Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
III. On les presse en vain de s'agréger
à l'institut des hospitalières de Québec. (suite)
… « La mère Judith de Brésoles, leur supérieure, qui était vraiment une Judith en courage et en fidélité, ajoute-t-elle, sachant que ses compagnes étaient intrépides dans leur dessein, répondit pour elles qu'elles ne feraient ni l'un ni l'autre. Elles demeurèrent fermes dans leur vocation, et s'exposèrent de bon cœur à toutes les croix qu'elles prévirent bien que leur fermeté leur attirerait. »
Ce fut sans doute après ce refus qu'arriva ce qu'on lit dans l'Histoire de l'Institution des filles de Saint-Joseph : que M. de Laval ordonna à M. Souart, prêtre de Saint-Sulpice, venu à Québec pour les conduire à Villemarie, de leur dire, au contraire, qu'elles pensassent à s'en retourner sur le même vaisseau qui les avait amenées en Canada (1).
Si ce prélat le chargea d'une commission si pénible, il faut croire qu'elle n'eut pour objet qu'une simple insinuation. La sœur Morin assure en effet « que M. de Laval, grand serviteur de DIEU et homme tout apostolique, ne fit jamais violence au sentiment des filles de Saint-Joseph, se contentant de leur dire qu'elles lui ferait un grand plaisir en s'agrégeant à l'autre institut (1). »
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(1) Histoire de l’Institution, etc., t. II, p. 70 ;archives des hospitalières de la Flèche.
(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
A suivre : IV. M. de Laval renonce au projet de donner l'Hôtel-Dieu de Villemarie aux hospitalières de Québec.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
IV. M. de Laval renonce au projet de donner
l'Hôtel-Dieu de Villemarie aux hospitalières de Québec.
Il le désirait d'autant plus vivement, que, sans cette fusion, il se voyait dans la nécessité de rappeler les deux religieuses de Québec, qui se trouvaient à l'Hôtel-Dieu de Villemarie depuis l'année précédente, n'ayant pas de quoi les y faire subsister. Car cette maison, par le contrat même de sa fondation, devait être desservie gratuitement, et non aux dépens des pauvres; et d'ailleurs la fondation faite en faveur des hospitalières qui la desserviraient, n'était destinée, comme on l'a dit, qu'aux hospitalières de Saint-Joseph. De plus, les associés de Montréal avaient déclaré à M. de Laval qu'ils retireraient leurs aumônes si on prétendait donner la conduite de leur Hôtel-Dieu à d'autres hospitalières que celles qu'ils avaient choisies (2).
Comme donc les filles de Saint-Joseph refusaient toujours de changer d'institut, quelques personnes qui désiraient passionnément de les éloigner du pays proposèrent à M. de Laval d'appliquer à l'Hôtel-Dieu de Ville-Marie une partie de la fondation que Mme la duchesse d'Aiguillon avait faite en faveur de celui de Québec, afin de faire subsister les religieuses de Saint-Augustin dans le premier sans avoir recours à la Compagnie de Montréal.
Mais, outre qu'une pareille entreprise sur les droits des seigneurs aurait été irrégulière et entachée de nullité, la fondation de Mme d'Aiguillon était trop peu considérable pour suffire aux deux établissements.
C'est pourquoi M. de Laval aima mieux conserver la communauté de Québec, en lui laissant son revenu, que de le partager entre deux maisons, qui n'auraient pu se soutenir ni l'une ni l'autre (1). Il paraît qu'on fît alors de nouveaux efforts pour obliger les sœurs de Saint-Joseph à repasser en France. M. Dollier de Casson, dans son Histoire du Montréal, sans entrer dans le détail des difficultés qu'elles eurent à essuyer pour s'établir dans cette île, dit : « qu'elles ne l'eussent peut-être jamais fait, si M. de Laval ne leur eût été favorable pour dissiper l'orage qui avait causé contre elles cette grande tempête ; de quoi, ajoute-t-il, le Montréal lui fut bien obligé, parce qu'il contribua ainsi à lui donner ces bonnes filles (2). »
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(2) Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, p. 117.
(1) Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, p. 118.
(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1658 à 1659.
A suivre : v. M. de Laval permet aux filles de Saint–Joseph d'aller exercer leurs fonctions à Villemarie.
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Louis- Admin
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
A suivre : VI. Les hospitalières de Saint-Joseph montent à Villemarie, et celles de Saint-Augustin reviennent à Québec.V. M. de Laval permet aux filles de Saint–Joseph
d'aller exercer leurs fonctions à Villemarie.
Enfin, après qu'elles eurent été près d'un mois dans cet état d'incertitude sur leur avenir, le prélat se résolut, le 2 octobre 1659, à leur donner par écrit l'autorisation d'exercer leurs fonctions à Villemarie. Conformément au choix de l'évêque d'Angers et aux désirs des sœurs Macé et Maillet, il confirma la mère de Brésoles dans la place de supérieure; mais il leur ôta pour supérieur M. Lemaistre, qu'il jugea peut-être trop porté à les fortifier dans le dessein de demeurer attachées à leur institut, et leur donna en sa place un autre prêtre de Saint-Sulpice, M. Vignal, qu'il chargea de les conduire à Villemarie (1).
Toutefois, en leur donnant ces lettres d'autorisation, il leur déclara qu'elles ne devaient pas espérer d'être un jour établies en communauté selon les formes canoniques, ni de recevoir pour novices des filles du pays, qui assurément ne voudraient pas s'exposer aux peines et aux contradictions auxquelles elles devaient s'attendre (*).
Cette déclaration avait pour motif de les faire insensiblement consentir à s'agréger aux hospitalières de Québec, si elles ne voulaient voir leur propre communauté s'éteindre (1).
M. de Laval leur permettant donc d'aller exercer leurs fonctions à Villemarie, ordonna en même temps aux deux hospitalières de Québec, les sœurs de la Nativité et de Saint-Paul, qui y séjournaient depuis un an, de revenir; et il leur envoya M. de Saint-Sauveur, chapelain de leur communauté, pour les accompagner dans le voyage (2).
(*) La sœur Morin, assez mal instruite de ce qu'elle avait entendu raconter dans sa jeunesse sur M. de Queylus, qui avait déjà quitté Villemarie avant qu'elle y résidât elle-même, assure que M. de Laval, en refusant d'approuver l'établissement des filles de Saint-Joseph, leur alléguait pour motif la parole qu'il aurait donnée à M. de Queylus de ne les point établir canoniquement; et elle ajoute que, par amitié pour cet ecclésiastique, il persista pendant bien des années dans cette disposition. Mais ce serait faire injure à ce prélat, que de supposer en lui, dans une affaire de cette importance, un motif si humain, si opposé à son caractère bien connu, et même si frivole, puisque la Compagnie de Montréal, de qui seule dépendait cette affaire, ne voulait établir à l'Hôtel-Dieu que les sœurs de Saint-Joseph. II est certain, d'ailleurs, que lorsque ces filles arrivèrent en Canada, bien loin que M. de Laval eût pour M. de Queylus une amitié si aveugle, il l'expulsa au contraire de ce pays, sans vouloir souffrir qu'il y reparut, et que, quelques années plus tard, M. de Queylus s'y étant présenté avec une commission du Saint-Siège Apostolique, il crut pouvoir fulminer contre lui les anathèmes de l'Eglise, et l'obligea de repasser en France (1).
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(1) Vie de la sœur Bourgeoys, t. i , p. 138, 160, etc.
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(1) Lettre de M. de Laval du 2 octobre 1659 ; archives des hospitalières de Villemarie.
(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(2) Histoire de l’Hôtel-Dieu de Québec, p. 118-119.
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Louis- Admin
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VI. Les hospitalières de Saint-Joseph montent à Villemarie,
et celles de Saint-Augustin reviennent à Québec.
Durant ces débats, Mlle Mance, qui était fort malade en arrivant à Québec, se faisait traiter dans une maison de la basse ville. Voyant qu'elle n'était point encore rétablie lorsque les filles de Saint-Joseph eurent la liberté d'aller à Villemarie, et prévoyant que sa convalescence se prolongerait encore, elle leur conseilla de partir sans délai, et de la laisser avec les demoiselles qu'elle avait amenées de France, et qui étaient aussi malades des suites de la contagion.
Elles quittèrent donc Québec, et se mirent en chaloupe sur le fleuve Saint-Laurent, avec M. Vignal, leur nouveau confesseur. Mais, pour qu'il n'y eût aucun genre de contradiction qu'elles n'éprouvassent avant de s'établir, DIEU permit qu'un vent contraire ralentît tellement leur navigation, qu'elles restèrent quinze ou seize jours sur le fleuve. Elles eurent cependant la consolation de communier le jour de la fête de saint Bruno, 6 octobre, comme aussi de rencontrer la barque qui portait les deux religieuses de Québec, accompagnées par M. de Saint-Sauveur et M. Souart.
Mais la barque ayant le vent en poupe, et allant avec une grande vitesse, elle ne put s'approcher de la chaloupe plus près que de dix à quinze pas, ce qui fut cause que les compliments que ces bonnes filles se firent les unes aux autres, et les témoignages de charité qu'elles se donnèrent mutuellement, dans une rencontre si rapide, furent très-laconiques. M. Souart, qui l'année précédente était allé chercher les deux hospitalières de Québec, les ramena ainsi dans leur couvent, pendant que M. Vignal de son côté conduisait heureusement les filles de Saint-Joseph à Villemarie (1).
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(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
A suivre : VII. Leur arrivée à Villemarie. — Accueil qu'on leur fait.
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Louis- Admin
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A suivre : VIII. Mlle Mance fait achever le logement destiné aux filles de Saint-Joseph.VII. Leur arrivée à Villemarie. — Accueil qu'on leur fait.
Cette ville naissante comptait alors cent soixante hommes, dont cinquante chefs de famille, sans comprendre pourtant les nouveaux colons, au nombre de plus de cent personnes, venus avec les filles de Saint-Joseph. Elle se composait d'environ quarante maisons, presque toutes situées de manière à se défendre mutuellement contre les insultes des Iroquois. Outre le fort qui la protégeait, elle était mise à couvert, du côté appelé le coteau Saint-Louis, par une redoute qu'on venait de construire avec un moulin, sur une petite éminence fort avantageuse pour la sûreté publique (1). Tel était l'état de Villemarie à l'arrivée des filles de Saint-Joseph.
Après qu'elles eurent mis pied à terre, elles allèrent adorer NOTRE-SEIGNEUR à l'église, située dans le bâtiment même de l'Hôtel-Dieu; et comme le logement qui leur était destiné n'était point encore achevé, en attendant elles s'établirent dans celui que Mlle Mance avait occupé. La nouvelle de leur arrivée fit naître dans tout le pays une sincère et vive allégresse. Tous ces pieux colons, pénétrés de respect pour la vertu de ces saintes filles, et de reconnaissance pour le dévouement généreux qu'elles leur témoignaient en venant ainsi se vouer à leur soulagement, s'empressèrent chacun de les visiter. Ils exprimèrent, à leur façon simple, leur vive satisfaction par des compliments d'autant plus sincères que l'art y avait moins de part, et qu'ils n'étaient qu'une expression naïve des sentiments de gratitude et d'affection dont leurs cœurs étaient remplis. Elles les visitèrent à leur tour, accompagnées de M. Vignal et de quelques autres personnes de confiance, comme M. de Laval le leur avait conseillé pour la satisfaction de ce bon peuple, qu'il prévoyait bien devoir en être consolé et édifié. Tous leur donnèrent mille témoignages d'estime et de charité, leur firent la plus honorable réception qu'ils purent, leur offrant même, dans leur simplicité, ce qu'ils avaient de meilleur, comme du lait, des citrouilles cuites dans la cendre, du blé d'Inde grillé, et les pressant fort de manger, ce qu'elles refusèrent partout.
Après deux jours employés à parcourir ainsi toutes les maisons, elles choisirent pour le lieu de leur clôture un petit appartement, où elles mirent leurs lits et ce qu'elles avaient apporté de meubles et d'ustensiles, qui n'était pas considérable, et commencèrent enfin à exercer leurs fonctions d'hospitalières, à la grande satisfaction de tout le pays (1).
A leur arrivée, M. Vignal les avait mises en possession légale de l'Hôtel-Dieu et de tous les bâtiments qui en dépendaient. Le 20 du mois de novembre suivant, M. de Maisonneuve, en sa qualité de gouverneur, leur donna, de cette prise de possession, un acte par écrit, daté du fort de Villemarie, où il faisait sa résidence (1).
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(1) Emplois de Pierre Devoyer, vicomte d’Argenson ; mss. de la bibliothèque du Louvre, in-fol. nº 32, fol. 72.
(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(1) Archives des hospitalières de Villemarie, acte de M. de Maisonneuve, du 20 novembre 1659.
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Louis- Admin
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VIII. Mlle Mance fait achever le logement
destiné aux filles de Saint-Joseph.
Pendant que la mère de Brésoles et ses compagnes donnaient ainsi à la colonie ces touchants témoignages de leur dévouement, Mlle Mance achevait de rétablir sa santé, et se disposait à aller les joindre avant l'hiver. La guérison miraculeuse de son bras, dont elle portait sur elle la preuve visible et toujours subsistante, fit une grande sensation à Québec, où son infirmité précédente avait eu autant de témoins qu'il y avait de personnes dans ce lieu, et contribua beaucoup à accréditer la sainteté de M. Olier et sa puissance auprès de DIEU.
Ce fut peut-être par suite des impressions de ce miracle dans les cœurs que la supérieure des hospitalières de Québec désira peu après qu'on lui envoyât de France le livre de la Journée chrétienne composé par M. Olier (2).
Mlle Mance se rendit enfin à Villemarie, environ trois semaines après les filles de Saint-Joseph, et dans ce voyage elle eut beaucoup à souffrir de la rigueur excessive du froid. A son arrivée, elle fut étonnée et affligée de voir que les logements destinés pour les hospitalières étaient si peu avancés, et elle ne put s'empêcher d'en faire ses plaintes aux personnes qui avaient promis d'en prendre soin. Il parait que les travaux de la campagne, qu'on n'avait pu différer et la construction des logements pour la nouvelle recrue, n'avaient pas permis de trouver assez d'ouvriers pour pousser avec plus d'activité le bâtiment des hospitalières.
Mlle Mance n'épargna rien pour qu'elles pussent l'occuper prochainement, et employa, à cette fin, tout ce qu'elle put avoir de menuisiers. Ils y travaillèrent avec beaucoup de diligence pendant deux mois environ, et le mirent en état de recevoir ces filles pour y passer l'hiver, quoique avec bien des incommodités. Le logement dont nous parlons était situé au-dessus de la salle des hommes et de celle des femmes, et on y montait par un petit escalier de vingt marches, fort étroit. Il se composait d'une chambre d'environ vingt-cinq pieds en carré, où était une cellule pour la supérieure. Au bout de cette chambre se trouvait le dortoir, c'est-à-dire quatre petites cellules, et enfin un cabinet pour y serrer les bardes et les provisions (1).
Tel fut pendant bien des années le monastère des filles de Saint-Joseph à Villemarie; et nous dirons bientôt tout ce qu'elles eurent à y endurer de privations et de souffrances, sans pouvoir apporter à leurs maux d'autres remèdes que la patience et la soumission la plus entière à la très-sainte volonté de DIEU.
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(2) Relation de la Nouvelle-France, 1664 et1665, par le P. Le Mercier, p. 15.
(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
A suivre : IX. Épreuves par lesquelles DIEU purifie M. de La Dauversière.
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Louis- Admin
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IX. Épreuves par lesquelles DIEU purifie M. de La Dauversière.
Elles y étaient à peine établies, qu'elles se virent plus menacées que jamais d'être renvoyées en Europe, et de céder la place aux hospitalières de Québec, à l'occasion de la mort de M. de La Dauversière, décédé le 6 novembre de cette même année, c'est-à-dire peu de jours après leur arrivée à Villemarie. DIEU le traita constamment comme il a coutume d'en user à l'égard des âmes les plus éminentes. Il le perfectionna par les tribulations, dont sa vie fut en effet toute remplie; et parce que la foi de ce grand serviteur de DIEU était vraiment magnanime, elle le fit toujours sortir victorieux de ces diverses épreuves, comme l'or qui sort plus pur du creuset.
Aussi le seul trésor qu'il voulait posséder sur la terre était une foi ferme et inébranlable; et un jour que NOTRE-SEIGNEUR lui offrit de lui accorder telle grâce qu'il voudrait, il n'en demanda pas d'autre que la foi. Son confesseur lui ayant représenté qu'il aurait dû demander plutôt la grâce de ne plus pécher, cet homme, divinement éclairé des voies de DIEU sur les âmes, lui fit cette réponse, bien digne de remarque : « Mon père, l'impeccabilité n'est pas l'état où DIEU veut mettre l'homme tant qu'il est sur la terre (1). »
Comme donc c'était la grandeur de sa foi qui l'avait soutenu au milieu de tant d'épreuves, DIEU, pour le couronner de plus de gloire dans le ciel, voulut que cette même vertu parût surtout en lui à la fin de sa vie, dans les tribulations dont il fut alors assailli, et qui le rendirent comme une image touchante du saint homme Job.
La croix la plus pesante qu'il avait eue à porter jusque alors était, d'une part, la mésintelligence survenue entre la Compagnie de Montréal et les RR. PP. Jésuites au sujet de l'établissement de Villemarie, et, de l'autre, les difficultés par rapport aux vœux solennels qu'il aurait voulu introduire dans son institut.
Mais, deux ans avant sa mort…
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(1) Mémoires de M. de La Dauversière fils sur son père.
A suivre…
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Louis- Admin
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IX. Épreuves par lesquelles DIEU purifie M. de La Dauversière.
(suite]
Mais, deux ans avant sa mort, il sembla que DIEU eût permis à l'ange de Satan d'éprouver son serviteur de toutes les manières, et si l'on en croit M. de Fancamp, particulièrement instruit des circonstances les plus cachées de la vie merveilleuse de M. de La Dauversière, cet ange de ténèbres demanda en effet de le cribler comme autrefois le saint homme Job, et DIEU le lui permit afin d'être glorifié par la fidélité de son serviteur (1).
Pour l'intérieur, il fut dépouillé de toute grâce sensible, et abandonné à la seule nudité de la foi ; et quant à l'extérieur, il se vit frappé dans sa réputation, dans ses biens, dans son corps. Tout le monde se souleva contre lui: ses parents et ceux des filles de Saint-Joseph pour des raisons d'intérêt; le peuple, parce qu'il s'imaginait qu'il vendait à prix d'argent les filles du pays, qu'il envoyait à Montréal; toute la ville de la Flèche, qui le regardait comme un perturbateur du repos public; ses propres amis, qui étaient devenus ses persécuteurs. Les filles de Saint-Joseph, pour lesquelles il avait toujours eu un cœur de père, furent elles-mêmes, quoique innocemment, l'occasion de ses peines les plus sensibles. Ces peines eurent pour fondement certains bruits entièrement faux, qu'on alla malicieusement lui rapporter, touchant certaines règles qu'il avait voulu leur ôter pour prévenir le relâchement. Cette dernière affliction fut surtout ce qui causa la maladie dont il mourut. DIEU le frappa encore dans sa fortune, qu'il renversa de fond en comble. Dans un seul jour, il perdit pour plus de 100,000 livres, par le naufrage d'un vaisseau qui devait rétablir entièrement ses affaires.
Pour lui personnellement, il ne fut pas plus touché de cette perte que s'il eût été de bronze, quoiqu'il vît sa famille réduite à l'aumône par cet accident. Mais ce qui l'accablait de douleur, c'était de penser que les débris de sa fortune ne pourraient suffire à tous ses créanciers.
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(1) lettre de M. de Fancamp au R.P. Chaumonot du 28 avril 1660.
A suivre : X. Dernière maladie et mort de M. de La Dauversière.
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X. Dernière maladie et mort de M. de La Dauversière.
Enfin, comme si tout cela n'eût pas suffi pour faire éclater sa patience, il se vit accablé en même temps par huit maladies des plus douloureuses, dont une seule aurait dû le faire expirer. DIEU l'en avait guéri subitement pour qu'il pût se rendre à la Rochelle, afin d'y donner ses ordres avant le dernier embarquement, et d'y accompagner ses filles, comme nous l'avons raconté.
Après qu'il leur eut fait ses adieux et qu'il se fut mis en marche, la haire sur le dos, pour retourner à la Flèche, n'étant plus qu'à une journée de sa maison, il descendit de cheval à Saumur, pour aller se jeter aux pieds de la statue de Notre-Dame des Ardilliers, et là il fut repris de toutes ses maladies précédentes, et en proie aux plus intolérables douleurs. Il remonta néanmoins à cheval pour achever à la Flèche son sacrifice.
Sa vie ne fut plus qu'un martyre continuel…
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X. Dernière maladie et mort de M. de La Dauversière.… Sa vie ne fut plus qu'un martyre continuel.
(suite]
La gravelle, jointe à une pierre si monstrueuse qu'elle occupait toute la vessie, une goutte cruelle, la fièvre, des coliques néphrétiques, deux hernies intolérables, une fluxion de poitrine, les hémorroïdes avec des ulcères, tels furent les maux qu'il eut à endurer à la fois et sans aucun soulagement. Si on lui donnait un remède pour apaiser celui de ses maux qui le pressait davantage, ce remède semblait ne servir qu'à aigrir les autres ; en sorte que les médecins avouaient qu'il ne vivait que par miracle, et pour souffrir comme s'il eût été sur un gril exposé à un brasier ardent. A la fin, toutes ses chairs étant consumées, et sa peau étant percée par ses os, son corps n'était plus qu'un squelette tout couvert de plaies. Dans cet état, il n'avait de repos ni le jour ni la nuit. Durant l'espace d'un mois entier, à peine eut-il une heure de sommeil. Il ne lui restait plus que la sensibilité pour souffrir, et la voix pour témoigner la vivacité de ses douleurs ; nuit et jour ce n'était qu'un cri plaintif qui fendait le cœur de tous ceux qui s'approchaient de lui. Néanmoins, dès qu'il avait un moment de relâche, on le voyait entrer dans un état de calme et de paix admirable, comme s'il eût été en oraison; et s'il parlait alors, ce n'était que pour se plaindre à lui-même de son impatience et de sa lâcheté à souffrir.
Quatre jours avant sa mort, étant visité par M. de Fancamp, il lui dit ces paroles : « Vous voyez ici l'homme des douleurs; » mais se reprenant aussitôt : « J'ai tort de parler de la sorte, ajouta-t-il, puisque cette qualité ne convient qu'à JESUS-CHRIST , et que moi je ne suis qu'un lâche qui ne peut rien endurer. » A tous ces maux extérieurs, DIEU, pour le purifier de plus en plus, ajouta encore des peines intérieures, dont il serait difficile de se faire une juste idée.
Le jour de sa mort il eut une vue de la rigueur de la justice divine qui fut pour lui un tourment plus intolérable que ce qu'il avait enduré toute sa vie; et ensuite, pendant plus de quatre heures qu'il vécut encore, il lui survint des assauts d'amour de DIEU si violents, que ses douleurs n'étaient plus rien en comparaison de ce qu'il eut alors à souffrir par cette nouvelle sorte de martyre. Enfin, levant les mains au ciel, et regardant fixement d'un certain côté de sa chambre, avec un visage serein, comme s'il eût vu quelque chose d'agréable, et peu après baissant ses mains et les croisant sur sa poitrine, il inclina la tête et expira doucement (1), le 6 de novembre 1659, âgé de 63 ans (*).
(*) : à suivre…
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(1) lettre de M. de Fancamp au R.P. Chaumonot du 28 avril 1660 ; archives des hospitalières de la Flèche.
Dernière édition par Louis le Mer 10 Oct 2012, 2:22 pm, édité 2 fois (Raison : orthographe)
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
X. Dernière maladie et mort de M. de La Dauversière.
(suite]
(*) Le corps de M. de La Dauversière, après avoir été embaumé et renfermé dans un cercueil de plomb, fui inhumé dans la partie du caveau des sœurs de Saint-Joseph qui était située sous la chapelle de leur ancien hôpital; et son cœur, pareillement embaumé, et placé dans une boîte de plomb en forme de cœur, fut porté dans la chapelle du château de la Mothe-Lubin, commune de Crosnières, et déposé dans la muraille.
Après les bouleversements occasionnés par la révolution française, il n'a pas été possible aux filles de Saint-Joseph de la Flèche de reconnaître le corps de leur saint instituteur.
Pour les dédommager de cette perte, M. André-Louis Le Royer de La Mothe et son épouse, et M. Henri-Gustave Le Royer de La Mothe, descendant de M. Le Royer de La Dauversière, propriétaire du château de la Mothe-Lubin, ont bien voulu leur donner le cœur de leur aïeul, le 20 mai 1836, fête de la Sainte-Trinité, au jour de laquelle l'institut de Saint Joseph avait pris naissance deux cents ans auparavant. Après les prières de l'absoute, le cœur fut porté processionnellement et remis entre les mains de la supérieure, en présence des autorités civiles de la Flèche, et d'une grande foule de fidèles, qui avaient assisté à la cérémonie (1) . Nous donnons ici le fac-similé de la signature de ce grand serviteur de Dieu.
(1) Translation du cœur de M. de La Dauversière ; archives des hospitalières de la Flèche.
A suivre : 1660. XI. La fondation des hospitalières étant perdue, on les invite à repasser en France.
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
1660. XI. La fondation des hospitalières étant perdue,
on les invite à repasser en France.
M. de Fancamp, qui lui succéda comme procureur de la Compagnie de Montréal, écrivit au Père Chaumonot, Jésuite, les circonstances de cette précieuse mort.
« Me voici tiré de la solitude, lui disait-il, et dans les tracas du monde, après le décès de M. de La Dauversière, qui est mort en saint, comme il avait vécu. J'ai eu le bonheur d'assister à sa mort, et d'avoir été six semaines près de lui pendant sa maladie.
Cette excellente fin étant une des plus belles de notre siècle, je crois que vous ne serez pas fâché qu'elle soit le sujet de cette lettre, dont vous donnerez, s'il vous plaît, lecture au Révérend Père Lallemant. DIEU veuille que nous vivions plus en union que nous ne l'avons fait de son vivant; j'espère que nous l'obtiendrons par son intercession. On peut dire de ce grand serviteur de DIEU ce que NOTRE-SEIGNEUR disait de lui-même : Aujourd'hui j'opère des miracles : heureux celui pour qui je ne serai point un sujet de scandale à cause des opprobres dont je serai couvert. Car, comme il a perdu beaucoup de biens, ses créanciers ne seront peut-être pas payés. Les pauvres filles hospitalières de Montréal sont du nombre. Après avoir eu bien des peines et beaucoup souffert pour aller en Canada, elles seront sans doute obligées de revenir en France, leurs fonds étant enveloppés dans ses dettes (1). »
C'était une nouvelle croix que DIEU destinait à ces saintes filles, en vue de purifier de plus en plus leur amour pour lui, et de les affermir dans l'abandon à sa providence. M. de La Dauversière, après avoir reçu des mains de Mlle Mance les 20,000 livres données par Mme de Bullion pour leur fondation, les avait portées au trésorier de l'épargne, en acquit de la recette qu'il devait lui-même au roi comme receveur de ses finances à la Flèche. Sa pensée était de remplacer cette somme lorsqu'il aurait trouvé une occasion sûre pour la mettre à constitution de rente ; mais, après la perte de plus de 100,000 livres qu'il venait de faire, étant redevable au trésor de plus qu'il n'avait de biens, les 20,000 livres des hospitalières restèrent dans les coffres du roi et furent perdues sans ressource peur elles (1).
Comme donc elles n'avaient plus aucun fonds assuré pour subsister à Villemarie, et que l'Hôtel-Dieu devait y être desservi gratuitement, M. de Fancamp, procureur de la Compagnie de Montréal, leur écrivit de repasser en France, attendu que les associés, épuisés par les dépenses qu'ils faisaient chaque année, et d'ailleurs découragés par les mesures sévères que M. de Laval croyait devoir prendre à leur égard, ne pouvaient leur procurer une nouvelle fondation. C'est que ce prélat, comme il est dit dans la Vie de la sœur Bourgeoys, après avoir fait expulser M. de Queylus du Canada, ne voulait pas souffrir qu'il revint dans la colonie, dont il était cependant un des principaux soutiens; ce qui fut cause que la Compagnie mit alors en délibération si elle n'abandonnerait pas l'œuvre de Villemarie (2). Dans cette incertitude, M. Macé, prêtre du séminaire de Saint-Sulpice de Paris et frère de la sœur Macé dont on a parlé, écrivit à ces filles de s'embarquer avec les messieurs du séminaire s'ils quittaient le pays, comme on le craignait ; et s'ils continuaient à y demeurer, de repasser néanmoins en France, où M. de Fancamp et lui iraient les recevoir à la Rochelle, et les conduiraient dans la maison de l'institut qu'elles auraient choisie (1).
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(1) lettre de M. de Fancamp au P. Chaumonot etc.
(1) Archives de la marine; mémoire de MM. de Denonville et de Champigny, 1687 — Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1662 à 1663. — L’état présent de l’Église de la Nouvelle-France, par M. l’évêque de Québec, Paris, 1688, in-8º, p. 63
(2) Vie de la sœur Bourgeoys, t. I.
(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
A suivre : XII. Les hospitalières prennent la résolution de demeurer à Villemarie sans fondation assurée.
Dernière édition par Louis le Mer 10 Oct 2012, 2:26 pm, édité 1 fois (Raison : orthographe)
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
XII. Les hospitalières prennent la résolution de
demeurer à Villemarie sans fondation assurée.
La nouvelle de la mort de leur saint instituteur, et l'invitation qu'on leur faisait de revenir en Europe, les affligèrent beaucoup, sans abattre pourtant leur courage. Après avoir mûrement pesé toutes choses, et avoir beaucoup prié DIEU pour connaître le parti qu'elles avaient à prendre, elles crurent se conformer à sa volonté (en) décidant à vivre et à mourir à Villemarie, sans recourir à la Compagnie de Montréal, dans la confiance où elles étaient que la Providence pourvoirait à tous leurs besoins, ainsi que leur bon père les en avait assurées en leur disant le dernier adieu à la Rochelle.
Il est à remarquer qu'au moment de l'embarquement, la sœur Maillet, qui avait la charge d'économe, lui ayant demandé entre quelles mains il avait placé la fondation, et à qui elle devait s'adresser pour en réclamer la rente, il avait paru préoccupé dans sa réponse, et s'était contenté de lui dire : « Ma fille, Dieu y pourvoira, confiez-vous en lui (1). » Ces paroles firent croire dès lors à la sœur économe qu'il était survenu quelque fâcheux embarras dans cette affaire. Néanmoins, par un effet du respect qu'elle lui portait, et de la confiance qu'elle avait en lui, elle n'insista pas.
Mais lorsqu'après la mort de M. de La Dauversière elle sut que la fondation était perdue, la sœur Maillet ne douta pas, et ses compagnes ne doutèrent pas non plus, que cette perte ne fût déjà arrivée avant qu'elles eussent quitté la Rochelle, et que M. de La Dauversière, en la leur tenant secrète, pour ne pas mettre obstacle à leur départ, n'eût voulu, par sa réponse, les assurer que, malgré la perte de leur fondation, elles ne laisseraient pas de subsister à Villemarie, pourvu qu'elles missent en DIEU seul leur confiance et leur appui. Elles prirent donc le parti d'y demeurer, et cette résolution réjouit toute la colonie (2).
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(1) Annales des hospitalières de Villemarie, etc.
(2) Annales des hospitalières, etc.
A suivre : XIII. Les hospitalières, sollicitées de nouveau à s'unir à celles de Québec…
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XIII. Les hospitalières, sollicitées de nouveau à s'unir à
celles de Québec ou à repasser en France, sont retenues à Villemarie.
Cependant, lorsqu’on apprit à Québec que les hospitalières de Saint-Joseph se trouvaient sans fondation, on revint au projet de les incorporer à celles de Saint-Augustin, ou de les renvoyer en France. Mais elles persévérèrent invariablement dans leur premier dessein, quelques instances qu'on pût leur faire. Il est vrai que les prêtres du séminaire de Saint-Sulpice, M. de Maisonneuve, Mlle Mance, et tous les colons de Villemarie, qui désiraient ardemment de les conserver, ne contribuèrent pas peu à les affermir dans cette résolution.
M. Souart, supérieur du séminaire en l'absence de M. de Queylus, et qui était singulièrement édifié de leur vertu, fit tout ce qu'il put pour les retenir; il les aidait de ses largesses, les visitait, les encourageait à souffrir, et les justifiait auprès de ceux qui taxaient d'entêtement la fermeté avec laquelle elles refusaient de changer d'institut. M. Vignal, leur confesseur, et M. Galinier, économe du séminaire, s'efforçaient aussi de soutenir leur courage. M. de Maisonneuve, de son côté, représentait fortement le bon droit de ces filles aux personnes qui leur étaient opposées; il les encourageait à persévérer, et les assistait aussi de ses aumônes.
Enfin, pour tout dire en un mot…
A suivre…
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XIII. Les hospitalières, sollicitées de nouveau à s'unir à
celles de Québec ou à repasser en France, sont retenues à Villemarie. (suite)
Enfin, pour tout dire en un mot, les ecclésiastiques du séminaire, M. de Maisonneuve, Mlle Mance et les religieuses ursulines de Québec, étaient tout ce qu'elles avaient d'amis en Canada parmi les personnes de considération. Mais pour ce qui est du peuple de Villemarie, il leur était tout dévoué, et se serait sacrifié volontiers pour elles (1). Aussi, dès qu'il apprit qu'on pensait sérieusement à les envoyer en France, fit-il auprès de M. de Laval les instances les plus vives et les plus pressantes pour les conserver dans la colonie; et ces instances eurent leur effet.
« Les bonnes mères hospitalières qui vinrent l'année dernière s'établir à Montréal, écrivait de Québec la mère Marie de l'Incarnation le 17 septembre 1660, ont été à la veille de repasser en France, leur fondation étant saisie et regardée comme perdue. Mais Monseigneur notre Prélat les a retenues sur la requête qui lui a été présentée par les habitants de Montréal ; car ce sont des filles « d'une grande vertu et édification (1). »
M. Dollier de Casson, parlant de la perte de leurs fonds, fait à ce sujet la réflexion suivante : « Si ces bonnes filles avaient tardé une année de partir, comme le souhaitait M. de Laval, avant ce temps M. de La Dauversière étant mort, leur fondation aurait été absorbée par ceux qui ont voulu faire voir qu'il était mort ruiné ; et par conséquent ces filles n'auraient eu que faire de songer à partir étant sans fondation. Mais DIEU , qui les voulait là dans l'état de pauvreté où elles se trouvent, et qui savait ce qui devait arriver, les a fait prévenir ce qui les aurait arrêtées en France (2). »
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(1) Annales des hospitalières de Villemarie, etc.
(1) Lettres de Marie de l’Incarnation 3e partie, lettre XC , p. 204.
(2) Histoire du Montréal, par M. Dollier de Casson, de 1662 à 1663.
A suivre : XIV. M. de Laval refuse d'approuver les hospitalières — M. Olier et M. de La Dauversière les consolent.
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XIV. M. de Laval refuse d'approuver les hospitalières
— M. Olier et M. de La Dauversière les consolent.
Quoique M. de Laval eût bien voulu qu'elles restassent encore à Villemarie, malgré la perte de leur fondation, il ne cessa pas cependant de les presser, comme auparavant, de s'agréger à l'institut des hospitalières de Québec.
« Ce combat de nos chères sœurs a duré douze ans, dit la sœur Morin; ce que NOTRE-SEIGNEUR a permis pour exercer la vertu de nos mères, et faire connaître leur fermeté dans leur dessein. Et pendant tout ce temps elles souffrirent beaucoup de résister ainsi au sentiment de Monseigneur l'Évêque (1). »
Ce fut apparemment par l'espérance de les voir embrasser un jour l'institut des hospitalières de Québec, que M. de Laval refusa toujours de reconnaître officiellement leur communauté à Villemarie, malgré tout ce qu'on put faire pour le fléchir. Mlle Mance était extrêmement sensible à ce refus, le regardant comme fait à la Compagnie de Montréal et à M. Olier lui-même, qui avaient accepté les hospitalières de Saint-Joseph à l'exclusion de tout autre institut. Les prêtres du séminaire de Saint-Sulpice et M. de Maisonneuve n'épargnèrent ni les prières ni les instances auprès du prélat. Mais tout fut inutile ; et à la fin, on prit le parti d'abandonner cette affaire à la divine Providence et de demeurer en repos (2).
Malgré leur résignation aux ordres de DIEU, les filles de Saint-Joseph…
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(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(2) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
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XIV. M. de Laval refuse d'approuver les hospitalières
— M. Olier et M. de La Dauversière les consolent. (suite)
Malgré leur résignation aux ordres de DIEU, les filles de Saint-Joseph ne pouvaient s'empêcher cependant de ressentir tout ce que cet état d'incertitude avait d'affligeant pour elles. La sœur Maillet surtout y était très-sensible. Cette sainte fille, que DIEU conduisait par une voie d'oraison sublime et d'attention habituelle à sa divine présence, fut puissamment fortifiée par des faveurs extraordinaires qu'elle reçut plusieurs fois dans ses grandes désolations. Elle vit M. Olier jouissant de la gloire, qui la consolait dans ses peines et l'affermissait contre la crainte qu'elle avait que la maison de Saint-Joseph ne pût subsister à Villemarie. Dans une de ces circonstances il lui apparut avec M. de La Dauversière.
Ces deux grands serviteurs de DIEU l'assurèrent de sa part que cette œuvre était de lui, et qu'elle subsisterait malgré l'opposition des hommes, qui agissaient en aveugles, ne connaissant pas ses desseins ; mais que DIEU saurait tirer sa gloire des persécutions que l'on faisait souffrir à cette maison, fondée sur la pauvreté et soutenue par les croix ; qu'étant filles de saint Joseph et consacrées à honorer et à imiter la Sainte-Famille sur la terre, elles devaient marcher par le chemin des humiliations et des contradictions de la part des hommes ; que moyennant cela rien ne pourrait les renverser ni les détruire, étant soutenues de DIEU et protégées par la Sainte-Famille, JESUS, Marie, Joseph.
La sœur Maillet prenait plaisir à faire part à ses compagnes de ces faveurs extraordinaires, pour relever leur courage, qui en effet n'en était pas peu fortifié. « C'est ce qu'elle m'a dit plusieurs fois dans des entretiens particuliers, rapporte l'une d'elles. Ils étaient si dévots, si remplis de transports pour son bien-aimé, que ses paroles pénétraient mon cœur d'une douce consolation que je ne puis exprimer (1). »
Ces apparitions de M. Olier, qui ne sont pas les seules qu'on raconte de lui, et l'assurance donnée aux sœurs de Saint-Joseph, ne doivent point paraître suspectes dans l'histoire d'une fondation aussi admirable que l'est celle de l'Hôtel-Dieu de Villemarie, fondation dont elles sont comme une conséquence naturelle. Au reste, cette assurance a été justifiée de la manière la plus incontestable, ainsi qu'on en demeurera convaincu par la lecture de cet ouvrage ; car nous n'aurons à y raconter qu'une suite d'épreuves diverses et de croix de tous les genres, si multipliées et si continuelles, qu'il n'y a peut-être pas d'autre maison dans l'Église de DIEU qui en ait eu un plus grand nombre à porter.
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(1) Montréal en Canada, mss. mss. in- 4º des hospitalières de la Flèche, p. 10. — Lettre circulaire sur la sœur Marie Maillet ; archives de l’hôtel – Dieu de Bougé, p. 6.
A suivre : Chapitre II . EXTREME PAUVRETE ET SOUFFRANCES QUE LES FILLES DE SAINT-JOSEPH ENDURENT A VILLEMARIE.
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A suivre : II. Les filles de Saint-Joseph se voient sans aucun revenu assuré.CHAPITRE II
EXTREME PAUVRETE
ET SOUFFRANCES QUE LES FILLES DE SAINT-JOSEPH
ENDURENT A VILLEMARIE.
1660 et suiv. I. Les filles de Saint-Joseph
appelées à retracer à Villemarie les vertus
et surtout la pauvreté de saint Joseph.
En ordonnant à M. de La Dauversière d'établir une maison d'hospitalières dans l'île de Montréal, DIEU se proposait, comme on l'a vu, de faire paraître dans ces filles, et de répandre par elles dans cette colonie, l'esprit et les vertus du glorieux saint Joseph. Ce grand saint, qui eut en sa garde le Fils de DIEU et la très-sainte Vierge sa mère, et fut le plus honoré d'entre les hommes, participa aussi dans un degré très-éminent aux béatitudes que NOTRE-SEIGNEUR a préconisées dans l'Évangile, et qui sont sur la terre la consolation des vrais enfants de DIEU comme le motif de leurs plus douces espérances. « Bienheureux les pauvres ! dit le Sauveur. Bienheureux ceux qui sont doux, ceux qui sont dans l'affliction, ceux qui ont soif de la justice ! Bienheureux ceux qui sont miséricordieux, qui ont le cœur pur! Bienheureux les pacifiques, bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice (1) ! »
Tel fut sur cette terre le partage du grand saint Joseph, modèle parfait des vertus de pauvreté, de douceur, de résignation, de zèle, de commisération, de pureté, d'humilité, de patience dans les contradictions. DIEU, qui voulait donc faire paraître quelque chose des vertus de ce saint dans ses filles, leur communiqua en faveur des membres de son Fils, qu'elles sont obligées par état de soulager, une participation abondante à la charité douce et affectueuse de saint Joseph pour l'enfant JESUS ; il les mit aussi en part de sa patience dans les afflictions, et leur communiqua les autres vertus qui avaient éclaté en lui, mais surtout son amour pour la sainte pauvreté, afin qu'elles fussent dans cette nouvelle chrétienté des modèles de résignation et de patience pour tous les colons, la plupart associés par état à la pauvreté réelle de JESUS-CHRIST.
Car elles avaient été suscitées, comme on l'a vu déjà, pour honorer saint Joseph conducteur de JESUS pauvre, roi des pauvres, et fondateur de la pauvreté évangélique.C'est ce qui explique l'état de dénûment extrême où DIEU s'est plu à les tenir pendant environ cent cinquante ans, ainsi que toute la suite de cet ouvrage le montrera. Voici quelle fut leur pauvreté dès leur établissement à Villemarie.
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(1) Evangile se saint Matthieu, ch.V, v. 8 et suiv.
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II. Les filles de Saint-Joseph se voient sans aucun revenu assuré.
Elles y étaient à peine arrivées qu'elles perdirent leur fondation, M. de La Dauversière, comme on vient de le dire, ne l'ayant pas placée en rente avant sa mort.
« Il ne le fît pas, dit la sœur Morin, pour des raisons qu'on saura dans l'éternité. Pour moi, ajoute-t-elle, je crois aisément que la chose est arrivée de la sorte, parce que DIEU veut que cette maison soit pauvre. Elle a été fondée sur la pauvreté : la pauvreté y subsiste encore à présent que j'écris ceci, en 1697. Le nécessaire ne lui manque point ; mais aussitôt qu'on pense à la mettre à l'aise, il vient un revers qui la rejette dans la pauvreté, par des pertes considérables qu'on ne peut dire en détail, mais dont on ressent bien la privation. Nonobstant tout cela, nous avons vécu et servi nos pauvres malades sans mourir de faim, et expérimenté combien était véritable l'assurance que M. de La Dauversière donna à nos premières mères à leur départ de la Rochelle: que la sainte Providence pourvoirait à tous leurs besoins. Nous l'avons éprouvé dans toutes les circonstances où nous avons eu besoin d'amis et de bien pour vivre ; sans sortir pourtant de la sainte pauvreté, qui est le fondement de cet établissement. Elle a été aimée, chérie et respectée de nos premières mères au delà de tout ce que je pourrais dire (1). »
Ces saintes filles, ayant donc perdu leur fondation, se trouvèrent absolument dépourvues de toute ressource assurée pour subsister à Villemarie. Il est vrai que peu après leur arrivée, M. de Maisonneuve leur donna, le 23 décembre 1659, au nom des seigneurs de l'île et en exécution de la promesse qu'ils avaient faite, cent arpents de terre situés entre la ferme de Saint-Gabriel et la montagne, au lieu appelé alors le Lac ou la Prairie aux Loutres, pour qu'elles et les autres hospitalières du même institut qui leur succéderaient à Villemarie en jouissent en toute propriété (1). Mais ces terres, encore incultes et couvertes de bois, ne pouvaient leur donner du pain qu'à mesure qu'elles les auraient mises en culture, et elles n'avaient pas alors le premier sou pour en commencer le défrichement.
Outre la perte de leur fondation, elles en éprouvèrent une autre considérable dès leur arrivée en Canada. Par le compromis fait le 31 mars 1656 entre la Compagnie de Montréal et les hospitalières de la Flèche, il avait été stipulé que celles des filles de Saint-Joseph qu'on enverrait à Villemarie jouiraient d'une pension de cent cinquante livres au moins pour chacune d'elles, qui serait payée par la maison de France où elles auraient fait profession, et qui aurait reçu leur dot (2).
Toutefois, la mère de Brésoles et ses compagnes ne touchèrent point cette pension pendant bien des années. « DIEU le permit ainsi, dit la sœur Morin, pour exercer leur vertu et la faire paraitre avec plus d'éclat. Elles ne se rendirent point importunes durant ce temps, se confiant dans la providence de DIEU, qui prend soin de toutes ses créatures et nourrit les moindres oiseaux de l'air (1). »
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(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(1) Archives des hospitalières de Villemarie, acte du 23 décembre 1659.
(2) Acte de Chaussière, notaire à Paris, du 31 mars 1656.
(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
A suivre : III. Extrême pauvreté des filles de Saint-Joseph dans leurs repas.
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A suivre : IV. Ce qu’elles ont à souffrir des rigueurs du froid.III. Extrême pauvreté des filles de Saint-Joseph dans leurs repas.
Nous avons vu que pour les fonder Mme de Bullion avait donné 22,000 livres, dont 2,000 servirent à les équiper et à payer les frais de leur voyage à Villemarie, ainsi que ceux des deux domestiques qu'elles avaient amenées de France. Sur cette somme, M. de La Dauversière avait employé trois à quatre cents livres à acheter à la Rochelle de la toile, des étoffes et des souliers pour elles et pour leurs gens ; et ces marchandises furent tout ce qu'elles apportèrent de bien en Canada. Dès leur arrivée elles furent obligées de les vendre pour se procurer le strict nécessaire, savoir, du blé, du lard, et quelques légumes, ce qui fut leur nourriture ordinaire pendant plus de vingt ans ; et encore n'en prenaient-elles qu'en petite quantité. Mais l'amour de la sainte pauvreté et l'esprit de pénitence leur faisaient trouver de bon goût ces aliments, quelque grossiers qu'ils pussent être. Elles n'avaient à leur propre usage que du pain de ménage, le même qu'elles donnaient à leurs domestiques; et pour leur réserver le lard elles n'en mangeaient qu'une seule fois par jour, et même qu'une fois de deux en deux jours. Pendant l'été elles ne vivaient guère que des légumes provenant d'un petit jardin qu'elles cultivaient elles-mêmes, et d'un peu de lait. Elles ne savaient ce que c'était que de manger du bœuf; les malades mêmes n'en avaient que fort rarement.
Les prêtres du séminaire, obligés de nourrir un grand nombre de familles qu'ils avaient amenées en Canada, ne pouvaient aider les filles de Saint-Joseph autant qu'ils l'auraient voulu. M. Souart et Mlle Mance leur envoyaient quelquefois du poisson frais, ce qui était pour elles un grand régal, comme aussi les œufs et la bouillie.
La sœur Morin, qui nous apprend ces détails, ajoute ce qui suit : « Je puis assurer que j'ai été au moins dix ans dans cette maison sans y avoir vu servir aucun fruit au réfectoire, sinon quelques prunes sauvages une ou deux fois l'an, et si chétives, qu'on ne voudrait pas les ramasser de terre aujourd'hui. Jamais de fraises, de framboises, ou de mûres, parce qu'on n'aurait pu en aller cueillir dans les bois sans courir risque de sa vie, à cause des Iroquois qui y étaient cachés. Pour l'hiver, tous nos repas consistaient en un petit morceau de lard, ou de poisson salé, ou enfin en des racines, des fèves, des pois, le tout apprêté avec la dernière propreté et pauvreté » (1).
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(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
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IV. Ce qu’elles ont à souffrir des rigueurs du froid.
Pour se former une juste idée de ce que pouvaient être les repas de ces saintes filles, il faut considérer les incommodités et les privations que la rigueur du froid y ajoutait.
N'ayant point de caves ni pour elles ni pour les pauvres, elles ne pouvaient rien garantir de la gelée, pas même le pain. II devenait aussi dur que les pierres, et pour pouvoir le couper et s'en nourrir, elles étaient obligées de le faire rôtir devant le feu. L'eau qu'elles mettaient sur la table s'y glaçait en très-peu de temps. Le vin même, destiné à l'usage des malades, était tout réduit en glace ; et à peine avaient-elles commencé leur repas, que leurs petites portions se trouvaient toutes gelées. Elles eurent à endurer cette excessive incommodité du froid pendant plus de vingt-huit ans, c'est-à-dire tout le temps qu'elles habitèrent les petits appartements où elles s'étaient logées à leur arrivée. Comme ils étaient construits en planches assez mal jointes, la neige, lorsqu'elle se joignait au vent, y entrait par plus de deux cents fentes. Elles ne pouvaient s'en garantir ni dans leur chambre de communauté, ni dans leurs cellules, ni dans les escaliers, pas même dans leur tribune et dans leur petit chœur. Il en était de même des salles des malades : en sorte que toutes les fois que pendant la nuit il était tombé de la neige avec vent, l'une de leurs premières occupations le matin était de la jeter dehors avec des pelles.
Il est vrai qu'elles avaient la facilité de faire du feu pour modérer cette grande rigueur du froid ; mais elles ne s'accordèrent cet adoucissement qu'après que M. Vignal, leur confesseur, le leur eût ordonné en vertu de la sainte obéissance. Comme il craignait que leur amour pour la souffrance ne leur fit donner à ce commandement une interprétation contraire à ses intentions et nuisible à leur santé, il allait exprès les visiter avec M. Souart, pour s'assurer si elles faisaient bon feu; et quand ils jugeaient qu'il n'y avait pas assez de bois au foyer, ils y en mettaient eux-mêmes.
A suivre : v. Leur extrême pauvreté dans le vêtement.
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A suivre : VI. Enfance et vocation de la sœur de Brésoles.v. Leur extrême pauvreté dans le vêtement.
Elles portaient la pauvreté dans leurs vêtements au delà de tout ce qu'on peut s'imaginer, les couvrant de tant de pièces diverses, par l'impuissance où elles étaient de s'en procurer de neufs, qu'à la fin il était difficile de reconnaître de quelle étoffe ils avaient été faits d'abord : ce qui fournit un jour un innocent sujet de récréation à M. de Maisonneuve, à Mme d'Ailleboust, et à quelques autres personnes qui se trouvaient par hasard à l'hôpital. La conversation étant tombée sur la toilette des filles de Saint-Joseph, on ne put jamais s'accorder sur l'espèce particulière de l'étoffe qui avait servi à faire leurs robes et leurs tabliers, ni même sur telle de leurs coiffes, dont la plus grande partie se trouvait composée de pièces d'étamine et de camelot, quoiqu'elles eussent d'abord été faites de taffetas, comme c'était alors l'usage (1). Ce grand amour pour la pauvreté était d'autant plus-méritoire devant DIEU et admirable aux yeux des hommes, qu'il contrastait davantage avec la manière délicate dont ces saintes filles avaient été nourries, vêtues et élevées dans la maison de leurs parents ; et pour mieux apprécier leur vertu, il ne sera pas hors de propos de donner ici quelques détails sur chacune d'elles (2).
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(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
(2) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
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VI. Enfance et vocation de la sœur de Brésoles.
La mère Judith Moreau de Brésoles (*), d’une illustre famille de Blois, qui tenait un rang considérable dans cette ville, avait été dès le bas âge l'objet de la prédilection de ses parents.
A l'âge de cinq ou six ans, elle commença à exercer la charité envers les malheureux, en soulageant les enfants pauvres des villages dont ses parents étaient seigneurs, leur distribuant volontiers ce qu'elle avait apporté de la ville, et obtenant encore de sa mère de quoi leur donner à manger.
Plus tard, elle se mit à leur faire le catéchisme, à leur apprendre à prier DIEU.
Enfin elle joignit à ces bonnes œuvres la visite des malades les plus abandonnés de ces villages, et, pour leur être plus utile, elle apprit à saigner et à composer des remèdes, n'étant encore âgée que de quatorze ou quinze ans.
Ses parents, par la grande affection qu'ils lui portaient, n'avaient jamais contrarié ses goûts pour ces œuvres de miséricorde; mais lorsqu'elle leur eut déclaré qu'elle était résolue de se consacrer à DIEU dans quelque institut voué au soulagement des malades, ils s'opposèrent absolument à ce dessein, en protestant que tant qu'ils vivraient ils ne consentiraient jamais à se séparer de leur fille. Elle employa en vain pour les fléchir les instances les plus vives et les plus pressantes, et ses larmes continuelles. Tout fut inutile.
Enfin, croyant qu'elle résisterait à la volonté de DIEU si elle demeurait plus longtemps dans le monde, elle…_________________________(*) La famille Moreau, qui a subsisté longtemps à Blois, écrivait le nom de Brésoles d'une manière un peu différente de celle que la sœur Judith Moreau avait elle-même adoptée ; car on trouve ce nom ainsi écrit : Brézolles.
A suivre …
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
VI. Enfance et vocation de la sœur de Brésoles. (suite)
Enfin, croyant qu'elle résisterait à la volonté de DIEU si elle demeurait plus longtemps dans le monde, elle résolut, de l'avis de son confesseur, de sortir secrètement de la maison paternelle, et d'aller se présenter aux hospitalières de Saint-Joseph à la Flèche, qui jetaient alors un grand éclat dans les provinces voisines. Elle s'assura d'un homme de confiance qui l'accompagnât dans son voyage, et qui gardât le secret le plus impénétrable sur son dessein. Cet homme étant allé l'attendre avec un cheval à une porte de la ville de Blois qui était à l'opposite du chemin qu'elle devait prendre, elle alla le joindre de grand matin, monta à cheval, et arriva heureusement a la Flèche.
Là, pendant son noviciat, elle fut employée six mois à la pharmacie ; et elle profita si bien des leçons d'un chimiste très-expérimenté, qu'elle passa pour plus habile que lui dans cet art.
Après deux ans de séjour à la Flèche, on l'envoya à l'Hôtel-Dieu de Laval, où elle servit les malades pendant six ou sept ans, sans que ses parents eussent encore découvert le lieu de sa retraite.
Enfin, son beau-frère…
A suivre…
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Re: Vie de Mlle Mance et Hôtel-Dieu de Villemarie (Table) COMPLET
VI. Enfance et vocation de la sœur de Brésoles. (suite)
Enfin, son beau-frère, M. de Saint-Michel, étant allé visiter le bâtiment de l'Hôtel-Dieu de Laval, nouvellement construit, qui attirait alors les curieux, la rencontra par hasard dans une des salles, et la reconnut malgré le costume d'hospitalière, sous lequel il la voyait pour la première fois. Il la pressa donc de lui avouer qui elle était.
D'abord elle s'en défendit le mieux qu'elle put. Mais M. de Saint-Michel, résolu de ne pas la quitter qu'il n'eût tiré la vérité de sa bouche, soutint avec fermeté qu'elle était sa belle-sœur, qu'il ne pouvait en douter, quoiqu'elle eût disparu depuis huit ou neuf ans; et il fît tant, qu'à la fin elle se vit contrainte de se déclarer.
Dès ce moment, le séjour de Laval lui devint insupportable ; elle ne cessa de demander d'être placée ailleurs, jusqu'à ce qu'enfin M. de La Dauversière, l'ayant appelée à la Flèche, la choisit pour aller fonder la maison de Villemarie, où elle put satisfaire pleinement son amour pour la vie pauvre, mortifiée et cachée au monde (1).
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(1) Annales des hospitalières de Villemarie, par la sœur Morin.
A suivre : VII. Zèle infatigable de la sœur de Brésoles pour le travail.
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