Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De la Providence divine.XCIVCertitude de la divine Providence.SUITE
Pour résoudre ces difficultés, nous devons répéter ici en partie ce que nous avons dit précédemment, afin de prouver que rien ne se soustrait à l'action de la divine Providence et que l'ordre qu'elle a établi est absolument immuable, sans que pour cela tous les événements déterminés par le gouvernement de la Providence soient soumis à la nécessité.
La première chose à considérer, c'est que Dieu étant la cause de tout ce qui existe et tout recevant l'être de lui, il faut que l'ordre de sa Providence embrasse tout: car il doit conserver les êtres qu'il a appelés à l'existence et leur conférer la perfection qu'ils trouvent dans leur fin dernière. Dans toute disposition providentielle il y a deux choses à remarquer, savoir la préméditation de l'ordre à établir, et la réalisation de l'ordre préconçu parmi les êtres soumis à cette Providence;
— la première appartient à la puissance intellectuelle et la seconde à la puissance d'action.
— Il y a entre elles cette différence, que, pour ce qui regarde la préméditation de l’ordre à établir, la Providence est d'autant plus parfaite qu'elle est plus capable d'introduire l’ordre jusque dans les moindres détails. En effet, quand nous avons à régler quelque chose, si nous ne pouvons pas fixer d'avance l’ordre de tout ce qui est particulier, cela tient à ce que notre connaissance bornée ne peut pas s'étendre à tout individuellement ; et celui-là est doué d'une plus grande prévoyance, qui peut s'occuper d'avance d'un plus grand nombre de détails, au lieu que la prudence de celui qui ne prévoit les choses qu'en général est très restreinte ; et la même observation s'applique à tous les arts pratiques.
— Lorsqu'il s'agit, au contraire, de soumettre les êtres à l'ordre arrêté…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De la Providence divine.XCIVCertitude de la divine Providence.SUITE
— Lorsqu'il s'agit, au contraire, de soumettre les êtres à l'ordre arrêté dans l'intelligence, la providence de celui qui gouverne est plus digne et plus parfaite à proportion qu'elle est plus universelle et que s'augmente le nombre des ministres appelés à exécuter ses desseins; car l'organisation même des divers ministères entre pour beaucoup dans le plan préconçu.
— Or, la Providence divine doit atteindre le plus haut degré de la perfection, puisque Dieu est parfait absolument et sous tous rapports [liv. I, ch.28]. Donc, par sa Providence, il ordonne d'avance toutes choses dans les conceptions éternelles de sa sagesse; tous les êtres doués d'une opération quelconque agissent comme des instruments qui reçoivent de lui le mouvement, et en lui obéissant ils deviennent, en quelque sorte, ses ministres pour appliquer aux créatures l'ordre providentiel renfermé dans sa pensée dès l'éternité.
Or, si tous les êtres capables d'action le servent nécessairement lorsqu'ils agissent, il est impossible qu'un agent quel qu'il soit entrave l'exécution des desseins de la Providence divine, en agissant dans un sens contraire. Les défauts inhérents à l'agent ou au sujet de l'action ne peuvent pas davantage lui faire obstacle, puisque toute puissance active et passive se trouve dans les êtres en vertu d'une disposition divine.
De plus, il répugne qu'un changement survenu dans l'auteur de la Providence l'empêche d'exécuter ses décrets; car, nous avons prouvé que Dieu est complètement immuable [liv. I, ch.15]. Donc les dispositions divines ne sauraient en aucun cas rester sans effet.
Nous devons observer, en second lieu…
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Nous devons observer, en second lieu, que tout agent agit en vue du bien et vise au mieux possible [ch. 3]. Or, le bien et le mieux diffèrent dans le tout et dans les parties. Le bien du tout consiste dans l'intégrité qui résulte de l'ordonnance et de la composition des parties.
C'est pourquoi il est meilleur pour le tout qu'il y ait entre ses parties la disparité, sans laquelle il n'y aurait ni ordre ni perfection dans le tout, que si toutes ses parties étaient égales, en sorte que chacune d'elles s'élevât au même degré que la plus noble.
Au contraire, considérée en elle-même, chaque partie d'un degré inférieur serait meilleure, si elle était au même degré que la partie supérieure. Nous en avons une preuve dans le corps humain : le pied serait une partie plus excellente, s'il avait la beauté et exerçait les fonctions de l'œil ; mais le corps tout entier serait moins parfait, s'il était privé du ministère du pied.
Donc l'agent particulier et l'agent universel ont un but différent. L'agent particulier recherche le bien absolu de la partie et lui donne toute la bonté qui dépend de lui; mais l'agent universel tend à procurer le bien du tout. De là vient que tel défaut, qui est en dehors de l'intention de l'agent particulier, entre dans l'intention de l'agent universel : ainsi, la génération d'un animal du genre féminin est en dehors de la tendance de la nature particulière qui le produit, c'est-à-dire de la puissance active inhérente à tel sperme et qui s'efforce de perfectionner autant que possible l'être conçu; mais il est dans la tendance de la nature universelle, c'est-à-dire de la puissance active que possède l'agent universel pour la production des êtres des degrés inférieurs, qu'il naisse des animaux du genre féminin, sans lesquels la formation de beaucoup d'autres animaux ne pourrait pas se compléter; et, pour la même raison, la destruction, l'amoindrissement, et, en général, tout défaut rentre dans l'intention de la nature universelle, mais non dans celle de la nature particulière; car tous les êtres évitent l'imperfection et tendent à la perfection, selon leur pouvoir.
Il est donc clair que l'intention de l'agent particulier est que son effet se perfectionne autant que possible dans son genre, et que l'intention de la nature universelle est que tel effet soit parfait de telle manière : par exemple, qu'il arrive à la perfection propre à l'individu du genre masculin et que tel autre reçoive la perfection qui convient à l'individu du genre féminin.
La première distinction à établir entre les diverses parties de l'univers, c'est que les unes sont…
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La première distinction à établir entre les diverses parties de l'univers, c'est que les unes sont nécessaires, et les autres contingentes. Les êtres supérieurs sont nécessaires, indestructibles et immuables. Les autres s'éloignent d'autant plus de cette condition que le degré qu'ils occupent est moins élevé, en sorte que les plus infimes périssent dans leur être, varient dans leurs dispositions et produisent des effets qui ne sont pas nécessaires, mais contingents.
Donc tout agent faisant partie de l'univers s'efforce, autant qu'il le peut, de conserver son être, de persévérer dans sa disposition naturelle et de rendre stable son effet.
Or, Dieu, qui gouverne l'univers, veut que parmi ses effets ceux-ci soient stables en vertu de la nécessité, et ceux-là d'une manière contingente ; et à cette fin il leur prépare des causes diverses dont les unes sont nécessaires et les autres contingentes.
Donc l'existence de l'effet n'est pas seule renfermée dans l'ordre de la Providence, mais elle détermine encore que tel effet sera contingent et tel autre nécessaire; et c'est ce qui fait que toutes les choses qui relèvent de la Providence ne sont pas nécessaires; mais il y en a de nécessaires et de contingentes.
1º Evidemment donc,…
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1º Evidemment donc, bien que la divine Providence soit la cause essentielle de tel effet futur, elle l'est aussi de l'effet présent ou passé, et même de toute éternité. On n'en peut cependant pas conclure, comme on le fait dans la première objection, que l'effet doit avoir lieu nécessairement; car la Providence de Dieu est cause par elle-même que cet effet se réalise d'une manière contingente, et cette disposition ne saurait être changée.
2° Il est clair encore par cela que…
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2° Il est clair encore par cela que cette conditionnelle est vraie : Si Dieu a prévu que cette chose doit être, elle sera, ainsi que l'établit le second argument. Mais cette chose arrivera comme Dieu a prévu qu'elle doit arriver; or, il a prévu qu'elle aura lieu d'une manière contingente; donc, infailliblement, elle se réalisera comme effet contingent et non pas comme effet nécessaire.
3º On voit également que…
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3º On voit également que si la chose que l'on suppose prévue de Dieu comme devant arriver est du genre des êtres contingents, envisagée en elle-même, elle pourra n'être pas ; car elle a été prévue de telle manière, qu’elle soit contingente et qu'elle puisse ne pas avoir lieu; et toutefois il est impossible que l'ordre fixé par la Providence défaille, en sorte que cette chose ne soit pas produite comme effet contingent. Par là se trouve résolue la troisième difficulté. Aussi peut-on dire que tel homme, considéré en lui-même, ne régnera pas, mais non si l'on considère cet événement comme prévu.
4º Les explications que nous venons…
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4º Les explications que nous venons de donner font voir combien est peu solide l'objection de Cicéron. En effet, puisque le gouvernement de la Providence ne comprend pas les seuls effets, mais encore leurs causes et le mode d'existence de chacun [ch. 77 et suiv.], si Dieu fait tout par sa Providence, il ne s'ensuit pas que rien n'est en notre pouvoir; car Dieu a prévu ces choses de telle sorte que nous les exécutions librement.
5° On a tort d'affirmer…
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Chap. XCV. L'immutabilité de la divine Providence n'empêche pas la prière d'être utile.De la Providence divine.XCIVCertitude de la divine Providence.SUITE
5° On a tort d'affirmer, dans le cinquième argument, que la défectibilité des causes secondes, au moyen desquelles la Providence produit ses effets, peut détruire la certitude de cette Providence; car Dieu opère dans tous les êtres, suivant le bon plaisir de sa volonté [ch. 66 et suiv.]; par conséquent, il entre dans l'ordre de sa Providence de permettre quelquefois que ces causes défectibles manquent de produire leur effet, et d'autres fois de les garantir de tout défaut.
En traitant de la science de Dieu [liv. I, ch.67], nous avons prévenu les objections que l'on pourrait tirer de la certitude de cette science pour établir la nécessité des effets que Dieu a prévus.
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De la Providence divine.XCVL'immutabilité de la divine Providence
n'empêche pas la prière d'être utile.
Il faut observer que l'immutabilité de la Providence n'imposant aucune nécessité aux choses que Dieu a prévues, elle ne détruit pas non plus l'utilité de la prière; car nous n'adressons pas à Dieu des prières pour lui faire changer les dispositions éternelles de sa Providence, — ce serait impossible, — mais pour obtenir de lui ce que nous désirons. En effet :
1º Il convient que Dieu condescende aux désirs de la créature raisonnable, non en ce sens que ces désirs amènent un changement en Dieu, qui est immuable, mais parce que sa bonté l'incline à satisfaire les désirs légitimes. En effet, puisque tous les êtres désirent naturellement le bien [ch. 24], et qu'il appartient à la bonté suréminente de Dieu de leur distribuer, en suivant un certain ordre, l'existence et le mode d'existence qui constitue le bien de chacun, il est conforme à sa bonté de combler les pieux désirs qui lui sont exprimés par la prière.
2º L'office du moteur est de conduire le mobile à sa fin; aussi c'est en vertu de la même tendance naturelle qu'un être se porte vers sa fin, l'atteint et s'y repose. Or, tout désir est une sorte de mouvement vers le bien, et ce mouvement ne peut venir que de Dieu, qui est bon par essence et la source de toute bonté; car tout moteur dirige son mobile vers quelque chose qui lui ressemble. Donc il appartient à Dieu, conformément à sa bonté, de faire aboutir à un résultat convenable les désirs légitimes que nous lui exprimons dans la prière.
3° Plus le mobile est près du moteur, et plus il ressent son influence avec efficacité : ainsi, le feu échauffe davantage les objets les plus rapprochés. Or, les substances intelligentes sont plus près de Dieu que les substances naturelles inanimées. Donc l'influence de l'impulsion divine est plus efficace sur les substances intelligentes que sur les autres substances naturelles. Or, les corps de la nature participent à cette impulsion divine en ce qu'ils en reçoivent l'appétit naturel du bien, et aussi la satisfaction de cet appétit; ce qui a lieu lorsque chacun d'eux atteint sa fin propre. Donc, à plus forte raison, les substances intelligentes obtiennent la satisfaction de leurs désirs offerts à Dieu par la prière.
4° L'amitié demande que celui qui aime ait la volonté de combler les désirs de l'objet aimé, en…
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Chap. XCVI. Dieu n’accueille pas toujours les demandes de ceux qui le prient.De la Providence divine.XCVL'immutabilité de la divine Providence
n'empêche pas la prière d'être utile.SUITE
4° L'amitié demande que celui qui aime ait la volonté de combler les désirs de l'objet aimé, en tant qu'il veut son bien et sa perfection; c'est ce qui nous fait dire que deux amis n'ont qu'une seule volonté. Or, nous avons prouvé que Dieu aime ses créatures, et il aime d'autant plus chacune en particulier qu'elle participe avec plus d'abondance à sa bonté, qui est le premier et le principal objet de son amour [liv. I ch.74 et 75]. Donc il veut remplir les désirs de la créature raisonnable, qui participe dans une plus large mesure que toutes les autres à la divine bonté. Or, sa volonté est la cause très parfaite des êtres; car il les a tous faits par sa volonté [liv. II, ch.23]. Donc il appartient à la bonté divine de combler les désirs que la créature raisonnable lui expose en le priant.
5° Le bien de la créature dérive de la bonté de Dieu et consiste dans une certaine ressemblance avec elle. Or, les hommes s'attirent surtout l'estime des autres en ne repoussant aucune demande juste, et on dit alors qu'ils sont bienfaisants, cléments, miséricordieux et bons. Donc c'est principalement à la bonté divine qu'il convient d'exaucer les prières faites avec piété.
De là cette parole: Le Seigneur fera la volonté de ceux qui le craignent; il exaucera leur prière et les sauvera (Ps. CXLIV, 19), et Jésus-Christ nous dit: Quiconque demande reçoit; celui qui cherche trouve, et on ouvrira à celui qui frappe [Matth., VII, 8] .
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De la Providence divine.XCVIDieu n’accueille pas toujours les
demandes de ceux qui le prient.
Il ne répugne nullement que Dieu n'accueille pas toujours les demandes de ceux qui le prient. En effet :
1° Nous venons d'établir que Dieu comble les désirs de sa créature raisonnable, parce qu'elle désire le bien [ch. 95]. Or, il arrive quelquefois que l'on demande une chose qui n'est pas un bien réel, mais elle en a seulement l'apparence, et, considérée absolument, elle est un mal. Donc une telle prière n'est pas susceptible d'être exaucée par Dieu. Aussi, il est dit : Vous demandez et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal (Jac. IV, 3).
2° Puisque c'est Dieu qui excite le désir de la créature, il convient qu'il le satisfasse: nous l'avons prouvé [ch. 95]. Or, le moteur ne conduit son mobile à la fin du mouvement qu'autant que le mouvement se continue. Si donc la persévérance de la prière n'entretient pas ce mouvement qui consiste dans le désir, il ne répugne point que la prière n'obtienne pas l'effet qu'elle devrait avoir. C'est pourquoi le Seigneur nous avertit qu'il faut toujours prier et ne pas se lasser (Luc.XVIII, 1); et l'Apôtre nous dit aussi : Priez sans interruption (I. Thessal., V, 17).
3° Nous avons vu que Dieu donne au désir de la créature raisonnable une satisfaction convenable, en ce qu'elle s'approche de lui [ch. 95]. Or, on se rapproche de Dieu par la contemplation, par une dévotion affectueuse et par un effort humble et constant. Donc la prière qui ne nous rapproche pas ainsi de Dieu ne mérite pas qu'il l'exauce. De là ces paroles: Le Seigneur a regardé la prière des humbles (Ps. CI, 18). Qu'il demande avec foi et sans hésiter (Jac,, I, 6).
4° Dieu, à raison de l'amitié qu'il a pour les hommes pieux, exauce…
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De la Providence divine.XCVIDieu n’accueille pas toujours les
demandes de ceux qui le prient.SUITE
4° Dieu, à raison de l'amitié qu'il a pour les hommes pieux, exauce leurs vœux [ch. 95]. Donc celui qui s'éloigne de l'amitié de Dieu est indigne que sa prière soit exaucée. L'Écriture exprime ainsi cette vérité : La prière de celui qui détourne son oreille pour ne pas entendre la loi sera maudite (Prov., XXVIII 9). Lorsque vous multiplierez vos prières, je ne vous exaucerai pas, parce que vos mains sont pleines de sang (Isaïe, I,15).
De là vient quelquefois que tel qui est l'ami de Dieu n'est point exaucé quand il prie pour ceux qui ne sont pas les amis de Dieu, selon cette parole : N'intercédez pas pour ce peuple; ne vous chargez pas de me louer et de me prier pour eux et ne vous opposez pas à moi, parce que je ne vous exaucerai pas (Jérém., VII, 16).
Il est des circonstances où l'on refuse par amitié à un ami ce qu'il demande, parce que l'on sait que cela lui serait préjudiciable, ou que le contraire lui sera plus avantageux : par exemple, le médecin n'accède pas toujours aux désirs de son malade, considérant qu'ils ne sont pas favorables au rétablissement de la santé du corps. Par conséquent donc, puisque Dieu comble les désirs que sa créature raisonnable lui exprime dans la prière, à cause de l'amour qu'il a pour elle [ch. 95], il n'est pas étonnant que quelquefois il ne condescende pas aux demandes de ceux qu'il aime davantage, afin de leur donner ce qui est plus expédient pour leur salut. Voilà pourquoi il ne délivra pas saint Paul de l'aiguillon de la chair, bien que l'Apôtre l'en eût prié par trois fois, prévoyant que cela l'aiderait à conserver l'humilité, ainsi qu'il est rapporté dans la seconde épltre aux Corinthiens (1).
C'est pour cela qu'il est dit à plusieurs : Vous ne savez pas ce que vous demandez (Matth., XX, 22); et cette autre parole : Nous ne savons pas quoi demander et comment il faut demander (Rom., VIII, 26). Et saint Augustin dit à ce sujet : « Le Seigneur est a bon, qui souvent ne nous accorde pas ce que nous voulons, afin de a nous donner ce que nous préférerions » (Lettre XXXI).
Il est clair, d'après ce qui précède, que les…
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(1) Cette note est libellée en latin (II Cor., XII, 7-9) . Sur demande nous la publierons. Bien à vous.
Dernière édition par Louis le Dim 10 Nov 2024, 5:23 am, édité 1 fois (Raison : Insertion de la référence de la seconde épître aux Corinthiens.)
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De la Providence divine.XCVIDieu n’accueille pas toujours les
demandes de ceux qui le prient.SUITE
Il est clair, d'après ce qui précède, que les prières et les pieux désirs sont cause des choses que Dieu fait. Or, nous avons démontré que la divine Providence, loin d'exclure les autres causes, les coordonne, au contraire, afin d'imposer aux créatures l'ordre qu'elle a arrêté en elle-même [ch. 77]; et ainsi les causes secondes ne sont point opposées à la Providence, mais elles exécutent bien plutôt ses desseins.
Par conséquent, les prières sont efficaces près de Dieu, sans détruire pour cela l'ordre immuable de sa Providence; car c'est en vertu d'une disposition providentielle que telle chose est accordée à tel homme. Donc affirmer qu'il ne faut pas prier en vue d'obtenir quoi que ce soit de Dieu, sous prétexte que l'ordre de sa Providence est immuable, équivaut à dire qu'il ne faut pas marcher pour arriver dans tel lieu, ni manger pour se nourrir; toutes choses évidemment absurdes.
Cette démonstration détruit deux erreurs touchant cette question de la prière :…
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De la Providence divine.XCVIDieu n’accueille pas toujours les
demandes de ceux qui le prient.SUITE
Cette démonstration détruit deux erreurs touchant cette question de la prière :
Plusieurs ont enseigné qu'on ne retire aucun avantage de la prière. C'est la doctrine de ceux qui niaient absolument la divine Providence, comme les Epicuriens; de ceux qui voulaient soustraire les choses humaines à son gouvernement, comme certains Péripatéticiens, et aussi de ceux qui croyaient que tout ce qui dépend de la Providence arrive nécessairement, comme les Stoïciens. Il suit de ces divers sentiments que la prière est complètement stérile, et, par conséquent, que tout culte rendu à la Divinité est vain. Les Livres-Saints mentionnent cette erreur en ces termes : Vous avez dit : C'est en vain que l'on sert Dieu, qu'avons-nous gagné à garder ses préceptes et à marcher dans la tristesse en présence du Seigneur des armées (Malach., III, 14) ?
D'autres, au contraire, ont prétendu que la prière a la vertu de modifier les dispositions divines. Ainsi, les Egyptiens croyaient que les prières, certaines représentations, la fumée de l'encens ou les enchantements changeaient le destin; et, au premier aspect, plusieurs passages de l'Écriture paraissent favoriser cette opinion. Il est rapporté que, sur l'ordre du Seigneur, Isaïe dit au roi Ezéchias : Réglez les affaires de votre maison, parce que vous mourrez et vous ne vivrez plus ; et après la prière d'Ézéchias, la parole du Seigneur se fit entendre à Isaïe, disant : Allez, et dites à Ezéchias : J'ai exaucé votre prière... Voici que j'ajouterai quinze années à vos jours (Isaïe, XXXVIII 1,4 et 5).
Les paroles suivantes sont mises dans la bouche de Dieu : Je prononcerai tout à coup un arrêt contre cette nation et ce royaume pour le perdre et le détruire jusqu'à la rapine. Si cette nation fait pénitence du mal pour lequel je l'aurai menacée, je me repentirai aussi moi-même du mal que j'aurai résolu de lui faire [Jérém., XVIII, 7 et. 8]. Convertissez-vous au Seigneur votre Dieu, parce qu'il est bon et miséricordieux... et au-dessus du mauvais vouloir. Qui sait si Dieu ne se tournera pas vers vous et ne vous pardonnera pas (Joël, II, 13 et 14) ?
Si l'on examine superficiellement ces textes, il en découle des conséquences inadmissibles…
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De la Providence divine.XCVIDieu n’accueille pas toujours les
demandes de ceux qui le prient.SUITE
Si l'on examine superficiellement ces textes, il en découle des conséquences inadmissibles. Il résulte de là, en effet, premièrement, que la volonté de Dieu est variable; secondement, que le temps amène quelque chose de nouveau en Dieu, et, en troisième lieu, que certaines choses qui sont temporairement dans les créatures, sont causes de quelque chose qui est en Dieu; conséquences dont l'absurdité a été ci-devant démontrée avec évidence.
Elles contredisent plusieurs passages de la Sainte-Ecriture où nous trouvons clairement exprimée l'infaillible vérité. Nous y lisons : Dieu n'est pas, comme l'homme, capable de mentir, ni, comme le fils de l'homme, sujet au changement. A-t-il dit une chose qu'il ne fera pas ? A-t-il annoncé une chose qu'il n'accomplira pas (Num., XXIII, 19) ? Celui qui triomphe en Israël ne pardonnera pas, et le repentir ne le changera point; car il ne ressemble pas à l'homme, pour se repentir (I Reg., XV, 29). Je suis le Seigneur et je ne change point (Malach., III, 6).
Quiconque réfléchira attentivement à ce qui précède verra que toute erreur, en ces matières, vient de ce que l'on ne met pas de différence entre l'ordre universel et l'ordre particulier. Puisque tous les effets sont respectivement coordonnés en ce qu'ils reviennent tous à une cause unique, plus la cause est universelle et plus les effets compris dans l'ordre qu'elle établit sont nombreux; d'où il suit que l'ordre émanant de la cause universelle, qui est Dieu, renferme tous les êtres.
Rien donc ne s'oppose à ce que la prière, ou quelque autre moyen, puisse changer tel ordre particulier…
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De la Providence divine.XCVIDieu n’accueille pas toujours les
demandes de ceux qui le prient.SUITE
Rien donc ne s'oppose à ce que la prière, ou quelque autre moyen, puisse changer tel ordre particulier; car il y a en dehors de lui quelque chose qui est capable de le modifier.
Il n'est donc pas étonnant que les Egyptiens, qui attribuaient à l'action des astres l'ordre des choses humaines, aient cru que des prières et certains rites avaient la vertu de changer le destin ; car, en dehors et au-dessus des astres, nous trouvons Dieu, qui peut empêcher les astres de produire parmi les êtres inférieurs les effets qui devaient résulter de leur influence. Mais en dehors de l'ordre qui comprend toutes choses, il n'y a pas lieu à supposer quoi que ce soit qui puisse renverser l'ordre émané de la cause universelle.
C'est pourquoi, considérant qu'il faut attribuer à Dieu, comme à la cause universelle, l'ordre de tous les êtres, les Stoïciens disaient que, pour aucune raison, l'ordre institué par Dieu ne peut être changé. Ils ne tenaient plus compte de cet ordre universel, quand ils niaient l'utilité de la prière, comme si les volitions et les désirs des hommes, d'où procède la prière, ne rentraient pas dans cet ordre universel. En effet, en affirmant que, soit que l'on prie, soit que l'on ne prie pas, le résultat est le même, en vertu de l'ordre universel des êtres, ils retranchent évidemment de cet ordre universel les vœux de ceux qui prient; car si ces vœux sont réellement compris dans l'ordre universel, en vertu d'une disposition divine, ils amènent certains résultats, aussi bien que les autres causes.
En niant l'effet de la prière, on nie donc, du même coup, les effets provenant des autres causes communes. Et si l'immutabilité de l'ordre divin n'empêche pas les autres causes de produire leurs effets, elle ne détruit pas non plus l'efficacité de la prière.
La prière a donc une vertu, non pas comme changeant l'ordre qui a été réglé dès l'éternité, mais…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Livre III
4 novembre 2024
4 novembre 2024
Chap. XCVII. Comment les dispositions de la divine Providence ont une raison.De la Providence divine.XCVIDieu n’accueille pas toujours les
demandes de ceux qui le prient.SUITE
La prière a donc une vertu, non pas comme changeant l'ordre qui a été réglé dès l'éternité, mais comme étant comprise elle-même dans cet ordre. Or, rien n'empêche que l'efficacité de la prière modifie l'ordre de quelque cause inférieure, en raison de l'action de Dieu, qui est au-dessus de toute cause.
Par conséquent, Dieu n'est soumis à aucune nécessité inhérente à l'ordre de quelque cause que ce soit; mais, au contraire, toute nécessité inhérente à l'ordre qui émane d'une cause inférieure est subordonnée à Dieu, puisque c'est lui qui a établi cet ordre.
Quand donc, en considération des prières des hommes pieux, Dieu modifie en quelque chose l'ordre des causes inférieures qu'il a établi, nous disons qu'il est changé ou qu'il se repent, sans que le changement tombe sur ses dispositions éternelles, mais sur tel effet particulier.
C'est ce qui fait dire à saint Grégoire que Dieu ne change pas ses conseils, bien qu'il change ses jugements; non pas les jugements qui sont l'expression d'une disposition éternelle, mais ceux qui règlent l'ordre des causes inférieures, et d'après lesquels Ezéchias devait mourir, ou bien telle nation devait subir son châtiment (2).
Dans le langage figuré, ce changement dans les jugements de Dieu s'appelle repentir, parce que Dieu ressemble alors à un homme qui se repent et corrige ce qu'il a fait. Nous disons également, et dans un sens métaphorique, qu'il s'irrite, parce que, en punissant, il produit le même effet qu'un homme irrité.
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(2) Par exemple, les Ninivites, qui se convertirent à la voix de Jonas, et détournèrent ainsi les fléaux dont le prophète les avait menacés de la part de Dieu.
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De la Providence divine.XCVIIComment les dispositions de la divine Providence ont une raison.
On peut voir clairement, par tout ce que nous avons dit, que la divine Providence ne dispense rien sans raison. En effet :
Nous avons prouvé que, par sa Providence, Dieu fait rapporter toutes choses à sa bonté, comme à leur fin [ch. 91]; non que sa bonté s'accroisse de tout ce qui est produit, mais afin d'en exprimer autant que possible la ressemblance dans les êtres.
Mais parce que toute substance créée est nécessairement inférieure en perfection à la bonté divine, pour que la ressemblance de cette bonté pût se communiquer plus parfaitement aux créatures, il fallait qu'elles fussent diversifiées, de telle sorte que ce que l'une d'entre elles était incapable de représenter complètement, diverses créatures le représentassent plus parfaitement de différentes manières; de même que l'homme voyant qu'une seule parole ne suffit pas à exprimer sa pensée, multiplie les termes en les variant, pour énoncer par des signes divers les conceptions de son intelligence. C'est même quelque chose de très propre à nous faire comprendre l'éminence de la perfection divine, que la bonté absolue, qui est en Dieu une et simple, ne puisse se trouver dans les créatures qu'en des manières différentes et dans des sujets variés. Or, les êtres se diversifient par les formes différentes qui déterminent leurs espèces. Donc la raison de cette différence dans les formes se tire de la fin.
De la différence des formes découle la raison de l'ordre établi parmi les êtres. En effet,…
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De la Providence divine.XCVIIComment les dispositions de la divine Providence ont une raison.SUITE
De la différence des formes découle la raison de l'ordre établi parmi les êtres. En effet, puisque la forme est le principe qui donne l'existence à la chose, et qu'une chose, par là même qu'elle existe, porte la ressemblance de Dieu, qui est lui-même son être simple [liv. I, ch.22], la forme n'est nécessairement que la ressemblance divine communiquée aux créatures; aussi Aristote s'exprime exactement en disant que la forme est « quelque chose de divin et un bien désirable » (1). Or, la ressemblance comparée à un type unique et simple ne peut se diversifier que parce qu'elle se rapproche ou s'éloigne plus ou moins de ce type; et un être est d'autant plus parfait qu'il est plus près de la ressemblance divine.
Par conséquent, la différence des formes consiste uniquement en ce que l'une est plus parfaite que l'autre. C'est pour cette raison qu'Aristote assimile les définitions qui servent à énoncer la nature et la forme des choses aux nombres, dont l'espèce varie quand on y ajoute ou qu'on en retranche une unité (2) ; voulant par là nous donner à entendre que la diversité des formes suppose divers degrés de perfection.
— Ceci devient évident, si l'on examine les natures des êtres. En apportant à cet examen l'attention convenable, on voit que leur diversité est graduée. Au-dessus des corps inanimés nous trouvons les plantes; au-dessus des plantes sont les animaux sans raison, et ceux-ci ont au-dessus d'eux les substances intelligentes. Dans chacune de ces séries, il y a encore diversité, parce que certains êtres sont plus parfaits que d'autres, en tant que les premiers d'un genre inférieur paraissent toucher le genre plus élevé, et réciproquement : ainsi, les animaux privés de mouvement ressemblent aux plantes. C'est ce qui fait dire à saint Denys que « la divine sagesse unit les derniers des êtres supérieurs aux premiers des êtres inférieurs » (3). Par où l'on voit que la diversité des êtres exige que tous ne soient pas égaux, mais qu'ils soient soumis à un ordre et graduellement disposés.
De la diversité des formes, d'après lesquelles les espèces…
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(1), (2) et (3). Ces notes sont libellées en latin. Sur demande nous les publierons. Bien à vous.
Comme l'observe saint Thomas, si l'on remonte graduellement des effets les plus vils à la première de toutes les causes, on remarque qu'il n'y a jamais de transition brusque d'un genre à l'autre. Toute substance est esprit ou matière; simple, organique ou non organisée. Dieu est la première et la plus élevée de toutes les intelligences; il vit de sa vie propre. Après lui viennent de purs esprits, qui lui sont inférieurs. La vie qu'ils ont reçue de lui est tout intellectuelle ; mais ils en jouissent par participation et à des degrés divers, qui correspondent à la place qu'ils occupent dans la hiérarchie céleste. L'âme humaine vient au dernier degré des intelligences; elle est unie à un corps uniquement composé de matière, et cette union constitue l'essence de l'homme. Les autres animaux paraissent avoir aussi des âmes ; mais elles sont purement sensitives: chez eux l'intelligence est remplacée par l'instinct. Un reste de vie se remarque dans les plantes ; mais ce n'est qu'une vie végétative, et le polype, et généralement tous les zoophytes, qui, par leur nature, tiennent ensemble de l'animal et de la plante, sont placés sur les confins des deux règnes, comme le trait d'union qui rattache ces deux genres; de même que l'homme est le trait d'union de l'esprit et de la matière, et le singe, en qui l'instinct est le plus développé, celui de l'animal raisonnable et de l'animal sans raison. Certaines plantes marines semblent tenir le milieu entre les végétaux et les plantes inorganiques. Parmi ces derniers, les uns ont une sorte d'activité, comme tous les dissolvants, et les autres sont complètement inertes, c'est-à-dire privés de l'apparence même de la vie. — Si l'on voulait pousser plus loin cet examen, on verrait que ces transitions, souvent peu sensibles entre les divers genres, se retrouvent également entre les espèces qui les divisent.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De la Providence divine.XCVIIComment les dispositions de la divine Providence ont une raison.SUITE
De la diversité des formes, d'après lesquelles les espèces des êtres se diversifient, découle la différence des opérations. En effet, tout agent agit selon qu'il est en acte ; — car les êtres en puissance, en tant que tels, sont privés d'activité, — et il est un être en acte en vertu de sa forme. Par conséquent, son opération doit découler de sa forme. Donc là où les formes sont diverses, diverses opérations y correspondent. Et parce que chacun des êtres atteint sa fin propre au moyen de l'action qui lui est propre, il est nécessaire que les fins propres des êtres se diversifient, bien qu'ils aient tous la même fin dernière.
De la diversité des formes découlent diverses aptitudes de la matière pour les choses. En effet, puisqu'il y a diversité dans les formes, en tant que les unes sont plus parfaites que les autres, certaines d'entre elles sont tellement parfaites qu'elles subsistent par elles-mêmes et parfaitement, sans avoir besoin que la matière les reçoive; d'autres ne peuvent subsister parfaitement par elles-mêmes, mais la matière leur est nécessaire comme fondement; en sorte que cette chose subsistante n'est ni la forme seule, ni seulement la matière, qui n'est pas par elle-même un être en acte, mais un composé des deux.
Or, la matière et la forme ne pourraient pas se réunir pour constituer un tout, s'il n'y avait pas entre elles quelque proportion. Si elles doivent être proportionnées, des matières diverses correspondent nécessairement aux diverses formes. De là vient que telle forme demande une matière simple et telle autre une matière composée; et, à raison des formes diverses, la composition des parties doit varier, pour être en rapport avec l'espèce de la forme et son opération.
De la diversité des aptitudes …
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De la Providence divine.XCVIIComment les dispositions de la divine Providence ont une raison.SUITE
De la diversité des aptitudes, relativement à la matière, découle la diversité des agents et du sujet de l'action. En effet, puisque tout agent agit à raison de sa forme et que rien ne souffre l'action et n'est mû qu'à raison de la matière, les êtres qui ont des formes plus parfaites et moins matérielles doivent agir sur les plus matériels, dont les formes sont moins parfaites.
De la diversité des formes, des matières et des agents découle la diversité des propriétés et des accidents. En effet, comme la substance est la cause de l'accident, de même que le parfait est la cause de l'imparfait, il faut que divers accidents propres résultent des divers principes substantiels.
De plus, parce que les impressions qu'exercent les agents divers se diversifient dans leurs sujets, les accidents doivent se diversifier en raison des divers agents qui les produisent.
On voit donc clairement par là que la divine essence n'agit pas sans raison, en traitant diversement la création, quant aux accidents, aux passions qui les affectent et aux lieux où elle les place.
Aussi la Sainte-Écriture attribue à la sagesse et à la prudence divines la production et le gouvernement des êtres, dans ces passages : Le Seigneur a fondé la terre par sa sagesse, il a affermi les cieux par sa prudence. C'est par sa sagesse que les eaux sont sorties des abîmes et que les nuées se condensent en rosée (Prov., III, 19 et 20). Il est dit de la sagesse de Dieu qu'elle atteint d'une extrémité à l'autre avec force, et dispose tout avec douceur (Sag., VIII, 1) ; et encore : Seigneur, vous avez tout disposé avec mesure, nombre et poids (ibid XI, 21). Par la mesure il faut entendre la quantité ou bien le mode, c'est-à-dire le degré de perfection de chaque être; par le nombre, la diversité et la beauté des espèces résultant des divers degrés de perfection; et par le poids, les diverses inclinations des êtres vers les fins et les opérations qui sont dans leur nature , et aussi vers leurs agents, leurs sujets et leurs accidents propres; inclinations qui découlent de la distinction des espèces.
Nous avons dit qu'à la tête de cet ordre qui vient d'être indiqué, et dans lequel nous voyons la raison de la divine Providence, est la divine bonté, en sa qualité de fin dernière, qui est le premier principe d'action: vient ensuite le nombre des êtres, et, pour le constituer, il est nécessaire qu'il y ait divers degrés dans les formes et les matières, les agents et les sujets, les actions et les accidents. De même donc que la raison première de la Providence divine est la bonté de Dieu, ainsi le nombre est la première raison des créatures, et tout le reste semble disposé en vue de l'établir et de le conserver. En entendant ainsi les choses, Boëce a donc pu dire que « tous les êtres qui sont l'œuvre de la nature primitive paraissent formés d'après la raison des nombres » (Arith. liv. I, ch. 2).
Nous devons considérer que la raison pratique…
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De la Providence divine.XCVIIComment les dispositions de la divine Providence ont une raison.SUITE
Nous devons considérer que la raison pratique et la raison spéculative (4) se ressemblent et diffèrent en partie. Elles ont cela de commun, que de même que la raison spéculative part d'un principe déterminé, et arrive par quelques vérités intermédiaires à la conclusion voulue, la raison pratique part également d'un principe certain et arrive par quelques moyens à l'opération ou au résultat qui est dans son intention. Mais dans l'ordre spéculatif le principe est la forme et l'essence, au lieu que, dans l'ordre pratique, c'est la fin qui est tantôt une forme et tantôt une autre chose.
Dans les choses spéculatives le principe doit toujours être nécessaire, et dans les choses pratiques il est quelquefois nécessaire et quelquefois il ne l'est pas.
Ainsi, il est nécessaire que l'homme veuille le bonheur comme sa fin, mais il n'est point nécessaire qu'il ait la volonté de construire une maison. Pareillement, dans la démonstration, les conclusions découlent nécessairement des prémisses, et cela n'a pas toujours lieu dans la pratique, mais seulement dans les cas où on ne peut atteindre à la fin qu'en usant de tel moyen. Par exemple, celui qui se prépare à construire une maison est dans la nécessité de se pourvoir de bois, mais s'il choisit le bois de sapin, cela dépend absolument de sa volonté, sans entrer dans la raison constitutive de la maison qu'il veut élever.
— Ainsi donc, Dieu aime nécessairement sa bonté, mais il ne suit pas nécessairement de là que cette bonté doive être représentée par les créatures, puisqu'elle est parfaite sans cela. Donc, si les créatures sont appelées à exister, bien qu'elles aient leur origine dans la raison de la bonté divine, leur production n'en dépend pas moins absolument de la volonté de Dieu. Or, supposé que Dieu veuille communiquer sa bonté aux créatures, autant que possible, par un mode de ressemblance, c'est une raison pour que les créatures soient diversifiées; mais il n'est point nécessaire pour cela qu'elles reçoivent tel ou tel degré de perfection, ou bien que le nombre en soit fixé. Si la volonté divine a résolu de fixer le nombre des êtres et d'accorder à chacun tel degré de perfection, c'est une raison pour que la forme et la matière de chacun soient déterminées : on voit que la même règle s'applique à tout le reste.
Manifestement donc la Providence divine dispense toutes choses d'après une certaine raison; et, cependant, cette raison est subordonnée à cette hypothèse, que Dieu a la volonté de les produire.
Ces observations détruisent deux erreurs :
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(4) Ces expressions désignent un double travail de l'intelligence, qui tantôt médite en vue de préparer une action, et tantôt reste dans l'ordre des idées.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
De la Providence divine.XCVIIComment les dispositions de la divine Providence ont une raison.SUITE
Ces observations détruisent deux erreurs :
La première fait tout dériver d'une volonté absolue, sans aucune raison. C'est, d'après le rabbin Moïse [Maïmonide], l'erreur des docteurs mahométans. Selon eux le feu serait indiffèrent à produire la chaleur ou le froid, si Dieu n'avait voulu lui donner la propriété qu'il possède.
La seconde erreur que nous réfutons consiste à affirmer que l'ordre des causes vient de la divine Providence en vertu d'une nécessité. Ce que nous avons dit fait ressortir la fausseté de ces deux erreurs.
Quelques passages de la Sainte-Écriture semblent attribuer toutes choses d'une manière absolue à la volonté de Dieu. Cependant, ainsi qu'on l'a déjà remarqué, ces textes n'ont pas pour but d'ôter toute raison de l'ordre établi par la Providence, mais de nous montrer que la volonté de Dieu est le premier principe de tous les êtres. Tels sont ceux-ci : Le Seigneur a fait tout ce qu'il a voulu (Ps. CXXXIV,, 6); Qui peut lui dire: Pourquoi faites-vous ainsi cette chose (Job, IX, 12) ? Qui donc résiste à sa volonté (Rom., IX, 19) ? Si Augustin dit aussi : « La santé et la maladie, les récompenses et les châtiments, les grâces et les bienfaits n'ont d'autre cause que la volonté de Dieu (5). »
Ainsi donc, quand on demande pourquoi tel effet naturel a été produit, nous pouvons en indiquer la raison dans quelque cause prochaine, pourvu toutefois que nous rapportions tout à la volonté de Dieu, comme à la première cause. Par exemple, si l'on demande pourquoi le bois s'échauffe en présence du feu, on répond que l'action d'échauffer est naturelle au feu; et cela parce que le calorique est son accident propre, ce qui vient de sa forme propre; et ainsi de suite, jusqu'à ce qu'on arrive à la divine volonté. Si donc on répond à celui qui s'enquiert pourquoi le bois s'est échauffé : C'est que Dieu l'a voulu, cette réponse est exacte, supposé que l'on entende ramener l'effet à sa première cause; mais non si l'on a l'intention d'exclure toutes les autres causes.
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(5) Cette note est libellée en latin. Sur demande nous la publierons. Bien à vous.
Chap. XCVIII. Comment Dieu peut ou ne peut pas agir en dehors de l'ordre de sa Providence.
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Re: Somme de la Foi catholique contre les Gentils.
Des miracles et des prodiges.XCVIIIComment Dieu peut ou ne peut pas agir
en dehors de l'ordre de sa Providence.
Il ressort de tout ce qui précède qu'on peut distinguer deux ordres dans le monde : l'un dépend de la cause première de tous les êtres ; c'est pourquoi il embrasse tout; l'autre est particulier, il dépend d'une cause créée et renferme les choses qui relèvent de cette cause. Il y a une multitude d'ordres particuliers en raison de la diversité des causes que l'on remarque dans les créatures; et cependant ils sont subordonnés l'un à l'autre, de la même manière que les causes. Il faut donc que tous les ordres particuliers, qui existent parmi les êtres en tant qu'ils dépendent de la première cause, soient subordonnés à cet ordre universel et en dérivent. Nous avons un exemple de ceci dans la société civile: tous ceux qui composent une maison sont respectivement coordonnés par un seul chef de la famille, en tant qu'ils lui sont soumis ; ce chef de famille et tous les autres qui habitent la ville même sont coordonnés entre eux et avec celui qui gouverne la ville, et ce dernier, comme tous les autres qui sont dans le royaume, se rattache au roi par un certain ordre.
Nous pouvons considérer sous un double rapport l'ordre universel, selon lequel la divine Providence a tout disposé, savoir quant aux choses soumises à cet ordre et quant à la raison de l'ordre qui découle de son principe. Nous avons prouvé que les choses mêmes que Dieu a soumises à cet ordre viennent de lui et qu'il n'agit pas en vertu d'une nécessité de sa nature ou de toute autre nécessité, mais qu'il se détermine absolument par sa volonté, surtout lorsqu'il s'agit de la constitution première des êtres [liv. II ch. 23]. Par conséquent, Dieu peut faire certaines choses en dehors de celles qui sont comprises dans l'ordre de la divine Providence, et sa puissance n'est pas limitée à tels ou tels effets.
— En envisageant ce même ordre quant à la raison qui découle de son principe, on voit que Dieu…
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