LES MÈRES DES SAINTS
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
La foi de Louis XI était grande, mais en venait aisément aux accommodements de la superstition quand elle était en contradiction, avec les visées politiques du roi. Ses filles étaient un des enjeux de cette politique. Il ne pouvait donc supporter que celle-ci eût « l’air plutôt d’une nonne que d’une princesse ». Il refusa longtemps de la voir. Il y consentit enfin et il s’écria : « Je ne l’aurais pas crue aussi laide! » L’enfant voulut l’embrasser, il la repoussa. Une réflexion plus profonde et plus .âpre le réconcilia avec la difformité de Jeanne. Il pouvait l’utiliser cette difformité et il prouva qu’il y pensait, en laissant échapper une phrase qu’il est inutile de rapporter ici.
Mais quand il constata l’intensité de la piété, chez l’enfant, quand il lui entendit dire qu’ « elle se destinait à Dieu qu’elle aimerait plus que tous les princes de la terre », Louis XI contraignit à peine l’impétueuse férocité de sa nature. Il tira son épée à plusieurs reprises pour tuer sa fille et déclara qu’il la tuerait. Nous avons la scène, et nous voyons le seigneur de Linières cachant dans son manteau Jeanne, qui y resta sans trembler. On devine la douleur de la pauvre mère, quand cela lui fut raconté. Il fallut que tout cédât à la tyrannie du roi et que Jeanne con sentît a se marier. Elle boitait légèrement. Sa physionomie gracieuse et celte expression vrai ment angélique qui reflétait son âme eussent pu faire oublier la difformité de son corps. Mais Louis d’Orléans, à qui on imposa violemment cette épouse (en 1476), ne dissimulait ni son mépris ni peut-être son dégoût.
Ici encore nous pouvons deviner les angoisses maternelles, quand Charlotte vit tyranniser et sa fille à qui ce mariage répugnait, et celui qui, sous peine de mort, acceptait cette épouse, avec une haine qui n’était pas sans excuse. Elle pré voyait pour la pauvre enfant un avenir douloureux et elle ne pouvait la protéger! Déjà, quelques années auparavant, la politique de Louis XI avait mis sa fierté maternelle à une désagréable épreuve. Il avait voulu imposer sa fille aînée au duc de Calabre, neveu du roi de Sicile. Celui-ci avait subi les fiançailles. Mais aussitôt qu’il avait pu, il s’était enfui. Anne, moins patiente que Jeanne, avait ressenti ce dédain injurieux.
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Monique- Nombre de messages : 13722
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
Nous revenons au mois de mai 1472, et, si l’on veut me pardonner celte parenthèse, je me per mettrai de recommander ce mois au souvenir des pieuses âmes de France. Il est signalé par la première — et rudimentaire encore — apparition de l'Angélus en notre pays. Au mois de septembre de cette année, la reine eut un fils qu’on nomma le duc de Berry, « mais il ne l'esquissât guère ». Si Louis comprit que c’était la punition des durs traitements qu’il faisait souffrir à la reine, il n’y parut guère. Il ne pouvait pas encore lui enlever son fils Charles, mais il emprisonna la mère à côté du fils. Pendant que la pauvre Jeanne vivait au château de Linières avec la pension de douze cents livres que lui faisait le roi, et si pauvrement qu’on nous la représente avec « sa petite robe de camelot percée aux coudes », la reine était enfermée à Amboise sans avoir le droit d’ajouter à cette maigre pension, sans qu’il lui fût, d’ailleurs, permis de recevoir « personne de bonne naissance ».
L’éducation du petit prince lui fut bientôt enlevée pour être soumise à l’autorité de personnages de bas étage dont les plus notables était le secrétaire du Plessis et le valet de chambre, Etienne de Vère. Il ne fallut rien moins qu’un danger que courut le dauphin — et l’on en peut deviner le retentissement dans le cœur maternel — pour qu’elle quittât cette espèce de prison. En 1476, nous l’entrevoyons au Plessis-du-Parc près Tours, avec son fils. On venait de saisir un individu qui avoua être venu là pour assassiner le fils du roi. Les préoccupations lui venaient du dehors comme du foyer domestique.
En cette même année 1476, elle apprit que le duc de Savoie, la duchesse et leurs trois enfants avaient été attaqués et faits prisonniers auprès de la porte de Genève par les gens de Charles de Bourgogne. Le duc parvint à se sauver. Olivier de la Marche nous raconte le fait. Il était chef de l’entreprise et il avait obéi à contre-cœur à son maître, mais il y allait de sa vie. Il nous montre la duchesse assise derrière lui, sur son grand cheval. Les deux filles de la princesse suivaient, entourées de quelques damoiselles. Le plus jeune des deux fils était porté par un gentilhomme bourguignon. On les emmenait à Saint-Claude, à travers la montagne. Toutefois le roi Louis ne pouvait tolérer cette insulte faite dans sa personne à sa belle-sœur. Il envoya donc des soldats qui feront ouvrir les portes du château de Rouvres où elle était prisonnière.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
En ses dernières années, Louis XI, malgré les grandes préoccupations de la politique générale n’oublie pas sa haineuse défiance contre la bonne reine. Il paraît surtout redouter l’influence qu’elle pourrait avoir sur son fils. Quand la maladie, lui laisse entrevoir que la mort approche, il craint moins que le dauphin Charles, qui va devenir Charles VIII, ne venge les torts que le dauphin Louis a eus envers Charles VIL II l’a tenu jusque-là dans une demi-enfance et loin de toute pensée politique.
Il consent en 1482 à lui apprendre qu’il va régner et à lui indiquer quelques-uns des devoirs delà royauté. La scène est saisissante. Lui parlera-t-il de sa mère? Non. Il lui parle d’Olivier le Daim, de Jean Doyat, des plus vils et serviles instruments de ses puissantes et sournoises intrigues. Pour la reine, qu’il ne nomme même pas, il la rejette hors de toute influence, en faisant jurer au jeune prince qu’il n’aura d’autres serviteurs que les hommes de confiance de son père. Il va plus loin. Un grave historien contemporain, Claude de Seyssel, nous l’apprend; il envoya la reine en Dauphiné afin qu’elle n’eût plus de relation avec son fils.
Il meurt le 30 août 1483 et il donne une dernière et cruelle preuve de son mépris. C’est, non pas à la reine mais à sa fille aînée, Anne de Beaujeu, qu’il confie la tutelle du jeune prince. Charlotte, nous le répétons, était bonne mais sans lâcheté. Elle avait été humble et docile parce que c’était son devoir conjugal. Elle comprit qu’elle avait actuellement un autre devoir à remplir. Malgré la faiblesse de sa santé ruinée par cette vie d’angoisses, malgré l’absence d’ambition et son dégoût pour les intrigues, elle réclame la tutelle et la régence : La régence, au nom du vieux droit de la France; et au nom de son droit maternel, la tutelle. Accepter une indigne exclusion c’eût été admettre qu’elle la méritait, et elle ne pouvait pas laisser déshonorer en elle la piété, la sagesse, la patience chrétienne.
Ce n’était pas seulement sa fille qui lui disputait cette tutelle, mais Pierre de Bourbon, le frère aîné du comte de Beaujeu, et le duc d’Orléans. Aidée par les conseils du comte de Longueville, fils du célèbre Dunois, grand personnage lui-même, habile et vaillant, la reine mère l’eût sans doute emporté ; son droit évident, sa vertu, sa parfaite bonté, l’indignité des traitements qu’elle avait subis, lui avaient fait, avons-nous dit, des partisans.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
Mais vers la fin de l'automne 1483, elle sentit rapproche de la mort. Le 1er décembre, elle dicta son testament dont elle confia l’exécution à l'archevêque de Tours, à son gendre Pierre de Bour- bon-Beaujeu, et à ce comte de Dunois, son beau- frère. « Les pleurs, les gémissements, les cris douloureux de tous les gens de sa maison, regret tant une si bonne dame, furent si grands que son agonie en fut troublée. » Elle mourut le même jour, le 1er décembre 1483, trois mois après son mari. Elle avait dans son testament donné un souvenir naïf et touchant à sa fille bien-aimée. « Je donne à ma fille Jeanne, duchesse d’Orléans, ma vaisselle d’argent, valant deux cents marcs, pour lui aider à emménager. »
Pieuse et humble jusqu’à la mort, elle recommande à son fils les serviteurs qui ont partagé son exil; les couvents des Frères Mineurs où Ton a bien prié pour elle, et elle laisse au jeune roi le soin de désigner le lieu de sa sépulture. Celui-ci voulut joindre dans la mort ces deux époux que la vie avait souvent séparés. Il fit porter en grande solennité et enterra le corps de sa mère à l’église de Notre-Dame de Cléry, au près des restes du roi Louis XI. La vie de Charlotte de Savoie n’avait pas encore été écrite. Elle est toute fleurissante de vertus chrétiennes ; nous avons voulu l’étudier un peu longuement. Nous y avons retrouvé en racines toutes les branches de la sainteté de la bonne sainte Jeanne, la patience unie à la fermeté, la suavité à la dignité. Toutes deux privées de l’amour paternel, toutes deux maltraitées par leur époux, elles sont différentes en ceci, que la fille reçut publiquement les injures et les coups dont le retentissement fut épargné à la mère.
La souffrance de Charlotte devint martyre pour Jeanne, et la première eut certains jours lumineux, jours d’espérance et de tendresse tandis que la seconde, avec une âme plus aimante et plus fière, menacée de mort par son père, arrachée à sa mère, méprisée publiquement par son mari, ne paraît pas avoir vu une seule année sans torture. Sa charité fut plus grande et l’amour divin plus rémunérateur. Elle fonda un Ordre vivant et sanctifiant, instruisant les intelligences et sauvant les âmes. Elle est invoquée depuis des siècles ; et c’est aujourd’hui pour la première fois qu’une humble voix essaye de dire la piété de Charlotte de Savoie.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
DE LA RENAISSANCE PAÏENNE A LA RENAISSANCE PHILOSOPHISTE
(XVIe-XVIIIe SIÈCLE).
§ I. — La Mère de saint Jean de Dieu, fondateur des Religieux de la Charité (1495-1550). — Cette mère ne fait qu’apparaître. Encore ne la voyons-nous que sur son lit de mort, mais là, elle devient si touchante, elle se montre si bien la digne mère de celui qui aima tant les malades, et cette mort même contribua si évidemment à l’éducation sainte de Jean de Dieu, que nous ne résistons pas au désir de la nommer ici.
On l’appelait Thérésa ; elle avait épousé André Condad, un petit bourgeois de la ville de Monte Mayor, en Portugal. Tous deux très pieux, ils s’efforçaient de tourner vers Dieu la décision de caractère et la vivacité d’imagination qu’ils remarquaient dans leur fils, ce besoin de grande activité qui donne à notre saint une physionomie si originale.
Un soir ses parents offraient l’hospitalité à un voyageur qui s’en allait en Espagne. Il y avait, déjà été plusieurs fois. Ces voyageurs, marchands, colporteurs, pèlerins, c’était le journal ambulant. C’est par eux qu’on connaissait les peuples voisins, qu’on savait les nouvelles politiques, les noms géographiques, l’histoire et la légende. Ils payaient en récits et en prières l’hospitalité qu’on leur accordait.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
L’hôte d’André Condad se mit à raconter les nouvelles de Madrid, où il allait, la beauté des monuments, des églises surtout. Le petit Jean — il avait huit ans — l’écoutait avec enthousiasme. Entraîné par son imagination, il oubliait les parents dont il était le fils unique, les joies et la tranquillité du foyer domestique, la longueur du chemin, le manque d’argent. Il voulait aller voir les merveilles qu’on venait de lui dépeindre. Avec le caractère résolu qui lui donna plus tard une si rare humilité et un si complet mépris pour l’opinion du monde, il se décida à partir. Emporté par cette ardeur, qu’il devait adoucir, mais qui le poussa à vouloir toujours atteindre le degré supérieur de la perfection, il se dit qu’en suivant de loin l’étranger, il arriverait à cette ville de Madrid où il y avait de si merveilleuses églises. Il guetta en effet le départ de l’hôte ; et le voilà parti à sa suite, tout en se cachant soigneusement, afin de n’en être pas reconnu et ramené vers ses parents.
Ceux-ci ne s’inquiétèrent pas d’abord de cette absence. Jean avait l’habitude d’aller visiter un oncle qui demeurait à l’autre bout de la ville. Le soir seulement, quand ils ne le virent pas revenir, ils s’émurent. On va chez l’oncle, puis on bat la ville, puis les environs. On devine les angoisses de la pauvre mère. Un soir, André revenait d’une de ces courses, toujours vaines, qui le désespéraient et qui avaient donné à Thérèsa une série de coups dont les derniers étaient mortels, André trouve sa femme couchée. Quelques voisins la veillaient. Elle avait une lente fièvre, qui ne devait tomber que pour précéder la mort de peu d’heures. Elle tomba, en effet. Thérèse reconnut son mari, et, l’appelant près de son lit elle lui dit avec un sourire paisible : « Toujours seul ! Tu n’as rien trouvé ! Je le savais. » André voulut la consoler, lui donner de nouveaux espoirs.
« C’est moi qui te consolerai », dit-elle avec le même sourire plein de sérénité qui semblait annoncer à André le sommeil de la mort prochaine, « Écoute-moi. Notre-Seigneura eu pitié de moi. Il n’a pas voulu que je mourusse désespérée en pensant à l’avenir de cet enfant que nous élevions pour la vertu. Il m’a envoyé l’Ange gardien de notre fils. Celui-ci m’a ordonné d’être patiente et d’avoir courage pendant les dernières heures que j’ai encore à vivre. J’ai vu clairement l’avenir. » André secoua la tête, il était persuadé que c’était la fièvre qui parlait par sa voix. Non., continua-t-elle tranquillement, je ne dormais pas.; je n’avais pas la fièvre alors. J’ai vu que notre Jean souffrira beaucoup. Il aura des traverses et sa vertu sera parfois mise en péril. Mais son bon Ange a reçu la mission de le protéger toujours. Les dangers qu’il courra, les coups qu’il recevra affermiront la vertu que nous avons essayé de mettre en lui et développeront les grâces merveilleuses que Dieu lui réserve. Toi, mon bon André, tu vas rester seul. Voici ce qu’il faut faire. Tu vendras tout ce que nous possédons, tu distribueras tout aux pauvres et tu entreras dans l’Ordre de Saint-François. » André, que les larmes étouffaient, fit signe qu’il lui obéirait. « Je meurs heureuse, je suis rassurée sur le salut de ceux que j’aime. Adieu ou plutôt au revoir. Nous nous retrouverons dans le Ciel et Jean dans les hauteurs des Cieux. »
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
A quelques années de là, Jean que maint hasard avait longtemps éloigné de son pays et qui, après avoir été berger, puis cultivateur était devenu soldat, Jean vint à Monte-Mayor. Il y trouva les tombes de son père et de sa mère. L’oncle chez lequel il allait souvent étant petit, vivait encore. Il ne lui cacha pas que la mort précoce de sa mère était due à sa fuite de la maison paternelle. Jean s’agenouilla dans le cimetière. Il lui sembla que les chères et pieuses âmes lui parlaient encore du fond du tombeau. Celle de Thérèsa lui parlait de pardon et aussi de pénitence.
Quand il se releva, il ne trouva plus en lui qu’une seule pensée. Elle dirigea désormais toute son existence. Il s’était dit qu’il ne pourrait jamais faire assez de bien pour effacer cette sorte de parricide qu’il avait commis.
C’est ainsi que le souvenir de sa mère ne le quitta plus el l’encouragea à cette humilité héroïque, à cette charité infatigable, à cet abandon complet à la volonté de Dieu qui rendent si émouvante la biographie de ce soldat, de ce berger, de ce quêteur, de ce vendeur de bois, illustre, dès son vivant, par son pouvoir miraculeux et prophétique.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
§II. — La Mère de saint François de Borgia 1510-1572). — Jeanne d’Aragon, cousine de Charles-Quint avait épousé Jean de Borgia, duc de Gandia. François, son fils aîné, à la fois ascète et diplomate, fut un de ces hommes qu’on peut appeler les hommes d’État de la piété. Dieu les envoie à la suite des saints de génie pour compléter les assises terrestres des grands Ordres religieux. Il était né en 1510.
En 1565 il devint général des Jésuites. Il paraît avoir reçu de saint Ignace, qui reconnaissait en lui une âme de la même famille que la sienne, la mission de rendre inextinguible cette puissante flamme d’apostolat qui éclaire l’histoire de la Compagnie de Jésus et qui met en si caractéristique lumière les trois qualités extérieures de l’ordre : la mâle sagesse, l’humble dignité et la patience victorieuse. Mais, auparavant, il avait passé de longues années dans le monde. Aussi admirable au foyer domestique que dans l’administration des pro vinces et dans les grandes ambassades, il montra partout cette énergie intellectuelle, cet héroïsme de piété qu’il tenait de sa mère, la descendante de tant de rois défenseurs de la chrétienté contre les musulmans, la petite-fille de Ferdinand d’Aragon et de la grande Isabelle de Castille.
Elle avait failli mourir quand vint au monde François son premier-né, « Pour attirer sur l’enfant la miséricorde de Dieu, et comme elle avait une dévotion, très-tendre pour saint François d’Assise, elle avait fait vœu de donner à son fils le nom de François. » De concert avec son mari, elle pensa avant tout à le rendre digne de ce saint patronage, et « elle n’eut pas plus de soin de lui choisir de bonnes nourrices que de mettre auprès de lui des personnes qui pussent commencer à former son esprit et son cœur, en lui donnant les premières impressions de la vertu ». Elle voulut que ses premières paroles prononçassent le nom de Dieu, et la mémoire de l’enfant était si heureusement portée à retenir ces saints enseignements qu’il était, à l’âge de cinq ans, aussi instruit des choses de la religion qu’on l’est habituellement à douze ans.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
Elle remarquait, dès lors, avec quelle ferveur il priait; elle développait en lui la charité et la modestie qui lui étaient naturelles. Il mettait dans tous ses actes de vertu non seulement l’énergie qu’il tenait de ses ancêtres, mais la grâce qu’il tenait de sa mère. Celle-ci admirait souvent que les plus chers de ses jeux consistaient à imiter les cérémonies de l’Eglise, les gestes des prédicateurs, et à répéter pieuse ment leurs discours. Si bien que le duc, son père, disait souvent : « Vous lui faites prendre plutôt le chemin du Ciel que celui de la terre. » A l'âge de sept ans, elle lui donna un gouverneur pour former ses mœurs et lui apprendre « cette conduite honnête, cet air de politesse qui sont si nécessaires aux gens de qualité ». On lui chercha également un précepteur, très savant dans les lettres humaines. La Providence récompensa les préoccupations de cette mère prudente. Celle-ci rencontra deux personnages qui avaient autant de lumière que de piété, et ils firent de lui « un cavalier accompli aussi bien qu’un véritable chrétien ».
Il trouvait, du reste, dans toutes les traditions, dans tous les usages de la maison paternelle un appui pour sa piété. La duchesse l’habitua de bonne heure à une pratique de dévotion qui était propre à la maison de Borgia et que François établit dans la Compagnie de Jésus quand il en devint le général. Le dernier jour de chaque mois, chacun des membres de la famille tirait au sort le nom d’un des saints honorés dans le courant du mois suivant. Celui à qui le nom de ce saint était échu devait le prier particulièrement chaque jour de ce mois, exercer celle des vertus par où ce saint avait principalement brillé, et la veille et le jour de la fête, il devait donner à dîner à deux pauvres qu’il servait tête nue « pour honorer en eux Celui dont les pauvres sont les membres ».
La pieuse duchesse ne devait pas jouir longtemps de la vertu et la tendresse de ce fils béni. Elle mourut quand il n’avait que dix ans. Nous ne savons rien de ses derniers jours. Nous voyons par la douleur de son fils combien elle méritait d’être aimée.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Malgré sa sagesse et la précoce et chrétienne fermeté de son âme, il passa plusieurs jours dans les larmes entremêlées de prières. Il cherchait dans son doux esprit, dans son âme déjà si vigoureuse, ce qu’il pourrait faire pour mieux recommander au Seigneur le bonheur de cette mère qu’il voulait revoir dans le Ciel. Le pieux enfant, préludant aux austérités de la vie religieuse, alla s’enfermer et se donna la discipline. Mais sa mère ne l’avait pas entièrement quitté. Elle l’avait légué à dofia Maria Henriquez, aïeule paternelle de François, veuve de Jean de Borgia et nièce de Jean II d’Aragon.
C’est à celle-ci autant qu’à sa mère que notre saint dut les perfections de son éducation. Doüa Maria se présente à nous avec une physionomie saisissante. C’est elle qui donne son caractère à la race, elle qui relève cette famille de Borgia et dont l’âme puissante en son humilité, rappelle la chevalerie féminine, si je puis dire, d’Isabelle de Castille et fait penser à Charles-Quint, gouvernant encore le monde du fond de son monastère de Saint-Just. Demeurée veuve à dix-huit ans, après l’horrible assassinat de son mari, elle resta dans le monde, comme son petit-fils François devait également le faire, et en y portant comme lui un cœur promis aux austérités monastiques. Notre saint proclama toujours que l’une des plus grandes grâces qu’il eût reçues du Ciel était de l’avoir eue pour aïeule, parce que c’était elle qui avait veillé sur lui après la mort de sa mère et qu’à elle, à ses prières, à ses exemples, il devait d’avoir été appelé à la perfection religieuse dans la Compagnie de Jésus. Elle était entrée, en effet, dans un monastère des Filles de Sainte-Claire de Gandia, dès que l’établissement de son fils, le père de notre saint, lui eût permis de quitter le monde. Sa fille l’y avait déjà précédée et nous avons sa vie « qui peut servir de modèle aux plus saintes religieuses ».
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
En vain avait-on fait les plus chaleureuses instances pour retenir dona Maria dans le monde. Son fils, désolé de perdre cette intelligente sagesse qui le dominait et le conduisait, ne voulait pas la laisser partir : « Le petit François venait de naître, il était maladif, la duchesse sa femme était en grand danger. Que deviendrait-il s’il perdait aussi sa mère? » Elle n’écouta rien.
La vie de notre saint signale plusieurs prédictions vraiment merveilleuses de dona Maria. Charles-Quint, qui l’avait en grand respect, lui dut plusieurs conseils prophétiques dont l’avenir réalisa les pronostics. En la circonstance dont nous parlions plus haut, ce fut aussi par une prédiction qu’elle consola son fils. Elle lui annonça que la duchesse ne mourrait pas, qu’il aurait une famille très nombreuse, et que n’eût- il d’autre enfant que le petit François, celui-ci était destiné à un si grand’avenir que toute la vie de son père ne suffirait pas à remercier Dieu d’un pareil présent.
Après la mort de doüa Juana, dona Maria s’efforça de la remplacer, et, du couvent où elle s’était retirée, elle dirigea l’éducation de son petit-fils. Elle devait d’ailleurs constater plus tard combien François avait profité de ses leçons. Avant de mourir, elle le rencontra dans une ville du royaume de Grenade où la révolte des habitants de Gandia l’avait forcée de se réfugier. Elle était là auprès de sa mère dona Maria de Luna, bisaïeule de François, qui, en voyant ses vertus, put espérer que ces trois générations de saintes femmes étaient bien les degrés de cette échelle mystérieuse que vit Jacob et qui menait de la terre au Ciel.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
§ III, —Dofia Béatrix, mère de sainte Thérèse (1515-1583). — Le 28 mars de Tannée 1515, à l'aube d’une belle matinée printanière, Thérèse venait au monde dans une ville d’Espagne qui représentait toutes les qualités de l’honneur humain, de la fidélité, et de la gloire céleste. On la nommait la ville des Chevaliers, la ville du Roi, la ville des Saints.
Un incident poétique et charmant signale cette naissance. L'Angélus sonnait à toutes les cloches d’Avila. La jeune mère, — elle s’était mariée à quinze ans et en avait alors vingt et un — les connaissait toutes. Elles les écoutait, en remerciant Dieu de lui avoir donné, après deux fils, cette première fille. Elle tressaillit! Un son qu’elle n’avait pas encore entendu venait se joindre au concert bien connu qui envoyait au Seigneur les prières matinales. Une cloche sonnait plus claire, plus céleste, plus joyeuse. Elle sonna longtemps encore après que les autres se fussent tues.
Si quelqu’un de ces pieux ermites qui assistent aux naissances des grands hommes et leur prédisent l’avenir, dans ces romans chevaleresques que dona Béatrix aimait tant, si quelqu’un de ces sages se tût présenté, il lui eût dit que cette cloche célébrait, avec une fierté joyeuse, la naissance de son enfant. C’était la cloche de la nouvelle église des Carmélites, dont l’inauguration avait lieu ce jour-là même ; et poussée par la volonté du Seigneur elle bénissait la venue de l'une des plus merveilleuses épouses de Jésus, de l'une des plus grandes gloires du Carmel, de l'une des plus grandes protectrices de la société catholique.
En ce temps même, un homme d’un génie aussi puissamment diabolique que le sien était puissamment idéal, Luther se préparait à enlever à l'église la moitié de son domaine et ce petit enfant combattra cette puissance du mal plus victorieusement que ne le fera Philippe II, le mieux armé des rois.
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Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
En cette année même, paraît glorieusement François Ier, qui va répandre dans le monde la molle et corruptrice Renaissance, et cette enfant fera plus pour combattre cette lâche et païenne mollesse que le roi de France pour l'environner d’éclat. Cette enfant encore sera la plus héroïque de cette ville des Chevaliers, la plus fidèle au roi du Ciel dans cette ville du Roi, la plus sainte de cette ville des Saints. Dona Béatrix était facile à se laisser enthousiasmer par les prophéties éblouissantes de piété et d’honneur. La piété et l’honneur étaient dans son sang comme dans le sang de son mari. Ils étaient tous deux de la vieille race chevaleresque qui, de puis des siècles, combattaient les Maures, et tandis que son mari don Alphonse de Cepeda, descendait des rois de Léon, elle, dofia Béatrix de Ahumada avait dans son blason des pièces qui rappelaient des faits héroïques. Thérèse dédaignait ces glorieux souvenirs. Elle le déclara mainte fois, non pas avec mépris pour les nobles traditions qui poussent à bien faire, mais avec dédain pour la vanité qui engage à l’oisiveté.
Elle jugera même, aussi sévèrement que le respect le permet, le goût pour les récits chevaleresques que doüa Béatrix avait trouvé dans son sang ; et contrairement à ce que nous voyons chez beaucoup de nos saints et de nos saintes, c’est vers son père, non vers sa mère que se porte la plupart de son respect et de sa tendresse. Nous allons laisser la parole à sainte Thérèse, qui nous introduit beaucoup mieux qu’il ne nous serait possible de le faire dans ce foyer domestique où règne doüa Béatrix.
L’éminente piété de mes parents et les faveurs dont Dieu me combla dès mon enfance auraient dû suffire, si je n’avais été si infidèle, pour me fixer dans le sentier de la vertu. Modèles de vertu, ils n’accordaient qu’à elle leur estime et leur faveur. Dieu avait orné ma mère des plus belles vertus. Les grandes infirmités dont sa vie ne fut qu’un enchaînement, firent éclater sa patience. Une ravissante modes tie trahissait au dehors tout ce que son âme avait de pudique. Douée d’une beauté rare, jamais elle ne parut en faire la moindre estime ; comptant à peine trente ans quand elle mourut, elle avait déjà adopté cette sévérité de costume qui convient à un âge avancé de la vie. Elle charmait par la douceur de son caractère et par les grâces de son esprit. Sa vie tout entière s’était écoulée au sein des grandes souffrances ; la mort la plus chrétienne en fut le terme et le couronnement.
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Monique- Nombre de messages : 13722
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Re: LES MÈRES DES SAINTS
» Nous étions trois sœurs et neuf frères. Grâce à la bonté divine, tous, par la vertu, ont ressemblé à leurs parents, excepté un, ajoute. Ici la sainte avec une humilité qui lui faisait traiter comme un crime l’amour de la parure, la seule faute qu’elle commît jamais. » Je les chérissais tous de l’affection la plus tendre et ils me payaient de retour. Toutefois il y en avait un à peu près de mon âge que j’aimais plus que les autres. Nous nous réunissions pour lire ensemble les Vies des saints. En voyant les divers genres de supplices que les martyrs enduraient pour Dieu, je trouvais qu’ils achetaient à bon compte le bonheur d’aller jouir de lui, et j’aspirais, moi aussi, à une mort si belle, de toute l’ardeur de mes désirs.
» Nous délibérions ensemble sur les moyens d’atteindre notre but. Le parti qui nous souriait davantage était de nous en aller, demandant notre pain pour l’amour de Dieu, au pays des Maures, dans l’espoir qu’ils feraient tomber nos têtes sous le glaive. Mais nous avions un père et une mère, et c’était là le plus grand obstacle à nos yeux... Voyant, continue-t-elle, qu’il nous était impossible d’aller au lointain pays des Maures moissonner la palme du martyre, nous résolûmes de mener la vie des ermites du désert. Dans un jardin attenant à la maison, nous nous mîmes à bâtir de notre mieux des ermitages, en posant l’une sur l’autre de petites pierres qui tombaient presque aussitôt.
» Je me plaisais surtout à réciter le saint rosaire, c’était une dévotion que ma mère avait extrême ment à cœur et elle avait su nous l’inspirer. » Le Révérend Père François de Sainte-Marie, dans son Histoire des Carmes déchaussés, insiste sur ces lectures de poèmes chevaleresques. « Notre sainte quitta la lecture des livres saints, et, se laissant emporter à l’exemple et à la coutume, elle se donna tout à la lecture des romans, avec son frère Rodrigue. Ils n’avaient plus de plaisir que dans les aventures fabuleuses de ces chevaliers errants. Ils se remplirent l’imagination et la mémoire de combats, d’amours, d’enchantements et des autres sottises de cette nature et se rendirent si intelligents dans ces ouvrages ridicules, qu’ils composèrent un nouveau roman, rempli, comme l’on dit, des événements les plus ingénieux que l’imagination subtile des Espagnols ait jamais inventés. Béatrix d’Ahumada, leur mère, avait innocemment contribué à ce petit désordre, car, voulant quelquefois se délasser des travaux domestiques, elle se divertissait dans la lecture de quelqu’un de ces livres de chevalerie. »
» Elle les eût retirés bientôt de cet égarement, si elle eût été prévenue de sa mort. Car, étant ornée de toutes les vertus qu’on peut désirer dans une femme d’honneur et d’esprit, soit qu’on la considère comme une mère de famille, soit qu’on la regarde comme une véritable chrétienne, elle n’aurait pas manqué de détourner ces deux petites âmes de ce chemin, qui est d’autant plus dangereux qu’il est plein de charmes et de divertissements. »
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
On nous permettra peut-être de remarquer, pour la défense de dame Béatrix, que si la lecture de ces livres de chevalerie développait l’imagination de ses enfants, elle les poussait, en même temps, vers les hauteurs. Elle les entretenait de l’héroïsme et de l’honneur. Sans doute, les poèmes chevaleresques poussent plus à l’acquisition de l’honneur mondain que de la sainteté, mais rappelons ce passage où sainte Thérèse nous raconte le grand bien que l’instinct de l’honneur fit à son âme.
Ces lectures ne faisaient pas négliger à dame Béatrix tous les plus minutieux de ses devoirs maternels. « Le soin avec lequel elle nous faisait prier Dieu et nous inspirait de la dévotion envers Notre-Dame, ainsi qu’envers quelques saints, excita dans mon âme comme les premières étincelles de piété, à l’âge, ce me semble, de six à sept ans. » C’est à peu près vers cet âge que Thérèse vit sa mère s’affaiblir de plus en plus. « Mariée, dit un des panégyristes de notre sainte, dès sa quinzième année, dame Béatrix avait dû d’abord veiller sur les trois orphelins que la première femme d’Alphonse lui avaient laissés. Mère à son tour de deux fils, Ferdinand et Rodrigue, ensuite de Thérèse, jamais son amour maternel ne mit de différence entre ses propres enfants et ceux qu’elle avait adoptés devant Dieu. Marie de Cepeda, l’aînée de tous, payait d’un large retour l’affection de sa belle-mère. La jeune femme trouvait déjà dans la jeune fille un appui au milieu de ses sollicitudes, et sa frêle santé, l’épuisement où la réduisirent bientôt les fatigues de la maternité l’obligèrent même de remettre aux mains de Marie une partie du gouvernement de la maison. La famille, en effet, se multipliait rapidement. Après la naissance de Thérèse, Béatrix eut encore six enfants : Laurent, Antoine, Pierre, Jérôme, Augustin et Jeanne.
« Alphonse de Cepeda est un autre Jacob, qui enseigne à ses douze enfants la vertu par ses exemples. Si sa haute taille, sa physionomie austère inspirent un profond respect au peuple d’Avila, chez lui il est père avant tout, et, sans abaisser sa paternelle dignité, il sait se faire aimer aussi bien qu’obéir. Béatrix, malgré les charmes de sa jeunesse et sa délicate complexion, réalise le type achevé de la femme forte. »
Doüa Béatrix sentit la fin de sa vie approcher, et elle dicta un testament qui est parvenu jusqu’à nous, trop long pour que je puisse le donner ici. La pieuse dame laissait ici-bas une avocate auprès du Seigneur. Elle ne lui manqua pas. Sainte Thérèse nous l’apprend avec cette sublime candeur qui est le caractère de son style. « Étant un soir fort recueillie dans un oratoire, je pris mon rosaire pour prier vocalement et sans aucun effort d’esprit. Que nos petites industries sont inutiles quand Dieu veut agir en nous! Quelques instants s’étaient à peine écoulés qu’un ravissement vint, avec une irrésistible impétuosité, m’enlever à moi-même. Je fus transportée en esprit au Ciel : les premières personnes que je vis furent mon père et ma mère. »
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
§ IV. — La Mère de saint Charles Borromée (1536-1584). — Dans cette galerie des mères chrétiennes, elle représente surtout l’humilité. Elle paraît s’être effacée complètement derrière son mari. On nous la montre comme le modèle des dames, au milieu de cette Renaissance italienne qui réchauffait tant de vices, donnait à la corruption des grâces séduisantes et encourageait tant de crimes. A la date même de la naissance de notre saint, je vois dans une petite ville voisine du château d’Arone, en Milanais, où il naissait, que cent vingt poètes ou lettrés furent assassinés dans l’espace d’une année, au nom de la jalousie.
Marguerite de Médicis, sœur du marquis Jean- Jacques, général des armées de l’empereur Charles-Quint, et du cardinal Jean-Ange qui de vint Pape sous le nom de Pie IV, avait épousé le comte Gilbert Borromée, d’une des illustres familles du Milanais. Celui-ci possédait les trois qualités qui caractérisent les grands Italiens d’alors; la candeur dans la piété, la fermeté dans l’intelligence, et la finesse dans la conduite. Au milieu des Français et des Allemands qui se disputaient l’Italie, au milieu des haines de ville à ville, de famille à famille, restes de la longue lutte des Guelfes et des Gibelins, il sait, avec une prudence bénie, garder, en même temps, sa dignité et ses biens.
Cette fermeté avisée et cette imposante douceur, cette énergie humble et cette intelligence politique, nous en retrouvons le développement dans la vie épiscopale, dans l’action diplomatique et sociale de son fils Charles. Mais, bien que le comte Gilbert fût un homme de piété, bien qu’il communiât une fois la semaine, qu’il récitât, chaque jour, l’office divin, et qu’il se retirât sou vent dans sa chapelle pour y méditer, il paraît sage de croire que c’est à dame Marguerite que le saint dut cette grâce dans la dévotion qui rend si attrayante l’étude de son âme, comme la vigueur de son action émerveille les historiens de sa vie extérieure.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
L’effronterie de la corruption qui était, disons-nous, le signe de la Renaissance, faisait frissonner l’âme pure de la comtesse. Elle avait rompu avec le monde ; et, vouée tout entière à l’éducation des six enfants qu’elle avait, elle ne sortait que pour aller à la messe, pour visiter les monastères de filles, ou suivre quelques exercices de piété. Car elle savait qu’elle devait non seule ment la vigilance à ses domestiques, les conseils à ses enfants, mais l’exemple au peuple chrétien et une tendresse spéciale pour ceux qui sacrifient tout au Seigneur Jésus.
Mais où qu’elle allât, elle portait son âme pure, et son cœur pelotonné dans le sein de Dieu. Sa figure toujours modeste rappelait que cette grande dame marchait les yeux de l’âme fixés sur cette étoile qui conduisit les rois à la crèche de l’Enfant-Dieu.
Elle avait dû comprendre, malgré son humilité, que Notre-Seigneur avait souri à sa modestie. Elle avait approuvé son époux, à qui l’on reprochait l’excès de ses charités et qui répondait : « J’ai soin de mes pauvres, Dieu aura soin de mes enfants. » Dieu montra que non seulement il en aurait soin, mais qu’il donnerait à tous l’honneur en ce monde et à quelques-uns la sainteté. Dès l’heure même de la naissance de notre saint, on vint annoncer à sa mère que cette naissance était signalée par une apparition mer veilleuse : un corps lumineux que nul n’avait vu jusqu’ici et qui ne se représenta plus, un corps, disent les biographes, d’un éclat très grand et d’une longueur d’environ six toises, resta pendant plusieurs heures en face du palais d’Arone, où Charles naissait.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Plus tard, quand il devint archevêque de Milan, on rappela que son grand et saint prédécesseur, Ambroise, avait vu sa naissance signalée par une merveille, par cet essaim d’abeilles qui était venu se poser sur les lèvres de l’enfant au berceau et qui s’éloigna joyeusement comme s’il eût eu mission de symboliser ce que les anciens appelaient le miel de l’éloquence.
Cette vie retirée que la comtesse aimait, exerça sur l’éducation de l’enfant une action prépondérante. Pendant que maint fait annonçait le don que son intelligence si vigoureuse aurait pour traiter les grandes choses de l’administration et de la politique, d’autres prouvaient combien sa piété précoce était déjà ferme et aimable. Le temps qu’il n’employait pas à l’étude, où il montrait des aptitudes remarquables, il le donnait à la construction de petits autels, auprès desquels il chantait les louanges des saints, et plus tard à la visite des églises, particulièrement de celles qui sont consacrées au culte de la sainte Vierge.
Nous pouvons voir l’encouragement maternel dans ces habitudes de l’enfant. Nous n’avons pu retrouver ces encouragements dans les épreuves que le saint eut à souffrir pendant son épiscopat. Cette humilité que la pieuse et douce dame aimait, l’enveloppa désormais. La comtesse disparaît dans sa chère obscurité après nous avoir donné l’un des plus illustres saints des temps modernes.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
§ V. — La Mère de saint François de Sales {15G7-1622). — La vie de la baronne de Sales est illuminée par deux phrases qui permettent de voir jusqu’au fond de son âme. Ces deux phrases ne sont pas d’elle. Elle est muette dans l'histoire, et les biographes de son fils nous montrent son action sans pour ainsi dire nous révéler le son de sa voix. Encore son action faut-il, le plus souvent, la deviner d’après les résultats. L’une de ces phrases est la première que pro nonce son fils François, l’autre, l’une des dernières que nous ayons de son fils Louis. Nous redirons d’abord celle-ci, parce qu’elle marque d’un trait puissant l’éducation que ma dame de Sales donne à ses enfants. « J’aimerais mille fois mieux, dit le comte Louis de Sales, voir enseveli dans un oubli éternel tous les titres de ma maison et être mis au rang du der nier de mes vassaux, que de commettre un péché véniel, »
L’autre est encadrée dans le plus touchant des documents. C’est le récit de la nourrice de François, racontant les premiers gestes de l’enfant. Tout son corps, dit-elle, se trémoussait de joie quand on allait à l’église, les bras tendus en avant comme s’il eût voulu y arriver plus vite. Là, il joignait les mains, inclinant la tête, ou tenant, avec cette saisissante gravité de l’enfance, ses yeux fixés sur le prêtre officiant. Mais il ne parlait pas encore. Un jour, tout brusque ment, on entendit une petite voix claire et gracieuse, s’écrier : « Mon Dieu et ma mère m’aiment bien ! » C’étaient les premières paroles de ces lèvres qui devaient remuer tant de pensées comme de sentiments et s’emparer de tant de volontés.
Dans cet instinct pur de l’enfant, son Dieu et sa mère, c’est tout un. Il sentait que l’amour de l’une procédait de l’amour de l’autre. Il nous faisait voir aussi combien était tendre et pieux le cœur de sa mère, combien dévouée et noble sa tendresse, combien sage également et ferme sa conduite, car à la grande affection se joignait dans le cœur de François la crainte et le respect.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Quand l’enfant fut sevré, sa mère s’en empare complètement. Lui, de son côté, la recherche avec une intelligence attentive et une tendresse incessante. Mais laissons la parole à sœur Péronne, qui recueillait les souvenirs de la nourrice : « Madame sa mère, qui était douée d’une piété extraordinaire, ravie d’aise de voir de si bonnes et de si belles dispositions en ce cher enfant, prit un soin continuel de les bien cultiver; elle le faisait avec d’autant plus de plaisir que celui que ce saint enfant prenait d’être instruit par sa bonne mère le rendait très assidu à se tenir auprès d’elle; il ne semblait pas qu’il eût un divertissement plus à son gré que d’apprendre le catéchisme et à prier Dieu. Sitôt qu’il en sut quelque chose il eut soin d’en instruire les petits enfants des fermiers et de la paroisse. »
Sa mère, Françoise de Sionnaz, avait quatorze ans quand elle épousa le baron de Sales. Elle était de vieille race militaire comme son mari. Tous deux comptaient dans leur généalogie des alliances princières, notamment avec la famille de Savoie, qui ne le niait pas. Les Sales prétendaient même descendre d’une famille patricienne de Rome. En dehors de cette légende, leur généalogie se suivait exactement depuis le onzième siècle. La baronne de Sales eut son premier enfant, qui fut le saint évêque de Genève après six ans de mariage, à l'âge de vingt ans. Elle en eut douze autres, dont cinq moururent en bas âge.
Ce que nous savons des huit qui survécurent permet de voir en eux le courage en même temps que la grâce; une ardeur martiale facile à l'emportement, avec une puissance de maîtrise sur soi-même qui les rendirent aussi aimables qu'ils étaient généreux, aussi pieux que dévoués, aussi charitables qu'ils étaient naturellement irritables. On cite même de deux d'entre eux, qui furent les plus célèbres, François et Louis, celte particularité qu'ils avaient, à force de triompher de la colère, détruit complètement en eux la vésicule de fiel.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Bien des traits permettent de supposer que cette gentillesse de l'esprit et du cœur, cette très aimable courtoisie, cette pure chaleur de tendresse, cette élégance poétique de la pensée et de la parole qui distinguent les enfants de la baronne de Sales venaient d'elle, comme cette vigueur de volonté, cette imperturbable persévérance, cette ampleur hardie et robuste du cerveau doivent être attribuée à leur père, vaillant soldat et sage diplomate. Lui, dans l'éducation austère de ces grandes familles féodales qui avaient échappé aux mollesses delà Renaissance, représentait la sévérité, madame de Sales la tempérait.
Si le père ne voulait pas que l’excessive indulgence poussât les enfants au libertinage, la mère savait que les punitions outrageantes développent la bassesse de l’âme. « Ils tenaient le milieu entre l’indulgence et la sévérité, car si bien ils désiraient que François n’eût point de répliques à leurs volontés et qu’il se soumît humblement à leur férule, leur intention toutefois n’était pas de le rendre timide, sombre et mélancolique. C’est pourquoi ils lui lâchaient la bride suffisamment et la lui serraient aussi modérément, quand il en était besoin, Donc, ils lui donnaient une honnête liberté, et voulaient qu’il passât son temps modestement avec ses semblables; voire parfois ils commandaient qu’on lui donnât de l’argent, pour se récréer et égayer aux jeux où il y a de la dextérité, tant seulement. Et, de fait, à mesure qu’il devint capable des honorables et nobles exercices, ils lui firent apprendre à danser, à tirer des armes et à monter à cheval. Mais ils lui per mettaient seulement les jeux auxquels paraît l’agilité du corps et de l’esprit : car pour ce qui est des jeux de hasard, comme par exemple les dés, les cartes, ils lui étaient tout à fait interdits. »
A côté des leçons paternelles et maternelles, il y avait la leçon des événements. Elle était éloquente et douloureuse, faite pour rabattre l’orgueil humain, pour combattre la nonchalance de l’âme et pour développer les ardeurs de la foi catholique. On sortait à peine des grandes guerres de religion; elles menaçaient sans cesse de renaître. Les ruines qu’elles avaient faites jonchaient le sol de la Suisse et de la Savoie. L’âpre tyrannie des Genevois, des Bernois et des autres tribus huguenotes, maintenait les peuples du Chablais, du Gex, du Faucigny, du Ternier, du Gaillard, etc., sous le plus intolérable, le plus sombre, le plus affolant joug qui soit au monde, sous le joug des ministres de Calvin.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Auguste de Sales raconte l'arrivée de ses oncles François et Louis dans le Chablais, qu'ils venaient évangéliser. Il nous les montre sur la plate-forme du château des Allinges, regardant ce Chablais que les calvinistes « ont rendu à la liberté de l’Évangile ». « Du haut de la plate-forme on voyait la misérable face de cette province : des églises détruites, des presbytères en ruines, des potences à la place des croix sur les chemins, des châteaux brûlés, des tours renversées. A cet aspect l’apostolique François, le coude appuyé sur le parapet du bastion, ne put retenir ses larmes et il emprunta, pour exprimer sa douleur, les lamentations des prophètes. »
Les huguenots n étaient pas seuls à entretenir l’humilité dans ces âmes, l’activité de ces cerveaux. La pieuse baronne ressentait lourdement le contre-coup des événements politiques. La Savoie était souvent le terrain où se rencontraient les armées française et espagnole. La maison ducale avait en elle des germes de dis corde et la situation des gentilshommes voisins de la frontière française était difficile, attirés qu’ils étaient tantôt par le duc Emmanuel-Philibert, tantôt par Jacques de Savoie, duc de Nemours. Celui-ci eût bien voulu mettre la main sur le château de Brens, appartenant au baron de Sales et qui lui eût permis de tomber sur les Genevois.
Le lui remettre c’eut été amener sur soi la colère du duc de Savoie. Pour couper court à toute insistance, il fallut que la baronne avec plusieurs petits enfants et fort malade mais voulant suivre son mari, quitta brusquement le château de Sales, et vint s’installer à Brens, au milieu du Chablais. Grande angoisse pour elle de vivre et de laisser vivre ses enfants, ses domestiques, au milieu de cette population que Genève avait contrainte au protestantisme. Il y eut, en effet, pour elle un moment de grand souci ; toutes les nourrices qu’on lui présentait pour Charles étaient huguenotes, et « elle ne voulait pas qu’il pût sucer l’erreur avec le lait ». Je donne ce détail pour noter les soins minutieux de cette éducation maternelle.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Quand elle avait produit tous ses effets et qu’elle avait mis dans l’âme des enfants de fortes assises de piété, de charité, de sincérité, de respect, d’honnêteté et d’honneur, vers l’âge de sept ans, cette éducation de la mère n’était plus seule à diriger ces jeunes âmes. On envoyait les fils et les filles dans des collèges, dans des cou vents, sauf parfois l’aîné, qu’on destinait à continuer la race et à maintenir les traditions de la famille. Lui, l’aîné, on le gardait à la maison, aux soins d’un précepteur, sous la surveillance paternelle et maternelle.
Quand elle avait produit tous ses effets et qu’elle avait mis dans l’âme des enfants de fortes assises de piété, de charité, de sincérité, de respect, d’honnêteté et d’honneur, vers l’âge de sept ans, cette éducation de la mère n’était plus seule à diriger ces jeunes âmes. On envoyait les fils et les filles dans des collèges, dans des cou vents, sauf parfois l’aîné, qu’on destinait à continuer la race et à maintenir les traditions de la famille. Lui, l’aîné, on le gardait à la maison, aux soins d’un précepteur, sous la surveillance paternelle et maternelle.
François de Sales, bien que l’aîné et destiné par le désir de ses parents à vivre dans le monde, avait tellement désiré accompagner ses frères au collège de la Roche, qu’il y parvint. Il se montre, en cette circonstance, tel qu’il sera désormais, doux et fort, tel que la grâce de Dieu et les leçons de sa mère l’ont fait : elle lui avait trop bien enseigné le respect pour qu’il osât lutter directement contre le désir paternel, mais il fut si triste de ne pouvoir aller aux études que la nourrice, cette bonne femme a qui nous devons les précieuses notes qui précèdent, vint exposer les désirs de l’enfant à madame de Sales. Ces domestiques fidèles et pieux n’étaient pas sans autorité. Nous pouvons le constater curieuse ment ici. Madame de Sales céda et intervint à son tour auprès de son mari.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
François avait, disions-nous, l’inébranlable énergie des cœurs paisibles. Dès sa petite enfance il laissa deviner qu’il serait un conquérant d’âmes, un conquérant à façon de son Maître, qui avait dit cette parole difficile à comprendre au premier abord et dont François de Sales fut le commentaire lumineux : « Bienheureux les doux, car ils conquerront le monde. » Dans les familles nombreuses, les leçons maternelles se répercutent d’enfant en enfant, les aînés les transmettant en les traduisant aux plus jeunes. Nous voyons François, répétiteur pour ainsi dire des conseils maternels, exercer l’apostolat envers ses frères. Ils apprenaient de lui « la pratique de la méditation, des prières vocales et le recueillement intérieur; leur vertueuse mère en était charmée ». Ce n’était pas seulement la douceur qu’il lais sait voir, il faisait entrevoir sa future gravité. Sa personnalité se dégageait des instincts généreux de sa race et des langes de l’éducation. Dieu le voulait ainsi pour qu’il pût défendre respectueusement mais invinciblement sa vocation contre l’ambition du père et son apostolat contre les inquiétudes de sa mère.
Dieu veut aussi que les parents des saints soient parfois imparfaits, pour mieux démontrer la puissance de sa grâce et ne pas laisser de doute sur la libre volonté de ces enfants de sa prédilection. Quelques détails portent à supposer que la baronne de Sales n’avait rien de l’austérité de la matrone romaine. Ce cœur vertueux et pieux, aimable et gracieux n’était pas sans faiblesses maternelles. Un historien nous racontera qu’elle aimait mieux tel de ses fils parce qu’elle l’avait nourri de son lait. La sensibilité, qui était grande en elle, l’était peut être trop ; ainsi elle jouit des triomphes littéraires, des amitiés nobles, des protections puissantes, de tout ce qui entourait le jeune François d’estime et de sympathie, de respect même, mais elle eut de grandes angoisses pendant que celui-ci reconquérait à la vérité ce Chablais, que nous avons vu couvert des ruines faites par le calvinisme. Cette secte ne voulait pas abandonner la tyrannie, ni laisser relever ces ruines, ni rendre la liberté à ses esclaves. Les ministres, campés comme des caporaux de l’armée genevoise et bernoise, au milieu du peuple séduit et conquis, ne se hasardaient pas à lutter par la parole contre la science et l’éloquence de François. Ils annonçaient toujours qu'ils allaient le confondre; et se dérobaient toujours. Ils préféraient condamner à mort et exécuter ceux que le prédicateur catholique avait ébranlés, menacer, calomnier celui-ci, et enfin tenter de le faire assassiner.
Madame de Sales était aisément renseignée. Elle revoyait par l’imagination les scènes qu’on lui peignait : son fils marchant dans les montagnes; les pieds ensanglantés, couchant sur la neige sous quelque hangar en ruine, car nul n’eût osé ou voulu lui donner abri ; elle savait que telle semaine il avait échappé au poignard, telle autre semaine à la balle de l'assassin huguenot. Elle le rappelait auprès d'elle. Mais il résistait aux appels de cette inquiète tendresse. Plus tard, quand le Chablais et les autres provinces voisines eurent été ramenées à la vérité, elle le vit avec effroi au milieu des pestiférés. Elle le sait moribond. Cette fois, il dut obéir non pas aux désirs de sa mère, mais aux ordres de son évêque et revenir au logis.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
Date d'inscription : 26/01/2009
Re: LES MÈRES DES SAINTS
Les graves maladies de François et de ses autres enfants, la mort de cinq d’entre eux, mirent à de douloureuses épreuves ce cœur délicat. La plus grande de ses angoisses était encore à venir. Elle perdit son mari en l’an 1600. François avait déjà pris sur elle cet ascendant qu’elle peignait si naïvement plus tard en disant : « Celui-ci est mon fils et mon père ». Il eut besoin de toute sa tendresse et de son Autorité morale pour la consoler. Charles-Auguste de Sales nous mène au lit de mort du vieux gentilhomme. a Se sentant mourir, il appela auprès de lui tous les enfants, qui étaient pour lors à Sales ; à l’imitation des anciens patriarches, leur bailla à un chacun de salutaires commandements et bons conseils, leur laissa pour père son bienheureux fils François, prévôt et élu de Genève, et leur ordonna très expressément de lui être obéissants en toutes choses, leur bailla sa bénédiction et remit la charge de la famille à sa très chère femme. » Nous la voyons aussi suivre l’enterrement de son époux au milieu des dames de sa famille, remplissant les chemins de lamentations et gémissements. Si admirable qu’eût été le père de famille, si vertueuse que fût la mère, si bons que fussent les enfants, « ils étaient de l’humaine nature » et tous sans doute n’avaient pas combattu l’impétuosité naturelle avec autant de succès que Louis et François. Il y avait aussi des beaux- frères et des belles-sœurs « qui avaient leurs idées particulières ». François prévit que sa mère ne résisterait pas aux soucis que donne rait nécessairement l’administration d’une si grande fortune que surveillaient des droits différents. Il lui conseilla d’en confier le soin à Louis de Sales, devenu le chef social de la famille comme il en était, lui, le chef spirituel. Louis était fort digne, par son intelligence, sa piété, son courage et sa prudence, de succéder au a grand et saint personnage » qu’ils venaient de perdre. Celui-ci avait, dans son testament, indiqué son désir que ses enfants demeurassent ensemble, ainsi qu’ils le faisaient de son vivant. François, dans une de ses lettres à madame de Chantai, nous donne une vue très claire de cette vie de famille.
« Je ne vous peux cacher que je suis présentement à Sales, comblé d’une tendre et incomparable consolation auprès de ma bonne mère. En vérité vous auriez du plaisir de voir un si parfait accord parmi choses qui sont pour l’ordinaire si discordantes : belle-mère, belle-fille, belle-sœur, frères et beaux-frères, entre tout cela, ma vraie fille, je vous puis assurer, à la gloire de Dieu, qu’il n’y a ici qu’un cœur, et qu’une âme en unité de son très saint amour, et j’espère que la grâce du Seigneur s’y doit rendre abondante. Car déjà c’est une chose bonne, belle et suave de voir comme cette fraternité demeure ensemble. Votre envoyé vous pourra dire qu’hier universellement toute cette aimable famille vint à confesse à moi en notre petit château, mais avec tant de piété que l’on eut dit un jubilé d’année sainte à gagner. »
Hélas! cette douce vie n’eut pas de durée. « Certains discours de domestiques aigrirent l’esprit de leurs maîtresses, » et ces terribles belles-sœurs qui, bien que vertueuses, avaient des idées particulières, mirent le trouble dans les divers ménages réunis au château de Sales. Il fallut se séparer, et ce ne fut pas sans angoisses pour la bonne mère, d’autant que l’évêque de Genève l’avait déclaré très nettement, « tant s’en faut que j’ajoute à ma domesticité une personne du sexe, quelque âgée et quelque recommandable qu’elle puisse être, que je ne désire loger, en aucune façon sous mon toit, ma chère et vénérée mère », non pour elle, mais pour la suite de parentes et de servantes qu’une telle dame avait nécessairement avec elle. Il distinguait, du reste, entre loger sa mère ou la recevoir momentanément sous son toit, et l’une des grandes et dernières joies de madame de Sales ou de Roissy— car c’est le nom qu’elle porta à la fin de sa vie — fut de venir passer un mois chez son fils peu de temps avant sa mort.
A suivre...
Monique- Nombre de messages : 13722
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