qu'une sorte de prison, d'où il lui tarde de sortir pour voler au plus tôt dans le lieu où DIEU l'appelle.
Son directeur, après lui avoir allégué tout ce qu'il pouvait imaginer de motifs propres à la rassurer, voyant qu'elle était toujours dans le même état de peine, et désespérant de l'en retirer, adresse lui-même de ferventes prières à l'Esprit-Saint, car on célébrait alors les fêtes de la Pentecôte, et dit enfin à sa pénitente :
« Allez, Mademoiselle, allez en Canada : je vous en donne la permission. »
Il ajouta qu'elle partirait le mercredi suivant pour Paris, où elle irait consulter le P.Charles Lallemant, chargé des affaires du Canada; et que, pour la direction de sa conscience, elle s'adresserait au recteur de la maison des Jésuites la plus voisine du lieu où elle logerait (1).
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(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1640 à 1641.
A suivre : III. De l'avis de son directeur, elle se rend à Paris.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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III. De l'avis de son directeur, elle se rend à Paris.
Elle partit, en effet, le mercredi de la Pentecôte qui tombait, cette année 1640, 1e 30 du mois de mai (2), sans déclarer pourtant à sa famille le vrai motif de son voyage. Elle se contenta de dire qu'elle allait à Paris pour y revoir les parents qu'elle y avait; et, comme elle était très-bien faite de corps, et qu'elle ne manquait d'aucun des avantages extérieurs qui peuvent faire rechercher une personne dans le monde (1), plusieurs de ceux qui ne connaissaient pas son dessein crurent témérairement qu'elle cédait à la tentation d'aller se faire admirer à Paris (2).
Dans cette ville, elle descendit chez ses parents, dont la maison était près de l'église de Saint-Sulpice, et par conséquent dans le voisinage du noviciat des Jésuites, ce qui lui donnait la facilité de voir le P. Lallemant. Mais à la seconde visite qu'elle lui fit, ce Père, après l'avoir beaucoup encouragée à suivre l'attrait de la grâce qui la pressait, et lui avoir parlé avec admiration des desseins que DIEU avait sur la Nouvelle-France, prit congé d'elle en lui disant qu'il allait se rendre à Lyon pour une affaire de la dernière conséquence, qui concernait le Canada. C'était pour y accompagner M. de La Dauversière, afin comme on l'a déjà rapporté, de solliciter lui même M. de Lauson de céder l'ile de Montréal à la nouvelle compagnie, qui se formait alors pour y établir une colonie. Mais, comme ce dessein était encore incertain, le P. Lallemant ne le découvrit pas à Mlle Mance (3).
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(2) L’Art de vérifier les dates, 1640.
(1) Histoire du Montréal, ibid.
(2) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(3) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson.
A suivre : IV. Le P. de St-Jure juge que Mlle est appelée à aller en Canada.
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Louis- Admin
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IV. Le P. de St-Jure juge que Mlle est appelée à aller en Canada.
Dans ce même temps elle visita le P. de Saint-Jure, recteur du noviciat des Jésuites. D'abord il se contenta de l'écouter sans lui rien dire qui pût donner à entendre qu'il approuvât ou qu'il désapprouvât sa vocation; et, comme ce Père était fort occupé, elle resta trois mois entiers sans pouvoir conférer de son intérieur avec lui.
Dans cet intervalle elle eut occasion de connaître Mme de Villecerain, et celle-ci, qui avait un accès plus facile auprès de ce religieux, la conduisit avec elle un jour qu'elle avait à le voir. Après l'entretien, et lorsqu'elles se retiraient, le P. de Saint-Jure retint Mlle Mance pour lui parler en particulier sur sa vocation. Il le fit de la manière la plus nette et la plus forte, l'assurant que jamais il n'avait rencontré autant de marques de la volonté de DIEU qu'il en voyait en sa vocation pour le Canada; que c'était une œuvre de DIEU, qu'elle ne devait plus la dissimuler comme elle avait fait jusque alors, et qu'il fallait qu'elle s'en déclarât à ses parents et à tout le monde. Ces paroles dilatèrent tellement le cœur de Mlle Mance, qu'il lui eût été impossible de retenir au dedans d'elle-même le bonheur dont elle se sentit inondée; et, de retour chez ses parents, elle leur découvre tout le mystère de son voyage. Ils font tous les efforts imaginables pour la dissuader d'un dessein qui leur parait si étrange et si téméraire. Mais elle se montre insensible à toutes leurs représentations.
Bientôt la résolution de Mlle Mance est connue de toutes parts, et comme il était encore inouï en France qu'une jeune demoiselle voulût traverser les mers pour aller vivre parmi les barbares, et que d'ailleurs le mérite et la vertu de Mlle Mance, relevés par un air de dignité et de noblesse qui paraissait dans tout son extérieur, la faisaient considérer dans le monde autant que si elle eût été une demoiselle de la première qualité (1 ), des dames de condition désirèrent de la voir et de l'interroger sur sa vocation.
Entre les personnes qui prirent plaisir à s'entretenir avec elle, on cite Mme la princesse de Coudé, Charlotte de Montmorency, Mme la chancelière, enfin la reine elle-même (2). C'est apparemment ce qui fait dire à l'abbé Charlet dans sa Suite des personnes illustres du clergé du diocèse de Langres, que Mlle Mance était très-considérée de la reine mère, Anne d'Autriche (3). A toutes les demandes qu'on lui faisait sur sa vocation elle répondait simplement : qu'elle savait bien que DIEU voulait qu'elle passât dans le Canada, mais qu'elle ignorait pourquoi; et qu'elle s'abandonnait aveuglément à lui pour tout ce qu'il voudrait faire d'elle (4).
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(1)Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1640 à 1641.
(3) Suite des personnes illustres, etc., p. 142
(4) Histoire du Montréal.
A suivre : V. Elle visite le P. Rapin, Récollet, qui la fait connaître à Mme de Bullion.
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V. Elle visite le P. Rapin, Récollet, qui la fait connaître à Mme de Bullion.
L'hiver survint. Un provincial des Récollets, homme de grand mérite, le P. Rapin, connu de Mlle Mance, se rendit alors à Paris, et elle s'empressa de le visiter, pour lui faire part de sa résolution, qui devait beaucoup l'intéresser lui-même. Les Récollets ayant porté la foi les premiers dans la Nouvelle-France, où ils avaient fait leur résidence jusqu'en 1629, que les Anglais les en chassèrent (1), comptaient y retourner prochainement et avec d'autant plus de raison, que la Grande Compagnie du Canada s'était engagée à les y conduire (2), et qu'enfin, le pape Urbain VIII leur avait donné, en 1635, tous les pouvoirs nécessaires pour y reprendre leur mission (3).
Le P. Rapin reçut donc avec un vif intérêt l'ouverture que lui fit Mlle Mance ; il approuva son dessein, et loua fort la disposition où elle était de s'abandonner parfaitement à DIEU pour le servir dans ce pays. « Il faut, lui dit-il, que vous vous oubliiez ainsi vous-même ; mais il est bon, ajouta-t-il, que d'autres prennent soin de vous. » C'était ce qu'il se proposait de faire par le moyen d'une dame très-riche et très-charitable, qui lui témoignait à lui-même une confiance sans bornes.
C'est pourquoi, à quelques jours de là, il mande à MlleMance qu'elle ait à se tenir prête pour aller chez Mme de Bullion lorsqu'on viendrait la chercher de sa part; ce qui eut lieu le jour même, dans l'après-midi (1).
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(1) Archives du département de Seine-et-Oise ; Récollets de St. Germain ; Mémoires de l’année 1637.
(2) Ibid. Mémorial de la Mission des Récollets de la Nouvelle-France.
(3) Ibid. Decretum sacræ Congregationis Propanganda Fide 28 feb. 1635.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1640 à 1641.
A suivre : VI. Mme de Bullion se propose de fonder un hôpital en Canada, et en offre la conduite à Mlle.
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VI. Mme de Bullion se propose de fonder un hôpital en Canada,
et en offre la conduite à Mlle.
Cette dame avait perdu depuis quelques semaines Claude de Bullion, son mari, surintendant ou ministre des finances, mort à Paris d'une attaque d'apoplexie, la nuit du 22 au 23 décembre 1640 ; et cet événement, qui la laissait maitresse de grands biens, lui donnait toute facilité de suivre son attrait pour les bonnes œuvres. Son mari, outre les appointements ordinaires de sa charge, recevait tous les ans le premier jour de janvier cent mille livres, que le cardinal de Richelieu lui envoyait, dans la persuasion où il était que l'intelligence et le désintéressement du surintendant des finances ne pouvaient être récompensés trop dignement (2).
Mlle Mance s'étant donc présentée chez Mme de Bullion, où était dans ce moment le P. Rapin, cette pieuse dame prit grand plaisir à l'entretenir. Elle lui témoigna sa satisfaction du dessein qu'elle avait formé de passer en Canada, la félicita de ses dispositions d'abandon parfait entre les mains de DIEU , et, après avoir longtemps parlé avec elle, la pria de venir la revoir. MlleMance revint en effet.
A la quatrième visite, Mme de Bullion lui demanda enfin si elle ne serait pas bien aise de prendre le soin d'un hôpital dans la Nouvelle-France; elle ajouta qu'elle avait dessein d'y en fonder un, de lui assurer pour elle-même ce qui serait nécessaire à son entretien; et que pour cela elle désirait savoir à quelle somme s'élevait la fondation de l'hôpital de Québec, faite par Mme la duchesse d'Aiguillon. Mlle Mance répondit que la faiblesse de sa complexion, jointe à sa mauvaise santé, ne permettait pas de faire grand fond sur les services qu'elle pouvait rendre dans un pareil établissement. Que néanmoins elle s'était abandonnée à DIEU, pour se conformer en tout à son bon plaisir, soit à l'égard des malades, soit pour tous les autres emplois qu'il voudrait bien lui confier. Que, quant à la fondation de l'hôpital de Québec, elle ignorait quel en avait été le prix, mais qu'elle aurait soin de s'en informer.
Dans l'une des visites qu'elle lui fit ensuite, elle lui dit en effet à quoi se montait cette fondation; et Mme de Bullion lui donna à comprendre qu'on n'en devait pas moins attendre de sa libéralité pour l'hôpital dont elle voulait être fondatrice (1).
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(2) Histoire de Louis XIII, par Bury. 1768, in-12, t. IV. P. 49 et 56.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1640 à 1641.
A suivre : 1641. VII. Mlle Mance prend congé de Mme Bullion qui lui remet une somme, comme arrhes de sa bonne volonté.
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1641. VII. Mlle Mance prend congé de Mme Bullion
qui lui remet une somme, comme arrhes de sa bonne volonté.
Enfin, le printemps de 1641 arriva. C'était le moment marqué par la divine providence pour l'exécution de ses desseins sur Montréal, et sur Mlle Mance elle-même, qui devait y avoir une si grande part, quoique alors elle n'eût aucune connaissance du projet de cette colonie. Il n'était donc plus temps de parler, il fallait agir; et Mlle Mance, pressée par l'attrait intérieur de la grâce, se prépara en effet à son départ avec une gaieté et une promptitude non pareilles, n'ayant en cela d'autre désir que de profiter du départ des navires qui allaient faire voile pour le Canada. Au moment où elle prit congé de Mme de Bullion, celle-ci lui remit une bourse de 1,200 livres, en lui disant :
« Recevez les arrhes de notre bonne volonté, en attendant que nous fassions le reste, lorsque vous m'aurez écrit du lieu où vous serez, et que vous m'aurez mandé l'état des choses. »
Mme de Bullion, par une humilité très-rare dans une personne de sa condition, voulait que ses bonnes œuvres ne fussent connues, s'il était possible, que de DIEU seul. Aussi fit-elle à Mlle Mance une sorte d'obligation de ne la nommer à personne, et même de ne lui écrire que sous le nom et l'adresse du P. Rapin. Ce fut apparemment dans cette occasion, que, pour lui donner un gage de son amitié, elle lui fit présent de son portrait, renfermé dans une boite d'agate montée en or et ornée de pierreries (1).
Enfin, elles se séparèrent, non sans une peine très-sensible, surtout du côté de Mme de Bullion, qui, éprouvant plus de désir encore de sacrifier sa personne que sa fortune au Canada, portait une sainte envie à Mlle Mance (1).
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(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(1) Histoire du Montréal, ibid.
A suivre : VIII. Mlle Mance se détermine à s’embarquer à…
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VIII. Mlle Mance se détermine à s’embarquer à la Rochelle.
Elle communique son intérieur à Marie Rousseau,
qui approuve son départ pour le Canada.
Si elle la pria de lui écrire du lieu où elle serait, c'est que Mlle Mance n'avait alors d'autre désir, comme nous venons de le dire, que d'aller en Canada, convaincue que DIEU, qui l'appelait dans ce pays, lui ferait connaître le genre de service qu'il désirait y recevoir d'elle ; et comme elle savait que des navires étaient sur le point de faire voile pour ce pays, les uns de la Normandie, les autres de la Rochelle, elle se hâtait pour saisir cette occasion de partir. Ses parents, voyant la résolution où elle était, souhaitèrent qu'elle s'embarquât en Normandie, afin, disaient-ils, de pouvoir l'accompagner jusqu'au bord du navire, et peut-être aussi pour faire un dernier effort sur son esprit. Mais cette âme généreuse, qui voulait rompre au plus tôt tous les liens de la chair et du sang, résolut de s'embarquer à la Rochelle, d'où elle savait d'ailleurs que quelques prêtres devaient partir aussi pour le Canada, ce qui lui donnait l'assurance de n'être pas privée de la sainte messe pendant le voyage. DIEU se servit de ces deux motifs pour conduire Mlle Mance à ce port, afin de l'associer à la compagnie de Montréal, avantage qu'elle n’aurait pas eu si elle fût embarquée à Dieppe, ainsi que nous le dirons bientôt (1).
Cependant…
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(1) Histoire du Montréal
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Louis- Admin
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
VIII. Mlle Mance se détermine à s’embarquer à la Rochelle.
Elle communique son intérieur à Marie Rousseau,
qui approuve son départ pour le Canada. (suite)
Cependant, immédiatement avant son départ de Paris, elle reçut déjà quelque vue surnaturelle sur ce qui devait lui arriver, tant au lieu de l’embarquement que dans la Nouvelle-France. Elle en fit part à deux religieux, grands serviteur de DIEU , et à une personne de piété, avec laquelle elle conféra par écrit (2). Cette personne était peut-être une sainte veuve, Marie de Gournay, plus connue sous le nom de Marie Rousseau, le conseil de tout ce qu’il y avait d’âme éminentes à Paris, comme on le voit dans la Vie de M. Olier (3). Du moins, Mlle la consulta sur sa vocation, et Marie Rousseau l’assura que DIEU l’appelait à procurer sa gloire dans la Nouvelle-France. C’est ce qui fait dire à M. Olier : « Elle n’est point allée dans ce pays sans recevoir approbation et direction de cette bienheureuse âme que DIEU semble avoir laissée dans le monde pour le renouvellement du christianisme, de même qu’autrefois la très-sainte Vierge pour son premier établissement (4). »
Il paraît que Mlle Mance ne se contenta pas de lui exposer les circonstances de sa vocation, mais qu’elle lui découvrit encore ses dispositions intérieures les plus secrètes, et tout le fond de son âme. Du moins, Marie Rousseau en eut une parfaite et entière connaissance ; et après le départ de Mlle Mance elle ne parlait de cette sainte fille qu'avec admiration, comme nous l'apprend M. Olier. « Elle disait du P. de Condren, écrit-il, que c'était le plus admirable intérieur qu'elle eût jamais vu sur la terre, quoiqu'elle eût vu celui de la plupart des âmes qui servent DIEU, et entre autres celui de Mlle Mance, qu'elle estime une des plus grandes âmes qui vivent. C'est elle dont DIEU s'est servi pour aller fonder l'Église de (Montréal en) Canada (1). »
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(2) Les Véritables Motifs de Messieurs et Dames de Montréal, 1643, in-4º, p. 31.
(3) Vie de M. Olier, t. I, p. 355 et suiv.
(4) Mémoires autobiographes de M. Olier , t. II, p.51.
(1) Mémoires autobiographes de M. Olier, ibid.
A suivre : IX. A la Rochelle, Mlle Mance…
Dernière édition par Louis le Ven 27 Juil 2012, 11:49 am, édité 1 fois (Raison : orthographe)
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IX. A la Rochelle, Mlle Mance entend parler du dessein de la colonie de Montréal.
Mlle Mance se mit donc en route pour la Rochelle, le lendemain même du jour où elle avait fait ses adieux à Mme de Bullion ; et, quoiqu'elle fût alors dans un état de faiblesse tel, qu'un si long voyage semblait être au-dessus de ses forces , elle en surmonta les fatigues avec un courage héroïque, que DIEU se plut à lui communiquer. Il conduisait tous les pas de cette sainte fille, et disposait tellement les cœurs en sa faveur dans les hôtelleries où elle s'arrêtait sur la route, que partout, après y avoir été accueillie avec un empressement et une obligeance qui n'étaient pas ordinaires, à peine voulait-on recevoir son argent.
« DIEU , ajoute M. Dollier de Casson, lui donnait la grâce de toucher tous les cœurs, pour la récompenser de ce que, faible et seule comme elle était, elle osait néanmoins par un effet de son abandon à lui, tout entreprendre pour sa gloire (1 ). »
Arrivée enfin au lieu tant désiré de son embarquement, et ne connaissant personne dans cette ville, elle alla se loger, sans le savoir, tout proche de l'église des Jésuites. Cette circonstance, dès qu'elle en fut informée, lui donna l'occasion d'aller saluer le R.P. Laplace qu'elle avait vu à Paris et qu'elle savait devoir passer dans la Nouvelle-France. Ce Père fut ravi de la voir à la Rochelle; il ne put s'empêcher de lui en témoigner sa joie, et il ajouta qu'il avait beaucoup craint qu'elle n'arrivât qu'après le départ des navires. Dans le même moment M. de Fancamp, que la Compagnie de Montréal avait envoyé à la Rochelle avec M. de La Dauversière pour donner ordre à l'embarquement de la recrue, s'entretenait avec le P. Laplace. Voyant entrer Mlle Mance, il se retira. Ce religieux, après l'avoir donc félicitée sur sa prompte arrivée, se mit à lui parler du zèle que DIEU inspirait à plusieurs personnes pour le Canada, et de la générosité avec laquelle elles contribuaient à cette œuvre.
« Voyez-vous, dit-il, ce gentilhomme qui vient de sortir afin de me laisser la liberté de vous parler : il a donné cette année 20,000 livres pour une entreprise qui regarde ce pays. Il s'appelle le baron de Fancamp, et est associé à plusieurs personnes de qualité, qui font de grandes dépenses pour un établissement qu'elles ont désiré de former dans une île du Canada, appelée Montréal.»
Après lui avoir fait connaître tous les mouvements qu'on se donnait pour cette œuvre, il demanda à Mlle Mance où elle logeait ; et ayant appris que c'était chez une huguenote, il la fit conduire ailleurs, sans qu'elle lui en fit la demande (1).
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(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, ibid.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, ibid.
A suivre : X. Rencontre miraculeuse de Mlle Mance et de M. de La Dauversière.
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
X. Rencontre miraculeuse de Mlle Mance et de M. de La Dauversière.
Le lendemain, elle eut le désir d'aller de nouveau chez les Jésuites. Lorsqu'elle arriva à la porte de leur église, M. de La Dauversière en sortait. Alors ces deux personnes, qui jamais ne s'étaient vues, ni n'avaient ouï parler l'une de l'autre, furent subitement éclairées d'une lumière surnaturelle, qui leur découvrit mutuellement leurs pensées les plus secrètes et tout leur intérieur, comme il était déjà arrivé à l'égard de M. Olier et du même M. de La Dauversière. Ce dernier salua par son nom Mlle Mance, qui le salua aussi par le sien ; « et en un instant DIEU leur imprima dans l'esprit une connaissance de leurs desseins si claire, que, s'étant reconnus, ils ne purent faire autre chose que remercier DIEU de ses faveurs (1) (*). »
On ne nous a pas appris en détail tout ce qui dut se passer dans ces deux grandes âmes, que DIEU se plut à unir ainsi de la manière la plus sainte et la plus étroite. Tout ce qu'on en a su, c'est que Mlle Mance en conserva toujours le souvenir présent, et que ce souvenir remplissait son cœur d'une si vive reconnaissance envers la bonté divine, même à la fin de sa vie, que les personnes avec qui elle parlait sur ce sujet ne pouvaient s'empêcher d'en être frappées d'admiration. « Elle parlait de ces matières comme un séraphin, dit la sœur Morin dans ses Annales, et bien mieux que plusieurs docteurs n'auraient su le faire (2). »
(*) M. Dollier, qui rapporte les circonstances de cette entrevue, fait remarquer qu'il ignorait par quel moyen M. de La Dauversière, qui n'avait jamais vu Mlle Mance, avait pu la saluer par son nom; et il conjecture que, peut-être, le P. Laplace la lui avait déjà fait connaître. Mais il ne savait pas que les associés de Montréal, dans leurs Véritables Motifs, imprimés deux ans après cette entrevue, avaient écrit que ce fut par une lumière surnaturelle, et qu'ils alléguaient cette circonstance, comme une des marques certaines que leur œuvre était vraiment l'œuvre de Dieu.
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(1) Les Véritables Motifs de Messieurs et Dames de Montréal, 1643, in-4º, p. 30.
(2) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
A suivre : XI. Mlle est reçue au nombre des associés de la Compagnie de Montréal.
Dernière édition par Louis le Dim 29 Juil 2012, 6:44 am, édité 1 fois (Raison : orthographe)
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
XI. Mlle est reçue au nombre des associés de la Compagnie de Montréal.
M. de La Dauversière lui exposa avec une entière ouverture de cœur le dessein de la société que plusieurs personnes de qualité formaient en faveur de l'Ile de Montréal, et toutes leurs vues dans cette sainte entreprise. Il lui apprit que DIEU venait de leur donner un homme de sa main dans la personne de M. de Maisonneuve, destiné à former l'établissement et à le défendre au dehors contre les sauvages ; et il ajouta que DIEU l'envoyait elle-même pour avoir soin du dedans et pour servir les malades et les blessés : qu'en conséquence elle voulût bien être reçue au nombre des associés de la Compagnie de Montréal, comme y avait été reçu M. de Maisonneuve. Après cette entrevue, M. de La Dauversière alla la visiter chez elle, et la pressa de s'associer à la Compagnie.
Mlle Mance, apprenant que cette société était composée de personnes très-opulentes, doutait d'abord si elle devait y entrer. Elle jugeait que, n'ayant pour subsister qu'une petite pension viagère, il y aurait trop de disproportion entre elle et ces messieurs; et qu'enfin, à cause de la délicatesse de sa complexion et de sa mauvaise santé, elle serait plutôt à leur charge qu'elle ne les servirait.
« Si je fais ce que vous me proposez, dit-elle à M. de La Dauversière, j'aurai plus d'appui sur la créature, et moins à attendre du côté de la Providence, de laquelle je veux dépendre uniquement. »
— « Vous n'en serez pas moins fille de la Providence, reprit M. de La Dauversière ; car cette année nous avons fait une dépense de 75.000 livres, et je ne sais pas où nous prendrons le premier sou pour l'an prochain. Je suis certain, il est vrai, que cet ouvrage est de DIEU, et qu'il le fera réussir; mais comment le fera-t-il? je l'ignore. »
Ces dernières paroles gagnèrent entièrement Mlle Mance à l'œuvre de Montréal ; mais n'ignorant pas que les lumières extraordinaires, lorsqu'il plaît à DIEU d'en donner quelqu'une, ne doivent être une règle de conduite qu'après avoir été approuvées par les supérieurs ordinaires, elle ajouta qu'elle s'unirait à la Compagnie de ces messieurs, si le P. de Saint-Jure, son directeur, l'avait pour agréable. « Ne perdez donc pas de temps, dit alors M. de La Dauversière, et écrivez au P. de Saint-Jure par le prochain courrier. » Elle le fit sans délai, et manda encore la même chose à d'autres personnes, qui toutes, aussi bien que le P. de Saint-Jure, lui répondirent que la main de DIEU était visible dans cet ouvrage ; qu'elle ne manquât donc pas d'accepter l'union qu'on lui proposait, et qu'assurément NOTRE-SEIGNEUR le demandait d'elle.
Aussitôt qu'elle eut reçu ces réponses, elle les communiqua à M. de La Dauversière, qui en eut une joie non pareille, aussi bien que M. de Maisonneuve et M. de Fancamp ; et tous trois reçurent Mlle Mance au nom des associés, comme un présent que le Ciel faisait à leur Compagnie.
A suivre : XII. Mlle Mance engage M. de La Dauversière…
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
A suivre : CHAPITRE II. ARRIVEE DE MADEMOISELLE MANCE EN CANADA…XII. Mlle Mance engage M. de La Dauversière à mettre par écrit
le dessein de Montréal. — Dieu la délivre d’une inquiétude.
Pendant qu'on se préparait à faire voile, DIEU inspira à Mlle Mance de prier M. de La Dauversière de mettre par écrit le dessein de Montréal, et de lui en donner des copies, afin qu'elle pût les envoyer à Mme la princesse de Condé, à Mme la chancelière, à Mme de Villecerain, et aux autres dames qui avaient voulu la voir à Paris, surtout à Mmede Bullion, de qui elle espérait davantage encore. M. de La Dauversière, jugeant que ce conseil était très-sage, dressa l'écrit en question et en fit faire des copies, qu'il lui mit entre les mains. A chaque copie elle joignit une lettre, et fit de ces deux pièces autant de paquets séparés, qu'elle remit ensuite à M. de La Dauversière lui-même, afin qu'il pût s'en servir selon sa prudence, lorsqu'il serait à Paris. Nous verrons bientôt quels furent les résultats de ces écrits en faveur de l'œuvre de Montréal (1).
Mais, lorsque le vaisseau sur lequel Mlle Mance devait monter n'attendait que l'heure de sortir du port de la Rochelle, elle éprouva une peine très-vive : ce fut de penser qu'elle allait se trouver seule de son sexe au milieu d'une troupe de soldats, et dans un pays inconnu et inhabité ; et cependant il n'y avait pas moyen de trouver pour elle une compagne, le vaisseau étant sur le point de démarrer.
DIEU la délivra cependant de cette peine; car ce jour-là même M. de La Dauversière et M. de Fancamp apprirent par une lettre de leurs agents, qui faisaient embarquer le reste de la recrue à Dieppe en Normandie, que deux des ouvriers engagés pour Montréal n'avaient consenti à s'embarquer qu'après avoir obtenu de conduire leurs femmes avec eux ; que, de plus, une vertueuse fille de Dieppe, touchée soudainement d'un ardent désir d'aller elle-même à Montréal pour y offrir à DIEU ses services, était entrée de force dans le vaisseau qui démarrait du port, malgré les efforts qu'on faisait pour l'en empêcher (1).
Ainsi, Mlle Mance, avant de s'embarquer, eut l'assurance non-seulement de trouver dos compagnes à Montréal, mais d'y avoir une fidèle assistante pour l'aider à soigner les malades. C'était ce qu'elle avait connu avant de partir de Paris, ainsi que tout ce qui venait de lui arriver à la Rochelle, comme elle-même l'avait annoncé et laissé même par écrit, selon ce qui a été dit plus haut.
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(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1640 à 1641.
(1) Les Véritables Motifs de Messieurs et Dames de Montréal, 1643, in-4º, p. 30 et 31.
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
CHAPITRE II
ARRIVEE DE MLLE MANCE AU CANADA.
ELLE DONNE COMMENCEMENT A L’HOTEL-DIEU DE VILLEMARIE,
DESTINE AUX FILLES DE SAINT-JOSEPH.
I. Arrivée de Mlle Mance à Québec.
La recrue pour Montréal était portée sur trois navires. Dans l'un se trouvaient M. de Maisonneuve , avec environ vingt-cinq hommes, et un ecclésiastique destiné pour les Ursulines de Québec; Mlle Mance était dans un autre, avec douze hommes seulement, accompagnés du Père Laplace ; et le reste des hommes destinés pour Montréal s'était embarqué à Dieppe. Les deux vaisseaux partis de la Rochelle se suivirent de près pendant huit jours ; mais après ce terme ils furent séparés l'un de l'autre par un coup de vent ; et celui de M. de Maisonneuve éprouva de si furieuses tempêtes, qu'il fut obligé de relâcher trois fois, avec perte de trois ou quatre de ses hommes (1).
Quant à Mlle Mance, elle arriva fort heureusement à Québec, où elle eut la satisfaction de trouver les hommes partis de Dieppe qui étaient occupés à construire un magasin pour l'usage de la Compagnie de Montréal. Mais le retard de M. de Maisonneuve, dont elle n'avait aucune nouvelle, la mit en grande sollicitude ; et avec d'autant plus de raison, que chacun pensait qu'il n'arriverait pas cette année-là. Enfin il parut à Québec le 20 du mois d'août, et réjouit tous ses gens, qui étaient dans un grand besoin de sa présence ; car à Québec ils avaient éprouvé, et ils éprouvaient encore de grandes oppositions de la part de ceux qui gouvernaient dans ce lieu, et qui, sachant que la colonie de Montréal serait un établissement indépendant de leur autorité, voulaient mettre obstacle à sa fondation et retenir les colons à Québec (1).
Nous n'entrerons pas ici dans le détail de ces épreuves, qui seront racontées dans l'Histoire de la colonie de Montréal. Pour nous borner à Mlle Mance, il nous suffira de dire qu'avant l'arrivée de M. de Maisonneuve, ceux qui gouvernaient à Québec, n'ignorant pas qu'elle était très-nécessaire au dessein de Montréal, s'efforcèrent de l'en détourner par toutes les voies possibles. Mais leurs instances furent inutiles ; et d'ailleurs, ayant eu avant son départ de Paris une vue surnaturelle des obstacles qu'elle rencontrerait à Québec, elle se montra toujours inébranlablement résolue à suivre la voix de DIEU qui l'appelait à Villemarie (2).
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(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1640 à 1641. — Histoire du Canada, par M. de Belmont.
(1) Histoire du Montréal, ibid. —Vie de la Sœur Bourgeoys ; Villemarie, 1818, in-12, p. 25,26.
(2) Histoire du Montréal, ibid. —Histoire du Canada, par M. de Belmont.
A suivre : II. Mme de La Peltrie…
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
II. Mme de La Peltrie se lie d’une étroite et sainte amitié avec Mlle Mance.
Un autre embarras plus difficile à vaincre la mit bientôt à une nouvelle épreuve, elle et toute la recrue. Après l'arrivée de M. de Maisonneuve, la saison se trouvait trop avancée pour qu'on pût allers s'établir dans l'île de Montréal, où il n'y avait encore ni maison construite, ni rien de préparé pour la colonie.
Mlle Mance, M. de Maisonneuve et tous leurs hommes, se voyaient dans nécessité de passer l'hiver à Québec (1), sans savoir où se loger pour se défendre du froid, qui est si rigoureux dans ce pays. Mais on eût dit que DIEU ne les avait exposés un instant à cette extrémité, que pour faire paraître avec plus d'éclat les soins de sa Providence sur eux. Il leur procura tous les secours nécessaires, et au delà même de leurs désirs.
D'une part, l'accueil si peu gracieux qu'on leur faisait à Québec, et de l'autre leur désintéressement, leur dévouement, les motifs si chrétiens qui les animaient dans cette entreprise, et la charité qui régnait parmi eux, touchèrent plusieurs personnes en leur faveur.
D'ailleurs, la vertu et le mérite de Mlle Mance et de M. de Maisonneuve leur donnaient à l'un et à l'autre un ascendant extraordinaire , que cependant ils ne recherchaient pas. Ainsi, Mme de La Peltrie, arrivée depuis deux ans à Québec, où elle avait conduit les Ursulines, dont elle s'était déclarée la fondatrice, n'eut pas plutôt connu Mlle Mance, qu'elle s'unit étroitement à elle, et ne lui donna pas seulement les témoignages d'honneur et d'estime que méritait sa vertu, mais toutes les marques de l'amitié la plus délicate et la plus sincère, comme elle eût fait à l'égard de sa propre sœur (1). Enfin, elle conçut une si grande affection envers les colons de Montréal, qu'elle sembla se détacher de ceux de Québec pour s'associer aux premiers ; du moins c'est ce que donne à entendre la mère Marie de l'Incarnation, religieuse ursuline de Québec.
« Les personnes qui vinrent l'an passé pour établir l'habitation de Montréal, écrivait-elle le 29 septembre 1642, qui sont un gentilhomme et une demoiselle de France, ne furent pas plutôt arrivés, que notre bonne fondatrice, qui nous avait amenées en Canada avec une générosité des plus héroïques, se retira avec eux. Elle reprit ensuite ses meubles et plusieurs autres choses, qui servaient à l'église et qu'elle nous avait donnés. De vous dire qu'elle a tort, je ne puis selon DIEU ; car, comme elle retourne dans le monde, il est juste qu'elle soit accommodée selon sa qualité; et enfin a tant de piété et de crainte de DIEU, que je ne puis douter que ses intentions ne soient bonnes et saintes (2).»
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(1] Relation de ce qui s’est passé dans la Nouvelle-France, ès années 1640 et 1641, par le P. Vimont, Paris, 1642, ch. 13, p. 202.
(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(2) Lettre de la vénérable mère Marie de l’Incarnation , 1681, in-4º, 2e partie, lettre 26, à Mme de Chevreuse, du 29 septembre 1642, p. 369
A suivre : III. Les colons de Montréal….
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
III. Les colons de Montréal étant sans asile
pour passer l’hiver , reçoivent de M. de Puizeau ses deux maisons.
Mais ce qui ranima dans les cœurs de tous les colons de Montréal leur confiance aux soins paternels de la divine Providence, c'est que le plus riche particulier du Canada, M. de Puizeau, vieillard vénérable, leur procura à tous un asile assuré, et même toutes les commodités et les douceurs qu'ils n'eussent pu trouver ni à Montréal, ni partout ailleurs dans le pays.
Cet homme vertueux, qui demeurait à Sainte-Foy, à une journée de Québec, eut occasion de voir comme par hasard M. de Maisonneuve, et de l'interroger sur le dessein des associés de Montréal. Il fut si touché de leur dévouement, qu'il demanda avec instance de leur être associé, pour qu'il pût concourir lui-même à une si noble entreprise ; et sur l'heure il donna à leur compagnie tous ses meubles, ses bestiaux et ses deux maisons, où il avait dépensé plus de 100,000 livres, l'une à Sainte-Foy même, et l'autre près de Québec (1), appelée d'abord Saint-Michel, et ensuite Puizeau (2), si commode et si bien construite, qu'elle était regardée alors comme le bijou du Canada. Il ajouta qu'une partie de la recrue passerait l'hiver à Sainte-Foy, où elle construirait les barques nécessaires pour monter à Montréal au printemps prochain ; et que l'autre exécuterait à Saint-Michel tous les ouvrages de menuiserie.
Ravi d'une proposition si généreuse et si inattendue, M. de Maisonneuve adora les attentions de la bonté divine sur l'œuvre dont elle l'avait chargé, et prit possession de ces deux maisons, où il plaça tout son monde.
M. de Puizeau se démit si entièrement de ses biens en faveur de la Compagnie de Montréal, que, voyant ensuite Mmede La Peltrie, à qui il fournissait depuis quelque temps le logement dans sa maison de Saint-Michel, il lui dit :
« Madame, ce n'est plus moi qui vous loge, je ne possède plus rien ici : c'est à M. de Maisonneuve que vous en avez présentement l'obligation, car « il est le maître actuel. »
Mlle Mance passa donc l'hiver à Saint-Michel…
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(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1640 à 1641.
(2) Archives de la marine de Romain Bequet, notaire à Québec, du 26 avril 1678 ; vente de Puizeau au séminaire de Québec.
A suivre...
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
III. Les colons de Montréal étant sans asile pour passer
l’hiver, reçoivent de M. de Puizeau ses deux maisons. (suite)
Ravi d'une proposition si généreuse et si inattendue, M. de Maisonneuve adora les attentions de la bonté divine sur l'œuvre dont elle l'avait chargé, et prit possession de ces deux maisons, où il plaça tout son monde.
M. de Puizeau se démit si entièrement de ses biens en faveur de la Compagnie de Montréal, que, voyant ensuite Mme de La Peltrie, à qui il fournissait depuis quelque temps le logement dans sa maison de Saint-Michel, il lui dit :
« Madame, ce n'est plus moi qui vous loge, je ne possède plus rien ici : c'est à M. de Maisonneuve que vous en avez présentement l'obligation, car « il est le maître actuel. »
Mlle Mance passa donc l'hiver à Saint-Michel, dans la compagnie de Mme de La Peltrie, de M. de Puizeau, et de M. de Maisonneuve (1); et, pendant que les ouvriers travaillaient aux divers ouvrages destinés à l'établissement de Montréal (2), elle s'occupait des soins du ménage, elle leur distribuait à chacun, avec une rare intelligence, les vivres et les autres objets, dont elle avait seule l'administration.
Quoiqu'elle ne fût encore âgée que d'environ trente-six ans, sa vertu lui donnait une telle autorité sur ces pieux colons, que tous la respectaient et l'honoraient comme si elle eût été leur mère, et avaient pour ses moindres volontés une soumission d'enfant. Ils recevaient même de sa main les munitions de guerre aussi bien que le reste ; et nous remarquerons ici que, le jour de la Conversion de saint Paul, 25 janvier 1642 fête de M. de Maisonneuve, elle leur distribua de la poudre pour qu'ils annonçassent la fête de leur gouverneur par des décharges de mousquets, de boîtes et de canons. C'est ce qu'ils exécutèrent ponctuellement le matin, une heure et demie avant le jour, et qu'ils répétèrent encore le soir, une heure après la nuit close (1).
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(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson.
(2) Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, par la mère Juchereau, p. 32.
(1) Informations faites par M. de Montmagny contre M. de Maisonneuve, les 3 et 4 février 1642 ; pièces communiquées par M. Jacques Viger.
A suivre : IV. Arrivée des colons à Montréal.
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
A suivre : V. Mlle Mance contribue à l’augmentation de la Compagnie de Montréal.IV. Arrivée des colons à Montréal.
Tous les préparatifs étant terminés, on partit en barques de Saint-Michel pour l'île de Montréal, le 8 mai 1642 (2), avec M. de Puizeau, et Mme de La Peltrie, qui conduisit avec elle sa femme de chambre.
Le 17, la petite flotte salua par des cris de joie et des cantiques de louange l'île de Montréal, qu'elle aperçut alors et qu'elle commença bientôt à longer (3) ; et enfin, le lendemain 18, elle arriva de grand matin à l'endroit de cette île désigné pour l'établissement (4), et connu ensuite sous le nom de Pointe-à-Callières.
En mettant pied à terre, tous ces pieux colons s'étant jetés à genoux sur le rivage, à l'exemple de M. de Maisonneuve, entonnèrent des psaumes et des hymnes d'action de grâces envers la bonté divine, qui les avait ainsi heureusement conduits au terme de leurs désirs (5) ; et, comme pour mettre NOTRE-SEIGNEUR en possession de cette terre, ils chargèrent Mlle Mance et Mme de La Peltrie de préparer et d'orner un autel, sur lequel on devait offrir immédiatement le saint sacrifice, et laisser le saint Sacrement exposé durant tout ce premier jour. Il serait difficile d'exprimer la joie avec laquelle ces deux saintes âmes s'acquittèrent d'un si religieux office; « Ne pouvant se lasser de bénir le Ciel, dit M. Dollier de Casson, de la faveur qu'il leur faisait en les choisissant pour une telle fonction, et en consacrant leurs mains à l'élévation du premier autel de cette colonie (1) . »
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(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1641 à 1642.
(3) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(4) Histoire du Montréal, ibid.
(5) Annales des hospitalières de Villemarie, etc.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1641 à 1642. — Relation de ce qui s’est passé en la Nouvelle-France, en l’année 1642, par le P. Vimont,, ch. 9, p. 130.
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V. Mlle Mance contribue à l’augmentation de la Compagnie de Montréal.
Nous ne rapporterons pas ici les autres circonstances de l'établissement de Villemarie; nous dirons seulement que cette première année 1642, Mlle Mance apprit une nouvelle qui la combla de joie, et lui montra de plus en plus combien DIEU voulait qu'elle le servît dans cette sainte œuvre : ce fut la bénédiction que DIEU venait de donner aux copies de l'écrit de M. de La Dauversière, qu'elle avait adressées à diverses dames de qualité, avant de s'embarquer à la Rochelle l'année précédente. Ces écrits firent une singulière impression sur leurs cœurs (2); et vers le même temps, M. Olier, qui jetait alors les fondements de la Compagnie de Saint-Sulpice, ayant présenté à M. de La Dauversière à plusieurs de ses amis et à d'autres personnes de haute condition, ils prirent une si parfaite confiance dans les récits que leur fit ce dernier, qu'ils furent ravis d'être reçus au nombre des associés de Montréal, et de pouvoir contribuer à cette œuvre par leurs largesses. Ils regardèrent même l'impression extraordinaire que M. de La Dauversière fit sur leurs cœurs comme une nouvelle marque du doigt de DIEU dans cette œuvre, et c'est le témoignage qu'ils se plurent à en rendre dans l'écrit publié, l'année suivante, sous ce titre: Les Véritables Motifs de Messieurs et Dames de la Société de Notre-Dame de Montréal.
« Il n'est pas ordinaire, disaient-ils, qu'un homme seul, auteur d'un si haut et si nouveau dessein, lui étranger, inconnu à Paris, sans moyens, sans appui, ni charme de bien dire, ait été reçu et accueilli en si peu de temps par tant de personnes différentes de condition, d'esprit, de vertu, d'expérience, de crédit, et assez difficiles pour ne pas se laisser aller à croire légèrement les choses surnaturelles. Comment supposer qu'il les ait persuadées, qu'il les ait unies ensemble d'une sainte société, qui n'a d'autre but, d'autre lien, d'autre intérêt que ceux d'une pure charité, sinon que DIEU, qui se sert de ces voies lorsqu’il dispose les grandes choses, ne les u eût poussées, inspirées et appelées ? Elles se tiennent bienheureuses et indignes d’être élues pour lui rendre ce service, coopérant avec lui à l’édifice de son Église, à la consommation de ses saints (1). »
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(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson.
(1) Les Véritables Motifs de Messieurs et Dames de Montréal, p. 37 et 38.
A suivre : VI. Les associés…
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VI. Les associés consacrent l’Île à la très-sainte Vierge.
Ils s’efforcent de n’être connus que de DIEU.
Tous ces généreux associés, au nombre de trente-cinq, s'étaient réunis le 2 février 1642 jour de la Purification, pour consacrer à la Sainte-Famille l'île de Montréal avant que la recrue allât l'habiter (2). Ils firent cette cérémonie dans cette même église de Notre-Dame de Paris, où, trois ans auparavant, M. de La Dauversière avait été honoré de l'apparition de la Sainte-Famille, dont on a déjà parlé ; et donnèrent enfin, par le ministère de M. Olier, le domaine de cette île à la sainte Vierge. Aucun monument certain ne nous fait connaître les noms de tous les associés qui composaient alors la Compagnie et que M. Dollier de Casson suppose avoir été, cette même année, au nombre de quarante-cinq. L'impuissance où nous sommes, malgré nos recherches, de les nommer ici, est le plus bel éloge que l'on puisse faire de la pureté de leur vertu.
Car ils prenaient tant de soin de se cacher aux yeux du monde, que, comme ils l'écrivirent l'année suivante au pape Urbain VIII, presque tous n'étaient connus que de Dieu seul, quoiqu'il y eût parmi eux des ducs, des comtes, des magistrats , des dames de la première qualité, et que la plupart fussent très-connus dans Paris par le haut rang qu'ils occupaient (1).
L'exemple de Mme de Bullion peut donner une idée de la générosité des motifs qui animaient cette fervente troupe, uniquement jalouse de laisser à DIEU seul la gloire de son œuvre. Cette dame, qui mit elle seule environ cinquante ou soixante mille écus à la disposition de la Compagnie de Montréal, cachait avec tant de soin ses largesses aux associés eux-mêmes, que la plupart d'entre eux ne savaient pas de quelle main elles venaient. Elle ne fut jamais nommée dans aucun des actes relatifs à l'emploi des sommes qu'elle donna. Enfin elle n'était désignée que sous le nom d'une bienfaitrice inconnue, et ce ne fut qu après sa mort que les associés la firent enfin connaître (2).
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(2] Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, ibid. — Relation de la Nouvelle-France, en l’année 1642, par le P. Vimont,, p. 127.
(1) Archives du département de seine-et-Oise ; Récollets de Saint-Germain : supplique des associés au Pape.
(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1644 à 1645. — Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
A suivre : VII. Fondation de l’Hôtel-Dieu de Villemarie par Mme de Bullion.
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
VII. Fondation de l’Hôtel-Dieu de Villemarie par Mme de Bullion.Frappée de l'écrit que Mlle Mance lui adressa avant son départ de la Rochelle, et de la lettre qu'elle y joignit, Mme de Bullion, qui n'avait eu jusque alors aucune connaissance du dessein des associés, demeura convaincue, après ses entretiens avec M. de La Dauversière, que DIEU demandait la fondation d'un Hôtel-Dieu à Montréal. Elle ne douta pas non plus que cette maison ne dût être dirigée par des religieuses du nouvel institut qui se formait à la Flèche, et qui était destiné à répandre en Canada la dévotion envers saint Joseph. On a déjà rapporté que Mme de Bullion avait eu la pensée arrêtée de fonder elle-même un hôpital dans ce pays, sans savoir encore dans quel lieu ; et que même elle avait remis à Mlle Mance la somme de 1 ,200 livres comme les arrhes de ce qu'elle destinait pour cette fondation. Elle demeura donc persuadée que DIEU ne lui avait inspiré ce dessein que parce qu'il voulait se servir d'elle pour fonder l'hôpital de Villemarie.
En conséquence, l'année suivante 1643, elle donna pour commencer cette fondation 42,000 livres, dont 36,000 devaient être placées en rente pour l'hôpital, et 6,000 devaient être employées à en construire les premiers bâtiments. En outre, elle envoya 2,000 livres à Mlle Mance, lui laissant la liberté d'en faire l'usage qu'elle jugerait à propos (1).
En voyant ces marques touchantes de la bonté de DIEU sur la nouvelle colonie, Mlle Mance éprouva une joie très-vive et très-douce : mais elle crut que toutes ces sommes pouvaient être employées à une œuvre d'une nécessité plus urgente que ne l'était alors la fondation d'un hôpital (2).
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(1) Archives du séminaire de Montréal ; inventaire du séminaire de Paris, acte de Chaussière, du 12 janvier 1644.
(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1643 à 1644.
A suivre : VIII. État prospère de la colonie de Montréal. — Dévotion à saint Joseph.
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
VIII. État prospère de la colonie de Montréal. — Dévotion à saint Joseph.Depuis qu'on était arrivé dans l'île de Montréal, pas un des colons n'avait été malade, ce qui, au rapport du P. Vimont, n'avait point eu lieu encore en aucune nouvelle habitation dans ce pays (1). Comme d'ailleurs ils n'avaient aucun ennemi à combattre, il n'y avait pas non plus pour Mlle Mance de blessés à soigner. La Providence, pour donner aux pieux colons la facilité de bâtir et de se fortifier, ne permit pas en effet que les Iroquois eussent d'abord connaissance de ce nouvel établissement. C'est pourquoi on y élevait en toute assurance des logements; et le principal bâtiment du fort ayant été achevé le 19 mars 1643, fête de saint Joseph, on y mit le canon, et on célébra au bruit de l'artillerie la fête de ce glorieux chef de la Sainte-Famille (2).
Nous remarquerons ici en passant, que le premier sauvage baptisé et marié en face de l'Église reçut au baptême le nom de Joseph ; et cela, dit le P. Vimont, pour lui faire porter le nom (du chef) de la première famille que les MM. de Montréal ont donné pour modèle et pour patron aux sauvages et au pays (3). On baptisa aussi d'autres sauvages, alliés des Français, dont Mlle Mance ou Mme de La Peltrie furent les marraines, et M. de Maisonneuve ou M. de Puizeau les parrains.
Tout était donc en paix à Villemarie. La colonie ressemblait à une communauté de saints religieux; rien n'y était fermé sous la clef. Ceux qui avaient plus d'aisance donnaient aux autres, sans attendre qu'ils demandassent (1). Enfin ils vivaient tous dans une union si parfaite, qu'ils semblaient n'avoir qu'un cœur et qu’une âme comme il est dit des premiers chrétiens (2).
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(1) Relation de la Nouvelle-France, en l’année 1642 et 1643 par le P. Vimont,, p. 201.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1642 à 1643.
(2) Relation de la Nouvelle-France, 1642 et 1643, p. 203.
(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(2) Les Véritables Motifs de Messieurs et Dames de Montréal, p. 35, 36.
A suivre : IX. Mme de Bullion exige que sa fondation soit employée à l’Hôtel-Dieu de Saint-Joseph.
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
IX. Mme de Bullion exige que sa fondation
soit employée à l’Hôtel-Dieu de Saint-Joseph.
Dans cet état de choses, Mlle Mance jugea que les fonds de Mmede Bullion seraient plus utilement employés, s'ils étaient donnés aux Pères Jésuites, pour l'établissement de quelque mission sauvage. Elle ne fit donc point construire de bâtiments pour l'hôpital, et écrivit à cette charitable dame pour lui faire agréer cette proposition. Mme de Bullion ne voulut pas y consentir, et, conformément aux ordres donnés de DIEU à M. de La Dauversière, elle répondit que ces fonds seraient employés à la fondation de l'hôpital de Saint-Joseph à Villemarie (3). Pour en venir à l'exécution, elle les remit à M. Drouart, secrétaire de la Compagnie, et à M. de La Dauversière, qui en était censé le procureur; et M. Olier, M. de Bassancourt, M. Brandon, qui fut ensuite évêque de Périgueux, M. Leprêtre, ainsi que MM. Laisné de Barrillon et de Renty, promirent que les fonds seraient employés selon les intentions de la donatrice.
Enfin, le 12 janvier 1644, en exécution des volontés de Mme de Bullion, on passa devant notaire le contrat d'établissement de l'Hôtel-Dieu ; et il fut déclaré, qu'une personne qui voulait être inconnue avait donné aux associés, seigneurs de l'île de Montréal, la somme de 42,000 livres, afin de bâtir et fonder un hôpital dans cette île, au nom et en l'honneur de saint Joseph, pour y nourrir, traiter et médicamenter les pauvres malades du pays, et les faire instruire des choses nécessaires à leur salut ; que de cette somme, 6,000 livres seraient employées à construire les premiers bâtiments ; et que le reste serait mis en constitution de rente (1). On plaça en effet les 36,000 livres avec quelques autres fonds, et l'on assura ainsi à l'hôpital de Villemarie un revenu annuel de 2,000 livres.
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(3) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, ibid.
(1) Acte de Chaussière, notaire à Paris, du 12 janvier 1644.
A suivre : X. Construction des premiers bâtiments de l'Hôtel-Dieu de Villemarie.
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
X. Construction des premiers bâtiments de l'Hôtel-Dieu de Villemarie.Rien ne pouvait être plus utile que la fondation d'un pareil établissement ; car les Iroquois ne tardèrent pas à faire une guerre cruelle à la nouvelle colonie. Le 9 du mois de juin 1643, quarante de ces barbares fondirent à l'improviste sur six Français qui travaillaient dans les bois, et, après en avoir tué trois sur la place, ils menèrent en captivité les trois autres, dont un cependant s'échappa de leurs mains et revint à Villemarie. Dès ce moment les Iroquois ne cessèrent de donner aux colons de continuelles alarmes. Le 30 mars de l'année suivante, ils tombèrent au nombre de deux cents sur trente des nôtres, qui, voyant que les munitions commençaient à leur manquer, battirent en retraite et eurent trois hommes tués et plusieurs blessés (1).
Cette même année 1644, Mme de Bullion, ne doutant pas que déjà les bâtiments de l'hôpital ne fussent construits (2), envoya à Mlle Mance 2,000 livres et divers meubles, qu'elle lui adressa à l'hôpital de Villemarie, comme si elle y eût été logée. Pour contenter sans délai la fondatrice, M. de Maisonneuve employa aussitôt tous ses ouvriers, et ils travaillèrent avec une si grande diligence, que, le 8 du mois d'octobre de la môme année, les bâtiments furent en état de recevoir Mlle Mance. Elle alla s'y loger, et écrivit à sa chère fondatrice en datant sa lettre de l'hôpital de Montréal (3).
Cette maison, qui n'était que de bois, offrait cependant toutes les commodités qu'on pouvait raisonnablement demander dans un établissement de ce genre, eu égard à l'état de la colonie naissante. Comme l'expérience avait montré que la Pointe, dite ensuite à Callière, où le fort avait été construit, n'était pas à l'abri des inondations du fleuve Saint-Laurent, on établit l'hôpital sur un terrain plus élevé, le même qu'occupe aujourd'hui l'Hôtel-Dieu. Une cuisine, une chambre pour Mlle Mance, une autre pour les servantes, deux pièces pour les malades, le tout formant un bâtiment de soixante pieds de long (soit env. 18 m.) sur vingt-quatre de large (soit env. 7.2 m) (1); enfin un petit oratoire de pierre, de neuf à dix pieds (soit env. 2,7 à 3,0 m) en carré, orné assez proprement et voûté, pour que le très-saint Sacrement pût être à couvert de la pluie : ce fut tout ce qui composa d'abord l'hôpital de Villemarie.
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(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson. — Registres des sépultures de la paroisse de Villemarie.
(2) Les Véritables Motifs de Messieurs et Dames de Montréal, p. 35.
(3) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1642 à 1643.
(1) [i]Annales des hospitalières de Saint Joseph, par la sœur Morin.
A suivre : XI. L'Hôtel-Dieu est aussitôt rempli de blessés. Mme de Bullion assigne des fonds pour l'entretien de Mlle Mance.
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
XI. L'Hôtel-Dieu est aussitôt rempli de blessés.
Mme de Bullion assigne des fonds pour l'entretien de Mlle Mance.
Il n'était pas plutôt achevé, qu'il se trouva assez de malades et de blessés pour le remplir, à cause des attaques journalières des Iroquois ; et cette circonstance donna lieu aux colons de bénir DIEU de ce qu'il avait si heureusement inspiré en leur faveur la bienfaitrice inconnue. De son côté, Mlle Mance admira avec combien de sagesse cette charitable dame avait refusé de se rendre aux sollicitations qu'elle lui avait faites d'appliquer sa fondation à une mission (2).
« D'abord que la maison où je suis a été construite, écrivait-elle à Mme de Bullion, incontinent elle a été garnie; et le besoin qu'on en a, fait voir la conduite de DIEU en cet ouvrage. C'est pourquoi, si vous pouviez faire encore une charité, qui serait que j'eusse ma subsistance pour moi et pour ma servante, et que les 2,000 livres de rente, que vous avez données, fussent entièrement destinées aux pauvres, on aurait le meilleur moyen de les assister. Voyez ce que vous pouvez faire là-dessus. J'ai de la peine à vous le proposer, parce que j'ai peine à demander. Mais vos bontés sont si grandes, que j'aurais peur d'un reproche éternel, si je manquais à vous mander les besoins que je sais. »
Ce peu de paroles eut aussitôt l'effet que Mlle Mance s'en était promis. Mme de Bullion lui répondit l'année suivante :
« J'ai plus d'envie de vous donner les choses nécessaires, que vous n'en avez de me les demander. Pour cela j'ai mis 20,000 livres entre les mains de la Compagnie de Montréal pour vous les placer à rente, afin que vous serviez les pauvres sans leur être à charge; et outre cela je vous envoie 2,000 livres (1). »
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(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson.
(1) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson.
A suivre : XII. Premier ameublement de l'Hôtel-Dieu, envoyé par la Compagnie de Montréal.
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
XII. Premier ameublement de l'Hôtel-Dieu, envoyé par la Compagnie de Montréal.Cette même année 1645, la Compagnie envoya à Mlle Mance le premier ameublement pour sa maison : d'abord le mobilier de la chapelle, un calice, un ciboire et un soleil d'argent, des chandeliers, une croix, une lampe, trois ornements d'autel avec tous les linges, une tapisserie de Bergame, deux tapis, et d'autres objets destinés au culte ; pareillement le mobilier nécessaire à l'Hôtel-Dieu, comme matelas, draps de lit et autres linges, vaisselle d'étain et de cuivre, chaudières et tous les autres ustensiles de ménage, des médicaments pour les malades, des instruments de chirurgie.
Enfin on lui envoya encore une ménagerie composée de deux bœufs, trois vaches et vingt brebis. Pour loger ces animaux, les seigneurs firent construire une étable de trente pieds (env. 9 m.) de long sur douze (env. 3,6 m.) de large; et, afin de mettre l'établissement à l'abri des insultes des sauvages, ils firent environner l'enclos, qui avait quatre arpents en carré, d'une forte clôture de pieux.
Comme le nombre des blessés augmentait de jour en jour, à cause des attaques continuelles des Iroquois, Mlle Mance se vit contrainte d'avoir trois servantes avec elle, au lieu d'une seule, qu'elle avait jugé d'abord devoir lui suffire. On fut aussi dans la nécessité d'établir une nouvelle salle, en employant pour cet usage l'espace qu'occupaient auparavant un couloir et quelques cabinets. Enfin, pour mettre en état ces premiers bâtiments, les seigneurs, qui étaient alors obligés de tout envoyer de France, excepté le bois, dépensèrent plus de 30,000 livres, sans compter les sommes qu'ils employèrent au mobilier (1).
C'était une douce consolation pour Mlle Mance, en soignant les malades de la colonie, de penser qu'elle était l'instrument dont DIEU voulait se servir pour accomplir ainsi ses desseins, manifestés à M. de La Dauversière, et préparer les voies à l'établissement des sœurs de Saint-Joseph dans le pays. L'avantage qu'elle avait de posséder le très-saint Sacrement auprès d'elle mettait surtout le comble à son bonheur. Après la construction de l'hôpital, il commença à reposer dans la chapelle de cette maison, aussi bien que dans celle du fort. Cette dernière, construite d'abord en écorce, puis en charpente, et où était un beau tabernacle, que les premiers colons avaient apporté en 1642 (1), servait d'église paroissiale; et celle de l'Hôtel-Dieu, située à une petite distance de l'autre, était un lieu de station dans les processions, spécialement dans celle du très-saint Sacrement, pour laquelle Mlle Mance y dressait un beau reposoir (2).
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(1) Archives du séminaire de Villemarie ; Mémoire de Mlle Mance sur les objets fournis à l’Hôpital par Messieurs de Montréal depuis 1644 jusqu'en 1660.
(1) Relation de la Nouvelle-France de 1642, par le P. Vimont p. 131.
(2) Relation de la Nouvelle France , ès années 1645 1646, p. 144.
A suivre : XIII. Départ de M. de Puizeau et de Mme de La Peltrie….
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