Somme de la Foi catholique contre les Gentils.

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Message  Louis Mer 14 Fév 2024, 5:54 am


De la vraie félicité

XXVI.

La félicité ne consiste pas dans un acte de volonté.  

SUITE

Nous trouvons dans ce qui précède de quoi résoudre les objections ci-dessus énoncées :…

2° Nous rejetons ce principe, énoncé dans le second argument, que tout ce qui perfectionne un être, sous quelque rapport que ce soit, est sa fin. Une chose perfectionne une autre chose en deux sens différents, suivant que celle-ci appartient déjà à son espèce, ou bien qu'elle doit être spécifiée par ce perfectionnement.

La perfection d'une maison, considérée comme comprise dans une espèce, est la chose en vue de laquelle cette espèce existe, c'est-à-dire l'habitation; car il n'y aurait pas de maisons si elles ne devaient pas être habitées. Quant à la perfection qui a pour terme l'espèce de cette maison, elle comprend tout ce qui a pour but de constituer son espèce même : tels sont ses principes substantiels; ensuite ce qui est destiné à conserver cette espèce, par exemple, toutes les constructions élevées pour la consolider; et encore ce qui rend l'usage de cette maison plus agréable, comme l'ornementation. Donc c'est la fin qui perfectionne une chose déjà spécifiée; et, en ce sens, la maison a pour fin d'être habitée. Également, l'opération propre de la chose, qui en est comme l'usage, est aussi sa fin.

Quant aux perfections qui doivent déterminer l'espèce de la chose, elles ne sont pas sa fin, mais la chose même est plutôt leur fin. En effet, la matière et la forme existent pour l'espèce; car quoique la forme soit la fin de la génération, elle n'est cependant pas la fin de l'être déjà produit qui appartient à telle espèce, et même, si la forme est nécessaire, c'est pour compléter l'espèce.

Il en faut dire autant des principes qui conservent un être dans son espèce : ainsi la santé et la vertu nutritive perfectionnent l'animal, et pourtant elles ne sont pas sa fin, mais c'est l'inverse qui a lieu. Ajoutons encore que les attributs qui donnent à un être l'aptitude nécessaire pour réaliser plus parfaitement les opérations propres de son espèce, et lui faire atteindre d'une manière plus convenable sa fin, ne sont pas non plus la fin de ces êtres ; mais c'est tout le contraire. Ceci s'applique à certaines qualités, telles que la beauté de l'homme, la force du corps et autres semblables, qui, selon Aristote, contribuent à la félicité de la manière qui convient aux organes (3).

Or, si la délectation rend l'opération parfaite, ce n'est pas que l'opération ait avec elle un rapport nécessaire en vertu de son espèce; mais elle est faite pour d'autres fins, et c'est ainsi qu'en prenant de la nourriture chaque individu vise à sa propre conservation.

Mais il faut mettre la délectation au nombre des perfections qui concourent à réaliser l'espèce ; car elle est cause que nous apportons plus d'attention et de soin aux opérations qui nous causent quelque plaisir.

C'est ce qu'entend le Philosophe, lorsqu'il dit que le plaisir perfectionne l'opération, de même que la beauté perfectionne la jeunesse (4); car cette beauté existe à cause de l'individu qui est jeune, et non réciproquement.

3° Parce que les hommes…
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(3) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous le publierons. Bien à vous. . — (4) Voyez la note 1 qui précède. => Cette note (1) est libellée en latin. Sur demande, nous le publierons. Bien à vous. .

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Message  Louis Jeu 15 Fév 2024, 5:54 am


De la vraie félicité

XXVI.

La félicité ne consiste pas dans un acte de volonté.  

SUITE

Nous trouvons dans ce qui précède de quoi résoudre les objections ci-dessus énoncées :…

Parce que les hommes ne recherchent pas la délectation pour autre chose, mais pour elle-même, on n'est pas autorisé à en conclure, ainsi qu'on le fait dans la troisième objection, que la fin dernière est la délectation ; car, quoiqu'elle ne soit pas une fin dernière, elle est attachée à la fin dernière, puisque l'on éprouve du plaisir en atteignant la fin voulue.

4° Il est faux que…

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Message  Louis Ven 16 Fév 2024, 5:18 am


De la vraie félicité

XXVI.

La félicité ne consiste pas dans un acte de volonté.  

SUITE

Nous trouvons dans ce qui précède de quoi résoudre les objections ci-dessus énoncées :…

4° Il est faux que la plupart des hommes recherchent la délectation qui résulte de la connaissance plutôt que la connaissance elle- même; mais il est vrai que ceux qui s'attachent aux délectations sensibles l'emportent par le nombre sur les autres qui désirent connaître par leur intelligence et jouir du plaisir qu'ils y trouvent. La raison de ceci, c'est que les êtres qui existent en dehors du sujet sont mieux connus du plus grand nombre, parce que l'homme commence à connaître au moyen des choses sensibles.

5° Cette cinquième raison, que…

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Message  Louis Sam 17 Fév 2024, 5:22 am


De la vraie félicité

XXVI.

La félicité ne consiste pas dans un acte de volonté.  

SUITE

Nous trouvons dans ce qui précède de quoi résoudre les objections ci-dessus énoncées :…

5° Cette cinquième raison, que la volonté qui sert de moteur à l'intelligence est supérieure à cette dernière faculté, est évidemment fausse.

En effet, c'est l'intelligence qui meut la volonté premièrement et essentiellement; car la volonté, considérée comme telle, est mue par son objet, qui est le bien appréhendé.

La volonté, à son tour, meut l'intelligence, mais par accident, en ce que l'intelligence appréhende comme bon l'acte même de connaître, et que la volonté le désire. Il s'ensuit que l'intelligence connaît en acte, et par là même elle précède la volonté, puisque jamais la volonté n'aurait le désir de connaître, si l'intelligence n'appréhendait pas auparavant l'acte de connaître comme un bien.

On peut ajouter encore que la volonté meut l'intelligence, pour lui faire réaliser actuellement son opération, de la même manière que le fait un agent, au lieu que l'intelligence meut la volonté de la manière qui convient à la fin (5); car le bien cornu est la fin de la volonté. L'agent, en sa qualité de moteur, est postérieur à la fin, puisqu'il n'imprime le mouvement qu'en vue d'une fin.

D'où nous concluons qu'absolument l'intelligence est supérieure à la volonté, et que, sous certains rapports et accidentellement, la volonté est au-dessus de l'intelligence.
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(5) L'agent meut par impulsion, et la fin par attraction.
Chap. XXVII. Le bonheur de l’homme de consiste pas dans les jouissances corporelles..

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Message  Louis Dim 18 Fév 2024, 6:22 am


De la vraie félicité

XXVII.

Le bonheur de l’homme de consiste pas dans les jouissances corporelles.

Nous pouvons juger par tout ce que nous ayons dit que l'homme ne saurait trouver le bonheur dans les jouissances corporelles, dont les principales sont les délices de la table et les plaisirs de la chair. En effet :  

1º Nous ayons prouvé [ch. 26] que, suivant l'ordre établi, la nature produit la délectation en vue de l'opération, et non réciproquement; si donc les opérations ne constituent pas une fin dernière, nous ne devons pas non plus considérer comme fin dernière, ni comme attachées à la fin dernière les délectations qui s'ensuivent. Or, il est certain que les opérations d'où résultent ces délectations ne sont pas une fin dernière, mais elles ont elles-mêmes des fins bien déterminées: on mange, par exemple, pour soutenir le corps; l'union charnelle a pour but la génération. Donc ces jouissances ne sont pas une fin dernière et elles n'accompagnent pas non plus la fin dernière. Donc on ne doit pas y placer le bonheur.

2º La volonté domine l'appétit sensitif, puisque, comme nous l'avons vu [ch. 25], elle est son moteur. Or, nous avons démontré [ch. 26] que la félicité n'est pas dans un acte de la volonté. Donc elle est beaucoup moins encore dans ces voluptés qui ont leur siège dans l'appétit sensitif.

3° La félicité est un bien propre à l'homme; car si l'on dit que les brutes sont heureuses, c'est un abus de langage. Or, les hommes et les brutes participent également à ces jouissances. Donc elles ne renferment pas le bonheur.

4º De toutes les choses qui appartiennent à un être, la plus noble est sa fin dernière ; car en elle consiste la perfection. Or, l'homme ne peut éprouver ces délectations dans la partie la plus noble de son être, qui est l'intelligence, mais seulement dans la partie sensitive. Donc ces délectations ne donnent pas la félicité.

5° L'homme ne peut arriver à sa plus grande perfection en s'unissant à des êtres qui lui sont inférieurs, mais il la trouve dans son union avec des êtres plus élevés; car la fin l'emporte sur ce qui existe seulement pour une fin. Or, ces délectations ne sont autre chose que l'union qui se fait par la partie sensitive entre l'homme et des êtres moins nobles que lui. Donc là n'est pas la félicité.

6° Tout ce qui n'est bon qu'à la condition d'être modéré n'est pas essentiellement bon…

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Message  Louis Lun 19 Fév 2024, 5:24 am


De la vraie félicité

XXVII.

Le bonheur de l’homme de consiste pas dans les jouissances corporelles

SUITE

6° Tout ce qui n'est bon qu'à la condition d'être modéré n'est pas essentiellement bon; mais la bonté qui s'y trouve vient du principe modérateur. Or, l'usage de ces jouissances n'est pas un bien pour l'homme, s'il n'est pas modéré, puisque les plaisirs excessifs se nuisent mutuellement. Donc le bien essentiel de l'homme n'est pas dans de telles jouissances. Or, le souverain bien est essentiellement bon, parce que ce qui est bon par essence est meilleur que ce qui tire sa bonté d'un autre être. Donc ces délectations ne sont pas le souverain bien de l'homme ou sa félicité.

7° Toutes les fois qu'une chose est telle par elle-même, le plus…

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Message  Louis Mar 20 Fév 2024, 5:37 am


De la vraie félicité

XXVII.

Le bonheur de l’homme de consiste pas dans les jouissances corporelles

SUITE

7° Toutes les fois qu'une chose est telle par elle-même, le plus emporte le plus, si le positif résulte du positif: par exemple, un objet échauffe; un objet plus chaud échauffe davantage; un objet très chaud échauffe au plus haut degré. Si donc les voluptés en question sont essentiellement bonnes, le meilleur sera d'en multiplier l'usage. Or, cette conclusion est d'une fausseté manifeste ; car l'excès dans ces choses est considéré comme mauvais, il est même nuisible au corps et va jusqu'à rendre impossibles ces sortes de plaisirs. Donc ils ne sont pas le bien essentiel de l'homme. Donc ils ne font pas son bonheur.

8º  Les actes des vertus méritent d'être loués, parce qu'ils conduisent à la félicité. Si donc le bonheur de l'homme consistait dans ces jouissances, on ferait en se les procurant un acte de vertu plus digne de louange qu'en s'en abstenant. Or, il n'en est certainement pas ainsi; car on estime surtout ceux qui s'en abstiennent par tempérance, et c'est même là ce qui fait nommer ainsi cette vertu. Donc la félicité humaine n'est pas dans ces jouissances.

9° Dieu est la fin dernière de tous les êtres [ch. 17 et 18]. Donc l'homme a nécessairement pour fin dernière ce qui le rapproche davantage de Dieu. Or, ces délectations empêchent l'homme de s'approcher de Dieu, autant qu'il est possible, par la contemplation; car elles forment le plus grand obstacle à cette élévation, puisque ce sont elles surtout qui plongent l'homme dans les choses sensibles, et qui, par conséquent, l'éloignent des choses intelligibles. Donc il ne faut pas mettre la félicité humaine dans les voluptés corporelles.

Ces raisonnements renversent l'erreur des Épicuriens, qui faisaient consister le bonheur de l'homme dans ces voluptés, et auxquels Salomon prête ces paroles : II m'a paru bon que l'homme mange, boive et jouisse dans le plaisir des fruits de son travail....; c'est là son partage [Ecclés., V, 17]. Laissons en tous lieux des signes de notre joie; tel est notre partage et tel est notre sort [Sap., II, 9].

Nous réfutons également par là même les fables des cérinthiens (1), qui ont imaginé qu'après la résurrection nous jouirons pendant mille ans, dans le royaume de Jésus-Christ, de la suprême félicité, qui consistera dans toutes les voluptés de la chair. C'est pour cela qu'on les nomma Chiliastes ou Millénaires, du mot grec Χίλία, qui signifie mille. Nous détruisons encore les rêves des Juifs et des mahométans, qui promettent aux justes ces plaisirs pour récompense, par la raison que le bonheur est le prix de la vertu.
___________________________________________________________________

(1) Cérinthe, chef de la secte des cérinthiens, qui était à Jérusalem du temps des apôtres, outre le rêve du règne de mille ans, enseigne plusieurs autres erreurs. Il regardait comme l'auteur de l'univers une vertu ou puissance émanée de l'Etre suprême, et qui, placée à une distance infinie de lui, ignorait son origine. C'est d'elle que sont sortis le monde et les anges qui gouvernent les hommes. Selon Cérinthe, Jésus est le fils de Joseph et de Marie. Au jour de son baptême, le Christ ou le Fils unique de Dieu descendit en lui. C'est par sa vertu qu'il fit des miracles. Jésus seul souffrît, et à sa mort le Christ remonta vers son Père. Saint Augustin résume ainsi les erreurs de Cérinthe:  Ce résumé de saint Augustin ( De hæresib. , c, 8 )  est libellé en latin. Sur demande, nous le publierons. Bien à vous.
Chap. XXVIII. La félicité ne consiste pas dans les honneurs.

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Message  Louis Mer 21 Fév 2024, 5:41 am


De la vraie félicité

XXVIII.

La félicité ne consiste pas dans les honneurs.

Les mêmes raisons nous prouvent que le souverain bien de l'homme, c'est-à-dire la félicité, n'est pas dans les honneurs. En effet :

1º  L'opération la plus parfaite de l'homme constitue sa fin dernière et sa félicité [ch. 26 et 27]. Or, l'honneur de l’homme ne consiste pas dans son opération propre, mais dans l'opération d'un autre qui lui donne des témoignages de respect. Donc la félicité humaine n'est pas dans les honneurs.

2º Une chose qui n'est bonne et désirable qu'à raison d'une autre n'est pas une fin dernière. Or, ceci s'applique à l'honneur; car on ne doit jamais honorer quelqu'un, si ce n'est à cause d'un autre bien que l'on aperçoit en lui. C'est ce qui fait que les hommes recherchent les honneurs comme un signe extérieur de ce qu'ils ont de bon en eux; et ils prennent surtout plaisir à se voir honorés de ceux qui se recommandent par leur puissance et leur sagesse. Donc il ne faut pas mettre le bonheur de l'homme dans les honneurs.

3º La vertu est la voie qui conduit au bonheur. Or, les opérations faites par principe de vertu sont volontaires; autrement elles seraient indignes de louange. Donc le bonheur est nécessairement un bien que l'homme parvient à posséder par sa volonté. Or, il n'est pas au pouvoir de l'homme d'acquérir les honneurs, mais cela dépend de celui qui les confère. Donc les honneurs ne font pas le bonheur de l'homme,

4º Les bons seuls méritent d'être honorés. Or, il peut se faire que les méchants obtiennent les honneurs. Donc il vaut mieux être digne d'honneur que d'être honoré. Donc l'honneur n'est pas le souverain bien de l'homme.

5º Le souverain bien est le plus parfait. Or, le bien parfait est absolument incompatible avec le mal, et celui qui est affecté de quelque mal ne saurait être heureux. Donc le mal ne peut se trouver dans l'être qui possède le souverain bien. Or, le méchant peut arriver aux honneurs. Donc l'honneur n'est pas le souverain bien de l'homme.  

Chap. XXIX. La félicité ne consiste pas dans la gloire humaine.

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Message  Louis Jeu 22 Fév 2024, 7:02 am


De la vraie félicité

XXIX.

La félicité ne consiste pas dans la gloire humaine.

De ce qui précède nous concluons encore que la gloire, ou, ce qui revient au même, une réputation brillante, n'est pas le souverain bien de l'homme. En effet :

1º Cicéron définit la gloire : « une renommée étendue accompagnée d'estime [De Juvent.,1. II, ch. 55], p et saint Ambroise : « l'éclat de la réputation accompagné d'estime. » Or, les hommes veulent rendre leur nom célèbre et l'environner d'estime et d'éclat, afin de se faire honorer par ceux qui les connaissent. Donc on recherche la gloire en vue de l'honneur. Donc, si l'honneur n'est pas le souverain bien, la gloire le sera beaucoup moins encore.

2° Ces biens sont dignes d'estime qui font voir qu'un être est dans l'ordre voulu relativement à sa fin. Or, celui qui est coordonné par rapport à une fin n'a pas encore atteint sa fin dernière. Donc, ainsi que l'observe le Philosophe, ce n'est pas la louange, mais plutôt l'honneur, qui convient à celui qui est arrivé à sa dernière fin (1). Donc la gloire ne peut être le souverain bien, puisqu'elle consiste principalement dans la louange.

3º Il est plus noble de connaître que d'être connu; car les êtres supérieurs seuls connaissent, et les plus vils sont connus comme les autres. Donc la gloire, qui consiste à être connu, ne saurait être le souverain bien de l'homme.

4º On ne désire être connu que par ce qui est bon, et l'on cherche à dissimuler le mal. Donc, s'il est bon et désirable pour quelqu'un d'être connu, c'est à raison du bien que l'on découvre en lui. Donc ce bien est préférable. Donc la gloire, qui consiste à être connu, n'est pas le souverain bien de l'homme.

5º Le souverain bien est nécessairement parfait, puisqu'il apaise le désir. Or, la connaissance que donne la réputation et qui constitue la gloire humaine est imparfaite ; car elle est très incertaine et induit souvent en erreur. Donc cette gloire ne peut être le souverain bien.

6º Le souverain bien de l'homme doit être ce qu'il y a de plus stable dans les choses humaines, puisqu'il désire naturellement que le bien persévère toujours. Or, la gloire ou la réputation est très inconstante ; car rien n'est plus variable que l'opinion et l'estime des hommes. Donc cette gloire n'est pas le souverain bien de l'homme.
_______________________________________________________________

(1) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous le publierons. Bien à vous. .
Chap. XXX. La félicité ne consiste pas dans les richesses.

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Message  Louis Ven 23 Fév 2024, 6:01 am


De la vraie félicité

XXX.

La félicité ne consiste pas dans les richesses.

Les mêmes principes amènent cette autre conséquence, que le souverain bien de l'homme n'est pas dans les richesses. En effet :

1º On ne recherche les richesses qu'en vue d'autre chose; car par elles-mêmes elles ne procurent aucun bien, mais nous en faisons usage pour nourrir le corps ou pour d'autres fins analogues. Or, nous désirons le souverain bien pour lui-même et non en vue d'autre chose. Donc l'homme ne trouve pas le souverain bien dans les richesses.

Il répugne que le souverain bien de l'homme consiste dans la possession ou la conservation de choses qui ne lui sont jamais plus utiles que lorsqu'il s'en sépare. Or, pour tirer des richesses le plus grand parti possible, il faut les dépenser, puisque c'est là la manière d'en user. Donc la possession des richesses ne peut être le souverain bien de l'homme.

3º L'acte d'une vertu mérite d'être loué en ce qu'il conduit au bonheur. Or, il y a plus de mérite à faire un acte de libéralité et de munificences, vertus qui ont trait aux richesses, et qui font dépenser l'argent, qu'à tenir des trésors en réserve ; et c'est de là précisément que se tirent les noms de ces vertus. Donc le bonheur de l'homme n'est pas dans la possession des richesses.

4º L'objet dont l'obtention fait le souverain bonheur de l'homme est nécessairement plus excellent que lui. Or, l'homme vaut mieux que les richesses qui sont faites pour son usage. Donc le souverain bien de l'homme n'est pas dans les richesses.

5º Le souverain bien de l'homme est indépendant du hasard ; car les cas fortuits se présentent sans que la raison s'en occupe ; et c'est par sa raison que l'homme doit arriver à sa fin dernière. Or, c'est le plus souvent le hasard qui distribue les richesses. Donc les richesses ne constituent pas la félicité humaine.

Cette conclusion ressort avec une entière évidence, si l'on considère que les richesses échappent à l'homme malgré lui; qu'elles peuvent échoir aux méchants, qui sont nécessairement privés du souverain bien; qu'elles sont très peu stables, et d'autres raisons semblables qui peuvent se déduire des arguments précédents.
Chap. XXXI. La félicité ne consiste pas dans la puissance humaine.

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Message  Louis Sam 24 Fév 2024, 5:50 am


De la vraie félicité

XXXI

La félicité ne consiste pas dans la puissance humaine.

Le souverain bien de l'homme n5est pas davantage dans la puissance humaine. En effet :

1º Nous en avons dit assez [ch. 29 et 30] pour faire voir que le hasard joue le rôle principal dans la répartition qui s'en fait; qu'elle n'a aucune stabilité; qu'elle ne dépend point de la volonté de l'homme, et que le plus souvent elle tombe aux mains des méchants; toutes choses qui ne peuvent s'accorder avec le souverain bien.

2º L'homme est bon principalement en ce qu'il s'approche du souverain bien. Or, la puissance qu'il possède ne le rend ni bon ni mauvais; car tous ceux qui peuvent faire le bien ne sont pas bons, de même que personne n'est mauvais par cela seul qu'il peut faire le mal. Donc être puissant n'est pas le souverain bien.

3º Toute puissance est une relation. Or, le souverain bien n'est pas une relation. Donc la puissance n'est pas le souverain bien de l'homme.

4º Le souverain bien de l'homme ne peut consister dans une chose dont on peut user en bien ou en mal ; car celle-là est meilleure dont personne ne peut abuser. Or, l'homme a la faculté d'user bien ou mal de sa puissance, puisque celle qui est subordonnée à la raison comprend des choses opposées (1). Donc la puissance humaine n'est pas le souverain bien de l'homme.

Si quelque puissance est le souverain bien, elle est absolument parfaite. Or, la puissance humaine est très imparfaite; car elle repose sur les volontés et les opinions des hommes, qui sont très variables, et celle que l'on croit la plus considérable dépend d'un plus grand nombre d'individus; ce qui fait sa faiblesse, puisqu'une chose qui dépend de la multitude est sujette à être détruite d'une infinité de manières. Donc le souverain bien de l'homme n'est pas dans la puissance humaine. Donc le bonheur de l'homme ne consiste dans aucun bien extérieur, puisque tous les biens extérieurs, que l'on appelle les biens de la fortune, rentrent dans ceux que nous avons énumérés.
___________________________________________________________

(1) C'est le contraire pour la puissance purement naturelle ; elle a un objet déterminé et invariable.
Chap. XXXII. La félicité ne consiste pas dans les biens du corps.

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Message  Louis Dim 25 Fév 2024, 5:24 am


De la vraie félicité

XXXII

La félicité ne consiste pas dans les biens du corps.

Il est facile de démontrer, par de semblables raisonnements, que le souverain bien de l'homme ne se trouve pas non plus dans les biens du corps, tels que la santé, la beauté et la force. En effet:

1º Les bons et les méchants ont en partage ces biens, qui sont incertains et indépendants de la volonté.

2º L'âme est plus excellente que le corps, qui ne vit et ne jouit de ces biens que par elle. Donc le bien propre de l'âme, c'est-à-dire l'opération de connaître et les autres du même genre, est supérieur à celui du corps. Donc le bien du corps n'est pas le souverain bien de l'homme.

3º Ces biens sont communs à l'homme et aux autres animaux. Or, la félicité est le bien propre de l'homme. Donc elle n'est pas dans ces biens.

4º Beaucoup d'animaux sont supérieurs à l'homme dans les biens du corps; car il en est de plus agiles, d'autres sont plus forts, et ainsi de suite. Si donc le souverain bien de l'homme consiste dans ces choses, l'homme n'est pas le plus parfait des animaux; conséquence évidemment fausse. Donc la félicité humaine n'est pas dans les biens du corps.

Chap. XXXIII. La félicité ne consiste pas dans la partie sensitive.

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Message  Louis Lun 26 Fév 2024, 4:47 am


De la vraie félicité

XXXIII

La félicité ne consiste pas dans la partie sensitive.

Il est certain, pour les mêmes raisons, que le souverain bien de l'homme n'est pas au nombre de ceux qui appartiennent à la partie sensitive. En effet :

1º Ces biens sont communs à l'homme et aux autres animaux.

2º L'intelligence est supérieure aux sens. Donc le bien de l'intelligence est préférable à celui des sens. Donc le souverain bien de l'homme n'est pas dans les sens.

3º Les délices de la table et les plaisirs de la chair sont les plus grandes voluptés sensuelles, et elles constituent le souverain bien s'il se trouve dans la partie sensitive. Or, il n'est pas dans ces choses. Donc le souverain bien de l'homme n'est pas dans les sens.

4º Nous aimons les sens parce qu'ils nous sont utiles et que nous connaissons par eux. Or, l'utilité des sens a trait tout entière aux biens du corps, et la connaissance sensible se rattache à la connaissance intellectuelle. C'est pour cela que les sensations ne font éprouver quelque jouissance aux animaux privés d'intelligence qu'à raison de l'avantage qu'en retire le corps, avantage qui consiste en ce que la connaissance sensible leur fait trouver les aliments et les porte aux actions charnelles. Donc le souverain bien de l'homme, ou le bonheur, n'est pas dans la partie sensitive.
Chap. XXXIV. La félicité suprême de l’homme  ne consiste pas dans les actes des vertus morales.

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Message  Louis Mar 27 Fév 2024, 6:44 am


De la vraie félicité

XXXIV

La félicité suprême de l'homme ne consiste pas dans les actes des vertus morales.

Nous voyons également que la suprême félicité de l'homme ne consiste pas dans les opérations morales. En effet :

Si l'on entend par la félicité de l'homme son bonheur souverain, elle ne peut se rapporter à une fin ultérieure. Or, toutes les opérations morales peuvent avoir un autre but qu'elles-mêmes, et il suffît pour s'en convaincre d'examiner les principales d'entre elles : les actions inspirées par le courage et qui se produisent dans les combats ont pour fin la victoire et la paix; car il serait insensé de faire la guerre pour elle-même; également, le but des actions dont la justice est la règle est de conserver la paix au milieu des hommes, en assurant à chacun la paisible possession de son bien, et il en est de même de toutes les autres. Donc le souverain bonheur de l'homme n'est pas dans les opérations morales.

2º Le but des vertus morales est d'entretenir une sorte d'équilibre entre les passions intérieures et les choses extérieures. Or, la vie de l'homme ne peut avoir pour fin de modérer les passions ou les choses extérieures, puisque les passions et ces choses ont elles-mêmes une fin ultérieure. Donc la suprême félicité de l'homme ne saurait se trouver dans les actes des vertus morales.

Puisque l'homme est tel parce qu'il est doué de raison, son bien propre, c'est-à-dire le bonheur, doit consister dans ce qui appartient en propre à la raison. Or, ce que la raison possède en elle lui appartient davantage que ce qu'elle produit dans un être distinct. Donc, si le bien propre d'une vertu morale n'est autre que ce qu'elle introduit dans un être extérieur, on ne peut le considérer comme le bien suprême ou la félicité de l'homme; mais ce bien suprême sera plutôt dans la raison même.

4° Nous avons démontré…

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Message  Louis Mer 28 Fév 2024, 6:11 am


De la vraie félicité

XXXIV

La félicité suprême de l'homme ne consiste pas dans les actes des vertus morales.

SUITE

4° Nous avons démontré [ch. 19] que la ressemblance avec Dieu est la fin dernière de tous les êtres. Donc la félicité de l'homme doit consister dans ce qui le rend semblable à Dieu autant qu'il est possible. Or, le principe de cette ressemblance n'est pas dans les actes moraux, puisque de tels actes ne conviennent à Dieu que dans un sens métaphorique, par la raison que la nature divine n'admet ni passions, ni rien de ce qui a trait aux actes moraux. Donc l'homme ne rencontre pas le bonheur suprême, qui est sa fin dernière, dans les actes moraux.

5° La félicité est le bien propre de l'homme. Donc, pour savoir ce qui fait sa suprême félicité, il faut rechercher quel est de tous les biens humains celui qui appartient absolument en propre à l'homme comparé aux autres animaux. Or, il n'en est pas ainsi des actes des vertus morales ; car les autres animaux sont capables, en un certain sens, de libéralité et de courage, tandis que nul d'entre eux ne peut s'élever jusqu'à l'acte intellectuel. Donc la suprême félicité de l'homme ne consiste pas dans les actes moraux.
Chap. XXXV. La félicité suprême de l’homme  ne consiste pas dans un acte de prudence.

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Message  Louis Jeu 29 Fév 2024, 6:07 am


De la vraie félicité

XXXV

La félicité suprême de l'homme ne consiste pas dans un acte de prudence.

Il est clair encore que le bonheur suprême de l'homme n'est pas dans un acte de prudence. En effet:

1° La prudence ne s'exerce qu'autant qu'il s'agit de choses relevant des vertus morales. Or, la suprême félicité de l'homme n'est point dans les actes de ces vertus. Donc elle n'est pas non plus dans un acte de prudence.

2º Le souverain bonheur de l'homme consiste dans son opération la plus parfaite. Or, l'opération de l'homme, et il s'agit ici de celle qui a son principe dans ce qui appartient en propre à l'homme, atteint sa perfection dernière lorsqu'elle s'applique aux objets les plus parfaits, et il n'en est pas ainsi de l'action qu'inspire la prudence ; elle n'a aucun rapport avec les objets les plus parfaits de l'intelligence ou de la raison; car elle n'a trait à rien de nécessaire, mais seulement à des choses dont la réalisation est contingente. Donc cet acte n'est pas le souverain bonheur de l'homme.

3º Aucune des choses qui se rapportent à une autre comme à leur fin ne peut être la félicité suprême de l'homme. Or, tous les actes de prudence se rapportent à autre chose comme à leur fin : d'abord parce que toute connaissance pratique, et ce genre comprend la prudence, a pour terme l'opération; ensuite parce que la prudence dirige l'homme dans le choix des moyens qui conduisent à la fin, comme Aristote le remarque (1). Donc la suprême félicité de l'homme n'est pas dans les opérations de la prudence.

Aristote prouve que les animaux sans raison sont privés du bonheur (2). Or, il enseigne ailleurs que plusieurs d'entre eux sont doués de prudence (3). Donc le bonheur ne consiste pas dans un acte de prudence.
________________________________________________________________________

(1); (2); (3). Ces notes sont libellées en latin. Sur demande, nous les publierons. Bien à vous.
Chap. XXXVI. La félicité ne consiste pas dans l’exercice d’un art.

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Message  Louis Ven 01 Mar 2024, 6:28 am


De la vraie félicité

XXXVI

La félicité ne consiste pas dans l'exercice d'un art.

Il est aussi évident que le bonheur ne se trouve pas dans l'exercice d'un art. En effet :

1º Tout art est une connaissance pratique, et comme tel se rapporte à une fin. Donc il n'est pas la fin dernière.

2° Les opérations d'un art ont pour fin les produits de cet art, et ces choses artificielles ne sauraient être la fin dernière de la vie humaine, puisque nous sommes plutôt la fin de ces sortes de productions; car tout cela se fait pour l'usage de l'homme. Donc le suprême bonheur ne peut se trouver dans l'exercice d'un art quelconque.
Chap. XXXVII. La félicité suprême de l'homme consiste dans la contemplation de Dieu.

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Message  Louis Sam 02 Mar 2024, 6:13 am


De la vraie félicité

XXXVII

La félicité suprême de l'homme consiste dans la contemplation de Dieu.

Si le bonheur suprême de l'homme n'est pas dans les choses extérieures que nous appelons les biens de la fortune, ni dans les biens du corps, ni dans ceux de l'âme qui appartiennent à la partie sensitive, ni, quant à la partie intellectuelle, dans les actes des vertus morales, ni dans les actes de l'intelligence qui se terminent à l'action, tels que les arts et la prudence, il nous reste à conclure qu'elle se trouve dans la contemplation de la vérité. En effet :

1º C'est la seule opération propre à l'homme et qu'il ne partage pas avec d'autres êtres [inférieurs].

2° Elle ne se rapporte à rien comme à sa fin, puisqu'on recherche pour elle-même la contemplation de la vérité.

3° Elle établit entre l'homme et les substances plus élevées une sorte d'union qui consiste dans la ressemblance; car, de toutes les opérations humaines, celle-là seulement se retrouve en Dieu et dans les substances séparées.

4° Cette opération unit l'homme à ces êtres supérieurs, au moyen de la connaissance plus ou moins complète qu'il en a.

5° C'est pour cette opération que l'homme se suffit davantage à lui-même; car pour la réaliser il n'a pas un grand besoin du secours des choses extérieures.

6º Toutes les autres opérations de l'homme semblent se terminer à celle-là comme à leur fin. En effet, la première chose indispensable pour que la contemplation soit parfaite, c'est la santé du corps, et tous les produits artificiels nécessaires à la vie ont pour but de l'entretenir. Le calme des passions intérieures n'est pas même nécessaire, et l'on parvient à l'établir au moyen des vertus morales et de la prudence. Il en est de même de la paix extérieure que le gouvernement qui règle la vie civile a mission de conserver. En sorte que, à bien considérer les choses, toutes les fonctions de la vie humaine semblent concourir à seconder ceux qui se livrent à la contemplation de la vérité.

Il ne peut se faire cependant que…

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Message  Louis Dim 03 Mar 2024, 5:42 am


De la vraie félicité

XXXVII

La félicité suprême de l'homme consiste dans la contemplation de Dieu.

SUITE

Il ne peut se faire cependant que la suprême félicité de l'homme consiste dans la contemplation qui se borne à la connaissance des premiers principes ; car, à cause de son universalité, elle est très imparfaite (1) et ne renferme qu'en puissance la connaissance distincte des choses; elle est le commencement et non la fin des recherches de l'homme; c'est un don de la nature et non pas une connaissance acquise par l'étude de la vérité.

Cette félicité souveraine n'est pas davantage dans la contemplation à laquelle on arrive par le moyen des sciences qui ont pour objets les plus vils des êtres, puisqu'elle doit nécessairement se rencontrer dans l'opération de l'intelligence qui entre en rapport avec les êtres intelligibles les plus nobles.

Donc l'homme trouve sou bonheur souverain dans la contemplation de la sagesse, selon qu'elle s'attache aux choses divines.

Nous tirons donc de là, par voie d'induction, cette conclusion, dont la vérité est prouvée par tous les arguments qui précèdent, que le souverain bonheur de l'homme consiste uniquement dans la contemplation de Dieu.
_____________________________________________________________________________________

(1) On peut envisager sous deux rapports la connaissance naturelle des premiers principes. Elle consiste premièrement en ce que l'on connaît par eux-mêmes ces premiers principes; en second lieu, en ce que l'on connaît de quelque manière les conclusions qui s'y trouvent virtuellement contenues. En disant que cette connaissance est très imparfaite, saint Thomas n'entend pas parler des principes eux-mêmes, puisqu'on les connaît avec la plus grande certitude et la plus entière évidence ; mais cela s'applique aux conclusions que l'on n'aperçoit dans les principes que d'une manière générale et en puissance, et dont on ne possède pas encore une connaissance actuelle et distincte (Franc, de Sylv., Comment.).
Chap. XXXVIII. La félicité humaine ne consiste pas dans la connaissance de Dieu que possède le commun des hommes.  

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Message  Louis Lun 04 Mar 2024, 4:00 pm

Livre III
29 février  2024

De la vraie félicité

XXXVIII

La félicité humaine ne consiste pas dans la connaissance de Dieu que possède le commun des hommes.

Nous avons à rechercher maintenant quelle connaissance de Dieu constitue le souverain bonheur d'une substance intellectuelle. Il est une connaissance de Dieu commune et confuse qui se rencontre dans presque tous les hommes, soit parce que l'existence de Dieu est connue par elle-même, aussi bien que les autres principes de démonstration, comme plusieurs l'ont pensé [liv. I, ch. 10]; soit, et cela nous paraît plus exact, parce que, au moyen de sa raison naturelle, l'homme peut arriver de suite à connaître Dieu en quelque manière. En effet, comme l'ordre suppose nécessairement un ordonnateur, lorsque les hommes voient tous les êtres de la nature rangés dans un certain ordre, l'existence de l'être qui a coordonné ces choses se révèle presque partout à leurs yeux.

Cependant cette commune perception ne suffit pas pour faire découvrir du premier coup quel est l'auteur de cet ordre, sa nature et s'il est unique. Il en est de même quand nous voyons un homme se mouvoir et faire d'autres actions; nous voyons bien qu'il y a en lui une cause de ces opérations qui n'est point dans d'autres êtres, et nous donnons le nom d'âme à cette cause, sans savoir pour cela ce que c'est qu'une âme, si elle n'est pas un corps, et par quel moyen elle réalise ces opérations. Or, cette connaissance ne peut suffire pour constituer une félicité réelle.

En effet :…

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Message  Louis Mar 05 Mar 2024, 5:59 am


De la vraie félicité

XXXVIII

La félicité humaine ne consiste pas dans la connaissance de Dieu que possède le commun des hommes.

SUITE

En effet :

1º La félicité doit consister dans une opération parfaite. Or, à cette connaissance peuvent se mêler un grand nombre d'erreurs. Ce qui le prouve, c'est que plusieurs ont cru qu'il n'existe pas d'autre ordonnateur du monde que les corps célestes, et ils ont fait des dieux de ces corps; d'autres ont été jusqu'à accorder la divinité aux éléments produits par les astres, parce qu'ils s'imaginèrent qu'ils n'ont pas reçu d'un ordonnateur distinct d'eux le mouvement et leurs opérations naturelles, mais qu'eux-mêmes ont établi l'ordre qui se voit dans les choses; d'autres encore ont pensé que les actes humains n'ont pas d'autre règle que la volonté humaine, et ils ont appelé dieux les hommes qui gouvernent les autres. Donc cette connaissance est insuffisante pour le bonheur.

2º La félicité est la fin des actes humains. Or, les actes humains ne se rapportent pas à cette connaissance comme à leur fin, mais tous la possèdent, pour ainsi dire, dès le commencement. Donc la félicité ne consiste pas dans cette connaissance de Dieu.

3º Le malheur seul n'attire pas le mépris, et même on donne des louanges au malheureux qui cherche le bonheur. Or, personne n'est plus digne de mépris que celui qui ne connaît pas Dieu au moins de cette manière; car rien ne fait mieux ressortir la sottise d'un homme que de ne pas apercevoir des preuves si évidentes de l'existence de Dieu. Nous porterions le même jugement sur celui qui, voyant un homme, ne comprendrait pas que cet homme a une âme. Aussi nous lisons dans l'Écriture : L'insensé a dit dans son cœur : Il n'y a point de Dieu [Ps. XIII, 1, et LII, l]. Donc ce n'est pas cette connaissance qui peut faire le bonheur.

4° C'est connaître très imparfaitement une chose que de la connaître seulement en général et non par quelqu'une de ses propriétés, ainsi que cela aurait lieu pour qui connaîtrait l'homme uniquement parce qu'il se meut. En effet, on ne connaît de cette manière une chose qu'en puissance, puisque les propriétés sont renfermées en puissance dans les attributs communs. Or, la félicité consiste dans une opération parfaite, et le souverain bien de l'homme doit être quelque chose qui existe en acte et non en puissance; car la puissance devient un bien lorsqu'elle est perfectionnée par l'acte. Donc une telle connaissance de Dieu ne peut faire notre bonheur.

Chap. XXXIX. La félicité humaine ne consiste pas dans la connaissance de Dieu acquise par voie de démonstration.  

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Message  Louis Mer 06 Mar 2024, 5:57 am


De la vraie félicité

XXXIX

La félicité humaine ne consiste pas dans
la connaissance de Dieu acquise par voie de démonstration.

Une autre connaissance de Dieu, plus élevée que la précédente, est celle que l'on acquiert par la démonstration. Elle nous révèle davantage ce qu'il est en lui-même, puisque la démonstration a pour but d'éloigner de lui beaucoup de choses, et par là elle nous le fait distinguer des autres êtres. Ainsi, on prouve par ce moyen que Dieu est immuable, éternel, incorporel, parfaitement simple, unique, et tout ce que nous avons établi dès le commencement [liv. I, ch. 13 et suiv.]. Or, on parvient à connaître une chose telle qu'elle est, non-seulement par l'affirmation, mais encore au moyen de la négation.

De même, en effet, que le propre de l'homme est d'être un animal raisonnable, de même aussi il lui appartient en propre de n'être pas inanimé, ni privé de raison. Il y a pourtant cette différence entre les deux manières d'arriver à connaître proprement une chose, que la propre connaissance de cette chose étant acquise par voie d'affirmation, on sait ce qu'elle est et ce qui la distingue des autres, tandis que si l'on arrive au même résultat par voie de négation, on sait que telle chose diffère des autres, mais on ignore ce qu'elle est en elle-même. Or, c'est à cette dernière connaissance que nous conduisent les démonstrations ayant Dieu pour objet [liv. I, ch. 14], et elle est loin de suffire pour faire le souverain bonheur de l'homme.

En effet :…

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Message  Louis Jeu 07 Mar 2024, 6:14 am


De la vraie félicité

XXXIX

La félicité humaine ne consiste pas dans
la connaissance de Dieu acquise par voie de démonstration.

SUITE

En effet :

1° Les choses qui appartiennent à une espèce arrivent, dans la plupart des cas, à la même fin que cette espèce, et ce qui vient de la nature se retrouve toujours ou du moins dans le plus grand nombre des êtres, et si quelques-uns en sont privés, c'est qu'ils ont subi quelque corruption. Or, l'espèce humaine a pour fin le bonheur, puisque tous les hommes le désirent naturellement. Donc le bonheur est un bien commun que tous peuvent posséder, si rien ne les on empêche. Or, c'est seulement le petit nombre qui peut arriver à connaître Dieu par voie de démonstration, à cause des obstacles que nous avons indiqués [liv. I, ch. 4]. Donc cette connaissance ne constitue pas essentiellement la félicité humaine.

2° Nous avons constaté [ch.20]  que la fin de l'être en puissance est d'exister en acte. Donc la félicité, qui est une fin dernière, est un acte exempt de toute puissance pour un acte ultérieur. Or, la connaissance de Dieu par voie de démonstration ne détruit pas la puissance de connaître Dieu sous d'autres rapports, ou bien de perfectionner la connaissance des choses que l'on sait déjà; car toujours les hommes se sont efforcés de compléter les notions des choses divines qu'ils tenaient de leurs ancêtres. Donc une telle connaissance n'est pas la suprême félicité de l'homme.

3° La félicité exclut complètement la misère; car personne ne peut être en même temps heureux et malheureux. Or, la déception et l'erreur entrent pour beaucoup dans notre misère, puisque nous faisons tous effort pour les éviter. Cependant, la connaissance que nous possédons de Dieu peut être mêlée de beaucoup d'erreurs. Nous en avons la preuve dans le grand nombre d'hommes qui, étant parvenus à découvrir, par voie de démonstration, certaines vérités concernant les choses divines, et s'étant fiés ensuite à leur propre raison, quand la méthode démonstrative leur faisait défaut, se sont égarés de diverses manières. Si quelques-uns ont trouvé la vérité en suivant la même voie, sans que leur raison les ait trompés, ils sont certainement peu nombreux, et l'on ne peut pas dire que c'est là le bonheur, qui est une fin commune. Donc le souverain bonheur de l'homme n'est pas dans cette connaissance de Dieu.

4° La félicité consiste dans une opération parfaite...

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Message  Louis Ven 08 Mar 2024, 6:15 am


De la vraie félicité

XXXIX

La félicité humaine ne consiste pas dans
la connaissance de Dieu acquise par voie de démonstration.

SUITE

4° La félicité consiste dans une opération parfaite. Or, aucune connaissance n'est parfaite sans la certitude. C'est pourquoi, suivant la remarque du Philosophe, nous ne savons réellement une chose qu'autant que nous connaissons qu'elle ne peut être autrement (1). Or, la connaissance dont nous parlons est très incertaine, et nous le voyons par les divergences qui se remarquent dans la science des choses divines que plusieurs ont essayé d'acquérir par voie de démonstration. Donc cette connaissance ne fait pas la félicité suprême de l'homme.

5° Le désir qui est dans la volonté s'apaise lorsqu'elle a atteint sa fin dernière. Or, la félicité est la fin dernière de toute connaissance humaine. Donc la félicité doit consister essentiellement dans une connaissance de Dieu telle, qu'une fois acquise, nous n'ayons plus à désirer de connaître quoi que ce soit. Or, jamais les philosophes ne sont arrivés par la méthode démonstrative à une connaissance aussi parfaite, puisque toute leur science nous laisse encore le désir de connaître des choses qu'elle ne nous apprend pas. Donc cette connaissance de Dieu n'est pas le bonheur.

6° L'être qui n'existe qu'en puissance a pour fin d'arriver à l'acte…
___________________________________________

(1). Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.

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Message  Louis Sam 09 Mar 2024, 6:32 am


De la vraie félicité

XXXIX

La félicité humaine ne consiste pas dans
la connaissance de Dieu acquise par voie de démonstration.

SUITE

6° L'être qui n'existe qu'en puissance a pour fin d'arriver à l'acte; car c'est à ce but qu'il tend au moyen du mouvement qui le porte vers sa fin (2). Or, tout être qui existe en puissance tend à exister en acte, autant que sa nature le comporte. Une chose, en effet, est en puissance, lorsque toute sa puissance peut passer à l'acte. D'où il suit que sa fin est d'arriver à l'acte d'une manière complète : un objet pesant, par exemple, placé en dehors de son centre de gravité, est en puissance pour la situation qui lui convient. Une chose se trouve encore en puissance lorsque sa puissance est dans l'impossibilité d'arriver tout entière à l'acte en un seul instant : telle est la matière première [ou élémentaire]; c'est pourquoi [elle ?] recherche successivement l'acte des formes diverses, qui, en raison même de leur diversité, ne peuvent se rencontrer simultanément en elle.

Or, nous avons vu [liv. II ch. 73 et suivant] que l'intelligence est en puissance pour tous les êtres intelligibles, et deux intelligibles peuvent très bien coexister dans l'intelligence quant à l'acte premier, qui est la science, quoique cela ne puisse avoir lieu quant à l'acte second, qui est l'intention actuelle; ce qui prouve que toute la puissance de l'intellect possible peut être à l'état d'acte dans le même moment. Donc la fin dernière, ou le bonheur, demande cette réalisation complète de la puissance. Or, la connaissance de Dieu acquise par voie de démonstration ne produit pas ce résultat, puisqu'elle nous laisse ignorer encore beaucoup de choses. Donc une connaissance de cette nature ne suffit pas pour le bonheur suprême.
_______________________________________________

(2] Il ne s'agit ici que de la puissance relative à la forme ; car on comprend facilement qu'un être dont la matière ou les éléments n'existent pas encore n'est capable d'aucun mouvement, puisque le mouvement, tel qu'on le conçoit dans le cas présent, est une modification ou un changement de forme. Il suffit, pour bien saisir cette vérité, de se reporter au [liv. II ch.17], où saint Thomas prouve que la création n'est ni un mouvement ni un changement.

Chap. XL. La félicité humaine ne consiste pas dans la connaissance de Dieu acquise par la foi.  

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