HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER

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HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER - Page 3 Empty Re: HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER

Message  Monique Mer 09 Mar 2022, 7:37 am

IV



Miguel Navarro, un moment effrayé de lui-même et cédant aux cris de sa conscience, avait demandé à saint Ignace la faveur d'être admis au nombre de ses disciples. Ignace, toujours prêt à accueillir le repentir, avait reçu celui qui était naguère son plus cruel ennemi, et l'avait traité avec une bonté toute paternelle; mais bientôt Miguel, dégoûté d'une vie aussi parfaite, s'était retiré et avait retrouvé tous les sentiments de basse jalousie qu'avait excités en lui la conversion de François de Xavier. Après avoir cherché vainement un nouveau moyen de se défaire d'Ignace, sa conscience lui ayant fait sentir encore de poignants remords, « ou par quelque motif inconnu, » dit le Père Bartoli, il était revenu à la charge; il avait rejoint saint Ignace à Venise, et avait demandé à rentrer dans la Compagnie. Cette fois, l'expérience était suffisante, il avait été refusé, et son orgueil blessé avait juré que sa vengeance serait plus éclatante que l'affront qu'il venait de recevoir. Ignace allait partir pour Rome, il fallait l'y précéder.

Miguel arrive dans la ville sainte, il y rencontre un de ses anciens amis, Ramon Barrero; celui-ci se réjouit des sentiments haineux dont Miguel lui fait la confidence, et n'hésite pas à lui proposer un marché infâme. Il le met en rapport avec Pedro Castillo et Francisco Mudarra; ils se rendent ensemble auprès de Frère Augustin, moine de l'Ordre des Ermites de Saint-Augustin, célèbre prédicateur et luthérien secret, qui cherchait à égarer la foi de ses auditeurs, en les charmant par son éloquence; et là, on convient de perdre Ignace de Loyola par tous les moyens que l'enfer pourra susciter. Miguel annonce qu'il est riche en ressources; qu'il les emploiera jusqu'à la dernière, s'il le faut, pour se venger de celui qui lui a enlevé François de Xavier; le moine accepte tout; on dresse un plan de campagne, et on attend l'arrivée de ceux qu'on a juré de perdre.

Ignace et ses disciples, s'étant réunis à Rome pour les fêtes de Pâques de l'année 1538, se partagèrent aussitôt les divers quartiers de la ville pour y travailler au salut des âmes, et défendre la vérité contre les erreurs que les partisans de Luther cherchaient à propager. Bientôt ils apprirent que Frère Augustin semait l'hérésie par ses prédications, et n'en attirait pas moins une foule empressée, toujours avide d'entendre sa brillante et persuasive parole. Ils voulurent s'en assurer par eux-mêmes, et, après l'avoir entendu prêcher plusieurs fois, ils crurent devoir l'avertir des dangers auxquels il exposait la foi de ses auditeurs.


A suivre...
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Message  Monique Jeu 10 Mar 2022, 7:36 am

Cet avertissement, bien qu'il fût donné avec tous les ménagements de la plus douce charité, irrita l'orgueil du religieux luthérien, dont les succès se trouvaient compromis, et, perdant toute mesure, jugeant d'ailleurs que le moment était venu de frapper un coup décisif, le fougueux prédicateur osa, dans un de ses sermons, désigner à la vindicte publique les nouveaux apôtres qui défendaient si vaillamment la doctrine de l'Église; il les accusa d'hérésie, espérant ainsi paralyser leur zèle et détourner les soupçons qui se portaient sur lui-même. En même temps, Miguel Navarro, qu'il avait largement payé pour cela, portait une dénonciation en forme contre Ignace de Loyola, au gouverneur de Rome, Benedetto Conversini; il assurait avec serment, et il offrait de le prouver, que don Ignace de Loyola avait subi deux condamnations en Espagne, la première à Alcala, la seconde à Salamanque, et une troisième à Paris, pour crime de sortilège et de magie.

Toute cette affaire fit grand bruit, sans toutefois décourager les victimes de cet odieux complot. L'isolement se faisait autour d'Ignace et de ses bien-aimés disciples; ils se virent abandonnés de tout le monde et montrés du doigt dans les rues de Rome, comme des hérétiques qui ne tarderaient pas à être condamnés par le tribunal de l'Inquisition, et que nul n'osait approcher, dans la crainte de faire suspecter l'orthodoxie de sa foi.

Mais cette grande épreuve devait avoir un terme, Dieu était là.... Les calomniateurs furent convaincus d'imposture et finirent par s'avouer coupables. Le prédicateur hérétique, revêtu d'un habit religieux qui servait ses vues de prosélytisme, parvint à s'enfuir et se démasqua complètement à Genève; Pedro Castillo fut condamné à une détention perpétuelle; Francisco Mudarra et Ramon Barrero furent brûlés en effigie, et auraient même subi la peine d'une longue réclusion, si saint Ignace n'avait sollicité en leur faveur; Miguel Navarro fut condamné à un bannissement aussi long que sa vie (1).

Encore cette fois l'enfer était vaincu.

Cependant, la famine désolait la ville de Rome, et les disciples de saint Ignace se dévouaient avec une admirable charité au soulagement des victimes de cet horrible fléau.


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1 Nous avons raconté dans l'Histoire de saint Ignace de Loyola tous les détails de ce singulier procès.



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Message  Monique Ven 11 Mar 2022, 7:04 am

Xavier, dont la santé avait enfin repris un peu de force, exerçait le saint ministère à l'église Saint Laurent dans Damaso, et à celle de Saint-Louis-des-Français, et le succès le plus consolant répondait à ses travaux. Tout le temps qu'il n'employait pas à la prédication, à la confession, à l'instruction des enfants, il le donnait aux pauvres, qui, exténués par la faim, se traînaient et mouraient dans les rues. Il leur cherchait un asile, il demandait aux riches le morceau de pain qui devait prolonger la vie des pauvres ; il prenait les mourants dans ses bras ou sur ses épaules et les portait dans leur triste demeure, ou dans l'asile de charité qu'il avait trouvé pour eux, et leur procurait enfin tous les secours qui pouvaient les rappeler à la vie. Il les soignait, les consolait, les mettait dans de saintes dispositions, et s'il ne lui était pas toujours donné de sauver la vie de leur corps, il sauvait au moins celle de leurs âmes.

Au milieu de ces pénibles travaux, notre saint en rêvait de plus pénibles encore. Tout cela n'était rien pour le zèle qui le brûlait. Souvent il parlait du bien qu'il y aurait à faire dans les immenses contrées conquises par les Portugais dans les Indes orientales, et du bonheur qu'apporteraient à ceux qui auraient la faveur d'y être envoyés, toutes les souffrances, tous les périls, toutes les privations inséparables d'un tel apostolat. Cette préoccupation était telle, que très-habituellement il rêvait dans le peu de temps qu'il accordait au sommeil, qu'il portait un nègre dans ses bras ou sur dos, avec des peines infinies. Alors on l'entendait s'écrier, dans l'excès de son amour pour Dieu et de son zèle pour sa gloire :

« Plus encore, Seigneur ! plus encore ! »  


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Message  Monique Sam 12 Mar 2022, 7:55 am

Un jour, il apprend que Jean III, roi de Portugal, fait solliciter du souverain pontife la faveur d'avoir six prêtres formés à l'école d'Ignace.

Don Diégo de Govea, recteur du collège de Sainte-Barbe pendant que Xavier, Lefèvre et Ignacey demeuraient, étant retourné depuis en Portugal. Envoyé à Rome par son, gouvernement, pour y suivre une affaire intéressant la couronne, il y avait retrouvé ses anciens élèves de Sainte-Barbe, et leur dévouement durant la famine le ravit d'autant plus, qu'il savait mieux que personne les brillantes facultés et les talents prodigieux de ceux qui semblaient ne savoir plus autre chose que la charité et l'humilité. Il avait mandé son admiration au roi son maître, dont i1 savait le zèle pour la gloire de Dieu, et il l'avait engagé à demander quelques-uns de ces saints prêtres pour évangéliser les Indes orientales. Le roi de Portugal, ayant goûté la proposition,venait d'écrire à son ambassadeur, don Pedro de Mascarephas, en le chargeant d'adresser cette demande au pape, en son nom. Le pape remit la chose à Ignace, qui crut ne devoir accorder que deux de ses disciples pour cet apostolat, puisqu'il n'en comptait encore que dix.

Le cœur de Xavier battit plus vite à la nouvelle de cette décision; et pourtant, pouvait-on penser à lui pour une telle destination? N'était-il pas mille fois indigne de cette faveur ? Il n'aurait su, il est vrai, lequel de ses frères méritait le plus d'être choisi ; il les trouvait tous si parfaits, qu'il ne voyait que lui-même à excepter, et il s'humiliait profondément devant Dieu de cette indignité.

Pendant que cette affaire se négociait, Ignace s'occupait de constituer sa Compagnie en Ordre religieux, et de la faire approuver par le souverain pontife. Il avait communiqué tout son plan à ses disciples et les avait engagés à réfléchir mûrement devant Dieu sur le choix de celui auquel ils devraient donner le titre de général, dès que le pape aurait approuvé leurs statuts, et les aurait reconnus et autorisés.


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Message  Monique Dim 13 Mar 2022, 7:39 am

L'ambassadeur de Portugal, rappelé en ce moment par le roi, et chargé d'emmener les deux prêtres qu'on lui avait promis, fit de pressantes instances pour les obtenir au plus tôt, son départ étant très-prochain. Ignace désigna alors Simon Rodriguez et Nicolas Bobadilla ; de Xavier, il n'en fut pas question, et notre saint trouva tout simple que son cher maître n'eût pas jeté les yeux sur lui pour un tel emploi.

Simon Rodriguez était à Sienne, Nicolas Bobadilla dans le royaume de Naples ; l'un et l'autre quittèrent tout à la voix d'Ignace. Rodriguez, atteint d'une fièvre intermittente, pouvait se soutenir encore, il pouvait donc obéir : il s'embarqua à Civita-Vecchia, dans le premier bâtiment qui mettait à la voile pour Lisbonne. Bobadilla arrive à Rome, y tombe malade, mais l'ordre du départ n'est pas donné, il espère bien avoir toujours assez de force pour obéir aussi...

Xavier s'humiliait toujours davantage à la vue de son indignité, qui faisait passer à de plus parfaits que lui cet apostolat auquel sa pensée restait attachée, malgré lui, et le jour et la nuit.

Le départ de l'ambassadeur est enfin fixé au lendemain. Notre saint l'apprend ; il fait des vœux ardents pour le succès de ses frères ; il prie de toute la ferveur de son âme.... Ignace l'appelle.

Francisco, lui dit-il, j'avais désigné Bobadilla pour la mission des Indes, mais le ciel en a choisi un autre. C'est vous qu'il vient de nommer aujourd'hui même, et je vous l'annonce de la part du vicaire de Jésus-Christ...


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Message  Monique Lun 14 Mar 2022, 8:10 am

Xavier s'était prosterné devant son saint maître, il écoutait l'ordre du ciel avec le recueillement de la reconnaissance et de l'humilité. Ignace continua : Recevez l'emploi dont Sa Sainteté vous charge, comme si Jésus-Christ vous le présentait lui-même, et réjouissez-vous d'y trouver la satisfaction de l'ardent désir dont nous étions tous animés pour porter la foi au-delà des mers. Ce n'est plus seulement la Palestine, ou une province de l'Asie que vous aurez à évangéliser ; ce sont des contrées immenses, des états innombrables, c'est un monde entier ! Ce vaste champ est digne de votre courage, il est digne de votre zèle. Allez Francisco ; allez, mon frère, où la voix de Dieu vous appelle, où le Saint-Siège vous envoie, et embrasez tout du feu qui vous brûle !

Les larmes de François coulaient jusqu'à terre ; mais c'étaient des larmes de bonheur !

Père de mon âme, répondit-il, comment avez-vous pu penser à moi pour une mission qui demande un véritable apôtre? Je suis le plus lâche, le plus faible, le plus incapable et le moins vertueux de vos disciples ! Et pourtant, je suis bien heureux ! Mon Père, j'obéirai à l'ordre de Dieu ! Je suis prêt à tout souffrir, et de tout mon cœur, pour le salut des pauvres Indiens ! Je vous l'avoue, maintenant, mon bien cher Père, depuis bien longtemps, mon âme soupirait après les Indes; mais j'osais à peine me l'avouer à moi-même, tant je me trouvais indigne de cette faveur. Ah ! j'espère bien que, dans ces pays idolâtres, je trouverai ce que la terre-sainte m'a refusé. J'espère bien que j'aurai le bonheur d'y mourir pour Jésus-Christ!...

Ignace avait déjà fait relever son ami : il l'avait pressé sur son cœur de père, il était profondément ému. François lui dit comment la pensée de l'apostolat des Indes occupait son esprit au point de la retrouver dans ses heures de sommeil; puis il se hâta de raccommoder sa soutane, d'embrasser ses amis, et d'aller se prosterner aux pieds du souverain pontife, pour lui demander sa bénédiction. Paul III remerciait Dieu depuis que le roi de Portugal lui avait manifesté le désir de faire prêcher l'Évangile dans les pays infidèles qui lui étaient soumis, car il comptait sur le triomphe de la croix dans tous les lieux où les disciples d'Ignace la porteraient. Il reçut Xavier avec une bienveillance toute paternelle, le félicita sur la belle mission qu'il allait remplir, et lui dit : « La souveraine Sagesse donne toujours la grâce nécessaire pour soutenir les fardeaux qu'elle impose, fussent-ils au-dessus des forces humaines ! Vous trouverez bien des occasions de souffrir; mais vous vous souviendrez que les œuvres de Dieu ne réussissent que dans la voie des souffrances, et qu'on ne doit prétendre à l'honneur de l'apostolat qu'en marchant sur les traces des apôtres dont la vie a été une longue croix et une mort de chaque jour. Le ciel vous envoie sur les pas de saint Thomas, l'apôtre des Indes, à la conquête des âmes; travaillez ardemment, généreusement à faire revivre la foi dans les terres où il l'avait semée et si Dieu permet que vous soyez obligé de répandre votre sang pour la gloire de Jésus-Christ, oh ! estimez-vous heureux d'être jugé digne de mourir pour une telle cause. Il est si beau de mourir martyr! »


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Message  Monique Mar 15 Mar 2022, 7:50 am

Xavier, pénétré des paroles du souverain pontife, et croyant entendre la voix de Jésus-Christ lui-même, répondit quelques mots empreints d'une si profonde humilité et d'un zèle si ardent, que Paul III, après l'avoir béni, l'embrassa plusieurs fois avec une vive émotion.

Au moment de partir, le lendemain, Xavier se mit aux pieds de son cher Père Ignace pour lui demander sa bénédiction; son cœur en ce moment accomplissait un grand sacrifice, il contenait autant de douleur que de joie. Ignace embrassa tendrement ce fils qu'il aimait tant et qui allait s'éloigner sans doute pour toujours.

Il le pressa douloureusement, mais bien généreusement sur son cœur, et lui aussi il accomplit un grand sacrifice !... Mais la gloire de Dieu le demandait, et le père et le fils s'étaient voués entièrement à sa gloire, et à sa plus grande gloire...

Ils s'embrassaient une dernière fois, lorsque saint Ignace s'aperçoit tout à coup que son bien-aimé disciple n'a songé à prendre aucune des précautions les plus nécessaires pour une si longue traversée.

O mon Francisco ! lui dit-il en le pressant de nouveau sur son cœur paternel, c'est trop ! beaucoup trop ! au moins un peu de laine pour abriter votre poitrine contre les grands froids !

Et se dépouillant de son gilet de laine, il force son fils spirituel à s'en revêtir.

En partant, François mit dans la main de Laynez un écrit qu'il le pria de faire connaître à ses frères le jour auquel ils se réuniraient pour élire un général. Cet écrit, le voici en trois parties, tel que nous le trouvons reproduit à la suite des Lettres de saint François Xavier (1)....


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1 Trad. de A. M. Faivre. Lyon, 1828.


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Message  Monique Mer 16 Mar 2022, 7:13 am

DÉCLARATION DE FRANCISCO DE XAVIER.



« Moi, Francisco, je dis que, lorsque Sa Sainteté aura approuvé notre Institut, j'acquiesce à tout ce que la Société statuera, aux constitutions et règles qu'elle établira par l'organe de ceux des nôtres qu'elle pourra commodément convoquer et réunir à Rome; et comme Sa Sainteté envoie plusieurs d'entre nous en diverses missions, hors de l'Italie, et qu'ils ne pourront pas tous se réunir, je dis par cet écrit et je m'engage d'agréer et de tenir pour bon . et valide tout ce qui sera statué dans l'intérêt de la Société, ou par deux ou par trois des nôtres réunis à cet effet. Ainsi, par cet autographe, je dis et je promets de ratifier tout ce qu'ils auront fait.



Ecrit à Rome, le 15 mars 1540.

« FRANCISCO. »


SUFFRAGE.



« J. H. S. Moi, Francisco, devant dire mon avis sur celui qui doit être élevé à la prélature de notre Société, et à qui nous devons tous obéir, je dis et j'affirme, sans instigation quelconque, qu'il me parait juste, au témoignage de ma conscience, que ce soit notre ancien prélat, notre vrai père, don Ignace, qui nous a tous réunis non sans beaucoup de peines a et de travaux. Je dis que personne ne saura mieux que lui nous conserver, nous gouverner, nous faire avancer dans le chemin de la perfection, parce qu'il v nous connaît tous à fond et en particulier; et je dis dans la plus parfaite sincérité de mon âme, comme si j'étais sur le point de mourir qu'après sa mort, il faudra élire pour général le Père maître Lefèvre, et en cela Dieu m'est témoin que je ne dis rien que ce que je pense, en foi de quoi j'ai signé le présent écrit.



Fait à Rome, le 15 mars 1540.

« FRANCISCO. »


AUTRE DÉCLARATION.



« Après que la Société aura été convoquée et qu'elle aura élu son général, je promets, moi, Francisco, maintenant comme pour alors, obéissance perpétuelle, pauvreté et chasteté. Ainsi donc, Père Laynez, mon très-cher frère en Jésus-Christ, je vous prie, pour le service de Notre-Seigneur Dieu, d'offrir en mon absence et en mon nom, au général que vous aurez élu, le témoignage de ma volonté, avec les trois vœux de religion, parce que, à ce moment, je promets de les observer du jour où il aura été nommé.

En foi de quoi je signe le présent écrit de ma propre main.



Fait à Rome, le 15 mars 1540.


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Message  Monique Jeu 17 Mar 2022, 8:33 am

V



Toute la population de Bologne était en grande agitation le vendredi de Pâques de l'an 1540. Hommes et femmes, jeunes et vieux, riches et pauvres, tous allaient et venaient avec empressement; un rayon de bonheur semblait éclairer chaque visage, et de tous les côtés on entendait échanger les mêmes paroles :

Savez-vous la nouvelle?

Oui, on vient de me l'apprendre, et je cours l'annoncer à d'autres...

Et moi aussi ! Quelle bénédiction pour Bologne!

Sait-on s'il restera longtemps?

Personne ne le sain ! Il arrive... s'il ne passait que la nuit !...

Oh ! sil repartait sans que nous ayons pu le voir ! Prions la Madone ! demandons-lui de nous le faire entendre au moins une fois !

Et on s'agenouillait, avec la piété naïve de ces temps de foi et de douces espérances, qui valait bien le scepticisme desséchant de nos jours, on s'agenouillait devant la Madone placée clans la niche qui surmontait la porte de la maison, dont elle gardait le seuil et protégeait les habitants, et on lui disait tout haut sans craindre le sourire du passant :

«Bonne Madone ! s'il doit partir demain, empêchez-le ! Que nous puissions le voir, l'entendre, et qu'il nous bénisse encore une fois! »

Tout à coup on entend se répandre le bruit que le curé de Santa-Lucia est assez heureux pour avoir vu celui dont on est si occupé: bien plus, il s'en est emparé, il l'a emmené chez lui, il y est ! Alors la foule se porte au presbytère; elle vent entrer, elle veut savoir, elle veut... C'est un bruit assourdissant; le curé paraît à une fenêtre, du geste il indique qu'il veut parler, le silence se fait :

Mes enfants, dit-il, venez demain matin à six heures à Santa-Lucia, vous serez satisfaits...

Merci! merci! signor ! criait la foule.


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Message  Monique Ven 18 Mar 2022, 7:38 am

Le lendemain, dès quatre heures du matin, toute la population s'était portée à Santa-Lucia, et il fallut bien lui ouvrir les portes. L'église était pleine jusqu'au dehors; le saint qu'on attendait, notre saint François de Xavier, sur les instances du curé, dit la messe au maître-autel, et parla de Dieu à cette foule avide de l'entendre et qui l'écouta en sanglotant, car elle sentait bien qu'il allait lui être ravi, de nouveau.

Xavier était venu avec l'ambassadeur de Portugal, n'emportant pour tout bagage que son bréviaire, la bénédiction du vicaire de Jésus-Christ, et celle de son Père bien-aimé, saint Ignace de Loyola.

On ne voyageait au seizième siècle ni aussi facilement ni aussi rapidement qu'aujourd'hui. Les routes étaient peu praticables, les voitures étaient rares, les chemins de fer étaient inconnus. On montait alors sur un bon et solide cheval, plus propre à résister à la fatigue qu'à fournir une course; si on voulait amener sa femme, on là faisait monter en croupe, et on chevauchait ainsi par monts et par vaux; ceux qui n'avaient pas de monture voyageaient à pied.

Don Pedro de Mascarenhas, en sa qualité d'ambassadeur, avait son carrosse; sa suite l'accompagnait à cheval, ses domestiques à pied. Il avait fait donner un cheval à notre saint; mais le coeur de Xavier ne lui permit pas de le garder pour lui seul; il le prêtait aux domestiques, à tour de rôle, et le montait lui-même le moins possible; cet arrangement servait son zèle en même temps que sa charité. Lorsqu'il était à pied, il pouvait soutenir plus facilement la conversation avec ceux qui marchaient, et, après les avoir charmés par son aimable bienveillance et sa douce gaieté, il parlait à leurs âmes et leur faisait aimer Dieu. Quand on s'arrêtait dans les hôtelleries, c'était pour l'ambassadeur et s'a première suite que le Père François était aimable, spirituel, entraînant.

Le roi l'attend pour l'envoyer aux Indes, disait don Pedro, mais lorsqu'il le connaîtra, il voudra le garder pour Lisbonne.

Ou même pour la cour, ajoutait l'aumônier, car il y ferait un immense bien.

Je n'ai jamais vu autant de distinction personnelle jointe à une si grande sainteté, reprenait lambassadeur ; le roi ne le laissera pas quitter le Portugal.


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Message  Monique Sam 19 Mar 2022, 7:18 am

Don Pedro avait appris de ses gens que là où le nombre de lits était insuffisant, jamais le Père de Xavier ne se servait de celui qu'on lui avait réservé ; il le faisait accepter à d'autres qui en eussent été privés sans cela. Il voyait que le saint était empressé à servir tout le monde, même les gens de service; il voyait enfin toute la valeur du trésor qu'il avait eu le bonheur d'acquérir pour son maître.

On s'arrêta quelques jours à Lorette, et Xavier lui-même va nous dire, dans la lettre qu'il écrivit à saint Ignace, l'édification qu'ils y apportèrent.



Bologne, 31 mars 1540.



« Que la grâce et l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ nous soient toujours en aide. Ainsi soit-il.

« C'est le saint jour de Pâques que j'ai reçu votre lettre, sous le couvert du senhor ambassadeur. Je ne vous dirai pas quelle joie, quelle consolation j'ai éprouvées; Dieu seul le sait. C'en est fait, nous ne nous verrons plus sur la terre; nous ne nous entretiendrons plus que par lettre; mais dans le ciel, ah! ce sera face à face ! et alors comme nous nous embrasserons ! Puisqu'il ne nous reste pour nous consoler mutuellement dans notre court exil que l'échange de nos lettres, je ne me laisserai pas accuser de négligence. En quelque , partie du monde que je sois, seul ou avec des membres de notre Société, je me souviendrai de ce que vous me dites si sagement au moment de notre séparation :


« Il faut que les colonies soient attachées aux métropoles comme des filles à leur mère.

« Toujours je conserverai avec vous et avec notre Maison de Rome d'intimes relations, et vous rendrai un compte exact et détaillé de toutes nos actions comme des filles soumises doivent le faire à l'égard de leur mère.
       

         «Le senhor ambassadeur me comble de tant de bontés, que je ne pourrai les reconnaître que dans les Indes. J'ai entendu sa confession et celle de plusieurs personnes de sa suite, le dimanche des Rameaux, à l'église de Notre-Dame de Lorette, et tous ont communié de ma main.

«Le jour de Pâques j'ai encore célébré, dans la chapelle de Notre-Dame, et notre cher ambassadeur a fait en sorte que toute sa maison, qui est très-pieuse, y communiât avec lui. L'aumônier, qui se recommande instamment aux prières de vous tous, m'a promis de nous suivre aux Indes.

« Présentez mes respects à dona Faustina-Ancolina. Dites-lui, s'il vous plaît, que j'ai dit une messe pour son Vincento, dont le souvenir m'est aussi cher qu'à elle, et que demain, je célèbrerai pour elle-même. Dites-lui de se bien persuader que je ne l'oublierai jamais, pas même dans les Indes. Rappelez-moi, je vous prie, au souvenir de mon très-cher frère don Piétro; ne lui laissez pas oublier la promesse qu'il m'a faite de fréquenter les sacrements; engagez-le à , me mander s'il l'a fait, et combien de fois; dites-lui, que s'il veut être encore utile à son fils, son cher Vincento, qui est aussi le mien, il faut qu'il pardonne à ceux qui l'ont tué, et pour lesquels Vincento lui-même intercède dans le ciel.


« Je suis ici plus occupé au tribunal de la pénitente que je ne l'étais à Saint-Louis de Rome.

« Je vous salue tous bien affectueusement, je ne fais pas mention de chacun de vous en particulier, mais je n'oublie personne, croyez-en votre frère en Jésus-Christ, et votre serviteur.




« FRANÇOIS. »


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Message  Monique Dim 20 Mar 2022, 7:55 am

Notre saint vient de le dire; il était absorbé par les confessions à Bologne. L'ambassadeur donna quelques jours à l'empressement public, et le saint, voulant de son côté satisfaire la foule, ne sortait presque pas de l'église. Mais quelle fat la douleur générale lorsqu'on apprit que le Père Francisco de Xavier allait dans les Indes ! Ce fut un deuil public pour Bologne ! Le peuple pleurait tout haut dans les rues, dans l'église, partout où on le voyait, partout où on parlait de lui; plusieurs voulaient le suivre partout où il irait :

Nous irons dans les Indes avec vous, mon Père ! emmenez-nous ! permettez-nous seulement de vous suivre !

C'étaient des larmes, des sanglots, des cris de désolation qui brisait le coeur si doux, si aimant de Xavier ! Il ne put empêcher la foule de l'accompagner, à son départ, jusqu'à une assez grande distance, toujours pleurant à déchirer le coeur, et répétant le mot de la douleur qui ne voit pas de terme :

«Jamais!.... Nous ne vous reverrons jamais !..... Nous ne vous entendrons plus jamais !..... Vous ne nous bénirez plus jamais ! ..... »

C'était une épreuve pour le cœur si impressionnable du saint tant aimé! L'ambassadeur lui-même en fut vivement ému ainsi que les personnes de sa suite. On n'avait jamais vu rien de semblable pour un prêtre d'une apparence si humble, si pauvre, si doucement recueillie, et nul n'oublia de sa vie le souvenir de ces émouvants adieux. Cette population, à genoux dans le chemin, recevant, au milieu des Sanglots et des cris de douleur, la dernière bénédiction de l'apôtre qu'elle avait le plus aimé, et qu'elle ne devait revoir qu'au ciel; le saint lui-même qui, n'ayant plus de voix pour consoler ceux qui pleuraient son départ, levait sur eux sa main bénie et laissait couler des larmes d'attendrissement et de reconnaissance.. ... ce tableau était navrant, et devait laisser un ineffaçable souvenir. Lorsque la caravane reprit sa marche, laissant le peuple encore agenouillé, le jeune saint se retourna vers lui une fois encore

Mes bons chers frères Bolonais, je ne vous oublierai pas, même dans les Indes ! Je prierai pour vous tous les jours; priez aussi pour moi !.... »

Et ce fut tout; il remit son cheval à la suite de ceux qui le précédaient, et les Bolonais demeurèrent à la même place aussi longtemps qu'ils purent suivre des yeux celui qu'ils regrettaient si vivement.


A suivre...
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Message  Monique Lun 21 Mar 2022, 8:22 am

Le voyage devait être long, car il était convenu que, de Rome à Lisbonne, il se ferait par la voie de terre; chaque jour un des gens de la suite prenait les devants pour préparer les logements.

Un jour, l'ambassadeur, mécontent de la manière dont son courrier s'était acquitté de ce service, lui en fit des reproches assez vifs. Antonio retint l'explosion de sa colère en présence de son maître, mais le lendemain matin, il s'emporta violemment, monta à cheval piqua des deux et partit comme un furieux. Xavier, témoin de cette fuite, ne lui dit pas une parole; il aurait craint de l'irriter au lieu de le calmer; toutefois, pressentant les dangers de la course folle qui emportait Antonio, le saint monte à cheval et court après le malheureux courrier qu'il trouve étendu par terre, sous son cheval mort dont lé poids l'étouffait. Xavier met pied à terre, dégage le courrier, le relève, lui fait monter son cheval dont il prend la bride, et conduit à la main jusqu'au premier village. Là, il fait reposer Antonio et lui fait accepter tous les soins dont il avait besoin. Lorsqu'il fut un peu remis

            Mon pauvre Antonio, lui dit-il, que serait devenue votre âme si vous étiez mort en cet état ?

La voix de François était si douce et si pénétrante en ce moment, qu'elle alla droit au cœur du coupable et y vibra sensiblement

            Mon Père, c'est bien vrai; répondit-il en fondant en larmes; que serais-je devenu sans votre charité? Et Antonio se confessa et changea de vie. Maintenant, laissons François de Xavier nous raconter lui-même les incidents de ce long voyage.


A suivre...
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Message  Monique Mar 22 Mar 2022, 7:25 am

SAINT FRANÇOIS DE XAVIER A LA COMPAGNIE DE JÉSUS A ROME.



Lisbonne, 3 juillet 1540.



« Que la grâce et l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ nous soient toujours en aide. Ainsi soit-il.

« Notre voyage de Rome en Portugal a duré trois mois, et pendant ce long temps, Notre-Seigneur Jésus-Christ n'a cessé de nous combler de ses grâces; nous ne saurions assez le remercier. Au milieu de tant de fatigues et de difficultés, le senhor ambassadeur et toute sa maison, du plus petit au plus grand, ont constamment joui d'une santé parfaite. Par une protection spéciale de la divine Providence, nous avons échappé à toute sorte de périls, et c'est sûrement à Elle que nous sommes redevables de la prudence et de la sagesse dont le senhor ambassadeur a fait preuve pendant tout le voyage; sa maison a été dirigée avec tant d'ordre et de régularité, qu'elle ressemblait plutôt à une communauté religieuse qu'à une maison séculière. C'est par l'exemple qu'il maintenait cette discipline. Il approchait souvent des sacrements, et toutes les personnes de sa suite remplissaient ce devoir si fréquemment et en si grand nombre, que j'étais forcé de descendre de cheval et de m'arrêter en chemin, au premier endroit favorable, pour confesser les domestiques et leurs enfants, car, dans les hôtelleries, le temps et les facilités me manquaient également pour entendre toutes les confessions.

« Dans notre traversée des Alpes, Dieu manifesta miraculeusement sa protection envers un de nos compagnons de voyage, que vous avez connu à Rome. C'est celui qui ayant désiré embrasser la vie religieuse, avait d'abord ajourné l'exécution de ce dessein, par mollesse et par lâcheté, et avait fini par le perdre de vue.

« Un large torrent, de profondeur incertaine, se trouve sur notre route; sa témérité le porte à tenter le gué : nous lui faisons tous des observations pressantes, mais inutiles; il s'élance à cheval au milieu du torrent. A peine a-t-il fait quelques pas, que l'impétuosité des flots fait rouler en un clin d’œil le cheval et le cavalier loin comme de votre maison à l'église Saint-Louis, et cela sous nos yeux ! Le rivage retentissait de nos cris. En ce moment, Dieu fut sensible aux prières et aux larmes de don Pedro de Mascarenhas et de toute sa suite, pour la vie de ce malheureux qui évidemment était perdu : par un miracle frappant, nous le vîmes tout à coup sortir des gouffres de la mort.

« Il m'a avoué depuis que, lorsqu'il se sentit entraîné par les eaux et rouler dans l'abîme, il regretta vivement d'avoir été infidèle à sa vocation et d'avoir négligé les occasions que la grâce lui avait présentées tant de fois, et qu'il aurait bien voulu pouvoir racheter. Il m'a protesté que dans ce moment terrible pour la nature, il avait été moins épouvanté du danger qu'il courait, que frappé des remords de sa conscience qui lui reprochait d'avoir passé sa vie sans songer à la mort. Ce qui le troublait surtout, c'était d'avoir rejeté sa vocation pour la vie monastique, vocation dont il n'avait jamais douté. C'est plein de ces pensées qu'il nous fut rendu pour nous servir d'exemple, afin que nous ne soyons jamais portés à l'imiter. Son visage pâle, presque inanimé, donnait à ses paroles une expression terrible ! Il semblait échappé des enfers. Lorsqu'il nous parlait des peines de l'autre vie, sa voix, son accent étaient tels, que vous eussiez dit qu'il venait de traverser les feux éternels ! Il en parlait avec autant de force et d'énergie que s'il les eût éprouvés, répétant sans cesse que celui qui a négligé pendant sa vie de se préparer à la mort, ne manque pas, lorsqu'elle vient tout à coup se présenter à lui, de se rappeler Dieu et ses jugements.

« Les discours de cet homme, qui ne pouvaient être le fruit de la lecture, de la méditation, ni de l'étude, mais seulement de l'expérience, étaient d'un vif intérêt au milieu de notre caravane. Quant à moi, lorsque j'y songe, je suis péniblement affecté de l'insouciance de tant de gens que j'ai connus et que je vois également différer l'exécution des bonnes pensées et des désirs de servir Dieu, dont ils avouent qu'ils sont pressés journellement. Je tremble en pensant que le temps, qui leur échappe craque jour, peut leur manquer tout à coup, et alors il sera trop tard ! »

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Message  Monique Mer 23 Mar 2022, 7:12 am

François de Xavier était bien persuadé que les prières de l'ambassadeur et celles des personnes de sa maison avaient obtenu le miracle évident auquel l'écuyer devait la vie; mais don Pedro et ceux qui l'accompagnaient n'hésitèrent pas à l'attribuer au Père Francisco, que tous regardaient comme un saint. La neige couvrait encore une grande partie des montagnes, lorsque la caravane traversa les Alpes. Le secrétaire de l'ambassadeur descend de cheval à un passage dangereux; mais la neige ne permet pas à l'œil le plus exercé de reconnaître l'endroit où on pose le pied, et chacun tremble pour sa personne.

Un cri désespéré se fait entendre tout à coup. Le secrétaire a disparu. On avance avec précaution, on le voit sur la pente rapide d'un immense précipice... Ses habits se sont accrochés aux aspérités du rocher, il est suspendu sur l'abîme, le poids de son corps va l'entraîner, son vêtement va se déchirer par l'effet même de ce poids, et il va périr de la plus horrible mort ! Personne ne tente de le secourir, son salut est impossible ; ce serait courir à une perte certaine...

Xavier s'élance sur cette pente effrayante, sans écouter les cris, les supplications qui cherchent à le retenir. Il descend avec une merveilleuse facilité jusqu'au secrétaire, il lui tend la main, l'attire à lui, le sauve et le ramène à l'ambassadeur émerveillé, qui n'en pouvait croire ses yeux. Tous les voyageurs crièrent encore : « Miracle ! » car Xavier venait de faire une chose impossible humainement; c'est ce qui explique son silence à ce sujet dans sa lettre à la Société de Rome.

Mais ce magnifique dévouement ne pouvait rester ignoré, il avait eu trop de témoins, tous d'autant plus impressionnés, que Dieu l'avait récompensé par un miracle incontestable dont le souvenir ne put s'effacer pour aucun d'eux.


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Message  Monique Jeu 24 Mar 2022, 8:02 am

VI



Un mouvement inaccoutumé animait le manoir seigneurial de Xavier. Toute la famille de Jasso d'Azpilcueta était réunie autour de la noble châtelaine, dona Maria, dont l'âge n'avait pas vieilli le cœur et avait fortifié la foi. Ses fils avaient appris à la cour que le roi de Portugal avait fait demander au pape des prêtres de la Société de don Inigo de Loyola, pour évangéliser les Indes, et dona Maria qui avait gardé au cœur la prédiction de sa fille, savait que son bien-aimé Francisco serait au nombre de ceux que Dieu choisirait pour ce dangereux et glorieux apostolat.

Bientôt la nouvelle se répandit que don Pedro de Mascarenhas traverserait l'Espagne, qu'il était en chemin, et que le Père Francisco de Xavier était avec lui. Chacun dans la noble famille espéra voir à sou passage ce dernier-né dont l'enfance avait reçu les caresses de tous, dont la jeunesse avait charmé les premiers vieux jours du père qui n'était plus, dont l'absence était une continuelle douleur pour la mère vénérée qui vivait encore.

Presque tous les jours un des gens de dona Maria montait à cheval, courait à Pampelune, s'informait, puis revenait le lendemain assurer que le courrier de l'ambassadeur n'avait point paru : « Ce sera peut-être pour demain, disait en soupirant la mère de notre saint ; attendons. »

Et elle attendait, et les jours s'ajoutaient aux jours, et son Francisco ne paraissait pas ! Depuis le jour où elle avait commencé à espérer le bonheur de le revoir, dona Maria s'était établie près d'une fenêtre d'où elle voyait le chemin qui conduisait à Sanguesa et d'où sa vue portait d'autant plus loin, que le château est plus élevé.

Il y a dix-sept ans que je n'ai vu mon beau Francisco, disait-elle quelquefois; mais s'il venait à présent, je le reconnaîtrais certainement !

Bonne mère ! lui répondaient ses fils, vous le devineriez surtout...

            Pedro Ortiz n'a-t-il pas mandé qu'il est toujours le beau Francisco. Seulement il ajoute qu'il est amaigri parce que ce cher enfant est devenu un saint, et qu'il pratique des austérités qui altèrent sa santé...


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Message  Monique Ven 25 Mar 2022, 7:47 am

Alors on tâchait de détourner la conversation, car la pauvre mère trouvait encore des larmes qu'elle n'avait plus la force de dissimuler, lorsque lui venait la pensée que la sainteté de son Francisco le portait à martyriser son corps au point d'affaiblir sa forte constitution.. Puis elle levait ses yeux au ciel avec l'expression de la résignation, et ajoutait

Il est vrai qu'il est à Dieu! tout à lui !... il n'est plus à moi !...

Et elle retombait dans son doux silence accoutumé.

Le temps s'écoulait; l'ambassadeur de Portugal avançait, il entrait dans la Navarre

Père Francisco, dit-il à notre saint, nous ne sommes pas loin de Pampelune où je dois m'arrêter, je vous y attendrai.

M'attendre, senhor?

Est-ce que vous n'allez pas monter à Xavier pourvoir votre famille?

Non, senhor; je suis reconnaissant de votre bonté, mais ne puis accepter.,

Comment ! songez donc, mon cher Père, que vous allez quitter l'Europe peut-être pour toujours !

C'est probable, senhor.

Eh bien ! vous n'avez pas vu votre famille depuis longtemps; la senhora votre bonne mère est âgée maintenant.

Je sais tout cela, senhor, mais ce n'est pas à Xavier que Dieu m'appelle, c'est dans les Indes.

Mon Père, c'est une abnégation que j'admire assurément, mais permettez-moi de vous faire observer que la senhora de Jasso doit vous attendre, et que c'est imposer un bien grand sacrifice au cœur d'une mère. C'est pour elle, c'est pour dona Maria que je vous le demande, mon Père, allez à Xavier ! Donnez cette consolation à votre famille!


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Message  Monique Sam 26 Mar 2022, 8:16 am

A cette consolation, senhor, se joindraient l'amertume de la séparation et des adieux déchirants. Pour ma mère, que j'aime tendrement, pour toute ma famille qui m'est bien chère, et pour moi-même, il vaut mieux que j'évite ces regrets, et que nous ne nous revoyions plus qu'au ciel. Là, senhor, la réunion sera sans séparation, la consolation sans amertume, le bonheur sans mélange.

L'ambassadeur allait insister; François s'en aperçut et reprit :

J'ai tout donné à Dieu, senhor, il ne m'est plus permis de rien reprendre; je ne m'en reconnais point le droit.

Le caractère chevaleresque du jeune Francisco de Sainte-Barbe se retrouve, ici avec toute la générosité du saint formé à l'école d'Ignace, et qui ne vivait plus que de l'immolation continuelle de lui-même.

Muet d'admiration, Pedro de Mascarenhas, sans le dire à François, modifia les dispositions de son itinéraire par délicatesse pour la famille de notre saint. Il ne fit que traverser Pampelune et ne s'y arrêta qu'un instant afin de renouveler ses provisions et dépêcher un courrier au roi de Portugal, à qui il écrivit pour lui faire connaître par avance la haute sainteté du missionnaire qu'il lui amenait.


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Message  Monique Dim 27 Mar 2022, 7:34 am

Les voyageurs avaient quitté Pampelune depuis quelques heures, lorsque se présenta l'envoyé du château de Xavier.... Il était trop tard !

Don Pedro n'avait pas dit où il coucherait ce jour-là, on pensait même qu'il avait changé son itinéraire, et on avait entendu dire à ses gens que le Père Francisco de Xavier était d'une telle sainteté, qu'il avait refusé de se détourner pour aller au manoir revoir sa noble famille. Du reste, on assurait qu'il paraissait très-bien portant; qu'il était aimable et bon pour tout le monde, et que partout où il irait on reconnaîtrait bien en lui, malgré la pauvreté de son vêtement, un grand seigneur de la vieille Navarre Espagnole. «Je l'ai bien reconnu, moi ! » ajoutait fièrement l'hôtelier de Pampelune qui sentait son importance doubler à la pensée non-seulement qu'un ambassadeur avait posé chez lui, mais qu'il avait vu le fils de la châtelaine de Xavier, tandis qu'elle-même avait été privée de ce bonheur.

Il fallut annoncer cette poignante nouvelle à dona Maria: ses fils prirent tous les ménagements possibles, mais quelles que soient la prudence et la douceur des moyens, le coup porté au cœur d'une mère est toujours senti bien profondément ! Dona Maria rendit à ses fils les touchantes caresses qu'elle en reçut; puis elle se fit conduire à la chapelle, elle y renouvela son sacrifice et ses actions de grâce, et remit toute sa douleur maternelle aux pieds du crucifix de bois peint, de grandeur naturelle, qui faisait l'ornement du fond de la chapelle. Ce crucifix, Francisco l'avait aimé dans son. enfance.... et dona Maria aimait à lui parler de son cher absent; il lui semblait qu'elle était plus forte et plus généreuse chaque fois, et qu'elle en recevait des trésors de bénédictions et pour elle, et pour le fils si aimé qu'elle ne devait plus revoir.


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Message  Monique Lun 28 Mar 2022, 7:34 am

Cependant Francisco de Xavier arrivait à Lisbonne, et, malgré toutes les instances de don Pedro, il alla demander l'hospitalité là où Simon Rodriguez la recevait, à l'hôpital de Tous-les-Saints. Le Père Rodriguez, malade d'une fièvre intermittente, attendait l'accès au moment où son cher frère de Xavier se présenta devant lui, la joie de le revoir, et la vertu de notre saint furent plus efficaces que tous les remèdes employés jusque-là : en embrassant son saint ami, le Père Rodriguez se sentit guéri, la fièvre ne revint plus. Les deux amis étaient séparés depuis bien longtemps, la joie de se retrouver fut égale des deux côtés. Voici ce qu'en écrivit le Père François de Xavier à la Société de Jésus, à Rome ; nous le laisserons aussi rendre compte de ses impressions et de l'accueil qu'il reçut du roi. On le connaîtra mieux par l'expression de ses pensées les plus intimes :

« .... A notre arrivée à Lisbonne, je trouvai maître Simon Rodriguez qui attendait un accès de fièvre quarte; mais en nous voyant, en nous embrassant, nous éprouvâmes une si vive joie que depuis ce moment, depuis un mois, il ne s'en est plus ressenti, et sa santé s'est maintenue parfaite. Il travaille avec autant de zèle que de fruit à la vigne de Seigneur.

« Nous comptons ici beaucoup d'amis dévoués, dont la plupart sont marquants par leur position ou leur naissance, et je vois avec regret qu'il nous sera difficile de les visiter tous en particulier. Dans le nombre, j'en ai remarqué plusieurs qui sont portés au bien, qui désireraient servir Dieu, et ce serait leur rendre un grand service que de venir au secours de leur indolence, par les exercices spirituels, et de les forcer en quelque sorte à exécuter ce qu'ils diffèrent ainsi d'un jour à l'autre. On en verrait beaucoup sortir de leur léthargie, si on leur faisait vivement sentir l'aiguillon de cette profonde vérité : qu'ils ne trouveront point de paix là oit il n'y a point de paix. Il faudrait surtout le faire sentir à ceux qui semblent vouloir épuiser les moyens de lasser la Providence en la traînant, pour ainsi dire, partout où leurs caprices les conduisent et qui s'obstinent à refuser d'aller où elle les appelle, se livrant tout entiers à leurs passions déréglées, et fermant l'oreille aux saints désirs dont elle les poursuit. Ils sont bien plus dignes de pitié que d'envie, ceux que nous voyons marcher ainsi péniblement dans les sentiers rudes et escarpés, et qui, à travers mille précipices et mille dangers, n'ont à espérer qu'une ruine certaine !


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Message  Monique Mar 29 Mar 2022, 8:06 am

« Trois ou quatre jours après notre arrivée à Lisbonne, le roi a daigné nous faire appeler et nous a reçus avec les témoignages de la plus grande bonté. Il était seul dans son cabinet avec la reine. Pendant plus d'une heure d'audience, il nous a questionnés en particulier de notre manière de vivre, sur les circonstances qui nous ont fait faire connaissance les uns avec les autres, et qui nous ont ensuite réunis ; sur notre but primitif, puis sur les persécutions dont nous avons été l'objet à Rome.


« Leurs Altesses (1) ont écouté avec plaisir tout ce que nous leur avons exposé sur la manière dont nos maisons sont régies et les fonctions auxquelles notre plan, notre règle, notre but nous consacrent. Puis le roi fit appeler les infants, son fils et sa fille, pour nous les présenter et nous parla avec bonté des enfants que la Providence lui a donnés, de ceux qu'elle a rappelés à elle, et de ceux qu'elle lui a laissés.

« En somme, Leurs Altesses nous ont témoigné le plus vif intérêt. Le roi nous a spécialement chargés de la direction de la jeune noblesse attachée à sa cour. Il ordonne que tous ses pages se confessent tous les huit jours, et nous a expressément recommandé l'exécution de cet édit, motivé sur ce que tout jeune homme qui, dès l'enfance, a contracté l'habitude de servir Dieu, fait dans l'âge mûr un homme utile à son pays.

« Si, dit-il, les nobles étaient ce qu'ils devraient être, les classes inférieures de la société se formeraient à leur exemple. »

« C'est suie la jeune noblesse que repose son espoir de la réforme des mœurs de tout son royaume. Et, en effet, la régularité des mœurs du premier corps de l’État entraîne une réforme générale. Dans l'esprit religieux de cet excellent roi, dans son zèle pour procurer la gloire du Seigneur, dans son goût si prononcé pour les choses saintes, je trouve pour nous un grand motif de louer Dieu, et la reconnaissance de notre société ne peut aller trop loin à l'égard d'un prince qui répand ses bienfaits, non-seulement sur, ceux d'entre nous qui habitent ses États, mais sur nous tous généralement.

«Le senhor légat eut une audience particulière de Son Altesse après- la nôtre, et le roi lui dit qu'il lui serait très-agréable de pouvoir réunir dans ses États tous les membres actuels de notre Société, dût-il consacrer à leur établissement et à leur entretien une grande partie de ses revenus. C'est le légat lui-même qui nous l'a rapporté.

«Nous savons que plusieurs de nos amis cherchent à entraver notre départ pour les Indes, sous prétexte que nous recueillerions ici plus de fruits, soit au tribunal de la pénitence, soit dans nos exercices spirituels, qui entraîneraient des confessions et des communions plus fréquentes, enfin en apportant dans le ministère évangélique le même zèle, la même méthode d'enseigner et de prêcher que nous voulons porter dans les Indes. Parmi les personnes de cette opinion, je remarque surtout le confesseur et l'aumônier de Son Altesse ; l'un et l'autre portent le roi à nous retenir ici, dans l'espoir que nous y ferons une plus abondante moisson. . . . . . . »


L'humilité de François de Xavier lui persuadait qu'on influençait le roi; il n'en était rien. Le roi, charmé du bien qu'avaient déjà fait les deux Pères, et à la cour et à la ville, désirait vivement les retenir, et son confesseur ainsi que son aumônier étaient de son avis. Il aurait désiré même que Xavier habitât à la cour, et il lui avait fait préparer un appartement que notre saint avait refusé, préférant mille fois l'hôpital où il était près des pauvres malades et du Père Rodriguez, et où il pouvait servir Dieu plus librement. Le roi aurait voulu que les Pères mangeassent à la cour; mais les Pères voulaient continuer à quêter leur pain de chaque jour, et surtout conserver la liberté de suivre la règle à laquelle ils avaient fait vœu d'être fidèles jusqu'à la mort. Leur vie si mortifiée, si humble, si parfaite faisait, l'admiration générale; quand on lui opposait celle que François de Xavier lui avait sacrifiée, l'admiration redoublait pour lui personnellement, et le roi trouvait toujours de chauds approbateurs lorsqu'il parlait de son désir de le garder à Lisbonne. Xavier, toujours désireux de la mission des Indes, ne témoignait néanmoins nulle préférence, et attendait que Dieu disposât de lui selon sa volonté. Il écrivait à son cher Père Ignace :

« . . . . . . . . . Le senhor évêque, qui nous est très-dévoué, nous a fait savoir que le roi n'a point encore décidé s'il nous enverrait dans les Indes, parce qu'il lui semble que nous servirons Dieu aussi bien ici que là-bas. Deux prélats, persuadés que nous convertirions sûrement quelques rois indiens, ont insisté pour notre départ. Quant à nous, nous sommes occupés, en attendant, à nous adjoindre des collaborateurs; j'espère que nous n'en manquerons pas, pourvu que cela s'éclaircisse. Si nous faisons ici notre séjour, nous y fonderons quelques Maisons, et pour cela nous trouverons des sujets bien plus facilement que pour nous ,suivre au delà des mers. Si nous partons, et que Dieu nous accorde quelques années de vie, avec son puissant secours non formerons quelques établissements entre l'Inde et l'Ethiopie.

« Si le Bref concernant notre Société n'est pas encore expédié, faites en sorte, je vous prie, qu'il contienne la faculté d'établir des Maisons professes chez les infidèles. Au reste, soit que nous restions ici, soit que nous mettions à la voile pour les rives du Gange, au nom de l'amour et de l'obéissance que je vous ai vouée en Notre-Seigneur Jésus-Christ, faites-moi connaître la règle que je dois observer dans la réception des sujets, et cela très au long. Vous connaissez parfaitement la faiblesse de mon intelligence; si vous ne  venez au secours de mon impéritie dans les affaires de ce monde, elle nous fera perdre l'occasion d'étendre le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

« Le moindre fils de votre charité en Jésus-Christ,

« FRANÇOIS. »



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1. On ne donnait alors aux rois de Portugal que le titre d'Altesse.




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Message  Monique Mer 30 Mar 2022, 8:13 am

La ville de Lisbonne n'était plus reconnaissable, tant le ministère des deux saints Jésuites était béni de Dieu; et le roi n'en devenait que plus désireux encore de garder de tels apôtres pour faire revivre. la foi et la piété dans tout le royaume. La sainte vie des missionnaires leur attira des disciples qui s'offrirent à les suivre jusque dans les Indes, et Xavier, heureux de trouver dés jeunes gens propres à seconder son zèle, écrivait à saint Ignace « Notre nombre s'accroît; nous sommes six. J'ai connu à Paris tous ceux qui se sont joints à nous, excepté Paul et Manoel de Santa-Clara. Dieu a bien voulu exaucer nos vœux et seconder nos efforts en nous associant ces ouvriers pour travailler à sa vigne et célébrer son saint nom au milieu des nations infidèles.

« Nous attribuons à vos prières les bénédictions que le ciel daigne répandre sur notre ministère ; car les fruits sont au delà de toute proportion avec nos facultés, notre science et notre intelligence. Nous sommes assiégés au tribunal de la pénitence; la foule y est si grande et composée souvent de tant de personnages éminents par leurs dignités, que nous suffisons bien difficilement à tous.

« Le prince Henri, frère du roi et grand maître de l'inquisition, nous a priés de nous occuper des prisonniers de ce tribunal : nous les visitons tons les jours et nous cherchons à leur faire apprécier le bienfait que la bonté de Dieu leur a accordé en les plaçant ainsi dans la nécessité de pratiquer la pénitence. Nous leur faisons chaque jour une instruction commune, et nous leur faisons faire les exercices de la première semaine, dans lesquels ils trouvent une grande consolation, et dont ils retirent beaucoup de fruit. Plusieurs d'entre eux nous disent souvent que Dieu leur a accordé une insigne faveur, en se servant; de notre ministère pour leur faire connaître tant de choses indispensables au salut de leurs âmes... »

Le moment de prendre une décision approchait; Jean III réunit son conseil et lui demanda son avis, après toutefois avoir fait connaître son opinion, ou plutôt son vif désir de retenir les deux apôtres. A l'exception de l'infant don Henri, tous les conseillers furent de l'avis du roi, et on annonça aux Pères qu'ils ne sortiraient pas du royaume où ils faisaient un si grand bien.

Quelle que fut la douleur de François de Xavier, il se soumit aux ordres du souverain comme à la voix de la Providence, et continua ses travaux. Il ne se plaignit pas même à son Père Ignace : se bornant à lui exposer les faits avec son humilité et sa soumission habituelles, il attendit sa décision.


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Message  Monique Jeu 31 Mar 2022, 7:56 am

VII



La première chaire de théologie, à l'Université de Coïmbre, était occupée par un savant professeur de si grande réputation, qu'il avait perdu son nom de famille pour le public, et n'était plus connu dans tout le Portugal que par celui du pays où il était né: on ne l'appelait que le docteur de Navarre (1). II avait fait ses études en France, à Cahors, puis à l'Université de Toulouse où il prit ses grades et où il professa ensuite avec un très-grand succès. De cette chaire il avait été appelé à la première de Coïmbre ; mais il conservait un souvenir de reconnaissance pour la France, et assurait que tout ce qu'il savait, il l'avait appris à Toulouse. Cette ville devrait en être fière, car ce docteur de Navarre, aussi recommandable par sa haute piété et ses grandes vertus, que par sa science et les ouvrages qu'il a laissés, était frère de dona Maria, la pieuse et vénérable châtelaine de Xavier; il était oncle maternel de notre saint. ' Ou, comme on disait alors, le docteur Navarre.

Don Martino d'Azpilcuéta avait appris l'arrivée de son neveu à Lisbonne, ainsi que la réputation de sainteté qu'il s'était acquise à la cour et à la ville, et les bénédictions que Dieu se plaisait à répandre sur son ministère. Heureux de ces nouvelles, le docteur de Navarre écrivit à Xavier pour lui demander de le venir voir à Coïmbre et de ne pas refuser cette consolation à l'unique frère de sa mère. Xavier témoigna à don Martino sa reconnaissance pour l'affection que lui exprimait la lettre qu'il en avait reçue, et lui répondit qu'il ne pouvait abandonner ses occupations apostoliques, qu'il le reverrait au ciel où on ne se sépare plus.

Don Martino, jugeant que ses instances ne fléchiraient pas son neveu, écrivit au roi et le supplia de donner l'ordre à Xavier de faire un voyage à Coïmbre que lui-même ne pouvait quitter en ce moment; il offrait, pour obtenir cette faveur, de donner deux leçons de plus, sans augmentation d'honoraires, l'une de droit canon, l'autre de théologie mystique, et proposait même de suivre son neveu dans les Indes, et d'aller s'y consacrer avec lui à la conversion des infidèles. Xavier, à son tour, conjura le roi de ne lui pas donner un ordre dont sa conscience s'effrayait, et ce prince désirant lui être agréable, répondit par un refus. François de Xavier écrivit alors à son oncle et l'engagea à ne pas songer au voyage des Indes dont, à son âge, il ne pourrait supporter les fatigues.

«J'aurais fini là mes jours, dit don Martino dans son Manuel, si Xavier, à cause de mon âge, ne m'eût jugé incapable de supporter les grandes fatigues de sa mission, et s'il ne m'eût engagé en par«tant à me consoler de son absence par l'espérance de nous voir au ciel. »

Ce saint prêtre, chanoine régulier de Saint-Augustin, était vénéré pour sa piété, sa mortification et sa grande charité. Il mourut à Rome, à l'âge de quatre-vingt-cinq ans, et fut enterré dans l'église de Saint-Antoine de Padoue des Portugais, au Champ de Mars.


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1 Paul de Camerini, italien.



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HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER - Page 3 Empty Re: HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER

Message  Monique Ven 01 Avr 2022, 6:57 am

Saint Ignace de Loyola avait communiqué au pape la résolution du roi de Portugal à l'égard des deux missionnaires, et le pape avait laissé au roi la liberté de disposer de l'un et de l'autre comme il le jugerait bon pour la gloire de Dieu. Ignace écrivit alors à Xavier qu'il devait regarder les ordres du roi comme ceux de Dieu même et rester en Portugal.

Notre saint s'humilia profondément à la lecture de cette lettre. Jusque là, il avait espéré que Dieu ferait parler autrement son supérieur bien-aimé; maintenant il voyait qu'il était âgé indigne du grand apostolat qui depuis si longtemps était l'objet de ses vieux; il se soumit et redoubla de zèle dans son ministère de Lisbonne.

Peu de jours après, don Pedro de Mascarenhas vient le trouver :

Cher Père Francisco, vos paquets sont-ils faits ?

Ils le sont toujours, senhor; où dois-je aller? Je suis prêt à obéir aux ordres de Son Altesse.

Eh bien ! mon Père, préparez-vous pour une grande mission!

Me voici, senhor.

Aux Indes ! mon cher Père, aux Indes !

Aux Indes, senhor ?... Moi ?

Vous, Père Francisco de Xavier ! Le roi vous fait embarquer avec don Martino Alfonso de Souza !... Xavier était ravi; les larmes du bonheur et de la reconnaissance inondaient son visage qui, en ce moment, avait une expression plus céleste encore que d'ordinaire. Il embrassa don Pedro avec effusion, et don Pedro, plein d'admiration pour tant de zèle et de dévouement, remerciait Dieu au fond de son cœur d'accorder aux Indes un apôtre de cette valeur et d'une sainteté aussi éminente. Xavier ne lui demandait pas même d'où venait ce changement dans les intentions du roi. Il allait évangéliser les idolâtres, il partait pour les missions les plus lointaines et les plus dangereuses, son zèle pour la gloire de Dieu ne voyait autre chose que ce but, il était heureux

Vois ne me demandez pas, mon Père comment il se fait que le roi ait pris une résolution si contraire à ses désirs? lui dit don Pedro.

Il me suffit que Dieu ait manifesté sa volonté, senhor. Je suis si heureux de partir pour les Indes!

Je veux pourtant que vous sachiez tout; je suis même chargé de vous le dire. Le Père Ignace m'a écrit, il m'a prié de proposer au roi de garder le Père Rodrignez pour le Portugal et de vous envoyer clans les Indes. Quand le roi a lu la lettre du Père Ignace, il a cru y reconnaître l'ordre de Dieu, et il a fait le sacrifice qui lui était demandé. Voilà, mon cher Père, comment il se fait que j'ai pu vous apporter une nouvelle qui vous rend heureux et nous afflige, bien que nous rendions grâces à Dieu de donner aux Indes un apôtre de votre mérite. Vous embarquerez le 7 du mois prochain avec le vice-roi.

Xavier, au comble du bonheur, écrivit aussitôt au Père de son âme, ainsi qu'il appelait saint Ignace, et quelques jours avant son embarquement, il adressa une longue lettre à la Société de Jésus, à Rome, pour lui rendre compte de son apostolat en Portugal, de ses espérances pour celui des Indes et des sentiments dont sa grande et belle âme était remplie. Cette lettre fait si bien connaître la tendresse de cœur, la profonde humilité, le zèle bridant de notre saint, que nous ne. pouvons nous dispenser d'en citer de longs fragments: Lisbonne, 19 mars 1541.

« Que la grâce et l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ nous soient toujours en aide. Ainsi soit-il.

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HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER - Page 3 Empty Re: HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER

Message  Monique Sam 02 Avr 2022, 7:16 am

« Les meilleures nouvelles de la plus tendre des mères ne donnent pas plus de joie au cœur de ses enfants que je n'en ai éprouvé par celles que j'attendais de vous, et qui m'ont appris enfin le succès toujours croissant de notre Société. Maintenant, me voilà au fait de vos saintes occupations, de vos projets d'établissements spirituels et matériels, pour le présent comme pour l'avenir; je vois que vous arrangez les choses de telle manière que nos successeurs, pourvus de tout ce qui leur sera nécessaire pour travailler à étendre le règne de Dieu, puissent atteindre le but vers lequel nous tendons en mettant notre confiance en lui seul. Ah ! puis-je, bien qu'absent de corps, mais plus présent. que jamais, puis-je vous imiter dans la voie où il m'a fait entrer pour son service.

« Son Altesse approuve hautement notre manière de vivre et d'exercer le saint ministère, surtout depuis que l'expérience lui prouve les fruits qu'on peut en recueillir pour l'avenir, s'il parvient à augmenter le nombre des ouvriers. C'est ce qui lui a fait désirer d'établir un collège qui soit en même temps une maison de la Compagnie de Jésus. Trois d'entre nous restent à Lisbonne : maître Simon, maître Gonzalez et un autre prêtre, savant canoniste.

« Ce n'est pas un simple projet de la part du roi; c'est un plan bien arrêté. Chaque fois que nous voyons Son Altesse, elle nous parle de cette détermination que nul de nos amis, ni de nous n'a provoquée le moins du monde. C'est de lui-même que le roi s'est décidé à fonder ces collées, et il a choisi Evora pour le premier. Du reste, il se présente tous les jours de nouveaux sujets qui demandent à s'adjoindre à nous.

« Je crois que le roi demandera à Sa Sainteté un ou deux membres de notre Compagnie pour aider maître Simon. La bienveillance de ce souverain pour notre Société, exige de nous une bien vive reconnaissance ! Cet excellent prince désire l'accroissement de notre Compagnie autant que nous le désirons nous-mêmes, et seulement par amour du bien, par zèle pour la propagation de la foi. Aussi, lui devons-nous un entier dévouement, en vue de Dieu, seul moyen pour nous de répondre à sa parfaite bienveillance; car il ne se borne pas à nous accorder une destination, il pourvoit à tous nos besoins attentivement et libéralement. Si nous ne reconnaissions de telles obligations dans nos prières de chaque jour et au saint sacrifice de la messe, si nous ne nous efforcions, autant que notre faiblesse peut nous le permettre, de correspondre aux bienfaits de ceux qui secondent ainsi notre zèle pour la gloire de Dieu, nous serions coupables de la plus odieuse ingratitude! Si jamais il arrivait que notre dévouement se trouva au-dessous des obligations que nous avons au roi de Portugal, notre protecteur, nous serions indignes de vivre !...


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