Réunion des Chrétiens d'Orient avec l'Église romaine sous le Pape Eugène IV.
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Re: Réunion des Chrétiens d'Orient avec l'Église romaine sous le Pape Eugène IV.
Arrivée des députés hussites ou bohémiens à Bâle.(suite)
Les Bohémiens répondirent en peu de mots qu'ils n'avaient méprisé ni les conciles ni l'Église, qu'on les avait condamnés à Constance sans les avoir entendus, qu'ils ne retranchaient rien de la religion chrétienne, que l'autorité des Pères de l'Église ne souffrait point d'atteinte parmi eux, que tout ce qu'ils avançaient était fondé sur les saintes lettres et sur l'Évangile, qu'ils étaient venus pour faire connaître leur innocence à toute l'Église, et enfin qu'ils demandaient une audience publique où les laïques pussent assister.
Elle leur fut accordée le 16 janvier. Les Bohémiens y proposèrent les quatre articles dont on a souvent fait mention, parce qu'ils étaient convenus entre eux de s'en tenir là. Le cardinal-légat en parut surpris, ne doutant point qu'ils ne s'éloignassent de la doctrine commune en beaucoup d'articles. En effet les taborites, les orébites et les orphelins tenaient encore à plusieurs erreurs très-damnables de Hus et de Wiclef ; il n'y avait que les calixtins qui, sauf les quatre articles en question, fussent d'accord sur tout le reste avec l'Église. Les Bohémiens répondirent en commun que ces quatre articles étaient tout ce qu'ils avaient à proposer au concile de la part de tout le royaume.
Cependant le légat leur reprocha que, entre autres choses, ils soutenaient que les ordres mendiants étaient une invention du diable. Procope ne le désavoua point, « Cela est vrai, dit-il; car, si les patriarches, si Moïse, si les prophètes, si Jésus-Christ, si les apôtres, sous l'Évangile, n'ont point institué les mendiants, qui ne voit que c'est une invention du diable et une œuvre de ténèbres ? »
Cette repartie fut suivie d'un grand éclat de rire ; mais le légat, qui voulait ménager les Bohémiens, répondit avec douceur que, outre ce qu'avaient enseigné les patriarches, les prophètes, Jésus-Christ et ses apôtres, il y avait encore les décrets de l'Église, qu'il fallait révérer comme divins, parce qu'elle est dirigée par le Saint-Esprit, quoique d'ailleurs on puisse établir par l'Évangile l'existence des religieux mendiants.
Après cette espèce de conférence les Bohémiens choisirent quatre…
A suivre : Conférences des Bohémiens avec les commissaires du concile. Les calixtins se réduisent à quatre articles, de discipline plus que de croyance. Les députés s'en retournent en Bohême.
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Conférences des Bohémiens avec les commissaires du concile.
Les calixtins se réduisent à quatre articles, de discipline plus que de croyance.
Les députés s'en retournent en Bohême.
Après cette espèce de conférence les Bohémiens choisirent quatre de leurs docteurs pour défendre leurs quatre articles.
Roquesane, l'avocat des calixtins, employa trois jours pour prouver la nécessité de la communion sous les espèces du pain et du vin et pour demander qu'elle fût ainsi administrée par les prêtres dans toutes les provinces de Bohême.
Un certain Nicolas, théologien des taborites, employa deux jours pour soutenir qu'il fallait réprimer, corriger et exterminer tous les péchés mortels, et surtout les péchés publics, par le ministère de ceux à qui il appartenait de le faire, selon la raison et la loi de Dieu.
Ensuite un certain Ulric, curé des orphelins, soutint, deux jours durant, que la parole de Dieu devait être prêchée, publiquement et fidèlement, par des prêtres revêtus des qualités nécessaires pour cette fonction.
Enfin Pierre Payne, dit l'Anglais, soutint pendant trois jours que, sous la loi de grâce, il n'était pas permis au clergé de posséder et de régir des biens temporels et séculiers. Ils donnèrent ensuite copie de leurs discours au concile, et ils le remercièrent de l'audience favorable qu'il leur avait donnée. On se plaignit néanmoins des trois derniers orateurs, qui avaient exalté Jean Wiclef et Jean Hus, les appelant des docteurs évangéliques, quoique depuis longtemps ils eussent été condamnés par l'Église (1).
Le concile, de son côté,…
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(1) Ænéas Sylv., Freher, l., 50.
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Conférences des Bohémiens avec les commissaires du concile.
Les calixtins se réduisent à quatre articles, de discipline plus que de croyance.
Les députés s'en retournent en Bohême.(suite)
Le concile, de son côté, nomma quatre docteurs pour répondre aux discours des Bohémiens, savoir : Jean de Raguse, en Dalmatie, professeur en théologie, général des Dominicains et depuis cardinal ; Gilles Carlier, professeur en théologie et doyen de l'Église de Cambrai; Henri Kalteisen, de Conflans(?), docteur en théologie, et Jean de Polémar, archidiacre de Barcelone, docteur en droit et auditeur de Rote. Jean de Raguse parla le premier, pendant huit jours, aux heures du matin, sur le premier article. Gilles Carlier en employa quatre à répondre au second ; Kalteisen, trois à répondre au troisième, comme Polémar au quatrième. Ces longs discours ne persuadèrent pas encore les Bohémiens; ils y répliquèrent aussi longuement. Roquesane employa six jours dans sa réplique à Jean de Raguse, et les autres à proportion.
Le duc de Bavière était le protecteur du concile; comme il s'aperçut que la dispute était plus propre à aigrir les esprits qu'à les réunir, il proposa une conférence amiable entre les deux partis, qui nommeraient chacun leurs députés, et où l'on n'entrerait dans aucune discussion particulière sur les dogmes.
S'étant donc assemblé le 11 mars 1433, le concile proposa aux Bohémiens de s'unir par avance, dans l'espérance que l'union faciliterait la discussion. Les Bohémiens, ayant délibéré là-dessus, trouvèrent qu'on ne pouvait pas espérer une union solide et sincère avant qu'on fût convenu de part et d'autre sur les quatre articles. Le cardinal-légat, qui leur adressa un discours, parut être de leur avis. Il leur représenta que, pendant dix jours, le concile avait entendu, avec beaucoup de patience et d'attention, l'exposition qu'ils avaient donnée de leurs quatre articles. Il les congratulait et il se félicitait lui-même des favorables dispositions qu'on remarquait en eux, aussi bien que dans le concile, pour la paix et l'union. Il témoignait être fort satisfait de la protestation que Roquesane et les autres avaient faite en ces termes :
« Nous croyons que l'Église, qui, selon saint Grégoire et saint Augustin, est l'universalité des fidèles répandus dans le monde, nous croyons que cette sainte Église est tellement fondée sur la pierre que les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle, et nous espérons, par la grâce de Jésus-Christ, qui en est le chef souffrir plutôt le plus cruel martyre que de rien dire volontairement qui soit contraire à la doctrine de cette sainte Église. »
Comme il est malaisé…
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A suivre : Ambassade du concile à Prague. Nouvelles conférences avec les Bohémiens. Conclusion d'un concordat.Conférences des Bohémiens avec les commissaires du concile.
Les calixtins se réduisent à quatre articles, de discipline plus que de croyance.
Les députés s'en retournent en Bohême(suite)
Comme il est malaisé qu'il ne se mêle pas de l'aigreur dans ces contestations, le cardinal les exhorte à ne pas prendre trop au vif des paroles dures, qui peuvent échapper dans la chaleur du discours, et à regarder plus à l'intention qu'à ce qu'il y a de choquant dans les termes. Il leur représente que, pour obtenir une solide union et aller au-devant de toute discorde, il faut s'expliquer nettement sur toutes les controverses et sur tous les points contestés de part et d'autre, sans dissimulation ni suppression quelconque, afin que le concile, qu'il appelle le creuset du Saint-Esprit, puisse séparer la rouille de l'or et de l'argent.
« Vous n'avez proposé ces jours passés que quatre articles ; mais nous savons de bonne part, et par des témoins oculaires, qu'il y a beaucoup d'autres dogmes étrangers en quoi vous différez d'avec nous, et même l'un d'entre vous nous l'a fait assez entendre en qualifiant Jean Wiclef de docteur évangélique. Or on sait assez quelle était la doctrine de Wiclef sur plusieurs articles tenus par l'Église. »
Le cardinal leur en proposa une douzaine, soutenus par Wiclef et condamnés plus d'une fois. Il les donna par écrit aux Bohémiens, afin, qu'à chacun ils pussent dire positivement : « Nous croyons ou nous ne croyons pas cela.»
Ils répondirent, comme ils l'avaient déjà fait, qu'ils étaient venus seulement pour proposer les quatre articles, non pas tant en leur propre nom qu'au nom de tout le royaume (1).
Rien ne put ainsi se terminer à Bâle ; cependant rien n'était perdu. Les Bohémiens, impatients de retourner chez eux, partirent vers le 15 avril 1433…
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Cochlæus, Historia Hussitarum, l, 6.
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Ambassade du concile à Prague.
Nouvelles conférences avec les Bohémiens.
Conclusion d'un concordat.
Rien ne put ainsi se terminer à Bâle ; cependant rien n'était perdu. Les Bohémiens, impatients de retourner chez eux, partirent vers le 15 avril 1433 ; ils furent aussitôt suivis d'une ambassade solennelle, composée de trois évêques, accompagnés de huit ou dix docteurs. À cette ambassade se joignirent les envoyés de plusieurs princes et évêques, ainsi que les députés de plusieurs villes et communautés. Toute l'ambassade fut reçue avec de grands honneurs, et en chemin et à Prague. Le recteur de l'université, à la tête de tout le corps, alla les haranguer. Aussitôt après leur arrivée on assembla les états de Bohême et de Moravie pour entrer en conférence.
On parla souvent de part et d'autre sans beaucoup avancer. Les catholiques insistaient sur la soumission à l'Église et au concile ; les Bohémiens tenaient avant tout à l'adoption de leurs quatre articles. Sans les chicanes des taborites, qui avaient encore des articles cachés, on aurait peut-être pu s'entendre. Malgré cela, ceux des Bohémiens qui ne tenaient qu'aux quatre articles en discussion y proposèrent, par de nouveaux députés au concile, des modifications assez notables.
1° Sur la libre prédication de la parole de Dieu, ils disaient qu'elle devait se faire sous l'autorité de l'évêque diocésain.
2° A l'égard de la punition des péchés, ils laissaient au clergé le droit de punir les péchés des clercs et aux séculiers le droit du punir les séculiers, selon le pouvoir que Dieu en avait donné aux uns et aux autres.
3° L'article relatif aux biens de l'Église était plus étendu, mais assez embrouillé.
4° Sur la communion sous les deux espèces ils disaient qu'elle était utile, méritoire et salutaire, parce qu'elle avait été donnée et instituée par Jésus-Christ, pratiquée par les apôtres et par l'Église. Mais, comme il y avait encore quelques doutes sur la nature du commandement et de la nécessité de cette pratique, et sur la peine que méritaient ceux qui la négligent, ils s'en remettaient à la décision de l'Église, pourvu qu'elle fût fondée sur l'Écriture sainte et sur l'autorité des Pères.
Ils demandaient aussi quelques éclaircissements sur le genre de nécessité des autres sacrements. A ces articles les Bohémiens joignaient une formule de réunion, où ils disaient souvent nous et vous.
Quand ce projet fut lu dans le concile il parut de l'émotion sur le visage de plusieurs Pères…
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Ambassade du concile à Prague.
Nouvelles conférences avec les Bohémiens.
Conclusion d'un concordat.
(suite)
Quand ce projet fut lu dans le concile il parut de l'émotion sur le visage de plusieurs Pères. « Est-ce là, disaient- ils, une union ecclésiastique et chrétienne? Ce n'est pas unité, mais dualité, il ne faut point de vous et de nous, il ne faut que nous, pour former une vraie union, parce qu'il ne doit y avoir qu'un même peuple chrétien. » Cependant, comme l'union pressait d'autant plus que les taborites continuaient leurs hostilités et leurs ravages en Bohême et aux environs, le concile déclara aux députés de Bohême, par l'organe de Polémar, qu'on enverrait encore des députés à Prague pour tâcher d'achever l'union. On renvoya donc les mêmes députés pour faire un dernier effort sur l'esprit des Bohémiens. Ces députés, après avoir exposé l'intention du concile sur trois des quatre articles, faisaient espérer que le concile trouverait quelque voie pour satisfaire les Bohémiens sur l'article principal, celui de la communion sous les deux espèces.
Donc, sur l'article de la punition des péchés mortels, et principalement des péchés publics, le concile était bien d'avis qu'on les punît, autant que cela se pouvait raisonnablement, selon la loi de Dieu et les règlements des saints Pères; mais il ne voulait pas que des particuliers s'ingérassent à les punir de leur propre autorité et sans l'aveu de ceux qui en ont le droit. Sur l'article de la libre prédication de la parole de Dieu l'intention du concile était qu'elle fût prêchée librement, mais non indifféremment partout, et que les prédicateurs fussent approuvés et envoyés par les supérieurs qui auraient le droit de donner cette mission, et tout cela sauf l'autorité du Pape, qui, selon l'institution des saints Pères, doit avoir la suprême juridiction dans toutes les affaires. Quant à l'article du domaine temporel séculier sur les biens d'Église, que les Hussites prétendaient refuser au clergé, le concile s'exprimait ainsi : « Les ecclésiastiques doivent administrer fidèlement et selon l'institution des saints Pères les biens d'Église dont ils sont établis administrateurs, et ces biens ne peuvent être usurpés par d'autres sans sacrilège. »
Restait encore l'article de la communion sous les deux espèces, sur lequel les députés du concile ne s'étaient pas expliqués; mais les Bohémiens refusèrent de s'ouvrir sur les trois autres jusqu'à ce que celui-là fût réglé. Voici donc quelle fut la déclaration des députés du concile : « La coutume de communier le peuple sous la seule espèce du pain a été raisonnablement introduite par l'Église et par les saints Pères pour éviter le danger de l'erreur et de l'irrévérence, et, par ces raisons, personne ne peut changer cette coutume sans l'autorité de l'Église. Mais, comme l'Église, portée à cela par des motifs raisonnables, a le pouvoir de permettre au peuple la communion sous les deux espèces, on pourrait accorder cette permission aux Bohémiens pour un temps, par l'autorité de l'Église, pourvu qu'ils s'y réunissent; que, dans tous les autres articles de la foi et des cérémonies, ils se conformassent à l' Église universelle, et que les prêtres eussent soin de ne la donner qu'à des personnes en âge de discrétion, et de les avertir, avant de la leur donner, qu'il faut croire fermement que la chair de Jésus-Christ n'est pas seulement sous l'espèce du pain, et que son sang n'est pas seulement sous l'espèce du vin, mais qu'il est tout entier sous l'une et l'autre espèce. »
« Cette formule du concile, dit Ænéas Sylvius…
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A suivre : Conduite équivoque de Roquesane, élu à l'archevêché de Prague. Le concile lui refuse sa confirmation.Ambassade du concile à Prague.
Nouvelles conférences avec les Bohémiens.
Conclusion d'un concordat.
(suite)
« Cette formule du concile, dit Ænéas Sylvius, est courte ; mais il y a autant de sentences que de mots. Par là sont bannis tous les sentiments et toutes les cérémonies étrangères à la foi ; par là il est ordonné aux Bohémiens de croire et de garder tout ce que l'Église universelle croit et garde. Cependant, ajoute-t-il, soit ennui de la guerre, soit mésintelligence entre eux, soit complaisance de l'ambitieux Roquesane, que les députés du concile flattaient de l'espérance de devenir archevêque de Prague, ces conditions furent acceptées par les défenseurs des quatre articles (1). On dressa un concordat de cette réunion le 30 novembre 1433 (2).
Quoique l'exécution entière de ce concordat dût éprouver bien des obstacles, ce fut néanmoins un coup mortel pour le hussitisme. La Bohême s'en est si bien guérie avec le temps qu'elle est aujourd'hui un des pays catholiques les plus pieux, D'abord la masse des calixtins ou Hussites modérés se réunirent sincèrement à l'Église. Les taborites, les orébites et les orphelins, qui s'opposèrent ouvertement à la réunion quand ils la virent consommée, furent battus deux fois, en 1434, par les calixtins réunis aux catholiques : une première fois à Prague, où il en périt de quinze à vingt mille; une seconde fois, le 29 mai, à quelques lieues plus loin, où leur défaite fut entière, et les deux Procope, leurs généraux, tués.
Au commencement de 1436 les états de Bohême se rassemblèrent pour envoyer une nouvelle ambassade à l'empereur Sigismond, avec d'instantes prières de venir prendre possession du royaume. La paix était conclue. Les taborites, quoique avec peine et regret, s'étaient soumis au concordat arrêté à Bâle. L'empereur l'avait déjà confirmé à Albe-Royale; mais, comme il restait encore quelques difficultés à lever, il avait promis de le confirmer plus solennellement à Iglaw et d'y mettre la dernière main. Il s'y rendit en effet, au mois de juin, avec l'archiduc Albert d'Autriche, son gendre. II y avait déjà, quelques jours que les légats du concile l'y attendaient.
Le concordat fut donc solennellement confirmé et muni des sceaux de l'empereur d'une part, des Bohémiens et Moraves de l'autre, aussi bien que des députés du concile. Toutes choses ainsi réglées, les légats levèrent publiquement toutes les sentences d'excommunication portées contre les Bohémiens et les Moraves du parti hussite, et, de leur côté, les Bohémiens et les Moraves jurèrent obéissance à l'Église romaine et à Sigismond (1).
Pour être bien reçu des Bohémiens l'empereur Sigismond……
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(1). Ænéas Sylv., Rer. Bohem., etc., c, 52. — (2). Leibnitz, Mantissa diplom, juris gent. , pars 2, p. 138. — (1).Lenfant, Hist. de la guerre des Hussites, 1. 18.
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Conduite équivoque de Roquesane,
élu à l'archevêché de Prague.
Le concile lui refuse sa confirmation.
Pour être bien reçu des Bohémiens l'empereur Sigismond leur avait permis d'élire un archevêque de Prague; ils lui proposèrent Roquesane, qu'il agréa. Depuis longtemps Roquesane convoitait cette place ; aussi n'eut-il garde de refuser, comme nous l'avons vu faire à tant de saints évoques. Il accepta avec autant de joie qu'il avait ambitionnée avec ardeur. Quelques jours après-il se présenta dans la place publique d'Iglaw où étaient l'empereur, les légats, l'archiduc, les ambassadeurs de part et d'autre, et où l'on avait élevé une estrade pour la cérémonie. Là, en son nom et au nom de son clergé, il jura solennellement obéissance et fidélité à l'Église romaine, contre laquelle il avait si souvent déclamé. L'histoire dit unanimement qu'il entreprit dans cette occasion une chose qui pensa rompre la paix.
A la messe solennelle qu'il célébra dans l'église d'Iglaw, en présence de l'empereur et des légats du Pape, il communia sous les deux espèces un séculier qu'il avait aposté là exprès, dit-on. Les légats en furent très-choqués, soutenant que cette entreprise était une violation du concordat, parce qu'elle se faisait dans un autre diocèse et dans une église toute catholique. On dit même que peu s'en fallut qu'on n'en vînt aux voies de fait, et que Polémar en fureur voulait mettre les mains sur Roquesane. Mais l'empereur se mit entre eux deux, et, pour apaiser la querelle, allégua l'article du concordat qui portait que, quand même quelque particulier en violerait quelque article, ce ne devait pas être un obstacle à la paix.
Cependant, pour rentrer en possession de son royaume héréditaire, Sigismond avait promis aux Hussites, outre le concordat, certaines choses qu'il ne pouvait ou ne voulait pas tenir. Pendant la guerre bien des religieux et des séculiers catholiques avaient été chassés de leurs villes et de leurs biens par leurs ennemis ; Sigismond se vit obligé de promettre que, sans la permission de leurs ennemis, aucun de ces catholiques exilés et dépouillés ne rentrerait dans leurs villes et leurs biens.
Sigismond, qui avait accordé une complète amnistie à leurs adversaires, crut que la partie devait être égale; il rappela ou laissa revenir quelques-uns des religieux et des catholiques bannis. De plus il n'offrit l'archevêché de Prague à Roquesane qu'à la condition de se soumettre tout à fait à l'Église romaine et de renoncer à la communion sous les deux espèces, lui déclarant que sans cela il ne pouvait être archevêque, quand même il eût été consacré.
Roquesane, furieux, s'emporta plus que jamais contre l'empereur et contre l'Église romaine…
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A suivre : Mort de l'empereur Sigismond. Les Hongrois se divisent entre deux rois.Conduite équivoque de Roquesane,
élu à l'archevêché de Prague.
Le concile lui refuse sa confirmation.
(suite)
Roquesane, furieux, s'emporta plus que jamais contre l'empereur et contre l'Église romaine. Sigismond cependant donna l'administration de l'archevêché de Prague à Philibert, évêque de Coutances, qui l'avait accompagné. Ce prélat se donna mille mouvements pour remettre les églises dans leur premier lustre et pour purifier ce qui avait été profané; il consacra les églises et les baptistères, rétablit les messes, les images, les bannières, fit allumer les cierges, porter de l'eau bénite dans les églises, et rendit aux prêtres les ornements sacerdotaux, négligés depuis longtemps. En un mot il remit tout sur le pied de l'Église romaine.
Roquesane, de son côté, fulminait contre les moines, contre les cérémonies romaines et contre Sigismond, comme lui ayant manqué de parole. « Chaque jour s'écriait-il en chaire, chaque jour il revient de ces démons qu'on appelle moines pour séduire le peuple ; mais, si nous avons un cœur, il faudra les égorger plutôt que de les souffrir. » Un historien dit que cette menace regardait Sigismond lui-même. Ces paroles ayant été rapportées à Sigismond, il répliqua : « Nous immolerions nous-même Roquesane au pied de l'autel (1). » Cette repartie du prince fit peur à Roquesane; il aima mieux se retirer que de risquer sa vie. Il fut accompagné par un seigneur de ses partisans, avec une escorte de cent chevaux, jusqu'à Gratz, où il demeura caché longtemps ; sa paroisse fut donnée à un prédicateur plus modéré.
Cependant, en l'année 1437, les Bohémiens envoyèrent des ambassadeurs au concile de Bâle pour demander la confirmation de Roquesane à l'archevêché de Prague ; mais il leur fut répondu qu'il n'était pas raisonnable que Roquesane fût élevé à cette dignité, parce que, depuis le concordat, il n'avait rien oublié pour troubler la paix et l'union, et que même, depuis peu, il s'était retiré de Prague clandestinement et sans prendre congé de l'empereur. Le concile refusa de même quelques autres articles que les députés de Bohême avaient demandés au delà du concordat.
Les Hussites, mécontents, firent une irruption en Moravie et surprirent la ville de Littovel, où il y avait en abondance toutes sortes de vins; le soldat se mit à boire, malgré les officiers. Pendant la nuit les catholiques d'Olmutz les surprirent à leur tour et les assommèrent comme des bêtes, tellement qu'il en échappa très-peu.
Le 9 décembre de la même année (1437)…
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(1). Dubrav., Hist. Bohem., l. 26.
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Mort de l'empereur Sigismond.
Les Hongrois se divisent entre deux rois.
Le 9 décembre de la même année (1437) l'empereur Sigismond, roi de Hongrie et de Bohême, mourut à Znaïm, à l'âge de soixante-dix ans, après en avoir régné cinquante et un comme roi de Hongrie, vingt-sept comme empereur et dix-sept comme roi de Bohême. Sa seconde épouse, l'impératrice Barbe, suivant les historiens la plus indigne femme qui, de mémoire d'homme, fût montée sur le trône, termina en 1457 sa vie libertine et honteuse dans une petite ville de Bohême.
Sigismond avait de grandes qualités et des vertus vraiment royales ; mais il fut plus illustre par ses malheurs que par ses exploits. S'il fit de belles actions il fit aussi de grandes fautes, qui lui attirèrent bien des infortunes. Ce qui lui manquait le plus c'était la maturité, la suite et la fermeté dans ses conseils.
Sigismond laissait une fille unique, Élisabeth, qui avait épousé Albert, duc d'Autriche, descendant de Rodolphe de Habsbourg. Albert reçut, à la mort de son beau-père, trois couronnes dans le cours de 1438 : celle de Hongrie, le 1er janvier, celle de l'empire, le 30 mai, après une élection unanime faite le 20 mars précédent à Francfort, et celle de Bohême, le 29 juin suivant. Surnommé le Grave et le Magnanime, il promettait un bon règne; mais il ne jouit pas longtemps de ses dignités ; il mourut dès le 27 octobre de l'année suivante (1439). Élisabeth, sa femme, ne lui survécut que trois ans et mourut le 20 décembre 1442. Son cousin, le duc d'Autriche, Frédéric IV ou III, fut élu empereur le 2 février 1440, pour régner jusqu’à la fin du quinzième siècle.
Élisabeth, veuve d'Albert II, était enceinte à la mort de son époux. Les seigneurs de Hongrie, dans le doute si elle mettrait un fils au monde, offrirent la couronne de saint Étienne à Ladislas, roi de Pologne, qui l'accepta.
Cependant, le 23 février 1440, Élisabeth accoucha d'un fils, qui fut également nommé Ladislas. Le quatrième mois après sa naissance elle le fit couronner roi de Hongrie, puis l'emmena en Autriche. Les Hongrois se divisèrent en deux partis et se firent la guerre.
Ladislas, autrement Uladislas VI, roi de Pologne, avait succédé en l'an 1434 à son père, Uladislas V, le même que le célèbre Jagellon, de grand-duc de Lithuanie devenu roi de Pologne par son mariage avec la reine Hedwige. Jagellon ou Ladislas V avait de grandes qualités, mais aussi de grands vices…
A suivre : Sbinko, évêque de Cracovie. Son amitié et sa sévérité pour Jagellon, roi de Pologne.
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Sbinko, évêque de Cracovie.
Son amitié et sa sévérité pour Jagellon, roi de Pologne.
Jagellon ou Ladislas V avait de grandes qualités, mais aussi de grands vices ; il trouvait un censeur inexorable dans l'intrépide évêque de Cracovie, nommé Sbinko. L'an 1434, cet évêque, sur le point de partir pour le concile de Bâle comme ambassadeur du roi, lui adressa la remontrance qui suit, et qui fait assez connaître le caractère de l'un et de l'autre :
« Je suis dans une grande inquiétude, lui dit-il, sur le témoignage que je pourrai rendre de vos mœurs à l'Église universelle dans le concile, qui ne manquera pas de m'interroger là-dessus. Je sais que vous êtes un prince doux, dévot, libéral, patient, humble et clément; mais vous avez des vices qui offusquent ces vertus et qui même les égalent, car vous passez la nuit dans la débauche et la plus grande partie du jour dans le sommeil. Vous n'entendez souvent la messe qu'à la fin du jour. Vous opprimez tellement les églises et les monastères que souvent les ecclésiastiques et les religieux sont obligés de les abandonner, et sous ce prétexte vous confisquez les biens de l'Église. A l'égard de votre cour, qui est-ce qui pourrait en souffrir les excès? Tout le monde se plaint d'en être accablé. On y vit sans règles et sans lois ; une avarice insatiable porte vos courtisans aux exactions les plus onéreuses. Vous faites faire à votre gré à la monnaie des changements qui ruineront à la fin le royaume. Vous n'écoutez ni la veuve, ni l'orphelin, ni les opprimés. Il y a ici présents plusieurs de vos sujets sur le bien desquels vous avez porté vos mains avares sous de vains prétextes et sans les avoir entendus.»
Après lui avoir fait d'autres reproches il finit en ces termes : …
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Re: Réunion des Chrétiens d'Orient avec l'Église romaine sous le Pape Eugène IV.
A suivre : État de la Bohême après la mort de l'empereur Albert II, et sous l'administration de Georges Podiébrad.Sbinko, évêque de Cracovie.
Son amitié et sa sévérité pour Jagellon, roi de Pologne.
(suite)
Après lui avoir fait d'autres reproches il finit en ces termes : « Depuis que, de votre sujet, je suis devenu votre père, je vous ai souvent averti de toutes ces choses, tant en particulier qu'en présence de témoins, vous sollicitant instamment de changer de vie avant votre mort, qui sans doute n'est pas éloignée, et de quitter vos anciennes superstitions, dont j'ai honte de parler à présent, que je suis sur mon départ, et que, comme j'ai lieu de le croire, je ne vous verrai plus dans cette vie, j'ai voulu vous adresser cette censure publique pour le bien de votre âme, pour votre honneur et pour satisfaire à mon devoir. 0 roi ! je voudrais bien aussi vous complaire ; mais j'aime mieux votre salut et celui de la république, quand même vous devriez m'en haïr. Que si vous persistez dans votre conduite, je vous déclare que je suis résolu à lancer contre vous les censures de l'Église, afin de vous dompter par la verge apostolique si je ne puis vous ramener par des exhortations paternelles. »
Les conseillers du roi et d'autres seigneurs qui étaient présents applaudirent fort à ce discours. Il n'en fut pas de même du roi ; il entra dans une telle fureur qu'il ne menaçait pas de moins que de pendre le prélat. Cependant il en revint et témoigna même ce retour avant sa mort par plusieurs restitutions considérables. Il mourut le 31 mai de la même année 1434, à l'âge de quatre-vingts ans. En mourant il donna une belle marque de son bon naturel et de son repentir lorsque, tirant de son doigt un anneau que la reine Hedwige lui avait donné en foi de mariage, et qu'il avait toujours porté, il ordonna à l'un de ses chambellans d'en faire présent de sa part à Sbinko, évêque de Cracovie, de le prier de le porter en mémoire de lui et de lui pardonner ses emportements lorsqu'il l'avait si justement repris (1).
Après la mort de l'empereur Albert II……
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(1). Dlugos, Historia Poloniæ
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Re: Réunion des Chrétiens d'Orient avec l'Église romaine sous le Pape Eugène IV.
État de la Bohême après la mort de l'empereur Albert II, et sous l'administration de Georges Podiébrad.
Après la mort de l'empereur Albert II les états de Bohême, divisés entre les catholiques et les Hussites, voulurent d'abord pourvoir à la régence ; mais la reine Elisabeth, veuve d'Albert, obtint d'eux qu'ils attendraient ses couches. Lorsque Ladislas fut né, les états, surtout les Hussites, déclarèrent qu'ils ne voulaient point d'un enfant pour roi ; ils offrirent la couronne à Albert, duc de Bavière, qui la refusa. L'empereur Frédéric, auquel ils firent ensuite la même offre, répondit qu'il voulait conserver à Ladislas les royaumes de ses pères, la Bohême et la Hongrie. Les Bohémiens nommèrent deux administrateurs pendant la minorité ; Praczeck fut choisi par les Hussites ou calixtins, et Meinard de Maison-Neuve par les catholiques.
Georges de Podiébrad, étant parvenu, l’an 1444, à l'une de ces places, s'empara de toute l'autorité pendant la minorité de Ladislas, et par là se fraya la route du trône après la mort de ce prince. L'an 1453 Ladislas arrive de Hongrie en Bohême, où il est couronné le 28 octobre, après avoir juré une capitulation favorable aux Hussites. Podiébrad se fait confirmer par ce prince dans la dignité de gouverneur du royaume.
L'an 1457 Ladislas envoie des ambassadeurs à Charles VII, roi de France, pour lui demander sa fille Madeleine en mariage ; mais, avant que la princesse se mît en route pour la Bohême, Ladislas mourut, le 23 novembre 1457, à l'âge de dix-huit ans. Sa mort fut attribuée à Podiébrad et à Roquesane (1).
Depuis la mort de l'empereur Albert II, en 1439, jusqu'à l'an 1447……
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(1) Art de vérifier les dates.
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Re: Réunion des Chrétiens d'Orient avec l'Église romaine sous le Pape Eugène IV.
A suivre : Légation d'Ænéas Sylvius en Bohême pour ramener les Hussites. Tableau qu'il en fait.
État de la Bohême après la mort de l'empereur Albert II, et sous l'administration de Georges Podiébrad.
(suite)
Depuis la mort de l'empereur Albert II, en 1439, jusqu'à l'an 1447, où Georges Podiébrad devint l’unique administrateur du royaume, la Bohême fut assez tranquille quoiqu'elle n'eût ni roi ni archevêque. Une terrible peste contribua pour sa part à cette tranquillité.
Quant à la religion il y eut plusieurs conférences et discussions entre les calixtins et les taborites. Les premiers, ayant Roquesane à leur tête, se montraient catholiques pour le dogme ; les taborites, au contraire, se montraient crûment sectateurs de l'impie Wiclef, niant l'autorité doctrinale de l'Église et de son chef visible, niant l'efficacité des sacrements et n'y voyant que de simples signes; ne reconnaissant encore que deux de ces sacrements, le baptême et la Cène ; dans celle-ci niant la présence réelle de Jésus-Christ, niant le saint sacrifice de la messe, niant le purgatoire, repoussant la prière pour les morts et le culte des saintes images (2).
Roquesane combattait ces impiétés, mais sans s'unir assez franchement aux catholiques. En 1447 le cardinal Carvajal, légat d'Eugène IV, puis de Nicolas V, fit son entrée à Prague et y fut reçu avec de grands honneurs. Les calixtins lui demandèrent Roquesane pour archevêque ; il répondit d'une manière évasive. La même année, après le départ du légat, l'un des gouverneurs du royaume, Georges Podiébrad, ayant fait périr par une conspiration son collègue Meinard de Maison-Neuve, s'empara de toute l'autorité.
Roquesane fut rétabli de fait dans l'administration de l'archevêché (1) ; il promit de se soumettre à l'autorité du Pape, dans l'espérance d'obtenir ses bulles d'archevêque. Ne les recevant pas et s'étant même brouillé avec le cardinal-légat, il résolut de rompre tout à fait avec l'Église romaine et de rechercher l'union de l'Église grecque. L'Église de Constantinople, dans une lettre où elle s'intitule mère et maîtresse de toutes les Églises, fit une réponse favorable, déclamant contre les innovations de l'Église romaine et promettant aux Bohémiens de leur envoyer des pasteurs légitimes et exemplaires. Cette lettre est de 1451, deux ans avant que Constantinople fût prise par les Turcs et devînt la capitale de l'empire antichrétien de Mahomet (2).
Cependant Georges Podiébrad se rapprocha de l'empereur Frédéric, lui rendit même des services, et ils vécurent en bonne intelligence depuis cette année 1451.
Ænéas Sylvius , depuis Pape sous le nom de Pie II…
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(2). Lenfant, Hist. de la guerre des Hussites, l. 20, etc. — (1). Lenfant, l. 22 — (2). Id. , l, 23, n. 2 et 3.
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Re: Réunion des Chrétiens d'Orient avec l'Église romaine sous le Pape Eugène IV.
Légation d'Ænéas Sylvius en Bohême
pour ramener les Hussites.
Tableau qu'il en fait.
Ænéas Sylvius, depuis Pape sous le nom de Pie II, avait été envoyé en Bohême pour travailler à la conversion des taborites. Se trouvant dans le cas de passer la nuit en pleine campagne, il résolut avec ses collègues de se rendre à la ville de Tabor. Informés de leur arrivée les taborites allèrent au-devant d'eux et les reçurent avec joie.
« C'était, dit-il, un spectacle curieux de voir ce peuple rustique et grossier, qui voulait pourtant paraître civil. Les uns étaient nus et en chemise, quoiqu'il fît alors très-froid et qu'il plût beaucoup ; les autres avaient des pelisses ; quelques-uns étaient à cheval à nu, d'autres sans brides, d'autres sans éperons. Il y en avait de bottés et d'autres qui n'avaient point de bottes. L'un était borgne, l'autre manchot. Ils marchaient pêle-mêle et parlaient rustiquement. Ils nous offrirent pourtant des rafraîchissements, comme du poisson, du vin et de la bière. Nous entrâmes ainsi dans Tabor, que je ne saurais mieux désigner qu'en rappelant le boulevard et l'asile des hérétiques ; car c'est là le rendez-vous et la ressource de tous les monstres d'impiété et de blasphèmes qui se peuvent rencontrer dans la chrétienté. Là vous voyez autant d'hérésies que de têtes, et il est permis de croire tout ce qu'on veut.
« Au commencement les taborites voulaient suivre les mœurs de la primitive Église et avoir tout en commun ; ils s'appelaient frères, et ce qui manquait à l'un lui était fourni par l'autre. A présent chacun vit pour soi; l'un a faim, l'autre s'enivre. La ferveur de la charité se refroidit, et on se lassa bientôt d'imiter ce modèle. Les premiers chrétiens, qui jetèrent les fondements de l'Église, faisaient part à leurs frères de ce qu'ils avaient en propre ; ils ne prenaient du bien d'autrui que ce qu'on leur donnait par charité et pour l'amour de Jésus-Christ; mais les taborites pillent les héritages des autres ; ils n'ont de commun entre eux que ce qu'ils prennent de vive force. Encore n'ont-ils pas vécu longtemps sur ce pied-là; retournés à leur naturel, ils sont tous avares. Comme ils ne peuvent plus exercer de rapines, parce qu'étant fort affaiblis ils redoutent leurs voisins, ils s'adonnent au négoce et à des gains sordides. Il y a bien dans cette ville quatre mille habitants qui pourraient porter les armes ; mais, ayant appris des métiers, ils gagnent leur vie à faire des étoffes de fil et de laine, et on les croit peu propres à la guerre. D'abord ils n'avaient point de biens en fonds de terre ; mais ils s'emparèrent de ceux des monastères et de la noblesse, et Sigismond, peut-être contre tout droit divin et humain, les leur a adjugés à perpétuité.
« Je viens de vous raconter, continue Ænéas Sylvius…
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Légation d'Ænéas Sylvius en Bohême
pour ramener les Hussites.
Tableau qu'il en fait.
(suite)
« Je viens de vous raconter, continue Ænéas Sylvius écrivant au cardinal Carvajal, ce que c'est que cette ville, les mœurs de ce peuple, ce sénat d'hérétiques, cette synagogue de méchanceté, ce domicile de Satan, ce temple de Bélial et ce royaume de Lucifer. Ce fut lorsque j'y passai la nuit que j'appris de mon hôte tout ce que je viens de vous raconter. Je l'exhortais à renoncer à de si grandes erreurs ; il n'était pas tout à fait indocile, et il ne rejetait pas mes remontrances. Il avait dans la chambre où il couchait des images de la bienheureuse Vierge et de Jésus-Christ, auxquelles il rendait son culte en cachette. Je crois qu'il se convertirait s'il ne craignait de perdre ses biens ; car il est riche; mais la plupart aiment mieux perdre leur âme que leur bien, et l'argent en fait périr un grand nombre, selon la parole du Sauveur.
« Le lendemain les magistrats de cette sordide ville nous vinrent trouver et nous remercièrent de notre visite. Comme je jugeais bien qu'ils étaient plus civils en paroles qu'en effets, je dis à mes collègues :
« Nous avons mal fait d'avoir communication avec une race criminelle et ennemie de Dieu. Je ne croyais pas trouver tant et de si grandes erreurs que j'y en ai trouvé. Je croyais que ce peuple n'était séparé de nous que par la communion sous les deux espèces ; mais à présent je sais par expérience qu'il est hérétique, infidèle, rebelle à Dieu et sans religion. C'est pourquoi, si nous voulons décharger nos consciences, il faut parler de manière qu'ils ne puissent pas croire que nous approuvons leur conduite, ni se vanter que les ambassadeurs du roi des Romains ont eu communication avec eux. »
L'un de mes collègues approuva la proposition ; mais les Autrichiens, timides comme des lièvres, n'y voulurent pas consentir, quoique je me proposasse de leur parler d'une manière qui ne les aurait point irrités. Il fallut nous retirer, et sans faire le service divin, quoiqu'il fût dimanche, de peur de communiquer avec des hérétiques (1). »
Ænéas Sylvius se rendit à la diète de Bohême…
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(1). Lenfant, Hist. de la guerre des Hussites, l. 23, n. 7.
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Re: Réunion des Chrétiens d'Orient avec l'Église romaine sous le Pape Eugène IV.
Légation d'Ænéas Sylvius en Bohême
pour ramener les Hussites.
Tableau qu'il en fait.
(suite)
Ænéas Sylvius se rendit à la diète de Bohême, qui se tenait, non point à Prague, où régnait la peste, mais dans une autre ville. Il y eut une longue conférence avec Georges Podiébrad sur les difficultés qui empêchaient la parfaite réunion des calixtins avec les catholiques. Les premiers accusaient les seconds de violer le concordat, mais c'étaient eux-mêmes qui le violaient ; car, non contents de communier sous les deux espèces, ils prétendaient que cela était nécessaire au salut, ce qui était violer le concordat dans son article principal et avancer une erreur contre la foi.
Une autre difficulté était Roquesane, que les calixtins voulaient avoir pour archevêque, mais dont l'élection n'était pas canonique, non plus que les mœurs. Ænéas Sylvius répondit là-dessus :
« Vous avez promis dans le concordat de vous en tenir aux usages de l'Église universelle, sauf la communion sous les deux espèces. Or l'usage de l'Église latine, dont vous êtes membres, est que les archevêques soient élus par les chapitres des églises, pour être confirmés par l'autorité apostolique, ou que le Pontife romain pourvoie lui seul aux églises vacantes. Mais vous voulez introduire un autre usage et une nouvelle méthode ; quand une église vient à vaquer vous faites l'élection par le peuple, et, quoique ce soit à l'Église à examiner celui qui doit être élu, et au Pape à approuver l'élection, si on ne vous donne pas Roquesane, vous n'en voulez point d'autre. N'est-ce pas là violer les traités ?
« D'ailleurs l'Apôtre avertit de ne pas choisir de néophyte pour évêque, de peur que…
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Légation d'Ænéas Sylvius en Bohême
pour ramener les Hussites.
Tableau qu'il en fait.
(suite)
« D'ailleurs l'Apôtre avertit de ne pas choisir de néophyte pour évêque, de peur que, enflé d'orgueil, il ne tombe dans la condamnation du diable. Or votre Roquesane n'est pas, à la vérité, novice dans la foi, car il n'en a point, mais il blâme hautement le Siège apostolique dans ses sermons. En soutenant, comme il fait, la nécessité de la communion sous les deux espèces, il taxe d'erreur toute l'Église. Il prétend tenir des vérités que l'Église romaine conteste; mais c'est un imposteur, et la vérité n'est point en lui. Il s'est mis de son propre mouvement à la tête des téméraires habitants de Prague, sans nulle vocation divine et sans aucune ordination. Il prend le nom d'évêque et en usurpe l'office, malgré le Vicaire de Jésus-Christ. Sa doctrine gagne comme une gangrène et verse dans les âmes un poison mortel. Ce n'est pas la chaire pontificale, c'est la chaire de pestilence qu'occupe votre Roquesane, qui est un maître sophiste et un franc séducteur. Il a laissé la fontaine d'eau vive pour se creuser des citernes rompues qui ne contiennent pas d'eau. Je vous parle à cœur ouvert. Comment le Pontife romain pourrait-il confier une si grande Église à l'ennemi de toute l'Église, qui veut y introduire des pratiques nouvelles, qui refuse de se soumettre à aucun examen, qui veut commander à tous et ne dépendre de personne, et qui trouble la paix par la fureur de la discorde ? N'est-ce pas mettre le loup dans la bergerie ? Que penseraient de nous les autres habitants du royaume, qui sont demeurés inébranlables dans la foi de l'Église romaine ? Si le Pape consentait à l'élection de Roquesane ils lui tiendraient sans doute ce langage : « Saint-Père, à qui nous confiez-vous ? Entre les mains de qui nous mettez-vous ? Nous vous avons été fidèles, et vous mettez nos âmes à la boucherie. N'y a-t-il personne parmi nous que vous puissiez nous donner pour archevêque ? Nous sommes encore en grand nombre dans le royaume, tant de la noblesse que du peuple. A quoi nous a servi notre fidélité et notre constance si vous nous préférez nos ennemis et les vôtres ? Les autres auront un archevêque qui les communiera sous les deux espèces, et nous, qui communions sous une seule, nous serons laissés orphelins ? »
A la fin de la conférence Ænéas Sylvius conseilla à Podiébrad de s'adresser pour le reste à saint Jean de Capistran, qui devait arriver sous peu dans la Bohême. Podiébrad répondit : « Dès que j'ai ouï parler de Jean de Capistran j'ai résolu par avance de faire ce que vous me conseillez; car je ne présume pas trop de moi-même, et je ne me fie pas non plus tout à fait à nos prêtres. Mais je prends congé de vous; le temps m'appelle à d'autres affaires. »
Par complaisance pour un seigneur qui raccompagnait Ænéas Sylvius repassa par la ville de Tabor. A peine fut-il descendu chez son ancien hôte que les prêtres taborites de la ville, avec plusieurs écoliers et bourgeois qui savaient le latin, vinrent le trouver et le prièrent de vouloir bien leur adresser quelques paroles de consolation. Il leur répondit :
« Puisque vous souhaitez quelque consolation de moi, il faut que vous soyez pressés de quelque mal. On ne console pas les gens heureux, mais ceux qui sont dans l'affliction et dans la misère. Or, comme je vois que votre ville est abondamment pourvue de biens temporels, que vous avez la paix avec vos voisins et que vous jouissez d'une bonne santé, je ne comprends pas que vous ayez besoin de consolation, si ce n'est peut-être que vous êtes chancelants dans la foi et que vos doutes vous inquiètent, ce qui est assez vraisemblable. Car, comme vous différez de l'Église universelle en plusieurs choses, il faut nécessairement que votre foi soit chancelante et que vos esprits soient troublés par des doutes. C'est donc là-dessus que rouleront mes consolations.
« Les doutes que vous avez viennent apparemment de l'Écriture sainte; car…
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pour ramener les Hussites.
Tableau qu'il en fait.
(suite)
« Les doutes que vous avez viennent apparemment de l'Écriture sainte; car elle n'est jamais si claire qu'elle ne soit susceptible de divers sens, et c'est de là que sont venus la plupart des schismes qui ont eu lieu dans l'Eglise dès son commencement; Mais Dieu savait ce qui devait arriver ; c'est pour cela que, quand il a donné sa loi à son peuple, article par article, par son serviteur Moïse, prévoyant qu'il y aurait des gens qui donneraient à ses lois des sens différents de l'intention de là loi même, afin de pourvoir au salut de la postérité et d'aller au-devant des hérésies, il éleva sur la terre un tribunal souverain, auquel seraient portées toutes les grandes causes et qui déciderait tous les doutes (1). C'est par cette précaution que Dieu voulût empêcher que, parmi l'ancien peuple, il ne s'élevât personne qui, séduit par ses propres opinions, donnât lieu à des schismes et fît entrer des religions étrangères dans l'Église.
« Mais Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Législateur de la nouvelle loi, le Docteur de la vérité, l'Auteur du salut, n'a pas non plus omis le recours et le refuge à un tribunal ssuprême sur la terre; car il a élu saint Pierre, et, dans sa personne, tous les évêques du siège de Rome, qui, après son ascension, ont été ses vicaires et ont tenu la première place dans l'Église. Quand il lui a promis les clefs du royaume des cieux et le pouvoir de lier et de délier ; quand il lui a commis la conduite de son troupeau, en lui disant : Pais mes brebis , pourquoi a-t-il fait cela ? Qu'était-il besoin alors que Pierre fût le pasteur, qu'il tînt les clefs du royaume, qu'il eût la primauté, qu'il exerçât le vicariat, sinon pour ramener les errants, pour instruire les ignorants, pour raffermir les timides, pour chasser les opiniâtres, pour subvenir aux fidèles et combattre les hérétiques?
« Si nous étions tels que nous devrions être nous verrions par nous-mêmes la vérité…
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(1). Deutéron., 17,12.
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Légation d'Ænéas Sylvius en Bohême
pour ramener les Hussites.
Tableau qu'il en fait.
(suite)
« Si nous étions tels que nous devrions être nous verrions par nous-mêmes la vérité, nous la suivrions, et nous n'aurions pas besoin de lois ni de maîtres; mais, parce qu'il s'élève des esprits pernicieux, qui sèment des doctrines empoisonnées et qui versent des venins mortels dans les âmes crédules, il a fallu ériger un tribunal suprême, qui distinguât entre la lèpre et la lèpre. Or c'est ce qui se trouve dans le Siège apostolique, que le Seigneur a établi, et non aucun autre, pour être le pivot et le chef des fidèles ; et, comme la porte tourne sur les gonds, ainsi sont gouvernées les Églises par l'ordre du Seigneur. Et pour me servir des paroles du saint Pape Calixte : « Personne ne doute que l'Église romaine ne soit la mère de toutes les Eglises, des règles de laquelle il ne nous est pas permis de nous écarter. »
« C'est pourquoi, ô taborites, si vous êtes dans quelque doute sur la foi, consultez l'Église romaine, écoutez le vicaire de Jésus-Christ. Faites tout ce que vous diront ceux qui président dans le lieu que le Seigneur a choisi. Dites avec Isaïe : « Venez, montons à la montagne du Seigneur et à la maison du Dieu de Jacob; il nous enseignera ses voies et nous marcherons dans ses sentiers. » Quelle est la montagne du Seigneur, sinon le Siège apostolique? Quelle est la maison de Dieu, sinon l'Église ? Quel lieu a été choisi par le Seigneur, sinon Rome, qui a été consacrée par le martyre de saint Pierre et de saint Paul? Pierre s enfuyait de Rome, craignant la mort; il rencontra le Seigneur et lui dit : «Seigneur, où allez-vous? — Je vais à Rome, lui dit le Seigneur, pour être crucifié encore une fois. » Ainsi Pierre, retourné à Rome, y érigea la chaire du souverain pontificat où il a été crucifié. C'est donc là qu'il faut puiser la doctrine du Seigneur; c'est de là que viennent les eaux salutaires ; c'est là que bouillonne la fontaine scellée d'où coulent les eaux vives. C'est le jardin fermé, c'est l'arche du Seigneur, hors de laquelle il n'y a point de salut. N'ayez pas honte, ô taborites ! de vous en rapporter au Siège apostolique sur votre foi. Quoique saint Paul eût une vocation céleste et qu'il eût été mis à part pour l'Évangile de Jésus-Christ, il ne voulut pas prêcher l'Évangile sans la participation de Pierre et des autres apôtres (1). Et saint Jérôme, si plein de doctrine et qui n'ignora rien, écrivant au Pape Damase : « C'est là, dit-il, bienheureux Pape, la doctrine que j'ai apprise dans l'Église et que j'ai toujours tenue. S'il y a quelque chose à y redire je désire être corrigé par vous, qui avez la foi et le mérite de saint Pierre. » Je vous exhorte à faire la même chose. Montrez-vous, ainsi que votre doctrine, au Pontife de Rome. Faites ce qu'il vous dira, sans vous détourner ni à droite ni à gauche. C'est par là que vous pourrez vous assurer le repos et le salut de vos âmes. »
Ænéas Sylvius ayant ainsi parlé, un certain Nicolas, que les taborites appelaient évêque, répondit : ……
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(1) Galat., 2, 1 et 2.
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pour ramener les Hussites.
Tableau qu'il en fait.
(suite)
Ænéas Sylvius ayant ainsi parlé, un certain Nicolas, que les taborites appelaient évêque, répondit : « Nous obéirions à la majesté apostolique et nous lui serions parfaitement soumis si elle n'était pas contraire à la loi divine. — On ne trouvera pas, reprit Ænéas, que jamais le Siège apostolique ait erré dans ce qui regarde la foi ni qu'il ait acquiescé à de fausses doctrines. » Un autre taborite insista : « Mais l'affaire d'Agnès ne fut-elle pas une erreur manifeste ? » Il voulait parler de la papesse Jeanne. Ænéas fit observer que l'histoire n'était pas certaine, et que, d'ailleurs, c'eût été une erreur de fait et non de droit.
Le plus long de la conférence fut la communion sous les deux espèces. Les taborites la prétendaient ordonnée par l'Évangile et par conséquent nécessaire; Ænéas fit voir que leur prétention n'était fondée ni sur le texte sacré ni sur la tradition de l'Église. Si Jésus-Christ avait ordonné aux laïques de prendre le calice, cela eût été révélé non-seulement aux Bohémiens, mais à toutes les nations du monde, depuis tant de siècles ; mais aucune école ne le tient, aucune ville ne l'approuve, et, hors de la Bohême, aucun collège ne l'enseigne. « Ce serait merveille si, avec vos grands repas, vos vins mêlés de bière, et en dormant la grasse matinée, vous entendiez mieux l'Écriture que les autres avec leurs jeûnes et leurs veilles. »
« Vous nous accusez mal à propos, répliqua l'un d'eux ; car ce n'est pas notre propre doctrine que nous suivons, c'est celle des apôtres et des Grecs. »
« Mais, repartit Ænéas, ceux-là n'ont pas dit que les peuples qui ne reçoivent pas le calice fussent damnés. D'ailleurs il ne faut point que la Grèce vous fasse illusion ; car, quoique les Grecs n'errent pas en suivant l'ancienne pratique, cela ne doit pas vous excuser, vous qui, étant nés et ayant été élevés sous les Latins, rejetez de votre propre autorité un rite pur, louable et sûr de l'Église romaine, vous rendant ainsi coupables de transgresser une ordonnance ou une coutume établie par un long usage.
« De plus, je ne sais ce qui peut vous porter à vouloir plutôt imiter en cela l'Église grecque que l'Eglise latine. Le sénat latin agit certainement plus purement, plus raisonnablement et avec plus de sûreté et de prudence que le sénat grec; car le premier a défendu le calice pour trois raisons : la première, de peur que le simple peuple ne croie que Jésus-Christ n'est contenu que sous les deux espèces, et non sous chacune d'elles; la seconde, de peur qu'un corps liquide ne fût répandu à terre en le prenant avec la main. On dit que cela est arrivé à Prague, où un enfant à peine âgé d'un an, que l'on voulait communier, arracha le calice de la main d'un prêtre imprudent et répandit le Sacrement à terre. La troisième raison est de remplir la figure de l'ancienne loi. Quoiqu'elle ordonnât de faire part du sacrifice au peuple, les libations étaient néanmoins réservées aux sacrificateurs et aux lévites.
« Quel sujet avez-vous, au reste, de tant louer l'Église grecque ?...
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Re: Réunion des Chrétiens d'Orient avec l'Église romaine sous le Pape Eugène IV.
Légation d'Ænéas Sylvius en Bohême
pour ramener les Hussites.
Tableau qu'il en fait.
(suite)
« Quel sujet avez-vous, au reste, de tant louer l'Église grecque ? Ne voyez-vous pas que l'Église latine est beaucoup plus florissante qu'elle ? La nôtre domine au long et au large ; l'autre est sous la domination des mahométans. L'une est gouvernée par un seul chef; l'autre est déchirée par plusieurs schismes. L'une est ornée de temples magnifiques ; l'autre est dénuée de toute splendeur. L'une a toujours enseigné une sainte doctrine; l'autre a donné dans plusieurs erreurs.
Si donc, conclut enfin Ænéas, vous voulez recevoir les consolations de l'Esprit, si vous aimez le repos, si vous cherchez la vérité, si vous voulez gagner vos âmes, écoutez la Chaire apostolique, suivez ses traditions, honorez-la comme la chaste épouse du Christ, la colombe très-pure et très-blanche dont sort le rameau d'olivier qui promit la paix aux hommes de bonne volonté et menace de faire la guerre aux superbes. »
« Après ce discours, continue Ænéas dans son récit, un des principaux taborites s'approcha de moi et me dit avec beaucoup d'arrogance : « Pourquoi nous exaltez-vous si fort le Siège apostolique ? Nous savons fort bien que le Pape et les cardinaux sont esclaves de l'avarice, gens impatients, enflés, gonflés, abîmés dans l'intempérance et dans l'incontinence, ministres de toutes sortes de crimes, prêtres du diable et précurseurs de l'Antéchrist, dont le dieu est le ventre et dont l'argent est le ciel. »
Or cet homme étouffait de graisse et offrait une large corpulence. Je le regardai, et, mettant tout doucement la main sur son ventre, je lui dis en riant : « Je le vois bien, vous macérez beaucoup votre corps par vos jeûnes. » Tout le monde se mit à rire et à se moquer de lui. Pour moi, comme je voyais bien que ces prêtres-là m'étaient plutôt venus trouver pour disputer que pour s'instruire, je terminai là nos entretiens et mis fin à la dispute; car il me semblait plus aisé d'apaiser à force de clameurs les flots de la mer irritée que de réprimer par des discours la rage de ces gens-là (1). »
Ce fut cette même année (1451) que, par l'avis d'Ænéas Sylvius, le Pape envoya en Allemagne et en Bohême saint Jean de Capistran…
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(1) Lenfant, 1. 23.
A suivre : Saint Jean de Capistran vient y travailler également, et avec grand succès.
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Re: Réunion des Chrétiens d'Orient avec l'Église romaine sous le Pape Eugène IV.
Saint Jean de Capistran vient y travailler également, et avec grand succès.
Ce fut cette même année (1451) que, par l'avis d'Ænéas Sylvius, le Pape envoya en Allemagne et en Bohême saint Jean de Capistran, avec la qualité de nonce apostolique et d'inquisiteur général de l'hérésie dans la Styrie, la Carinthie, l'Autriche et les pays environnants. Il fut reçu partout non-seulement comme un légat, mais comme un envoyé du Ciel. Le clergé allait en procession au-devant de lui, portant la bannière et les reliques des saints. Il traversa toute l'Allemagne, où tout le monde courait à ses prédications ; il les faisait en latin, mais un interprète les expliquait en allemand. Les gens se convertissaient à entendre seulement le son de sa voix et à voir ses gestes, tant ils étaient significatifs. D'ailleurs sa prédication était appuyée des miracles les plus éclatants. « Il rendait, dit l'historien Dlugos, la vie aux morts, la vue aux aveugles, la parole aux muets ; il faisait marcher les boiteux et guérissait les paralytiques (1). »
Comme la conversion des Bohémiens était son principal objet, il alla de Vienne en Moravie, où il reçut à peu près le même accueil qu'on lui avait fait partout. Il demeura environ deux mois à Olmutz, capitale de cette province, et y fit de grands progrès. L'affluence était si grande à ses sermons pour l'entendre qu'il fut obligé de prêcher dans les places publiques. Il avait deux interprètes, l'un bohémien, l'autre allemand. Ses sermons tendaient principalement à persuader que la communion sous les deux espèces n'était pas nécessaire et que Jésus-Christ ne l'avait pas commandée. Voici comment il s'en explique lui-même dans une lettre à l'université de Vienne : « Dès que je suis entré en Moravie, j'ai, selon mon devoir, combattu de toutes mes forces les damnables hérésies des Bohémiens. Je n'ai pu être détourné de la prédication ni par menaces ni par aucune crainte. J'ai parlé ouvertement en public, et j'ai réfuté de toute ma force l'opinion de ceux qui disent que la communion sous les deux espèces est nécessaire ; ce qui m'a si bien réussi que non-seulement les barons et les gentilshommes, mais aussi les prêtres, ont abjuré, au nombre de plus de quatre mille, toutes les erreurs des Hussites, sans parler de la conversion de plusieurs sujets des barons (2). »
Un autre historien morave nomme, entre les prosélytes de saint Jean de Capistran, un seigneur de grande autorité, nommé Wenceslas de Boscowicz, qui abjura Jean Hus, avec deux mille de ses sujets (3).
Cette espèce de révolution en Moravie ne donnait pas peu d'inquiétude à Roquesane ; il craignait, non sans fondement, que saint Capistran ne fît les mêmes progrès en Bohême, que la communion du calice ne fût abolie et que l'archevêché de Prague ne lui manquât. Poussé par les principaux de son parti, il proposa une conférence au saint missionnaire, qui accepta et se trouva au rendez-vous; mais Roquesane n'y vint pas, et paraît avoir été d'intelligence avec Podiébrad pour y mettre obstacle. Saint Jean de Capistran y suppléa par un écrit (1).
Une chose qui dut entraver singulièrement la parfaite soumission des Bohémiens à l'Église et au Pape, ce fut le mauvais exemple du concile de Bâle; car, au lieu de donner à tous les peuples chrétiens le spectacle édifiant d'une concorde filiale avec le chef certain et légitime de l'Église universelle, cette assemblée téméraire leur donna le scandale d'une rébellion opiniâtre et d'un nouveau schisme.
Le Pape Martin V était mort le 20 février 1431……
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(1). Dlugos, l. 13. — (2). Czechor. Mars Morav.. — (3). Du-brav.,1. 29. — (1) Cochlæus, 1. 10.
A suivre : Élection d’Eugène IV. Ses commencements.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Réunion des Chrétiens d'Orient avec l'Église romaine sous le Pape Eugène IV.
A suivre : Vie de sainte Françoise, dame romaine. Ses vertus, ses miracles, ses révélations sur l'enfer, le purgatoire et le paradis. Elle fonde la congrégation des Oblates.
Élection d’Eugène IV. Ses commencements.
Le Pape Martin V était mort le 20 février 1431. Le 3 mars suivant les cardinaux élurent Gabriel Condolmerio, de Venise, cardinal-prêtre du titre de Saint-Clément, qui prit le nom d'Eugène IV et fut couronné le 11 du même mois. Il était neveu de Grégoire XII. Jeune encore, de concert avec Antoine Corrario, depuis cardinal de Bologne, il renonça au monde, distribua aux pauvres vingt mille écus d'or et entra au monastère de Saint-Georges, à Venise, où nous avons également vu entrer saint Laurent Justinien. Un jour qu'il faisait l'office de portier du monastère, un ermite se présenta, lui prédit qu'il serait cardinal, puis Pape, qu'il aurait beaucoup d'adversités dans son pontificat, qu'il en atteindrait la dix-huitième année et mourrait ensuite. Gabriel ne revit jamais cet ermite et ne sut qui il était (2).
Son oncle, Ange Corrario, étant devenu Pape, le nomma successivement protonotaire apostolique, préfet du trésor pontifical, évêque de Sienne, et enfin cardinal. Martin V lui confia le gouvernement de la Marche d'Ancône, avec la qualité de légat. Saint Antonin, qui écrivait alors, en fait ce portrait : « II était de grande et belle taille, d'un esprit non moindre, très-libéral envers les pauvres, allait jusqu'à la munificence pour la réparation des églises, affectionnait et favorisait de tout son cœur les bans religieux, plein de zèle pour la dilatation du culte divin et de la religion chrétienne (1).
Étant au conclave les cardinaux s'étaient engagés par serment à faire jurer au nouveau Pontife, avant qu'il fût ceint de la tiare, certains articles pour le bien de la monarchie ecclésiastique et la dignité des cardinaux. Le Pape élu devait promettre de rétablir la discipline ecclésiastique dans son ancienne intégrité, de ne pas transférer le Siège apostolique en divers lieux, de célébrer le concile œcuménique au lieu et au temps marqués, de ne proclamer de cardinaux que suivant le décret de Constance et avec l'assentiment de la majeure partie du sacré collège, à qui serait assignée la moitié des revenus de l'Église romaine. Eugène IV confirma cet engagement par une bulle du 12 mars 1431.
Il fit mieux; il exécuta sans délai ce qu'il avait promis. Jusqu'alors c'était la coutume de faire part de l'exaltation des Papes aux têtes couronnées par des nonces qu'on leur envoyait exprès. Ces commissions étaient fort briguées, à cause des présents considérables que faisaient les princes à ceux qui en étaient chargés. Le nouveau Pontife supprima cet usage, bien résolu d'en supprimer encore d'autres qui ressentaient trop le gain et l'intérêt, afin, dit-il, de délivrer son pontificat et la cour romaine de toute tache honteuse. Il se contenta donc de faire informer de son exaltation les rois et les princes souverains par les ministres qu'ils tenaient à sa cour. C'est lui-même qui s'en explique ainsi dans une lettre au roi Jean de Castille (2).
Rome admirait alors les vertus d'une sainte dame née dans cette ville…
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(2) Mai, Spicileg. Roman. , S. Vespaciano, p. 5. — (1). S. Anton., part. 3, t. 22, apud Raynald., ann. 1431, n. 3, — (2). Raynald, ann. 1431, n. 9.
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Re: Réunion des Chrétiens d'Orient avec l'Église romaine sous le Pape Eugène IV.
Vie de sainte Françoise, dame romaine.
Ses vertus, ses miracles,
ses révélations sur l'enfer, le purgatoire et le paradis.
Elle fonde la congrégation des Oblates.
Rome admirait alors les vertus d'une sainte dame née dans cette ville, en l'an 1384, de Paul de Buxo et de Jacqueline de Rofrédeschi, deux familles distinguées. Au baptême elle reçut le nom de Françoise.
Dès sa première enfance elle donna des marques étonnantes de pudeur virginale, pleurant quand elle n'était point assez couverte dans son berceau et souffrant avec peine d'être touchée par un homme, même par son père.
Dès qu'elle sut parler, la première chose qu'elle apprit fut de réciter l'Office de la sainte Vierge. Tranquille, humble et docile, enfant par l'âge, matrone par la sagesse, elle ne s'amusait à rien de puéril, ne cherchait point à savoir ou à redire de nouvelles ; mais, retirée dans l'intérieur de la maison, elle évitait la conversation des hommes afin de jouir plus commodément de celle de Dieu. Les yeux toujours modestement baissés, jamais elle ne perdait de vue la présence de Dieu et de ses anges. Ce que le travail et la prière lui laissaient de temps, elle l'employait à lire les vies des vierges illustres par leur .sainteté, dans le désir d'imiter leurs exemples.
A peine visible aux personnes de la maison hors des heures nécessaires, il n'est pas étonnant qu'elle fût inconnue du voisinage. Dès lors elle avait coutume de faire l'examen de toutes ses actions et d'expier par une sévère pénitence ce qu'elle trouvait avoir corn-mis de fautes. C'était merveille de voir avec quel respect et quelle soumission elle obéissait à son confesseur; il n'y avait qu'un point sur lequel elle était importune : qu'on lui permît de tourmenter son jeune corps par des pénitences au-dessus de son âge. Plus d'une fois il fallut condescendre à ses pieux désirs ; Dieu voulait de bonne heure former à la mortification celle qu'il destinait à une si haute sainteté.
Vivant ainsi à la maison comme une recluse, Françoise roulait dans son esprit le dessein de garder la virginité et de la consacrer à Dieu dans quelque monastère. Son confesseur lui conseilla d'y penser mûrement, de bien examiner le pour et le contre de chaque état, et d'essayer ses forces par quelque austérité secrète. Elle obéit et se rendit de Jour en jour plus affermie dans sa résolution. Elle s'en ouvrit à ses parents, qui en avaient déjà soupçonné quelque chose. Non-seulement ils n'y consentirent point, mais, comme elle avait passé douze ans, ils songèrent aussitôt à la marier. Sur les ordres formels de son père elle se résigna par obéissance, mais après avoir versé bien des larmes, et épousa Laurent de Ponzani, jeune seigneur romain dont la fortune égalait la naissance.
Peu après ses noces elle tomba grièvement malade. Elle dépérissait de jour en jour…
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