HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER

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HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER - Page 9 Empty Re: HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER

Message  Monique Mar 16 Aoû 2022, 7:10 am

Cependant, don Joam de Castro, qui était venu rejoindre notre saint à Goa, ainsi qu'ils en étaient convenus,dépérissait chaque jour et se préparait sous sa direction à une mort qu'il prévoyait très-prochaine. Il avait remis l'administration de la province entre les mains d'un de ses ministres, don Garcia de Sà, en attendant l'arrivée de don Joam de Mascarenhas, le nouveau vice-roi, et ne s'occupant plus que de ses intérêts spirituels, il ne recevait que le Père de Xavier. Bientôt il lui donna la consolation de mourir dans ses bras avec les sentiments d'une si vive foi et d'une si douce confiance en Dieu, que François de Xavier disait à ce sujet

            J'ai eu la consolation de voir mourir un grand de la terre comme meurent les saints religieux.

Libre désormais de quitter Goa, où le vice-roi ne le retenait plus, l'illustre apôtre allait s'embarquer pour le cap Comorin, afin de revoir ses chers Palawars une fois encore avant de partir pour le Japon; mais en ce moment arriva un vaisseau portugais d'où débarquèrent cinq missionnaires de sa Compagnie venant d'Europe. Ce renfort d'ouvriers évangéliques remplit son coeur d'une grande joie, et lui fit retarder son voyage sur les côtes de la Pêcherie. Il fit prêcher aussitôt le Père Gaspard Barzée, qu'il savait être célèbre en Europe par son éloquence, et dont tout l'équipage, avec lequel il arrivait, lui faisait l'éloge le plus complet. Après l'avoir entendu, il le destina au poste qui mandait le plus de talent. L'arrivée des Pères ne ut pas la seule joie qui consola notre saint. Plusieurs gentilshommes portugais, passagers sur le bâtiment qui venait de porter les missionnaires, profondément impressionnés par l'exemple de leurs vertus et par l'éloquente parole du Père Barzée, vinrent supplier Xavier de les recevoir dans la Compagnie de Jésus. Le capitaine du vaisseau et le gouverneur d'une des plus importantes places étaient au nombre des aspirants. Notre saint les reçut avec bonheur dans le collège; il chargea un des Pères de leur faire faire les exercices spirituels de saint Ignace ; il remercia Dieu de toutes ces consolations, et il s'embarqua le 2 septembre pour le cap Comorin.

Les chrétiens des côtes étaient toujours persécutés par les Badages ; François de Xavier les consola, les fortifia et encouragea les missionnaires chargés de ces chrétientés, et qui se voyaient si souvent exposés à la mort. Après cette laborieuse tournée, il se remit en mer, le 22 octobre, et se rendit à Cochin, d'où il écrivit à saint Ignace et au Père Simon Rodriguez, les conjurant l'un et l'autre d'envoyer des ouvriers pour cultiver ses chères et nombreuses chrétientés des Indes qui se multipliaient si rapidement. Il écrivit au roi de Portugal pour lui demander d'employer des mesures propres à faire cesser les exactions dont les officiers royaux accablaient les chrétiens de la Pêcherie; et ayant obtenu que l'évêque de Goa envoyât don Joam de Villa de Conde, son vicaire général, porter au pied

trône les plaintes de son âme, il rédigea le plan du mémoire. qui devait être présenté au souverain, et que sa lettre appuyait et recommandait à l'attention du monarque. Notre saint joignit à ce plan, et sur la même feuille , des recommandations adressées au vicaire général et relatives à la mission qu'il allait remplir en Portugal (1).


1 Ces instructions, écrites et signées de la main de l'illustre Xavier, ne portent point de date ; mais la lettre au roi étant du 20 janvier 1549, indique la date approximative de ce précieux autographe conservé à Paris.

 
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Message  Monique Mer 17 Aoû 2022, 7:18 am

Le saint apôtre passa deux mois à Cochin, travaillant sans relâche, ne prenant pas un seul instant de repos, passant une grande partie de la nuit en oraison, et, comme toujours, se nourrissant à peine.

De Cochin, il se rendit à Baçaïm et demanda à don Garcia de sa une lettre pour le gouverneur de Malacca, afin qu'il lui facilitât le passage au Japon; puis il revint à Goa, et prit ses mesures pour le voyage après lequel il soupirait si ardemment.

La ville d'Ormuz, habitée par des peuples de tous les pays et de toutes les religions, avait besoin d'un missionnaire aussi savant que vertueux. Xavier n'envoyait d'ordinaire les Pères de la Compagnie que dans les lieux évangélisés d'abord par lui-même, et dont il connaissait les dispositions et lés ressources pour le succès de la religion; mais ne pouvant aller à Ormuz, sans remettre à l'année suivante son voyage .au Japon, il désigna le Père Barzée pour ce difficile mission, et lui adjoignit le frère Ramon Pereira, qui n'était pas encore prêtre.

Il envoya les Pères Lancilotti à Coulan, Gonzalez à Baçaïm, et Cypriano à Socotora; enfin, il nomma Paul de Camerini supérieur général de la Compagnie dans les Indes, en son absence, et Antonio Gomez recteur du collège de Goa. Il donna à Gaspard Barzée des instructions écrites si remarquables, que nous ne pouvons les omettre ici; elles font trop bien apprécier toute la sagesse, toute la prudence de notre saint, en même temps que la profonde et patiente étude qu'il avait faite du cœur humain et des pays qu'il avait si rapidement parcourus.

Il fallait un tel génie pour arriver si promptement à de tels résultats.


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Message  Monique Jeu 18 Aoû 2022, 7:30 am

V


INSTRUCTIONS DE SAINT FRANÇOIS DE XAVIER AU PÈRE GASPARD BARZÉE PARTANT POUR LA MISSION D'ORMUZ.



Goa, 1549.

« Que la grâce et l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ soient avec vous ! Ainsi soit-il.

« Ma tendresse pour vous ne vous laissera pas partir poux l'importante mission d'Ormuz, sans vous donner des instructions que je crois d'une grande utilité pour la gloire de Dieu, le salut des âmes et votre avancement spirituel.

« Votre soin principal doit être celui de votre propre perfection. Acquittez-vous d'abord de ce que vous devez à Dieu et à votre conscience; c'est le plus sûr moyen de faire beaucoup de fruit dans les âmes.

« Attachez-vous à l'exercice des plus humbles fonctions de votre Ministère, afin d'avancer davantage dans l'humilité. Enseignez vous-même le catéchisme aux enfants des Portugais, à leurs esclaves et aux enfants indigènes; ne vous déchargez de ce soin sur personne. Faites-leur répéter, mot à mot, les prières que tout chrétien doit savoir par cœur; vous vous exercerez ainsi à la patience; vous édifierez le prochain, et l'estime que vous attirera votre modestie vous fera juger plus propre à enseigner, à tous, les mystères de la religion.

« Visitez les pauvres et les malades dans les hôpitaux; exhortez-les à recourir au sacrement de Pénitence qui efface les péchés, et à celui de l'Eucharistie qui est un préservatif contre les rechutes. Lorsqu'ils voudront se confesser, entendez leur confession sans retard si vous le pouvez. Après les soins donnés à l'âme, soignez le corps; recommandez ces pauvres malheureux aux administrateurs, et tâchez de leur procurer d'ailleurs tous les secours, tous les adoucissements possibles.

« Visitez les prisonniers, engagez-les à faire une confession générale; plus que d'autres ils ont besoin d'être pressés là-dessus, car on en trouve peu parmi eux qui aient jamais fait une confession exacte. Priez les confrères de la Miséricorde de s'employer auprès des magistrats, afin d'obtenir leur élargissement et d'aider les plus pauvres.

« Servez, autant que vous le pourrez, la confrérie de la Miséricorde, et travaillez à la développer. Vous rencontrerez de riches négociants qui, après s'être confessés, auront à restituer du bien mal acquis, et vous confieront l'argent destiné à cette restitution, ne sachant plus à qui elle est due. Versez la somme tout entière dans les mains du trésorier de la Miséricorde, afin de n'être point trompé clans l'usage que vous en ferez ; car souvent des personnes qui vous paraîtraient mériter cette aumône par la misère qu'elles vous accuseraient, ne seraient que des imposteurs qui ne surprendraient pas ainsi la bonne foi des confrères de la Miséricorde, dont la principale application est de distinguer les véritables pauvres de ceux qui n'en ont que l'apparence. Vous en serez d'ailleurs plus libre pour l'exercice de votre ministère tout dévoué à la conversion des âmes, car la distribution des aumônes prend beaucoup de temps et donne beaucoup de distractions et d'embarras. Enfin, par ce moyen, vous préviendrez les plaintes et les soupçons de ceux qui, disposés à de mauvaises interprétations, penseraient peut-être que, sous prétexte d'acquitter les dettes de vos pénitents, vous détournez à votre usage une partie de l'argent qui vous a été confié.

« Agissez avec les personnes du monde qui se diront vos anis, ou avec lesquelles vous aurez des relations habituelles, comme si elles devaient un jour devenir vos ennemis. De cette manière vous ne ferez et ne direz jamais rien qu'on puisse tourner contre vous dans un moment de colère. On est obligé de prendre ces précautions avec les enfants du siècle qui, en général, observent les enfants de lumière avec défiance et malignité.

« N'ayez pas moins de circonspection pour tout ce qui regarde votre avancement spirituel. Tenez pour certain que vous ferez de grands progrès, dans le mépris de vous-même, et dans l'union avec Dieu, si vous réglez toutes vos paroles et toutes vos actions selon la prudence. L'examen particulier vous y aidera beaucoup ; ne manquez jamais de le faire deux fois par jour, ou tout au moins une fois, suivant notre méthode, quelles que soient vos occupations...


A suivre...
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Message  Monique Ven 19 Aoû 2022, 6:57 am

« La prédication est un bien général; de toutes les fonctions du ministère évangélique, c'est celle dont on retire le plus de fruit. Prêchez donc le plus souvent que vous le pourrez; mais gardez-vous d'avancer des propositions douteuses; ne prenez pour sujet de vos sermons que des vérités certaines ,claires et qui amènent d'elles-mêmes à la réforme des mœurs. Faites ressortir la majesté infinie de Dieu, et l'énormité du péché qui l'outrage. Imprimez dans les esprits la crainte de la redoutable sentence qui sera fulminée contre les réprouvés au jour du dernier jugement. Représentez, avec toutes les ressources de l'éloquence, les supplices éternels auxquels ils seront condamnés. Enfin, parlez de la mort, et de la mort subite, à ceux qui vivent dans 1'indifférence et l'oubli de leur salut, avec une conscience chargée de crimes. A toutes ces considérations, ajoutez celle de la Passion et de la mort du Sauveur des hommes, mars faites-le d'une manière touchante, pathétique, propre à exciter dans les cœurs une vive douleur des péchés commis, et à les émouvoir jusqu'aux larmes. Voilà ce que je souhaite que vous vous proposiez en prêchant.

« N'avertissez jamais en public les magistrats, les principaux officiers dont la conduite vous parait blâmable. S'ils viennent se confesser à vous, faites-leur vos observations dans le secret du tribunal de la pénitence , et, dans le cas contraire, allez leur faire une visite et parlez-leur en particulier. Ils sont d'ordinaire fiers et délicats : un avertissement public, au lieu de leur être utile, les rendrait furieux et intraitables, comme le taureau piqué par le taon. Mais ne donnez ces sortes d'avis qu'après avoir gagné la confiance et l'affection de ceux que vous aurez à reprendre, et employez la douceur ou la force, selon le degré d'influence que vous aurez pu acquérir. Tempérez toujours vos observations parla douceur de la voix, la bienveillance du regard, le choix des expressions, et qu'un sourire aimable accompagne vos paroles; du reste, protestez qu'un sentiment de tendre charité est le seul qui vous inspire. Et si vous voyez que, malgré ces protestations, vous avez froissé leur susceptibilité, embrassez-les, pressez-les dans vos bras, témoignez-leur le plus vif intérêt. La réprimande est fâcheuse et amère par elle-même; si elle est accompagnée de paroles dures et d'un visage sévère, des hommes habitués à la flatterie la rejetteront et s'emporteront contre le censeur de leur conduite.

« Pour la confession; dans ces contrées de l'Orient où la liberté de pécher est très-grande et l'usage de la pénitence très-rare, voici la méthode que je crois la meilleure : quand un pécheur, habitué au vice depuis longtemps, voudra se confesser à vous, engagez-le à prendre deux ou trois jours pour examiner sérieusement sa conscience, en repassant sur toute sa vie depuis son enfance, et faites-lui écrire ses péchés pour aider sa mémoire. Il ne faudra pas toujours l'absoudre après cette confession; quand vous le pourrez, il faudra le faire éloigner du monde pendant deux ou trois jours, et l'exciter à la douleur de ses péchés et à l'amour de Dieu, afin de lui rendre plus utile l'absolution sacramentelle. Pendant cette courte retraite, vous l'enseignerez à méditer; vous lui ferez faire quelques exercices de la première semaine; vous lui conseillerez quelque mortification corporelle, comme le jeûne ou la discipline, pour s'aider à concevoir un plus grand regret de ses péchés. Et si le pénitent s'est enrichi par des voies injustes, s'il a flétri la réputation de son prochain, faites-lui restituer le bien mal acquis, et réparer le tort fait à l'honneur de ses frères; et s'il est engagé dans des occasions de péché, qu'il les quitte et s'en éloigne. Il doit faire tout cela pendant la retraite; c'est le temps le plus propre à exiger des pécheurs ces devoirs aussi difficiles qu'indispensables. Si vous vous contentiez de ses promesses, la ferveur passée, vous auriez la douleur de le voir retomber dans le précipice dont vous ne l'auriez pas suffisamment éloigné.

« Prenez garde de rebuter, par une sévérité précipitée, ceux qui ont commencé à vous découvrir les plaies de leur âme. Quelque grands que soient leurs crimes, écoutez-les avec patience et douceur; venez-leur en aide, soulagez leur honte en leur témoignant une grande compassion, et ne paraissez étonné d'aucun de leurs aveux, quelque énormes qu'ils soient. Persuadez-les, au contraire, que vous avez eu souvent l'occasion d'entendre ces sortes de confessions, et afin qu'ils rie désespèrent pas du pardon de leurs péchés, parlez-leur des miséricordes infinies de Dieu; dites-leur que, par sa grâce, vous avez le pouvoir de guérir toutes les plaies mortelles de l'âme; encouragez-les enfin par tous les moyens en votre pouvoir. Vous en trouverez quelquefois dont la langue est liée par la honte. Dans ces occasions, nous devons briser ce lien, et, pour cela, aller, s'il le faut, jusqu'à leur découvrir les faiblesses de. notre vie passée; cette confidence ouvrira leur coeur et amènera des aveux complets. Ah ! que pourrait refuser une véritable et ardente charité pour sauver des âmes rachetées par le sang de Jésus-Christ ! Mais quand, comment et jusqu'à quel point ce moyen doit-il être employé? C'est ce que la prudence, l'expérience, l'esprit de Dieu, vous inspireront au moment même.

« Vous rencontrerez des chrétiens qui ne croient pas à la présence réelle de Jésus-Christ dans le très-saint sacrement de l'autel. Cette incrédulité vient de leur éloignement des sacrements, ou de leur contact habituel avec les païens, les mahométans et les hérétiques; souvent, par le scandale que donnent d'autres chrétiens, et, je le dis avec autant de regret que de honte, par des prêtres dont la vie de votre le ministère ! Le peuple les voyant monter à l'autel sans préparation et sans respect, suppose qu'ils n'ont pas foi eux-mêmes clans la présence de Jésus-Christ au sacrifice de la messe. Faites en sorte que ces chrétiens vous exposent franchement tous leurs doutes; prouvez-leur ensuite la vérité de la présence réelle de Jésus-Christ, et tâchez de leur faire comprendre que le moyen le plus sûr d'être éclairés et de sortir de l'abîme de leurs vices et de leurs erreurs, est de faire une bonne confession générale et de s'approcher du divin sacrement de l'autel. Vous les amènerez ensuite facilement à y recourir souvent avec les dispositions requises.

« Ne pensez pas que tout soit fini quand le pénitent par une confession à laquelle il s'est pourtant préparé. Il faut encore creuser dans sa conscience et en retirer ce qu'il n'a pas vu. Interrogez tous ces marchands sur l'origine de leur fortune, sur la manière dont ils ont opéré leurs échanges, sur la nature de leurs livraisons, sur leurs contrats de vente et de prêt, et vous trouverez l'usure partout; vous reconnaîtrez que la plus grande partie de leur fortune est injustement acquise. Ils ont presque tous une telle habitude de ce genre de fraude et de rapine, qu'ils n'en ont point de scrupule, ou en ont si peu, qu'ils ne sen préoccupent pas. Insistez sur ce point à l'égard des gouverneurs, des trésoriers, des receveurs, de tous les officiers des finances. Lorsqu'ils se présenteront à vous, au saint tribunal, interrogez-les sur les moyens qui les enrichissent si promptement; sachez par quel secret leurs charges leur procurent de si grands revenus. S'ils font difficulté de l'avouer, insistez doucement de toutes les manières afin de les faire parler malgré eux, et vous découvrir les pratiques secrètes par lesquelles les gens d'affaires détournent à leur profit ce qui devrait être employé pour l'utilité publique. Ils achètent les marchandises avec les deniers du roi et les revendent pour leur compte personnel ; ils enlèvent tout sur le port; ils forcent le peuple à acheter au prix qu'ils ont fixé, et ce prix est toujours excessif. Quelque fois ils font attendre et languir dans le besoin ceux à qui le trésor est redevable, et ils les obligent de composer avec eux et de leur laisser une partie de la somme qui leur est due; et ce vol manifeste, ce hideux brigandage, ils le décorent du nom d'industrie. Ce n'est que par le moyen que je vous signale que vous parviendrez à savoir ce qu'ils doivent restituer au prochain pour se réconcilier avec Dieu;  si vous leur demandez en général s'ils ont fait du tort au prochain, ils vous répondront que leur mémoire ne leur reproche rien à cet. égard. L'usage leur tenant lieu de loi, ils se persuadent que ce qu'ils voient faire tous les jours ils peuvent le faire sans crime, comme si la coutume pouvait autoriser ce qui, soi-même, est criminel et vicieux. Vous ne reconnaîtrez jamais untel droit, et vous déclarerez à ces pécheurs que, pour mettre leur conscience en sûreté, ils doivent commencer par se défaire de leur bien mal acquis...

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Message  Monique Sam 20 Aoû 2022, 6:54 am

« Dès votre arrivée à Ormuz, allez vous présenter au grand vicaire, mettez-vous à genoux devant lui, baisez hument ses mains. Vous ne prêcherez point, vous n'exercerez aucune des fonctions de notre Institut sans lui en avoir demandé la permission ; vous lui obéirez en tout. N'ayez jamais de difficulté avec lui pour quelque chose que ce soit; tâchez, au contraire, de lui être agréable par vos services et de gagner son amitié par votre déférence et,votre disposition à lui céder toujours; amenez-le à désirer de faire les exercices spirituels, et faites-lui faire au moins ceux de la première semaine. Tâchez d'y amener aussi les autres prêtres, et si vous ne pouvez obtenir qu'ils fassent la retraite d'un mois, suivant notre coutume, engagez-les à la faire de quelques jours, et ne manquez pas de les visiter chaque jour pendant ce temps-là, et de leur développer vous-même les sujets des méditations.

« Témoignez au gouverneur le respect et la soumission due à sa dignité; ne vous mettez pas mal avec lui sous aucun prétexte, manquât-il à son devoir d'une manière grave. Attendez d'avoir acquis sa confiance et sa bienveillance par votre conduite et vos relations avec lui; alors, allez le voir sans crainte, témoignez-lui l'intérêt que vous attachez à son salut, et déclarez-lui avec douceur et modestie, le chagrin que vous cause le danger auquel il expose son âme et sa réputation. Faites-lui connaître l'opinion des peuples, la possibilité de la faire arriver au pied du trône, et l'avantage qu'il y aurait pour lui à satisfaire au plus tôt le publie; mais n'entreprenez cela qu'autant que vous serez sûr d'être écouté. Ne vous chargez jamais de lui porter les plaintes des particuliers; refusez-le absolument. Excusez-vous sur vos fonctions évangéliques qui ne vous permettent pas d'attendre des journées entières le moment d'une audience toujours difficile à obtenir. Ajoutez qu'eussiez-vous le temps de faire votre cour, et toutes les portes du palais fussent-elles ouvertes pour vous, à toute heure, vous auriez peu de succès dans vos démarches, si le gouverneur est tel qu'on le peint; s'il n'est touché ni de la crainte de Dieu ni du cri de sa conscience il ferait peu de cas de vos avis.

« Après les travaux ordinaires et indispensables pour les chrétiens, employez tous les moments qui vous resteront à la conversion des infidèles. Donnez toujours la préférence aux travaux dont le fruit s'étend plus loin. N'omettez jamais une prédication pour une confession ; ne laissez pas le catéchisme, qui doit se faire tous les jours à heure fixe, pour une visite particulière ou autre bonne œuvre. Une heure avant le catéchisme, ne négligez pas de parcourir la ville avec votre compagnon, et d'inviter tout le monde, à haute voix, à venir entendre l'explication de la doctrine chrétienne.

« Vous écrirez de temps en temps au collège de Goa pour rendre compte de vos travaux, de la manière dont vous exercez les fonctions évangéliques, du fruit - que vous en avez retiré jusque-là, et pour consulter sur les meilleurs moyens d'avancer la gloire de Dieu. Que vos lettres soient exactes, afin que nos Pères de Goa puissent les envoyer en Europe comme des preuves authentiques de nos travaux dans l'Orient, et des bénédictions que Dieu daigne répandre sur les efforts de notre petite Compagnie. Qu'il ne se glisse rien dans ces lettres dont personne ait lieu de s'offenser; rien qui ne paraisse vraisemblable, et qui ne porte à louer Dieu et à le servir.

« A votre arrivée à Ormuz, voyez les habitants notables dont on vous dira le plus de bien, et qui seront le mieux instruits des mœurs et des usages du pays. Informez-vous auprès d'eux des vices dominants et des fraudes les plus généralement pratiquées dans le commerce, afin de vous préparer à éclairer les consciences à cet égard, soit au tribunal de la pénitence, soit dans les relations extérieures.

« Toutes les nuits vous parcourrez les rues de la ville, en recommandant à haute voix de prier pour les morts et pour les vivants qui sont en état de péché mortel. Vous conformerez le ton de votre voix à la recommandation ce vous ferez .

« Ayez, en tout temps, le visage serein, la physionomie gaie, le regard doux et bienveillant, l'humeur agréable. Ne laissez jamais paraître ni tristesse ni impatience; vous éloigneriez ceux qui se sentiraient portés à vous ouvrir leur cœur. Parlez toujours avec douceur, soyez toujours aimable même lorsque vous reprenez quelqu'un; votre charité doit témoigner que la faute vous déplaît : mais non celui qui l'a commise. « Les dimanches et fêtes; vous prêcherez, vers deux heures après midi, dans l'église de la Miséricorde, ou dans une des principales églises de la ville, après avoir envoyé Ramon Pereira parcourir les rues avec une clochette, pour inviter le peuple à venir au sermon, à moins que vous ne préfériez aller faire vous-même cette invitation. Vous porterez à l'église l'explication du symbole des apôtres et le règlement de vie que j'ai rédigés. Vous donnerez une copie de ce règlement à ceux dont vous entendrez la confession, et vous leur imposerez, pour pénitence, la pratique de ce qui y est contenu, pendant quelques jours. Ils s'accoutumeront ainsi à une vie chrétienne, et feront bientôt d'eux-mêmes, habituellement, ce qu'ils n'avaient fait d'abord que par exception et sur l'ordre du confesseur. Mais comme vous n'aurez pas le temps de faire un assez grand nombre de ces copies, je vous conseille d'en faire faire une en très-gros caractère; vous l'exposerez dans un lieu public, et ceux qui voudront s'en servir pourront la lire ou la copier sans difficulté.

« Il viendra à vous des jeunes gens qui désireront entrer dans notre Compagnie. Examinez-les, et ceux que vous jugerez y être propres, envoyez-les à Goa avec une lettre qui exprime leur désir et vos observations sur leurs gants. Vous pourrez, si vous le préférez, les retenir auprès de vous; dans ce dernier cas, après leur avoir fait fait, pendant un mois, les exercices spirituels vous les éprouverez de manière à édifier le peuple sans les rendre ridicules eux-mêmes. Ainsi, ordonnez-leur de servir les malades dans les Maux et de leur rendre les services les plus abjects, les plus rebutants. Faites-leur visiter les prisonniers ; et quils apprennent à les consoler. Enfin exercez vos novices dans toutes les pratiques de l'humilité et de la mortification; mais ne souffrez pas qu'ils paraissent en public sous des vêtements ridicules qui attirent les moqueries du peuple. Je dis, bien loin de le commander, ne le souffrez pas. N'engagez pas indifféremment tous les novices aux épreuves que la nature abhorre le plus; examinez la force de chacun, et proportionnez les mortifications au tempérament, à l'éducation, à l'avancement spirituel, de manière à ce que vous puissiez espérer que l'épreuve ne sera pas inutile, et qu'elle fructifiera selon la mesure de grâce qui leur sera donnée.

« Si celui qui dirige les novices néglige ces ménagements, il arrivera que ceux qui auraient pu faire de grands progrès dans la vertu, s'ils eussent été conduits prudemment, perdront courage et retourneront en arrière. D'ailleurs, ces épreuves, trop fortes pour des âmes qui commencent, éloignent les cœurs du maître des novices, et lui font perdre la confiance de ses disciples. Celui qui forme les jeunes gens à la vie religieuse doit employer tous les moyens de gagner leur confiance, afin que, s'ouvrant à lui avec candeur et simplicité, ils lui découvrent leurs inclinations et les tentations qui les assiègent. Si les novices n'ont cette ouverture de cœur, ils ne se dégageront jamais des pièges du démon, ils n'arriveront jamais à la perfection religieuse. Ces premières semences du mal germent et se développent par le silence; insensiblement le novice se dégoûte, il se fatigue de la discipline religieuse, il finit par secouer le joug de Jésus-Christ, et il retourne au monde et souvent à tous ses désordres.


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Message  Monique Dim 21 Aoû 2022, 7:08 am

« Parmi les novices les uns seront portés à la vaine gloire, d'autres au plaisir des sens ou à d'autres vices. La meilleure manière de les guérir, est de leur faire composer des discours contre ces vices; vous leur ferez chercher tous les motifs et tous les moyens de les combattre et de les détruire, et vous leur ferez prêcher ces discours au peuple, dans l'église ou dans l'hôpital, aux convalescents, ou ailleurs. Il y a lieu d'espérer que cette étude et cette application leur seront plus utiles qu'à leurs auditeurs. Ils prendront pour eux-mêmes les remèdes qu'ils auront indiqués aux autres, et ne voudront pas rester dans la voie d'où ils auront cherché à éloigner leurs frères.

« Vous userez, à proportion, de la même industrie pour les pécheurs qui ne peuvent ,se décider à s'éloigner des occasions du péché, ni à restituer le bien d'autrui. Quand vous aurez gagné leur bienveillance, conseillez-leur de se dire à eux-mêmes ce qu'ils diraient à leurs amis en pareil cas, et engagez-les à chercher tous les motifs qui peuvent appuyer la condamnation de leurs délais ou de leur; résistance.

« Avant de parler de la grande affaire du salut, assurez-vous de la disposition d'esprit de celui que vous voulez sauver. Tâchez de découvrir s'il est calme ou agité par une passion violente; s'il se perd volontairement, où s'il est assez droit pour reconnaître la vérité lorsqu'on la lui présentera; s'il est entraîné au mal par la violence de la tentation ou par sa mauvaise nature; s'il est docile, de manière à espérer qu'il profitera d'un bon conseil, ou s'il est d'une humeur difficile et peu traitable. Tout cela doit être examiné, afin de parler à chacun d'après la disposition que vous aurez remarquée en lui. Usez de ménagement avec les esprits durs et difficiles; mais ne flattez jamais le malade; ne dites jamais rien qui puisse affaiblir la vertu du remède, ou en empêcher l'effet.

« En quelque lieu que vous soyez, n'y fussiez-vous qu'en passant, tâchez de savoir, par les habitants les plus honorables, non-seulement quels sont les crimes qui se commettent le plus ordinairement dans la ville, et les fraudes les plus usitées dans le commerce, ainsi que je vous l'ai recommandé pour Ormuz, mais encore les inclinations du peuple, les coutumes du pays, la forme du gouvernement, les opinions, tout ce qui touche à la vie civile. Croyez-moi, la connaissance de ces choses est de la plus grande utilité au missionnaire, pour remédier promptement aux maladies spirituelles, et être toujours prêt à faire du bien à tous ceux qui se présenteront à vous. Cette connaissance acquise rien ne vous surprendra, rien ne vous étonnera; vous manierez plus facilement les esprits, vous aurez plus d'autorité sur eux, vous saurez sur quels points vous devez le plus appuyer dans la prédication, et ce que vous devez recommander avec le plus d'instance dans la confession.

On méprise souvent les avis des religieux, sous prétexte qu'ils ignorent le monde et manquent d'usage; mais lorsqu'on en rencontre un qui sait vivre et qui a l'expérience des choses humaines, on l'admire comme un homme extraordinaire, on s'abandonne à lui, on se fait violence bien volontiers sous sa direction, ses conseils les plus difficiles sont mis en pratique. Tel est le fruit merveilleux de la science du monde. Vous devez donc travailler à l'acquérir, avec autant de zèle. que vous en aviez autrefois pour apprendre la doctrine des philosophes et des théologiens. Seulement, ce n'est pas dans les manuscrits, ce n'est pas dans les livres imprimés qu'on acquiert cette science; c'est dans les livres vivants, c'est dans les relations avec des personnes sûres et intelligentes. Avec cette science vous ferez plus de fruit qu'avec tous les raisonnements des docteurs et toutes les subtilités de l'école.

« Vous prendrez un jour de la semaine pour travailler à réconcilier les ennemis ou ceux qui, divisés par des questions d'intérêt, sont sur le point de plaider. Ecoutez les plaintes de chacun, proposez-leur des arrangements, tâchez de leur faire comprendre qu'il y a plus d'avantage à s'accommoder qu'à s'engager dans des procès interminables qui ruinent la conscience, la réputation et la fortune. Les avocats, procureurs et greffiers que la chicane enrichit, en seront peu satisfaits; mais faites-leur comprendre à eux-mêmes, qu'en prolongeant ou en provoquant les procès, ils s'exposent à une damnation éternelle. Et si vous pouvez même les engager dans une retraite de quelques jours, faites-le, afin que les exercices spirituels les éclairent et changent leurs dispositions.

N'attendez pas d'être à Ormuz pour prêcher; commencez sur mer, dès que vous serez embarqué. Ne cherchez à faire preuve ni d'érudition ni de mémoire en citant beaucoup de passages des anciens auteurs; citez peu et choisissez convenablement. Attachez-vous surtout à peindre l'état des âmes livrées au monde et au péché, de manière à ce qu'elles puissent reconnaître dans vos sermons, comme dans un miroir, leurs inquiétudes, leurs artifices, leurs frivoles projets, leurs vaines espérances. Vous leur montrerez l'abîme qu'elles se sont ainsi creusé; vous leur découvrirez les pièges qui leur sont tendus par l'esprit du mal; vous leur enseignerez les moyens de les éviter, et vous jouterez qu'ils ont tout à redouter s'ils s'y laissent prendre. Par là, vous captiverez l'attention; car on se fait toujours écouter quand on parle des intérêts de l'auditeur.

« Evitez les spéculations élevées, les questions embarrassées et controversées, ces choses au-dessus de la portée des personnes du monde, ne font que du bruit sans résultat pour l'amélioration des consciences. Vous n'attacherez vos auditeurs qu'en les représentant eux-mêmes; mais pour cela, il faut les avoir observés et approfondis; il faut les bien connaître. Etudiez donc ces livres vivants, et vous y trouverez les moyens de vous rendre maître des cœurs et de les diriger ensuite du côté où ils doivent aller.

« Je ne vous défends pas néanmoins de consulter l'Ecriture sainte, les Pères de l'Eglise, les saints canons, les livres de piété, les traités de morale, à Dieu ne plaise ! Ils vous fourniront des preuves solides pour établir les vérités chrétiennes, des remèdes souverains contre les tentations, des exemples héroïques de toutes les vertus. Mais tout cela est froid pour les esprits peu disposés à le recevoir, et ils ne peuvent l'être convenablement que par les voies que je vous ai signalées, connaître l'homme par une étude approfondie de lui-même, le peindre fidèlement et placer le tableau à un jour tel, que chacun puisse s'y reconnaître.


A suivre...
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Message  Monique Lun 22 Aoû 2022, 7:38 am

« Puisque le roi a donné l'ordre de fournir à vos besoins, usez de cette libéralité et ne demandez rien qu'à ses ministres. Refusez, même directement, ce que d'autres voudraient vous offrir; vous serez plus sûr de conserver votre liberté apostolique. En ce sens, qui prend est pris. Car si nous voyons la nécessité de donner un avis charitable à celui dont nous recevons l'aumône; nous sommes traités avec hauteur, comme si l'aumône que nous en recevons les faisait nos maîtres et leur donnait droit de nous mépriser. Ceci regarde certains pécheurs qui s'empresseront de vous rechercher, se feront honneur d'être de vos amis, et tâcheront de gagner votre amitié par toutes sortes d'attentions. Ne vous y trompez pas, s'ils recherchent votre société, ce n'est nullement dans le but d'en profiter pour l'amendement de leur vie : c'est pour vous fermer la bouche et s'éviter une censure qu'ils méritent. Sans repousser ces hommes-là, soyez en garde contre eux. S'ils vous invitent à leur table, ne leur refusez pas. Ne refusez pas non plus les présents de peu de valeur qui sont en usage dans les Indes, tels que fruits et eau fraîche (1), qu'on ne peut refuser sans témoigner du mépris; mais déclarez-leur que vous ne les recevrez qu'à la condition qu'ils recevront bien vos conseils, et que si vous allez manger avec eux, ce n'est qu'autant qu'il vous sera permis de les préparer à faire une bonne confession et à s'approcher de la table sainte. Quant aux présents que vous serez forcé de recevoir, envoyez-les de suite aux malades, aux prisonniers ou à d'autres pauvres. Le peuple en sera édifié et ne pourra vous taxer d'avarice, ni soupçonner votre délicatesse.

« Il me reste à vous parler de la prudence qu'un religieux doit apporter dans ses relations avec les femmes.

« De quelque condition qu'elles soient, vous ne leur parlerez jamais que dans un lieu public, comme l'église. Je ne puis vous permettre de les voir chez elles, hors le cas de nécessité, pour entendre leur confession, et en présence de mari ou de quelque pigent ou voisin. Si vous êtes obligé de visiter une veuve ou une fille, faites-vous accompagner d'un homme honorable.



1 Dans ces climats brûlants, il est d'usage d'offrir de l'eau fraîche à boire.


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HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER - Page 9 Empty Re: HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER

Message  Monique Mar 23 Aoû 2022, 8:02 am

Malgré ces précautions, vos visites doivent être rares et absolument nécessaires; car, avec les femmes, il y a toujours plus à perdre qu'à gagner. Leur légèreté donne aux confesseurs plus de travail qu'elle ne rapporte de fruit; aussi, conseillerai-je toujours de cultiver préférablement les maris. Il y a plus d'avantage à instruire les hommes, dont la nature est plus forte et plus constante. D'ailleurs, la piété des femmes et le bon ordre des familles dépendent très-ordinairement de la vertu des hommes.

« Quand vous serez arrivé à Ormuz, après avoir prudemment considéré l'état des choses, vous verrez où il conviendra que vous demeuriez, soit dans l'hôpital, soit dans la maison de la Miséricorde, ou dans un petit logement qui n'en soit pas éloigné.

«Si je vous appelle au Japon, vous écrirez aussitôt au recteur du collège de Goa par deux ou trois voies différentes, afin qu'il vous remplace par un de nos Pères, capable de consoler la ville d'Ormuz. Enfin, je vous recommande vous-même à vous-même, mon cher Gaspard; surtout, n'oubliez jamais que vous êtes membre de la Compagnie de Jésus !

« Dans les affaires particulières, l'expérience vous fera sentir ce qui sera le plus à la gloire de Dieu; car, en fait de prudence, l'usage est le meilleur maître.

« Souvenez-vous de moi dans vos prières et vos saints sacrifices, et recommandez  à ceux que vous dirigerez de prier pour moi le Maître que nous servons.

« Lisez ces instructions toutes les semaines, afin de n'en rien oublier.

« Plaise au Seigneur de vous conduire, de vous garder dans votre voyage, et cependant d'être toujours avec nous !




« FRANÇOIS. »

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Message  Monique Mer 24 Aoû 2022, 6:43 am

VI



François de Xavier allait ajouter dix-huit cents lieues à la distance immense qui le séparait, depuis sept ans, de ses plus chères, de ses plus saintes affections. Mais, au jour de son sacrifice, il s'était voué à la gloire de Dieu, et à sa plus grande gloire, il s'était voué au salut des âmes, il s'était voué à l'immolation continuelle de lui-même, et cela pour toujours. Et depuis ce moment, le généreux apôtre, dévoré du besoin de souffrir pour le Dieu qu'il aimait d'un si ardent amour, était insatiable de privations et de fatigues, de dangers et de travaux. ,

Ses amis de Goa renouvelèrent, en cette circonstance, les scènes d'opposition et de désolation que nous avons vu à Ternate pour l'empêcher de tenter l'abordage aux clés du More. On lui faisait les plus effrayantes peintures des dangers de la navigation dans ces mers semées d'écueils, surtout dans un moment où les vaisseaux portugais, expulsés de tous les ports de la Chine, et se tenant éloignés de ses eaux, ne pouvaient porter le moindre secours à celui dont le hardi courage affronterait ces périls. Mais l'intrépide Xavier repoussa les sollicitations de l'amitié avec la même dignité et la même fermeté qu'à Ternate : il demeura inébranlable.


« Les capitaines Jorge Alvarez et Alvarez Vaz ont le courage de s'exposer à ces dangers dans l'intérêt de leur négoce, dit-il à plusieurs de ses amis venus dans le but de le retenir, pourquoi vous persuader que je serai plus malheureux qu'ils ne l'ont été jusqu'à présent? Pourquoi voulez-vous croire que le vaisseau que je monterai sera pris par les pirates plutôt que les leurs? pourquoi le typhon me serait-il plus nuisible? Vous allez courir tous ces dangers pour un misérable intérêt de commerce, et vous voulez m'empêcher de m'y exposer pour le salut des âmes, pour la gloire de Dieu? Je vous avoue que je suis peiné de votre peu de foi, et que je suis confus d'avoir été prévenu; je suis affligé de voir que les missionnaires ont eu jusqu'ici moins de courage que des marchands. Je vous remercie néanmoins de votre sollicitude; votre amitié me touche, mais je suis forcé de lui résister. La divine Providence m'a toujours protégé, elle m'a toujours secouru, rien n'altèrera ma confiance en elle ! Ne m'a-t-elle pas déjà préservé de mille dangers sur mer? N'est-ce pas elle encore qui m'a préservé de l'épée des Badages et des poisons de l'île du More ? Et vous vouai me persuader maintenant que je dois m'en défier ?

« D'ailleurs, ma mission n'est pas bornée aux Indes; j' y suis venu avec l'intention et le désir de porter la foi jusqu'aux extrémités de la terre, s'il est possible J'irai donc au Japon ! »

Que pouvaient les amis de notre saint? L'admirer et s'affliger. c'est ce qu'ils firent en priant ardemment pour sa conservation.

« ..... J'entreprends ce voyage avec joie, écrivait le saint apôtre à son bien-aimé Père Ignace ; l'avenir me sourit par les brillantes espérances qu'il me présente pour le succès de mes travaux au milieu de ces peuples. «Les Japonais, tous païens, n'ont parmi eux ni juifs, ni mahométans, et ils sont très-curieux des sciences divines et naturelles. . . . . .. .

« ..... J'irai d'abord me présenter à l'empereur, puis, dans les académies et les universités, et là j'espère faire triompher l'Evangile ! Paul de Sainte-Foi m'assure que, d'après une tradition de ce pays, les superstitions du Japon sont venues de Cénic ville située au delà de la Chine et du Cattay.
(1)


1 Aujourd'hui le Thibet.


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Message  Monique Jeu 25 Aoû 2022, 5:48 am

« Lorsque je serai fixé au milieu de ce peuple, je vous instruirai de ses mœurs, de sa littérature, de son gouvernement. Je ferai plus, je donnerai ces détails à l'Université de Paris, afin qu'elle les communique aux autres Universités de l'Europe. J'emmènerai le Père Côme de Torrez et les trois Japonais dont je vous ai parlé.

« On compte treize cents lieues (2) de Goa au Japon; il faut passer le détroit de Malacca, doubler ce cap, longer les côtes de la Chine. Je n'ai pas d'expressions pour vous peindre la joie que me donne la pensée de cette entreprise ! Je serai exposé aux plus grands dangers que l'Océan puisse offrir- celui des tempêtes, qui sont fréquentes et terribles dans ces parages : celui des écueils, des bancs de sable, des brisants qui sont perfides dans ces mers inconnues, avec des pilotes inexpérimentés ; enfin, celui des pirates dont ces dangereuses mers sont infestées. Les périls de cette traversée sont tels, que nos marins se trouvent très-heureux de sauver un navire sur trois.

« Tout cela ne peut que m'animer davantage. Dieu me donne une telle conviction que je planterai la Croix de Jésus-Christ sur ce sol païen, que je ne reculerais pas, les dangers fussent-ils plus grands encore ! Vous pouvez juger des motifs de cette conviction, par les mémoires que je vous envoie sur ce pays.

« Je pense que vous avez à Rome, et ailleurs, beaucoup de nos religieux qui n'ont de goût ni pour la prédication, ni pour l'enseignement dans les collèges. Ils seraient bien utiles ici pour nos missions, pourvu toutefois qu'ils soient exercés dans la pratique de toutes les vertus, d'une pureté angélique et d'une force de corps et d'esprit capable de suffire à de grands travaux et de supporter de grandes peines.

« ... Ce n'est pas une petite besogne, je vous assure, que de faire ici des chrétiens et de les maintenir ! Il est donc bien essentiel pour nous, qui sommes les enfants de votre cœur, et si éloignés devons, que vous nous souteniez de la force de vos prières. Vous savez combien il y a de peine à former et à gouverner ceux qui jusqu'alors n'ont connu ni Dieu ni la raison, et qui regardent comme une véritable calamité la nécessité de changer des habitudes criminelles, devenues pour eux une seconde nature ! »




2 Il y en a plus de dix-sept cents.


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Message  Monique Ven 26 Aoû 2022, 6:15 am

« Le séjour en ces climats est très-pénible, soit à cause des chaleurs excessives de l'été, soit à cause des pluies et des orages qui règnent tout l'hiver. A Socotora, aux Moluques, au cap Comorin, on trouve à peine de quoi vivre; et cependant, les travaux du corps et de l'esprit y sont immenses, incroyables ! Il faut toujours combattre, toujours résister avec les Indiens; ajoutez à cela l'extrême difficulté de leurs différentes langues et de leurs nombreux dialectes. Enfin, les dangers pour la vie de l'âme et pour la vie du corps y sont aussi grands qu'ils y sont fréquents. Néanmoins, et pour que tous nos frères en rendent à Dieu d'immortelles actions de grâces, je puis vous assurer que tous ceux de vos enfants qui sont aux Indes sont aimés, et, je dirai même, tendrement chéris de tous les peuples des païens, des chrétiens, des Portugais, des Indiens, des citoyens, des magistrats et des. supérieurs ecclésiastiques. . . . .

« Partout où il y a des chrétiens, on jouit de nos travaux. Aux Moluques, on compte quatre de nos ouvriers évangéliques; Malacca, deux; au cap Comorin, six; à Coulan, deux; à Baçaïm, deux; à Socotora, quatre; et, malgré les énormes distances, tous sont sous la direction d'un seul. Goa est éloigné des Moluques de plus de mille lieues (1); Malacca, de cinq cents; Comorin, de deux cents; Coulan, de cent vingt cinq; Baçaïm, de soixante; Socotora, de trois cents. Partout où sont nos frères, il y en a un qui a l'autorité sur les autres; mais ceux qui commandent sont -si vertueux et si prudents, que les subordonnés trouvent le bonheur dans l'obéissance.......

« ....... Vous feriez une bien bonne œuvre, bien agréable à Dieu, et à nous tous qui sommes en exil si loin de vous, en nous écrivant une lettre d'instructions spirituelles; une lettre qui serait comme votre testament, par lequel vous lègueriez à vos enfants des Indes les richesses spirituelles que vous avez reçues de Dieu si abondamment. Faites-nous, je vous prie, cette charité, si votre temps peut se prêter à nos désirs !

« ........ Pour moi, je ne vous demande qu'une grâce, c'est de désigner un de nos Pères pour célébrer, pendant un an, le saint sacrifice à Saint-Pierre in Montorio, où le saint apôtre fut crucifié, et de me faire donner, par un des vôtres, des détails sur la situation de notre Compagnie, le nombre de ses profès et de ses collèges, ses travaux, les fruits qu'elle produit; car j'ai donné ordre de faire passer les lettres venant de Rome, à Malacca, d'où on me les enverra au Japon, par diverses voies, après en avoir fait plusieurs copies.

« O vous, mon vénérable Père, qui êtes vraiment le père de mon âme ! c'est à deux genoux que je vous écris, comme si j'étais sous vos yeux; c'est à deux genoux que je vous conjure de presser la divine Majesté, dans toutes vos saintes oraisons, dans toutes vos prières, dans tous vos saints sacrifices, de me faire connaître sa sainte volonté, tant que j'aurai un souffle de vie, et de me donner la force de l'accomplir ! Je demande le même secours à tous nos Pères et Frères. « Votre fils et serviteur en Notre-Seigneur.




« FRANÇOIS DE XAVIER. »



1 Il est probable que saint François de Xavier n'était renseigné sur ces distances qu'approximativement, car elles ont été reconnues depuis beaucoup plus considérables.


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Message  Monique Sam 27 Aoû 2022, 7:45 am

Cette longue lettre, François de Xavier l'avait écrite à genoux; il n'écrivait jamais autrement à saint Ignace. Et c'est avec le cœur plein de cette vive et sainte tendresse pour le Père de son âme, son unique Père dans les entrailles de Jésus-Christ, que l'héroïque apôtre va mettre dix-huit cents lieues de plus entre cette chère affection et lui ! Et cela, après avoir calculé que les lettres de Rome ne pourraient lui arriver au Japon qu'à deux ans de leur date !...

Mais, nous l'avons vu, la grande âme de Xavier était altérée de travaux, de souffrances, de sacrifices de tout genre, et, il vient de nous le dire lui-même, eût-il dû sacrifier bien davantage encore, il n'aurait pas hésité : la gloire de Dieu lappelait au Japon ! N'écrivait-il pas au Père Simon Rodriguez :


« Le chrétien préfère la croix au repos. »

Le Père Gaspard Barzée fit voile pour Ormuz dans les premiers jours d'avril 1549. Le Père de Xavier, devant partir huit jours après lui, écrivit, pour la direction du Père Paul de Camerini, des recommandations où l'on retrouve toute la sagesse, toute la prudence, toute la douce et tendre charité de notre saint. Leur peu d'étendue nous permet de les reproduire en entier.


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Message  Monique Dim 28 Aoû 2022, 7:05 am

AU PÈRE PAUL DE CAMERIMI.



Avril, 1549.



« Que la grâce et l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ soient toujours avec vous ! Ainsi soit-il.

« En partant pour le Japon, je viens vous conjurer, par le zèle qui vous anime pour le service de Dieu, et par votre attachement à notre Père Ignace et à la Compagnie de Jésus, mon cher Paul, de conserver, dans vos rapports avec Antonio Gomez, une profonde humilité et une grande circonspection, de manière à vivre avec lui dans une douce paix, et à mériter son amitié en conservant son estime. Agissez de même avec nos Pères dispersés dans les Indes. Bien que je les connaisse assez intimement pour être persuadé qu'ils n'ont pas absolument besoin d'un supérieur pour les diriger dans leur ministère, je dois leur en désigner un à qui ils soient tenus d'obéir, afin qu'ils ne perdent pas le mérite de l'obéissance; d'ailleurs, la règle le veut ainsi. C'est pour m'y conformer que je vous ai nommé supérieur de tous nos Pères et de tous nos novices résidant à Goa ou dans les Indes. Je vous investis de toute autorité sur eux, avec des modifications que je vous indiquerai, comptant sur vos connaissances, votre prudence et votre modestie. Vous exercerez ces pouvoirs jusqu'au moment où une autorité supérieure et légitime vous les retirera dans la forme prescrite par nos statuts.

« Voici maintenant les restrictions que je crois devoir mettre à vos pouvoirs. Ecoutez-les

« J'entends qu'Antonio Gomez exerce une autorité pleine et absolue sur tous les novices portugais ou indigènes qui ne font pas partie du séminaire. Je lui confère la libre administration des revenus et deniers du collège, tant pour les recouvrements à faire que pour les dépenses qu'il jugera convenables.

«Vous n'avez donc aucune inspection sur son administration, vous n'avez aucun compte à lui faire rendre. Vous laisserez également à sa discrétion l'admission ou le renvoi des élèves portugais ou indiens, n'interposant jamais votre autorité dans aucune de ses décisions. S'il arrive que vous voyiez les choses sous un point de vue différent du sien, faites-lui part de votre manière de voir, donnez-lui des conseils, accompagnez-les même de prières et d'instances; mais n'usez j mais d'autorité, ne la faites jamais sentir dans aucune de vos paroles. C'est à lui seul que je donne le droit de punir les enfants des deux nations. C'est lui seul qui est chargé de la discipline intérieure, de la distribution des offices, de l'admission ou du renvoi des domestiques. J'entends qu'il jouisse, dans l'exercice de ses fonctions, de toute liberté, de tolite sécurité, sans avoir à redouter d'interpellation ou de contradiction de la part de qui que ce soit.

« Au nom de l'obéissance que vous avez vouée en toute liberté à notre Père Ignace dont je ne suis que l'organe, je vous en conjure, et ceci est de la plus grande importance, évitez avec soin toute altercation, toute discussion, même toute apparence de froideur avec Antonio Gomez ! Donnez-vous au contraire des témoignages réciproques, et non équivoques, de la plus sincère cordialité, de la plus étroite union, travaillant, chacun de votre côté, et selon vos moyens, à la gloire de Dieu et au bien commun de la Société, de manière à ne donner prétexte à aucun murmure soit au dedans, soit au dehors.

« Lorsque nos Frères, qui sont en mission dans les villes ou bourgs du cap Comorin, le Père Nicolas à Coulan, le Frère Cyprien à Méliapour, Melchior Gonzalvo àBaçaim, Francisco Perez à Méliapour, ou ceux qui sont aux Moluques, Joam Beira et ses compagnons,

lorsqu'ils vous écriront pour solliciter du préteur ou de l'évêque quelques grâces temporelles qui, dans certaines occasions, peuvent leur être de la plus grande nécessité, quittez tout pour, vous occuper exclusivement de l'objet de leur demande, vous entendant avec Antonio Gomez, afin que de son côté, il emploie généreusement et promptement tous ses moyens. Lorsque vous écrirez à ces chers ouvriers évangéliques, qui supportent le poids du jour et de la chaleur, qui sont toujours couverts de sueur et de poussière, gardez-vous bien de laisser couler jamais de votre plume la plus légère goutte de fiel ! Encouragez-les au contraire par tout ce que vous trouverez de plus doux et de plus consolant dans la charité de votre cœur. Évitez scrupuleusement tout ce qui pourrait leur donner le plus léger prétexte de plainte ou de reproche, tout ce qui pourrait les offenser ou les attrister. Pourvoyez promptement et aussi abondamment que possible à leur nourriture, à leurs vêtements, à tout ce que leur santé exigera. Représentez-vous les immenses et continuelles fatigues qu'ils supportent si courageusement, jour et nuit, au service de Dieu, sans la moindre consolation humaine ! Ceci regarde surtout ceux qui sont aux Moluques et au cap Comorin, car ils ont une lourde croix à porter ! Ah ! prenez garde, au nom de Dieu ! de l'aggraver et de les faire gémir sous le poids. C'est un devoir de justice si important pour vous qui gardez les bagages, de secourir ceux de vos Frères qui sont constamment sous les armes, que je vous conjure, au nom du Seigneur notre Dieu, au nom du Père Ignace, de ne rien négliger pour eux !

« Quant à vous, mon cher Frère, je vous recommande de continuer à marcher dans la voie de la vertu comme vous l'avez fait jusqu'à présent; de répandre autour de vous la lumière de l'exemple, et de ne laisser échapper aucune occasion de m'écrire. J'attendrai de vous de nombreuses lettres, me donnant des détails sur ce qui vous concerne personnellement, sur la Société en général, sur la bonne intelligence qui régnera entre vous et Antonio Gomez, sur chacun de nos Frères qui travaillent au cap Comorin, sur le Frère Cyprien qui est à Méliapour, sur ceux de nos Frères qui arriveront d'Europe cette année. Vous me manderez le nombre de ceux qu'un talent distingué a fait destiner au ministère de la parole, celui des prêtres et celui de ceux qui ne sont pas dans les Ordres. Vous ne me laisserez rien ignorer de ce qui concerne leurs familles, leur nombre, leur nom, leur âge, leurs qualités, leurs forces physiques, leurs vertus. Pour cette correspondance deux voies, au moins, vous seront ouvertes : deux fois par an un vaisseau de la marine royale appareille à Goa, le premier pour arriver en septembre à Banda, le second part en avril pour les Moluques; mais l'un et l'autre relâchent à Malacca, où notre Frère Perez recevra les lettres à mon adresse, et sera chargé de me les faire passer au Japon.

« Vous me ferez bien plaisir, si toutes les semaines vous relisez ce précis de mes intentions que je vous laisse en partant pour rappeler à votre souvenir ma personne plus encore que mes volontés; j'espère par là vous engager, vous et tous nos fervents chrétiens, à attirer sur moi, par vos prières, toutes les bénédictions de Dieu.

« Je recommande à Antonio Gomez, s'il arrive de Portugal de bons prédicateurs, d'en envoyer quelques-uns dans les missions circonvoisines, par exemple à Cochin, où l'on désire ardemment un membre de notre Société; sur la côte de Cambaie, à Diu. Je vous fais, à vous, Paul, la même recommandation; agissez de concert, pour cela, avec Antonio Gomez.

« Si les soins multipliés que vous devez à votre administration ne vous laissent pas le temps suffisant pour satisfaire à tous mes désirs, ordonnez à un de nos serviteurs portugais de recueillir ce qui se dit de côté et d'autre sur nos missions, et surtout sur celle d'Ormuz où,est le Père Gaspard; faites-vous renseigner également sur toutes les nouvelles importantes qu'on répand à Goa.


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Message  Monique Lun 29 Aoû 2022, 7:48 am

« Au départ de chaque navire pour Malacca, vous ferez du tout un paquet à mon adresse, auquel vous joindrez ce que vous aurez de particulier à me mander sur les différents établissements dépendants du collège de Goa, et sur leurs localités, choses que vous ne pouvez connaître encore.

L'expérience ne vous ayant rien appris sur les mœurs de la côte de Comorin, de Méliapour, de Coulan, des Moluques, de Malacca, d'Ormuz, vous ne dérangerez aucun des ouvriers évangéliques des postes qu'ils y occupent; car, sans le vouloir, vous pourriez, par un ordre inopportun; mettre la cognée à un arbre prêt à porter d'excellents fruits. Vous pourriez faire avorter les projets les mieux conçus et dont la réussite, objet de longs et pénibles travaux, serait sur le point d'éclore, et, avec les meilleures intentions, vous feriez un tort considérable à la religion et au salut des âmes. Je vais écrire au Père Antonio Criminale de ne pas bouger du poste qui lui est assigné, quelque réquisition qui lui soit faite, et de ne pas souffrir, qu'à la demande de qui que ce soit, on dérange aucun des ouvriers qui, sous ses ordres, travaillent dans le Comorin, à moins, toutefois, que les circonstances ne lui paraissent permettre la chose sans inconvénient. J'en écris autant à chacun de ceux qui dirigent ou occupent les différents postes, afin qu'ils ne laissent pas ruiner leur œuvre par le déplacement d'ouvriers nécessaires là, et qui, transportés inconsidérément ailleurs, feraient avorter les espérances les mieux fondées pour l'accroissement de l'empire de Jésus-Christ. Ninterposez donc votre autorité dans aucune de ces mutations, et ne commandez rien qu'après un mûr examen.

Je vous défends de jamais faire venir à Goa, malgré lui, aucun de nos Frères malades ou indisposés ; pressentez auparavant leur consentement : comme aussi je, veux que ceux qui, pour des motifs graves, viendraient à vous sans ordre, soient bien accueillis et traités avec la plus tendre charité, et qu'il soit pourvu à leurs besoins. Si, travaillés d'un malaise d'esprit, ils sont venus d'eux-mêmes ou par le conseil de leurs frères, chercher un remède à leurs maux spirituels dans la pénitence ou dans une retraite de quelques jours, vous leur procurerez tous ces secours avec une charité paternelle, afin de ne pas mettre leur âme en péril.

« Je finis en vous priant instamment d'apporter la plus rigoureuse exactitude dans l'accomplissement de tout ce que je viens devons prescrire, ô mon cher Paul ! « Je suis tout à vous.



« FRANÇOIS. »


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Message  Monique Mar 30 Aoû 2022, 7:32 am

On comprend à quel degré devait porter la vertu d'obéissance, celui qui avait un tel sentiment de l'autorité et de l'ordre en toutes choses, et combien devait être douce et paternelle l'autorité qu'il exerçait lui-même sur ses Frères.

C'est le plus admirable mélange de fermeté et de douceur que jamais homme ait possédé. Aussi, qui fût jamais plus aimé, plus tendrement vénéré que François de Xavier?

Le moment du départ était arrivé. Le 14 avril 1549, l'héroïque apôtre monta à bord d'une fuste qui le conduisit à Cochin où il devait trouver un navire en partance pour Malacca, et là, il en devait trouver un autre pour aller au Japon.

Le Père Côme de Torrez, le Frère Juan Fernandez (1), Paul de Sainte-Foi et ses deux domestiques s'embarquèrent avec lui. Il emmenait aussi, mais pour les laisser, l'un à Malacca, l'autre aux Moluques, les Pères Manoël Moralez et Alfonso de Castro.


1 Espagnol de la province de Biscaye.


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HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER - Page 9 Empty Re: HISTOIRE DE SAINT FRANCOIS DE XAVIER

Message  Monique Mer 31 Aoû 2022, 6:06 am


SIXIÈME PARTIE JAPON. (Mai 1549. - Novembre 1551.)



I



Diogo de Noronha ne connaissait le grand Xavier que de réputation; récemment arrivé dans les colonies portugaises, il avait témoigné à son jeune parent, don Pedro de Castro, le désir de voir le saint Père dont il avait entendu parler avec tant d'admiration à la cour, et Pedro l'avait engagé à faire la traversée de Goa à Cochin dans le même vaisseau que l'apôtre vénéré; il avait ajouté

Si tu laisses échapper cette occasion, tu peux ne la retrouver jamais; le Père de Xavier part pour le Japon, et Dieu seul sait s'il en reviendra.

Je désire le voir à cause de sa célébrité, avait ré pondu Diogo, mais je n'ai nulle envie d'en approcher; je craindrais d'être pris dans ses filets.

Sois tranquille, Diogo, le saint Père est l'homme le plus aimable; il causera avec toi de tout ce qu'il croira t'intéresser, et ne te dira rien de ta conscience. Je t'accompagnerai et te présenterai à lui, tu en seras charmé.

Les deux amis s'étaient donc embarqués sur la faste que montait le saint Père; Pedro se hâta de lui présenter son parent. François de Xavier accueillit le jeune Diogo avec sa bienveillance ordinaire; il l'entretint des familles de Noronha et de Castro, qu'il avait connues intimement, de la cour du Portugal et de ses intérêts dans les Indes, et ce fut tout. Diogo était sous le charme et ne vit s'éloigner qu'à regret celui qu'il avait d'abord redouté d'approcher

Je m'étais persuadé, disait-il ensuite à Pedro, qu'un saint de cette force-là ne savait que prêcher l'enfer et faire des miracles....


Et tu as vu qu'il est armé pour tous les genres de combats; quel que soit le sujet de la conversation, il a toujours la même supériorité.

Est-il bien vrai, reprit don Diogo, qu'il ressuscite des morts? A Lisbonne toute la cour en est persuadée, et on dit la chose prouvée.

Je n'en ai pas été témoin, répondit Pedro, mais à Goa, des hommes sérieux et peu crédules m'ont assuré l'avoir vu. Côsme Anez et Diogo de Borda, que tu connais, pressèrent un jour le saint Père de leur dire, à la gloire de Dieu, s'il était vrai qu'il eût rendu la vie à un enfant qui s'était noyé en tombant dans un puits; le Père de Xavier rougit, et répondit avec embarras

Moi ! un pécheur comme moi, ressusciter un mort ! pouvez-vous le croire ? On a mis cet enfant devant moi en m'assurant qu'il était mort ! tout pécheur que je suis, j'ai dit à l'enfant de se lever au nom de Jésus-Christ, et il s'est levé; voilà tout. Dieu sait s'il était réellement mort.

C'est fort ! dit don Diogo.

Il est certain que nous n'en ferions pas autant, répondit Pedro.

Diogo soupira profondément et laissa échapper une parole qui ravit son ami

Toi, Pedro, tu te confesses !....


A suivre...
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Message  Monique Jeu 01 Sep 2022, 7:32 am

Le lendemain, il vit le Père de Xavier jouant aux échecs, et prenant aussitôt le bras de Pedro il l'entraîne sur le pont, et lui dit avec l'expression de l'étonnement.

M'expliqueras-tu cette énigme, mon cher? comprends-tu un saint qui joue aux échecs?

Pour nous qui connaissons bien le saint Père, le mot de l'énigme est facile à trouver, il veut convertir celui avec lequel il joute.

Tu crois?

J'en suis certain; ce n'est pas la première fois qu'il emploie ce moyen de conversion, et il lui a toujours réussi.


On arrivait à un mouillage de la côte; tous les passagers descendirent à terre, et Pedro fit remarquer à son jeune parent que le père de Xavier, tenant son joueur sous le bras, pénétrait avec lui dans la forêt du rivage; l'air de satisfaction qui animait le visage de l'apôtre était facile à interpréter. Quand le signal du rembarquement se fit entendre, les passagers se hâtèrent de se rendre à bord; François de Xavier ne reparut pas. On s'empressa d'aller à sa recherche, on l'appela de tous côtés; ce fut en vain, le Père bien-aimé ne parut pas ! Pedro et Diogo pénètrent dans la forêt où ils l'avaient vu entrer en descendant; ils l'appellent à grand cris, toujours inutilement, et, découragés dans leurs recherches, ils reprenaient le chemin par lequel ils étaient venus, lorsque Diogo s'écrie qu'il voit à droite une lumière étrange au travers des arbres, et ils vont droit à ce phénomène qu'ils ont peine à croire, bien qu'il soit réel; ils avancent... Le saint apôtre était là en- oraison, son visage éblouissant de lumière, ses mains croisées sur sa poitrine, ses genoux ployés, mais ne touchant pas la terre; il ne voyait ni n'entendait rien de ce qui se passait

Le crois-tu saint, maintenant, malgré le jeu d'échecs? demanda Pedro à son ami.

J'en suis saisi
, lui répondit Diogo.

Et il disait vrai. Diogo était mondain, il était jeune, il aimait le plaisir, et cette vue produisait sur lui l'effet du remords: il était pâle, il était ému, il était éclairé !

Les deux amis ramenèrent à la terre celui que tout le monde cherchait et appelait avec tant d'anxiété, et la simplicité de François de Xavier, à son retour aux choses d'ici-bas, la grâce avec laquelle il remercia ses amis de leur sollicitude et de leur obligeance, achevèrent la conquête de Diogo de Noronha, et firent un bon chrétien de plus. Du reste, le jeune Portugais n'avait pas tardé à savoir ce qui s'était passé entre le joueur et le saint Père.


A suivre...
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Message  Monique Ven 02 Sep 2022, 6:33 am

François de Xavier n'entendait rien aux échecs; il y jouait assez mal. Voyant un des passagers, don Vincento Lopez, s'emporter à ce jeu et témoigner par ses jurements que sa conscience était en mauvais état, il l'avait engagé à se calmer dans l'intérêt même de la partie engagée, que trop d'émotion pouvait lui faire perdre. Après la partie, la conversation s'étant portée sur l'état de la religion dans les Indes, et le joueur ayant félicité le saint apôtre de ses succès miraculeux

Rien n'est impossible à Dieu, lui dit Xavier; il peut même d'un joueur effréné faire un chrétien exemplaire...

Ah ! je vous vois venir, saint Père ! je vous devine;... mais le miracle serait trop grand, vous ne me convertirez pas.


Rien n'est impossible à Dieu, senhor.

Mon Père, je vous aime beaucoup, mais vous ne m'aurez pas; j'aime mieux faire encore une partie voyons ! ajouta-t-il en se tournant vers quelques passagers portugais, qui veut entreprendre une partie d'échecs? don Henriquez ne veut plus lutter contre moi.

L'appel de Vincento resta sans effet; ses amis se refusèrent à seconder sa passion désordonnée pour le jeu et lui firent de nouvelles observations qu'il reçut avec sa gaieté et sa légèreté ordinaires. Le Père de Xavier s'empresse de s'offrir.

Vous, mon Père, mais vous ne savez pas les règles du jeu !

Qu'importe? seulement, comme vous êtes de première force et que je ne vaux pas même un écolier, que d'ailleurs je n'ai pas d'argent, convenons que l'enjeu sera votre conscience. Si je perds, vous la garderez telle qu'elle est, en attendant mieux ; si je gagne vous me la livrez et je la donne à Dieu !

Pour la rareté de l'idée, j'accepte ! Allons, saint Père, ma conscience pour enjeu !... La partie est à moi !


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Message  Monique Dim 04 Sep 2022, 8:01 am

On s'empare des échecs, la partie s'engage: Vincento se trouble; il voit sur le visage du saint Père une expression plus céleste encore que d'ordinaire, on dirait qu'un joueur invisible lui indique la marche qu'il doit suivre, les coups qu'il doit exécuter. Les assistants, sont émerveillés ; chacun demande à son voisin s'il est-il bien vrai que le saint Père ne sache pas jouer aux échecs. Vincento, hors de lui, s'écrie enfin:

Mon Père, vous dites que vous n'entendez rien au jeu, et vous êtes plus fort que moi !

Il est très-vrai que je ne sais pas jouer, senhor Vincento ; mais j'ai demandé à Dieu de me donner votre âme, et il veut bien me la faire gagner.


En effet, le saint Père gagna la partie, et Vincento, en homme d'honneur, dut payer son enjeu; et il le fit avec des larmes de douleur pour sa vie passée, et d'admiration pour la sainteté du grand apôtre qui venait d'opérer sa conversion par un tel prodige.

Xavier ne s'arrêta que peu de jours à Cochin; mais ce peu de jours lui suffit pour arracher encore une proie au démon: chacun de ses pas était une conquête sur l'enfer.

Un Portugais qu'il savait être coupable de plusieurs crimes cachés se rencontre sur son passage; il va droit à lui .

Eh ! senhor Marino, vous voilà à Cochin ! Je suis charmé de vous voir ! Comment vous pontez-vous? A merveille, mon Père; et...

A merveille ? Oh ! non...

Comment ! non? Mais je vous assure que si, mon Père !

Parce que vous pensez à la santé du corps seulement; mais je suis bien plus occupé de celle de votre âme, et je la sais en bien triste état ! Maintenant même, vous méditez une très-mauvaise action; je vous veux trop de bien, je porte à votre salut un intérêt trop grand, pour vous donner le temps de la commettre. Venez vous confesser !

Mon Père !... je ne suis pas prêt; j'étais loin d'y penser; je ne puis pas me confesser sans m'y être préparé:

J'en fais mon affaire, je vous préparerai; venez avec moi.


Marino aurait bien voulu échapper au filet du saint Père, mais il était trop tard. L'impression produite sur lui par la révélation que venait de lui faire notre saint était aussi forte que sa répugnance pour la confession, et, ne sachant ce qu'il faisait, il se laissa entraîner. Une fois aux pieds de l'irrésistible apôtre, il fut bientôt vaincu et sincèrement repentant.

Le Père de Castro ayant le plus grand succès à Cochin par l'éloquence de ses prédications, les Portugais supplièrent François de Xavier de le laisser dans cette ville; mais le saint apôtre l'avait destiné aux Moluques, où son talent était plus nécessaire encore, et il fut inébranlable. Alfonso de Castro s'embarqua donc le 25 avril avec notre saint, et partit pour Malacca, où il devait trouver un vaisseau faisant voile pour la mer des Moluques.


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Message  Monique Lun 05 Sep 2022, 7:08 am

II


SAINT FRANÇOIS DE XAVIER AUX PÈRES DU COLLEGE DE GOA.


« Que la grâce et l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ soient toujours avec nous ! Ainsi soit-il.

« Je me hâte de vous écrire, mes bien chers Frères, car je sais que ce sera une consolation pour vous d'apprendre les détails de notre voyage. Nous avons fait voile de Cochin le 25 avril, et nous sommes débarqués à Malacca dans la plus parfaite santé le 31 mai; en moins de quarante jours notre traversée s'est effectuée sans la moindre indisposition pour aucun de nous, le ciel et la mer nous ayant été constamment favorables. Nous n'avons couru aucun danger d'aucune sorte, grâces en soient rendues à Notre-Seigneur qui a visiblement protégé notre navigation.

« Le gouverneur, à la tête de tous les habitants de cette ville, du plus petit au plus grand, est venu nous recevoir au débarquement avec les témoignages d'une joie indicible. Dans notre première entrevue, je lui fis part de nos projets pour le Japon, et il me répondit par les offres les plus obligeantes, qu'il s'empressa de réaliser. Nous et toute la Compagnie lui avons des obligations infinies. Il voulait absolument équiper à ses frais, et pour nous seulement, un vaisseau portugais pour nous conduire au Japon, et il l'eût fait s'il en eût trouvé un propre à cette destination. Ne pouvant faire ce qu'il désirait, il se détermina pour un vaisseau de construction chinoise, appelé jonque, dont le capitaine, nommé le Voleur, est établi à Malacca, quoique Chinois et idolâtre. Don Pedro de Silva (1) n'a pas cru devoir s'en rapporter à la simple promesse que lui faisait ce païen de nous déposer sur les côtes du Japon : il a passé avec lui un contrat par lequel il est convenu que le Voleur mettrait sa femme et ses enfants en otage, entre les mains de don de Silva, qui les confisquera, ainsi que tous les biens qu'il possède à Malacca et dans les Indes portugaises, s'il ne rapporte des lettres de nous, attestant notre arrivée au Japon. Ajoutez à cet important service que le gouverneur nous a pourvus abondamment, non seulement pour notre route d'ici au Japon, mais encore pour notre débarquement et notre séjour. Sa générosité est allée plus loin : il nous a remis deux cents écus pour nous frayer le chemin jusqu'à l'empereur et nous faciliter la prédication de l'Evangile. Nous allons donc faire voile pour le Japon, sans relâcher dans aucun port de la Chine. Dieu favorisera, je l'espère, notre navigation et nous amènera sains et saufs dans cet empire où son saint nom sera glorifié pour la première fois, et dont nous serons les premiers apôtres !


1 Don Pedro de Silva de Gama était le troisième fils de l'amiral Vasco de Gama, célèbre navigateur.


A suivre...
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Message  Monique Mar 06 Sep 2022, 7:12 am

« Alfonso de Castro a célébré les saints mystères pour la première fois le jour de la très-sainte Trinité, avec diacre et sous-diacre. Un clergé nombreux, en surplis, est venu processionnellement chercher le nouveau célébrant à la Miséricorde, où nous demeurons. Nous suivions la procession qui nous a conduits à la cathédrale, et qui, après l'office, nous a ramenés chez nous. Il avait pour assistants le senhor vicaire général et Francisco Perez. Le Père Côme de Torrez remplissait les fonctions de diacre. Ce fut moi qui montai en chaire. Le peuple eut un plaisir infini à assister à une première messe célébrée avec une solennité dont il. n'avait pas eu d'exemple...

« Ne m'oubliez pas, mes chers enfants, et rappelez-moi au souvenir de nos Pères et de nos Frères; recommandez-leur de faire mémoire de moi au saint sacrifice et dans leurs prières quotidiennes; et qu'ils n'oublient pas le gouverneur de Malacca, dont les bienfaits pour notre Compagnie sont si importants, que nous sommes impuissants à nous acquitter envers lui, si nous n'appelons à notre secours la libéralité toute puissante de Dieu. Nous ne pouvons manquer à ce devoir sans nous rendre coupables du vice odieux d'ingratitude.

« Mandez-moi, Père Baltazar, des nouvelles de mon ami Cosme Anez. De quelles grâces le Seigneur notre Dieu favorise-t-il sa famille et sa maison? Parlez-moi de vous-même, de votre santé, de vos progrès dan la vie spirituelle. Dites-moi si vous êtes travaillé du désir de faire de grandes choses, et de souffrir beaucoup pour la gloire de Jésus-Christ. Je suis persuadé que, par amitié pour moi, vous ferez tout ce que je vous demande; mais afin de ne vous pas soustraire au mérite de l'obéissance, je vous en donne l'ordre. Tenez-vous prêt à partir au premier signal, car je vous appellerai près de moi plutôt que vous ne pensez.... »


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Message  Monique Mer 07 Sep 2022, 6:49 am

La sollicitude de François de Xavier pour toutes les contrées où il avait porté l'Évangile , lui fit écrire de nombreuses pages à ses frères de Goa, pendant les trois semaines qu'il passa à Malacca, avant de s'embarquer pour le Japon. Il ne cesse dans toutes ces lettres de leur indiquer tout ce qu'il croit utile pour le maintien de la foi dans ces chrétientés; il leur donne des avis spirituels pour eux-mêmes; il leur fait d'innombrables recommandations relatives à l'administration de la Compagnie, entrant dans les moindres détails, à ce sujet avec une prévoyance de toutes choses, une sagesse de conseil, une habileté qui tiennent du prodige. Après leur avoir rendu compte des travaux et des succès du Père Perez à Malacca, il ajoute, avec une humilité pénétrante

« J'espère bien que ce ne sera pas à lui que le Seigneur adressera ces paroles : Que faites-vous là tout le jour dans l'oisiveté? lui qu'à toutes les heures du jour ou de la nuit on trouve occupé à retirer les âmes de la fange du péché, ou à leur 'inspirer l'amour du Dieu qui les a créés !... Les églises ne sont pas assez vastes pour contenir son auditoire. Sa conversation est d'une politesse et d'une affabilité exquises; son abord est attrayant pour tout le monde; également aimable, également gracieux pour les grands et pour les petits, il est obéi, il est chéri de toutes les classes de la société. Son zèle insatiable le fait considérer comme un apôtre favorisé de Dieu.

« En vérité, mes Frères, je vous l'avoue, cet homme m'a fait rougir à mes propres yeux ! A la vue des riches et nombreuses dépouilles dont lui seul, faible et souffrant, enrichit incessamment l'Eglise, la conscience de ma propre lâcheté m'a couvert de confusion !...

« ..... Envoyez ici, sans délai, un prêtre ayant l'expérience du confessionnal, pour soulager Francisco Perez, assez écrasé par d'autres travaux. Il n'y a peut-être pas, dans toutes les colonies portugaises des Indes, une ville qui ait un besoin plus urgent de bons confesseurs que la ville de Malacca. Le commerce y attire une multitude d'étrangers, dont la majeure partie sont chrétiens et ont besoin de chercher, dans le sacrement de pénitence, un remède contre la fragilité humaine, et si ce tribunal ne leur est ouvert à propos, ils courent grand risque de se perdre..... »


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Message  Monique Jeu 08 Sep 2022, 5:47 am

Dans une autre lettre, en date du jour même de son embarquement, plein de ses pensées d'avenir pour le Japon, de ses préoccupations pour les immenses succès de la religion dans les Indes, de sollicitude pour ceux de ses Frères qu'il avait disséminés sur une étendue d'environ trois mille lieues, et dont les intérêts matériels l'occupaient jusque dans le plus petit détail, aussi bien que leurs intérêts spirituels, son cœur trouve encore le temps et les moyens de s'employer généreusement pour les amis auxquels il croit devoir sa reconnaissance. Son vaste génie, sa haute intelligence embrassent les affaires les plus diverses et les plus importantes, et les dirigent avec une sûreté de vue, une sagesse de prévoyance, une précision qu'on ne peut assez admirer, et qu'il n'est possible d'apprécier qu'en lisant sa correspondance. Mais cela ne suffit pas à sa grande âme, il faut encore que son cœur soit satisfait ! Il venait d'écrire au roi de Portugal en faveur de quelques officiers pour lesquels il demandait des récompenses méritées; il va écrire aux Pères de Camerini et Gomez pour un bien autre sujet....

Il rencontre à Malacca, la veille même de son départ, un de ses anciens amis, Christophe de Carvalho, à qui il fait observer que sa vie agitée est contraire aux intérêts de son âme, et lui témoigne un vif désir de le voir quitter soli commerce et se poser enfin de manière à trouver le calme nécessaire à la vie de l'âme. Ses avis sont goûtés; don Carvalho, d'ailleurs bols chrétien, lui promet de se rendre à ses désirs. A l'instant, une idée se présente au cœur de notre saint; il la met à exécution. Dona Froëz est veuve, elle a rendu des services à la Compagnie de Jésus dans la personne des Pères du collège de Sainte-Foi, et elle habite Goa. Sa fille est bonne et vertueuse; Christophe de Carvalho n'est pas marié, le Père de Xavier lui propose de l'épouser et lui fait l'énumération de toutes ses qualités. Il n'en fallait pas davantage à Carvalho : sans témoigner même le désir de voir la jeune fille, il promet de s'unir à elle, bien certain que Dieu la lui propose par la voix du saint Père. François de Xavier écrit le lendemain aux Pères de Goa pour les charger de négocier ce mariage; non-seulement il n'omet rien de ce qui peut éclairer sur don Christophe que les Pères ne connaissent pas, mais il leur demande d'agir près du vice-roi pour obtenir l'autorisation, en faveur de dona Froëz, de vendre la charge de son mari, charge dont le brevet, reversible sur le gendre et devant représenter la dot de la jeune fille, serait au-dessous de la naissance de Christophe de Carvalho; il ajoute :

« Si l'on vous oppose des difficultés, remuez-vous, ne vous découragez pas; faites tous vos efforts, employez toutes vos ressources et celles de vos amis; faites agir le trésorier et toute autre personne dont vous pourrez vous appuyer pour déterminer le vice-roi et son conseil à interpréter en faveur de cette veuve l'intention royale dans la concession de ce privilège. Qui ne voit, en effet, que Son Altesse n'a eu en vue que de faire la fille de Diogo Froëz héritière de la récompense que son père avait méritée? Vous gagnerez la cause; elle est trop juste pour que Dieu, protecteur des veuves et pères des orphelins, ne vous seconde pas. Si je prends tant d'intérêt a cette affaire, si je mets tant de chaleur à mes instances, c'est que je suis persuadé que nous ne pouvons rien négliger pour sa réussite, sans nous rendre coupables d'ingratitude envers notre bienfaitrice, tache honteuse qui rejaillirait sur notre Compagnie. Faites donc tous vos efforts pour renverser tous les obstacles qui s'opposeront à ce mariage que je crois ratifié dans le ciel, et que j'ai projeté dans l'intérêt de la vénérable veuve que nous avons coutume d'appeler notre mère, et dans celui de sa modeste fille. Vous trouverez dans Carvalho un homme facile, rond en affaires, scrupuleux observateur de sa parole. Il a à cœur cette alliance qui lui procurera le repos après lequel, je le sais, il soupire depuis longtemps. C'est assez pour vous faire comprendre le vif intérêt que m'inspire cette affaire, et pour vous en faire apprécier les motifs. Si j'apprends que mes veaux sont remplis, je vous serai aussi reconnaissant que si vous m'aviez obligé personnellement.

« Que Dieu nous réunisse dans sa gloire ! car il est douteux que nous nous revoyions jamais en ce monde.



« FRANÇOIS.


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Message  Monique Ven 09 Sep 2022, 7:06 am

Et maintenant, si l'on veut bien connaître la disposition intime de notre François de Xavier au moment de ce départ pour le Japon, il faut encore recourir à sa correspondance. Il mande à ses Frères de Rome, en date de Malacca, 22 juin :


« .... A peine débarqué, je reçus, de plusieurs négociants-portugais, des lettres du Japon. Elles m'apprenaient qu'un prince japonais, désirant embrasser le christianisme, a envoyé des ambassadeurs au vice-roi des Indes pour lui demander des prédicateurs , évangéliques. Ces lettres contiennent un fait assez remarquable que je vais vous raconter.

«Dans une ville du Japon, des marchands portugais logèrent, par ordre du roi, dans une maison inhabitée et que l'on disait être infestée de malins esprits. Bientôt, ignorant le motif qui leur avait fait assigner ce logement, ils sont surpris d'entendre un vacarme effroyable jusque dans leurs chambres, et de se sentir abîmés de coups, sans voir la main qui les frappait, sans découvrir, malgré les plus minutieuses perquisitions, la cause de cet étrange fait.

« Une nuit, s'étant éveillés aux cris d'un de leurs domestiques, et ayant couru précipitamment, et armés, vers l'endroit d'où venait le bruit, ils trouvent le domestique tremblant de peur; on lui demande pourquoi il crie, pourquoi il tremble. Il répond qu'il a vu le plus effroyable des spectres, que, saisi d'épouvante, il a fait le signe de la croix, et que le spectre a disparu à ce signe. Et remis de son trouble, le domestique se hâte de faire des croix partout dans la maison; il en met sur les murs, sur les portes, aux fenêtres, partout; et depuis ce moment, plus de bruit, plus de spectres; ils furent parfaitement tranquilles. Les habitants étonnés de la constance des Portugais à habiter une maison dont on n'osait approcher parce qu'elle était le séjour des lémures on démons, leur demandèrent ce qu'ils avaient fait pour les chasser. Ceux-ci leur répondirent qu'ils avaient un moyen certain : le signe de la croix. Aussitôt les habitants de cette ville placèrent des croix à l'entrée de toutes les maisons (1).

« Si nos péchés ne mettent pas obstacle à ce que Dieu veuille bien se servir de notre ministère, je crois que bon nombre de Japonais se soumettront à l'empire de la croix. Malgré cela, je ne me suis décidé à ce voyage qu'après mûre réflexion, mais j'ai connu la volonté de Dieu par des signes d'une telle certitude, que je me regarderais comme plus misérable que le Japonais idolâtre, si je m'étais laissé détourner de cette entreprise. L'ennemi du salut des hommes n'a rien épargné pour traverser mon départ; il nous redoute certainement.

« En arrivant, nous irons droit à la cour nous présenter au roi et lui faire connaître les ordres dont nous sommes chargés de la part du Roi des rois. Nous allons pleins de confiance en Dieu, espérant, sous sa conduite, triompher de ses ennemis. Nous ne redoutons point la lutte avec les lettrés japonais : quelle science peut avoir celui qui ne connaît pas Dieu et Jésus-Christ son Fils? et que peut avoir à redouter celui qui n'a d'autre ambition que la gloire de Dieu, d'autre désir que de sauver les âmes en prêchant l'Evangile? Il est vrai que nous allons nous trouver au milieu des barbares, dans l'empire du démon; mais que peuvent contre nous la rage des puissances infernales et la barbarie des hommes? Rien, sinon ce que Dieu permettra. Une seule chose est à redouter pour nous : c'est d'offenser Dieu. Si nous parvenons à éviter ce malheur, sûrs de sa protection, nous sommes également sûrs de la victoire. Jusqu'ici, Dieu nous a puissamment secourus dans les travaux entrepris pour sa gloire; il ne nous refusera pas,dans sa miséricorde,les secours qu'il nous a tant prodigués jusqu'à présent. L'important est que nous n'abusions pas des dons de la Providence; mais j'espère dans les prières de l'Eglise notre mère, l'épouse de Jésus-Christ, surtout dans celles de notre Compagnie et de ses affiliés; avec ce secours, nous ferons tourner à la gloire de Dieu les dons de Dieu même.



1 C'est ce qui donna au prince le désir de connaître la religion chrétienne, et lui fit demander des prédicateurs au vice-roi des Indes.


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Message  Monique Sam 10 Sep 2022, 6:26 am

 « Une pensée délicieuse nous pénètre d'ardeur et de forte : c'est que Dieu nous voit et pénètre nos cœurs, c'est qu'il lit au fond de nos âmes que notre unique but est de le faire connaître et servir, d'étendre son empire, de procurer sa gloire....

Le voyage du Japon est périlleux, j'en conviens; mais notre excellent Père Ignace nous disait souvent que les hommes de notre Société doivent surmonter courageusement toutes les craintes qui les empêchent de mettre leur confiance en Dieu seul. Je lie crois pas avoir jamais oublié cette recommandation.

« . . . . Les Japonais que nous emmenons nous disent que les bonzes, prêtres du pays, seraient scandalisés de nous voir manger de la viande ou du poisson; nous avons donc résolu de nous soumettre à une abstinence perpétuelle s'il le faut, plutôt que de scandaliser qui que ce soit.

« Que Dieu nous réunisse dans la céleste patrie, car je ne sais si nous nous reverrons jamais dans cet exil ! Cependant, la sainte obéissance a tant de force, qu'elle rend facile ce qui parait impossible.



« FRANÇOIS. »


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