Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Chap. IX. Réponses aux objections précédentes....Du bien et du mal.VIII.Objections contre la dernière conclusion.SUITE
6º Les deux termes de chose et d'être sont équivalents. Or, le mal est dans le monde. Donc il est une certaine chose et une nature spéciale.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Du bien et du mal.IX.Réponses aux objections précédentes.
Il n'est pas difficile de résoudre les difficultés qu'on nous oppose.
1º Il est dit, dans le premier argument, que le mal et le bien constituent des différences spécifiques dans les choses morales, parce que ces choses dépendent de la volonté; et il est vrai que le volontaire seul compose le genre moral. Or, la volonté a pour objet la fin et le bien. D'où il suit que le principe spécifique des choses morales est la fin, de même que celui des actions naturelles est la forme du principe actif: par exemple, c'est le calorique qui spécifie l'échauffement. Donc, puisque le bien et le mal signifient, le premier, l'ordre qui conduit à la fin, et le second, la négation de cet ordre, le bien et le mal constituent nécessairement les premières différences dans la morale. Or, tout genre distinct doit avoir une première mesure unique, et la mesure [ou règle] de l'ordre moral, c'est la raison. C'est donc d'après la fin indiquée par la raison qu'on devra déclarer bonnes ou mauvaises certaines choses au point de vue moral.
Donc, lorsque, dans l'ordre moral, l'espèce d'une chose se trouve déterminée par une fin que la raison approuve, nous la considérons comme bonne dans son espèce; et si, au contraire, une fin opposée à celle que la raison indique spécifie la chose, nous jugeons qu'elle appartient à une espèce mauvaise. Quoique cette dernière fin détruise celle qui est conforme à la raison, elle est cependant un bien sous quelque rapport: tels sont la délectation des sens et tout ce qui offre un caractère analogue. Il y a donc en cela un bien pour certains animaux, et aussi pour l'homme, si la raison en règle l'usage ; et il arrive que ce qui devient un mal pour un être est un bien pour un autre. Par conséquent, le mal, considéré comme différence dans le genre des choses morales, ne suppose rien d'essentiellement mauvais, mais seulement une chose bonne en elle-même, qui devient un mal pour l'homme, en ce qu'elle le prive de son bien propre, qui consiste dans l'ordre fixé par la raison.
2º Il est évident par là que la contrariété existe entre le bien et le mal…
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Du bien et du mal.IX.Réponses aux objections précédentes.SUITE
2º Il est évident par là que la contrariété existe entre le bien et le mal, considérés comme compris dans le genre des choses morales, mais non absolument, ainsi qu'on l'affirme dans la seconde objection seconde objection; car le mal, en sa qualité de mal, n'est que la privation du bien.
3° On peut entendre dans le même sens cette proposition, qui sert…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Du bien et du mal.IX.Réponses aux objections précédentes.SUITE
3° On peut entendre dans le même sens cette proposition, qui sert de base au troisième argument, que le mal et le bien, en tant qu'ils sont dans l'ordre moral, sont deux genres renfermant des choses contraires. En effet, toutes les fois qu'il y a contrariété dans l'ordre moral, ou les deux contraires sont mauvais, comme la prodigalité et l'avarice, ou bien l'un est bon et l'autre mauvais, comme la libéralité et l'avarice. Donc le mal moral est un genre et une différence, non parce qu'il est la négation d'un bien jugé tel par la raison et qui lui fait donner le nom de mal, mais d'après la nature d'une action ou d'une habitude qui aboutit à une fin opposée à celle que la raison approuve. Par exemple, un homme aveugle est un individu de l'espèce humaine, non parce qu'il est aveugle, mais parce qu'il est tel homme. De même, un être sans raison est une différence du genre animal, non parce qu'il est privé de raison, mais en vertu de telle nature à laquelle est attachée cette privation.
Il est même permis de penser qu'Aristote, en qualifiant de genres le mal et le bien, n'exprime pas son opinion personnelle, puisqu'il ne les met pas au nombre des dix premiers genres, qui tous renferment quelque contrariété, mais qu'il reproduit simplement le sentiment de Pythagore. Selon ce philosophe, le bien et le mal sont les genres principaux et les premiers principes, et chacun d'eux renferme dix principes contraires. Dans le bien sont compris: le fini, le nombre pair, l'unité, la droite, le masculin, l'immobile, la ligne droite, la lumière, le carré et, en dernier lieu, le bien. Le mal est ainsi composé : l'infini, le nombre impair, le pluriel, la gauche, le féminin, le mobile, la ligne courbe, les ténèbres, la figure à côtés inégaux, et enfin le mal (1). C'est ainsi qu'il lui arrive souvent, dans ses divers traités sur la logique, d'emprunter à d'autres philosophes des opinions qui passaient alors pour probables.
Il y a cependant en cela quelque chose de vrai ; car il ne peut se faire qu'une chose admise comme plausible soit fausse de tous points. Dans tous les cas, l'un des deux contraires est parfait, et l'autre est défectueux et, pour ainsi dire, mélangé de privation : ainsi, le blanc et le chaud sont parfaits; le froid et le noir sont imparfaits, et on les énonce comme étant affectés de quelque privation. Donc, puisque la défectuosité et la privation sont comprises dans le mal et que la perfection et l'entité complète appartiennent au bien, deux choses ne peuvent être contraires, à moins que l'une ne prenne place dans la catégorie du bien et l'autre dans celle du mal, et, en ce sens, on peut dire que le bien et le mal sont les deux genres qui renferment tous les contraires.
4º On voit également par là en quoi le mal répugne au bien, ce qui…
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(1) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Du bien et du mal.IX.Réponses aux objections précédentes.SUITE
4º On voit également par là en quoi le mal répugne au bien, ce qui a donné lieu à la quatrième objection. Lorsque à côté de la forme et de la fin, qui ont le caractère du bien et qui sont des principes réels d'action, se trouve la privation d'une forme et d'une fin contraires, on attribue à la privation et au mal l'action déterminée par la nature de la forme et de la fin, mais c'est par accident; car la privation, considérée comme telle, ne peut être un principe d'action.
Saint Denys a donc raison de dire que le mal ne s'oppose au bien que par la vertu du bien, et que par lui-même il est impuissant et faible, parce qu'il n'est le principe d'aucune action (2). Non-seulement le mal corrompt [ou détruit] le bien, en ce qu'il agit en vertu du bien, ainsi qu'il vient d'être dit, mais cette corruption est formelle et essentielle : par exemple, la cécité détruit la vue, parce qu'elle est la destruction même de la vue ; et nous avons quelque chose d'analogue dans la blancheur qui colore une muraille, parce qu'elle est la couleur de cette muraille.
5º Une chose est plus ou moins mauvaise, en proportion de la distance qui la sépare du bien…
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(2) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Du bien et du mal.IX.Réponses aux objections précédentes.SUITE
5º Une chose est plus ou moins mauvaise, en proportion de la distance qui la sépare du bien. En effet, la privation devient plus ou moins considérable, de la même manière que l'inégalité et la dissemblance; car la chose la plus inégale est à une grande distance du bien, et la plus dissemblante est celle qui s'éloigne davantage de la ressemblance. C'est pourquoi on regarde comme plus mauvais l'être qui est plus privé de bien, ou, ce qui revient au même, celui qui en est plus éloigné; car la privation ne s'accroît pas de la même manière que l'égalité et la forme, c'est-à-dire comme ayant une essence, ainsi qu'on l'affirme dans le cinquième argument, mais son accroissement résulte de l'intensité de la cause. Par exemple, l'air est d'autant plus obscur que les obstacles qui interceptent les rayons lumineux sont plus nombreux; car alors il est plus éloigné de participer à la lumière.
6° En disant que le mal existe dans le monde, on n'entend pas…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Chap. X. Le bien est la cause du mal.....Du bien et du mal.IX.Réponses aux objections précédentes.SUITE
6° En disant que le mal existe dans le monde, on n'entend pas, comme le fait la sixième objection, qu'il a une essence, ou bien qu'il est une certaine chose; mais on veut faire comprendre que telle chose est mauvaise par le mal, de même qu'en parlant de la cécité et de toute privation, on dit que tel animal est aveugle par l'effet de la cécité.
Le Philosophe donne au mot être deux sens différents (3).
Il signifie d'abord l'essence de la chose, et se divise en dix prédicaments [ou catégories] ; et lorsqu'on l'envisage sous ce rapport, la privation ne peut s'appeler un être.
II exprime encore la vérité prise dans le sens composé; et alors on donne au mal et à la privation la dénomination d'être, en considérant qu'une chose se trouve privée d'un attribut par l'effet de la privation.
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(3) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Du bien et du mal.X.Le bien est la cause du mal.
De tout ce que nous avons prouvé jusqu'ici, nous concluons que le mal n'a pas d'autre cause que le bien. En effet :
1º S'il est vrai, d'abord, qu'un mal est la cause, d'un autre mal, et ensuite que le mal n'agit que par la vertu du bien [ch. 9], le bien est nécessairement la cause première du mal.
2º Ce qui n'existe pas ne peut être une cause. Donc toute cause est nécessairement un être. Or, le mal n'est pas un être [ch.7 et 9]. Donc le mal ne saurait être cause de quoi que ce soit. Donc, si le mal vient d'une cause, cette cause est le bien.
3° Tout ce qui est la cause propre et essentielle d'une chose tend à produire l'effet qui lui convient. Donc, en admettant que le mal soit par lui-même la cause de quelque chose, il tendrait à réaliser son effet propre, c'est-à-dire le mal. Or, cette conséquence est fausse ; car nous avons prouvé [ch. 3] que l'agent recherche toujours le bien. Donc le mal n'est cause de rien par lui-même, mais seulement par accident. Or, toute cause accidentelle rentre dans la cause essentielle ; et le bien seul est une cause de cette nature. Donc le bien est la cause du mal.
4º Toute cause est une matière, une forme, un agent, ou une fin. Or, le mal ne peut être ni une matière ni une forme ; car nous avons vu [ch.7] que l'être en puissance est un bien, de même que l'être en acte. Le mal ne peut pas non plus être un agent, puisque nul agent n'agit qu'autant qu'il est en acte et possède une forme. Il ne peut pas davantage être une fin, parce qu'il arrive sans aucune intention [ch. 4]. Si donc le mal a une cause, elle n'est autre que le bien. — Or, comme le bien et le mal sont opposés entre eux, et que rien ne peut être la cause de son contraire autrement que par accident, ainsi que le froid, par exemple, produit la chaleur (1), il s'ensuit que le bien ne peut être la cause active du mal, sinon par accident.
Dans l'ordre naturel, cet accident provient tantôt de l'agent et tantôt de l'effet….
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(1) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Du bien et du mal.X.Le bien est la cause du mal.SUITE
Dans l'ordre naturel, cet accident provient tantôt de l'agent et tantôt de l'effet.
Il a son principe dans l'agent, lorsque la vertu nécessaire lui fait défaut, de telle sorte que son action est défectueuse et l'effet reste incomplet: par exemple, si les organes de la digestion ont peu d'énergie, les aliments ne sont qu'imparfaitement élaborés, et les sucs qu'ils contiennent ne sont pas digérés ; ce qui est un mal naturel. Or, il arrive quelquefois que l'agent, considéré comme tel, voit diminuer sa vertu active; car il n'agit pas parce que cette vertu lui fait défaut, mais parce qu'il en possède une partie, puisque s'il en était complètement privé il demeurerait dans une inaction absolue. Donc, pour ce qui concerne l'agent, la cause du mal est accidentelle, en ce que sa vertu active est défectueuse. C'est pour cette raison que l'on dit que le mal n'a pas de cause efficiente, mais une cause défectueuse, puisqu'il n'est produit par une cause active qu'autant que la vertu de cette cause est diminuée, et ce n'est pas là ce qui la rend efficiente.
Il faut faire le même raisonnement, si le défaut qui affecte l'action et l'effet qui en résulte provient d'un défaut inhérent à l'instrument ou à toute autre chose dont l'agent a besoin pour réaliser son action, si, par exemple, la vertu motrice de l'homme le rend boiteux, par suite de la déviation d'une jambe; car l'agent se sert pour agir de deux choses; de la vertu active et de l'instrument.
Le bien devient une cause accidentelle du mal, en ce qui concerne l'effet, soit à raison de la matière dont se compose cet effet, soit à raison de sa forme.
— Si la matière n'est pas disposée comme il convient pour recevoir l'impression de l'agent, l'effet est nécessairement défectueux ; c'est ainsi que la naissance des monstres est la conséquence d'une organisation vicieuse de la matière. On ne doit pas considérer l'agent comme entaché d'un défaut, parce qu'il ne fait pas arriver à l'acte parfait une matière mal disposée; car la vertu de l'agent naturel est mesurée sur le mode spécial de sa nature, et, s'il ne va pas au-delà, il n'en faudra pas conclure que sa vertu est incomplète, mais seulement si sa vertu active ne s'étend pas aussi loin que l'exigerait sa nature.
— Le mal survient accidentellement à raison de la forme de l'effet, parce que la réalisation de telle forme entraîne nécessairement la privation d'une autre forme; c'est pourquoi rien ne peut être produit sans qu'une autre chose soit détruite (2). Mais, comme on le voit par ce qui précède, ce mal n'est pas le mal de l'effet que l'agent avait en vue, et il tombe sur un autre.
Il est donc évident que le bien n'est que la cause accidentelle du mal dans l'ordre naturel…
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(2) Cela est vrai, puisque toute production n'est qu'un changement ou une organisation nouvelle de la matière élémentaire. Cette matière demeure, mais elle revêt une forme différente. Il est bien entendu qu'il ne s'agit pas ici de la création, qui ne suppose aucune matière préexistante. Au commencement, Dieu a tout tiré du néant; par conséquent, il n'y a pas eu alors de changement proprement dit. La formation du corps de l'homme est un changement d'état d'une certaine portion de la matière, ou la substitution d'une forme à une autre forme; et il en est ainsi de tonte génération; mais la formation de son âme n'est pas un changement, parce que cette substance arrive ii l'existence par voie de création, et non par voie de génération.
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Du bien et du mal.X.Le bien est la cause du mal.SUITE
Il est donc évident que le bien n'est que la cause accidentelle du mal dans l'ordre naturel. Il en est de même pour les choses artificielles; car l'art s'attache dans ses œuvres à imiter la nature, et tous les deux sont sujets à des défauts analogues.
En passant à l'ordre moral, on voit que le principe du vice moral n'est point dans le défaut de vertu, puisque le défaut de vertu fait disparaître complètement ce vice, ou du moins l'atténue; car la faiblesse ne mérite pas les châtiments réservés au péché, mais elle est plutôt digne de miséricorde et de pardon, et le vice moral doit être volontaire et non nécessaire.
Cependant, en examinant attentivement cette question, on trouve que l'ordre moral ressemble au précédent sous un rapport et en diffère sous un autre. La différence consiste en ce que le vice moral n'est que dans l'action, et non dans l'effet produit; car les vertus morales n'ont pas pour terme un fait [extérieur], mais elles sont simplement actives, tandis que les arts ont pour but la réalisation d'un fait.
C'est pourquoi nous avons dit que les défectuosités surviennent d'une manière analogue dans les produits des arts et dans ceux de la nature. Le mal moral ne découle donc pas de la matière ou de la forme de l'effet, mais uniquement de l'agent.
Il y a dans toute action morale quatre principes actifs coordonnés ensemble…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Du bien et du mal.X.Le bien est la cause du mal.SUITE
Il y a dans toute action morale quatre principes actifs coordonnés ensemble. La vertu qui réalise l'action ou la force motrice est du nombre; c'est elle qui donne aux membres le mouvement nécessaire pour l'exécution des ordres de la volonté. Cette force est donc mue elle-même par la volonté, qui est un principe distinct. La volonté est déterminée par le jugement que porte sur l'objet cette faculté de l'âme qui appréhende les choses, en prononçant qu'il est bon ou mauvais ; car le bien et le mal sont les deux objets de la volonté, qui s'attache à l'un et s'éloigne de l'autre. Enfin, la faculté appréhensive est mue par l'objet même qu'elle appréhende.
— Le premier principe actif des actions morales est dans l'objet appréhendé; le second est la faculté appréhensive ; le troisième est la volonté, et le quatrième est la force motrice qui exécute les ordres de la volonté.
L'acte de la vertu exécutrice suppose donc d'avance le bien ou le mal moral; car ces actes extérieurs n'ont un caractère moral qu'autant qu'ils sont volontaires.
Si donc l'acte de la volonté est bon, l'acte extérieur sera bon. Il sera mauvais, au contraire, si le premier est mauvais; car il n'y a aucune malice morale dans l'acte extérieur qui reste défectueux par suite d'un défaut indépendant de la volonté : par exemple, le défaut de boiter n'est pas un vice moral, mais un vice naturel.
Donc un défaut inhérent à la vertu exécutrice supprime totalement, ou du moins diminue le vice moral. Quant à l'acte par lequel l'objet meut la faculté appréhensive, il est exempt de tout vice moral. Par exemple, c'est en suivant l'ordre naturel que l'objet visible impressionne la vue, et il en est de même de tout objet en général, relativement à la puissance passive. Il n'y a pas non plus de vice moral dans l'acte de la faculté appréhensive considéré en lui-même, puisque le défaut qui l'affecte empêche ou affaiblit le vice moral, aussi bien que peut le faire le défaut de la vertu exécutrice; car la faiblesse et l'ignorance sont des causes qui excusent du péché, ou du moins lui ôtent de sa gravité.
Donc la raison nous démontre que le vice [ou désordre] moral réside premièrement et principalement dans le seul acte de la volonté, puisque l'acte n'est moral que parce qu'il est volontaire.
Donc c'est dans l'acte de la volonté qu'il faut aller chercher la racine et l'origine du péché moral.
Une difficulté cependant se présente ici…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Du bien et du mal.X.Le bien est la cause du mal.SUITE
Une difficulté cependant se présente ici. Comme l'acte n'est défectueux que par suite d'un défaut inhérent au principe actif, on doit nécessairement reconnaître dans la volonté un défaut qui précède la faute morale; et s'il est naturel, la volonté n'en est jamais exempte. Donc il y aura toujours une faute morale dans les actes de la volonté; et les actes émanant des vertus démontrent la fausseté de cette conséquence. Si, au contraire, ce défaut est volontaire, il est par là même une faute morale; nous avons encore à en rechercher la cause, et nous raisonnerons ainsi jusqu'à l'infini.
Il faut donc admettre que le défaut qui existe tout d'abord dans la volonté n'est pas naturel, afin de ne pas être amené à conclure que la volonté pèche dans tous ses actes. Il n'est pas non plus accidentel et fortuit; car s'il avait ce caractère, jamais nous ne commettrions une faute morale, puisque ce qui est accidentel arrive sans préméditation et en dehors de toute prévision.
Nous concluons donc que ce défaut est volontaire, sans le considérer pour cela comme une faute morale, pour éviter la nécessité de remonter jusqu'à l'infini.
Comment cela peut-il se faire ?...
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Du bien et du mal.X.Le bien est la cause du mal.SUITE
Comment cela peut-il se faire? C'est ce que nous allons examiner.
La perfection qui convient à la vertu de tout principe actif dépend d'un autre principe actif supérieur; car le second agent agit par la vertu de l'agent premier. Donc, tant que le second agent reste subordonné à l'agent premier, son action n'est entachée d'aucun défaut; mais elle devient défectueuse, s'il s'écarte de cette subordination: nous en avons une preuve dans l'instrument qui cesse de recevoir l'impulsion de l'agent.
Ainsi que nous l'avons dit, pour que l'action arrive à revêtir un caractère de moralité, la volonté est précédée de deux principes, savoir de la faculté appréhensive et de l'objet appréhendé par elle et qui est une fin. Mais parce que chaque mobile a un moteur d'une nature particulière, toute vertu appréhensive n'est pas le moteur qui convient indifféremment à tout appétit, mais tel appétit relève de telle vertu.
Donc, de même que le propre moteur de l'appétit sensitif est la vertu appréhensive qui réside dans les sens, ainsi le propre moteur de la volonté est la raison elle-même.
Il est encore à considérer que la raison…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Chap. XI. Tout mal a pour fondement un bien......Du bien et du mal.X.Le bien est la cause du mal.SUITE
Il est encore à considérer que la raison étant capable de s'attacher à plusieurs biens et à plusieurs fins, de chacun desquels elle est la fin propre, le bien indéfini ne pourra pas être son objet, sa fin et son propre moteur, mais tel bien déterminé. Lors donc que la volonté se porte à agir, parce qu'elle est ébranlée par l'appréhension de la raison qui lui présente le bien qui lui convient, l'action est faite dans l'ordre voulu.
Si, au contraire, la volonté agit avec précipitation aussitôt que la faculté appréhensive des sens a saisi un objet, ou bien que la raison elle-même lui offre un bien autre que celui qui lui convient, cette action de la volonté est viciée par une faute morale. Il y a donc dans la volonté, antérieurement au péché d'action, un défaut de subordination à la raison et de rapport avec la fin propre. Ce défaut de subordination à la raison existe, par exemple, lorsque, l'un des sens se trouvant subitement affecté d'un objet, la volonté se porte vers un bien qui consiste dans la délectation sensible.
Il y a défaut de rapport avec la fin voulue, lorsque la raison est conduite dans ses investigations vers un faux bien, ou vers une chose qui n'est pas un bien actuellement ou dans telles conditions, et que cependant la volonté la recherche comme si elle était son bien propre.
Ce défaut d'ordre est volontaire; car la volonté a la faculté de vouloir et de ne vouloir pas, et il dépend également d'elle que la raison examine actuellement une chose ou qu'elle cesse de le faire, et aussi qu'elle s'arrête de préférence sur tel ou tel objet.
Cependant ce défaut ne constitue pas le mal moral; car si la raison ne considère rien ou s'arrête à un bien quelconque, il n'y a pas en cela de péché, jusqu'à ce que la volonté se détermine pour une fin qui ne lui convient pas.
Donc, dans l'ordre moral, aussi bien que dans l'ordre naturel, le bien n'est la cause du mal que par accident.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Du bien et du mal.XI.Tout mal a pour fondement un bien.
Ce qui précède nous aidera à prouver que tout mal a pour fondement un bien. En effet :
1º Le mal ne saurait exister par lui-même, puisqu'il est dépourvu d'essence [ch.7] . Donc il est nécessairement dans un sujet. Or, par là même qu'il est une substance, tout sujet est un bien [ch.7] . Donc tout mal repose sur un bien.
2º Le mal est une privation [ch.6]. Or, la privation et la forme qui fait défaut affectent le même sujet, et le sujet de la forme est un être en puissance par rapport à cette forme, et, par conséquent, un bien, puisque la puissance et l'acte sont compris dans le même genre. Donc la privation, qui est un mal, existe dans un bien, qui est en quelque sorte son sujet.
3º On considère une chose comme mauvaise parce qu'elle est nuisible, et elle ne peut nuire qu'au bien; car nuire au mal c'est un bien, puisque la destruction du mal est une chose bonne. Or, le mal ne nuit au bien, d'une manière formelle, qu'autant qu'il est dans le bien : par exemple, la cécité est nuisible à l'homme, parce qu'elle est dans l'homme. Donc le mal réside dans un bien.
4º Le mal n'a pas d'autre cause que le bien, et cette cause n'est qu'accidentelle [ch.10]. Or, tout ce qui existe par accident rentre dans ce qui existe essentiellement. Donc le mal produit, qui est un effet accidentel du bien, est toujours uni à quelque bien dont la cause est le bien essentiel ; de telle sorte que ce bien est le fondement du mal, puisque l'être essentiel est le principe de l'être accidentel.
Parce que le bien est l'opposé du mal et que rien ne peut devenir le sujet de son contraire, par la raison qu'ils s'excluent mutuellement, il semble tout d'abord qu'on…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Chap. XII. Le mal ne détruit pas complètement le bien......Du bien et du mal.XI.Tout mal a pour fondement un bien.SUITE
Parce que le bien est l'opposé du mal et que rien ne peut devenir le sujet de son contraire, par la raison qu'ils s'excluent mutuellement, il semble tout d'abord qu'on se contredit en faisant du bien le sujet du mal.
La contradiction disparaît si l'on examine avec soin cette vérité. On se représente ordinairement le bien comme un être, puisque l'être, en cette qualité, est un bien [ch.7]. Or, il ne répugne nullement que le non-être se trouve dans l'être comme dans son sujet; car toute privation est un non-être, et pourtant elle a pour sujet une substance qui est un être. Le non-être n'est cependant pas dans l'être qui lui est opposé comme dans son sujet.
Ainsi, la cécité n'est pas un non-être universel, mais tel non-être qui a pour effet la privation de la vue. Donc ce n'est pas la vue, mais l'animal qui est son sujet. Le mal ne réside pas non plus, comme dans son sujet, dans le bien qui lui est opposé, parce que ce bien est détruit par ce mal; mais il est dans un autre bien.
C'est ainsi qu'on trouve le mal moral dans un bien naturel, et le mal naturel, qui consiste dans la privation de la forme, a pour sujet la matière, qui est un bien, au même titre que l'être en puissance.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Du bien et du mal.XII.Le mal ne détruit pas complètement le bien.
Il résulte de tout ce que nous avons dit jusqu'ici que le mal, à quelque degré d'intensité qu'il arrive, ne peut jamais absorber entièrement le bien.
La raison qu'on en peut donner, c'est que l'existence du mal étant supposée, le sujet du mal doit exister avec lui. Or, le sujet du mal est le bien. Donc le bien persévère toujours.
Cependant, comme l'intensité du mal s'accroît à l'infini et que le bien s'affaiblit en proportion, selon toute apparence, le mal doit diminuer le bien aussi à l'infini. Or, le bien qui est susceptible de se voir diminuer par le mal est nécessairement fini, puisqu'il y a incompatibilité entre le bien infini et le mal [liv. I, ch. 39] . Donc il peut arriver, dans certains cas, que le mal fasse disparaître complètement le bien; car si l'on retranche indéfiniment quelque chose d'un être fini, il arrivera certainement un instant où il sera épuisé.
On ne peut pas répondre, comme l'ont fait quelques-uns, qu'en répétant indéfiniment les soustractions, de telle manière que la suivante soit faite dans la même proportion que la précédente, on ne parviendra pas à épuiser le bien, ainsi que cela se voit dans les quantités continues. Si, par exemple, d'une ligne de deux coudées vous ôtez la moitié, et ensuite la moitié de ce qui reste, en continuant de la sorte jusqu'à l'infini, il y aura toujours quelque chose à diviser. Cependant, à mesure que l'on poussera cette division, la quantité soustraite en dernier lieu sera de moins en moins considérable; car la moitié retranchée d'abord du tout est plus étendue, à raison de la quantité absolue, que la moitié de la moitié, quoique la proportion soit la même.
Mais on ne peut appliquer la même règle lorsqu'il s'agit de l'affaiblissement que le mal fait subir au bien. Plus le bien est diminué par l'accroissement du mal, et plus il est faible; et, par conséquent, un second mal le diminuera davantage encore, et le mal qui suivra sera égal ou même supérieur au premier. C'est pourquoi on ne peut pas dire que la quantité enlevée par le mal sur le bien sera toujours moindre que la précédente, sans que la proportion varie.
Il faut donc ainsi résoudre cette difficulté…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Du bien et du mal.XII.Le mal ne détruit pas complètement le bien.SUITE
Il faut donc ainsi résoudre cette difficulté. Nous avons prouvé que le mal détruit absolument le bien, auquel il est directement opposé; et c'est ce que fait la cécité pour la vue. Or, il doit nécessairement rester au moins le bien qui sert de sujet au mal et qui, en sa qualité de sujet, est dans les conditions requises pour l'existence du bien, puisqu'il est en puissance pour recevoir un bien actuel dont la réalisation est empêchée par le mal. Moins donc sa puissance sera complète relativement à ce bien, et moins il sera lui-même un bien. Or, la puissance que possède le sujet de recevoir sa forme se trouve affaiblie, non-seulement par la soustraction d'une partie du sujet, soustraction qui consiste en ce qu'on lui enlève une portion de sa puissance, mais aussi parce que cette puissance rencontre dans un acte contraire un obstacle qui l'empêche d'en venir à l'acte [ou à la possession actuelle] de la forme : ainsi, le sujet est d'autant moins froid en puissance que la chaleur [en acte] acquiert en lui une intensité plus grande. Le bien est donc plus tôt affaibli par le mal, lorsqu'il est en contact avec son contraire, que si l'on en retranche quelque chose.
La même observation s'applique également à ce que nous avons déjà dit du mal. Nous avons montré que le mal arrive sans aucune intention de la part de l'agent, parce que celui-ci recherche toujours un bien dont la possession a pour effet de détruire un autre bien opposé. Donc, à mesure que s'augmente ce bien, qui entraîne avec lui un mal, indépendamment de l'intention de l'agent, la puissance de posséder le bien opposé s'affaiblit ; et c'est en ce sens que le mal diminue le bien. Dans l'ordre naturel, cette diminution du bien par le mal ne peut donc progresser à l'infini; car toutes les formes naturelles et les vertus actives qui les accompagnent sont limitées, et toujours elles arrivent à un terme qu'il leur est impossible de dépasser. Donc, ni la forme contraire, ni la puissance active de l'agent opposé, ne peuvent s'accroître jusqu'à l'infini; de telle sorte que le mal diminue indéfiniment le bien.
Dans l'ordre moral, cet affaiblissement du bien ne cesse jamais…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Chap. XIII. Le mal vient en quelque manière d’une cause…Du bien et du mal.XII.Le mal ne détruit pas complètement le bien.SUITE
Dans l'ordre moral, cet affaiblissement du bien ne cesse jamais d'être possible, parce que les actes de l'intelligence et de la volonté ne sont pas limités; car l'intelligence peut exercer jusqu'à l'infini son opération propre, et c'est pour cette raison que dans les sciences mathématiques on considère comme infinies les espèces des nombres et des figures (1).
La volonté peut également vouloir sans fin. Celui qui veut commettre un vol a la faculté de vouloir une seconde fois pour réitérer son action, et de poursuivre ainsi indéfiniment. Plus la volonté se porte fréquemment vers des fins désordonnées, et plus il lui est difficile d'y renoncer pour s'attacher, comme elle le doit, à sa fin propre; et nous en avons une preuve dans ceux qui contractent l'habitude du vice en s'accoutumant à des actes coupables. Le mal moral est donc capable de diminuer indéfiniment le bien qui consiste dans une aptitude naturelle; cependant ce bien ne sera jamais détruit complètement, mais il restera attaché à l'être naturel tant qu'il continuera d'exister.
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(1) Ici, comme dans tout le reste du chapitre, on doit donner à l'infini le même sens qu'à l'indéfini, qui est seulement un infini relatif; car l'infini absolu ne convient qu'à Dieu.
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Chap. XIV. Le mal est une cause accidentelle…Du bien et du mal.XIII.Le mal vient en quelque manière d’une cause.
Nous pouvons tirer des principes précédemment établis cette conséquence, que, bien qu'il n'existe pas de cause essentielle du mal, tout mal, cependant, vient d'une cause accidentelle. En effet :
1º Par là même que quelque chose existe dans un être comme dans un sujet, cette chose a nécessairement une cause; car elle ne peut provenir que des principes constitutifs du sujet ou d'une cause extrinsèque. Or, le mal réside dans le bien comme dans son sujet [ch. 11]. Donc il doit avoir une cause.
2º L'être qui se trouve en puissance pour deux états opposés ne peut être mis actuellement dans l'un de ces états que par une cause ; car aucune puissance ne passe d'elle-même à l'acte. Or, le mal est la privation d'un attribut qu'un être peut naturellement et doit posséder ; et c'est cette privation qui nous fait considérer une chose comme mauvaise. Donc le mal existe dans un sujet qui est en puissance pour lui et pour son contraire. Donc il a nécessairement une cause.
3º Un être ne peut recevoir que d'une cause distincte de lui tout ce qui s'attache à lui sans que sa nature l'exige, et rien ne se sépare d'un être auquel la nature l'associe, qu'autant qu'un obstacle extérieur empêche leur union : une pierre, par exemple, ne s'élève pas en haut si personne ne la lance, et l'eau ne s'échauffe que lorsqu'elle est exposée à une source de chaleur. Or, dans tous les cas, le mal est opposé à la nature de l'être qui en est affecté,puisqu'il consiste dans la privation d'une chose que cet être peut et doit naturellement avoir. Donc le mal a toujours une cause, qu'elle soit essentielle ou accidentelle.
4º Tout mal est une conséquence d'un bien : par exemple, la production d'un être entraîne la destruction d'un autre être. Or, il n'existe aucun bien indépendant d'une cause distincte du premier bien qui repousse absolument le mal [liv. I, ch. 39], Donc tout mal vient d'une cause, dont il procède accidentellement.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Du bien et du mal.XIV.Le mal est une cause accidentelle.
Quoique le mal ne soit pas une cause essentielle, il devient cependant une cause par accident, ainsi que le prouvent avec évidence les mêmes raisons. En effet :
1º Si un être est la cause essentielle d'un autre être, tout ce qui survient dans le premier par accident est accidentellement cause du second : par exemple, la blancheur inhérente à l'architecte est la cause accidentelle de la maison qu'il construit (1). Or, le mal n'existe que dans un bien [ch. 11], et tout bien est en quelque manière la cause d'un autre bien : ainsi la matière est en quelque sorte la cause de la forme; réciproquement la forme est sous quelque rapport la cause de la matière, et il en faut dire autant de l'agent et de la fin (2). D'où il suit qu'on ne peut s'appuyer sur ce principe, que chaque bien est la cause d'un autre bien, pour prolonger jusqu'à l'infini la série des causes et des effets, parce que les causes et les effets s'enchaînent sans fin, selon qu'ils appartiennent à diverses espèces de causes (3). Donc le mal est une cause accidentelle.
2° Le mal est une privation…
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(1)Il faut observer ici que la cause accidentelle, en considérant l'accident comme inhérent à la cause, ne concourt nullement ii la réalisation de l'effet. Ainsi, si l'individu qui construit une maison est blanc, la blancheur, qui devient par accident cause de la construction, ne fait rien à l'édifice. On lui donne le nom de cause accidentelle, parce que le sujet dont elle est un accident, et qui reçoit d'elle une qualification, est la cause réelle. On peut dire, en effet, que ce qui est blanc édifie cette maison, parce que c'est le sujet de la blancheur qui en est le constructeur. De même, on donne au mal la dénomination de cause accidentelle, non parce qu'il contribue à rendre bon l'effet produit, mais parce que l'agent a telle qualité mauvaise qui permet de dire (en l'envisageant comme affecté de ce mal) que le mal agit (François de Sylv. Comment.).
(2) La matière est cause de la forme, parce que la forme ne peut exister sans sujet ; la forme est cause de la matière, puisque c'est elle qui donne à la matière son existence actuelle ; car nulle substance ne peut être dépourvue de forme sans être anéantie. L'agent a pour cause la fin qu'il cherche à atteindre, en vertu de ce principe, que tout agent agit pour une fin, et que l'être qui ne vise pas a une fin reste nécessairement inactif; l'agent est à son tour cause de la fin; car la fin n'est pas telle par elle-même, mais seulement à raison de la tendance de l'agent dont elle est le terme.
(3) Saint Thomas prévient ici cette objection qu'on pourrait lui faire, que si l'on refuse d'admettre une série infinie de causes et d'effets, on arrivera nécessairement à un effet qui sortira d'une cause sans être cause lui-même; ce qui détruirait son principe, que tout bien est la cause d'un bien. Le saint Docteur répond qu'il faut pour cela distinguer différents genres de causes, et si l'on passe d'un genre à un autre, l'effet peut devenir cause et la cause effet. Par exemple, dans l'ordre de la génération, le père est la cause de son fils, parce qu'il lui donne l'existence ; mais dans l'ordre des relations, le fils est la cause de son père considéré comme tel, puisque sans lui son père n'aurait pas l'attribut de la paternité.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Du bien et du mal.XIV.Le mal est une cause accidentelle.SUITE
2° Le mal est une privation [ch.6]. Or, dans les choses sujettes au changement, la privation devient accidentellement un principe, de même que la matière et la forme sont des principes essentiels (4). Donc le mal est la cause d'une chose par accident.
3º Le défaut qui est dans la cause rend l'effet défectueux. Or, le défaut de la cause est un mal. Ce mal ne peut être cause par lui-même ; car aucun être ne peut devenir une cause en raison d'un défaut, mais en sa qualité d'être, et si son être tout entier lui faisait défaut, il ne serait cause de rien. Donc le mal n'est une cause que par accident.
4º En examinant successivement chaque espèce de causes, on voit clairement que le mal est une cause accidentelle. C'est ce qui a lieu : 1º dans l'espèce de la cause efficiente; car si la vertu de la cause active est défectueuse, l'effet et l'action le sont également; 2º dans l'espèce de la cause matérielle; car lorsque la matière n'est pas disposée comme il convient, ce défaut se communique à l'effet; 3º dans l'espèce de la cause formelle; car la réalisation d'une forme entraîne toujours la privation d'une autre forme ; 4° dans l'espèce de la cause finale; car une fin désordonnée est inséparable du mal, puisqu'elle empêche d'atteindre la fin convenable.
Donc évidemment le mal est une cause accidentelle, et il ne peut, en aucun cas, être une cause essentielle.
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(4) La privation est un principe, parce que les êtres composés de matière ne peuvent acquérir une forme sans être privés de la forme qu'ils possédaient antérieurement. Mais ce principe n'est qu'accidentel; car la forme acquise est une fin, et la destruction de la forme précédente est un accident que l'agent n'avait pas directement en vue.
Chap. XV. Il n'existe pas un souverain mal principe de tous les maux. …
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Chap. XVI. Le bien est la fin de tous les êtres.…Du bien et du mal.XV.Il n'existe pas un souverain mal principe de tous les maux.
Il est clair encore, pour les mêmes raisons, qu'il ne peut exister un souverain mal principe de tous les maux. En effet :
1° Le souverain mal répugne à une union quelconque avec le bien, de même que le souverain bien est absolument séparé du mal. Or, l'existence d'un mal entièrement séparé du bien est impossible, puisqu'il est démontré [ch.11] que le mal est fondé sur le bien. Donc aucun être n'est souverainement mauvais.
2º S'il existe un être souverainement mauvais, il est mauvais en vertu de son essence, de même que le souverain bien est un être essentiellement bon. Or, il n'en saurait être ainsi, parce que le mal n'a pas d'essence [ch.7]. Donc on ne peut admettre un souverain mal principe de tous les maux.
3º Un premier principe ne procède d'aucune cause. Or, la cause du mal est le bien [ch.9 et 10]. Donc le mal n'est pas un premier principe.
4° Le mal, ainsi que nous l'avons vu [ch.9 et 10], n'agit que par la vertu du bien. Or, un premier principe agit par sa propre vertu. Donc le mal ne peut être un premier principe.
5º Comme l'être qui existe par accident est postérieur à celui qui existe par lui-même, il y aurait contradiction à dire qu'un être accidentel est le premier de tous. Or, le mal n'arrive qu'accidentellement et sans intention [ch. 4]. Donc le mal ne peut être un premier principe.
6º Tout mal vient d'une cause accidentelle [ch. 13]. Or, un premier principe n'a aucune cause, ni essentielle, ni accidentelle. Donc le mal ne peut être le premier principe dans aucun genre.
7° La cause essentielle est antérieure à la cause accidentelle. Or, le mal n'est cause que par accident [ch. 14]. Donc il ne peut être le premier principe dans aucun genre.
C'est par de telles raisons que l'on réfute l'erreur des Manichéens, qui croyaient à l'existence d'un souverain mal, dont ils faisaient le premier principe de tous les maux.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Chap. XVII. II n'y a pour tous les êtres qu'une seule fin, qui est Dieu.Du bien et du mal.XVI.Le bien est la fin de tous les êtres.
S'il est vrai, comme nous l'avons prouvé [ch. 3], que tout agent agit en vue d’un bien, on doit en conclure que le bien est la fin de tous les êtres. En effet :
1º Chacun des êtres est mis en rapport avec sa fin par son action; car ou l'action elle-même est une fin, ou bien la fin de l'action est aussi la fin de l'agent; et c'est en cela que consiste son bien.
2º La fin d'un être, quel qu'il soit, est la chose à laquelle aboutit son appétit (1). Or, l'appétit de tous les êtres aboutit au bien ; car les philosophes définissent le bien : ce que tous les êtres recherchent (2). Donc la fin de toute chose est le bien.
3º La chose qu'un être recherche quand il en est éloigné, et dans laquelle il se repose lorsqu'il la possède, constitue sa fin. Or, l'être qui n'a pas encore atteint la perfection qui lui convient se porte vers elle autant qu'il est en lui, et s'il la possède, il se repose en elle. Donc la perfection de chaque chose est sa fin. Or, le bien d'un être n'est autre que sa perfection. Donc tous les êtres sont coordonnés par rapport au bien comme avec leur fin.
4º Les êtres qui connaissent leur fin et ceux qui l'ignorent sont coordonnés de la même manière avec elle, avec cette différence, toutefois, que ceux qui sont doués de connaissance se portent d'eux-mêmes vers leur fin, tandis que les autres ne tendent à atteindre cette fin qu'en suivant une direction étrangère: l'archer et la flèche qu'il lance peuvent nous servir d'exemples. Or, les êtres qui connaissent leur fin sont toujours coordonnés avec le bien, comme étant leur fin; car la volonté, qui est le désir d'une fin connue d'avance, n'aspire à une chose qu'en la considérant comme un bien, puisque le bien est son objet. Donc les êtres qui ignorent leur fin sont coordonnés avec le bien comme avec leur fin. Donc la fin de tous les êtres est le bien.
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(1) Que cet appétit soit intellectuel dans les êtres raisonnables, sensitif clans les brutes ou bien purement naturel dans les êtres insensibles. — (2) Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Dieu fin universelle.XVII.II n'y a pour tous les êtres qu'une seule fin, qui est Dieu.
Il résulte de tout ce que nous venons de dire que tous les êtres existent pour un seul bien, qui est leur dernière fin. En effet :
1° Si nul être ne recherche une chose comme sa fin qu'autant que cette chose est un bien, il s'ensuit nécessairement que le bien, considéré comme bien, est une fin. Donc c'est surtout le souverain bien qui doit être une fin. Or, le souverain bien, c'est-à-dire Dieu, est unique [liv. I ch. 41 et 42]. Donc tous les êtres ont pour fin un seul bien, qui est Dieu.
2º Dans chaque genre, l'être le plus grand est la cause de tous ceux qui sont compris dans le même genre; ainsi, le feu, dans lequel le calorique atteint sa plus haute puissance, est cause de la chaleur qui se répand dans tous les corps. La cause de la bonté inhérente à tout bien est donc le souverain bien, c'est-à-dire Dieu. Donc Dieu est aussi la cause pour laquelle toute fin est une fin, puisque rien n'est une fin qu'en sa qualité de bien. Or, l'être pour lequel tous les autres existent les surpasse tous. Donc Dieu est éminemment la fin de tous les êtres.
3º En tout genre, la cause première est cause à un plus haut degré que la cause seconde; car la cause seconde n'est telle que par la cause première. Donc l'être qui occupe le premier rang dans la série des causes finales est nécessairement la cause finale de tout ce qui existe, de préférence à n'importe quelle cause finale prochaine. Or, Dieu est la première des causes finales, puisqu'il est le premier de tous les biens. Donc il est plutôt la fin universelle des êtres qu'une fin prochaine, quelle qu'elle soit.
4º Toutes les fois que plusieurs fins sont coordonnées entre elles, la fin dernière doit être la fin de…
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