NIKITARONCALLI Contre-vie d'un Pape

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Message  Monique Lun 28 Mar 2022, 9:33 am

NIKITARONCALLI Contre-vie d'un Pape

par Franco Bellegrandi



À Anita, pour son aide discrète, inlassable et précieuse.



Note de l'auteur


Prendre une fois de plus en main le manuscrit d'un livre
qui n'a jamais été publié, l'ouvrir, feuilleter ces pages
écrites tant d'années auparavant, c'est comme entrer
dans une maison fermée depuis longtemps. Une
maison qui a été la nôtre, dans laquelle nous avons
vécu, souffert et aimé.


Les fenêtres poussiéreuses sont, une fois de plus,
ouvertes et, tandis que la lumière du matin fait sortir
les pièces de l'obscurité, l'une après l'autre, l'œil
distingue la disposition ancienne des meubles cachés par
les couvertures, des objets, des livres autrefois familiers.


Et en s'approchant des murs, en écartant avec émotion
le drap qui recouvre un portrait, on rencontre le regard
d'une personne connue et aimée qui a continué à vivre
pendant toutes ces années, dans la pénombre de la
maison fermée, avec la même expression dans son
regard, avec la même capacité entravée de vous
émouvoir dans la splendeur de ces yeux, dans la grâce
de son visage, dans la posture élégante et délicate de sa
silhouette.


Beaucoup de temps a passé, et pourtant tout est resté à
sa place dans la maison où, année après année, plus une
pièce n'a résonné, plus une voix n'a prononcé un mot.


C'est pourtant pour cette raison que ces émotions
anciennes, indissolublement liées à ces pièces, à ces
décors, à ce riche mobilier, à ces portraits voilés, semblent
indemnes du temps.


Aucune main malveillante n'a violé cette solitude ni déplacé
quoi que ce soit.


Ainsi, le temps s'est arrêté dans ces pièces comme le
battement feutré de la vieille pendule sur la console, dans
l'immobilité et dans les ombres, dans l'absence "physique"
de vie, toute la spiritualité, tous les idéaux, toutes les
illusions et toutes les passions exacerbées ou dévorantes
qui ont respiré tant d'années auparavant entre ces murs.
En entrant une fois de plus dans cette maison, nous les
trouvons encore puissants, intacts, impitoyables et ponctuels
dans "leur" actualité, ayant survécu au temps et aux
événements.


 NIKITARONCALLI Contre-vie d'un Pape   Descar10


Dernière édition par Monique le Ven 20 Mai 2022, 8:49 am, édité 3 fois (Raison : Ortographe)
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Message  Monique Lun 28 Mar 2022, 9:55 am

Il en a été de même pour le manuscrit de ce livre.
Qui aurait dû avoir été publié il y a de nombreuses
années, lorsque les faits relatés venaient de se
produire. L'ébauche avait été achevée sans effort,
sans arrêt de réflexion, avec les voix des
protagonistes qui résonnaient encore à mes oreilles,
et l'écho des émotions qui agitaient encore mon cœur.


Pour beaucoup de faits relatés, j'ai été témoin en
personne, avec la conscience d'évoluer dans un monde
et au milieu de personnages sur lesquels le rideau
serait à jamais baissé. Où sont-ils aujourd'hui ? Quelque
part, ils existent, et vivent leur propre vie. Mais effacés
de l'Histoire, qui, malgré eux, a tourné la page.
Confinés dans le silence et perdus dans le fourmillement
de la foule anonyme. Le pouvoir a son proscénium et ses
acteurs. Telle est l'"actualité sanctionnée" continuellement
proposée. Et c'est ainsi qu'aujourd'hui on est amené à
penser qu'une nation est représentée par cet ensemble de
plébéiens en chemise et cravate, sans aucun trait de
noblesse dans leur visage. Et ce sont eux, et toujours eux,
qui sont au pouvoir aujourd'hui. Et pourtant, ces autres,
quand la mort n'a pas encore mis fin à leurs jours, sont
toujours en vie. Mais ils n'"existent" plus. Leurs uniformes
brodés d'or, quand ils ne sont pas envoyés chez le
brocanteur, traînent au fond d'un placard. Leurs talents ont
produit des livres que le pouvoir d'aujourd'hui a relégués
dans l'oubli. Leur code d'honneur prévoyait un duel, pour
effacer l'insulte, ou une balle dans la tête, en cas de
déshonneur. Les gens avaient l'habitude de dire, en les
regardant lors des cérémonies, "Quelle noblesse, quel grand
seigneur !" Et pourtant, certains prenaient le tramway pour
se rendre à ces cérémonies, le grand manteau boutonné pour
dissimuler queue de pie et décorations, et naissaient leur
dénuement avec dignité et décorum.


Mais ils sont partis pour toujours.


Les derniers de cette race rare, avec qui j'ai vécu et qui se
sont liés d'amitié sous les voûtes dorées du palais du Vatican,
m'ont fourni des documents et des informations précieuses
pour mon livre, et m'ont encouragé à l'écrire :


Que ma gratitude et mon admiration pour leur courage les
accompagnent où qu'ils soient.


A suivre...
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Message  Monique Mar 29 Mar 2022, 7:42 am

Préface


On pourrait intituler ces lignes indispensables qui introduisent
les pages qui suivent, Préface à la préface. Le sujet de ce livre
n'est pas figé dans le temps, mais avance avec le temps. Il
s'écoule comme le sable dans le grand sablier inflexible et
impitoyable de l'Histoire, il est impossible d'arrêter son
moment.


Seule la mémoire peut les immobiliser dans ses archives
illimitées sur lesquelles le temps peut cependant faire
beaucoup, avec son brouillard et ses amnésies, plus ou
moins contrôlés par l'homme. Pour l'usage personnel, de
ces amnésies, de l'exigeant humanae gentis.


Peut-être jamais comme le présent, un présent enfermé
dans le passage rapide des saisons, la réalité politique
du monde contemporain a été dévastée par une secousse
aussi  macroscopique qu'imprévisible, qui a bouleversé la  
géographie politique de la moitié de notre globe, et mis à
jour les marmites dans lesquelles où se préparaient des
projets hallucinogènes.


Le macrocosme soviétique s'est désintégré morceau par
morceau.

Tout son ordre monolithique quasi centenaire a été traversé
par des fissures et des fentes qui, avec la rapidité d'un
cauchemar d'un autre monde, se sont détachées et se sont
envolées, obéissant à une mystérieuse force centrifuge, des
fragments vitaux de son empire, qui semblait inattaquable
et indissoluble.

Le communisme, en un instant, s'est désintégré. Il n'existe
plus. Et la Russie soviétique, le chapeau à la main, demande
la pitié du dollar pour pouvoir se nourrir.


La dernière grande idéologie du vingtième siècle à laquelle,
volontairement ou non, des millions d'hommes ont donné leur
intelligence et sacrifié leurs vies, est en train de sombrer dans
une jubilation de honte.


Le navire coule et les rats abandonnent le navire en en masse.
Tous prennent précipitamment leurs distances, ceux qui ont
professé leurs croyances dans le communisme afin de tremper
dans le beignet de leur avidité, et crient maintenant à l'anathème.


Mais cette prise de distance, cet outrage ostentatoire ne peut
annuler les faits et les documents, ne peut effacer les
responsabilités inéluctables, et ne peut pas pas effacer d'un
claquement de doigts des comptes/scores lourds et très
inconfortables.


A suivre...
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Message  Monique Jeu 31 Mar 2022, 9:35 am

Malheureusement pour cette multitude d'"ex", avec une
ponctualité tragicomique, les péchés commencent à se
rattraper. C'est ainsi que ce manuscrit, qui raconte le
rapprochement entre l'Église et le Marxisme, s'est
épanoui dans les lumières et les ombres du pontificat
Giovannien, vécu pleinement par l'auteur, à un pas du
trône pontifical, s'agite à la brise d'une actualité
inimaginable au moment de sa rédaction. La distance de
ces jours a été centuplée par la fuite en avant de
l'Histoire.


Jours sanctifiés dans la liturgie du prolétariat et des
strictes réalités politiques et sociales, solennellement
affirmés et apparemment indestructibles. Des jours où
ces pages jaunies par les années ont été écrites avec
une foi solide - bien que sans âme - dans l'équité, la
légitimité et l'honnêteté de l'intention. Des pages plutôt
documentaires que littéraires, et donc désignées par
l'intention - ou les ambitions vaines ? - de l'auteur vers
un avenir qui semblait alors bien au-delà de l'horizon
discernable d'une vie, mais avec une incertitude tout
aussi solide quant au si, au comment et au quand, elles
seraient envoyées à l'imprimerie.


En effet, ces pages sur lesquelles s'entremêlent journal,
chronique et histoire pour la plupart inconnus, sont
entachées du péché originel d'une culpabilité qui, à
l'époque, méritait le blâme le plus passionné : avoir osé,
contre toute logique opportuniste, tracer une "contre-vie"
de Jean XXIII qui soulignerait l'engagement
révolutionnaire de ce pape, qui lui valut le nom de "pape
des communistes".



La chute brutale du communisme soviétique a déclenché
un pêle-mêle centrifuge dans les rangs embrouillés qui
constituaient autrefois le parti de la faucille et du marteau.
Personne ne s'est jamais sali les mains avec les bolcheviks ;
personne n'a empoché de roubles prêts ; personne, par
Georges ! ne s'est jamais compromis avec Moscou. Et
pendant ce temps, comme dans un fléau biblique, des
archives à moitié fermées du Kremlin jaillissent, comme des
foudres mortelles incinérant les faux, des documents
irréfutables corroborant la coopération la plus étroite - et
logique - de ces individus avec la "Mamuska" (mère)
soviétique.



La plupart des médias, qui suivent le courant, traquent les
camarades perdus. Chacun pour soi. Pourtant, des
générations entières ont embrassé le communisme. Et
beaucoup le portent encore dans leur cœur. A l'Ouest
comme à l'Est. Surtout à l'Est, la fête terminée, après le
premier goût amer de la nouvelle réalité.


A suivre...
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Message  Monique Sam 02 Avr 2022, 7:04 am

Même la nuit du coup d'État, ce 19 août 1991,
on ne comptait plus les camarades
d'avant-marche qui pleuraient et riaient, rivés
à la télévision qui diffusait les séquences
martiales de ce coup d'État éphémère. Voilà
enfin l'armée rouge de Staline, preneuse de
Berlin, qui vient rétablir le pouvoir inviolable du
Parti d'État contre la trahison des petits
bourgeois que l'Oncle Sam a achetés à la livre.
Dans les profondeurs du mausolée du Carré
Rouge, la momie de Lénine s'est réveillée et
appelle au réveil.


Ces esprits, purs quoi qu'il en soit,
respectables porte-drapeaux de la fidélité,
vivaient dans leur fantaisie exaltée la nuit du
coup d'État. Ils ont vu dans les cours des
casernes, coupés par les faisceaux des
projecteurs, les officiers debout sur les chars,
haranguant les troupes ; ils ont vu l'invincible
drapeau couleur de sang embrassé par les
commandants. Ils ont perçu le cri des moteurs
et le cliquetis des chenillettes.


Mais l'exaltation fut de courte durée. Aussi amer,
le réveil. Nombreux sont ceux qui fuient
désormais le vieux parti chéri, que des mains
diligentes ont castré de son historique, emblème
chrismatique.


Les chasseurs de nouvelles sont à la poursuite
des camarades compromis par des faits et gestes.
Mais lorsque la piste excitante se glisse sous la
Porte de Bronze, un sifflet impérieux gèle leur
course. Combien de temps encore durera cette
" Omerta " dormante, ce silence officiel sur une
politique du Vatican et un cours ecclésial
responsable et louable d'une si longue saison
d'années grasses des partis communistes de notre
temps ? Aujourd'hui que le couvercle a sauté de
la marmite orientale, et que le bouillon de lumière
marxiste mis à nu a fait lever le nez dans le monde
entier, le seuil de la Cité léonine et de sa politique
compromise avec le communisme sont
rigoureusement exclus des médias. Ah oui, parce
que la dénonciation devant témoins de toute la
corruption et de la férocité sanguinaire dans
lesquelles ces régimes ont prospéré, rendus
insolents par l'"Ostpolitik" vaticane, rend d'autant
plus importante, avec responsabilité et culpabilité
morale, l'ouverture à ce communisme par l'Église
catholique et le Vatican, voulue par le pape Roncalli
et menée à son terme par le pape Montini.



Du point de vue des ecclésiastiques concernés, ce
silence imposé avec l'ancienne autorité est
compréhensible : prêcher et poursuivre l'union
antagoniste entre le catholicisme et le marxisme,
mener une politique si complaisante à l'égard des
régimes communistes de l'Est - comme le sait si
bien le cardinal Agostino Casaroli, alors monseigneur,
et chargé d'affaires du Vatican, qui dans ces palais
gouvernementaux cramoisis faisait partie de la
famille - sur la peau de l'Église du Silence,
aujourd'hui ne peut que surgir la perplexité et la
condamnation méditée.


A suivre...
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Message  Monique Mer 06 Avr 2022, 6:37 am

Le rideau de fer s'est déchiré, et l'œil du monde
a pu se promener sur les pays de l'Est européen
, satellites inviolés de la planète soviétique.
L'horreur revient hanter l'affluence dopée du
consommateur occidental, et ceux, nombreux,
qui étaient de mèche avec ces régimes pour une
ouverture d'esprit affichée ou un opportunisme
politique ciblé, se sont empressés, comme on dit,
de prendre leurs distances. Bien que leurs
paroles saluant ces régimes et les hommes de ces
régimes, et, ce qui est pire, les démarches
politiques, parfois sinistres, entreprises et
souscrites avec ces régimes, marquent encore la
trace de leur retraite précipitée.


Il me vient à l'esprit ce qu'écrivait Giancarlo Vigorelli
il n'y a pas si longtemps : "J'ai connu trois grands
paysans, Mao Ze Dong,
Ceausescu et Jean XXIII". Je
doute que cette plume, trempée dans une encre
intempestive, écrive aujourd'hui cet éloge gratuit,
après le massacre de la place Tienanmen et la férocité
de voyou démasquée et témoignée du "grand paysan
roumain". Et l'auteur de cette tirade historique ne
pouvait guère s'imaginer faire, en réunissant les trois
personnages, un singulier rapprochement chargé de
signification prophétique et de coïncidences
inéluctables, qui, quelques années plus tard seulement,
susciterait des réflexions frémissantes.


Et c'est ce qui se cache derrière cette "contre-vie" de
Jean XXIII, le Pape de Sotto Monte responsable de ce
tournant dans une clé marxiste, œcuménique et non
œcuménique, qui a mis en marche l'ouverture de l'Église
et du Vatican au communisme. D'un tout nouveau
Vatican qui, avec Giovanni Battista Montini, atteindrait
les objectifs inconcevables de conclure des accords,
secrets ou non, avec les régimes de l'Est.
En
commençant par la liquidation de l'Eglise du Silence et
de son plus important représentant,
le cardinal Mindszenty,
Primat de Hongrie. D'un Vatican qui accueille des "prêtres
de la paix" politisés, inventés par ces régimes qui
imposeraient leur approbation à l'élection des nouveaux
évêques. C'est ainsi que des évêques - des cardinaux
potentiels - portant le label officiel DOC (Denominazione di
Origine Controllata ; ou origine certifiée, limitée à l'origine
aux vins de premier ordre) de l'approbation communiste
sont venus marquer les vendanges épiscopales de ces
années-là.



Mais l'homme d'aujourd'hui a une mauvaise mémoire.
La rapidité des événements, la violence exercée avec une
sapience de plus en plus sophistiquée par les médias de
masse sur l'opinion, ont fait que l'homme ne peut plus
vivre qu'un présent "hypnotisé", et retenir le passé même
le plus récent. Certes, il suffirait de se souvenir, de
démentir, de ridiculiser, de clouer au silence tant de
"mosche cocchiere" (mouche montée sur le dos d'un
cheval, comme si elle dirigeait le plus gros animal)
délégués par la plupart à la tête des nations.


L'Histoire aura-t-elle un jour raison de ces menteurs à
deux visages ?


La mémoire authentique, la mémoire noble, la mémoire
non polluée "ad usum delfini", est l'épine dorsale de
l'Histoire. Il devrait être du devoir de tous ceux qui
savent, de consigner dans ses archives, précieuses pour
l'humanité, sans réticence, sans faux respects, même
pour la pourpre et le Triregno (Tiare papale), le nom et
les actions de ceux qui avec ces régimes se sont
entendus, les jugeant invincibles. Les actions et la
politique des modèles bruts à la tête des grandes
masses de l'humanité, comme ces Pontifes romains que
le communisme a promptement acceptés et pendant de
longues années encouragés, avec lesquels ils ont conclu
des pactes en contradiction flagrante avec les principes
et la religion qu'ils personnifiaient, et dont la doctrine
athée et matérialiste a permis, avec leur dormance et
leur collaboration étourdissante, à proliférer dans ces
années-là parmi les masses de l'Occident, ne peut et ne
doit pas être effacée. De plus, cette pénétration
communiste parmi les catholiques avait été freinée par
un de leurs prédécesseurs peu sympathiques, sans
mâcher les mots, par l'excommunication.


Heureusement pour nos descendants, l'Histoire n'a ni
visage ni couleur politique, et ne se soucie guère de
savoir si dans ses vérités se retrouvent des personnages
intouchables. Seulement, il est souvent si terriblement
vexant et impopulaire, les yeux fixés sur l'Histoire,
comme sur la main péremptoire d'une boussole infaillible,
d'écrire la vérité que l'on a vécue, même sous des angles
minimes, quand cette vérité implique et accable des
personnages intouchables qui tiennent dans leurs mains
les foudres du pouvoir.


Défiant ces foudres, dans la conviction de faire quelque
chose de cohérent avec mes principes, j'ai remis mon
manuscrit à l'éditeur. Car il m'aurait semblé indigne,
justement à la lumière de mes principes profonds, de
soustraire les tesselles d'une expérience personnelle,
singulière et unique, à la grande mosaïque de la mémoire
et, qui sait, de l'histoire.


A suivre...
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Message  Monique Ven 08 Avr 2022, 7:44 am

CHAPITRE I

"La seule véritable lutte dans l'histoire est celle pour
ou contre l'Église du Christ".
St. Jean Bosco



"Jamais, peut-être, un pape n'a rendu l'esprit plus unanime
dans un concept humain...". C'est par ces mots que
"L'Osservatore Romano" du lundi et du mardi 3 et 4 juin
1963 s'ouvre, sur la couverture d'une édition spéciale de
deuil, avec la nouvelle de la mort de Jean XXIII, survenue
le lundi 3 juin à 19h49.


Cette déclaration du journal du Vatican m'avait frappé et
m'avait fait réfléchir alors que, le mardi 4 juin en fin de
matinée, je me rendais à l'appartement papal pour rendre
hommage, en tant que dignitaire de la Cour pontificale, au
corps du Pape défunt. En raison de mes responsabilités
(chambellan de l'épée et de la cape de Sa Sainteté) et de ma
longue activité de journaliste à "L'Osservatore Romano",
j'avais vécu, jour après jour, dans les coulisses, tout au long
du pontificat d'Angelo Giuseppe Roncalli. Un pontificat
surprenant, étonnant, et aujourd'hui on peut ajouter, fatal,
pour la survie de l'Eglise et le sort de l'humanité entière.
Je
me suis vite rendu compte de la formidable volonté
réformatrice et progressiste qui se cachait derrière le visage
aimable et humble du Pape Roncalli, de sa personnalité
authentique, pleine de capacités et de finesse diplomatique,
de sa parfaite connaissance de la psychologie humaine, de
l'ironie et de la sympathie avec lesquelles il pimentait ses
relations avec ses semblables et avec ses collaborateurs directs.
Au cours de son bref pontificat, qui devait durer moins de cinq
ans, mais qui fut si explosif qu'il bouleversa vingt siècles
d'Église, j'avais parlé avec des cardinaux et des évêques surpris
par la rapidité des résolutions papales, J'avais été témoin du
désespoir de vieux et vénérables hommes d'Église qui
prévoyaient, dans cette expression suprême de la volonté
réformatrice de Jean XXIII qu'était le concile œcuménique
Vatican II, le début de la désintégration de ce bloc monolithique
qu'avait été l'Église jusqu'à Pie XII.
Aujourd'hui, alors que j'écris
ces pages, la douloureuse clairvoyance de ces vieillards semble
prophétique.



Un jésuite américain résidant à Rome, qui se cache derrière le
pseudonyme de Xavier Rynne, a révélé dans le "New Yorker"
de la deuxième semaine de juillet 1963 que lorsque le cardinal
Domenico Tardini,
secrétaire d'État et, parmi les cardinaux,
l'un des plus informés sur la situation de l'Église dans le monde,
a appris l'intention de Jean XXIII de convoquer un concile, en
bon romain franc, il a confié à ses proches qu'il considérait que
le pape était "temporairement devenu fou". Le Concile
œcuménique s'était immédiatement révélé un instrument
explosif sur lequel la dynamite marxiste s'était promptement
déclenchée.


A suivre...
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Message  Monique Lun 11 Avr 2022, 8:19 am

Il suffit de considérer que, suite à la promulgation
de l'encyclique "Pacem in Terris", dans laquelle le
Pape Roncalli proclamait que "... Il peut et doit y
avoir une coopération entre les catholiques et les
régimes communistes sur le plan social et
politique...",
lors des élections italiennes du 28
avril 1963, les communistes obtiennent un million
de voix de plus que lors des élections précédentes,
cinq ans plus tôt. Ce premier succès éclatant du
parti communiste italien (PCI) est unanimement
attribué à la politique de Jean XXIII ; ils l'ont appelé
"gauchisme ecclésiastique", lorsqu'il était encore
vivant, ou " Giovannismo ", après sa mort.


Les déclarations du secrétaire général du parti
communiste italien, Palmiro Togliatti, données au
quotidien de Florence "La Nazione", dans une
interview du 26 août 1963, sont d'une éloquence
lapidaire : "Dans cinquante ans ? Je me trompe
peut-être, mais le monde sera dominé par nous et
par les catholiques, et il est certain que nous
trouverons les bases d'une collaboration réciproque...
Nous ne connaîtrons jamais une époque de "Civitas Dei"
parfaite : Le marxisme le sait bien. Peut-être que les
catholiques les plus intelligents savent ces choses, tout
comme ils savent où va le monde, mais ils ont
néanmoins peur. Ils craignent, par exemple, d'examiner
en profondeur ce grand phénomène qu'a été le
" Pontificat Giovannien ". (le pontificat de Jean). Il ne
s'agit pas seulement de la paix maintenant, mais d'une
compréhension humaine supérieure, d'un rapprochement
mutuel que nous pourrons réaliser. Quant au présent,
d'ailleurs, le phénomène " Giovannien ", a été celui de la
création d'un catholicisme responsable en politique. Ce
sont les prémisses d'une transformation du monde..."


Douze jours avant ces déclarations du leader communiste
italien, et précisément soixante-douze jours après la mort
de Jean XXIII, le 14 août 1963, la revue soviétique
"Nauka i Relighia" publiait un texte d'Anatoli Krassikov,
dans lequel l'auteur, après avoir déclaré que "...Le Concile
œcuménique, qui doit reprendre ses travaux le 29 septembre
a déjà montré qu'au sein des hiérarchies ecclésiastiques il
existe une forte tendance rejetant les anciennes méthodes de
Pie XII "...
reconnaissant au Pontife défunt les qualités de
politicien sage et clairvoyant, qui voyait avec réalisme les
changements qui se produisaient dans le monde et savait
apprécier les impératifs de l'époque... " Puis, commentant
l'encyclique "Pacem in Terris",
le chroniqueur russe a écrit que
Jean XXIII "... met en avant pour la première fois dans un
document officiel la question d'une possible coopération entre
catholiques et non-catholiques en vue de la réalisation d'une
portée qui intéresse toute l'humanité. Il écrit explicitement que
la réconciliation, qui hier encore était ou semblait impossible,
est nécessaire aujourd'hui ou pourrait le devenir demain...



Il est certain que la "réconciliation" souhaitée s'est révélée
étonnamment avantageuse pour les Marxistes. En revanche,
elle a aliéné une masse considérable de croyants qui ne
reconnaissent plus leur propre Église dans l'Église
post-conciliaire.
Je porte dans ma mémoire et dans mon
cœur les paroles que m'a adressées le cardinal Mindszenty à
Vienne le 18 octobre 1974. J'avais demandé au primat de
Hongrie, deux fois cloué sur la croix de son martyre, d'abord par
la fureur des huissiers Marxistes, ensuite par l'insensibilité froide
du Pape Montini : "Quelle est la Vraie Église, cette Église
officielle qui, maintenant, dans le monde, fraternise avec
l'athéisme Marxiste,
ou bien celle qui a été abandonnée par
Rome parce qu'elle est restée fidèle à la Tradition."
Le vieil
évêque Magyar m'avait directement répondu : "Celle qui a été
abandonnée par Rome".


A suivre...
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Message  Monique Mer 13 Avr 2022, 8:07 am

Il sera historiquement prouvé combien "la réconciliation"
avait été importante pour le communisme, pour son
affirmation dans le monde, le Vatican de Jean XXIII et de
Paul VI.
L'évêque français Marcel Lefebvre répondait dans
les pages du quotidien "Vita" du 27 février 1977 à ceux
qui lui demandaient ce qu'il pensait des relations entre le
Vatican et les pays communistes : "Il suffit de regarder le
résultat, c'est-à-dire l'avancée mondiale du communisme
sur tous les fronts. Le Vatican mérite la gratitude des
Soviétiques pour l'aide extraordinaire qu'il apporte à leur
victoire. Nous verrons peut-être bientôt comment se
manifestera la gratitude des communistes."



Le Concile (Vatican 2) avait donc anéanti, dans une
conflagration inimaginable, la solidité de tout le corps
ecclésial, et suscité la désorientation, la contestation et
l'hostilité des peuples.



Telles étaient mes cogitations en cette fin de matinée du
4 juin 1963, alors que je me rendais à l'appartement
papal. J'avais choisi de ne pas utiliser l'ascenseur pour
éviter la file de personnalités du corps diplomatique et du
clergé qui se formait continuellement dans le petit hall
d'entrée donnant sur la cour Saint-Damaso, animée par
un va-et-vient incessant de grosses voitures noires.
Surtout, cette référence à "l'accord humain amélioré" m'a
fait sursauter devant le contraste évident avec la réalité,
et m'a fait sourire amèrement. Le silence, le long de ces
anciens escaliers solitaires du Palais Apostolique, était à
son comble. Cette ascension à travers les cours, les murs
immensément hauts baignés d'histoire, les cent salles du
palais du "Souverain Suprême", comme toujours, me
submergeaient. J'avais l'impression de monter marche
après marche vers une hauteur mystique. Il me semblait,
alors que je gravissais cette antique volée de marches,
plongé dans l'ombre. Je percevais les battements de cœur
de ce vénérable et notable édifice de Bramante, qui depuis
des siècles retenait dans ses murs le souffle, les pensées,
la vie des Papes. Il m'a semblé que j'avais laissé en bas, sur
une place Saint-Pierre assombrie par une masse de gens
silencieux, toute la réalité, toute l'histoire amère et profanée
de notre temps, toutes les questions embrouillées et
inquiétantes pour l'avenir imminent, mon identité humaine
même, avec sa capacité d'observation détachée, avec son
esprit analytique et critique, avec son cynisme désenchanté
dans l'évaluation des événements, avec toute sa désillusion
illimitée et consciente et, peut-être, résignée.  Et maintenant,
je montais vers cette pièce qui avait été visitée par l'ange de
la mort, avec appréhension. Et comme j'arrivais au bout de
l'ascension, une obscure inquiétude envahissait mon âme.
Une obscure inquiétude, une angoisse et une tristesse sincères,
une mélancolie poignante. J'ai entendu mes pas résonner, pas
après pas, sous les voûtes du IVe siècle et, en un instant, le
sentiment de cette mélancolie anxieuse et grave s'est réalisé
en moi, lunaire, douloureux et lointain : le souvenir, avec un
battement d'ailes silencieux, s'est envolé vers moi d'en haut,
de l'escalier qui s'effaçait dans l'ombre et m'a amené, comme
un souffle et une caresse dans mon cœur, le décor du lac de
Castel Gandolfo et la tristesse poignante de la nuit d'automne
où, sur les rives de ce lac, Pie XII s'est éteint. Je suis resté un
moment debout, et j'ai respiré ce silence irréel dans l'intimité la
plus profonde et la plus secrète du Palais Apostolique, évocateur
de fantômes et de souvenirs d'époques qu'une volonté
mystérieuse, mais très puissante, avait imposé à tous, au Vatican
et dans le monde extérieur, d'oublier.


***


A suivre...
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Message  Monique Sam 16 Avr 2022, 8:38 am

Cela semblait être une prémonition : le dernier grand Pape
de l'Histoire voulait mourir immergé dans le calme
magique de ces bois qui avaient été sacrés par les Romains,
loin d'un Vatican qui lui était désormais ennemi.


Quelques mois après le décès du pape Pacelli, je me suis
retrouvé au Palais Farnese, flamboyant pour une réception de
l'ambassadeur de France, le cardinal Eugenio Tisserant, qui
m'a honoré de sa confiance. Le cardinal âgé qui avait
conservé sous la pourpre le courage et la franchise du vieil
officier des Spahis, me raconta, indigné, en arpentant à pas
pressés les plafonds dorés du plus beau palais Renaissance de
Rome, comment dans les dernières semaines de la maladie de
Pie XII certains représentants de l'échelon du Vatican avaient
commencé à désobéir ouvertement. Et il me dit alors, en
broyant son italien gaulois, prononcé avec une aisance militaire,
dans la grande barbe blanche qui descendait pour frotter la
croix pectorale, que la religieuse allemande détaillée à la
personne du Pape, l'inoubliable Suor Pasqualina, à l'origine
Joséphine Lenhert d'Einsberg, allait subir l'extrême affront des
ennemis de Pacelli. Pie XII était à l'agonie. La religieuse, qui
s'était précipitée au Vatican pour aller chercher du linge pour le
pape, s'est vu refuser la voiture de service pour retourner
directement à Castel Gandolfo, au chevet du pontife mourant.

Le plus érudit des cardinaux français, doyen du Sacré Collège,
bibliothécaire et archiviste de la Sainte Église Romaine, se
distinguait parmi les cardinaux, comme un "homme intègre".
Il était respecté et craint au Vatican pour deux raisons précises :
son audace brute et résolue, qui l'amène à exposer clairement
ses opinions devant n'importe qui, et la conscience de connaître
une quantité de secrets "inconfortables", liés au passé de
nombreuses personnalités du Vatican. L'ancien cardinal français
officier possédait, en effet, des archives propres, vastes et
continuellement mises à jour et enrichies, contenant des
documents de grande valeur historique et souvent de
conséquence bouleversante, rassemblés, avec compétence et
méthode, en près d'un demi-siècle d'activité au service du
Saint-Siège. Ce très éminent cardinal à la grande barbe
connaissait donc, un par un, les ennemis de Pie XII et du
"Pacellisme". Dans ces archives était documenté, par exemple,
le "credo" marxiste de l'ancien monseigneur Giovani Battista
Montini, substitut de la Secrétairerie d'État de Pie XII. En 1945,
Montini s'était lié d'amitié avec le secrétaire du parti
communiste italien, Palmiro Togliatti, qui venait de rentrer
d'Union Soviétique en Italie.
L'informe monseigneur Giuseppe
De Luca, éminent latiniste, ami intime du leader marxiste avec
lequel il partageait l'amour des classiques italiens, avait parrainé
cette amitié hasardeuse qui, pour Togliatti, fut le premier succès
inespéré, conquis sans bouger le petit doigt, sur le sol italien,
avec le fascisme à peine écarté. Bientôt, cette union très secrète
entre le diable et l'eau bénite avait porté ses fruits. Par
l'intermédiaire des cercles protestants de l'université d'Uppsala
et de leurs liens avec l'orthodoxie russe, le substitut du
secrétaire d'État de Pie XII fit savoir au Kremlin que "... toute
l'Église et tout le Vatican n'approuvaient pas les orientations
politiques du pape Pacelli pour l'avenir." Ces initiatives très
secrètes de Giovani Battista Montini n'échappèrent cependant
pas à celui qui était alors monseigneur Tardini. Ce n'est pas un
hasard si les deux prélats, qui se distinguent par des
tempéraments opposés - aussi rationnellement ambigus le
premier, aussi ouverts et affirmés le second - n'ont jamais eu
de bons rapports. Et dans les archives du cardinal Tisserant,
avec d'autres documents importants sur la délicate "affaire", ont
abouti les relations secrètes de l'archevêque de Riga et de Pie XII,
dans lequel sont décrits, avec une abondante documentation, les
contacts que Giovanni Battista Montini avait, à l'insu du Pape,
avec des émissaires de l'Union Soviétique et des "États satellites",
et le résultat sensible de l'enquête secrète que Pie XII avait
immédiatement confiée à un officier des services secrets français.
L'agent avait mis la main sur une collection de lettres attribuées
à Montini qui signalait au K.G.B. - la police politique Soviétique -
les noms et les mouvements des prêtres, en grande partie des
Jésuites, qui, dans ces années, exerçaient clandestinement leur
ministère parmi les populations des pays communistes, opprimées
par les persécutions religieuses.


A suivre...
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Message  Monique Mer 20 Avr 2022, 8:07 am

Cet officier racontera plus tard à l'écrivain français Pierre Virion que
"...j'ai été abasourdi lorsque j'ai posé les yeux sur ces lettres
accusatrices, écrites sur le papier à en-tête de la Segreteria di Stato
di Sua Santità"
(2).


(2) Pierre Virion confiera l'épisode à la vaticaniste Gabriella
deMontemayor, rencontrée à Rome en juin 1974, qui recevra la
confirmation d'un haut magistrat romain, le dottor Giulio Lenti, qui
avait reçu l'information de mons. Domenico Tardini, auquel il était lié
par une amitié de longue date. En effet, le Pape Pacelli, désemparé
par cette révélation, avait immédiatement convoqué mons. Tardini.
Le secrétaire du cardinal Tisserant, monseigneur Georges Roche,
annote l'épisode dans son livre "Pie XII devant l'histoire", publié chez
Laffont de Parigi.



Pie XII s'est effondré immédiatement après avoir lu ces documents.
Contraint de rester au lit pendant plusieurs jours, il disposa du
départ immédiat de Montini pour Milan, le premier diocèse vacant qui,
en ce moment de terrible angoisse, était à portée de main. Le futur
Paul VI, qui était alors Secrétaire d'État de facto, quitta ainsi au pied
levé son bureau au Vatican. En effet, Pie XII avait laissé cette fonction
vacante, après la mort, en 1944, du cardinal Maglione.



Montini quitta Rome et la grande douleur causée au cœur du Pontife,
et rejoignit Milan conformément à cette ancienne norme vaticane
"promoveatur ut removeatur" ("promouvoir pour enlever"). Nous
sommes à la fin de l'automne 1954. Pour obtenir le "Galero" (chapeau
cardinalice) tant recherché, le monseigneur hamlétique de Concesio
devra attendre, à partir de ce jour, l'élection au Siège de Pierre de son
"précurseur" Roncalli. (3)



(3) Trente ans plus tard, écrira Antonio Spinosa dans "Pie XII, le dernier pape" (le Scie Mondadori, octobre 1992, p. 357, 358) : "A la fin de cette même année 1954, le Pape nomma Montini archevêque de Milan. Avait-il voulu prendre ses distances avec lui ? En août était mort dans la capitale lombarde le cardinal bénédictin Schuster, chef de l'archidiocèse ambrosien, et au début du mois de novembre suivant, le Pontife l'avait déjà remplacé par Montini. Il annonça la nouvelle aux principaux représentants de l'Uomini di Azione Cattolica réunis devant sa résidence de Castel Gandolfo.  "Vous ne m'avez jamais déçu, a-t-il dit aux personnes présentes, se tournant en particulier vers Gedda, le père Lombardi et l'assistant de l'Association, monseigneur Fiorenzo Angelini. "Et j'en suis heureux". Puis il ajoute : "Je dois maintenant vous donner des nouvelles : Son excellence mons. Giovan Battista Montini est le nouvel archevêque de Milan." Les applaudissements des personnes présentes ont été longs et sincères, mais le bruit court que beaucoup n'ont pas saisi la signification cachée de la nomination... Montini n'était pas heureux, il apparaissait plutôt comme déconcerté à un ami, le père camaldule Anselmo Giabbani, qui l'a rencontré à cette époque. "Son visage", témoigne le frère, "avait changé. Même le ton de sa voix était différent, et ses gestes moins expressifs." On parlait d'un véritable exil infligé au monseigneur qui avait osé "trahir" - le terme était très fort - le combat anti-socialiste, et anti-communiste, de Pacelli. Sœur Pasqualina avait vu le Pape pleurer, déçu par l'approche réceptive de Montini. Le monseigneur avait déjà attiré l'attention du pro-secrétaire du Sant' Uffizio (Saint-Office), le cardinal Ottaviani, tête de file, avec Gedda, de ceux qui accusaient Montini de comploter avec Fanfani et d'aspirer à un parti démocrate-chrétien autonome du Vatican. Il était également allégué que le monseigneur avait même été présent à certaines messes noires. C'est le père Lombardi qui a annoncé la nouvelle au Pape.


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Message  Monique Ven 22 Avr 2022, 7:28 am

Le Vatican de la nouvelle direction, tenta par tous les moyens,
naturellement, de mettre la main sur cette collection de
documents. Mis au pied du mur, le cardinal Tisserant dut
renoncer à ses précieuses archives, mais pas avant d'avoir fait
photocopier le tout par son secrétaire, l'abbé Georges Roche.
Pendant des années, après la mort de Tisserant, le Vatican a
poursuivi en vain Roche et la nièce du défunt cardinal afin
d'acquérir, à tout prix, ce double  ênant qui se trouvait à
l'étranger.



Finalement, le cimentier Carlo Pesenti, qui avait réussi à
acquérir de Roche pour 450 millions de lires (750 000 dollars)
les précieuses archives, les remit au Vatican, en la personne
de monseigneur Benelli, en échange d'un prêt facilité de 50
milliards de francs suisses. En effet, Pesenti avait besoin, à
l'époque, pour son groupe bancaire et pour l'acquisition de
deux banques à Munich et à Monte Carlo, de prêts en devises
de l'Istituto per le Opere di Religione (Monseigneur Marcinkus,
monseigneur De Bonis, docteur Strobel).


L'intérêt de Pesenti était d'être capable d'utiliser cette institut
du Vatican comme garant ou co-garant de ce crédit, et de
profiter de la différence entre le taux de change officiel et le
taux du "marché noir".


Ainsi, le front anti-Pacellien, progressiste et partisan du
"dialogue" et des "ouvertures", était déjà une réalité solide et
déconcertante, quelques années avant la mort de Pie XII.



Les agitateurs des temps nouveaux méprisaient Pie XII. Ils le
considéraient comme le pape le plus antidémocratique de
l'Église moderne, avec ses deux seuls Consistoires de 1946 et
1952, et avec cette grenade fulminante lancée entre les jambes
du marxisme, qu'était l'excommunication des communistes.
Et la République italienne née de la Résistance ne pouvait pas
pardonner au Pape Pacelli son amour excessif pour les peuples
germanophones, de 1914 à 1945.



En respectant, comme on pouvait s'y attendre, les enseignements
de l'"Encyclopédie soviétique", à la voix du "Catholicisme"
(Vol. 20, p. 379) où Pie XII est présenté comme germanophile.


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Message  Monique Lun 25 Avr 2022, 10:30 am

Ses ennemis attendaient la mort d'Eugenio Pacelli.
Il fallait déboulonner la figure de Pie XII, du
"Pastor Angelicus" et de son pontificat de vingt ans.
Il était impératif de le rendre misérablement humain
aux yeux des masses. C'est ainsi que fut lancée cette
terrifiante mise en scène, qui transforma la mort d'un
Pape en une tragédie grotesque, pour alimenter la
curiosité vulgaire, vorace et inextinguible de l'homme
du monde de la consommation. Des éditeurs sans
scrupules n'ont pas ménagé leurs efforts pour acheter
l'Archiate Pontifical (médecin personnel du Pape)

Riccardo Galeazzi Lisi, appelé "le corbeau avec le
Leica", qui avec son appareil photo a cherché et fixé
sur le celluloïd, avec une froideur et une précision
impitoyables, moment après moment, le visage
d'Eugenio Pacelli dévasté par l'agonie. Ainsi, à la une
des journaux, l'image d'un Pie XII mourant, couché sur
les oreillers, le visage décharné et assombri par les jours,
les yeux fermés et enfoncés, la bouche ouverte dans le
râle de la mort, vendues comme des petits pains chauds
parmi les foules affamées de profanation, voyageant
dépouillées sur les tables des cafés, entre les tasses de
"cappuccino" vides et les souches de cigarettes,
accrochées pendant des jours dans les kiosques à
journaux parmi les magazines de pin-up et les tabloïds,
pour finir dans les poubelles.



Même la télévision a eu sa part de chacal dans cette mise
en pièces féroce d'un mythe. Ainsi, l'agonie de Pie XII,
avec ses détails hallucinants, est entrée dans les foyers
italiens, a été observée derrière les tables dressées, entre
une "forchettata" (fourchette) et une autre de spaghetti,
entre un verre de vin et un autre. Le pape le plus réservé
de l'histoire moderne - lorsqu'il se promenait dans les
jardins du Vatican, les gardes avaient l'ordre de se cacher
derrière les arbres et personne, à part Suor Pasqualina,
n'a jamais violé l'intimité de ses appartements, de sa table
de travail, de ses papiers - était jeté, mourant, au monde.
Toute l'intimité dramatique de son humanité agonisante,
de son lit embrouillé par les départs de la mort, tout a été
méticuleusement et impitoyablement jeté à la frénésie du
public et des regards indiscrets.



Le souvenir de cette mort m'a submergé, alors que j'avais
lentement commencé à monter les marches de pierre
sonnantes et que je m'approchais de cette autre mort
papale. Et pourtant, quel abîme les séparait. Le "Pasteur
Angelicus" était mort dans un climat de tragédie grecque.
Concluant ou terminant un chapitre de l'histoire de l'Église
et de l'humanité qui s'étendait bien au-delà des vingt ans
de son pontificat. Il avait vécu et opéré de manière
lumineuse, comme un soleil de spiritualité. Ce nouveau
monde qui était sur le point d'apparaître sur la scène de
l'Histoire avait transformé sa mort humaine, avec une
mesure étudiée, en un massacre iconoclaste.
Jean XXIII,
réformateur et progressiste, responsable, avec le Concile,
des doutes et des destins obscurs vers lesquels
s'enfonçaient l'Église et l'humanité s'était éteint dans
une atmosphère de sérénité, d'optimisme, presque de
bonheur ; aimé ou flatté par les siens, au Vatican.
Exploité comme aucun autre Pape ne l'a jamais été,
dans le monde ; applaudi par les marxistes auxquels il
avait ouvert de façon inattendue les portes de la
Citadelle Chrétienne.


A suivre...
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Message  Monique Sam 30 Avr 2022, 7:02 am

Quelques années seulement s'étaient écoulées depuis
le décès de Pie XII. Comme je m'en souviens
maintenant, dans cette ascension solitaire vers l'appartement
papal, il me semblait qu'un siècle s'était écoulé. Je me suis
rappelé avec une lucidité aveuglante cet après-midi d'attente
dans la cour de l'église de la basilique Saint-Jean. L'escouade
de la Noble Garde en faction devant les portes, avec le soleil
illuminant les casques dorés et les manteaux écarlates. Je me
suis souvenu, à côté de cet alignement de l'aristocratie romaine,
l'aspect irrémédiablement "petit-bourgeois" des représentants
de l'État italien. Il y avait, naturellement, démocrates chrétiens
en rangs serrés. Précisément tous ceux qui, des années plus
tard, feraient le saut historique dans les bras des communistes.
"Les pygmées verbeux" de la politique italienne, comme le
définissait le général De Gaulle, en plaisantant, les définissait,
entassés comme des écoliers, dans leurs fracs tout neufs,
chapeau haut de forme derrière le dos, visiblement mal à l'aise
au milieu de tant de noblesse d'armes. Le Pape Romain
revenait, mort, à Rome parmi ses enfants. Le Pape de ma
jeunesse, le Pape de la guerre, qui avait surgi comme une
apparition blanche à travers la fumée et les décombres de San
Lorenzo dévasté par les bombes américaines, lorsque le
grondement des "libérateurs" vibrait encore dans l'azur du ciel
romain, les bras ouverts vers son peuple, fouetté par le fer et le
feu, qui le pressait de tous côtés, se pressant autour de lui pour
le toucher, poussiéreux et taché de sang. La tunique blanche du
Pape s'est teintée de ce sang. Puis l'arrivée du cercueil de Castel
Gandolfo, et l'enroulement du long cortège funéraire à travers les
rues de la vieille Rome, au milieu du grondement sourd des
cloches et des deux ailes débordantes de la foule silencieuse :
Les applaudissements des morts ne sont devenus populaires que
plus tard.


Mais dans quel état il revenait ! L'embaumement avait mal
tourné, et le corps était porté sur l'épaule par les "sediari" dans
leurs costumes de brocart écarlate, devant les regards horrifiés des
cardinaux de la Cour, apparaissait méconnaissable, gonflé, bleuté
et fétide de putréfaction. Nous étions un petit groupe, autour de la
Confession, dans un Saint-Pierre déserté et plongé dans l'ombre.
La nuit était éclairée par les flamboiements de la foule muette et
solennelle. Dans cette atmosphère chargée de mort et d'éternité,
nous avons rendu un dernier hommage à la dépouille transfigurée
de Pie XII, revêtue des somptueuses robes pontificales, escortée par
les hallebardiers suisses hallebardiers suisses et par les dignitaires
de la Cour jusqu'aux trois traditionnelles bières en attente, grandes
ouvertes, sous le dais de bronze berninien. Les cardinaux ont défilé
devant leur défunt Pape. Le Pape donnant sa bénédiction, devant ces
traits, sans aucun vestige du visage ascétique de Pie XII, ne
disparaissent à jamais sous la première et lourde couverture.
Monique
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Message  Monique Ven 20 Mai 2022, 8:43 am

Le claquement sec des talons des Suisses sur le palier
de l'appartement papal m'a tiré de mes souvenirs
mélancoliques. Je me suis dirigé vers les chambres du
Pape au milieu du va-et-vient des prélats et des
séculiers en habits sombres, j'ai traversé le couloir,
franchi un seuil et, au centre du hall avec les fenêtres
sur la place Saint-Pierre, très lumineuses en ce midi
d'été, j'ai vu, sur un lit, le corps de Jean XXIII. J'ai
rejoint la queue des personnages qui se dirigeaient
lentement vers les pieds du Pape mort, je suis resté
quelques instants dans le recueillement, et je suis parti
contrit, sur la pointe des pieds. Je suis précédé par le
vieil ambassadeur de France auprès du Saint-Siège. Je
regardais ses cheveux blancs peignés en arrière, et je
distinguais l'expression de son visage, si familier pour
moi, toujours courtois et serein, légèrement incliné en
avant. Il tenait dans sa main gauche, maigre et gemmée,
le manche de sa canne, et de temps en temps, de sa
main droite, il ramenait à lui un mouchoir parfumé, et je
sentais aussi ce parfum, dans mes narines. Sans m'en
apercevoir, je me retrouvais, à mon tour, devant les
semelles écartées du mort. Je levai les yeux et le regardai.
Il était encore et toujours Angelo Giuseppe Roncalli :
le visage large, bon et vif, les yeux doucement fermés, les
mains gantées jointes sur sa puissante poitrine, toute sa
corpulence rurale vêtue de l'habit pontifical.



Roncalli mort semblait placidement endormi dans un
assoupissement serein et satisfait. Non, l'expression
quasi joyeuse du pape mort, contrastant avec les
visages sévères encadrés par les casques de la
Guardie Nobili di Fazione
(Garde Noble Pontificale),
avec des épées dégainées, de chaque côté du lit.


Le pape semblait donc être mort satisfait. Et tous ceux
qui, autour de ce corps, les uns plus et les autres moins,
semblaient pénétrés de ce sentiment d'ineffable sérénité.
Certainement, pensais-je, le dispositif de l'échange avait
fait des merveilles, et le chariot de l'Église avait pris, avec
une grande secousse, la voie désirée, qui n'était plus celle
qui courait droite et étincelante vers l'horizon, mais
s'enfonçait, en prenant un virage parfait, implacablement
vers la gauche, se dirigeant avec force dans la pénombre
d'un tunnel, dont la sortie était un point d'interrogation
insoluble et effrayant.


A suivre...
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Message  Monique Sam 21 Mai 2022, 8:38 am

Peut-être, pour la première fois dans l'histoire moderne
de l'Église, s'était-il produit ponctuellement, comme
prévu, le déplacement rapide et troublant des pièces
sur le plateau d'un jeu par tradition séculaire très
prudent et hermétique. Dans les hautes sphères du
Vatican, ce n'était en effet un secret pour personne
qu'après Pie XII, le prochain conclave élirait le patriarche
de Venise Roncalli, qui, à son tour, "amènerait" sur le
siège de Pierre Giovanni Battista Montini. Depuis Milan,
l'évêque brescien au regard de hibou, que l'on
surnomme à Rome "Hamlet" ou le "Chat", tire les
ficelles d'un jeu colossal, avec l'aide précieuse d'un
groupe de prélats puissants parmi lesquels se distinguent
le cardinal belge Leo Jozef Suenens, le néerlandais
Bernard Jan Alfrinck et l'allemand Agostino Bea, avec le
soutien secret du marxisme international. Ce jeu colossal
qui allait bouleverser le contenu et l'aspect de l'Église, de
l'Italie, de l'Europe et du monde entier avec tous ses
équilibres établis, avait besoin, pour se mettre en marche
et se développer, d'un formidable "bélier". Ce "bélier" qui a
frappé avec une violence irrésistible contre les murs
millénaires de l'Église, brisant leur compacité inviolable,
c'était Angelo Giuseppe Roncalli. Derrière lui, la fureur du
"Nouveau Cours" allait faire irruption dans la citadelle
vaincue. Tout avait été prédisposé depuis longtemps, avec
précision, pour que le cardinal de Sotto Monte devienne un
pape de rupture. Le Collège des Cardinaux était si bien
guidé et orienté qu'aujourd'hui, des années après ce
Conclave, on lui a même donné une version plus crédible
du petit mystère des trois "fumate", blanc, noir et de
nouveau blanc, qui sont sortis, dans une brève séquence,
de la cheminée de la Chapelle Sixtine, semant la confusion
au sein de la foule compacte et le nez en l'air sur la place
Saint-Pierre. Malgré les plans, le cardinal arménien
Agagianian, est élu au dernier tour de scrutin - d'où la
première "fumata bianca". Directement suivie de la fumée
noire, lorsque l'élu, cédant aux pressions immédiates,
décline la nomination, libérant la voie pour Roncalli, annoncé
par l'ultime fumée blanche.


J'ai accompagné, dans ce Conclave, le cardinal Federico
Tedeschini, Datano di Sua Santità et Arciprete della
Patriarcale Basilica Vaticana, qui m'aimait beaucoup, et
auquel j'étais sincèrement et affectueusement lié. Dans le
calme de son cabinet de travail, chargé de brocarts et
encombré de portraits, dans l'ancien palais de Via della
Dateria, près du Quirinal, ce beau cardinal, grand et
aristocratique dans sa vénérable vieillesse, au visage pâle et
délicat sur lequel brillaient ses yeux gris-bleu, m'avait raconté,
avec tristesse, ces prévisions, malheureusement authentiques,
et avait guidé par la main mon égarement dans ce dédale
d'intérêts politiques, d'ambitions personnelles, de rivalités, de
conflits entre les groupes de pouvoir, qui s'entremêlaient, si
épais, dans l'antichambre de ce conclave et qui auraient porté,
sous les voûtes de la Sixtine bondée des foules en pleurs de
Michel-Ange, ce résultat établi et que les catholiques ignorants
attribueraient à l'intervention du Saint-Esprit. Et j'avais envie
de rire, en regardant la course ébouriffée, transpirante et
des journalistes à la chasse aux indiscrétions et aux prévisions
frénétiques, téméraires, et les visages hermétiques et les
sourires indéfinis avec lesquels les princes les plus éminents de
l'Église résistaient, ou échappaient, à leurs assauts. Il y eut
cependant une journaliste allemande, Elisabeth Gerstner, qui
sentit la vérité dans l'air et, au risque d'être accusée de folie,
l'écrivit et fit mouche. Dans un article intitulé "Zur Todesstunde
Pius XII" paru dans le "General Anzeiger fùr den Nieder- Rhein"
à la mi-octobre 1958, Gerstner écrit en détail que le Conclave
élira le patriarche de Venise Roncalli, qui ouvrira la porte au futur
Paul VI (4).

_______________________________________________
4) Emblématique la lettre du cardinal Eugenio Tisserant du 12 mars 1970 au troisième paragraphe où il est dit que "L'élection du Souverain Pontife actuel (Paul VI, note de l'aut.) s'étant faite rapidement. C'est la précédente, celle de Jean XXIII qui aurait pu être contestée, les séances ayant été si nombreuses. D'ailleurs, je ne vois pas comment on pourrait fournir des comptes sur les scrutins après le Conclave, un secret strict ayant été imposé avec une grande précision. Il est ridicule en en aucun cas de dire qu'un autre cardinal avait été élu. Vous comprendrez que je ne peux rien dire de plus."
_________________________________

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Message  Monique Dim 22 Mai 2022, 7:22 am

Les cardinaux sont entrés par groupes dans le "Recinto"
du Conclave où, pour chacun d'entre eux, avait été
aménagée la "cellule" habituelle. La cloche qui ordonnait
aux "extra omnes" de débarrasser le "Recinto"
de tout ce qui était étranger avant que le lourd verrou ne
soit refermé par le "Marshall du Conclave", isolant du monde
les plus éminents, était sur le point de sonner, lorsque
j'appris que le patriarche de Venise s'était vu assigner comme
"cellule" la chambre du commandant de la Noble Garde,
qui avait une plaque sur la porte où l'on pouvait lire
"le Commandant". J'ai presque commencé. Et j'aimais à
penser que quelqu'un avait sans doute déjà pensé à captiver,
par avance, la sympathie du futur Pontife. À tout cela,
je revenais avec ma mémoire, en regardant Jean XXIII endormi
dans la mort. Et en un instant, il me sembla que le mort venait
de soulever la paupière d'un œil et faisait un clin d'œil, comme
dans la nouvelle de Nikolaï Gogol "Il Vij", à la belle fille
morte du vieux chef centurion cosaque ; mais avec un éclair
d'ironie et d'esprit, dans cette fente de la pupille qu'il me semblait
discerner, dans le doux jeu d'ombres et de lumières que la
splendeur crépitante des bougies, aux côtés du lit, déplaçait à
peine sur le visage.


Le Pape semblait se moquer, avec amabilité, même dans la mort,
de l'étiquette espagnole d'autrefois qui entourait son ultime
sommeil. Les petites flammes des cierges se reflétaient en palpitant
sur les lames scintillantes des épées de la Noble Garde Pontificale.
Quelques années plus tard, sous le règne heureux de Paul VI,
"engendré" par Jean XXIII de vénérée mémoire, ces épées à
poignée d'argent seraient soudainement arrachées des mains de
ces messieurs et jetées au loin ; ce Corps militaire qui, pendant des
siècles, a veillé en armes sur la sécurité du Pontife serait, d'un trait
de plume, démantelé à jamais. La même fin arriverait à l'ancienne
Cour dévouée et fidèle à la papauté ; le Vatican serait dépouillé de
son incalculable splendeur extérieure et de tous ses fantômes, et
serait transformé par la frénésie iconoclaste du "Nouveau Cours"
en une gigantesque la frénésie iconoclaste du "Nouveau Cours"
en un gigantesque, vulgaire et sans âme Hilton. Dans le monde
catholique, la dispute s'enflammerait, le clergé serait désorienté et
divisé, la déspiritualisation de la chrétienté disperserait les vocations,
et la foudre du schisme tomberait, de ce ciel sombre et tempétueux,
pour fendre le vieil arbre de la chrétienté. L'Église du silence serait
trahie et abandonnée sous la botte de fer des impies, et la Rome
officielle secouerait la main sanglante de l'athéisme marxiste qui
lèverait bientôt sa bannière victorieuse sur le Campidoglio romain, à
un jet de pierre de la coupole de Saint-Pierre. Puis je me suis
souvenu des mots que quelqu'un, qui avait veillé à la porte du pape,
jurait avoir entendu de Roncalli à l'approche de sa mort :
"...Qu'ai-je fait, mon Dieu, qu'ai-je fait !" (Lettre du cardinal
Eugenio Tisserant avec l'allusion significative à l'élection de Jean XXIII)


A suivre...
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Message  Monique Lun 23 Mai 2022, 7:26 am

CHAPITRE II


Presque tout le monde, en Italie, connaît la biographie
officielle de Jean XXIII, telle qu'elle a été divulguée
par les centres du nouveau pouvoir qui, au Vatican et
en Italie, travaillent pour que la figure de Roncalli
devienne le pilier sur lequel poser les nouveaux temples
du communisme, ou plutôt, comme on dit aujourd'hui,
de l'"eurocommunisme". Sotto Monte, la ville natale
d'Angelo Giuseppe Roncalli, est transformée depuis des
années en une sorte de fête foraine permanente où les
frontières entre religion et superstition sont maintenues
floues par le nouveau clergé post-conciliaire, qui a tout
à gagner du fanatisme des masses. Le "Pape des
communistes" est certainement le seul pontife, en deux
mille ans d'histoire de l'Église, qui soit entré si
triomphalement - le terme est indexé dans le vocabulaire
ecclésiastique post-Conciliaire - dans la popularité des
masses.


C'est la première victoire incontestable qu'il faut reconnaître
à l'habileté de Jean XXIII. Son portrait, en Italie, est partout.
Sur les pare-brise des camions, dans les bureaux de poste,
les kiosques de loterie, les bureaux de tabac, les
sous-locations des prostituées et les portefeuilles des voleurs,
les bureaux du gouvernement, les maisons des communistes,
à côté des visages de Lénine et de Berlinguer. Le "Papa buono"
(le bon pape), le pape du dialogue avec les marxistes, le pape
du Concile, a eu une place de choix dans les manuels scolaires
de la république italienne. Dans ces livres d'histoire, qui sont
un témoignage singulier de la façon dont aujourd'hui, les vieux
démons malicieux et rusés à la conscience souillée, ne
parviendront pas à enseigner la vérité aux générations futures.


L'exaltation de Roncalli a pour contre-autel la réévaluation de
Pie XII, le pape qui "a osé excommunier les communistes". En
ces temps où presque tout le monde pense, avec un absolutisme
tenace, à son propre portefeuille et à son résultat personnel et
est prêt, pour que "un et un fassent deux", à changer d'opinion,
de foi politique et de couleur de peau, très peu ont pris la peine
de prêter attention à l'autre face de cette hagiographie construite
pour servir une idéologie unilatérale. Il serait alors sorti, une
biographie "Giovannea" remplie de signes prémonitoires de celui
que ce séminariste, ce prêtre, cet évêque, puis ce cardinal, serait
devenu, un jour, portant sur sa tête le lourd Triregno pontifical
(Tiare Papale).


Nous savons qu'en 1900, Angelo Roncalli a été envoyé au
Séminaire de Rome, pour achever les études qu'il avait
commencées à Bergame. Il était né en 1881. Il a donc dix-neuf
ans et arrive à Rome, la nouvelle capitale du Royaume d'Italie, en
une année qui n'est pas une année comme les autres, car sa fin
marque le début d'un nouveau siècle.


A suivre...
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Message  Monique Mar 24 Mai 2022, 6:54 am

Le jeune séminariste provincial se trouva donc soudain
plongé dans ce délire progressif avec lequel les
établissements séculiers, officiels et non officiels,
ouvertement anticléricaux en ces années-là, célébraient
l'aube de ces temps nouveaux.


A tel point que les vers latins composés par l'humaniste
Léon XIII, en l'honneur du nouveau siècle, furent,
peut-être, la seule voix poétique à ne pas présenter de
traces du magniloquent progressisme, plein d'espoir et
de naïveté. Pourtant, ces vers archaïques par le contenu
orthodoxe, par le svelte Pontife resté ancré dans la
tradition, qui, vêtu comme un cavalier, aimait chasser
dans les bois séculaires d'Ariccia, ne susciteraient
certainement pas de longues réflexions chez le jeune
garçon de Sotto il Monte, qui ouvrait son regard paysan
sur cette jubilation moderniste, en restant charmé par elle.


Après tout, le séminariste Roncalli portait en lui, dans
son sang, le germe d'un esprit de combat moderniste,
en ce qui concerne le catholicisme, qui était emblématique
de sa patrie bergamasque. Dans la série, historiquement
remarquable, des évêques bergamasques, il faut rappeler
Monseigneur Camillo Guindani, qui a eu le mérite de
préparer les temps pour son successeur, célèbre dans les
annales de ce diocèse pour ses convictions progressistes :
l'évêque Radini Tedeschi. Dans une période où le Royaume
d'Italie, complétant son unité par le bombardement de
Porta Pia, rendait la vie difficile au clergé et aux catholiques,
cet évêque forma à Bergame une terre libre où la réalité
sociale, la "vraie Italie", comme on disait, contrastait avec
l'"Italie officielle" des dirigeants de Rome.


Le comte Stanislao Medolago-Albani, en 1877, assume la
présidence du comité diocésain qui contrôle l'ensemble du
mouvement catholique à partir des 366 comités paroissiaux.
Le professeur Niccolò Rezzara est nommé vice-président.
En plus du Comité, de nature organisationnelle générale,
la même année voit la création de l'Union Diocésaine des
Institutions Sociales Catholiques qui, vers 1884, commence
à assumer une influence telle qu'elle dépasse largement le
Comité diocésain. Le comte Medolago-Albani est l'un des
nombreux nobles italiens qui, en ces années à cheval sur le
XIXe et le XXe siècle, se sont mérités le nom de "comtes
sociaux", pour avoir lié leur nom à des luttes sociales en
faveur de la classe ouvrière catholique. Le phénomène
typiquement italien des "aristocrates sociaux" atteindra son
apogée un siècle plus tard, lorsqu'un propriétaire terrien
sarde couronné, le marquis Enrico Berlinguer, tiendra avec
une maîtrise seigneuriale le sceptre pourpre du parti
communiste italien.


Le professeur Niccolò Rezzara, au contraire, professeur
d'école secondaire et journaliste (fondateur du "Campanone"
et directeur de "L'eco di Bergamo"), fut un organisateur
audacieux de rassemblements ouvriers et un syndicaliste.
Il a notamment inventé et mené la grève de 1909, dont la
solution a donné lieu à l'affirmation du droit du travailleur
à sa propre activité syndicale (cf. G. Bellotti, Don Angelo
Roncalli et la Bergame catholique, "L'Osservatore Romano",
6 novembre 1958).


Bergame, comme on peut le voir, avait anticipé des
phénomènes et des problèmes qui, dans le reste de l'Italie,
ne se produiraient pas avant vingt ans.


Tout ce ferment, le séminariste Roncalli le sentait couler
dans ses veines, avec la violence rustique de ses dix-neuf
ans, lorsqu'il commença sa fréquentation du Séminaire
Romain. Plus tard, il fouillera dans toutes les archives qui
lui tomberont sous la main, les documents inédits, anciens
et modernes, attestant de ces particularités très
particulières et insoupçonnées de la terre bergamasque.
Une fois la période du Séminaire de Rome terminée, le
destin attendait Angelo Roncalli, ordonné prêtre, à son
premier poste de responsabilité.


A suivre...
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Message  Monique Mer 25 Mai 2022, 7:37 am

Il est en effet convoqué à Bergame, pour servir
de secrétaire à cet évêque, Giacomo
Radini-Tedeschi, le prélat aristocratique
"aperturista", comme on l'appellerait aujourd'hui,
pour ses convictions sociologiques avancées, qui
avec son propre exemple contribuera
considérablement à la formation moderniste et
progressiste précoce de Roncalli.


Le prêtre corpulent de Sotto il Monte aurait
difficilement pu prêter ses services, à ce
moment-là, à un évêque qui semblait taillé pour
les convictions politiques et sociales de Don Roncalli.
Inaugurant, comme nous l'avons dit, cette tradition
italienne qui voit le rejeton d'anciennes familles
titrées se rouler toute sa vie, par calcul ou par foi,
dans la tourbière rouge du marxisme, cet évêque
était comte et nourrissait en lui un incontrôlable
mouvement progressiste.


Ainsi, le jeune Roncalli n'aurait pas pu trouver un
meilleur port que celui qui lui a été si fortuitement
offert. Cette rencontre et cette collaboration furent
décisives pour lui. Elle lui enseigna l'art
machiavélique et Renaissance de poursuivre le fil
de ses propres idées révolutionnaires, tout en
donnant aux autres l'impression de marcher au pas
et de se couvrir, au contraire, de l'orthodoxie la plus
traditionnelle.


Au cours de ces années d'activité, toujours aux
côtés, comme s'il en était l'ombre, du
comte-évêque moderniste, Roncalli a été initié à
l'art subtil de prétendre qu'il avait atteint une dignité
étymologique propre dans la définition respectable
de la "diplomatie." Il y ajouta cette charge naturelle
de jovialité communicative et quelques bribes de
l'acuité innée de son tempérament bergamasque, et,
dans la chancellerie du palais épiscopal de Bergame,
il commença à apparaître, à bouger, à s'affirmer, à
"nucer" ce Jean XXIII qui réaliserait un jour le rêve
ambitieux de cet ancien mathématicien qui disait :
"Donnez-moi un levier et je soulèverai le monde".
En tant que levier irrésistible, Roncalli aurait un jour
son Conseil Œcuménique.


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Message  Monique Jeu 26 Mai 2022, 7:04 am

D'après ce que l'on sait, monseigneur Radini Tedeschi n'accablait pas
de travail son secrétaire, qui était plutôt un précieux collaborateur
pour trouver, comme on dirait aujourd'hui, une position "engagée à
gauche"
pour l'action pastorale de l'évêque.


Malgré la dissimulation la plus minutieuse de cet engagement
inhabituel, pour ne pas dire scandaleux, à cette époque, pour un
représentant du Pape dans le Royaume d'Italie, dans lequel résonnait
encore le bombardement de Porta Pia, quand des prêtres et des clercs
avaient été piqués aux fesses par les baïonnettes des "bersaglieri",
quelques implications clamantes de cet engagement politique
s'échappèrent et arrivèrent même jusqu'aux journaux, et laissèrent
des traces dans les bureaux des gendarmes.


Après tout, l'évêque-comte socialiste était bien connu pour ses prises
de position, tant au Vatican qu'en Italie. Il avait dit non, haut et fort,
au pape qui l'avait désigné pour une mission diplomatique en
Belgique, répondant, en regardant le Pontife romain droit dans les
yeux, que les "subtilités de la diplomatie répugnaient à sa conscience
chrétienne".
(Cfr. Angelo Roncalli : "En mémoire de Monseigneur
Giacomo M. Radini-Tedeschi, évêque de Bergame", Bergame 1916,
p. 19-20). La forte personnalité de cet évêque, dont les effets
brilleront encore, bien des années plus tard, dans la détermination
granitique de Jean XXIII, est attestée par certains passages d'une
lettre de 1911 dans laquelle Mgr Radini-Tedeschi devait se disculper
auprès du Pape pour n'avoir pas été suffisamment réaliste : pour
avoir été trop "rose" face aux événements. Et c'est ainsi qu'il écrivit à
ce sujet le 26 novembre : " Vue d'en haut, Saint-Père, cela m'a valu
l'accusation publique d'autocrate, d'intransigeant, de rigide, de
tsariste : cela m'a valu d'être cité par le procureur de la Cour d'appel
de Brescia dans son discours inaugural de la saison judiciaire... Cela
m'a valu de la part du ministère de la Justice un blâme sévère et la
menace de me dépouiller de ma temporalité." (Cfr. Roncalli, titre
ci-dessus, p. 185). "Il y avait dans son âme"
- écrira plus tard Roncalli,
qui dans ces années-là le côtoyait quotidiennement, en toute occasion,
et cette expérience renforçait son caractère - "Il y avait dans son âme
tout de l'esprit militaire : un amour et un transport pour la lutte... Il
n'aimait pas la guerre à coups d'épingle : s'il fallait la guerre, il
préférait la faire au canon..."
(Cfr. Roncalli, titre ci-dessus, p. 134).
Après quinze ans de travail et de lutte sociale comme organisateur et
moteur, arrivé à Bergame, comme évêque de ce diocèse, la première
occasion de contrastes se présenta à lui, et il l'exploita pleinement, lors
de la visite dans cette ville de la reine mère, Margherita di Savoia.


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Message  Monique Ven 27 Mai 2022, 7:16 am

La polémique fut encore plus vive lorsqu'en 19 ?? le comte-évêque,
dont le marquis Berlinguer aurait été friand, prit parti pour les
ouvriers en grève. Don Angelo Roncalli, qui vécut cet épisode comme
un protagoniste (se faisant accueillir par les militants barricadés
dans les usines, chargé de vivres et d'encouragements véhéments à
tenir bon dans la lutte, lui, dans son habit de prêtre, en concurrence
avec les dirigeants du ring socialiste ), il a ainsi rappelé : "Quand
éclata la grève de Ranica, dont on parla beaucoup, le nom de l'évêque
qui était resté, publiquement, dans une digne réserve pendant les
troubles agraires précédents, parut parmi les premiers et les plus
généreux souscripteurs du pain aux ouvriers qui avaient croisé les bras.
De toutes parts, on cria au scandale ; des informations d'un ton moins
que bienveillant furent envoyées même en haut lieu.



Plusieurs aussi parmi les bons, pensaient qu'une cause perdait son droit
d'être soutenue, uniquement parce que dans l'utilisation de Plusieurs
aussi, parmi les bons, pensaient qu'une cause perdait son droit d'être
soutenue, uniquement parce que dans l'emploi de certains moyens on
pouvait courir le risque d'une certaine intempérance.


Monseigneur Radini n'a pas suivi cette philosophie. A Ranica, ce n'était
pas une question particulière de salaire ou de personnes qui était en jeu,
mais un principe : le principe fondamental de la liberté de la puissante
organisation capitaliste. Pour lui, se ranger résolument du côté du
gréviste, dans ce cas, c'était accomplir un acte de justice, de charité, de
paix sociale. Il ne tint pas compte des cris et poursuivit tranquillement
son chemin de vif intérêt pour les grévistes, même s'il déplorait, excusait,
corrigeait les inévitables inconvénients des choses et des personnes
auxquels il fallait s'attendre dans une lutte de cette nature, qui devait
durer cinquante jours (Cfr. Roncalli, titre cité, p. 90 ss.).


Derrière l'appréciation détendue de l'épisode se cache la participation
"totale" de Roncalli à ces événements turbulents.

On sait qu'il était personnellement dans le feu de l'action, et que son
évêque a pu à peine le sauver de la réaction de la police.


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Message  Monique Sam 28 Mai 2022, 6:34 am

Les mots écrits de sa propre main sur ces faits sont un document
impressionnant qui confirme ses opinions progressistes précises,
bien ancrées dans l'expérience de 1909. L'approche indulgente
envers l'éventuelle "intempérance" et les inévitables inconvénients...
auxquels il fallait s'attendre dans une lutte de cette nature... est
l'approche de l'Église post-conciliaire, un demi-siècle plus tard, à
l'égard des marxistes de la violence. Il ne faut pas oublier que
monseigneur Radini Tedeschi, supérieur direct et professeur de
Roncalli, avait occupé à Rome, dans sa jeunesse, la chaire de
Sociologie chrétienne, première, officielle, à l'époque considérée
avec beaucoup de suspicion par de nombreux milieux cléricaux,
car pleine, comme on peut facilement l'imaginer, de forces
centrifuges mal contenues. Il poursuivit cette discipline, jusqu'à la
fin de sa vie, avec passion et exaltation. Ainsi, la sociologie était
le lien entre le jeune Roncalli et son évêque, et à cette table
épiscopale, le prêtre de Sotto il Monte, en mangeait, comme si
c'était son pain quotidien. Gérant avec ses grandes mains de paysan,
cette matière, si explosive pour un ecclésiastique, la vision d'un
nouveau christianisme et d'une nouvelle Église se dessinait dans son
esprit vif et programmatique. Un nouveau christianisme dans une clé
sociologique et anthropologique et une nouvelle Église conçue pour
servir ce nouveau christianisme. C'est peut-être au cours de ces
années de formation qu'est entrée dans l'esprit d'Angelo Giuseppe
Roncalli la première, la toute première, l'idée exaltante, sous forme
embryonnaire, d'un Concile Œcuménique révolutionnaire.


Après tout, ces années de véritable apprentissage politique, à l'ombre
de l'évêque social-comptable, étaient ce que l'Histoire pouvait offrir
de mieux à un prêtre aux idées révolutionnaires, comme l'était le
jeune Don Roncalli, pour qu'il puisse exercer sans concessions la
pratique de ses convictions. Dans ces années-là, en effet, les
catholiques italiens s'engageaient dans une véritable bataille politique,
au sein d'une nation qui avait réalisé son unité aux dépens du Pape,
afin d'obtenir du nouvel État Italien, super-séculaire et mangeur de
prêtres, un droit de regard sur la gestion de la politique publique.
En effet, les catholiques italiens sont officiellement écartés de la vie
publique nationale.


Ils sont exclus de toute carrière dans la magistrature, l'enseignement
ou la fonction publique. Par conséquent, ils se retrouvent sujets plutôt
que citoyens du Royaume d'Italie.


Alors qu'une partie d'entre eux était restée fidèle à la conception
temporelle de la papauté, brisée par les obus de 1870, une autre, plus
ouverte aux temps nouveaux, luttait pour avoir son mot à dire dans la
gestion de la nation Italienne, en défendant le point de vue catholique
dans la solution des problèmes politiques et sociaux les plus lourds.


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Message  Monique Dim 29 Mai 2022, 6:16 am

Naturellement, l'espace politique qui leur était le plus accessible n'était
pas celui dominé par la classe politique du Risorgimento, totalement
laïque et surtout liée au Roi Sabaud qui avait osé faire tirer son armée
sur les troupes du Pape, mais celui géré par les groupes progressistes
qui, naturellement, voyaient dans la monarchie et son entourage, un
obstacle puissant à leurs plans. Personne, en ces années d'inlassable
engagement clérical pour raccommoder la trame des organisations
catholiques perturbées par l'épée de Victor Emmanuel II, n'aurait
jamais soupçonné de tendances progressistes ou socialistes, un prêtre
qui s'engageait dans ce programme.


C'est certainement au cours de ces années que Roncalli a appris et
assimilé cette façon de faire, cette véritable stratégie, faite de sourires
et d'actions surprises soudaines et décisives, qui, bien des années plus
tard, depuis le Vatican, lui a permis de réaliser son programme
révolutionnaire au sein de l'Église et dans le monde entier, en seulement
quatre ans et demi de pontificat.


Pendant ces années préparatoires et actives, le jeune Roncalli jouit de la
plus grande liberté personnelle, déconcertante pour le secrétaire de
l'évêque d'une ville comme Bergame. Même si monseigneur Radini-Tedeschi
lui avait confié l'enseignement, dans ce séminaire, de l'histoire Patristique,
Apologétique et Ecclésiastique, don Roncalli avait tout le temps de soigner
ses contacts presque quotidiens avec les représentants politiques,
Catholiques et progressistes, qui luttaient sur le même front pour arracher
au gouvernement de Rome des parts de plus en plus importantes de pouvoir.
Il suffira de rappeler que son supérieur direct l'avait "prêté", pour l'aider dans
la lutte politique, au professeur Rezzara, organisateur des premiers syndicats
et moteur de la grève de Ranica, dont Roncalli fut un protagoniste actif.


Et pourtant, il trouva le moyen de se distinguer même dans cette activité
d'enseignement secondaire, en utilisant pour ses cours aux séminaristes, le
le texte de Duchesse "Histoire de l'Église Ancienne", qui pour sa vision, était
considéré par les cercles sanfédistes comme bourré d'idées "modernistes", à
tel point que peu après il fut mis à l'Index, malgré un imprimatur antérieur.


Un nouveau témoignage sur les Roncalli de ces années-là nous vient de la Carte
Cavalcanti (Papiers Cavalcanti). Don Alessandro Cavalcanti (1879-1917) était
le directeur du quotidien sanfédiste "L'unité catholique", dans les années
chaudes de la crise moderniste du début du siècle, et en tant que tel, lié à
certaines personnalités du Vatican. Dans cette importante collection de documents
figurent cinq longues lettres écrites par le canoniste Giambattista Mazzoleni
(1835-1931) entre mai et septembre 1911, dans laquelle sont analysées certaines
conférences tenues par le professeur Roncalli de l'époque. Dans la première lettre,
Mazzoleni conclut : "...Je m'attendais à ce qu'il s'étende sur le concept de la vie
chrétienne, mais pour moi sa conférence avait un trop fort parfum d'occultisme. Il
me semblait aussi qu'il lui manquait une base, qui est l'abneget semetipsum,
désintéressé comme il l'était des conseils évangéliques, pour commencer.


Et qu'appeler le mariage 'sanctification du plaisir sexuel' me semble une véritable
inconvenance pour le moins. "


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Message  Monique Lun 30 Mai 2022, 7:31 am


La nomination du professeur Roncalli à la chaire d'histoire Ecclésiastique
du Séminaire Romain a fait l'objet d'un veto en 1912, ayant été indiqué
d'une "orthodoxie douteuse".


Il faut se rappeler, à ce stade, l'épisode claudiquant et oublié d'une
intervention du Saint-Office contre le professeur Don Roncalli qui mit un
terme brutal à l'enseignement du futur Jean XXIII, même au séminaire de
Bergame. On avait découvert que Roncalli, au mépris de l'Encyclique
"Pascendi" du pape Sarto, son corégional, Pie X, non seulement se
comportait comme un moderniste, mais correspondait avec le prêtre
excommunié Ernesto Buonaiuti. Ce prêtre et historien des religions fut l'un
des principaux représentants du Modernisme en Italie, et fut excommunié
en 1926 pour son activité progressiste et son insubordination ouverte à la
hiérarchie ecclésiastique. Pour obtenir une idée précise de Buonaiuti et des
idées qu'il professe et promeut, il suffirait de parcourir la lettre suivante
écrite par le prêtre moderniste, en octobre 1906, à l'historien et sociologue
français Albert Houtin, également prêtre, qui finit par abandonner le
sacerdoce et l'Église.


Un représentant connu du Modernisme Italien, tout juste expulsé par une
décision de Pie X du Collegio Apollinare, écrivait ainsi à son ami français : "...
Ici, au centre même de la théocratie Médiévale, je souhaite accomplir une
œuvre de corrosion tenace.... Nous sommes nombreux amis, ici à Rome,
maintenant, déterminés à opérer dans le champ critique, à préparer la chute
finale de toute la vieille carcasse de l'orthodoxie Médiévale. L'ennui, c'est que
le laïcat ne nous est pas favorable pour l'instant, car il ignore, non, il a
tendance à se tourner à nouveau vers le Vatican pour soutenir la Monarchie.
Mais j'espère que l'exemple donné par la France, la fatalité même de
l'évolution historique nous donnera bientôt aussi un parlement anti-clérical et,
avec lui, un ministère radical. Alors notre heure sera venue." La lettre
s'explique d'elle-même, et c'est la présentation la plus éclairée de son auteur.
Autour d'un tel rebelle s'est réuni un groupe de prêtres modernistes qui ont
mis tant d'efforts dans la propagation de leurs théories que Pie X a cru bon
de condamner le mouvement avec l'Encyclique "Pascendi", promulguée en
1907, qui condamne sévèrement le modernisme. Le même Pape créa au
Vatican une section spéciale, le "Sodalitium Pianum", dans le fauteuil duquel
il plaça Monseigneur Benigni, afin d'isoler et de frapper, l'un après l'autre,
les suspects de sanctions sévères. Le groupe des modernistes était perturbé
et dispersé. Buonaiuti, avec son collaborateur Turchi, partit pour l'Irlande ;
les autres prêtres adeptes, parmi lesquels Pioli, qui abandonna l'habit, Rossi,
qui devint pasteur évangélique, Hagan, qui se retira dans une solitude
hermétique, De Stefano, qui abandonna également l'habit, Balducci et Perella
qui, passés à l'état laïc, entrèrent dans la clandestinité.


Il n'est pas surprenant que Roncalli soit entré en contact avec un tel champion
du modernisme. De toute évidence, le "Sodalitium Pianum" avait été
informé et avait transmis au Saint Office une dénonciation détaillée. La
condamnation et la suspension immédiate tombèrent sur la grosse tête de
l'enseignant de Sotto il Monte, malgré la défense prudente de l'évêque.
Cette dénonciation et l'intervention conséquente du Saint-Office, comme c'était
la coutume, ont été archivées dans une section spéciale des archives secrètes
du Vatican. Dans l'ombre poussiéreuse de ces gigantesques archives, parmi des
montagnes de papiers parfaitement enregistrés et organisés, elles sont restées
oubliées pendant près d'un demi-siècle. Jusqu'à ce qu'un après-midi, après les
heures de bureau, un pas lourd et légèrement traînant parcourt ces arcades et
ces pièces dans la pénombre, et se trouve devant une armoire métallique à
l'intérieur de laquelle, tant d'années auparavant, ils avaient été enfermés. La clé
tourne dans la serrure et les portes s'ouvrent. Deux grandes mains fouillent
pendant un certain temps dans les dossiers numérotés, remplis de documents
jaunis. La compétence du chercheur en matière d'archives a vite prévalu dans
cet océan de documents rigoureusement organisés.


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