Les Soeurs Grises dans l'Extrême-Nord : Cinquante ans de Missions

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Message  Louis Jeu 26 Nov 2015, 12:41 pm

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Nous éditerons ce fil pour y déposer les liens dès leur parution.

Bonne lecture à tous.

TABLE DES MATIÈRES

Lettre de Mgr Breynat. O.M.I.        
Avant-Propos  
Chap. I  — Madame d'Youville et son oeuvre
Chap. II  — Vers l'Ouest (1844)
Chap. III  — Vers le Nord (1859-1862)
Chap. IV — Dans l'Extrême-Nord (1867)
Chap. V — L'Hôpital du Sacré-Cœur (1867)
Chap. VI — Le Couvent des Saints-Anges (1874)
Chap. VII — L'Hospice Saint-Joseph (1903)
Chap. VIII— Nouvelles Fondations (1914-1916)
Chap. IX — Les sources du dévouement
Chap. X — Les fruits
Epilogue et Appendice


Dernière édition par Louis le Lun 28 Mar 2016, 10:19 am, édité 15 fois

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Message  Louis Jeu 26 Nov 2015, 12:44 pm

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Lettre de Sa Grandeur, Monseigneur Gabriel Breynat,
Oblat de Marie Immaculée,
évêque d'Adramyte, in partibus infidelium,
vicaire apostolique du Mackenzie,


à la Très Honorée Mère Piché, supérieure générale des Sœurs de la Charité de l'Hôpital-Général de Montréal.


L.J.C. et M.I.

Notre-Dame de La Providence, Mackenzie,

ce 17 septembre 1916.

Ma Très Révérende Mère,

Il y a cinquante ans, aujourd'hui, que cinq filles de la Vénérable Mère d'Youville quittaient Montréal, pour venir ici se dévouer à l'instruction et à la formation religieuse des indiens de l'Extrême-Nord. Elles arrivèrent à cette mission de La Providence, le 28 août 1867.

L'établissement devait prendre le nom d'Hôpital du Sacré-Cœur. C'était assez préciser que les nouvelles missionnaires ne devaient exclure aucune misère du champ d'action assigné à leur charité.

Sans sonder les desseins de Dieu, ni nous demander pourquoi il attendit si longtemps pour appeler à la connaissance de l'Evangile ces pauvres déshérités, perdus aux extrémités du monde, c'est un fait qu'il choisit, pour les évangéliser, les membres d'une congrégation qui devait recevoir en testament, de son fondateur, " la charité ", et " le zèle pour le salut des pauvres abandonnés ".

Ne convenait-il pas, dès lors, qu'il donnât aux missionnaires Oblats de Marie Immaculée, comme auxiliaires dans leurs oeuvres de dévouement et d'abnégation, ces héroïnes que l'Eglise a jugées dignes de porter, comme marque distinctive, le nom de "Sœurs de la Charité" ?

De fait, toutes les communautés, aux portes desquelles du secours fut sollicité, avaient répondu négativement : il faut avouer que la besogne était peu attrayante, alors surtout, et à ces distances !

Ce livre dit comment les Sœurs Grises acceptèrent; comment elles répondirent, et répondent encore à la confiance de leurs supérieures.

Tout n'est pas dit. Le volume, pour être complet, devrait reproduire les pages du "livre de vie", dans lequel tout est contenu, "in quo totum continetur", comme nous le chantons au "Dies irae".

Mais le "livre de vie" est sous la garde jalouse des anges, jusqu'au jour des grandes manifestations. Nul doute que ce "totum" ne réserve des surprises, tout à l'honneur et à la joie de votre communauté !

En attendant, ma Très Révérende Mère, veuillez agréer cet humble hommage de notre vive reconnaissance envers "celles qui travaillèrent avec nous, dans la diffusion de l'Evangile ".

Je certifie la véracité de tout ce qui y est dit.

L'auteur a vu et constaté par lui-même. Je l'ai choisi pour être l'interprète de mes sentiments. A accomplir sa tâche, il a mis tout son coeur et tout son talent; comment n'aurait-il pas réussi? Je l'en félicite, et l'en remercie affectueusement.

Permettez-moi d'émettre le souhait que son ouvrage aille porter, dans le plus grand nombre de nos bonnes familles canadiennes, la semence féconde de solides vocations.

Si les exemples entraînent, plus ils sont élevés, plus grande doit être leur force d'attraction sur les âmes généreuses.

Les âmes généreuses ne manquent pas; il suffit d'une étincelle pour éveiller en elles la conscience de leurs énergies.

Daigne le Sacré-Cœur, "Fournaise ardente de charité", se servir de ce témoignage de notre reconnaissance, pour allumer dans beaucoup de coeurs l'étincelle révélatrice de vocations apostoliques, qui viendront grossir le nombre de vos admirables missionnaires.

Je vous prie d'agréer, ma Très Révérende Mère l'expression de mes sentiments respectueusement dévoués et reconnaissants, en Notre-Seigneur et Marie Immaculée.

+  GABRIEL BREYNAT, O.M.I. , év. D'Adramyte,

vic. apost. du Mackenzie.

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Message  Louis Ven 27 Nov 2015, 12:29 pm

AVANT -PROPOS


A la Reine des Apôtres, nous dédions ce petit livre.

Il ne raconte pas l'histoire entière des Sœurs Grises, dans l'Extrême-Nord... Un immense volume contiendrait-il tout ce qu'il nous fut donné d'apprendre et d'admirer, durant un long voyage au pays de leur apostolat?

Puisse la bienveillance du lecteur trouver néanmoins, en ces modestes pages, l'image assez fidèle de l'un des plus beaux dévouements, enfantés par la religion catholique au cours des siècles.

Comme l'Eglise elle-même, dont elles sont les phalanges d'élite, les sociétés religieuses répondent à leur vocation divine, en reproduisant les vertus do leurs fondateurs ou de leurs fondatrices. C'est pourquoi nous nous sommes fait un pieux devoir de présenter, au premier plan, le modèle finalement copié: la vénérable Mère d'Youville, " cette mère plus admirable qu'on ne peut le dire, et digne de vivre éternellement dans la mémoire des bons".    (II Mach. VII, 20.)

Telle mère, telles filles: la suite des chapitres ne fera que le prouver.

Il était bon de signaler aussi la voie ouverte aux sœurs missionnaires du Mackenzie, par leurs aînées de la Rivière-Rouge, parties de Montréal, en canot d'écorce, il y a soixante-treize ans. "C'est une grande avance, sur le chemin de la vie, que d'y trouver la trace de ceux du même sang et du même nom, qui ont marché devant nous, en éclaireurs et pionniers", a écrit Mgr Baunard.

Nos voeux seront comblés, si la divine Mère de toutes grâces bénissant l'humble effort de notre obéissance au bien-aimé vicaire apostolique du Mackenzie, les missions des Sœurs de la Charité sont mieux connues, leurs sacrifices plus estimés, et leurs pauvres, les pauvres de Jésus-Christ, plus fraternellement aimés.

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Message  Louis Sam 28 Nov 2015, 11:36 am

CHAPITRE I

MADAME  D'YOUVILLE  ET SON OEUVRE.

La première Sœur Grise, missionnaire des pauvres, fut Madame d'Youville, née Marie-Marguerite Dufrost de la Jemmerais.

Son père, Christophe, quitta, en 1687, le Château trois fois séculaire de la Jemmerais, sis à Médréac, diocèse de Saint-Malo, pour venir au Canada batailler contre les Iroquois. Il conquit par sa bravoure le grade de capitaine.

Sa mère, Marie-Renée de Varennes, était fille de René de Varennes, et petite-fille du sieur Boucher de Boucherville : tous deux, en leur temps, gouverneurs des Trois-Rivières. Deux des frères de Marie-Renée de Varennes étaient prêtres; un autre, le célèbre de la Vérandrye, devait passer à la postérité avec la gloire de premier explorateur des régions de la Rivière-Rouge et de l'Assiniboine; sa sœur, Marie-Louise, devait compter, parmi ses arrière-petits-fils, Mgr Taché, O.M.I., premier archevêque de Saint-Boniface.

Marie-Marguerite, notre Vénérable, fut l'aînée de six enfants. Elle naquit, le 15 octobre 1701, au manoir de Varennes, sur les bords du Saint-Laurent. A sept ans, elle perdit son père, qui, en mourant, laissait à sa famille l'exemple de toutes les vertus qu'engendrent la noblesse chrétienne et la pauvreté.

Ici commence la longue carrière de dévouement de Marie-Marguerite. Jusqu'à son mariage, elle ne prendra pour elle-même que les deux années préparatoires à sa première communion, passées au pensionnat des Ursulines de Québec.

Le 12 août 1722, elle s'unit à François d'Youville, fils de Pierre You, et gentilhomme de Ville-Marie.

Du mariage, quoique le plus saintement préparé de son côté, elle ne connut que les épines. L'humeur jalouse d'une belle-mère et la conduite effrénée d'un dur mari eurent tôt fait de fermer aux attraits du monde ce cœur trop large pour lui, et de l'ouvrir à un idéal incomparablement plus noble.

Dieu voulait à lui seul son élue. C'est pourquoi le noviciat des saints, celui de la souffrance, fut offert à la jeune épouse. Elle s'y engagea résolument, ou plutôt elle continua de marcher dans la même voie douloureuse, qui n'avait changé que d'aspect.

Au bout de six années de ce martyre, se présenta le bon samaritain des consolations et des lumières divines. C'était M. Dulescoat, prêtre sulpicien  et curé de Ville-Marie.

A quelles cimes surnaturelles les directions de l'homme de Dieu portèrent-elles bientôt cette âme déjà si grande?...


Dernière édition par Louis le Dim 14 Mai 2023, 6:27 am, édité 2 fois (Raison : Orthographe.)

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Message  Louis Dim 29 Nov 2015, 12:33 pm

CHAPITRE I

MADAME D'YOUVILLE ET SON OEUVRE.

(suite)


A quelles cimes surnaturelles les directions de l'homme de Dieu portèrent-elles bientôt cette âme déjà si grande? L'Eglise qui a commencé son procès de canonisation, nous l'a révélé, en se préparant à la donner comme modèle à tant de victimes appelées au même calvaire.

Le 4 juillet 1730, un mal rapide emporta M. d'Youville.

Madame d'Youville pleura sincèrement l'époux qu'elle avait sincèrement aimé. Elle plaça toute sa confiance en Dieu, le Père Eternel, appui de toute faiblesse et source de tout bien. Telle fut sa dévotion fondamentale. En même temps, elle se livra à ses obligations de veuve et de mère : l'acquittement des dettes laissées, et l'éducation de deux enfants qui lui restaient. A ces devoirs, son ardeur trop longtemps contenue en ajouta aussitôt un autre: le dévouement, pour les pauvres du dehors, pour les malades, pour les prisonniers, pour tous ceux dans lesquels sa foi découvrait une ressemblance particulière avec le divin Maître. Les biographies détaillées de M. Faillon et de Mme Jette racontent les prières, les veilles, les extraordinaires industries de cette période.

M. Dulescoat demeura le guide toujours consulté, et toujours suivi, jusqu'à sa mort, en 1733.

Son successeur sera en perpétuelle mémoire de bénédiction, chez les Sœurs Grises. Elles le considèrent comme leur fondateur, autant que Mère d'Youville leur fondatrice. (1)

Prêtre clairvoyant, sage, mortifié, spécialement zélé pour la gloire de Dieu dans ses pauvres, M. Normant de Faradon reprit l'oeuvre de M. Dulescoat, et conduisit Madame d'Youville vers la perfection de la piété et de l'abnégation de soi-même.

Entre temps, les dettes avaient été complètement payées : les enfants avaient été si chrétiennement élevés que tous deux devinrent prêtres: François, curé de Saint-Ours, et Charles, curé de Boucherville.

Ses devoirs maternels accomplis, Madame d'Youville pouvait faire aux pauvres l'offrande totale de sa personne et de ses biens.

Eut-elle alors la vision d'un arbre nouveau, planté par ses mains à l'ombre de la croix, profondément imprégné de sa vie, abritant toutes les infortunes d'ici-bas, et couvrant l'Amérique entière de ses branches multipliées?... Pareille révélation eût terrassé son humilité.

Elle eut la toute simple ambition de former un petit groupe d'âmes pieuses, pures et actives. L'intérieur serait un cénacle d'édification mutuelle. Au dehors, les pauvres seraient plus efficacement servis.

Trois jeunes filles se trouvèrent qui comprirent et voulurent: …

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(1) Les prêtres de Saint Sulpice furent préposés, dès l'origine, à la direction spirituelle des Sœurs Grises de Montréal. C'est à l'école de ces savants et dignes fils de M. Olier, qu'elles apprirent le renoncement, l'esprit de sacrifice et l'amour de leur vocation.

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Message  Louis Lun 30 Nov 2015, 11:35 am

CHAPITRE I

MADAME D'YOUVILLE ET SON OEUVRE.

(suite)

Trois jeunes filles se trouvèrent qui comprirent et voulurent: les demoiselles Thaumur-Lassource, Demers et Cusson.

L'humble noyau se forma le 31 décembre 1737.

Quelques mois de secret devaient cacher aux yeux profanes le projet d'union définitive, et surtout en mûrir les moyens.

Le 31 octobre 1738, veille de la Toussaint, la communauté se produisit au jour, et s'installa dans une maison louée. Dix pauvres y furent bientôt reçus.

Une prière, un article de règle, une allocution de M. Normant : telle fut la pierre angulaire sur laquelle fut posé l'édifice, si frêle ce soir-là, si vaste aujourd'hui, des Sœurs de la Charité.

La prière demandait à Marie Immaculée, représentée par une statuette, d'agréer "la consécration que ces pauvres filles lui faisaient d'elles-mêmes, pour servir toute leur vie les membres délaissés de son divin Fils." La statuette, trouvée miraculeusement intacte dans l'incendie complet de l'Hôpital-Général, en 1765, demeure aux Sœurs Grises, en témoignage que la prière a été exaucée et l'offrande acceptée.

L'article de règle, résumé de trois feuilles volantes écrites par le père spirituel, se formulait ainsi: "Les associées vivront ensemble du produit de leurs travaux mis en commun, sans autre lien que la charité. "... La charité fraternelle resta la note distinctive des Sœurs Grises devenues religieuses.

L'allocution de M. Normant, montra la Croix, comme unique fondement des oeuvres de Dieu. D'où "elles devaient s'attendre aux contradictions et aux persécutions, et s'armer de patience, de charité et de douceur".  

Tout était prédit en ces mots.

Rien ne manqua, en effet.

Ni le deuil: la douce Mlle Cusson les quittait pour le ciel, en 1741.

Ni la maladie: la vénérée Mère fut retenue sept années au lit, par un mal de genou contracté dans ses courses à travers les bancs de neige, pour assister à la messe matinale et visiter les pauvres éloignés.

Ni la dévastation: le feu anéantit la maison maternelle, le 13 janvier 1745, jetant dans la nuit et le froid intense les pauvres femmes mi-vêtues.

Ni les insultes: elles furent sifflées, huées, vilipendées. Les plus basses calomnies leur furent prodiguées… .

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Message  Louis Mar 01 Déc 2015, 11:59 am

CHAPITRE I

MADAME D'YOUVILLE ET SON OEUVRE.

(suite)

Ni les insultes: elles furent sifflées, huées, vilipendées. Les plus basses calomnies leur furent prodiguées… .

N'allaient-elles pas jusqu'à soûler les sauvages, et à s'enivrer elles-mêmes! D'une affreuse plaisanterie, on les appela sœurs grises... Leur costume était libre alors; mais en mémoire de cette injure, heureuse de ressembler à Celui qui mourut sur la croix des esclaves parmi les moqueries de la foule, Mère d'Youville choisira plus tard, pour le vêtement de ses filles, la couleur grise, et leur nom sera celui que la dérision leur avait donné... Pour combien de nobles âmes cet acte d'humilité de la fondatrice n'a-t-il pas été l'appel vainqueur à la vie religieuse, dans sa communauté !



L'Institut portait donc vraiment le cachet de Dieu.

En 1747, son heure arriva de s'étendre sur un nouveau champ d'action. Jadis, M. Dulescoat avait fait entendre à Madame d'Youville cette parole, trouvée prophétique par l'histoire:

" Consolez-vous, ma fille, Dieu vous destine à une grande oeuvre, et vous relèverez une maison sur son déclin. "

La "grande oeuvre" existait. Sans dévier de son esprit ni de son but, elle avait franchi l'épreuve d'une décade, et voilà qu'elle comptait six membres solidement unis: les demoiselles Thaumur, Deniers, Rainville, Laforme, Véronneau, et la fondatrice.

Restait à "relever la maison sur son déclin".

Cette maison fut l'Hôpital-Général de Ville-Marie.

Fondé en 1692, par François Charon de la Barre, sur un vaste terrain donné par le séminaire de Saint-Sulpice, l'Hôpital de Ville-Marie avait été reconnu par lettres patentes de Louis XIV, le 15 avril 1694. Le 8 octobre 1723, Mgr de Saint-Vallier approuvait une communauté qui devait en avoir la garde, sous le nom de "Frères Hospitaliers de Saint-François de la croix". Les orphelins et les hommes pauvres ou infirmes y seraient reçus.

En moins de cinquante…

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Message  Louis Mer 02 Déc 2015, 11:52 am

CHAPITRE I

MADAME D'YOUVILLE ET SON OEUVRE.

(suite)

En moins de cinquante ans, l'hôpital fut réduit à la ruine complète. Il ne s'y trouvait plus que deux frères et quatre pauvres, végétant misérablement. Un détail suffira pour donner une idée de l'état matériel de l'établissement: douze cent vingt-six carreaux manquaient aux fenêtres...!    (1)

Grâce aux démarches de M. Normant, la maison défaillante fut confiée à Madame d'Youville.

La prise de possession s'effectua le samedi, 7 octobre 1747. La fondatrice, malade, dut s'y faire transporter en charrette, sur un matelas. Suivaient les cinq compagnes et neuf pauvres.

L'épreuve, toujours l'épreuve, mais sous la forme la plus redoutable venant de ceux qui eussent dû protéger le droit et la faiblesse, imprima à l'oeuvre, une fois de plus, la marque d'en-haut.

D'abord, la cour de France n'entendait pas favoriser la formation de nouvelles congrégations de femmes au Canada. D'autre part, l'évêque de Québec, convaincu que la communauté de Mère d'Youville s'éteindrait avec elle, se laissa persuader que mieux valait remettre à l'Hôpital de Québec tous les biens de celui de Montréal. Le gouverneur acquiesça à cet avis... Quelle ne fut donc pas la surprise de Madame d'Youville, un jour qu'elle revenait d'acheter au marché la nourriture de ses pauvres, d'entendre proclamer, au son des tambours, de par l'ordonnance de l'évêque, du gouverneur et de l'intendant, que sa juridiction sur l'Hôpital cessait, et que l'institution passait à Québec!

Cependant Saint-Sulpice veillait. M. Cousturier plaida si bien, à la cour royale, que, le 3 juin 1753, Louis XV signait des lettres patentes, confirmant Madame d'Youville et ses compagnes dans l'administration de l'Hôpital de Ville-Marie.

Le jour de la sanction divine se leva enfin: un acte de Mgr de Pontbriand, évêque de Québec, en date du 15 juin 1755, approuvait canoniquement la nouvelle société.

Deux mois après, le 25 août, fête de saint Louis, les Sœurs Grises parurent pour la première fois à l'église paroissiale, vêtues du saint habit qu'elles avaient reçu, le matin même, des mains de M. Louis Normant. Saisi d'un pieux respect, tout le peuple s'inclina au passage des religieuses.

L'approbation solennelle et définitive viendra, un siècle plus tard, de Léon XIII, le 30 juillet 1880.

La petite société était désormais…

_______________________________________________________

(1) François Charon, fondateur de l'Hôpital et de la Communauté des Frères Hospitaliers, naquit à Québec, en 1654. A l'âge de trente-quatre ans, il abandonna un négoce lucratif, afin de consacrer sa vie aux malheureux. Il poursuivit ce but avec une activité et une confiance inaltérables. Il mourut en 1719, en France, au cours d'un voyage entrepris pour le recrutement de sa communauté. Les Sœurs Grises, héritières des biens-fonds des Hospitaliers, vénèrent, en dépit de l'insuccès de son oeuvre, la mémoire du Frère Charon.

L'un des premiers assistants de François Charon, et le principal, fut Pierre le Ber, frère de Jeanne, "la pieuse recluse, qui embauma la colonie du parfum de ses vertus".

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Message  Louis Jeu 03 Déc 2015, 1:11 pm

CHAPITRE I

MADAME D'YOUVILLE ET SON OEUVRE.

(suite)

La petite société était désormais plus forte; elle devait donc s'attendre à souffrir davantage; ce qui advint bientôt, en effet.

L'Angleterre en s'attachant l'allégeance du Canada, n'assuma point les charges de bienfaisance de la vieille France. Les grandes familles féodales repassèrent l'océan. Une à une, les sources tarirent... Madame d'Youville, femme d'affaires autant que fondatrice, entreprît alors tous les métiers accessibles à sa condition, afin de gagner le pain de ses pauvres.

Ouvrages d'aiguille, cultures diverses, confection de chaux, préparation du tabac, construction du premier bateau qui transporta les colons de l'île de Montréal à Longueuil, suppliques aux grands et aux petits : seize années de ces travaux avaient conduit l'hôpital à une prospérité relative, lorsque, le 18 mai 1765, un incendie détruisit l'édifice de fond en comble.

Cent dix-huit personnes, miséreux et religieuses, étaient sans toit.

Sur les cendres, tomba immédiatement l'acte de la résignation.

"Mes enfants, dit la supérieure, nous allons réciter le Te Deum à genoux, pour remercier Dieu de la croix qu'il vient de nous envoyer."

En se relevant, elle prononça, comme inspirée du ciel: "Soyez tranquilles, mes enfants, la maison ne brûlera plus." Cette promesse s'est merveilleusement vérifiée jusqu'à nos jours.

Plusieurs prodiges qui suivirent le désastre, tels que la multiplication d'un vin nécessaire, dans une barrique retrouvée sous les décombres, et la présence inexpliquée de "piastres", dans les poches de la fondatrice, furent la réponse consolante de la Providence à la soumission et à la confiance filiale. "Ah! mon Dieu, s'écriait Madame d'Youville toute confuse à ces découvertes, je suis une misérable!"

Malgré tant d'obstacles, malgré toutes les épreuves, les malades recueillis par les Sœurs Grises ne furent pas délaissés un seul jour. Et même, si nombreux qu'ils aient été à l'hôpital, n'épuisèrent-ils jamais le courage de leurs infirmières. Toutes les calamités qui s'abattirent périodiquement sur le pays trouvèrent chaque fois ces intrépides garde-malades, au premier rang du sacrifice. En 1755, la fondatrice avait risqué sa vie et celle de ses compagnes, au soin des sauvages atteints de la petite vérole. A son exemple, en 1832, ses religieuses seront au chevet des cholériques. En 1847, la Mère McMullen fera appel au libre dévouement de ses trente-sept sœurs, pour les onze cents émigrants d'Irlande, entassés pêle-mêle dans les "sheds" de la Pointe Saint-Charles, et mourant du typhus; chacune, répondra: "Me voici.'' Professes et novices voleront vers les pestiférés. Toutes, sauf trois, y seront frappées, et sept y succomberont, "heureuses d'avoir souffert un peu pour les pauvres".

Le "Petit Catéchisme Historique"…

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Message  Louis Ven 04 Déc 2015, 3:06 pm

CHAPITRE I

MADAME D'YOUVILLE ET SON OEUVRE.

(suite)

Le "Petit Catéchisme Historique" approuvé par S. G. Mgr Bruchési, en 1901, énumère ainsi la somme prodigieuse des oeuvres entreprises, du vivant de Madame d'Youville:


"Outre le soin des vieillards pauvres, des infirmes et des orphelins, auquel elle s'était engagée, en entrant à l'Hôpital-Général, elle se chargea du soin des femmes âgées ou infirmes et des orphelines... Elle recueillit les incurables, tels que les lépreux, les épileptiques, les gâteux, les insensés, les chancreux. En 1750, elle offrit un refuge aux femmes de mauvaise vie, pour les faire rentrer dans les voies du devoir et de la pénitence, inaugurant ainsi l'oeuvre du Bon-Pasteur au Canada. En 1754, elle commença à recueillir les enfants trouvés, étant la première en Amérique à qui Dieu inspira le dessein de se charger gratuitement de cette oeuvre. En 1755, elle reçoit les femmes pauvres, atteintes de la picote, pour les soigner dans sa maison. En 1756, les prisonniers de guerre, malades et blessés, sont admis et soignés à l'Hôpital-Général, etc., etc..."


Plus saintement audacieuse encore que cette énumération inachevée, fut la loi générale portée par la fondatrice, et qui devint le motto sublime des Sœurs Grises: "Elles seront toujours prêtes à entreprendre toutes les bonnes oeuvres que la Providence leur offrira, et dans lesquelles elles seront autorisées par leurs supérieurs. "'

Or, en même temps que ses lèvres disaient ces mots, sa main déjà tremblante écrivait:


" Nous sommes dix-huit sœurs, toutes infirmes, qui conduisons une maison où il y a cent soixante-dix personnes à nourrir, presque autant à entretenir. Très peu de rentes; la plus considérable est celle de nos ouvrages qui sont tombés des deux tiers, depuis que nous sommes aux Anglais. Toujours à la veille de manquer de tout, et nous ne manquons jamais de rien, du moins du nécessaire. J'admire chaque jour la divine Providence qui veut bien se servir de si pauvres sujets pour faire quelque petit bien."


Ces lignes, reflet de la vie entière de Mère d'Youville, furent tracées un an avant sa mort.

Dans la salle des réunions intimes de tous les couvents des Sœurs Grises…

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Message  Louis Sam 05 Déc 2015, 11:19 am

CHAPITRE I

MADAME D'YOUVILLE ET SON OEUVRE.

(suite)

Dans la salle des réunions intimes de tous les couvents des Sœurs Grises, à la place d'honneur, de grandes lettres encadrées redisent perpétuellement ses recommandations dernières, testament sacré d'une Mère vénérée :


"MES CHERES SOEURS, RESTEZ CONSTAMMENT FIDÈLES À L'ÉTAT QUE VOUS AVEZ EMBRASSÉ ; MARCHEZ TOUJOURS DANS LES VOIES DE LA RÉGULARITÉ, DE L'OBÉISSANCE ET DE LA MORTIFICATION; MAIS SURTOUT FAITES QUE L'UNION LA PLUS PARFAITE RÈGNE PARMI VOUS."


Puis, elle dit: "Ah! que je serais contente, si je me voyais dans le ciel avec toutes mes sœurs ! "'

Et sa carrière fut achevée.

Mère d'Youville mourut, frappée d'apoplexie, le 23 décembre 1771, à l'âge de soixante-dix ans.

Aussitôt ses traits, défaits par de longues souffrances, se recomposèrent comme pleins de vie; son visage parut s'animer, et son front resplendir. Le témoignage de plusieurs personnes très honorables établit qu'au moment où son âme quitta la terre, une vive lumière brilla, en forme de croix, au-dessus de l'hôpital. Ce que voyant, et ignorant le coup subit qui enlevait Madame d'Youville, le docte et distingué M. Delisle s'écria:

"Ah ! quelle croix vont donc avoir les pauvres Sœurs Grises?   Que va-t-il leur arriver?"

Il arriva que l'oeuvre de la sainte fondatrice, profondément enracinée déjà par les travaux de sa vie, fertilisée par ses mérites, reçut, par son intercession auprès de Dieu, l'abondance de la fécondité céleste.

Il arriva que de ces racines montèrent quatre troncs de vigueur pareillement divine: Les Sœurs de la Charité de l'Hôpital-Général de Montréal, les Filles de la Charité de Saint-Hyacinthe (1840), les Sœurs Grises de la Croix d'Ottawa (1845), et l'Hospice de la Charité de Québec (1849).

Il arriva que le Pape Léon XIII signa, le 27 mars 1890, l'introduction de la cause "de cette femme forte, et surtout brûlant du zèle de la charité envers les pauvres. "

Il arriva enfin que les Sœurs Grises de Montréal grandirent, s'étendirent, et croisèrent leurs rameaux, des flots de l'Atlantique à l'Océan Glacial...  (1)

_________________________________________________

(1) Des Sœurs Grises de St-Hyacinthe, une branche se détacha, en 1886, à la demande de Mgr l'évêque de Nicolet, et prit le nom de Sœurs de la Charité de l'Hôtel-Dieu de Nicolet. Les Sœurs Grises de Nicolet comptent environ cent cinquante membres, et conservent à la maison-mère de Montréal un attachement profond.

A SUIVRE : CHAPITRE II. VERS L'OUEST . LA RIVIERE-ROUGE. (1844).

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Message  Louis Dim 06 Déc 2015, 1:56 pm

CHAPITRE II

VERS L'OUEST

La Rivière-Rouge.

(1844)

Le 13 septembre 1843, veille de la fête de l'Exaltation de la Sainte-Croix, un grand vieillard, à la soutane usée, à la figure toute faite d'humilité et de piété, incarnation de l'apostolat infatigable, se présentait chez les Sœurs Grises de Montréal. C'était Mgr Provencher, le premier missionnaire du Nord-Ouest et évêque de la Rivière-Rouge. (1)

Il y avait vingt ans qu'il cherchait des mains maternelles, pour rompre le pain aux petits enfants de son diocèse, et il n'en trouvait pas!

Dès 1822, il en avait conféré avec Mgr Plessis, évêque de Québec, son consécrateur; "mais, avaient-ils conclu ensemble, la pauvreté extrême et l'éloignement de ces pays ne seront-ils pas une infranchissable barrière?"

Plus tard, des négociations entreprises avec l'évêque d'Amiens et la Propagation de la Foi de Lyon, n'aboutirent à aucun résultat.

En 1838, touchées des angoisses du pauvre prélat qui voyait son troupeau envahi par l'enseignement protestant, les Ursulines des Trois-Rivières s'étaient proposées. Mais elles étaient cloîtrées... et la clôture dans la prairie sans bornes !

Puis les Amantes de la Croix du Kentucky furent abordées. Elles n'avaient pas le nombre.

Force fut aux Soeurs de Saint-Joseph de Lyon de refuser aussi.

Des religieuses belges de Cincinnati en devaient référer à leur maison-mère de Namur. Et le temps pressait...

A l'évêque missionnaire, las d'avoir parcouru en vain les deux mondes, presque découragé peut-être, parvint alors le dicton, déjà populaire au temps de Mère d'Youville: "Allez chez les Soeurs Grises; elles ne refusent jamais rien." Il s'en ouvrit à Mgr Bourget, le saint évêque de Montréal, qui l'encouragea à tenter cette suprême démarche, et voulut même l'accompagner chez les Sœurs Grises.

Mgr Provencher, devant les trente-huit sœurs réunies, parla ainsi :

"Quand je suis parti de la Rivière-Rouge, je disais au bon Dieu: Mon Dieu, vous savez que j'ai besoin de religieuses. Daignez me conduire dans la maison, où il vous plaira de m'en faire trouver. — Puis, je partis avec la confiance d'être exaucé... Lesquelles d'entre vous seraient disposées à venir à la Rivière-Rouge?"

Aucune ne dit mot sur le champ. Mais lorsque la Mère Forbes-McMullen, élue supérieure générale depuis dix-sept jours, proposa le sacrifice, toutes répondirent :

"Me voici! Envoyez-moi!"

Quatre furent choisies: Sr Valade, supérieure, Sr Lagrave, Sr Coutlée (dite aussi Sr Saint-Joseph) et Sr Lafrance.

Le 24 avril 1844, elles partirent.

Mollement étendu sur les divans de son pullman...

______________________________________________________

(1) Nous voulons dire que Mgr Provencher fut le premier missionnaire à poste fixe. Les Pères Jésuites, venus dans ce pays au dix-huitième siècle, ne firent pour ainsi dire que passer, et ne purent guère étendre leur ministère au delà des Forts qui les hébergeaient. Ces courageux missionnaires qui se succédèrent, de 1732 à 1751, au Fort Saint-Charles d'abord, et au Fort la Reine (Portage la Prairie) ensuite, sont: le P. Messaiger, le P. Auneau, qui fut tué par les Sioux à l'Ile aux Massacres, le P. Coquart et le P. de la Morinie. L'Ouest ne revit le prêtre que 65 ans plus tard, en 1816, dans la personne de M. Tabeau, qui, d'ailleurs, à peine arrivé au lac La pluie, s'en retourna effrayé par la nouvelle du carnage du 19 juin, au marais de la Grenouillère.

Ce fut le 16 juillet 1818 que M. Provencher arriva à la Rivière Rouge, accompagné de M. Dumoulin.

Voir, pour détails, l'excellent ouvrage du R. P. A. G. Morice, O.M.I.: Histoire de l'Eglise Catholique dans l'Ouest Canadien . (1659-1905). 3 Vol. 1912. Typ. Laflamme et Proulx, Québec.

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Message  Louis Lun 07 Déc 2015, 11:34 am

CHAPITRE II

VERS L'OUEST

La Rivière-Rouge.

(1844)

(suite)

Les Soeurs Grises dans l'Extrême-Nord : Cinquante ans de Missions  Page_110

Mollement étendu sur les divans de son pullman,se figure peu les inquiétudes, les gênes, les blessures, les déceptions, les larmes, les souffrances de toutes sortes, ensevelies dans le silence des rivières, des torrents, des "rapides", des prairies, des bois, des montagnes, qui défilent sous ses yeux reposés, pour leur servir de spectacle. Ces 2,200 milles que le touriste dévore en quatre jours et moins, quatre mois des voyages anciens les parcouraient à peine.

Quel chapelet de toutes les misères entreprenait d'égrener quiconque osait, en ce temps-là, affronter le Nord!

Vie normale, comportant ses plaisirs si l'on veut, quoique dure toujours, pour l'indien et le coureur des bois, dont chaque point de l'immensité semble être le foyer, mais combien pénible pour le prêtre habitué à ses livres latins, à ses prières tranquilles, au calme de sa longue retraite ; pour la jeune religieuse qui passa des tendresses de sa mère aux soins affectueux de sa communauté, et qui ne voyagea, depuis son noviciat, que du chevet de ses malades au tabernacle du couvent!...

Canots étroits et fragiles, rude équipage, sauts périlleux des cascades, portages sans fin, lourdes charrettes, bœufs lents et têtus, marches forcées, marécages enlizants, nuits en plein air, moustiques à milliards, vent, pluie, glaces précoces, débâcles tardives,   canicules, orages, naufrages, inclémences




toujours assurées d'un climat extrême dans ses étés comme dans ses hivers : voilà, ma fille, lui fut-il dit un jour, voilà le prix qu'il faut mettre à atteindre les âmes.  Acceptes-tu?

Et ces âmes, poursuivit le Maître des vocations, vois-les grossières dans des corps grossiers. Elles sont ingénues, de sentiments droits; mais n'attends d'elles aucune des délicatesses qui enveloppèrent ta vie, à toi. Le monde civilisé les appelle sauvages... Pour demeurer au milieu d'eux, à les servir, tu auras une masure; pour soutenir tes forces, tu devras prendre une nourriture dont ne s'accommoderaient pas même les forçats des bagnes. Et quand tu auras longtemps souffert, tu mourras loin de ta patrie, loin de ta famille aimée, loin de cette maison-mère, à laquelle tant de fibres te rattachent; tu reposeras dans un froid cimetière, sous les glaces du Nord, parmi les fauves errants. C'est l'adieu à toute douceur, à toute consolation de la terre. Ma fille, acceptes-tu?

Elles acceptèrent. Et d'autres depuis, par centaines, ont accepté. Et tant qu'il restera des âmes abandonnées et des Sœurs Grises, elles accepteront.

Quels traits le demi-siècle qui commence prépare-t-il à la plume que l'évêque du Mackenzie chargera de fêter le centenaire "des Sœurs Grises missionnaires?   Qui peut le prévoir?

La civilisation monte envahissante…

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Message  Louis Mar 08 Déc 2015, 4:32 pm

CHAPITRE II

VERS L'OUEST

La Rivière-Rouge.

(1844)

(suite)

La civilisation monte envahissante, et les progrès matériels l'accompagnent. L'écrivain de 1967 dira peut-être ce que nous disons aujourd'hui de Saint-Boniface, de Calgary, d'Edmonton, que l'on croyait, il y a cinquante ans, voués à la désolation perpétuelle: les privations ont fait place au bien-être; les voies ferrées se sont élancé/es des prairies dans nos forêts vierges et sur nos larges fleuves ; les voici entourant le lac Athabaska, le Grand Lac des Esclaves, le Grand Lac d'Ours, arrachant à leurs grèves le pétrole, la houille, le fer, le cuivre, l'argent; les masures enfumées sont devenues hôpitaux magnifiques, écoles-palais; les riches donnent leur or, et les pauvres ne sont qu'une charge bénie; le temps des missions, si pénibles que leur histoire nous arrive comme fantastique, n'est déjà plus...

Oui, peut-être... !

Quoi qu'il advienne, ne désirons rien, ne regrettons rien. Lorsque les comptes seront faits devant Dieu, il sera découvert sans doute que les souffrances morales, celles du combat livré par la cité du mal à la cité du bien, partout où le monde maudit par Notre-Seigneur porte sa marche et sa civilisation, ne l'auront pas cédé aux souffrances physiques trouvées à convertir des âmes faciles, neuves, et conservées par leur pauvreté même en des pays intacts.

Que l'on songe aussi à ces hivers arctiques qui ne seront point adoucis, à ces plages inexplorées de l'Océan Glacial, aux steppes des Esquimaux, dont on peut bien dire qu'ils sont inaccessibles au confort du siècle, tant la nature en paraît ingrate et les peuplades farouches.

Les apôtres de l'avenir en ces pays ne dépasseront pas, en épreuves, ni en endurance, ce que nous racontons des premières missionnaires de la Rivière-Rouge et de celles du Mackenzie actuel.

Le 24 avril 1844 fut donc…

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Message  Louis Mer 09 Déc 2015, 4:00 pm

CHAPITRE II

VERS L'OUEST

La Rivière-Rouge.

(1844)

(suite)

Les Soeurs Grises dans l'Extrême-Nord : Cinquante ans de Missions  Page_110

Le 24 avril 1844 fut donc le jour de l'adieu.

La Très Sainte Vierge reçut la prière du départ, à son autel de la cathédrale, et Mgr Bourget bénit la sainte caravane.

Les compagnies, formées pour l'exploitation des fourrures dans le Nord-Ouest, lançaient de Montréal, et par la première eau, leurs convois annuels. Les passagers, alors bien rares, y étaient admis, moyennant forte somme. Plusieurs canots d'écorce de bouleau composaient la flottille.

Le canot occupé par les sœurs mesurait quarante pieds de long, sur cinq de large. Huit hommes en manœuvraient les avirons. Outre les religieuses, l'embarcation contenait une cargaison de quatre mille livres, sans compter les voiles, les tentes, la literie, les approvisionnements de bouche, les ustensiles de cuisine, etc. Elles furent installées, tant bien que mal, parmi caisses et ballots. Telle allait être leur cellule pendant deux longs mois. Mgr Provencher, qui devait les soutenir de sa présence, et leur donner la consolation du saint sacrifice quotidien, étant tombé malade au temps du départ, elles durent s'en aller seules, privées de cette joie et de cette force, que les circonstances refusèrent si rarement dans la suite, aux voyageuses de leur condition. A Fort-William seulement, elles devaient rencontrer M. Laflèche, futur Mgr Laflèche, et M. Bourassa.

L'itinéraire comprenait la rivière Ottawa depuis Lachine, la Mattawa, la rivière à la Vase, le lac Nipissing, la rivière des Français, le lac Huron, le lac Supérieur, la rivière Kaministiquia, le lac La Pluie, le lac des Bois, la rivière Winnipeg, et nombre d'autres petits cours d'eau.

Soixante-dix-huit portages, et presque autant de demi-portages, hachaient ces quatorze cents milles. Le portage consiste à transporter canots et bagage, soit à certains endroits, où les rivières cessent d'être navigables, soit dans l'espace de terre ferme qui sépare une eau de l'autre. Ces portages, variant beaucoup de longueur, sont invariablement pénibles et redoutés. Chacun des hommes se charge de deux cents livres environ, les bateliers portent le canot, et les passagers leur sac de voyage. Boue, rochers, troncs d'arbres, abatis à escalader, en sont les ordinaires agréments. A l'époque des chaleurs, des nuées d'insectes y guettent le piéton haletant, suant, pour le saigner vif.

Le journal de ce premier voyage des sœurs missionnaires…

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Message  Louis Jeu 10 Déc 2015, 11:54 am

CHAPITRE II

VERS L'OUEST

La Rivière-Rouge.

(1844)

(suite)

Le journal de ce premier voyage des sœurs missionnaires, rédigé aux arrêts du jour ou au bivouac du soir, nous a été conservé. Nous en détacherons de courts passages.

Sr Valade écrit d'abord:

"A l'Ile Dorval, nous étions encore assez près, et nous passâmes la nuit telle quelle; mais lorsqu'il fallut, le lendemain matin, nous éloigner de tout ce qui nous était cher, mon pauvre coeur se gonfla. Les voyageurs chantaient pour oublier ce triste moment. J'admirais ma sœur Lagrave qui chantait: Bénissons à jamais... Pour moi, je n'avais que mes larmes pour bénir le Seigneur."

Et voici, le 2 mai, Sr Lagrave, la chanteuse ;

"Que vous dirai-je? C'est à peine si je puis trouver quelques pauvres idées ; je crois que le gros vent les emporte sur le lac Huron. Je suis assise sur le rocher, la tête me tourne, le cœur me palpite... D'abord, laissez-moi vous dire que le voyage est très pénible, et beaucoup plus même que je ne m'y attendais; cependant Dieu me fera la grâce d'aller jusqu'au bout. . . Nous n'avons pas dormi, ma sœur Valade et moi, depuis notre départ; nos deux jeunes sœurs s'en tirent assez bien. Nous avons presque toujours eu du mauvais temps; et quand la pluie cesse nous avons toujours vent contraire, ce qui nous retarde beaucoup; quand il faut camper, nous sommes ordinairement pénétrées par la pluie ou transies de froid. Il est vrai que nous faisons un bon feu; mais tandis qu'on brûle d'un côté, on gèle de l'autre. On dresse la tente, on étend une toile cirée par terre, une couverture par-dessus, et voilà le lit fait. Jugez si on y est fraîchement, surtout quand il a plu toute la journée. Quand il pleut la nuit, ce qui arrive assez fréquemment, notre pauvre maison de toile nous protège peu, et nos hardes se trouvent toutes mouillées... Malgré tout, je suis remplie de courage pour exécuter la sainte volonté de Dieu, dût-il m'en coûter bien davantage. J'ai embrassé la Croix, et je veux la porter jusqu'à la mort, s'il le faut, selon l'esprit de notre sainte règle. Sur les rochers où nous campons aujourd'hui, les serpents sont nombreux; les hommes en ont tué quatre... Hier, nous sautâmes plusieurs rapides assez dangereux. Les bateliers poussaient des cris de joie, en franchissant ces rapides; je riais de bon coeur, mais nos sœurs étaient pâles de frayeur... Il ne nous est encore arrivé rien de fâcheux . Les portages sont quelquefois longs   et   fatigants,   surtout   pour moi, quand il faut gravir des montagnes, se frayer un chemin à travers les branches, passer des ravins sur des arbres secs et pourris, ce n'est pas rassurant..."

Et Sr Valade, les choses fâcheuses n'ayant point tardé, continue : …

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Message  Louis Ven 11 Déc 2015, 2:20 pm

CHAPITRE II

VERS L'OUEST

La Rivière-Rouge.

(1844)

(suite)

Et Sr Valade, les choses fâcheuses n'ayant point tardé, continue : …

"Depuis que ces lignes sont commencées, ma sœur Lagrave s'est foulé un pied, en glissant sur une roche; deux hommes la transportèrent dans le canot... Je pense qu'elle en a pour longtemps sans marcher, et nos portages ne sont pas finis. Le bon Dieu s'empresse de nous envoyer des croix ; que son saint nom soit béni!"

Le cas était grave, et grand fut l'embarras. Comment transporter, à travers les forêts et les fondrières, une personne dont le poids requérait la force de deux hommes? Les bateliers délibérèrent. Les religieuses imploraient, en larmes, la bonté de leurs guides. A la fin deux vigoureux Iroquois s'offrirent contre bonne récompense, et l'on put poursuivre.

A Fort-William, le bourgeois en charge de la caravane, fatigué de la pauvre infirme, déclara qu'il fallait l'abandonner. Consternées, les sœurs tentèrent tous les moyens de fléchir cet homme. Leur acte de résignation était fait, et leurs dispositions prises, lorsque, au dernier moment, le bourgeois revint sur sa décision.

''Vous comprenez notre bonheur, s'écrie la supérieure, surtout celui de Sr Lagrave, qui avait passé par une véritable agonie. Pour moi, je ne mangeais plus, je n'avais plus ni faim, ni soif devant cette dernière inquiétude..."

Elles arrivèrent à la Rivière-Rouge (Saint-Boniface) le 21 juin, après cinquante-neuf jours ininterrompus de voyage.

Elles furent logées dans une maisonnette, bâtie depuis 1828.

"C'est vraiment l'étable de Bethléem, écrivent-elles."

Les classes commencèrent, le 11 juillet…

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Message  Louis Sam 12 Déc 2015, 11:04 am

CHAPITRE II

VERS L'OUEST

La Rivière-Rouge.

(1844)

(suite)

Les classes commencèrent, le 11 juillet. Cinquante-trois enfants s'y pressèrent dès l'abord, la plupart Sauteux ou Métis, et quelques Sioux.

Durant le premier hiver, le thermomètre descendit à quarante degrés au-dessous de zéro, à l'intérieur de la maisonnette. Mgr Provencher s'en étant aperçu, quoique nulle plainte n'eût été proférée, les fit venir dans son évêché, "où il faisait un peu moins froid."

Sr Lagrave se chargea de l'enseignement religieux au dehors. Tout l'hiver, elle s'en fut, menant elle-même sa voiture, à trois lieues de là, pour apprendre le catéchisme et les prières aux enfants, aux femmes et aux hommes, tous avides de la vérité. Elle était en outre le médecin de toute la région.

L'inondation de 1852 les éprouva rudement:

"Notre communauté commençait à jouir de notre grande maison, terminée l'année dernière, lorsque, le 27 avril, la débâcle vint porter l'angoisse dans tous les cœurs. Durant plusieurs jours l'eau monta de quatorze à quinze pieds; les habitants abandonnaient leurs demeures à la fureur des eaux; l'inondation continua jusqu'au 19 mai, emportant maisons, bâtiments, etc.. Nous nous sommes réfugiées au second étage. La chapelle était inondée, la messe se disait dans le jubé. Le vent souffla si fort dans la nuit du 12 au 13, que toute la maison en fut ébranlée; le 18, les portes étaient enfoncées, et ce ne fut que le 6 juin que l'on put sortir de la maison...''

L'oeuvre de Saint-Boniface était donc bien fondée sur la Croix, Mère d'Youville l'avait bénie d'en-haut : elle devait vivre.

Elle a fructifié en une maison Provinciale, dix-sept maisons régulières, et deux cent quarante-quatre religieuses.
A suivre: Chapitre III. Vers le Nord.

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Message  Louis Dim 13 Déc 2015, 3:43 pm

CHAPITRE III

VERS LE NORD

Lac Sainte-Anne — Saint-Albert — Ile à la Crosse — Lac La Biche.

(1859-1862)


Les Sœurs Grises à la Rivière-Rouge... des religieuses selon le coeur de Dieu veillant sur la portion chérie de son bercail : les petits, les infirmes, les délaissés ; une année après elles, les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée venus au secours des prêtres séculiers,  (1) n'était-ce pas le rêve de Mgr Provencher accompli? Aussi, le 7 juin 1853, le saint vieillard pouvait remettre le précieux héritage de ses trente-cinq ans de labeurs, dont trente et un d'épiscopat, aux jeunes mains de son coadjuteur, Mgr Taché, et, consolé, assuré de l'avenir de la foi, s'en aller recevoir sa récompense.

Mgr Taché apprit le décès de Mgr Provencher, au Portage La Loche, au cours de sa visite aux missions, et de là, il écrivit aux religieuses de Saint-Boniface:

"Le coup fatal qui vient de vous frapper nous est trop sensible à tous pour que nous n'en ressentions pas longtemps les suites pénibles; vous êtes orphelines, mes bonnes sœurs, vous ne sauriez assez apprécier la tendresse toute paternelle de celui que vous pleurez. Celui qui le remplace n'a pas sans doute ses vertus; mais il a pour vous la même tendresse, et la même reconnaissance pour le bien que vous opérez dans ce diocèse. Oh ! c'est de vous, mes bonnes sœurs, que j'attends une partie des consolations qui devront diminuer les inquiétudes attachées à la charge de premier pasteur. Plus que cela, c'est de vous que Dieu attend la somme considérable de bien que la religion vous demande..."

Ces derniers mots étaient, le geste du chef montrant aux Sœurs de Charité un nouveau champ apostolique: Plus loin!

La si lointaine Rivière-Rouge, en effet, n'était que le seuil d'un vicariat couvrant 1,800,000 milles carrés.

Or, en 1858, cinq missions centrales se partageaient déjà le nord de ce territoire. La Congrégation des Oblats de Marie Immaculée, par les Pères Grandin,



Grollier, Faraud, Lacombe, Végreville, Clut, Eynard, Tissot, Maisonneuve, Rémas, Gascon, s'élançant de ces missions, à la suite de Mgr Taché, avait conquis à la foi les Peaux-Rouges, jusqu'au cercle polaire. (1) Mais ces missionnaires, réduits, par leurs voyages incessants, par leurs travaux manuels forcés et leur nombre minime, à n'effleurer qu'à peine les âmes, réclamèrent bientôt le secours de celles qui donnent à l'enfance, peuple de demain, l'instruction assidue et l'éducation religieuse fondamentale.

Le lac Sainte-Anne, l'Ile à la Crosse et le lac La Biche réunissaient assez de sauvages et de métis pour être confiés aux Sœurs Grises.

Mgr Taché gagna donc Montréal…

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(1) Les premiers mérites de l'apostolat du Nord reviennent à ces prêtres, recrutés dans l'est du Canada par Mgr Provencher. Saluons particulièrement M. Bourassa, dans la rivière La Paix; M. Thibault, dans l'Alberta, la Saskatchewan et jusqu'au Portage La Loche, où, en 1845, il baptisa les prémices des Montagnais; M. Belcourt, dans le Manitoba; M. Laflèche, à l'Ile à la Crosse, et M. Darveau, le martyr du lac Winnipegosis. Ce n'est certes pas l'esprit de pauvreté et d'obéissance qui manqua aux prêtres séculiers; mais leur condition même ne pouvait promettre, à ces difficiles missions, le nombre et la cohésion nécessaires. C'est pourquoi Mgr Provencher ouvrit son diocèse à des missionnaires religieux. Les Oblats vinrent en 1845, un an après les Sœurs Grises.—  (1) Ces missions-centres étaient : 1. La mission du lac Sainte-Anne (jadis lac du Diable), chef-lieu du district de la Saskatchewan. Ses missionnaires avaient parcouru toute la rivière Saskatchewan, la partie haute de la rivière Athabaska, et la rivière La Paix. 2. La mission du lac La Biche (N.-D. des Victoires), qui desservait le Fort Pitt, etc. 3. La mission de l'Ile à la Crosse (Saint-Jean-Baptiste), avec le lac Vert, le Portage La Loche et le lac Caribou pour dépendances. 4. La mission de la Nativité (Fort Chipweyan), sur le lac Athabaska, à laquelle se rattachait N.-D. des Sept Douleurs (Fond-du-Lac). De La Nativité, le P. Faraud était allé prendre possession des Castors du Vermillion et de Dunvegan. 5. La Mission Saint-Joseph (Fort Résolution) sur le Grand Lac des Esclaves, d'où le P. Grollier, talonnant le premier ministre protestant survenu alla fonder les missions de la Grande-Ile, Simpson et Good Hope.

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Message  Louis Lun 14 Déc 2015, 10:56 am

CHAPITRE III

VERS LE NORD

Lac Sainte-Anne — Saint-Albert — Ile à la Crosse — Lac La Biche..

(1859-1862)

(suite)

Mgr Taché gagna donc Montréal.

La Mère Deschamps, femme de haute intelligence et de grande foi, était supérieure générale. . . L'entrevue s'acheva à la ressemblance des scènes de nos Saints Livres. La mère des Machabées n'eût pas autrement parlé, et nul grand général de la guerre moderne n'envoya plus noblement ses braves à la mort.

Le contrat venait d'être passé. Il stipulait que les Sœurs de la Charité fourniraient des sujets, jusqu'à épuisement, à l'unique condition qu'on leur procurerait les secours spirituels et qu'on leur faciliterait l'accomplissement de leurs saintes Règles. Alors, pour être loyal, Mgr Taché "voulut faire observer que, les missions étant pauvres et les ressources incertaines, on ne pouvait pas promettre beaucoup, ni promettre positivement".

— Nous savons bien, répliqua la Mère Générale, que les bons pères chargés des différentes missions ne laisseront pas souffrir nos sœurs ; nous ne demandons que le vêtement et la nourriture.

—Mais si les pères eux-mêmes n'ont pas de quoi pourvoir à leur subsistance ?

—Dans ce cas, nos sœurs jeûneront comme eux, et prieront Dieu de venir en aide aux uns et aux autres.

Le 24 septembre 1859…

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Message  Louis Mar 15 Déc 2015, 11:03 am

CHAPITRE III

VERS LE NORD

Lac Sainte-Anne — Saint-Albert — Ile à la Crosse — Lac La Biche..

(1859-1862)

(suite)

Les Soeurs Grises dans l'Extrême-Nord : Cinquante ans de Missions  Page_110

Le 24 septembre 1859, les Sœurs Emery, Lamy et Alphonse arrivèrent au lac Sainte-Anne. En 1863, elles furent transférées à Saint-Albert. Le lac Sainte-Anne, où affluaient de plus en plus les métis, était marécageux, pauvre en terre arable, et trop éloigné des Pieds-Noirs qui demandaient aussi la foi. Mgr Taché se trouvant au lac Sainte-Anne,  fin 1860, chaussa les raquettes et s'en fut, avec le P. Lacombe, à la recherche d'un emplacement plus propice. Ils s'arrêtèrent à quarante milles à l'est du lac.

— Ce sera ici, dit Mgr Taché, en plantant son bâton dans la neige, et la mission aura nom Saint-Albert, patron du P. Lacombe.

Le 4 octobre 1860, Mgr Grandin…

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Message  Louis Mer 16 Déc 2015, 1:27 pm

CHAPITRE III

VERS LE NORD

Lac Sainte-Anne — Saint-Albert — Ile à la Crosse — Lac La Biche..

(1859-1862)

(suite)

Les Soeurs Grises dans l'Extrême-Nord : Cinquante ans de Missions  Page_110
Le 4 octobre 1860, Mgr Grandin, nouvellement sacré, abordait à l'Ile à la Crosse avec les Sœurs Agnès, supérieure, Pépin et Boucher, fondatrices du couvent, "après un voyage de soixante-sept jours, par lacs et rivières, voyage qui fut un enchaînement bien exceptionnel de contretemps, de difficultés, d'accidents de tous genres."

Un fragment de relation assez récente nous laissera deviner quelles durent être les difficultés de ces routes, quarante ans auparavant. Il est de la Mère Letellier, supérieure et vicaire de Saint-Albert.

"Lac Vert, 21 juin 1898.— Nous sommes parvenues ici, saines et sauves, par une voie accidentée, cahoteuse, horriblement pontée à des endroits avec de simples pieux, que rien ne retient, ce qui vous secoue à vous briser les côtes, et cela la longueur de deux ou trois arpents ; j'ai compté vingt et un de ces pontages que le bon guide appelle "cordes du roi"... Ajoutez de longues nuits passées sans sommeil, à entendre la pluie fouetter la tente, ou à combattre contre une armée de



maringouins et d'insectes de tous genres... Je comprends que pareille introduction sur ce coin de terre est bien propre à serrer le coeur de la missionnaire qui vient s'y dévouer; c'est un rude début. Et pour le coeur de celle qui vient visiter ses chères exilées, c'est un motif de plus grande et de plus affectueuse sympathie pour elles..."

Le couvent de l'Ile à la Crosse traversa plus d'un mauvais jour. Un incendie le détruisit totalement, le 1er mars 1867.

"Nous nous tenions là, debout sur le lac glacé, raconte Mgr Grandin, condamnés à voir périr le fruit de tant de travaux, l'objet de tant d'espérances... L'incendie avait fait fondre la neige, nos pieds étaient mouillés, et pas un de nous ne pouvait changer de chaussure... Nous n'avions plus rien, pas même un mouchoir pour essuyer nos larmes. ''

Lors du soulèvement des métis en 1885, les sœurs s'enfuirent, à la suite des PP. Rapet et Dauphin, sur l'Ile aux Anglais et vécurent là, sous la hutte, en saison meurtrière, trente-trois misérables jours.

Lorsque montait l'inondation presque mathématiquement fidèle du printemps, "elles sortaient de leur maison en canot". Le dépôt de ces eaux devint si malsain qu'elles durent abandonner la place... "Les dix religieuses partirent en pleurant. Les bons sauvages les suppliaient de ne pas les abandonner, cherchaient à les retenir de force. . . " C'était en 1905.

Quatre ans plus tard, S. G. Mgr Pascal écrivait à la T. R. Mère Générale:

"Hélas, les remplaçantes n'ont pas su se maintenir, là où les Sœurs Grises ont vécu cinquante ans dans des conditions moins favorables. Le bon Dieu semble nous dire que les Sœurs Grises de Montréal, les apôtres par excellence des missions les plus dures de l'Ouest canadien, sont seules capables de remplir ces postes si méritoires. Le R. P. Grandin et moi avons épuisé toutes les ressources de persuasion, sans succès. Un refus de toutes les communautés. . . Les sauvages sont inconsolables... Vos sœurs, qui reposent là-bas au cimetière, semblent vous pleurer et vous réclament..."

Les Sœurs Grises ne résistèrent point à ces voix. Elles revinrent à leurs enfants.

"Cette chère mission de l’Île à la Crosse est redevenue nôtre, à l'étonnement et à l'édification de tous. Elle nous a pourtant coûté bien cher. .. "

L'institution s'était cependant déplacée de trente-cinq milles. Elle est fixée au lac La Plonge, sous le nom de N.-D. du Sacré-Cœur, Beauval.

La troisième fondation de cette époque…

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Message  Louis Jeu 17 Déc 2015, 12:06 pm

CHAPITRE III

VERS LE NORD

Lac Sainte-Anne — Saint-Albert — Ile à la Crosse — Lac La Biche.

(1859-1862)

(suite)

Les Soeurs Grises dans l'Extrême-Nord : Cinquante ans de Missions  Page_110

La troisième fondation de cette époque et de ces régions fut celle du lac La Biche. Les sœurs Guénette, Daunais, et Tisseur y arrivèrent le 26 août 1862.

Si le lac La Biche, ancien entrepôt des missions du Nord, connut un jour une certaine prospérité, jamais mission ne la gagna par plus d'efforts longs et douloureux. Les sœurs partagèrent généreusement la peine. La preuve en est dans ces réflexions de la Mère Charlebois, visitatrice de 1880 :

"Nos chères sœurs ont beaucoup vieilli; je crois que l'insalubrité de leur maison en est la cause principale. . . L'industrieuse activité de nos pauvres sœurs a apporté une grande amélioration dans l'ensemble de leur établissement. Je remarquai plusieurs petites armoires drôles par leur forme, mais qui servent avantageusement. Elles furent en partie fabriquées par nos sœurs, avec les caisses que nous leur envoyons de temps en temps. Je plaisantais un jour sur la scrupuleuse économie qui préside à tout; à quoi une des sœurs répondit gaiement:

— La pauvreté réelle est la meilleure économie !

En visitant leur lavoir, misérable bicoque ouverte à tout vent, je ne pus retenir une exclamation de triste surprise. Nos sœurs se mirent à rire et elles me dirent :

— Oh, ma Mère, nous sommes comme des reines maintenant.

Je ne proférai pas un mot, pour ne pas trahir l'émotion de mon coeur."

En 1898, les sœurs se transportèrent, du lac La Biche au lac La Selle, au milieu de la réserve sauvage qui alimentait leur école, afin de détruire l'objection des distances qui retenaient les enfants, et de porter échec au protestantisme menaçant. L'école industrielle du lac La Selle prospère actuellement, sous la direction de Sr Saint-Grégoire, supérieure, et du P. Husson, O.M.I., principal.

Quant au couvent du lac La Biche, il passa, dans la suite, à la Congrégation des Filles de Jésus, de Kermaria. Les nombreux colons canadiens venus sur ces terres fertiles leur confient leurs enfants. (1).

Les zones du lac Sainte-Anne, du lac La Biche, et en partie de l'Ile à la Crosse étaient, au temps des fondations, le domaine des Cris, rameau, comme les Sauteux et les Maskégons, de la grande famille algonquine. L'immigration blanche s'y est plus ou moins établie depuis, sans prétendre nuire d'ailleurs à la race rouge. Celle-ci fut seulement amenée par le gouvernement canadien, d'aussi bon gré qu'il fut possible. à troquer l'étendue de ses terres primitives et de sa liberté, contre des limites inviolables de chasse, de pêche, d'exploitation et quelques autres privilèges. Ils prirent le traité.

Un vif portrait des Cris…

_________________________________________________________

(1) La congrégation des Filles de Jésus, de Kermaria, fondée par l'abbé Noury et la Mère Sainte-Angèle, a pour fin l'éducation de l'enfance et les oeuvres hospitalières. Jusqu'en 1902, toutes les Sœurs étaient bretonnes, et leurs maisons se multipliaient dans diverses nations d'Europe. Depuis 1902, elles se sont accrues de belles vocations canadiennes, et travaillent dans sept diocèses du Canada et des Etats-Unis. Leur nombre actuel est d'environ deux mille. C'est à l'invitation de S. G. Mgr Légal, par l'intermédiaire du P. Jan, O.M.I., que fut négocié leur départ pour l'Amérique. Leur première maison fut l'évêché de Saint-Albert, près des Sœurs Grises, qui les accueillirent avec toute leur charité, et les initièrent à la vie de ce dur climat. Elles en ont écrit:

"A Saint-Albert, Sœurs Grises et Filles de Jésus fraternisent si bien que les joies des unes sont les joies des autres, et qu'il n'est pas une fête au couvent d'Youville, sans que nos Sœurs soient invitées à y prendre part. C'est dire que nous ne sommes nullement considérées comme étrangères dans l'Ouest Canadien".

Elles aussi ont connu au lac La Biche les privations du Nord. Elles les supportèrent, à l'exemple des Sœurs Grises, de bon coeur, pour le bon Dieu et pour les pauvres.

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Message  Louis Ven 18 Déc 2015, 1:53 pm

CHAPITRE III

VERS LE NORD

Lac Sainte-Anne — Saint-Albert — Ile à la Crosse — Lac La Biche..

(1859-1862)

(suite)

Un vif portrait des Cris, les Cris des prairies en particulier, ceux qui formaient le principal objet du zèle des sœurs de 1850, nous a été laissé par Mgr Laflèche, ex-missionnaire de l’Île à la Crosse:

"Les sauvages des prairies qui sont les Pieds-Noirs, les Assiniboines, les Cris et une grande partie des Sauteux, sont de la pire espèce, et je crois qu'il n'y a pas d'exagération à dire que c'est l'homme descendu au dernier degré de l'échelle humaine. Cet état de dégradation et de méchanceté vient de leur manière de vivre ; ils sont ordinairement réunis en gros camps de soixante à quatre-vingts loges, et souvent davantage, et mènent une vie errante et oisive, à la suite des innombrables troupeaux qui leur donnent la nourriture et l'habillement. Quand on a sous les yeux la vie dégoûtante de ces sauvages, on comprend que le travail, qui a été imposé à l'homme comme une pénitence après son péché, l'a été pour son bonheur plutôt que pour son malheur...  Si les tribus des prairies sont devenues les sentines de tons les vices qui dégradent l'homme; si le vol, le meurtre, et par-dessus tout une dissolution épouvantable sont devenus une occupation journalière pour le grand nombre de ces barbares, c'est parce qu'un travail assidu leur est inconnu."

M. Thibault complétait d'avance ce tableau en écrivant à Mgr Provencher :

"Quand le dernier des bisons sera mort, on pourra alors tenter quelque chose du côté des prairies. "

Le vol, la dissolution, le meurtre n'ont pas été assurément l'apanage exclusif des Cris païens. Ces vices tiennent par leur racine au péché originel commun à tous les humains. Mais la religion du Christ a, toujours et partout, la même efficacité pour relever la nature déchue ; elle la subjugue, elle la paralyse, elle en tue le fruit mauvais, et, sur la partie saine régénérée par la grâce, elle greffe les vertus chrétiennes... Malgré le noir pronostic de M. Thibault, avant la mort du dernier bison, les Cris, sous l'influence de la grâce divine, ont mis quelque frein à leur vie licencieuse et à leurs promiscuités honteuses; de querelleurs nés, ils sont devenus assez doux; les jongleries malfaisantes se sont retranchées dans le groupe, petit et méprisé, des récalcitrants; ils ont aimé la Robe-Noire, écouté ses enseignements, et procuré à leurs missionnaires les consolations attendues.

Honneur aux Sœurs Grises ! A elles, les ouvrières patientes de l'Evangile, Dieu donnera la grande part des récompenses éternelles gagnées par la conversion des Cris.  (1).

Saint-Albert, qui ne le cède pas, proportion gardée, à sa voisine de Saint-Boniface, est actuellement !a tête d'une province de sept maisons comprenant cent-une sœurs.

______________________________________________________

(1) Les Sœurs Grises de Montréal, ont aussi à Dunbow, depuis 1884, une école industrielle très prospère pour les Pieds Noirs, Blood, Piéganes, Sarcee et Cris de l'Alberta-Sud.

Les Sœurs Grises ont reçu, en ces dernières années, le renfort des Sœurs de l'Assomption de Nicolet, venues, à la demande de Mgr Grandin, pour l'évangélisation d'autres tribus crises dans l'Alberta-Saskatchewan. Elles ont pris charge des écoles de Onion Lake (1891), d'Hobbéma (1894) et de Delmas (1900), ainsi que de Saint-Paul-des-Métis (1897). Cette petite congrégation est née, en 1853, dans la paroisse, aux quatre-cinquièmes acadienne, de Saint-Grégoire, sous l'inspiration de M. Harper. curé de l'endroit. Les Acadiens ont placé leur cause nationale, on le sait, sous la protection de l'Assomption de la Très Sainte Vierge. Les Sœurs de l'Assomption, au nombre présent d'à peu près six cents, se répartissent en cinquante-neuf maisons.

Les Soeurs Grises de Nicolet vinrent en Alberta (diocèse de Calgary) en 1893. Elles y ont fondé trois maisons: un hôpital et une école sur la réserve des Gens du Sang  (Blood)  et une école sur la réserve des Piéganes.

Les Soeurs de la Présentation dirigent, depuis 1903, la grande école industrielle Saint-Michel, pour les indiens Cris du Lac Canard  (Duck Lake), diocèse de Prince-Albert.

Cette florissante congrégation, si avantageusement connue dans l'Est du Canada, fut fondée en France en 1796, par la Vénérable Mère Rivier, pour l'instruction des jeunes filles. La maison-mère de l'Institut est encore au berceau de la fondation, à Bourg-Saint-Andéol, diocèse de Viviers. Au Canada, la première maison fut établie en 1853, à Sainte-Marie de Monnoir, et, en 1858, fut érigée la maison provinciale de Saint-Hyacinthe, dont dépendent actuellement tous les établissements d'Amérique, au nombre de cinquante-quatre, dont trente-quatre au Canada, et vingt aux Etats-Unis, avec un personnel d'environ huit cents religieuses et seize mille élèves.

A suivre : Chapitre IV. Dans l'Extrême Nord.

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Message  Louis Sam 19 Déc 2015, 11:27 am

CHAPITRE IV

DANS L'EXTRÊME  NORD

(1867)

Il y avait vingt-trois ans que les Sœurs Grises se dépensaient à la Rivière-Rouge, et six ans qu'elles avaient occupé, par le lac Sainte-Anne, l'Ile à la Crosse et le lac La Biche, les régions qui forment aujourd'hui l'Alberta et la Saskatchewan, lorsque s'ouvrit à leur dévouement l'immensité comprise entre le cinquante-cinquième degré de latitude et l'Océan Glacial, immensité connue sous le nom d'Athabaska-Mackenzie.

Détaché en 1862, de la juridiction de Mgr Taché, archevêque de Saint-Boniface, le vicariat d'Athabaska-Mackenzie fut confié à Mgr Faraud. Administrateur admirablement doué, Mgr Faraud établit son vicariat sur des bases qui le soutiennent encore.

En 1891, Mgr Grouard succéda à Mgr Faraud.

En 1901, la division du vicariat fut décidée. Mgr Grouard gardait l'Athabaska et Mgr Breynat recevait le Mackenzie.

L'Athabaska possède un couvent de Sœurs Grises, le Mackenzie en a quatre. (1)

Or ce fut dès les commencements du vicariat d'Athabaska-Mackenzie qu'apparurent dans ces glaces les sœurs missionnaires.

Le premier acte de Mgr Faraud fut de solliciter leur concours. Il l'obtint aux conditions passées autrefois entre Mgr Taché et la Supérieure Générale: "Ensemble nous prierons, nous travaillerons et nous jeûnerons."

Les sœurs partirent de Montréal le 17 septembre 1866, et arrivèrent au Mackenzie, par delà le Grand Lac des Esclaves, le 28 août 1867.

Nous entendions dernièrement, au cours d'une conversation familière, Mgr Grouard s'écrier: — Quand j'ai appris, là-bas, à La Providence où j'étais, on peut bien dire au fond du Mackenzie, que les Sœurs Grises allaient venir, je me suis dit: Quelle audace! Mais n'est-ce pas comme tenter Dieu! Comment! de pauvres femmes quitter tout d'un coup leur couvent de Montréal, pour s'en venir dans ces pays perdus, chez des sauvages dont la conversion est à peine entamée! Mais arriveront-elles jamais? Supporteront-elles ces hivers épouvantables, sans pain, sans rien? Nous autres, les hommes, on se réchappe encore, en tuant un lièvre, un rat musqué... Mais des sœurs! Alors qu'on a vu des explorateurs, si bien approvisionnés pourtant par leurs gouvernements, quand ils sont partis, réduits à manger leurs "engagés"... Eh bien, elles sont venues, et elles ont vécu, et voilà qu'on va faire leur jubilé, à La Providence. Vraiment le bon Dieu a été avec elles !

Cette réflexion du vénérable évêque ne contient-elle pas les questions que se pose le lecteur: Dans quel pays se sont-elles exilées? — Quels sauvages y ont-elles évangélisés? — Quels moyens de subsistance y ont-elles trouvés?

A ces questions ce chapitre va répondre. La lumière en éclairera et que nous exposerons ensuite des fondations successives dans l'Extrême-Nord.

Le pays, où sont allées les sœurs missionnaires…

_______________________________________________________________

(1) Ces couvents forment, depuis 1915, la province régulière du Mackenzie. La Révérende Mère Léveillé, provinciale, réside au Fort Smith.

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