Rome souterraine.
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Rome Souterraine, p. 107.
LIVRE II
HISTOIRE DES CATACOMBES
CHAPITRE PREMIER
LES CATACOMBES PENDANT
LES DEUX PREMIERS SIÈCLES
(suite)
HISTOIRE DES CATACOMBES
CHAPITRE PREMIER
LES CATACOMBES PENDANT
LES DEUX PREMIERS SIÈCLES
(suite)
Près de la fontaine on voit encore les traces d'un petit escalier qui conduisait à une ou plusieurs chambres, aujourd'hui détruites : elles ont été peut-être le logement du gardien, cette custodia ou tutela monumenti dont parlent les inscriptions antiques.
A la suite du vestibule (a), après deux ou trois marches, s'ouvre une très-large allée (1) inclinée pendant quelque temps en pente douce, et dont les murailles sont percées par quatre niches à ras de terre, deux de chaque côté, où étaient autrefois des sarcophages. Une de ces niches fut plus tard élargie, et l'on y pratiqua une tombe en forme d'arcosolium. L'hypogée entier finit par être, au moyen de galeries nouvelles, mis en communication avec la catacombe voisine, où est la chambre sépulcrale des saints Nérée et Achillée. Avant cette réunion, l'allée principale (ambulacrum) avait été remplie de sarcophages de toutes dimensions, dont on voit encore les débris épars sur le sol. On y a même trouvé, ensevelis sous terre, les restes de quelques sarcophages en terre cuite, dont le plus récent ne doit pas dépasser la moitié du IIe siècle.
En passant de l'ambulacre dans la catacombe, on saisit en quelque sorte sur le fait la transition de l'usage des sarcophages à celui des simples loculi. Dans la première galerie de gauche (2), les tombeaux qu'on rencontre d'abord sont deux loculi auxquels à l'extérieur, par un revêtement en beau stuc blanc, on a donné l'apparence de deux sarcophages. A la suite de ces tombes, un passage étroit comme la bouche d'un four donne entrée dans un cubiculum d'une forme extraordinaire, qui rappelle les tombes de l'Étrurie ou de la Palestine, et est sans doute un des premiers essais de l'architecture sépulcrale chrétienne. Dans la galerie qui s'ouvre du côté opposé de l'ambulacre, quelques tombes encore fermées portent les noms des défunts écrits en noir sur de larges tuiles. C'est absolument le style des inscriptions que nous avons rencontrées dans la portion la plus ancienne du cimetière de Priscille. Les épitaphes des autres tombeaux de cette galerie ont également la simplicité et la brièveté de l'épigraphie primitive.
A partir du vestibule…
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(1). Large d'environ 2m, 50. — (2). Voir le plan de l'hypogée, Bullettino di archeologia cristiana, 1865, p. 35 : le plan du vestibule et des constructions adjacentes est donné dans le Bullettino de la même année, p. 96.
Rome Souterraine, p. 107.
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Louis- Admin
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Re: Rome souterraine.
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CHAPITRE PREMIER
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A partir du vestibule, la voûte du grand ambulacre
est couverte dans toute sa longueur par une fresque d'un dessin exquis, représentant des branches de vigne au milieu desquelles se jouent des oiseaux et de petits génies. Les feuillages courent sur la voûte, se répandent sur les murailles avec la souplesse et la liberté de la nature, ne se laissant arrêter ni par les emplacements destinés aux tombeaux, ni par ces lignes et ces cadres géométriques qui, dans les fresques de l'âge postérieur, circonscrivent en un espace donné l'inspiration ou le caprice de l'artiste. Çà et là on distingue encore quelques paysages dans le goût pompéien; le paysage est un genre très-rare dans l'art des catacombes, et l'on n'en trouve un autre spécimen que dans la chambre sépulcrale des saints Nérée et Achillée. Les murs de l'ambulacre sont ornés de peintures symboliques, première apparition des sujets qui devinrent si chers à l'art chrétien.
A gauche, sur la paroi…
Rome Souterraine, p. 108.
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Louis- Admin
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Rome Souterraine, p. 109-111A gauche, sur la paroi qui sépare deux des niches dont nous avons parlé, on distingue le groupe de Daniel dans la fosse aux lions. Malgré les outrages du temps et des hommes, il est facile de reconnaître encore la belle ordonnance de cette peinture. Vêtu
de la tunique, les mains élevées dans l'attitude de la prière, le prophète, debout sur un petit monticule, a la pose élégante et grandiose d'une statue antique : les lions qui rugissent à ses pieds sont pleins de vie. Dans un enfoncement de la muraille, on voit l'image d'un pêcheur. Plus loin paraît une brebis paissant à côté d'un arbre. Au fond de l'ambulacre est peinte une représentation des agapes célestes, semblable, pour le style et la disposition générale, à ces repas funèbres que l'on voit sculptés sur les stèles grecques; mais le pain et le poisson posés sur un trépied reportent l'esprit à l'un des traits les plus expressifs du symbolisme chrétien. Les peintures qui décoraient la muraille de droite sont entièrement effacées. Les fresques de cet hypogée méritent d'être comparées à celles récemment découvertes de la villa de Livie ad gallinas albas, et aux peintures des plus élégants colombaires du siècle d'Auguste. Malheureusement leur beauté même leur a nui; des visiteurs indiscrets les ont presque détruites en essayant de les détacher de la muraille : procédé stupide, qui ruine à jamais des monuments d'un prix inestimable, et ne peut laisser, aux mains insensées qui le tentent, qu'une poignée de mortier, de stuc écrasé ou de tuf réduit en poudre.
Il est bien regrettable que le vestibule de l'hypogée soit en grande partie ruiné, et que l'inscription qui surmontait la porte ait péri. Cette inscription nous eût révélé sans doute le nom du Flavien chrétien pour lequel fut construit ce magnifique tombeau, et peut-être y aurions-nous lu celui du consul Flavius Clemens, mari d'une Domitille, dont les ossements furent plus tard, selon la tradition, transportés dans la basilique de Saint-Clément. Bien que demeuré anonyme, le monument qui vient d'être décrit n'en est pas moins une des plus belles et des plus importantes conquêtes de l'archéologie chrétienne. Il rend visible et palpable ce qui a été dit de la liberté et de la légalité dont jouissaient les premières sépultures chrétiennes; il fait toucher du doigt le premier anneau de cette chaîne indissoluble de l'art chrétien que nous suivrons de siècle en siècle et de catacombe en catacombe jusqu'aux jours de la paix : il montre de quelle sécurité fut entouré son berceau. « Non-seulement, dit M. de Rossi, le sépulcre était visible, exposé à tous les yeux par le vestibule extérieur et par l'inscription mise sur la porte, mais les peintures mêmes représentant des sujets bibliques, comme Daniel dans la fosse aux lions, étaient placées près de l'entrée, au niveau du sol, éclairées par la lumière du jour (1). »
Nous venons de parcourir les principales catacombes…
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(1). Sur le cimetière de Domitille, voir le Bullettino di arch. crist., 1865, pages 22-24, 33-46, 89-99.
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Louis- Admin
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CHAPITRE PREMIER
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Nous venons de parcourir les principales catacombes dont l'origine est reportée par la tradition aux temps apostoliques. Résumons en quelques mots les conclusions qui ressortent de cet examen.
Pour qui veut étudier sérieusement la Rome chrétienne, les récits des anciens pèlerins viennent, dans l'ordre des sources historiques, immédiatement après les actes des martyrs. Les Itinéraires (2) du VIIe et du VIIIe siècle, le Livre des Merveilles (3), le Livre des Indulgences (4), les relations de quelques voyageurs du moyen âge, en recueillant sur place les traditions locales non encore effacées et des souvenirs demeurés vivants, ont mérité de servir de guides à l'érudition moderne et de la diriger dans sa recherche des sanctuaires historiques, comme ils avaient autrefois guidé vers ces mêmes sanctuaires la foule des pieux visiteurs. Or tous ces documents s'accordent à désigner cinq ou six des cimetières de Rome comme ayant passé de tout temps pour dater de l'âge apostolique.
Chacun des cimetières ainsi désignés présente en effet quelque particularité frappante, qui vient donner créance à la tradition dont il est l'objet. Et quand on rapproche les unes des autres les notes ainsi recueillies dans ces divers cimetières, on aperçoit que, réunies, elles concordent parfaitement entre elles, et se trouvent, par leur ensemble comme par leurs détails, en un rapport exact avec la date alléguée.
Ainsi, les peintures qui décorent les cimetières que la tradition assigne à l'âge apostolique sont du plus pur style classique, à peine inférieures, comme exécution, aux meilleures œuvres de l'art païen de la même époque. Leurs murailles sont revêtues de très-beaux stucs, comme il ne s'en rencontre dans aucune catacombe chrétienne d'une date certaine postérieure au IIe siècle. Eux seuls renferment des cryptes de vastes dimensions, non pas creusées, comme d'ordinaire, dans le roc nu, mais maçonnées avec soin, ornées d'élégants pilastres et de corniches en brique ou en terre cuite. Leurs galeries ne sont pas ces étroits couloirs percés d'innombrables tombeaux que l'on rencontre dans les catacombes du IIIe siècle, mais bien de spacieux ambulacres, dont les murailles, couvertes de peintures, ne contiennent qu'un petit nombre de niches, destinées à recevoir des sarcophages. Leurs inscriptions forment une famille à part, offrant un grand nombre de noms classiques, et ne présentant encore aucune des formules qu'adopta l'épigraphie chrétienne. Quelques-unes de ces inscriptions ont des dates certaines, et ces dates sont du Ier et du IIe siècle. On ne peut admettre qu'une si exacte concordance entre les caractères et le style de chacun de ces cimetières et le caractère, le style distinctif de l'âge que leur assigne une tradition constante, recueillie et contrôlée par des écrivains appartenant eux-mêmes à diverses époques, soit un pur effet du hasard ou le résultat d'une opinion préconçue.
Bien loin qu'il ait existé, dans ce sens, un courant d'idées…
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2. Voir ici. — 3. Les Mirabilia urbis Romæ, dont la première composition paraît appartenir à la seconde moitié du Xe siècle, contiennent un chapitre de de Cœmeteriis — 4. Toutes les grandes bibliothèques de l'Europe contiennent des manuscrits des Indulgentia et Reliquia urbis Romæ remontant, pour la plupart, au XVe siècle ou à la fin du XIVe. On commença, en divers pays, à les imprimer dans la seconde moitié du XVe siècle.
Rome Souterraine, p. 111-12.
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Rome Souterraine, p. 112-4.
Bien loin qu'il ait existé, dans ce sens, un courant d'idées préconçues, les savants modernes refusaient, il y a peu d'années encore, toute créance aux traditions qui viennent d'être rappelées et toute foi aux anciens documents de qui nous les tenons. On refusait de croire qu'aucune catacombe chrétienne pût prétendre à une antiquité aussi reculée que le Ier ou le IIesiècle. On enseignait que les commencements de Rome souterraine furent petits et misérables, que les grandes et riches constructions, les parties vastes et ornées qu'elle renferme ne peuvent appartenir qu'à l'âge de paix.
Les découvertes contemporaines ont renversé cette théorie. En présence des monuments qu'elles ont mis au jour, il est impossible de ne pas accepter les conclusions de M. de Rossi. Il suffit d'avoir quelque teinture de l'histoire de l'art, il suffit d'avoir à un degré quelconque le sens artistique, pour reconnaître que les fresques de quelques cryptes récemment découvertes sont plus anciennes, plus classiques, d'un meilleur temps que les peintures si intéressantes à d'autres égards, mais bien moins parfaites, des cimetières du IIIe siècle. L'architecture, le système de décoration de ces mêmes cryptes, sont également en rapport avec les usages funéraires des Romains des deux premiers siècles, et concorderaient beaucoup moins avec la situation de l'Eglise chrétienne au siècle suivant.
Ces notions deviendront plus claires encore quand nous aurons exposé, dans le IVe livre, l'histoire et les caractères des diverses périodes de l'art chrétien; l'analyse architectonique d'une partie du cimetière de Calliste, que nous emprunterons aux travaux de M. Michel de Rossi, achèvera de les mettre en lumière, en donnant au lecteur les moyens de distinguer chronologiquement les époques successives de la construction de Rome souterraine (1).
Nous ne pouvons terminer ce chapitre sans parler d'un autre cimetière dont l'origine est encore inconnue, mais qui, s'il n'appartient pas à l'âge apostolique, était certainement en usage au IIesiècle. On y retrouvera quelques-uns de ces traits caractéristiques que ne présentent plus les cimetières de l'âge suivant, et qui marquent d'une empreinte si originale les monuments contemporains des apôtres ou de leurs disciples immédiats.
Le cimetière dont nous voulons parler est celui de…
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(1). Voir livre V.
Dernière édition par Louis le Lun 10 Aoû 2015, 11:56 am, édité 1 fois (Raison : Ajout d'un lien dans la note (1).)
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Rome Souterraine, p. 114-15.Le cimetière dont nous voulons parler est celui de Prétextat (1). L'almanach philocalien, le martyrologe hiéronymien et les livres liturgiques du Ve siècle indiquent les stations solennelles qui avaient lieu, in cœmeterio Prætextati via Appia, près des tombeaux de plusieurs martyrs illustres. Le cimetière de Prétextat s'étend sous des terrains couverts de vignes et de prairies, à gauche de la voie Appienne, entre le premier et le second mille de Rome, près de l'église de Saint-Urbain alla Caffarella. du cirque de Maxence et de la villa construite au IIe siècle par Hérode Atticus.
Son fondateur, qui appartenait peut-être à l'illustre famille des Prætextati, dont on a trouvé une mention dans un cimetière voisin, ne peut, dans l'état actuel des découvertes, être désigné avec certitude. Mais les martyrs enterrés dans le cimetière de Prétextat sont parfaitement connus, grâce aux documents que nous avons énumérés. Ils forment six groupes : le tribun Quirinus, martyrisé avec sa fille Balbina, sous Adrien; — saint Janvier, l'aîné des sept fils de sainte Félicité, martyrisé en 162, sous Marc-Aurèle; — le mari et le beau-frère de sainte Cécile, Valérien et Tiburce, martyrisés avec leur compagnon Maximus, sous le même empereur, vers 177; — l'évêque Urbain, qui fut l'instrument de la conversion des précédents, et dont nous aurons plus tard à distinguer la personnalité de celle du pape Urbain, contemporain d'Alexandre Sévère; — Felicissimus et Agapitus, diacres du pape Sixte II, martyrisés en 258, avec ce pape, dans le cimetière de Prétextat, pendant la persécution de Valérien; — enfin Zénon, dont nous ne connaissons rien que le fait de son martyre et les honneurs dont il fut l'objet après la paix de l'Église.
Les Itinéraires mentionnent les monuments dédiés à ces divers martyrs et visités aux VII e et VIIIe siècles par les pèlerins. Ils se composaient de basiliques élevées au-dessus du sol et de chapelles souterraines. Les basiliques ou cellæ étaient au nombre de trois, celle des saints Valérien, Tiburce et Maxime, celle de saint Zénon, et un oratoire dédié au pape saint Sixte. Les chapelles souterraines contenaient les tombes d'Urbain, de Felicissimus et Agapitus, de Quirinus, de Janvier, qui paraît avoir été le martyr le plus vénéré du cimetière de Prétextat (1).
Les premières fouilles du cimetière de Prétextat…
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(1). Sur le cimetière de Prétextat, voir Bullettino di archeologia cristiana, 1863, p. 1 à 6, 17 à 22; 1870, p. 42 à 48 ; 1872, p. 45 à 81. Ce dernier article, qui complète les premiers et résume l'état actuel de la science sur le cimetière de Prétextat, n'avait pas encore paru quand a été publiée la première édition de ce livre : nous nous en sommes servi pour refondre entièrement les pages consacrées à ce cimetière. — (1). Ce cimetière était désigné par les anciens topographes comme cœmeterium Pratextati ad S. Januarium. — Roma sotterranea, t.1, p. 180, col. I.
Dernière édition par Louis le Jeu 10 Sep 2015, 1:32 pm, édité 1 fois (Raison : Ajout du lien dans la note en bas de page.)
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CHAPITRE PREMIER
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Les premières fouilles du cimetière de Prétextat eurent lieu entre 1847 et 1850. Pendant ces trois années, le P. Marchi et M. de Rossi explorèrent la région souterraine qui s'étend dans le voisinage de deux massifs de ruines, l'un rond, l'autre rectangulaire, dans lesquels M. de Rossi n'hésite pas à reconnaître les restes des deux basiliques des saints Valérien, Tiburce et Maxime et de saint Zénon. Le premier étage de la catacombe fut d'abord exploré : il avait déjà été visité et dévasté : on y recueillit seulement un assez grand nombre d'épitaphes, presque toutes du IVe siècle. Un arcosolium orné de peintures, qui paraissaient appartenir à la même époque, fut découvert à cet étage : on y reconnaissait les images de saint Pierre, saint Paul, saint Sixte, ce dernier désigné par le mot SVSTVS. Le P. Marchi crut pouvoir donner à cette partie de catacombe le nom de « cimetière de Saint-Sixte, » et c'est sous ce nom qu'ont été publiées, dans le recueil de Perret, les peintures dont nous venons de parler (2).
L'étage inférieur, qui fut déblayé en 1850, présente les caractères d'une antiquité plus reculée. Il se compose d'un vaste ambulacre soutenu par des arcs en maçonnerie et recevant le jour par des luminaires. Un grand nombre de loculi avaient conservé leurs inscriptions, presque toutes grecques, ornées de symboles primitifs, et composées avec ce laconisme qui, dans l'épigraphie chrétienne, est un signe irrécusable d'antiquité. « Là, dans ce souterrain, dit M. de Rossi, je conçus la méthode qui devait diriger mes travaux : une vive clarté illumina mon esprit : et je mûris le dessein de la nouvelle Roma sotterranea (1) . »
Les fresques qui furent découvertes dans un cubiculum voisin de l'ambulacre étaient de nature à entretenir l'enthousiasme du jeune archéologue. Elles représentaient des scènes de l'histoire évangélique, si rares dans l'art des catacombes. On y distinguait, au milieu d'autres sujets devenus méconnaissables, l'Hémorroïsse aux pieds du Sauveur, la Samaritaine, les soldats frappant avec un roseau la tête couronnée de Jésus (2). Ces peintures, d'un excellent style classique, avaient certainement été tracées à la fin du IIe siècle ou dans les premières années du IIe : elles étaient les plus anciennes que l'on eût encore découvertes dans les catacombes, puisque l'ambulacre du cimetière de Domitille n'a été fouillé qu'en 1865.
Postérieurement à l'époque où il fut orné de fresques, le cubiculum que nous décrivons avait été profondément creusé, et au-dessous du niveau primitif avaient été pratiqués des loculi. Parmi les inscriptions recueillies dans cette crypte, M. de Rossi cite la suivante :
Les lettres sont fort belles, et…
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(2). Perret, Catac. de Rome, t. I, pl. LXXVII. — (1). Bullett. di arch. crist., 1872, p. 64. — (2). Ces peintures ont été dessinées très-imparfaitement dans le recueil de Perret, t.1, pl. LXXX-LXXXII. M. de Rossi doit en publier, en couleur, le fac-similé exact.
Rome Souterraine, p. 115-16.
Dernière édition par Louis le Jeu 26 Fév 2015, 10:53 am, édité 1 fois (Raison : orthographe)
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LES DEUX PREMIERS SIÈCLES
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Rome Souterraine, p. 117-18.Les lettres sont fort belles, et paraissent appartenir à la fin du IIe siècle ou au commencement du IIIe. La mention du nom du père est rare dans les épitaphes chrétiennes, surtout quand elles consistent en une simple formule acclamatoire. Hérode, le père d'Urania, fut sans doute un personnage distingué. Quand on se rappelle que cette crypte est toute voisine de la villa d'Hérode Atticus, on est tenté de se demander si l'on n'a pas sous les yeux l'inscription funéraire d'une fille chrétienne du célèbre précepteur de Marc-Aurèle (1 ?).
Dès 1853, M. de Rossi, dans un mémoire lu à l'Académie pontificale d'archéologie, affirma, en comparant la position de la nouvelle catacombe avec celle des autres cimetières de la voie Appienne et avec les données topographiques des anciens Itinéraires, que les deux étages souterrains qui venaient d'être découverts devaient faire partie du cimetière de Prétextat. De nouvelles découvertes confirmèrent bientôt la vérité de ses affirmations.
En 1857, les maçons qui travaillaient à réparer les ruines du cimetière de Calliste vinrent chercher des matériaux de l'autre côté de la voie Appienne, dans les souterrains contigus à la vigne dei pupazzi, voisins de l'église Saint-Urbain alla Caffarella. Leur travail les conduisant assez avant dans ces souterrains, ils pénétrèrent, à travers les décombres, dans une large et belle crypte, située au même niveau que celle qui vient d'être décrite. Prévenu aussitôt, M. de Rossi accourut, se glissa, en rampant, par l'ouverture à peine déblayée, et entra dans la crypte. A sa grande surprise il n'y vit pas d'arcosolium. Cependant on était certainement en présence d'un sanctuaire historique. En examinant de plus près, on reconnut que la crypte n'est pas creusée dans le tuf, mais, quoique souterraine, bâtie en solide maçonnerie. Sur trois côtés s'ouvrent des niches destinées à recevoir des sarcophages. Les murailles portent encore les traces d'un revêtement en marbre grec. La façade qui regarde l'intérieur du cimetière est construite en belles briques jaunes, et décorée de pilastres en briques rouges et de corniches en terre cuite, comme les tombeaux païens de la voie Appienne ou de la voie Latine. Ce mode de construction et de décoration est le signe incontestable d'une haute antiquité.
La comparaison avec des édifices païens d'une architecture analogue, par exemple avec les ruines nouvellement découvertes du logement des Vigiles de la septième cohorte, dans le Transtévère, nous permet de fixer la date de cet édifice sépulcral à la dernière moitié du IIe siècle. La voûte de la chapelle est peinte à fresque, et ses peintures rappellent les meilleures productions de l'art à cette époque.
Quatre guirlandes, l'une de roses, l'autre d'épis, la troisième de raisins et de feuilles de vigne, la dernière de feuilles de laurier, s'enroulent autour de la voûte; dans les trois premières des oiseaux voltigent, et l'on voit des nids d'où sortent de jeunes têtes emplumées. Peut-être ces guirlandes symbolisent-elles ici les diverses saisons de l'année ; la dernière, l'hiver, celle où il n'y a plus de fleurs, plus de nids, celle où les oiseaux ne chantent plus, est représentée par le laurier, emblème de la victoire qui couronne la période suprême de la vie du chrétien, cette période à la fois dépouillée et pleine d'espérance. Au-dessous de ces guirlandes se déroule une longue fresque, moins bien conservée, qui représente des moissonneurs, la faucille à la main, coupant les blés épais.
Enfin, plus bas que tout cela, dans l'arc de la voûte, on reconnaît une scène champêtre dont le centre est occupé par la figure du Bon Pasteur portant une brebis sur ses épaules. Cette peinture est presque détruite; des chrétiens, dans leur désir ardent de reposer le plus près possible du martyr, firent percer la muraille, au milieu même de la fresque, pour y pratiquer des loculi.
Quand M. de Rossi examina de près ces loculi, il reconnut que…
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(1). Hérode Atticus n'eut pas d'enfants de sa première femme Annia Regilla. Mais, après 175, il épousa en secondes noces Vibullia Alcia, qui lui donna des fils. Voir un article de M. Fr. Lenormant, Revue archéologique, 1864, p. 376, 377.
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Rome Souterraine, p. 119-20
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Quand M. de Rossi examina de près ces loculi, il reconnut que, sur le bord de la niche qui coupe en deux l'image du Bon Pasteur, la chaux qui cimentait la fermeture conservait en grande partie les lettres qu'on y avait tracées en scellant le tombeau. Les lettres encore visibles formaient cette légende inattendue :... mi rifrigeri Januarius, Agatopus, Felicissim... Martyres... « Que Janvier, Agatopus, Felicissimus, martyrs, rafraîchissent l'âme de...(1) .
Ces mots, cette prière d'un parent en deuil pour une âme regrettée et chérie, avaient été gravés dans la chaux fraîche il y a quinze siècles; aujourd'hui ils viennent révéler à un antiquaire du XIXe siècle un secret longtemps cherché : remplacement de la tombe des martyrs auxquels ils sont adressés. De nombreux exemples d'invocations analogues, découvertes dans d'autres cimetières, tout près des reliques des martyrs célèbres, firent penser à M. de Rossi que les tombeaux des trois saints qui avaient autrefois rendu illustre le cimetière de Prétextat ne devaient pas être éloignés. Deux ans plus tard cette belle conjecture reçut une première confirmation. La commission d'archéologie sacrée ayant fait de ce cimetière l'objet de ses études, on découvrit, en déblayant le sol de la crypte, trois ou quatre fragments de marbre sur lesquels se lisaient quelques lettres d'écriture damasienne, d'une grandeur inaccoutumée.
D'autres fragments…
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CHAPITRE PREMIER
LES CATACOMBES PENDANT
LES DEUX PREMIERS SIÈCLES
(suite)
Rome Souterraine, p. 121.D'autres fragments (1) furent découverts plus tard, appartenant certainement à la même inscription, et l’on put enfin la recomposer ainsi :
La découverte de l'inscription damasienne ne laisse plus de place au doute : la crypte qui vient d'être décrite est bien celle de saint Janvier. Après avoir reconnu celle-ci, il restait à rechercher les autres cryptes célèbres mentionnées dans son voisinage par les Itinéraires. Trois d'entre elles sont aujourd'hui retrouvées, et le nom de deux au moins peut être désigné avec certitude.
Les fouilles faites en 1866 par la commission d'archéologie sacrée mirent au jour, de l'autre côté du vaste ambulacre (1) sur lequel s'ouvre la chapelle de Saint-Janvier, un sanctuaire qui, par sa construction et son style, paraissait encore plus ancien que cette dernière, et devait remonter aux premières années du IIe siècle. Saint Janvier ayant été martyrisé en 162, M. de Rossi ne craignit pas de désigner la seconde crypte comme étant la place certaine du tombeau de saint Quirinus, martyrisé en 130. Un sarcophage trouvé dans cette crypte paraît même celui où furent conservés les restes du tribun martyr, car, sur sa face principale, on distingue le buste d'un personnage revêtu du laticlave : or le laticlave était le signe distinctif des tribuns d'ordre sénatorial.
Une souscription, provoquée en Angleterre…
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(1). La gravure ci-jointe est empruntée au Bulettino di arch. crist., 1863, p. 17. Toutes les lettres figurées en blanc y étaient restituées par conjecture seulement, et les fragments alors retrouvés se voient figurés par les lettres noires. Depuis, la totalité de l'inscription a été retrouvée, et la découverte des nouveaux fragments justifie de tout point la restitution proposée dès 1863 par M. de Rossi. Pour se rendre compte de l’état présent de l'inscription, il suffira de lire tomme si tout était écrit en lettres noires. — (1). Spelunca magna, dit la Notitia ecclesiarum urbis Romæ. — Roma sotterranea, t. I, p. 180, col. m. Cet ambulacre a 2 mètres de largeur.
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Rome Souterraine, p. 122.
Une souscription, provoquée en Angleterre, en 1870, parmi les amis des antiquités chrétiennes, a fourni à la commission d'archéologie sacrée les moyens de continuer les fouilles que le manque de ressources avait fait interrompre. Les excavations poursuivies avec l'aide des souscripteurs anglais amenèrent la découverte de deux autres cryptes.
L'une, située sur le même ambulacre que celles de saint Janvier et de saint Quirinus, à trente-cinq mètres environ de cette dernière, paraît avoir renfermé le tombeau des saints Felicissimus et Agapitus, que nous avons vus rapprochés de saint Janvier dans une même invocation. La Notitia ecclesiarum cite en effet dans l'ordre suivant les cryptes historiques du cimetière de Prétextat: 1° Urbanus; 2º Felicissimus et Agapitus; 3º Quirinus; 4º Januarius.
La seconde crypte, découverte en 1870, ne peut être celle de saint Urbain, car elle est située à la suite de la crypte de saint Janvier, à l'extrémité de l'ambulacre opposée à celle ou, d'après l'Itinéraire, se trouvait le sanctuaire de saint Urbain. Elle a dû, cependant, être, au IVe siècle, une des chapelles les plus visitées de la catacombe ; elle renferme un grand arcosolium, autrefois revêtu de plaques de marbre, dont on a retrouvé de nombreux fragments, et dont le mortier porte encore l'empreinte. En face de cette tombe s'ouvre une abside semi-circulaire, très-vaste et d'une forme encore sans exemple dans les catacombes. Deux colonnes de porphyre s'élevaient de chaque côté de l'arcosolium, qui était fermé par une grille de marbre travaillée à jour; deux colonnes d'albâtre décoraient l'entrée de l'abside qui lui faisait vis-à-vis. A quel martyr était dédié ce splendide sanctuaire? Il est impossible de le dire. Malgré toutes ses recherches, M. de Rossi n'a pu trouver, parmi les ruines amoncelées en ce point de la catacombe, que quatre fragments d'une inscription damasienne, et ces fragments rapprochés n'ont donné que ces lettres :... VS MARTYS (1)
Résumons l'état actuel des découvertes faites dans le cimetière de Prétextat...
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(1). Lettre de M. de Rossi à M. Northcote, 23 avril 1870; Bulletino di arch. crist., 1870, p. 42-48; 1872, p. 74-78, et tav. IV.
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A suivre : Chapitre II – Histoire des catacombes depuis le commencement du IIIe siècle jusqu’à la paix de l’Église en 312.
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Rome Souterraine, p. 123-4.Résumons l'état actuel des découvertes faites dans le cimetière de Prétextat. Des trois basiliques mentionnées dans les Itinéraires, deux sont aujourd'hui retrouvées : celle des saints Valérien, Tiburce et Maxime, et celle de saint Zénon. Des quatre cryptes mentionnées dans les mêmes documents, trois sont connues avec certitude : celles des saints Felicissimus et Agapitus, de saint Quirinus et de saint Janvier. Enfin deux monuments d'une grande importance ont été découverts, sans que l'on sache encore à qui ils étaient dédiés : ce sont le sanctuaire que nous venons de décrire, dans le même ambulacre ou spelunca magna que les précédents, et la chambre ornée de peintures du IIe siècle, trouvée en 1850 (1), dans une autre partie de la catacombe. Une partie de ces découvertes n'eût pu être faite sans l'appoint des fonds que la souscription de 1870 a mis aux mains de la commission d'archéologie sacrée.
Aujourd'hui cette commission est plus que jamais privée de ressources. Pourquoi l'exemple de l'Angleterre ne serait-il pas suivi ailleurs? Pourquoi quelqu'un ne prendrait-il pas en France une initiative pareille? Pourquoi, dans tous les pays civilisés, les amis de la science ne rechercheraient-ils pas le moyen de donner une vie plus active aux découvertes romaines, forcément languissantes? Au point où est parvenue la science de l'archéologie chrétienne, on connaît l'emplacement des principales catacombes, on sait quel coin du sol romain il faudrait frapper de la pioche pour en faire jaillir des trésors de connaissances nouvelles : d'immenses découvertes sont pressenties, la science est fondée, les savants sont prêts, seul l'argent manque. Ne rougissons pas de demander l'aumône au nom de la religion, de l'archéologie et de l'art.
L'opinion commune fait remonter au IIe siècle le cimetière de Saint-Alexandre sur la voie Nomentane, Le Liber pontificalis rapporte que saint Alexandre, évêque de Rome, fut décapité pour la foi, en 120, sur cette voie même, et enterré au lieu de son martyre. L'endroit désigné par le livre pontifical est le septième mille de Rome. A cette distance de la ville fut découvert, il y a environ vingt ans, un ancien cimetière chrétien et, dans ses ruines, un fragment d'une inscription en l'honneur de saint Alexandre, très-probablement le pape et martyr de ce nom. Cette inscription avait été placée, à une époque très-reculée, dans une basilique élevée au-dessus du tombeau du martyr, et récemment restaurée. Dans les étroites galeries souterraines qui entourent la basilique, beaucoup de loculi sont encore fermés, et conservent, derrière le marbre, la brique ou la tuile qui les bouchent, les corps qui y furent originairement déposés. Mais ces galeries ne sont pas la plus ancienne partie du cimetière; celle-ci a subi de telles altérations, qu'il est aujourd'hui très-difficile de la reconnaître. Le cimetière de Saint-Alexandre, à la distance où il est placé, sort, du reste, de la zone des cimetières romains, et par conséquent du cadre de notre étude. Les anciens documents qui nous ont si sûrement guidés indiquent encore deux ou trois cimetières appartenant aux confins de l'âge apostolique, celui, entre autres, des saints Processus et Martinien, sur la voie Aurélia ; mais leur emplacement n'a pu jusqu'à ce jour être déterminé avec certitude.
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(1) Page 116.
A suivre : Chapitre II – Histoire des catacombes depuis le commencement du IIIe siècle jusqu’à la paix de l’Église en 312.
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Histoire des catacombes depuis le commencement du IIIe siècle jusqu’à la paix de l’Église en 312.
Rome Souterraine, p. 125-6.SOMMAIRE. — Au IIIE siècle, les cimetières deviennent la propriété collective de l'Eglise. — Cimetière de Saint-Calliste (A. D. 302). — Son administration. — Organisation religieuse du collège funéraire. — Emploi charitable des fonds. — Secours donnés aux pauvres et aux églises malheureuses, — aux chrétiens exilés, — ou condamnés aux mines. — Autorité de l'archidiacre. — Calliste gouverne en cette qualité le cimetière principal de l'Eglise. — Autres cimetières donnés en propriété à l'Eglise.— Edit de Valérien (A. D. 257) interdisant aux chrétiens l'entrée de leurs cimetières. — Edit de Gallien (A. D. 260) les restituant à l'Eglise. — Ces vicissitudes dans la condition jusque-là inviolée des cimetières rendent nécessaire d'en dissimuler les entrées. — Chrétiens poursuivis dans les cimetières. — Martyre de plusieurs chrétiens dans un cimetière (A. D. 284). — Une Pompéi chrétienne. —Aurélien reconnaît la propriété ecclésiastique des cimetières, puis les interdit. — Liberté des cimetières dans les premières années du règne de Dioclétien. — Dernière persécution : les cimetières confisqués (A. D. 303). — Cimetières creusés en secret: découverte, en 1868, du petit cimetière de Généreuse, creusé sous les monuments abandonnés des Fratres Anales. — Les cimetières restitués à l'Église (A. D. 311). — Tituli, ou églises paroissiales. — Chaque titulus a son cimetière, administré par les prêtres de la paroisse. — Réflexions sur cette partie de l'histoire des catacombes.
Nous sommes arrivés au IIIe siècle, à l'époque où pour la première fois les édits de persécution vont s'occuper des cimetières chrétiens. Le soulèvement du peuple de Carthage contre les sépultures chrétiennes au commencement du IIIe siècle (1) nous montre qu'à cette date les églises d'Afrique possédaient déjà des cimetières à un titre commun et public. Il est impossible qu'il n'en ait pas été de même dans une aussi grande église que celle de Rome. La memoria de saint Pierre au Vatican devait être connue de tous comme étant le tombeau commun de ses successeurs. Nous en avons la preuve dans ces paroles de Caïus, prêtre du commencement du IIIe siècle, disputant contre l'hérétique Proclus, et lui disant : « Je puis vous montrer les trophées des apôtres. Si vous allez sur le Vatican ou sur la voie d'Ostie, vous y rencontrerez les monuments de ceux qui ont jeté les fondements de l'Eglise (1). »
Par une remarquable coïncidence, cette même année 202, où, selon Tertullien, eut lieu le soulèvement populaire contre les cimetières chrétiens d'Afrique, est celle du dernier enterrement d'un pape dans la crypte du Vatican. Les Philosophumena nous apprennent que le successeur de Victor, Zéphyrin, « chargea Calliste du gouvernement du clergé et le préposa à l'administration du cimetière (2). »
Ces derniers mots excitent naturellement notre curiosité, et appellent un commentaire. Quel était « le cimetière » de Rome? Rome possédait déjà beaucoup de cimetières : celui de Sainte-Priscille sur la voie Salaria, celui de Sainte-Lucine sur la voie d'Ostie, celui de Prétextat sur la voie Appienne, celui de Sainte-Domitille sur la voie Ardéatine, plusieurs autres encore. Quelle hiérarchie existait entre eux? et lequel avait une importance, une dignité assez exceptionnelle pour être mis sous la direction d'une des autorités ecclésiastiques les plus hautes après le pape, du diacre auquel était confié « le gouvernement du clergé? » La réponse à ces questions deviendra facile, si nous nous souvenons de ce qui a été dit plus haut (3) des confréries funéraires de Rome et de l'extension, précisément à cette époque, de leurs droits et privilèges par un édit de Septime Sévère.
Rapprochons de ces…
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(1) Voyez Page 81. — (1). Euseb., Hist. Eccl., II, 25. — (2). Philosophum., IX, 2. — (3). Page 68 et suivantes (jusqu’à la page 73)
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Rome Souterraine, p. 127-8.Rapprochons de ces notions les paroles déjà citées de Tertullien décrivant la constitution de la société chrétienne au IIIe siècle. « Nous avons (1), dit-il, pour présidents des anciens choisis par nous, et qui ont obtenu cet honneur non par la brigue, mais par le bon témoignage de tous... Et si nous possédons un trésor commun (arca), il est alimenté, non par des honoraires payés par ceux qui président lors de leur entrée en charge (2), comme si la religion était pour nous un objet de trafic, mais par une petite contribution mensuelle de tous ceux qui peuvent et qui veulent la fournir... Ces cotisations sont en réalité de pieux dépôts, car on les dépense, non à festoyer, mais à nourrir ceux qui ont faim, enterrer les pauvres, secourir les orphelins et les vieillards, assister les naufragés, et si quelques-uns de nos frères sont condamnés aux mines, ou exilés, ou mis en prison, pourvu que ce soit comme membres de la secte de Dieu, ils deviennent les enfants adoptifs de leur confession (alumni confessionis suæ). »
Il ressort clairement de ce passage qu'il était facile aux chrétiens du IIIe siècle de recueillir des aumônes, d'exercer la charité, et même de se réunir pour les pratiques de leur culte, sous le couvert des confréries funéraires autorisées par la loi. L'Église exerçait la charité, non individuellement et à titre privé, mais au nom de la corporation. De nombreux documents nous montrent l'église de Rome envoyant de riches aumônes à ces chrétiens condamnés aux mines ou à l'exil dont parle Tertullien. La condamnation ad metalla correspondait à peu près aux travaux forcés des législations pénales modernes, et entraînait des déchéances analogues à une sorte de mort civile. Quand les magistrats persécuteurs ne condamnaient pas à mort les chrétiens déférés à leurs tribunaux, ils les envoyaient souvent travailler aux mines et aux carrières de l'Egypte, de la Grèce, de l'Asie Mineure, de l'Afrique et de la Sardaigne. L'immense dépôt de marbres récemment découvert sur le bord du Tibre provient en grande partie de ces travaux des condamnés chrétiens, car, après la paix de l'Église, on vit tout à coup le produit des carrières ouvertes sur tous les points de l'Empire diminuer dans une proportion considérable, par suite du rappel et de la délivrance des confesseurs de la foi.
Tant que durèrent les persécutions, la caisse commune de l'église de Rome vint au secours des chrétiens condamnés ad metalla. On possède encore la lettre par laquelle Denys, évêque de Corinthe, remercie le pape Soter des secours envoyés par lui aux chrétiens travaillant dans les mines de la Grèce. Un autre saint Denys, évêque d'Alexandrie, rend le même témoignage à la charité de l'Église romaine pour les exilés de Syrie et d'Arabie au commencement du IIIe siècle. Tertullien, écrivant à la même époque, fait allusion, dans le passage que nous avons cité, aux aumônes envoyées par la corporation chrétienne de Rome aux chrétiens condamnés aux mines et à l'exil (1).
Outre ces lointaines misères, l'Église…
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(1).Voir, dans le Bullettino di arch. crist., 1868, p. 17, l'article écrit par M. de Rossi, à l'occasion des découvertes de l'Emporio Romano, sur les chrétiens condamnés à l'extraction des marbres pendant les siècles de persécution, et le soin que prit d'eux l'Église romaine.
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Rome Souterraine, p. 129-30.
Outre ces lointaines misères, l'Église romaine en secourait d'autres plus proches d'elle, auxquelles elle consacrait une partie des fonds communs. Nous savons par l'histoire de saint Laurent que le soin des pauvres et la distribution des aumônes formaient la charge spéciale d'un des diacres. Les membres du clergé recevaient également de la caisse commune ce qui était nécessaire à leur subsistance. Le diacre tenait dans ce but un registre (matricula) de leur nombre et de leurs offices. En l'an 251, le clergé de Rome comptait dans ses rangs plus de cent cinquante personnes, dont quarante-six prêtres ; l'Église les nourrissait, et avec eux plus de quinze cents pauvres (1).
Outre la pension mensuelle qui leur était faite, les prêtres étaient encore assistés d'une autre manière (2). A la suite des agapes, une sportula était distribuée ordinairement aux assistants, comme dans les collèges païens. Les prêtres recevaient alors double part, duplex honor binis partibus præsidentibus deputabatur (3), suivant la doctrine de saint Paul : qui bene præsunt presbyteri duplici honore digni habeantur (4).
Quelquefois même des chrétiens illustres, des confesseurs de la foi, étaient admis à recevoir une part sacerdotale : presbyterii honorent designare nos il lis jam sciatis ut et sportulis iisdem cum presbyteris honorentur (5). La masse destinée à ces diverses dépenses était administrée par le premier diacre, au nom de l'Eglise romaine. Peu à peu, par l'effet de cette loi naturelle et instinctive qui assure à celui auquel est confié le soin de la vie matérielle une influence considérable sur la vie morale et les intérêts les plus élevés de la société à laquelle il appartient, le premier diacre reçut le titre d'archidiacre, et devint en quelque sorte le surveillant et le juge du reste du clergé, supérieur à tous, inférieur à l'évêque seul. L'usage s'établit de nommer, à la mort du pape, ce premier diacre, et non un prêtre, pour lui succéder : et cet usage acquit tellement force de loi que, pour écarter ce diacre du rang suprême, on le contraignait quelquefois à recevoir la prêtrise du vivant du pape.
Ces considérations nous permettront d'apprécier toute la portée des paroles…
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Ces considérations nous permettront d'apprécier toute la portée des paroles de l'auteur des Philosophumena, racontant que saint Zéphirin « confia à Calliste la direction du clergé et l'administration du cimetière. » La communauté chrétienne de Rome entrait à ce moment dans une phase nouvelle de sa vie : elle faisait tourner à son avantage la protection que les lois romaines accordaient à certaines corporations, et, pour obéir à ces lois, un de ses membres était choisi pour être le gérant ou syndic qui administrerait la propriété commune et veillerait aux intérêts du corps social (1). C'est ce rôle que Calliste fut appelé à remplir, réunissant en sa personne la direction du clergé et l'administration du cimetière, et gouvernant à ce double titre le trésor charitable de l'Église. Le cimetière qui lui fut ainsi officiellement confié était donc le cimetière commun des chrétiens, la propriété collégiale de l'Ecclesia fratrum. C'était « le cimetière sur la voie Appienne » que, d'après le Liber pontificalis. Calliste « créa, dans lequel beaucoup d'évêques et de martyrs reposent, et qui est appelé aujourd’hui encore cœmeterium Callisti. »
Les raisons qui décidèrent l'Église romaine à créer ce cimetière l'engagèrent à y fixer, pour l'avenir, la sépulture des papes, déposés jusque-là au Vatican. Sur dix-huit papes qui occupèrent le siège pontifical de Zéphyrin à Sylvestre, treize, selon le Liber pontificalis, furent enterrés dans le nouveau cimetière.
Il fut, d'après la conjecture de M. de Rossi, le premier lieu public de sépulture possédé et administré officiellement par l'Église ; par lui se fonda la propriété ecclésiastique, conséquence naturelle de la forme corporative adoptée par l'Eglise dans ses rapports avec la société civile, à partir du IIIesiècle.
D'autres cimetières lui appartinrent bientôt au même titre. Le Liber pontificalis rapporte qu'en 238, saint Fabien, le quatrième successeur de Zéphyrin, « divisa les diverses régions de Rome entre les diacres, et ordonna la construction de nombreux édifices (fabricas) dans les cimetières. » Ces fabricæ étaient sans doute des oratoires élevés au-dessus des catacombes, soit en vue du culte ou des assemblées, soit pour servir d'habitation à un gardien.
Nous avons vu que tel était l'usage dans les grands domaines funéraires païens et nous avons retrouvé à l'entrée du cimetière de Sainte-Domitille les restes d'une de ces anciennes fabricæ. Les chrétiens durent construire un grand nombre de ces édifices pendant les trente-neuf années de paix (211-250), troublées seulement par la courte persécution de Maximin (236), qui s'écoulèrent entre le règne de Caracalla et celui de Dèce.
En janvier 250, saint Fabien…
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Rome Souterraine, p. 130-1.
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Rome Souterraine, p. 131-2.
En janvier 250, saint Fabien tomba victime de la persécution de Dèce. Dèce rendit probablement un édit pour interdire l'entrée des cimetières chrétiens; mais l'histoire n'en a gardé aucune trace. La persécution de Valérien, qui éclata en 257, les atteignit. Nous n'avons pas le texte de la loi rendue contre eux; mais son existence ressort clairement de ces paroles adressées par Émilianus, préfet d'Alexandrie, à saint Denys, évêque de cette ville : « Ni à vous, ni à personne, il n'est permis de tenir des assemblées et d'aller dans ce que vous appelez vos cimetières (1) ; » et de ces mots d'Aspasius Paternus, proconsul d'Afrique, à saint Cyprien : « Les très-saints empereurs Valérien et Gallien ont défendu de se réunir en aucun lieu, et d'entrer dans les cimetières (2).»
Le pape Sixte II, avec ses diacres et les ministres sacrés [ saint Laurent était l'un d'eux, et nous avons vu les tombes des deux autres (1) ], fut, pendant la même persécution, traqué, surpris et décapité dans le cimetière de Prétextat (2), « parce qu'il avait méprisé les ordres de Valérien (3). »
En 260, Gallien mit fin à la persécution. Il envoya dans tout l'empire un rescrit enjoignant aux possesseurs des loca religiosa confisqués par Valérien sur les chrétiens d'en faire restitution aux évêques de chaque église. En même temps, il adressa à quelques évêques des rescrits spéciaux, pour leur rendre le libre usage de leurs cœmeteria (4).
Il parait résulter de ces actes de l'empereur que les lieux d'assemblée des chrétiens, ces édifices à ciel ouvert dont nous avons parlé, avaient été confisqués par Valérien, et vendus ensuite au profit du fisc, tandis que les cimetières, protégés par la religion des tombeaux, avaient été seulement interdits.
La persécution cessant, l'Ecclesia fratrum en reprenait de plein droit l'usage, n'en ayant jamais perdu la propriété : au lieu que, pour lui rendre les édifices non funéraires, il fallait qu'un édit exprès, les expropriant une seconde fois en sens inverse, les enlevât à ceux qui les avaient achetés du fisc. C'est sans doute en vertu de ces deux rescrits impériaux que Denys, successeur de Sixte II, ayant recouvré les propriétés de l'Église, « divisa, dit le Liber pontificalis. les églises et les cimetières entre les prêtres, et constitua des paroisses et des diocèses. »
Ces fluctuations de la politique impériale, en mettant en relief la position singulière et contradictoire de l'Église chrétienne, devenue légitime comme corporation et demeurée illégale comme religion étrangère, firent comprendre aux chrétiens la nécessité d'assurer l'inviolabilité de leurs sépultures et le secret de leurs réunions. A partir de ce…
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(1). Lettre de saint Denys d'Alexandrie, dans Eusèbe, Hist. Eccl. 11. — Ces dernières expressions prouvent l'origine exclusivement chrétienne du mot « cimetière. » — (2). Acta proconsularia S. Cypriani. — (1). Voir pages 119-120, 121, et 122 — (2). Cyprian., Ep. 82. — (3). Lib. pont. — (4). Eusebe, Hist. Eccl., VII, 13.
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Rome Souterraine, p. 133.
A partir de ce moment une direction nouvelle est donnée aux travaux des catacombes. On s'efforce de dissimuler l'entrée des cimetières : on peut reconnaître encore aujourd'hui des traces de ces efforts dans ces passages dérobés, étroits, tortueux, qui conduisent souvent d'un arénaire dans une catacombe. Ces précautions furent plus d'une fois justifiées par les faits, et plus d'une fois elles furent inutiles. Dès les premières années du IIIe siècle, il était arrivé que le culte chrétien fût interrompu par une soudaine invasion des païens. « Tous les jours, dit Tertullien, nous sommes assiégés, nous sommes trahis, et pris à l'improviste quand nous nous assemblons pour prier (1). »
Ailleurs, s'adressant aux païens : « Vous connaissez, leur dit-il, les jours de nos réunions; aussi sommes-nous assiégés, pris au piège, et souvent arrêtés au milieu de nos assemblées les plus secrètes (2). » Mais c'est surtout dans la seconde moitié du IIIesiècle que les exemples se multiplient de chrétiens poursuivis, atteints, et souvent martyrisés dans les arénaires qui servaient d'entrées à quelques catacombes.
Saint Grégoire de Tours rapporte que, sous Numérien, les martyrs Chrysanthus et Daria furent mis à mort dans un arénaire. Un jour un grand nombre de fidèles entrèrent dans ce souterrain, situé sur la voie Salaria Nova, pour y vénérer leur tombeau; ils furent aperçus; l'empereur ordonna de maçonner à la hâte l'entrée de la catacombe et d'y faire un grand amas de pierres et de sable, afin de les enterrer vivants. Saint Grégoire ajoute que, quand les tombes des deux martyrs furent découvertes de nouveau après la paix de l'Église, on trouva dans cette crypte deux fois vénérable non-seulement les restes des pieux chrétiens qui y avaient péri, des squelettes d'hommes, de femmes, d'enfants étendus sur le sol, mais encore les vases d'argent (urcei argentei) qu'ils avaient emportés avec eux pour la célébration des saints mystères (3).
Saint Damase…
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(1). Apol.,7. — (2). Ad nat.,I, 7. — (3). Greg. Turon., De gloria martyrum, I, 28.
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Re: Rome souterraine.
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Rome Souterraine, p. 134-5.
LIVRE II
HISTOIRE DES CATACOMBES
Chapitre II
Histoire des catacombes depuis le commencement
du IIIe siècle jusqu’à la paix de l’Église en 312.
HISTOIRE DES CATACOMBES
Chapitre II
Histoire des catacombes depuis le commencement
du IIIe siècle jusqu’à la paix de l’Église en 312.
(suite)
Saint Damase ne voulut pas toucher à cette scène de martyre. Il s'abstint de faire des travaux dans la crypte, et d'y introduire aucun ornement étranger; il se contenta d'y poser une inscription, et d'ouvrir dans la muraille une petite fenêtre, afin que tous pussent contempler sans y rien déranger ce monument unique dans son genre, cette Pompéi chrétienne en miniature. On pouvait le voir encore au temps de saint Grégoire, au VIe siècle. M. de Rossi espère pouvoir en retrouver quelque chose, peut-être quelques fragments de l'inscription damasienne, peut-être la fenêtre même par laquelle nos pères ont vu ce prodigieux spectacle, une messe célébrée au IIIe siècle, et interrompue par le martyre (1).
Des faits comme celui-ci expliquent le reproche souvent adressé aux chrétiens par les païens du IIIe siècle : « Vous êtes une race qui se cache dans les cavernes, qui fuit la lumière, » latebrosa et lucifugax natio (1). Les nombreuses traditions de la même époque sur des chrétiens et même des papes (2) réfugiés dans les catacombes font bien comprendre, quoique l'authenticité de beaucoup d'entre elles puisse être mise en doute, quelle importance les chrétiens attachaient à leurs cimetières, et quelle haine, au contraire, avaient fini par concevoir pour eux les persécuteurs.
De Gallien à Dioclétien…
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(1). Minuc. Fel., Octav., 8. — Le païen Cæcilius ajoute : in publicum muta, in angulis garrula. — 2. Caius... fugiens persecutionem Diocletiani in cryptis habitando, martyrio coronatur.
Rome Souterraine, p. 134-5.
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(suite)
Rome Souterraine, p. 135-6.De Gallien à Dioclétien, nous ne trouvons aucune mention de nouveaux édits contre les chrétiens, à l'exception de celui rendu par Aurélien peu de temps avant sa mort, dont nous connaissons l'existence, mais dont nous n'avons pas le texte. La conduite de cet empereur à l'égard de l'Église fait bien voir à quelles vicissitudes était exposée la condition légale des chrétiens. Il avait d'abord reconnu expressément la communauté chrétienne ; il avait été jusqu'à ordonner que les édifices occupés par Paul de Samosate, à Antioche, « fussent remis aux mains de ceux qui étaient en communion avec les évêques chrétiens de l'Italie et de Rome (3). » A la fin de sa vie, il se mit à persécuter.
Les commencements du règne de son successeur Dioclétien furent favorables aux chrétiens. Ceux-ci reprirent courage, et, se croyant assurés d'une longue paix, commencèrent à démolir les vieilles églises pour en construire de nouvelles, plus ornées et plus vastes. Il est probable qu'ils travaillèrent avec la même liberté à l'embellissement et l'agrandissement de leurs cimetières : nous voyons à cette époque Severus, diacre du pape Marcellin, construire dans le cimetière de Calliste un double cubiculum recevant l'air et le jour par un luminaire extérieur que rien ne dissimulait : la même région du cimetière renferme beaucoup de grandes cryptes éclairées également par des luminaires, et qui paraissent contemporaines de celle de Severus.
L'an 303, au milieu de cette paix et de cette confiance, éclata la dixième persécution, comme une tempête dans un ciel serein. Ce fut la dernière et la plus terrible. Les églises qu'on venait d'élever furent brûlées et démolies, les fermes et les jardins sous lesquels s'étendaient les cimetières furent confisqués, les archives de l'Eglise furent pillées et détruites, au grand détriment de l'histoire. Le pape Marcellin, et son successeur Marcel, ne purent être enterrés dans la crypte papale à Saint-Calliste : ils furent déposés, le premier « dans un cubiculum qu'il s'était lui-même préparé dans le cimetière de Priscille, » et le second « dans un cimetière établi sur la voie Salaria, avec la permission d'une matrone nommée Priscille ; » c'est-à-dire l'un et l'autre dans le cimetière privé de Priscille, qui était demeuré la propriété des Pudens, et appartenait, au milieu du IIIe siècle, à une descendante de cette famille, appelée Priscille comme son aïeule. A la prière de Marcellin et de Marcel, cette noble chrétienne fit de grands travaux dans l'antique cimetière. Une partie de l'étage inférieur, d'une régularité jusque-là sans exemple dans Rome souterraine, paraît avoir été creusée à cette époque. Les papes voulurent ainsi préparer, au plus fort de la persécution, un nouveau lieu de réunion et de repos pour les chrétiens chassés du cimetière officiel de la voie Appienne.
On a retrouvé en 1868 un petit cimetière…
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(3). Eusebe, Hist. Eccl., VII, 30.
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Rome Souterraine, p. 136-7.
On a retrouvé en 1868 un petit cimetière contemporain de la persécution de Dioclétien, qui montre bien dans quels lieux abandonnés les chrétiens, privés de leurs cimetières accoutumés, furent quelquefois obligés d'enterrer mystérieusement leurs martyrs et leurs morts. Au mois d'août 1866, une table des actes des Fratres Arvales (1) fut découverte dans une vigne située à cinq milles de Rome, sur la voie Portuensis, et dans laquelle avaient été déjà trouvées au XVIe siècle les tables arvaliques publiées par Marini.
Des fouilles furent entreprises aussitôt, sous la direction du savant archéologue prussien M. Henzen, et, parmi les résultats qu'elles donnèrent, il y en eut un tout à fait inattendu : elles mirent en lumière, en 1868, des inscriptions chrétiennes contemporaines de Dioclétien, des colonnes, des bases, des chapiteaux, un débris d'une architrave de marbre, sur lequel se voyaient encore trois lettres damasiennes, et enfin l'entrée d'une catacombe. Dans l'escalier de cette catacombe se voit le monogramme du Christ ; dans la première galerie on reconnaît une image du Bon Pasteur, dont la tunique porte la croix gammée telle qu'elle est peinte sur le vêtement du fossor Diogène, dans une fresque du cimetière de Domitille contemporaine du pape Damase.
La découverte la plus importante du nouveau cimetière, celle qui a permis de fixer son nom avec certitude, a eu lieu dans un cubiculum qui parait servir de centre à tout l'hypogée. Sur une des murailles de ce cubiculum, situé derrière l'abside d'un oratoire ou basilica bâti à ciel ouvert, mais au niveau du souterrain, par le pape Damase, ont été peintes, à une date postérieure, les figures de Notre-Seigneur et de quatre saints. La crypte ainsi décorée était évidemment la confession de plusieurs martyrs : la basilique qui y fut élevée, comme à Saint-Alexandre ou à Sainte-Agnes, en est un indice certain. Quels martyrs avaient été déposés dans cette catacombe?...
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(1). Le collège sacerdotal appelé Fratres Arvales, dont on attribuait l'origine à Romulus, avait pour office d'offrir, au mois de mai, des sacrifices pour la prospérité des récoltes. Il possédait un bois sacré a cinq milles de Rome, dans lequel était un temple de la Dea Dia (Cérès), un Cesareum (temple des Augustes divinisés), et d'autres édifices. Sous le règne de Tibère, les Arvales commencèrent à graver sur des tables de marbre tous les actes de leur collège. Ces actes étaient, outre les sacrifices de mai, des sacrifices offerts pour les natalitia de l'empereur et des membres de la famille impériale, et pour tous les événements importants survenus dans l'empire. Les tables arvaliques, datées, mois par mois, avec les noms des consuls ordinarii et suffecti, contenaient également mention des nouveaux membres admis dans le collège. Les Arvales n'étaient jamais plus de douze, appartenant à la plus haute aristocratie romaine.
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Rome Souterraine, p. 138-9.
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(suite)
Quels martyrs avaient été déposés dans cette catacombe? Les noms des deux saints représentés à la gauche du Sauveur sont encore parfaitement lisibles : l'un est SCS a + FAVSTINIANVS, l'autre SCS a + RVFINIANVS. Le nom du premier personnage placé à la droite du Christ est absolument effacé; la seconde figure de droite représente une femme richement vêtue, et à côté d'elle se distinguent encore les lettres suivantes : ... TRIS. On a trouvé dans la petite basilique un fragment d'une inscription damasienne, évidemment placée là en l'honneur des martyrs enterrés dans la crypte : on y lit le nom VIATRICIS, qui permet de compléter les trois lettres demeurées invisibles à côté de la figure de la sainte, et de voir en elle l'image de sainte Béatrice.
Nous avons donc les noms de trois des martyrs représentés dans la fresque : un seul demeure anonyme. M. de Rossi n'hésite pas à voir dans ce dernier saint Simplicius, qui, noyé dans le Tibre avec son frère saint Faustinianus pendant la persécution de Dioclétien, fut déposé en même temps que celui-ci dans le cimetière Generosæ juxta locum qui appellatur Sextum Philippi, ou simplement, selon l'expression des Itinéraires, Generosæ super Philippi (1) : leur sœur Béatrice, martyrisée un peu plus tard, fut enterrée dans le même cimetière. Saint Rufinianus est moins connu ; son costume indique un officier de la cour de l'empereur, et la couronne qu'il tient à la main montre qu'il préféra la foi du Christ à la faveur du prince, comme ses contemporains saint Sébastien et saint Zotique. Voilà donc un cimetière du Ive siècle, créé pour recevoir, immédiatement après leur martyre, quatre victimes de la persécution de Dioclétien, et décoré dans les années qui suivirent la paix de l'Église. Ici se présente une question en apparence insoluble : …
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a Note de Louis, par-dessus les lettres SCS, il y avait une barre.
(1). Cette désignation a fait naître une difficulté. Les actes des saints Simplicius et Faustinianus, ainsi qu'une inscription d'un sarcophage conservé dans le cloître de Sainte-Marie-Majeure, indiquent que ces martyrs furent enterrés dans un lieu appelé Philippi ou Sextum Philippi. Or un géographe du Ve siècle place ce lieu sur le bord du Tibre, près de l'île de Porto, c'est-à-dire à quatorze milles de Rome, tandis que notre cimetière n'est qu'à cinq milles de la ville. La difficulté disparaît si l'on admet ce que le seul examen des anciens documents avait déjà fait penser à M. de Rossi, que la dénomination de Sextus Philippi ne s'appliquait pas à un endroit circonscrit dans d'étroites limites, mais à toute la vallée qui se dirige vers la mer entre la dernière croupe du monte Verde, dans laquelle est creusé notre cimetière, et la rangée de collines qui borde le Tibre. Du reste, les textes ne disent pas que les martyrs furent ensevelis au Sextus Philippi, mais dans les environs, juxta locum qui appellatur Sextum Philippi, super Philippi.
Rome Souterraine, p. 138-9.
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Rome Souterraine, p. 139-40.Ici se présente une question en apparence insoluble : comment un cimetière chrétien put-il, au milieu d'une persécution, être creusé sous le temple et le bois sacré d'une confrérie païenne aussi célèbre que celle des Arvales ?
Les fragments de tables arvaliques connus jusqu'à ce jour vont des règnes des premiers Césars à celui de Gordien ; il est le dernier empereur dont on connaisse la statue dédiée sous le titre de Fratri Arvali. Aucun magistrat romain postérieur à ce prince ne prend, dans les inscriptions, la dignité de prêtre arvale. Enfin le dernier écrivain qui fasse mention du collège arvalique comme existant encore est un contemporain de Gordien, Minucius Felix.
Il est probable que sous le règne de cet empereur (238-244), ou immédiatement après lui, le collège des Arvales fut aboli, tomba en désuétude, ou fut incorporé dans quelque autre, dans celui des Saliens, par exemple. Le domaine du collège, à partir de cette époque, dut rester abandonné : et ainsi s'explique que les chrétiens aient pu, pendant la persécution de Dioclétien, creuser un cimetière sous le bois sacré de la Dea Dia.
Du reste, la partie du cimetière antérieure à l'âge de la paix se réduit sans doute à un petit nombre de tombeaux, peut-être même les premières excavations ne furent-elles pas poussées jusque sous le terrain des Arvales, et se borna-t-on d'abord à creuser des loculi dans les galeries d'un ancien arénaire dont les nombreuses ouvertures servaient d'entrée furtive à la catacombe. Tel fut le noyau primitif du petit cimetière de Généreuse : ce sont bien là les caractères d'une catacombe creusée à la hâte, à la dérobée, dans un endroit désert, à cinq milles de Rome, pour recevoir des martyrs et quelques fidèles auxquels la persécution refusait un tombeau dans les cimetières ordinaires de l'Église romaine (1).
A la fin de l'année 306, Maxence…
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(1). Voir, sur la découverte et l'identification du cimetière de Généreuse, le Bullettino di arch. crist.. 1868, pp. 25, 31, 48; 1869, pp. 1-16.
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Rome Souterraine, p. 140-1.A la fin de l'année 306, Maxence rendit la paix à l'Eglise. Mais les cimetières et les propriétés ecclésiastiques ne furent restitués qu'en 311, sous le pontificat de Melchiade. Saint Augustin raconte que « les donatistes lisaient des actes dans lesquels il était dit que Melchiade députa au préfet de la ville des diacres porteurs de lettres de l'empereur Maxence et du préfet du prétoire, les autorisant à recouvrer les biens qui avaient été confisqués pendant la persécution... » Un de ces diacres s'appelait Straton, un autre Cassien.
Le pape Melchiade, après avoir repris possession des loca ecclesiastica, transporta dans le cimetière de Calliste le corps de son prédécesseur Eusèbe, mort exilé en Sicile, et le déposa dans une des plus vastes cryptes de cette catacombe. Avant que Melchiade eût recouvré, par la faveur de Maxence, les tituli et les cimetières de Rome, son avant-dernier prédécesseur, Marcel, avait pourvu de son mieux à la réorganisation de l'administration ecclésiastique : « il organisa, dit le Liber pontificalis, les vingt-cinq tituli que renfermait la ville de Rome en autant de paroisses (diocœses) pour la réception par le baptême et la pénitence des multitudes qui se convertissaient à la foi, et pour la sépulture des martyrs. »
L'existence des tituli remonte à une époque bien antérieure au pontificat de Marcel. Leur nombre dut varier avec celui des fidèles, et croître en même temps que lui. Ainsi, le Liber pontificalis rapporte qu'Evariste (110), sixième successeur de saint Pierre, divisa entre ses prêtres les titres de la ville de Rome, et leur assigna sept diacres. Saint Fabien (236), près d'un siècle et demi plus tard, divisa, selon le même livre, les quatorze régions de Rome entre ses diacres. Nous voyons au commencement du IVe siècle le pape Marcel établir (ou plus probablement rétablir) vingt-cinq titres : ce dernier nombre est celui auquel font le plus souvent allusion les anciens documents ecclésiastiques (1).
Cette division avait pour but, comme on l'a vu…
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(1). Bianchini, Anast. Vit. Pont., II, 37.
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Rome Souterraine, p. 141-2.
Cette division avait pour but, comme on l'a vu par un texte du livre pontifical, d'assurer l'administration des sacrements et l'enterrement des morts. En effet, le soin des cimetières (cela résulte des sources les plus authentiques) était devenu une des charges principales du ministère paroissial. Il est à peu près certain que, au moins à partir de saint Fabien, chaque titre ou paroisse de Rome possédait un cimetière, ou même plusieurs cimetières, en dehors des murs, et que le prêtre ou les prêtres de la paroisse avaient juridiction sur ces lieux de sépulture.
Au temps de saint Damase, chaque église avait deux prêtres (2); et même à l'époque de saint Cyprien nous trouvons deux prêtres attachés à la même église, l'un subordonné à l'autre (3).
Si nous supposons qu'au temps où vivait saint Corneille (250) le nombre des paroisses de Rome était de vingt-trois, ce nombre correspondait parfaitement au nombre des prêtres romains, qui, sous son pontificat, était de quarante-six, deux pour chaque titre, dont l'un exerçait sans doute son ministère dans la cella ou oratoire (plus tard basilica) qui s'élevait au-dessus de chaque cimetière, tandis que l'autre l'exerçait à Rome même, dans les limites assignées à la paroisse.
Il n'est pas difficile de comprendre, après ce qui a été dit des lois romaines sur les sépultures et les confréries funéraires, comment ce système d'administration pouvait être mis en œuvre même en temps de persécution (quand les cimetières n'étaient pas confisqués), sans attirer l'attention du gouvernement impérial.
Deux précieuses épitaphes, trouvées dans deux cimetières voisins l'un de l'autre, viennent confirmer et illustrer la théorie que nous exposons. L'une appartient au cimetière de Domitille, où elle a été trouvée en 1821 : …
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