LES MÈRES DES SAINTS

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Message  Monique Mer 19 Juil 2023, 6:48 am

Plusieurs mois après, dame Pelerina eut un songe. Elle rêva qu’elle mettait au monde un louveteau. Elle l’avait pris pour le mener à l’Église, selon le vœu qu’elle avait fait et aussitôt qu’il fut entré dans le temple, le loup s’était changé en agneau.

Ce songe, qu’elle trouvait obscur et menaçant, la troubla. L’enfant qui vint n’en fut pas moins bien reçu. On le nomma André, parce qu’il était venu au monde le jour de la fête de ce saint. On pense qu’elle n’épargna rien pour lui donner avec l’amour du travail et des lettres, le goût de la piété. Rien n’y fit. Il commença par la paresse et finit par le libertinage. Il en vint à perdre non seulement toute tendresse, mais tout respect pour sa mère. Un jour qu’elle lui reprochait ses débauches, il entra dans une violente colère et lui jeta les plus outrageantes injures. Elle le re garda avec tendresse et lui dit : « Je comprends maintenant le songe que Dieu m’a envoyé. Tu es bien le loup que je devais mettre au monde. » André resta un instant étourdi et comme frappé par un coup violent. Puis, revenant à lui, il de manda à sa mère ce quelle voulait dire. Elle lui raconta alors son vœu et son songe. « Oui, tu es bien le loup, mon pauvre enfant, Dieu veuille que tu ne tardes pas à devenir l’agneau. »

Il n’y avait là rien de puissamment dramatique ni d’illuminant, aucun de ces coups de foudre, de ces grands tremblements de la vie qui entr’ouvrent quelques-unes des profondeurs de l’enfer ou du Ciel. Pourtant, c’est à ce petit détour du chemin que la Miséricorde attendait André. Il tomba à genoux, implora doucement le pardon maternel; il courut se réfugier dans sa chambre et y passa la nuit à prier et à réfléchir sur ce vœu qui l’avait consacré à Dieu et à la sainte Vierge. Le lendemain, dès le matin, il se rendit à cette église des Carmes dont sa mère lui avait parlé, et s’agenouillant devant cette image de Notre-Dame du Peuple qui avait été le témoin et comme le conservateur de la promesse, il s’humilia : « Oui, très pure Vierge que j’ose à peine regarder, oui, je suis le loup dévorant, mais je veux devenir l’agneau que ma mère a entrevu. C’est sous vos auspices, puisque c’est à vous que j’ai été promis, c’est dans votre saint Ordre que je veux travailler à devenir aussi doux que j’ai été méchant. »

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Message  Monique Jeu 20 Juil 2023, 7:01 am

Il alla sans tarder demander le provincial de Toscane, qui était prieur du monastère. « Qui vous pousse? demanda gravement celui-ci. Qui dirige votre volonté? Vous êtes noble, vous êtes riche. Savez-vous ce que c’est la pauvreté, l’humilité, la patience, l’humiliation que vous venez chercher ici ?— Oui, répondit-il, et ce qui pousse ma volonté, c’est la grâce évidente du Seigneur qui m’a transformé comme si le jour succédait brusquement, sans aurore, à la plus sombre nuit.

C’est aussi la volonté de mes parents qui m’ont consacré à la sainte Vierge dès avant ma naissance.— Attendez donc un instant, je vous rendrai réponse. »
Il le quitta, envoya chercher les parents d’André et assembla ses religieux. Dame Pelerina était dans la plus grande inquiétude. La neuvième heure (trois heures de l’après-midi) était sonnée depuis longtemps. Elle savait que son fils, après une nuit vivement agitée, était parti dès le grand matin. Elle craignait que, désespéré par les reproches qu’elle lui avait faits la veille, il ne se fût enfui et peut-être tué. Elle accourut au monastère avec son mari.

Quand elle vit son fils les traits tirés, les lèvres fiévreuses, mais le regard calme et la physionomie empreinte d'une vigoureuse résolution, elle s’écria : « Voilà mon rêve réalise, et de loup mon fils est devenu agneau! » Après qu’elle eut ainsi accompli son vœu et donné son enfant à la sainte Vierge et au cher Seigneur, le rôle de la pieuse dame est fini pour le monde; les biographes du saint ne nous la nomment plus.


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Message  Monique Ven 21 Juil 2023, 8:03 am

§§ X.— La Mère de sainte Catherine de Sienne (1347-1380). — Dieu, dans la Maternité sainte comme dans la sainteté elle-même, a admis la grâce et l’exemple du repentir. La plupart de nos Mères ont cherché à tracer dans l’âme de leurs enfants l’avenue du Ciel et elles y ont cultivé, dès l’aube de la petite enfance, toutes les fleurs de ce pays que les écrivains pieux du XVe siècle nomment le jardin du Paradis. Quelques-unes ont essayé de s’opposer à la vocation angélique. Nous l’avons déjà vu et nous avons indiqué que le bon Jésus, voulant accorder plus de faveurs et plus d’amour à des âmes particulièrement bénies, voulut aussi que son amour fût plus chèrement acheté. Elles acquéraient par là plus de droits à d’ineffables récompenses. Comme l’amour filial est le plus facile amour ici-bas, Il éprouvait péniblement ces âmes en leur rendant cet amour difficile, et comme l’obéissance filiale est la plus sainte après celle que nous devons à Dieu, Il mettait ces deux obéissances en apparente contradiction pour que ses amis eussent plus de mérite à Lui obéir.

Ainsi, pour éprouver à une flamme plus ardente le cœur prédestiné à un amour également plus ardent, Dieu faisait que la mère eût toutes les vertus, sauf une, qui était le respect delà vocation supérieure. Il arrivait alors que le cœur, raffiné en délicatesse pieuse, souffrait la double angoisse de ne pouvoir complètement obéir à une mère respectable et de désobéir à une mère pieuse.

Ce sont ces deux douleurs qui firent l’éducation sainte de Catherine. Son âme, dont l’avenir révéla toute la suavité, dut les ressentir vive ment. Peut-être avait-elle besoin de ce puissant exercice de la douleur pour acquérir une force morale égale à sa sensibilité. Elle était fille d’un gentilhomme siennois tombé dans une misère noire. Il était teinturier. Il avait épousé une jeune fille, comme lui de bonne naissance, dont la famille avait été ruinée pendant les guerres civiles. Ils eurent vingt-cinq enfants, Catherine fut l’une des dernières filles. Elle fut élevée, ainsi que l’écrit Raymond de Capoue son confesseur et son historien, « comme une enfant qui appartenait à Dieu ». En effet, elle était de Dieu par l’intelligence autant que par l’âme. Cette enfant, si suavement gracieuse, si constamment aimable, qu’on surnommait Euphrosine, la Gaieté, devint l’une des plus torturées de toutes les martyres volontaires du catholicisme.


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Message  Monique Sam 22 Juil 2023, 8:09 am

C’est à ce prix qu’elle acheta non seule ment l’idéal, la sainteté, mais aussi — et il faut retenir cette pensée — le génie. Cette fille de pauvres ouvriers, sans instruction, acquiert l’esprit le plus sensé, le plus sublimement puissant que jamais femme ait possédé. Elle est la sœur de génie de saint Thomas d’Aquin.

Nul philosophe ne laissa voir plus de pro fondeur, nul théologien ne mélangea plus grandiosement la souplesse de l’esprit à la logique de l’intelligence. Peu d’hommes d’État laissent voir des idées plus graves, plus ingénieusement profondes, que ce que nous voyons dans la correspondance de Catherine avec le Pape Grégoire XI, par exemple.

Il faut dire et redire que c’est en détruisant son corps qu’elle arriva à cette sublimité de l’être intellectuel; et l'asservissement absolu de la chair à la volonté développa une vigueur de cerveau dont nul travail humain ne donne un second exemple. Les chrétiens reconnaîtront là, d’abord la récompense donnée par Jésus à ceux qui l’aiment sans réserve. Ils savent de plus que l’agrandissement de l’esprit suit toujours la vigilance contre les instincts matériels.

En Catherine, cet anéantissement de la vigueur corporelle eut ce caractère particulier de développer non seulement la puissance, mais la grâce de l’âme. Ses austérités arrivaient à supprimer la nourriture, en la remplaçant par l’appétit des choses mystiques, et à mépriser le sommeil en le soumettant à l’aiguillon de l’amour divin.


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Message  Monique Dim 23 Juil 2023, 6:49 am

Plus tard elle devint une puissance de ce monde. Cette fille d’artisans étonna la chrétienté par son éloquence. Elle domina, comme le maître domine les disciples, les esprits les plus distingués de cette Italie d’alors, à la fois sanglante et poétique et où les plus beaux et les plus nombreux vers alternent avec les plus horribles et les plus fréquents assassinats. Enfin, conseil et presque guide de deux Papes, elle joua un rôle considérable dans la diplomatie pontificale, qui domine toute la politique de l’Europe.

Alors, quand elle semblait être à la tête du monde chrétien; quand, d’autre part, elle paraissait être la dispensatrice de la puissance divine et que les miracles sortaient de ses mains comme l’éloquence de ses lèvres, elle avait encore gardé sa candide douceur. Son cœur n’avait pas perdu les charmes caressants de ses puériles tendresses. Rien n’est doux comme les mots dont elle se sert envers ces frères, ces fils, ces amies que sa sainteté lui avait faits. Elle savait que l’amitié sainte est la sœur humaine du divin amour. On eût dit qu’elle revenait du Ciel où ses extases la menaient si souvent, en en rapportant cette idéale bonté pour l’homme, que le bon Jésus en avait apportée, Lui aussi.

Ainsi cette femme, à la fois sublime et sage, qui, mystique et sensée, sut, pour ainsi dire, atteindre le Ciel sans se perdre dans les nuages qui le séparent de la terre, cette femme admirable garda toujours la simplicité et cette aisance dans l’héroïsme qui en cachait l’effort et même l’apparence.

Nous insistons là-dessus pour expliquer la mère que nous esquissons en ce moment...


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Message  Monique Lun 24 Juil 2023, 7:47 am

Cette aisance, cette simplicité, cette allure franche et gaie empêchèrent Lipa d’entrevoir les grâces exceptionnelles qui, dès l’âge le plus tendre, bourdonnaient autour de Catherine comme les abeilles qui veulent entrer dans la ruche. Lipa voulait sa fille vertueuse, pieuse même, mais pas sainte. Ses vingt-cinq enfants nous prouvent aisément le prix qu’elle attachait à la vie domestique. Le sacrement de mariage lui paraissait le plus louable des sacrements et elle voulait ses filles, sinon mondaines, du moins dans le monde.

Elle commença par admirer la précoce piété de la fillette. Dès qu’elle sut parler, elle lui apprit la Salutation Angélique et l’enfant trouvait cette prière si belle, qu’elle la récitait sans cesse en s’agenouillant soit dans la maison paternelle, soit à chaque marche des églises devant lesquelles elle passait.

L’enfant revenait toujours à la maison avec une marche si vive que sa mère s’en étonnait. La fillette, ne comprenant pas encore quelle devait cacher les merveilleuses faveurs que Dieu commençait à lui faire, disait qu’elle était revenue sans toucher terre et que les Anges l’avait ramenée.

Lipa put connaître encore d’autres incidents plus caractéristiques. Nous citerons uniquement celui-ci. La bonne femme avait envoyé Catherine chez Bonaventura, une autre de ses filles : celle-ci mariée et demeurant à quelque distance de Sienne. Elle avait confié la fillette à Etienne, un de ses fils un peu plus âgé que Catherine. Les deux enfants tardèrent à revenir. La mère s’inquiéta. Enfin, elle les vit rentrer. Pourquoi avaient-ils été si longtemps? Étienne le raconta. Il marchait en avant, courant, buissonnant, cueillant des fleurs, lorsque tout à coup il s’aperçut que sa petite sœur ne le suivait plus. Il re tourna avec quelque angoisse sur ses pas et l’aperçut sur le penchant d’une colline qui domine la Valle Piatta. Elle était arrêtée, les regards fixés vers un point du ciel, avec une expression de ravissement qui étonna le petit garçon. Il ne lui avait jamais vu une telle physionomie. Elle lui rappelait les portraits de saintes qui, dans les tableaux d’église, prient en regardant les cieux entrouverts. Il s’approcha d’elle. Elle ne l’entendit ni ne le vit. Il la secoua. Elle baissa enfin les yeux, et, poussant un soupir, elle lui dit : « Si tu avais vu les belles choses que je vois, tu ne m’aurais pas troublée ». Elle releva les yeux, puis les baissa en fondant en larmes. Ce quelle avait vu de si beau avait disparu.


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Message  Monique Mar 25 Juil 2023, 8:36 am

Pourquoi avait-elle baissé les yeux! Qu’avait-elle vu? Elle le dit à sa mère comme elle l’avait raconté à son frère. Sur le sommet de l’église de Saint-Dominique, elle avait vu un trône brillant comme le soleil. Notre-Seigneur y était assis entouré de saint Pierre, de saint Paul et de saint Jean. Jésus fixa sur elle un regard qui lui révélait tout son avenir, un regard majestueusement doux comme devait être l’intelligence de cette sainte. La majesté se fondit bientôt en une tendresse qui donna à l’enfant un bonheur indicible. Et Notre-Seigneur la bénit.

La bonne mère ne prit pas au sérieux cette extase, si étonnante pourtant en une enfant de six ans ; Catherine cacha désormais le secours miraculeux que le Seigneur accordera presque toujours à ses prières. C’est à partir de ce moment qu’elle reconnut tout ce qu’il y a de force et de beauté non seulement dans l’abandon complet à la volonté de Dieu, mais dans la recherche de cette volonté, dans cette recherche continue, inquiète, angoissante, qui est l’amour. Elle était encore enfant quand elle comprit la touchante parole de de Jésus : « Peut-on faire plus que donner sa vie pour ceux qu’on aime »?

Ce fut désormais la loi de sa conduite. Elle ne pouvait pas donner sa vie d’un coup, en bloc; elle distilla sa mort, heure par heure. Elle offrit son sang goutte à goutte à Celui qu’elle aimait. Maint historien a écrit le récit de cette vie idéale qui commença dès l’âge de sept ans par les fiançailles mystiques par devant la sainte Vierge, « la mère du Bel Amour, » jusqu’à ces épousailles célestes dont le Giorgone nous a laissé une si sublime peinture.


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Message  Monique Mer 26 Juil 2023, 7:38 am

Nous, nous cherchons, dans cette existence qui ne quitte pas des yeux le Ciel, seulement ce qui en frappait les yeux de la mère. Il ne faut pas calomnier celle-ci. Il n’y avait en elle nulle impiété. C’était une femme d’artisan, sage de la sagesse mondaine, d’esprit pratique, et toute courbée dans les sentiers de la vie vulgaire ; elle voulait établir ses filles, en faire de bonnes mères comme elle l’avait été elle-même. Peu satisfaite de n’avoir eu que vingt-cinq enfants, elle rêvait tout un peuple de petits- enfants. Elle ne pouvait croire que cette Catherine, belle et forte, qui portait du rez-de-chaussée au grenier « la charge d’un cheval », ne fût pas faite pour illustrer la maternité siennoise.

Celle-ci humble et douce, eût voulu ne pas désobéir. Elle savait qu’elle était la fiancée du Seigneur. Elle espéra que son Fiancé éclairerait l’esprit de ses parents. Elle supplia Jésus de leur faire connaître le « don de Dieu ». Elle donna toute l’obéissance qui n’allait pas directement contre la promesse faite au Fiancé céleste. Elle accepta les fleurs, les parures et se laissa faire jolie.

Bientôt elle craignit que cette vie mondaine ne pénétrât dans sa vie intérieure. Elle demanda qu’on lui épargnât les fêtes et les beaux ajustements. Après avoir indiqué, puis affirmé qu’elle ne voulait pas se marier, voyant que Lipa persistait et insistait, elle prit un grand parti, elle coupa la magnifique chevelure dont sa mère était si fière. Cette fois, Lipa ne put retenir les élans de sa colère italienne : « Tes cheveux repousseront et quand ton cœur devait en être déchiré, nous te forcerons à prendre un mari ! » La colère ne lui faisait pas oublier la sagesse pratique. Elle se dit qu’il fallait combattre l’idéal par des occupations matérielles et extérieures. Elle lui donna même le soin du ménage et en fit une sorte de servante, la plus occupée de toutes les servantes.


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Message  Monique Jeu 27 Juil 2023, 7:12 am

Catherine souffrit tout avec son amène patience et sa riante docilité. Elle servit sa mère en se disant que c’était la sainte Vierge qu’elle servait. Giacomo de Benincasa, son père, avait l’esprit moins absolu et plus clairvoyant. Il se demandait s’il n’était pas bien rude de punir cette douce enfant pour une piété qu’on avait développée en elle et si Dieu ne s’irriterait pas de voir qu’on maltraitait la plus pure, la plus obéissante des filles pour l’unique crime d’aimer en Dieu la source de toutes les vertus. Une fille qu’il perdit, développa ces réflexions en lui. Un jour qu’il entra brusquement en un lieu où Catherine était prosternée en prière, il vit une colombe qui planait sur sa tête et qui disparut comme une nuée qui se fond. Cette vision le décida à ne plus contrarier la vocation de la jeune fille. Dame Lipa fut plus difficile à convaincre. Enfin elle céda, elle aussi.

Elle ne tarda pas à le regretter. Catherine, recevant la permission de s’abandonner à sa piété, nourrit tellement son âme des souffrances de son corps et se livra à de telles austérités que cette belle et forte fille dépérit à vue d’œil. Que de fois la pauvre mère, se réveillant en sursaut, se levait brusquement et allait chercher sa fille sur le plancher où elle couchait dans un drap de crin, pour la porter dans son lit ! Elle dut mener Catherine aux eaux.

Elle espérait encore. « Comment mépriser ainsi le mariage! N’a-t-on pas vu bien des mères sanctifiées par leur enfants et bien des enfants sanctifiés par leur mère ? N’était-ce pas une preuve que le mariage est béni par Dieu ? » Il fallut qu’elle cédât de nouveau. Catherine s'affilia aux Sœurs du tiers ordre de la Pénitence de Saint-Dominique. Elle continuait de vivre dans la maison paternelle, mais elle ne s’y considérait plus que comme une servante et elle ne se nourrissait que d’eau et d’herbes cuites.


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Message  Monique Sam 29 Juil 2023, 6:47 am

Lipa fit enfin son sacrifice complètement, sans arrière-pensée. Elle ne tarda pas à trouver dans la gloire de sa Catherine la récompense de celle abnégation tardive, sans doute, mais bien méritoire, car elle lui avait bien coûté. Nous n’osons pas dire en effet que dans cet esprit, dont la sagesse vulgaire et utilitaire contraste si étonnamment avec la sublimité mystique de sa fille, cette gloire ne fut pas souvent plus agréable que la sainteté. Jésus allait lui démontrer non seulement la grandeur mais même l’utilité de Son amour. Il donna à cette enfant, pour un instant, une partie de son pouvoir : « Je suis la Résurrection et la Vie ». « Sa propre mère étant morte sans avoir eu le temps de faire pénitence, Catherine la rappela à la vie par ses prières. »

Lipa ressuscitée, Catherine avait quitté la maison paternelle. Sa mère ne put plus suivre de près cette vie tramée de pénitences incroyables et de miracles écrasants. Mais cette enfant qui n’avait pu apprendre à lire que par une intervention miraculeuse ; cette enfant dont elle avait voulu faire la femme de quelque meunier de la campagne florentine, cette enfant dont, pendant des années, elle avait fait une sorte de bête de somme, c’était bien elle qui l’avait ressuscitée. C’était elle qui était puissante à Avignon comme à Florence et à Rome? N’était-elle pas l’égale des plus illustres philosophes et des plus éminents théologiens, le conseil des princes et une sorte de docteur de la sainte Église!

Mais nulle gloire humaine n’est sans envers. Le Seigneur voulait, tout en comblant son épouse de ses faveurs divines, l’aider à rester humble et à mieux goûter les choses célestes, en la faisant souffrir de la méchanceté du monde.

La démocratie italienne, comme toutes les démocraties, envieuse de tout ce qui dépassait le niveau commun, persécuta et menaça de mort cette reine de sainteté. Lipa souffrit ces angoisses que la sainte ne ressentait pas. Elle reçut un coup plus douloureux. Elle vit mourir cette fille qui disposait de la vie en faveur des autres.

Quand le corps de Catherine fut porté triomphalement par les rues de Sienne, au milieu d’un groupe des disciples et des amis de la sainte, grands esprits, grandes âmes, personnages illustres par leur talent, par la vaillance de leur piété et l’élévation de leur volonté plus encore que parleur naissance, on put voir Lipa entourée des plus glorieuses femmes de la République florentine : La vieille artisane, appuyée sur le bras d’une fille de la grande race des Saraceni, regardait passer en pleurant le cercueil de l’enfant qu’elle avait voulu arracher des bras du Seigneur Tout-Puissant. Vit-elle cette petite maison où étaient nés ses vingt-cinq enfants, où le bon Giacomo et elle avaient humblement travaillé, vénérée par les illustrissimes seigneurs de la République siennoise comme un temple sacré? Nous ne le savons; La bonne dame disparaît, éclairée une dernière fois par l’éclat sans pareil des obsèques de sa fille.


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Message  Monique Dim 30 Juil 2023, 6:53 am

§XI. — Charlotte de Savoie, Mère de la douce Sainte Jeanne de Valois (1464-1505). — « Mère très digne, Mère de Jésus, faites de moi votre suivante domestique, accordez-moi cette faveur d’être toujours aimée de vous et de n’aimer aucune autre personne, sinon parce que vous l’aimez ou parce qu’elle vous aime. Donnez-moi aussi une si pure vertu que toute personne qui vous aime m’aime et m’aime seulement parce que je vous aime ou parce que je vous aime mieux. Faites aussi que nous puissions arriver près de vous pour louer et aimer éternellement notre Dieu, si bon, et vous également. »

La sainte, Jeanne de Valois, à qui nous devons cette prière d’une piété à la fois si douce et si réfléchie, est aussi connue que sa mère l’est peu. Toutes deux reines et toutes deux martyrisées par leur couronne, elles en supportèrent les douleurs, en pensant à la couronne d’épines du Sauveur Jésus. Mais ces douleurs royales dépassèrent souvent les angoisses des plus misérables mendiants.

Nous n’avons pas à nous occuper de la Bien heureuse Jeanne. Elle a laissé une famille religieuse qui est son honneur. Sa biographie a été souvent faite. On nous excusera de nous arrêter longuement auprès de sa mère, à qui l’histoire n’a pas jusqu’ici accordé une attention suffi sante. La chronique l’a gardée dans la demi-obscurité où la cachait Louis XI.

Pour l’en tirer, l’enquête morale est aussi utile que l’étude des documents. Aussi tout en cher chant, d’après les renseignements épars dans une douzaine des Chroniques contemporaines, à retrouver les traces souvent peu apparentes ou effacées du passage de cette reine, nous essayerons de soulever quelques-uns des replis de cette âme modeste et vigoureuse. Nous devinerons quelques-unes de ses vertus dans les larmes de son cœur humblement magnanime. Sainte Jeanne, avec la perspicacité précoce de son intelligence, put y apprendre l’héroïsme de la patience chrétienne.


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Message  Monique Lun 31 Juil 2023, 6:47 am

On n’est pas d’accord sur la date de sa naissance. Quelques dictionnaires biographiques la mettent en 1439, d’autres en 1445. Nous croyons que la princesse est née en 1441. Elle était fille de Louis, duc de Savoie, et d’Anne de Chypre. Elle était dès sa naissance, et par cette naissance même, destinée à souffrir. Son père fut la principale, la plus douloureuse peut-être de toutes les causes de ses chagrins. Il est difficile de rendre le mépris avec lequel les chroniqueurs traitent ce prince ignoble, toujours occupé « à boire, à manger, à dormir, toujours courbé ou assis, passant sa vie en péché et en mœurs bestiales ». Ils parlent de « son inutilité en ce monde », de sa féminine et vile condition » et de la servitude où le tint plus tard son gendre le roi de France. C’est à ce père avili qu’il faut attribuer une partie des mauvais traitements qu’eût à subir Charlotte. Son mari n’eût pas osé ainsi la maltraiter, s’il eût craint les reproches d’un père ferme et respecté. Elle avait été promise à Frédéric de Saxe lorsque le dauphin Louis, fils de Charles VII, la demanda en mariage. Elle avait alors dix ans. Louis obéissait à des considérations financières et politiques que nous n’avons pas à exposer ici. On ne peut pas supposer qu’il eût pour l’enfant un attrait que ni la jeune fille ni la jeune femme ne lui inspirèrent jamais.

Le couvent des Clarisses de Y Ave Maria que Charlotte, devenue reine, fonda à Paris en 1472, conserva longtemps son portrait. Il nous la représente très petite, le teint brun, la figure longue avec des traits arrêtés, le nez rond et long, le menton avancé, la bouche gracieuse et les yeux riants. Cette grâce de l’expression unie à la vigueur peu féminine des' traits, résume bien tout cet être où la bonté du cœur se joint à la maturité de l’esprit, où la fermeté, la résolution, la droiture se fondirent, par un curieux et pieux travail, pour produire la patience sainte et la docilité résignée.

Cette patience, sans doute, était nécessaire. Il était difficile de résister à un homme qui avait, comme Louis XI, le génie de la tyrannie. Mais ce fut la foi qui rendit cette patience sainte; ce fut le respect que la constitution de la société chrétienne imposait envers l’époux, comme envers le roi, qui donna à cette résignation son caractère noble et touchant.


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Message  Monique Mar 01 Aoû 2023, 7:11 am

Pourquoi cette patience fut-elle nécessaire ? et comment expliquer les continuelles séparations, les longs exils, la solitude fréquemment imposée, le dédain de l’amour de l’épouse, le mépris des droits maternels, enfin, tout ce qui constitue la conduite de Louis XI envers Charlotte de Savoie?

On admet volontiers que ce roi fut un des hommes les plus utiles que la France ait eus : un de ceux qui contribuèrent puissamment au développement et à l’unité de la patrie. J’ajouterai qu’il mit la France en position de lutter victorieusement, au siècle suivant, contre le protestantisme. Cette nouvelle religion s’appuyait, sans doute, sur la démocratie révolutionnaire, mais elle fut surtout un des derniers mouvements de la révolte féodale contre la royauté. Il est vrai semblable que si Louis XI n’avait pas détruit la puissance des princes du sang et des grands vassaux, notre pays eût imité l’Allemagne ; et l’ambition des princes eût réussi à dépecer le sol de la patrie.

Mais s’il fut un grand roi, il fut le plus méchant des hommes. Outre l’instinct très développé de la défiance et de la fourberie, il avait la joie de la férocité. Il lui fallait des esclaves, d’abord parce que son génie puissant avait besoin d’instruments absolument souples, puis parce qu’il jouissait de l’abaissement et de la souffrance d’autrui.

Il devait logiquement se défier de sa femme plus que de tout autre. L’ensemble des traditions, des mœurs, des devoirs créés par le catholicisme l’obligeait à respecter extérieurement son épouse, si elle était respectable; et l’instinct royal l’empêchait de déshonorer la mère du futur héritier du trône. Mais comment garder auprès de soi un témoin inévitable des ruses, des fourberies, des incertitudes, des vilenies? un être qui pouvait vouloir donner des conseils et des directions, qui eût pu résister, avoir des partisans, former des groupes hostiles, des coteries embarrassantes?


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Message  Monique Mer 02 Aoû 2023, 8:18 am

Ce n’est donc pas à son manque de beauté qu’il convient d’attribuer l’éloignement pour Charlotte de Savoie. La haine sombre que Louis avait témoignée à sa première épouse, la charmante Marguerite d’Ecosse engagerait, d’ailleurs l’historien à chercher une autre cause. Ce sont les qualités mêmes de sa femme, les qualités morales, intellectuelles surtout, qui furent la cause de cet éloignement : un témoin intelligent, était particulièrement redoutable à ce fourbe; un témoin miséricordieux à ce cruel, un témoin austère à ce dépravé.

Nous insistons particulièrement là-dessus. Nous ne voulons pas laisser peser sur la mémoire de cette bonne reine le mot historique de Louis XI sur les femmes. Anne de Beaujeu, sa fille, avait seule trouvé grâce à ses yeux : « Elle est la moins folle femme du monde, car de femme sage il n’y en a point ».

Il rendait à Charlotte une justice meilleure que ce grossier brocard ne permettrait de le croire. « N’oubliez pas, » dit-il à Louis d’Orléans qu’il violentait pour le forcer à épouser sa fille Jeanne, « que votre épouse est la fille d’une mère dont la vertu et l’honneur n’ont jamais été soupçonnés. »

Les contemporains sont unanimes dans l’estime de ses vertus. Je me bornerai à citer le jugement de la cour et des politiques représentés par Commines, l’historien de Louis XI, et l’opinion de la société pieuse représentée par le rédacteur de la Chronique anonyme des Annonciades. Commines nous dit que Louis XI « tenait à sa femme bien mauvaise loyauté, et pourtant c’était une bien bonne dame ». La Chronique écrit, avec cette prudente charité dont la réserve est si éloquente : « c’était une vertueuse dame, remplie d’une grande tolérance et prudence, comme il lui était nécessaire ».

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Message  Monique Jeu 03 Aoû 2023, 7:58 am

L’exil, l’éloignement humiliant, les séparations blessantes, la solitude injustement imposée, n’étaient pas tout. Il faut compter dans la vie du roi les journées de peine et de dur travail. On n’en trouverait « pas une de contentement contre dix d’ennui ». De ces jours de colère, il faisait peser tout le poids sur ceux qui l’entouraient; les jours d’aise il les. employait loin de sa femme, souvent en compagnie grossière, bien faite, de toute façon, pour blesser une épouse même moins délicate que ne le fut Char lotte de Savoie. Nous pouvons déjà entrevoir les angoisses de la bonne reine. Interrogeons la chronique de sa vie.

En 1444, Louis avait perdu sa première femme, cette belle, affable et célèbre Marguerite d’Ecosse. On l’avait fort accusé de l’avoir fait empoisonner. L’accusation était injuste. En tout cas, Louis de Savoie ne s’en préoccupa guère quand Yves de Scepeaux et Aymar de Puisieux vinrent lui demander la main de sa fille pour le dauphin. L’opposition très vive que fit Charles VII au mariage ne l’arrêta pas davantage. Après une longue discussion sur les stipulations du contrat de mariage, la cérémonie religieuse fut célébrée au mois de mars 1451. Louis avait vingt-sept ans et Charlotte dix. La jeune épouse devait rejoindre son mari quand elle aurait quinze ans.

Peu de temps après, elle eût pu prévoir la vie qui l’attendait. Louis déclara à son beau-père « une guerre très aspre », dit Commîmes. Et ce ne fut pas pour Charlotte chose facile do concilier le respect qu’elle devait à son père et l’amour dû à l’époux. Le duc de Savoie se plaignait de l’alliance que son gendre venait de conclure avec François Sforza, duc de Milan, qui avait détruit plus de trente villes ou villages du duché de Savoie. Louis voulait bien abandonner Sforza, mais avec des compensations. Il lui fallait quelques bonnes villes pour arrondir le Dauphiné où il séjournait depuis qu’il avait fui son père. Il arriva à ses fins en 1454, c’est- à-dire après trois ans de lutte, et il « gagna deux bonnes villes grosses et marchandes ».


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Message  Monique Ven 04 Aoû 2023, 7:26 am

Charles VII, à bout de patience, se prépara à envahir le Dauphiné. Louis s’enfuit et vint chercher refuge à la cour de Philippe de Bourgogne. Celui-ci le reçut avec toute les apparences de l’amitié. Il constata bientôt que le dauphin ne paraissait pas songer à faire venir auprès de lui l’épouse qu'il ne connaissait pas encore. Comme cette épouse était la propre nièce de Philippe,, Louis comprit la nécessité de s’exécuter. Il y mit, paraît-il, peu d’empressement et il faut ainsi comprendre le passage d’un célèbre chroniqueur contemporain, Olivier de la Marche. Celui-ci assure que, au moment où le dauphin vint se réfugier en Bourgogne, le duc exigea qu’il épousât sa nièce. Il y avait cinq ans que le mariage était célébré officiellement.

L’exigence doit porter évidemment sur la réunion des époux. Louis envoya le seigneur de Montaigu chercher sa femme. Celle-ci, se rappelant uniquement ses devoirs d’épouse, partit brusquement sans demander permission ni à sa mère ni au roi. Sous la conduite du prince d’Orange, elle arriva le 10 juillet 1457 à Namur, où Louis l’attendait. On lui « fit grande fête, là ainsi qu’aux autres places du duc de Bourgogne ». Elle avait près de seize ans.

Elle resta quatre ans au château de Genappe que le duc de Bourgogne avait attribué comme résidence aux époux. Il donnait une pension de 13000 écus au prince et une de 4000 à la princesse. Elle eut, pendant ce séjour à Genappe, plusieurs enfants dont un fils, un de ces héritiers que Louis désirait passionnément; passion curieuse en l’homme qui haïssait son père.

Il nous est permis, en lisant les contes publiés sous le nom de Louis XI, d’entrevoir à quelles épreuves la délicatesse de la jeune princesse fut mise au milieu des grossiers libertins, compagnons de son époux.


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Message  Monique Sam 05 Aoû 2023, 7:16 am

En 1461, Louis, devenu roi, quitte Genappe. Il ne veut pas emmener sa nouvelle épouse avec lui. Nous ne la voyons ni au sacre à Reims, ni au voyage de Normandie, ni aux fêtes qui célèbrent l’entrée à Paris. Nous pouvons juger de l’état misérable où elle était tenue par ce fait que nous révèle l’historiographe du duc de Bourgogne.

« Elle n’avait ni chevaux ni habillements. Le roi lui ordonna d’emprunter à la comtesse de Charolois ses chevaux et ses chariots. Celle-ci y consentit et elle confia la conduite de la nouvelle royne à un de ses écuyers Corneille de La Barre qui la suivait à pied pour ramener les chevaux de la comtesse. »

Craignait-elle que Louis n’oubliât de les renvoyer? Nous savons, d’autre part, qu’elle vivait à Genappe « de telle sorte que la femme d’un noble homme, le plus pauvre de la terre, n’eut voulu vivre ainsi ». En 1463, un chroniqueur nous la montre à Pontoise, à côté de son mari. « Elle ne menait pas grand état, » écrit-il. Les bonnes gens qui voyaient passer le roi s’émerveillaient de sa pauvre mine : « Benedicite ! est-ce là le roi de France, le plus grand roi du monde? Tout ce qu’il a sur son corps, en y ajoutant son cheval, ne vaut pas vingt francs. »


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Message  Monique Dim 06 Aoû 2023, 6:57 am

En 1464, le roi a besoin d’elle. Nous verrons qu’il la mettait en avant' chaque fois que la poli tique requérait les apparences de la bonhomie et les abandons de l’intimité, pour désarmer ses ennemis et les pousser sans défiance dans le piège préparé.

Elle arrive en grande pompe à Dampierre, près Hesdin. Elle a à côté d’elle ses deux sœurs, l’une « très belle et très vertueuse » : Louis attend là les ambassadeurs du roi Edouard d’Angleterre et il voudrait lui faire épouser cette belle-sœur.

L’affaire ne réussit pas. Il s’agit dès lors de tromper le duc de Bourgogne. Louis envoie la reine à Hesdin. Pour la première fois et pendant trois jours, elle est vraiment en office royal, extérieurement du moins, car nous pourrions découvrir, au fond de ses pensées, le pressentiment de la grande angoisse qui la menace.

En mars 1464, il lui fut permis de revoir son père et son frère aîné. Tous deux, détestés par les habitants de la Savoie, venaient chercher assistance auprès du roi, qui les reçoit à Saint-Cloud. L’état dans lequel Charlotte vit son père et la vilaine renommée de ce frère n’étaient pas faits pour réjouir ce cœur aimant et fier. Elle put bientôt comprendre que cette visite avait un but odieux, menaçant pour son second frère Philippe « aussi gentil, sage et aimé que le fils ainsi né était détesté ». Mais il fut impossible à la reine d’avertir son frère très cher.

Philippe vint à Saint-Cloud, sur la foi du roi qui lui avait envoyé un sauf-conduit. Malgré la promesse solennelle qu’il pourrait retourner en Savoie « sans empêchement », Philippe fut mis en prison. Les larmes de la reine n’y purent rien. Cette trahison fit dans toute l’Europe chevaleresque un bruit considérable. « Les peuples et les nobles murmuraient et disaient: puisqu’en parole de roi on ne peut plus se fier, la foi, la vérité, la fiance sont bannies de la terre. Il n’v avait rien désormais qui puisse servir de lien entre les hommes. » Les murmures s’en élevaient contre le roi, non seulement en France mais en Angleterre, en Italie, dans les Espagne. Il n’y avait qu’un cri dans les nations voisines de France; les nobles de Savoie s’en désespéraient, les Genevois en vinrent jusqu’à menacer le roi. On lui envoya des ambassadeurs qui s’adressèrent à la reine. Tout fut inutile. Louis, voyant que le duc de Savoie était tombé complètement sous sa domination et que le fils aîné était exécré, s’était dit que s’il parvenait à se qu’un cri dans les nations voisines de France; les nobles de Savoie s’en désespéraient, les Genevois en vinrent jusqu’à menacer le roi. On lui envoya des ambassadeurs qui s’adressèrent à la reine. Tout fut inutile. Louis, voyant que le duc de Savoie était tombé complètement sous sa domination et que le fils aîné était exécré, s’était dit que s’il parvenait à se débarrasser du vaillant et sage Philippe, le duché lui viendrait aisément en la main.


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Message  Monique Lun 07 Aoû 2023, 7:51 am

Il fallait que la visée politique de Louis XI fût bien ferme pour qu’il résistât en ce moment aux prières de la reine. Elle était dans une de ces situations où, attendant d’elle un héritier, il lui témoignait de la bienveillance. Ce ne fut par cet héritier si ardemment désiré qui vint au monde, ce fut une fille, notre douce sainte. Le roi, furieux, délaissa brusquement sa femme, et quittant Nogent-le-Rotrou où elle avait fait ses couches, il revint à Paris. Charlotte espérait attendrir Louis XI, et se rappelant la dévotion qu’il avait pour saint Jean-Baptiste et saint Jean l’Évangéliste, elle donna à la fillette le nom de Jeanne. Vain espoir. L’éloignement du roi, nous le verrons, devint de la haine.

Il lui laissa pourtant l’enfant, qui resta aux côtés de sa mère et de sa nourrice, Catherine de Bruxelles, jusqu’à l’âge de cinq ans. C’est pendant ce temps que Charlotte commença à former cette âme héroïque et douce qui fait de Jeanne de Valois, à la fois une des plus intelligentes, des plus touchantes, des plus sympathiques, des plus saintes femmes de ce temps et de tous les temps.

Cette éducation dérangeait les prévisions politiques du roi, qui voulait une fille pieuse,, sans doute, mais non « une nonne ». Il força Charlotte à l’envoyer au château de Linières, aux environs de Bourges. Il la mit sous l’autorité d’Anne de Culant, épouse de François de Beaujeu, sire de Linières, montrant ainsi que cette mesure était prise plus encore contre la reine que contre la piété, car le sire de Linières était aussi bon et digne chevalier que sa femme était vertueuse, intelligente et dévouée. Le voisinage d’un couvent habité par les religieuses de l'abbaye d’Issoudun entretint la piété de Jeanne.


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Message  Monique Mar 08 Aoû 2023, 8:10 am

Charlotte ne fut pas, sans doute, contrainte d’abandonner complètement sa fille. Elle put la voir mais rarement, en cachette peut-être. Nous avons une lettre d’elle, la seule qui soit venue à notre connaissance. C’est un document précieux; il nous renseigne sur la situation et aussi sur la résignation, la patience, la docilité de la « bonne reine ». Madame de Linières l’avertit que l’enfant venait d’être malade et que sa convalescence serait bien hâtée si elle pouvait passer quelque temps auprès de sa mère. Que voyons-nous? Dans une circonstance aussi grave, la reine est sans autorité. Elle n’ose même pas écrire au roi, sans que sa lettre soit appuyée auprès de lui. Elle s’adresse au sire du Bouchage, dont Louis XI ne se défie pas trop.

« De par la reine. Monsieur de Bouchage, madame de Linières m’a écrit que ma fille Jeanne a été malade de la vérole et qu’elle est guérie. Elle m’écrit aussi que monsieur de Linières est très malade d’une fièvre. Elle voudrait bien que j’envoyasse quérir ma fille afin qu’elle pût se guérir complètement. Vous pourrez le voir par ses lettres que je vous envoie parle porteur. J’en ai écrit une au roi afin qu’il en ordonne selon son plaisir, car je n’oserais pas envoyer chercher ma fille sans l’en avertir. Je vous prie de remettre ma lettre à mon seigneur et communiquez-lui les lettres de madame de Linières. Faites agir le porteur le plus tôt que vous pourrez, afin que tout soit fait selon le bon plaisir de mon seigneur et écrivez- moi. Adieu. — Charlotte. »

Il faut méditer cette lettre. Elle nous éclairera complètement sur le servage de cette mère qui ignore la maladie de sa fille, puis qui n’ose pas la soigner sans autorisation.

Son cœur et sa dignité d’épouse n’étaient pas mieux traités. Pendant le siège de Paris, après la bataille de Montlhéry, en 1465, la reine est confinée à Amboise. Après la paix, Louis lui défend de venir à Paris, où il fait grande chère. Il l’envoie à Orléans où il se rend bientôt lui-même, en une compagnie des plus blessantes pour l’épouse. Il ne tarde pas à partir pour la Normandie, revient à Orléans, « mais il n’y reste guère ». C’est le résumé de tous les séjours qu’il fait auprès de sa femme.


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Message  Monique Mer 09 Aoû 2023, 6:44 am

Toutefois, l’opinion publique, dont Louis te nait et était obligé de tenir grand compte dans la lutte contre la féodalité, lui imposait le respect extérieur pour la reine. La bonté de celle-ci, sa piété, sa dignité morale, peut-être même les mauvais traitements du roi, l’avait rendue populaire dans le clergé comme chez les bourgeois. Nous choisissons ce trait entre-autres : « Le dimanche 11 juin 1465, Maistre Jean l’Ollive, docteur en théologie, prêche très ou vertement, après la haute messe de Notre-Dame, en l’honneur de la reine. »

Quand Louis, préparant quelque grande manœuvre politique, a besoin de surchauffer ses bons compères les bourgeois de Paris, il exhibe « la reine en grand triomphe ». Plus tard il ne se contraignit plus. Mais jusque vers 1470, il paraît avoir parfois des remords. Sans doute, il fut un des rares hommes qui ont la colère durable, mais la foi, qui était grande en lui, le ramenait, de temps à autre, à quelque sentiment humain. En tout cas, il comprenait bien qu’en honorant extérieurement la reine, il re haussait la dignité royale dans l’esprit du peuple.

L’année 1467 et les trois suivantes sont, pour Charlotte, des années moins malheureuses, sinon heureuses ; nous la voyons employée à une négociation difficile. Dieu voulait montrer que l’humilité de sa servante naissait non d’une infirmité mais d’une vertu, comme il prouvera, après la mort du roi, que si Charlotte s’était effacée jusque-là, c’était non par manque de résolution, mais par obéissance au devoir.


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Message  Monique Jeu 10 Aoû 2023, 7:28 am

Le mardi 1er septembre 1467, un grand nombre des bourgeois et des conseillers de la ville de Paris montent sur des bateaux richement couverts de belles tapisseries et de brillantes étoffes de soie. Ils s’en vont au-devant de la reine qui arrive de Rouen. D’autres bateaux suivent. Les uns portent les enfants de chœur de la Sainte-Chapelle « chantant très mélodieusement des virelais, des chansons et autres bergerettes ». Les autres sont montés par un grand nombre de musiciens, « jouant des clairons, des trompettes, toute sorte de hauts et bas instruments accompagnant d’habiles chantres ».

Ceux-ci, aussitôt qu’on aperçoit le navire où est la reine escortée de ses dames et demoiselles, chantent des « morceaux à sa louange ». Les bourgeois s’approchent d’elle et entrent dans son bateau jonché de fleurs parfumées. Ils lui offrent de riches boîtes, remplies de dragées, et de confitures, des fruits nouveaux, et « un beau cerf en sucre ayant les armes de la reine pendues à son col. Le vin ne fut pas épargné et tous les passagers en eurent à leur volonté. »

Elle vint débarquer au terrain de Notre-Dame. Tous les présidents et conseillers de la cour du parlement, l’évêque de Paris et plusieurs autres gens de cette sorte, vêtus de leurs habits de cérémonie, l’y attendaient. La ville de Paris avait disposé à cet endroit diverses figurations et personnages muets, quelques-unes de ces représentations mimées, tableaux vivants, scènes sans-parole, où excellaient les gens du XVe siècle et qui constituaient, après les fontaines de vin et les tables ouvertes à tout venant, le plus grand attrait des cérémonies publiques.


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Message  Monique Ven 11 Aoû 2023, 6:32 am

La reine se dirigea vers l’église Notre-Dame, où elle fit son oraison, remonta en bateau et s’en vint faire une nouvelle station à la porte de l’église des Célestins. Elle y admira quelques autres de ces scènes muettes. De belles haquenées l’attendaient là, ainsi que ses dames et demoiselles. Elle alla rejoindre le roi à l’hôtel des Tournelles, à la porte duquel étaient dis posées d’autres figurations.

Paris fut en liesse pendant toute la nuit sui vante. Les rues étaient illuminées. On y dressa des tables où qui voulait pouvait venir boire et manger. Pendant tout le reste du mois, les bourgeois et les seigneurs de Paris offrirent des fêtes au roi et à la reine. Nous la rencontrons notamment chez maître Jean Dauvet, premier président du parlement, qui donne un festin en son honneur. Elle y est en compagnie de sa sœur, Bonne de Savoie, et de quelques dames et bourgeoises dont le voisinage lui avait évidemment été — cruellement pour sa dignité d’épouse — imposé par le roi.

Le respect n’était, en effet, qu’extérieur et certains détails de ces magnificences nous dé voilent tout ce que le cœur de Charlotte put y souffrir. Mais le roi préparait une de ces dangereuses intrigues où il avait besoin d’un redoublement de fidélité et de sacrifices. Prouver aux bourgeois de Paris qu’on était bon époux, c’était les préparer à croire qu’on était bon prince; et leur montrer une scène brillante et sainte, c’était les toucher aux deux points les plus sensibles à un cœur du XVe siècle. C’est devant Charlotte que défile cette armée de quatre-vingt mille bourgeois dont trente mille sont vêtus de jacques et de brigandines, c’est-à-dire de cuirasses en peau ou en lames de fer. Spectacle merveilleux, au dire des contemporains et nulle autre ville au monde n’eût pu faire paraître une telle masse de soldats.


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Message  Monique Sam 12 Aoû 2023, 7:25 am

Nous avons dit qu’elle venait de Rouen. C’est là que nous la trouvons au mois de juin précédent. Elle y est avec ses filles. Le roi avait besoin de faire cette exhibition patriarcale pour mieux endormir les défiances de Warwick, qu’il veut gagner à sa cause. Il y a une éclipse dans les bonnes grâces de Louis. La reine reçut le contre-coup de l’affaire de Péronne. Elle expie la bonne mine que le roi est forcé de simuler envers Philippe de Savoie. Celui-ci, pour se venger du manque de foi de Louis XI, s’était mis, une fois sorti de prison, à la tête de quelques seigneurs révoltés. Dans le traité de Péronne, si humiliant pour la dignité royale, Charles le Téméraire exigea que Philippe de Savoie fût gracieusement pardonné et traité.

La reine est de nouveau reléguée à Amboise, qui est, avec Loches, le lieu le plus habituel de son exil. Mais la politique va réclamer de nouveau ses efforts. Cette fois l’œuvre est douce au cœur de Charlotte. Il s’agit d’amener la paix entre le roi et le duc de Guyenne. Louis met sa femme en avant pour mieux endormir son antagoniste, Charlotte voit seulement que cet antagoniste est le frère de son époux et que le grand devoir de l’épouse chrétienne est de procurer la paix domestique. « C’est elle qui, comme honnête et très noble dame, avait fort travaillé à traiter ladite bonne paix et unité. » Elle vint recevoir son beau-frère au château de Moutier-lez-Tours, en compagnie de Madame de Bourbon et autres dames et demoiselles pour « le fêter très amiablement ». Il demeura là jusqu’à Noël. Lui parti, l’œuvre pour laquelle la reine avait été retirée de sa retraite étant accomplie, on la renvoya à Amboise.

Mais le moment, le seul peut-être où elle fut vraiment bénie par son époux allait arriver. « Le samedi, dernier jour de juin 1470, environ entre deux et trois heures du matin, la reine accoucha dans le château d’Amboise de ce beau fils qui fut baptisé et nommé Charles. De ladite nativité fut grand ’joie répandue par tout le royaume de France et fut chanté partout Te Deum laudamus. » Le roi montra une joie sans pareille et, comme nous venons de le voir, tout le royaume y prit part. Nous avons le récit des fêtes qui eurent lieu : on ne nous y signale pas la présence de la reine. Le roi a besoin d’elle à Paris en janvier 1471. Le 4 février, elle va en grande pompe en procession à Notre-Dame et à l’église des Carmes qu’on nommait Notre-Dame-de-Recouvrance, pour remercier Dieu du succès remporté par le roi en Picardie.


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Message  Monique Dim 13 Aoû 2023, 7:04 am

Les journées royales sont terminées ; la bonne reine va reprendre la voie douloureuse, avec des angoisses désormais plus intenses, une marche sans guère de repos, un exil plus sur veillé, une solitude plus péniblement sentie. En vieillissant, le roi fortifie ses défauts, il les en fièvre, il les change en maladie et en mono manie. Il s’en cuirasse, il en fait le rempart, non seulement de sa politique mais de sa vie même.

La défiance, le soupçon, la méchanceté, la haine, l’autoritarisme implacable sont devenus indispensables à chacune de ses pensées. Char lotte n’est plus une enfant. Elle a trente ans. Elle a montré son intelligence, sa fermeté morale sous sa docilité chrétienne. Elle est con damnée, dans l’esprit du roi, à ne plus guère quitter Loches ou Amboise, et dans des circonstances instantes à être éloignée plus encore. Le roi la visite de plus en plus rarement. Elle ne parait plus à côté de lui pendant les cérémonies officielles où parfois il avait cru devoir l’appeler. Il ne lui permet même plus de l’approcher pendant ses maladies.

Le chagrin, causé par l'éloignement de son époux, devenait angoisse, quand la mère constatait cette haine exaspérée que Louis ne cachait pas contre sa fille Jeanne. Celle-ci, sans cette haine qui pesait sur elle, eût été la récompense humaine des épreuves maternelles. Dieu, par une ingénieuse caresse de sa bonté avait donné à l’enfant toutes les vertus qui avaient été nécessaires à sa mère pour vivre sans se désespérer : la douceur exquise, la patience énergique, la piété angélique, la modestie sainte.


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