VIE DE SAINTE MARGUERITE-MARIE ALACOQUE DE L'ORDRE DE LA VISITATION SAINTE-MARIE

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Message  Monique Mer 27 Oct 2021, 6:53 am

Le Père de la Colombière n'était pas homme à croire légèrement tout ce qui lui était dit. Mais il avait sous les yeux trop de preuves éclatantes de l'inaltérable vertu de la Soeur Marguerite-Marie pour craindre la moindre illusion dans ce qu'elle lui transmettait.

Humblement reconnaissant et saintement fier du ministère que le Coeur de Notre-Seigneur Jésus-Christ lui réservait en tout ceci, le fervent jésuite voulut commencer par étendre sur lui-même le règne du Sacré Coeur. Il se dédia et consacra donc à lui, dans toute l'énergie et l'amour de son âme, des le 21 juin 1675, vendredi après l'octave du saint Sacrement. Du fond de son monastère, la Servante de Dieu s'unit sans doute à l'acte solennellement intime accompli par son vénéré directeur. Qui dira ce que fut pour le Coeur de Jésus l'offrande totale de ces deux coeurs, qu'il pouvait regarder comme ses deux premières conquêtes, dans l'ordre des révélations de Paray-le-Monial

Au témoignage de notre Sainte, le Père de la Colombiére ne laissa pas de lui continuer son secours « le peu de temps qu'il demeura en cette ville et toujours. Et je me suis cent fois étonnée » remarque-t-elle, comme il ne m'abandonnait pas, aussi bien que les autres, car la manière dont je traitais avec lui aurait rebuté tout autre, bien qu'i[l] n'épargnât rien pour m'humilier et mortifier, ce qui me faisait un grand plaisir (1). »

Bien loin de ne s'occuper que de ses intérêts personnels, et d'ailleurs, souverainement attachée à la sainte Église, Marguerite-Marie avait une prière véritablement catholique, c'est-à-dire qu'elle embrassait toutes les âmes. En voici un grand exemple. Lorsque l'on eut fait l'ouverture du jubilé (1), Notre-Seigneur lui fit voir dans une sévérité de juge que sa justice était moins irritée contre les infidèles que contre « son peuple choisi, » qui s'était révolté contre lui. Saisie d'angoisse en face de cette vérité, l'humble Soeur ne se lassait pas de prier pour les pécheurs. Son ardeur est encore stimulée par cette consolante parole, tombée des lèvres de son Dieu : « Une âme juste peut obtenir le pardon pour mille criminelles. » Mais il lui dit aussi : Pleure et soupire sans cesse mon sang, répandu inutilement sur tant d'âmes qui en font un si grand abus dans ces indulgences, qui se contentent de couper les mauvaises herbes qui sont crues dans leurs coeurs, sans jamais en vouloir ôter la racine. Mais, malheur à ces âmes qui demeurent souillées et altérées au milieu de la source des eaux vives, puisqu'[elles] ne seront jamais purgées ni désaltérées ! Mon Seigneur et mon Dieu », lui dit-elle, en regardant son Coeur sacré, il faut que votre miséricorde loge ici toutes ces âmes infidèles, afin qu'elles s'y justifient, pour vous glorifier éternellement. Oui, je le ferai., si tu m'en veux promettre un parfait amendement. Mais vous savez bien, mon Dieu, que cela n'est pas à mon pouvoir, si vous-même ne le faites, en rendant efficaces les mérites de votre sainte Passion. » Alors, il lui apprit ce qu'elle devait faire pendant ce jubilé : Offrir au Père éternel 1° les surabondantes satisfactions du sacrifice de son Fils sur la Croix, pour la conversion des pécheurs; 2° les ardeurs de son Coeur sacré, pour compenser la tiédeur et lâcheté du peuple choisi; 3° la soumission de son adorable volonté à son Père, afin que ses mérites obtiennent l'accomplissement de toutes les volontés divines (1).


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1. Autobiographie, p. 94.

1. Jusqu'à présent, on avait cru, mais sans preuve suffisante, qu'il s'agissait du jubilé publié par Innocent XI en 1681 et célébré dans le diocèse d'Autun du 10 au 24 mai 1682. Peut-être cette supposition reposait-elle simplement sur cette phrase du texte de la Sainte : « ce n'était pas tant à cause des infidèles que sa justice était irritée » etc., ce jubilé ayant surtout été accordé en vue de lutter, par les armes de la prière et de la pénitence, contre les audaces des Turcs. Mais 1°: Depuis longtemps déjà, les Musulmans affligeaient l'Église, et la Bulle de Clément X Ad apostolicae vocis orticulum, en date du 16 avril 1674, annonçant le jubilé de l'Année sainte 1675, fait mention des « Barbares qui menacent par terre et par mer l'illustre royaume de Pologne et d'autres provinces chrétiennes. Vertite arma in immanes Barbares inclyto Poloni regno, aliisque Christianis provinciis, terra marisque imminentes..: » 2° En compulsant très exactement un des plus anciens manuscrits de Paray, on est amené à conclure que les grâces dont parle Soeur Marguerite-Marie et qu'elle reçut au temps du jubilé, sont bien comprises dans ses Ecrits faits par ordre de la Mère de Saumaise, puisque, terminant le récit du passage qui nous occupe, elle ajoute ces lignes : « Quoiqu'avec une répugnance mortelle, je ne laisse d'écrire, par obéissance les grâces que mon Dieu m'a faites la troisième et quatrième année de religion. » Cela nous reporte justement aux années 1675-1676. Or, selon l'usage, le jubilé de l'Année sainte, qu'on célébra à Rome en 1675, fut étendu au monde chrétien l'année suivante: 3° Il est à remarquer que ce texte porte: « Lorsque l'on eut fait l'ouverture du Jubilé et non d'un Jubilé, ce qui semble faire plutôt allusion au jubilé ordinaire de l'Année sainte.

Ces diverses raisons nous décident à placer au cours des années 1675-1676 les enseignements reçus durant le jubilé, jusqu'à preuve positive qu'il puisse être ici question d'une autre époque.


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Message  Monique Jeu 28 Oct 2021, 8:25 am

Pour l'âme de Marguerite-Marie, la volonté de Dieu allait être de lui retirer l'appui que le ciel lui avait envoyé, en la personne du Père de la Colombière. Ce fut à la fin de septembre de l'année 1676 qu'il cessa d'être supérieur à Paray et qu'il partit pour l'Angleterre, comme prédicateur de Son Altesse Royale Madame la duchesse d'York, Marie-Béatrix d'Este. La Soeur Alacoque avait eu révélation de ce départ. Cela ne l'empêcha pas d'en ressentir toute la peine. Mais le divin Maître ne lui permit pas longtemps d'y réfléchir, lui adressant ce reproche : « Eh quoi ! ne te suffis-je pas, moi qui suis ton principe et ta fin ? (1) » Il ne lui en fallut pas davantage pour tout abandonner à son unique Seigneur.

           Avant de quitter Paray, le Père de la Colombière résuma, comme en un code abrégé, de perfection, la ligne de conduite qu'il jugeait la plus appropriée aux besoins de Soeur Marguerite-Marie. Voici les conseils qu'il lui laissa : « Il faut vous souvenir que Dieu demande tout de vous et qu'il ne demande rien. Il demande tout, parce qu'il veut régner sur vous et dans vous, comme dans un fonds qui est à lui en toutes manières, de sorte qu'il dispose de tout, que rien ne lui résiste, que tout plie, tout obéisse au moindre signe de sa volonté. Il ne demande rien de vous, parce qu'il veut tout faire en vous; sans que vous vous mêliez de rien, vous contentant d'être le sujet sur qui, en qui il agit, afin que toute la gloire soit à lui et que lui seul soit connu, loué et aimé éternellement (2). »

De son côté, le saint religieux voulut recevoir de sa pénitente quelques mots écrits à la lumière de l'Esprit-Saint. Le billet qu'elle traça contenait ces trois points

« 1° Le talent du Père de la Colombière est d'amener les âmes à Dieu : pour quoi les démons feront leurs efforts contre lui ; même des personnes consacrées. à Dieu lui donneront de la peine, et n'approuveront pas ce qu'il dira dans ses sermons pour les y conduire ; mais la bonté de Dieu dans ses croix sera son soutien autant qu'il se confiera en lui.

« 2° Il doit avoir une douceur compatissante pour les pécheurs, et ne se servir de la force que lorsque Dieu le lui fera connaître.

« 3° Qu'il ait un grand soin de ne point tirer le bien de sa source. Cette parole est courte mais qui (sic) contient beaucoup, dont Dieu lui donnera l'intelligence selon L'application qu'il y fera (1). »

Le Père de la Colombière conserva soigneusement cet écrit et put bientôt se convaincre qu'il était prophétique.

La reconnaissance avait profondément attaché le monastère de Paray à l'éminent religieux. Lui-même, après son arrivée en Angleterre, resta en relations et commerce de lettres avec la Mère de Saumaise. Quelques extraits de cette correspondance ne sont point déplacés dans l'histoire de notre Sainte.


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1. Autobiographie, p. 114
2. I, p. 149.
1. Retraite spirituelle du Père Claude de la Colombière. Édition 1684, pp. 223, 224. Les Contemporaines donnent ce même texte, avec quelques variantes sans importance, I, p. 140.


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Message  Monique Ven 29 Oct 2021, 8:23 am

Dès le 20 novembre 1676, il écrivait de Londres On ne trouve point ici de Filles de Sainte-Marie et beaucoup moins de Soeur Alacoque, mais on, trouve Dieu partout quand on le cherche, et on ne le trouve pas moins aimable à Londres qu'à Paray. je le remercie de tout mon coeur de la grâce qu'il me fait d'être dans le souvenir de cette sainte religieuse. Je ne doute point que ses prières ne m'attirent de grandes grâces; mais je crains bien que je n'en fasse pas le profit que je devrais. je tâcherai de faire usage des avis que vous me donnez par l'écrit, et surtout de celui que vous me marquez avoir été confirmé dans sa dernière solitude (1).

Et le 17 février 1677 : « Vous serez bien aise d'apprendre que le billet que vous me donnâtes à mon départ était rempli de presque autant de mystères que de paroles, je n'en ai compris le sens que dans une retraite que je fis il y a dix jours. Mais il est vrai que Notre-Seigneur n'avait rien laissé à dire, et qu'il y avait des préservatifs contre tous les maux qui me pouvaient arriver. Tout est accompli, à la réserve de la persécution dont il est parlé au premier article, qu'une personne consacrée à Dieu me doit susciter; car, pour celles du démon, qui sont prédites au même point, il est vrai qu'il n'y a sorte de pièges qu'il ne m'ait tendus. Le deuxième et le troisième article étaient de la dernière conséquence pour le repos de"ma vie et pour ma perfection. Je m'imaginai d'abord, et je l'ai cru durant trois mois, que ce n'étaient que des avis généraux qui s'étendaient à toute la vie; mais j'ai connu que c'étaient des conseils pour les occasions présentes et des remèdes contre des pensées et des desseins qui me troublaient et qui étaient fort opposés à ceux de Dieu. Le dernier surtout, que je n'avais jamais pu comprendre, s'ouvrit tout d'un coup à mon esprit avec une si grande clarté qu'il n'y avait rien au monde de plus net... Je ne vous dis pas tous les trésors que j'ai découverts dans ce petit Mémoire, je serais trop long. Tout ce que je puis dire, c'est que si c'est le mauvais esprit qui l'a dicté, il est extrêmement contraire à lui-même, vu que j'y ai puisé de si grands secours contre ses attaques et qu'il fait sur moi tous les effets que le Saint-Esprit a coutume de produire (1). »

Et dans le journal de sa Retraite, le saint jésuite est plus explicite encore. « Le cinquième jour, Dieu m'a donné, si je ne me trompe, l'intelligence de ce point du Mémoire que j'ai apporté de France. Qu'il ait grand soin de ne point tirer le bien de sa source. Cette parole est courte mais elle contient beaucoup et Dieu lui en donnera l'intelligence selon l'application qu'il y fera. Il est vrai que j'avais souvent examiné ce mot : tirer le bien de sa source, sans le pouvoir pénétrer. Aujourd'hui, ayant remarqué que Dieu m'en devait donner l'intelligence selon l'application que j'y ferais, je l'ai médité assez longtemps, sans y trouver d'autre sens que celui-ci : que je devais rapporter à Dieu tout le bien qu'il voudrait faire par moi, puisqu'il en est l'unique source. Mais après avoir, avec peine, détourné ma pensée de cette considération, tout d'un coup il s'est fait comme un jour en mon esprit, à la faveur duquel j'ai vu clairement que c'était la résolution du doute qui m'avait troublé les deux ou trois premiers jours de mes exercices, sur le sujet de l'usage que je devais faire de l'argent de ma pension. J'ai compris que cette parole contient beaucoup, parce qu'elle porte à la perfection de la pauvreté, à un grand détachement de toute vaine gloire, à la parfaite observation des règles, et qu'elle est la source d'une grande paix intérieure et extérieure (1). »

Tout ce que la Soeur Alacoque lui envoyait par écrit, le Père de la Colombière l'estimait à l'égal d'oracles venus du ciel. En jugeant de la sorte, il était dans le vrai. La Mère de Saumaise et lui en eurent bientôt une preuve remarquable. C'est la Mère de Saumaise qui parle. Elle rapporte que Soeur Marguerite-Marie avait eu connaissance des croix et des peines intérieures que le Père de la Colombière souffrait en Angleterre, « ce qu'elle nous vint dire, » continue l'ancienne supérieure de Paray, en nous présentant un billet pour le lui faire tenir, lequel contenait des choses très consolantes et que Jésus-Christ lui avait dictées. Et comme je reçus, quelque temps après, des lettres de ce grand serviteur de Dieu, je connus, par les demandes qu'il faisait, qu'il avait besoin que l'on priât pour lui, ce qui pouvait être quelque chose des connaissances que cette vertueuse Soeur avait eues. Ce qui m'obligea de lui envoyer ledit billet, lequel je copiai, sans en avoir rien fait connaître à qui que ce fût. Néanmoins, elle nous vint trouver et me dit qu'en le copiant j'y avais changé quelque chose, et que Notre-Seigneur ne le voulait que comme il le lui avait fait écrire. Et comme je voulus le relire, pour voir ce que j'y avais changé, je trouvai que j'y avais mis quelques paroles, lesquelles quoique assez semblables, avaient pourtant bien moins de force.

« Le Père de la Colombière, ayant reçu cet écrit, il manda qu'il était venu très à propos, et que, sans ce secours, il ne savait ce qu'il aurait pu faire (1). » 1. 1, P. 98.


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1. Oeuvres complètes, VI, p. 326, note. Les Contemporaines, I, pp. 141, 142. ont supprimé quelques mots.
1. Oeuvres complètes, VI, pp. 333, 334
1. Retraite spirituelle du P. Claude de la Colombière, 1684, pp. 231233. Cf. Vie et Oeuvres, I, pp. 140, 141.


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Message  Monique Sam 30 Oct 2021, 7:05 am

CHAPITRE IV.


ENCORE PLUS DE SOUFFRANCE ET D'AMOUR 1677-1681.


********




Marguerite-Marie aurait-elle pu être efficacement l'apôtre du Sacré Coeur si elle n'eût d'abord été sa victime ?

Un jour, Notre-Seigneur se présente à elle. Il tenait en chacune de ses mains un tableau. Dans l'un était figurée la vie la plus heureuse possible pour une âme religieuse : paix, consolations intérieures et extérieures, santé, estime et applaudissement des créatures. L'autre tableau était la peinture « d'une vie toute pauvre et abjecte, toujours crucifiée, par toute sorte d'humiliations, mépris et contradictions, toujours souffrante au corps et en l'esprit. » Notre-Seigneur lui dit : « Choisis, ma fille, celui qui t'agréera le plus ; je te ferai les mêmes grâces au choix de l'un comme de l'autre. » Dans son ardeur, elle se jette à ses pieds pour l'adorer, disant : « O mon Seigneur, je ne veux rien que vous et le choix que vous ferez pour moi. » Mais le Sauveur la pressait toujours de choisir. « Vous m'êtes suffisant, ô mon Dieu! faites pour moi ce qui vous glorifiera le plus, sans avoir nul égard à mes intérêts ni satisfactions. Contentez-vous et cela me suffit! Alors il me dit, qu'avec Madeleine, j'avais choisi la meilleure part, qui ne me serait point ôtée, puisqu'il serait mon héritage pour toujours. Et me présentant ce tableau de crucifixion : Voilà, me dit-il, ce que je t'ai choisi et qui m'agrée le plus, tant pour l'accomplissement de mes desseins que pour te rendre conforme à moi. L'autre est une vie de jouissance et non de mérite ; c'est pour l'éternité. J'acceptai donc ce tableau de mort et de crucifixion, en baisant la main qui me le présentait; et quoique la nature en frémît, je l'embrassai de toute l'affection dont mon coeur était capable, et en le serrant sur ma poitrine, je le sentis si fortement imprimé en moi, qu'il me semblait n'être plus qu'un composé dé tout ce que j'y avais vu représenté (1). »

Une autre fois, comme elle considérait Notre-Seigneur sur l'arbre de la Croix, il la tint fortement attachée à lui, puis il lui dit : « Reçois, ma fille, la croix que je te donne et la plante dans ton coeur, l'ayant toujours devant les yeux et la portant entre tes bras. Les plus rigoureux tourments qu'elle te fera seront inconnus et continuels : urge faim sans te rassasier, une soif sans te désaltérer, une ardeur sans rafraîchissement. Et ne pouvant comprendre ces paroles, je dis : Mon Dieu, donnez-moi l'intelligence de ce que vous voulez que je fasse. L'avoir dedans ton coeur, c'est qu'il faut que tout y soit crucifié ; l'avoir devant tes yeux, c'est qu'il faut être crucifiée en toute chose, et la porter entre tes bras, c'est l'embrasser amoureusement toutes

les fois qu'elle se- présente, comme le plus précieux gage de mon amour que je te peux donner en cette vie. Cette faim continuelle des souffrances est pour honorer celle que j'avais de souffrir pour glorifier mon Père éternel; cette soif sera de moi et du salut des âmes, en mémoire de celle que j'ai eue, sur l'arbre de la Croix (1). »



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1. Autobiographie, pp. 79, 8o.
1. II, p. 156. CI. I, pp. 115, 116.



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Message  Monique Dim 31 Oct 2021, 7:27 am

Il y a souvent dans la vie des saints des actions qui nous semblent exagérées ; mais elles ne sont que la conséquence de l'amour, de Dieu qui les ravit hors d'eux-mêmes. Ce furent ces transports de l'amour divin qui poussèrent parfois Marguerite-Marie à de véritables excès de mortification. Deux traits surtout sont demeurés caractéristiques et dépassent étrangement tout ce qu'on peut imaginer.

En ce temps-là, l'humble Soeur était de nouveau aide à l'infirmerie. «J'étais si fort douillette, » écrit-elle, que la moindre saleté me faisait bondir le coeur. » Quoi de surprenant à cela ? dira-t-on. Mais il faut penser que le souverain Maître a de divines sévérités pour ses élus. Or, il reprit si fortement sa généreuse disciple de ce mouvement instinctif de répulsion, que, pour se punir elle-même et sans consulter la raison, elle absorba spontanément le vomissement d'une malade qu'elle soignait. En cette circonstance, elle obéissait à l'impétuosité de son amour pour Notre-Seigneur; alors tout lui devenait expédient. « Si j'avais mille corps, mille amours, mille vies, je les immolerais pour vous être asservie », disait-elle à son Bien-Aimé. Il ne fut pas longtemps à lui prouver combien il avait béni la violence qu'elle s'était faite. La suite du récit ne laisse aucun doute à ce sujet. « Et lors, je trouvai tant de délices dans cette action, que j'aurais voulu en rencontrer tous les jours de pareilles, pour apprendre à me vaincre et n'avoir que Dieu pour témoin. Mais sa bonté, à qui seule j'étais redevable de m'avoir donné la force de me surmonter, ne laissa pas de me témoigner le plaisir qu'i[l] y avait pris. Car la nuit ensuite, si je ne me trompe, il me tint bien environ deux ou trois heures la bouche collée sur la plaie de son sacré Coeur. Et il me serait bien difficile de pouvoir exprimer ce que je sentis alors, ni les effets que cette grâce produis[it] dans mon âme et dans mon coeur. Mais cela suffit pour faire connaître les grandes bontés et miséricordes de mon Dieu sur un sujet si misérable (1). »

Elle eut bientôt une autre occasion de satisfaire, plus incroyablement encore, son besoin d'apprendre à se vaincre, n'ayant que Dieu pour témoin.

Une fois qu'elle s'était encore laissée aller à quelque soulèvement de coeur en servant une malade, Notre-Seigneur renouvela sa réprimande intérieure; mais avec une telle autorité que, n'importe quoi paraissant plus supportable à Soeur Marguerite-Marie que d'avoir mécontenté son Dieu, afin de réparer sa faute, elle se livra sur-le-champ à un acte si répugnant pour la nature, que personne au monde n'aurait pu le conseiller, ni le permettre. Notre-Seigneur même dut arrêter son héroïque servante; puis il lui dit : « Tu es bien folle de faire cela! O mon Seigneur, » reprit-elle, je le fais pour vous plaire et pour gagner votre divin Coeur, et j'espère que vous ne me le refuserez pas. Mais vous, mon Seigneur, que n'avez-vous pas fait pour vous gagner celui des hommes, et cependant ils vous le refusent et vous en chassent bien souvent! Il est vrai, ma fille, que mon amour m'a fait tout sacrifier pour eux, sans qu'ils me rendent du retour; mais je veux que [tu] supplées par les mérites de mon sacré Coeur à leur ingratitude. Je te le veux donner, mon Coeur ; mais auparavant, il faut que tu te rendes sa victime d'immolation, pour [que], avec son entremise, tu détournes les châtiments que la divine justice de mon Père, armé de colère, veut exercer sur une Communauté religieuse [pour la] reprendre et corriger en son juste courroux. Et me la faisant voir, à la même heure, avec les défauts particuliers qui l'avaient irrité, et tout ce qu'il me fallait souffrir pour apaiser sa juste colère, ce fut alors que tout en frémit en moi; et n'eus pas le courage de me sacrifier (1). »


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1. Autobiographie, p. 83.
1. Autobiographie, p. 84.


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Message  Monique Lun 01 Nov 2021, 6:47 am

Il n'y a pas à le cacher, ni à l'atténuer c'est un fait historique, qui, d'ailleurs, tournera plus tard à la gloire du Sacré Coeur cette Communauté pour laquelle Dieu exigeait que Marguerite-Marie s'offrit en victime, c'était la Visitation Sainte-Marie de Paray-le-Monial. Rien que régulière et « très observante, » de graves défauts s'y étaient glissés : entre autres, on n'y pratiquait plus la charité et l'humilité au degré voulu pour les âmes religieuses. Et voilà pourquoi le rôle de celle que Notre-Seigneur choisissait pour apaiser sa colère devenait doublement délicat. Un combat indicible s'engagea alors entre cette âme et son Maître. Il veut qu'elle s'immole à sa justice : « Je dis que, n'étant pas à moi, je ne pouvais le faire sans le consentement de l'obéissance. Mais la crainte que j'avais qu'on ne me le fît faire, me fit négliger de le dire ; mais il me poursuivait sans cesse et ne me donnait point de repos. Je me fondais en larmes et me voyant enfin contrainte de le dire à ma supérieure, laquelle, voyant ma peine, me dit de me sacrifier à tout ce qu'il désirait de moi, sans réserve. Mais, mon Dieu, ce fut alors que ma peine se redoubla encore plus fort, car je n'avais point le courage de dire oui et je résistais toujours (1). »

L'année 1677 s'achevait. Or, le 21 novembre, fête de la Présentation de la très sainte Vierge, les religieuses de la Visitation renouvellent leurs voeux solennellement. C'est par trois jours de retraite qu'elles se préparent à cette rénovation. Que se passait-il alors au plus intime de l'être de notre Sainte ? En dernière analyse, cela est resté son secret. Cependant; elle soulève suffisamment le voile de douleur qui l'enveloppe en cette rencontre, pour qu'il nous soit permis d'assister à une scène d'autant plus émouvante qu'elle est plus mystérieuse.

Cette humble religieuse a été prédestinée pour reproduire en elle l'image de son Jésus souffrant. Comme lui, elle aura sa nuit d'agonie..... comme lui, elle sera, pour ainsi dire, traînée de tribunal en tribunal. Le Seigneur permettra tout, parce que, à ses yeux divins, rien ne vaut l'immolation d'une âme, en union avec l'adorable victime de Gethsémani et du Calvaire.

On était arrivé au samedi 20 novembre, veille de la Présentation. « Cette divine justice me parut armée d'une manière si terrible que j'en demeurai tout hors de moi ; et ne pouvant me défendre, il me fut dit comme à saint Paul : Il t'est bien dur de regimber contre les traits de ma justice ! Mais puisque tu m'as tant fait résistance pour éviter les humiliations qu'il te conviendra souffrir par ce sacrifice, je té les donnerai au double ; car je ne te demandais qu'un sacrifice secret, et maintenant je le veux public, et d'une , manière et dans un temps hors de tout raisonnement humain et accompagné de circonstances si humiliantes, qu'elles te seront un sujet de confusion pour le reste [de] ta vie, et dans toi-même et devant les créatures, pour te faire comprendre ce que c'est que de résister à Dieu. Hélas ! je le compris bien en effet, car jamais je ne me vis en tel état : en voici quelque petite chose, mais non pas, tout (1). »


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1. Autobiographie, p. 85.
1. Autobiographie, p. 85.


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Message  Monique Mar 02 Nov 2021, 8:01 am

Donc, Soeur Marguerite-Marie l'avoue ; elle supprime beaucoup de choses... notamment ce que Notre-Seigneur lui dit touchant la manière dont il voulait qu'elle se sacrifiât. Mais, d'après certaines expressions, d'après les règles et les coutumes de la Visitation, il n'est pas difficile de la conjecturer. Néanmoins, il est nécessaire de noter que la Sainte ne s'explique pas là-dessus en toutes lettres. Reprenons l'Autobiographie.

Après donc l'oraison du soir, je ne pus sortir avec les autres (2), et je demeurai au choeur, jusqu'au dernier coup du souper (3), dans des pleurs et gémissements continuels. je m'en allai faire collation, car c'était la veille de la Présentation, et m'étant traînée à vive force à la Communauté (4), je m'y trouvai si fortement pressée de faire ce sacrifice tout haut, en la manière que Dieu me faisait connaître le vouloir de moi, que je fus contrainte de sortir, pour aller trouver ma supérieure qui était malade pour lors. Mais je confesse que j'étais tellement hors de moi, que je me voyais comme une personne qui aurait pieds et mains liés, et à qui il. ne resterait plus rien de libre en l'intérieur ni pour l'extérieur, que les larmes que je versais en abondance, pensant qu'elles étaient la seule expression de ce que je souffrais : car je me voyais comme la plus criminelle du monde, traînée à force de cordes au lieu de mon supplice. Je voyais cette sainteté de Dieu, armé des traits de sa juste colère, prêt à les lancer pour m'abîmer, si me semblait, dans cette gueule béante de l'enfer, que je voyais ouvert, prêt à m'engloutir. Je me sentais brûlée d'un feu dévorant qui me pénétrait jusqu'à la moelle des os, et tout mon corps dans un tremblement étrange; et ne pouvais dire autre chose sinon : Mon [Dieu], ayez pitié de moi selon la grandeur de vos miséricordes !Et tout le reste du temps, je gémissais sous le poids de ma douleur, sans pouvoir trouver le moyen de me rendre vers nia supérieure que sur les huit heures, qu'une Soeur m'ayant trouvée, me condui[sit] vers elle. Et elle fut bien surprise de me voir en cette disposition, laquelle je ne pouvais pour lors exprimer; mais je croyais, pour surcroît de peine, que l'on la connaissait en me voyant, ce qui n'était pas. Ma supérieure, qui savait qu'il n'y avait que la seule obéissance qui avait tout pouvoir sur cet esprit qui me tenait en cet état, m'ordonna de lui dire ma peine. Et aussitôt je lui dis le sacrifice que Dieu voulait que je lui fisse de tout mon être, en présence de la Communauté, et le sujet pour quoi il me le demandait; lequel je n'exprimerai point, crainte de blesser la sainte charité et en même temps le Coeur de Jésus-Christ, dans lequel cette chère vertu prend sa naissance ; c'est pourquoi il ne veut point qu'on l'intéresse tant soit peu, sous quel prétexte que ce puisse être. Enfin, ayant fait et dit ce que mon Souverain désirait de moi, on en parlait et jugeait diversement (1).

C'est cette dernière phrase qui, dans sa concision, est le noeud de toute la question. Car, selon toute vraisemblance, elle signifie que Soeur Marguerite-Marie étant rentrée dans la chambre où la Communauté se trouvait réunie, avant de se séparer à huit heures demi-quart, et, en l'absence de la supérieure malade, l'assistante ayant posé la question d'usage : « Vos Charités ont-elles quelque chose à dire? » à ce moment, quelque chose d'extraordinaire eut lieu. On vit sans doute la jeune et timide Soeur Alacoque tomber à genoux, et déclarer à haute voix qu'elle était chargée, de par la volonté divine, de réparer les fautes de toutes ses Soeurs.....

Au sens humain, un acte semblable, dans sa forme présente et ses conséquences futures, ne peut se mesurer..... surtout quand on pense que celle qui vient de parler est celle-là même, dont on se demandait, bien peu d'années auparavant, s'il était sage de l'admettre au monastère, et quand on songe qu'elle s'adresse alors à une Communauté composée de Soeurs issues, en grand nombre, de familles très illustres selon le monde (2).


------------


2. Environ à cinq heures trois quarts.

3. Environ six heures.

4. Pendant les petites retraites qui précédent les grandes fêtes, la récréation du soir est remplacée par une assemblée plus sérieuse.

1. Autobiographie, pp. 85-87.

2. Dans une lettre écrite a la Mère Anne-Joseph Bertier, supérieure de la Visitation d'Avallon, en date du 12 janvier 1713 et publiée pour la première fois dans l'édition 1915 de Vie et Oeuvres, la Mère de la Garde revient sur le souvenir de cette nuit douloureuse. Certaines expressions de son récit qui d'ailleurs n'est pas des plus clairs pourraient s'entendre un peu différemment du nôtre; mais la divergence ne porterait que sur des détails. Cf. I, p. 609.


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Message  Monique Mer 03 Nov 2021, 6:53 am

Et voici que soudain C'est comme un orage qui éclate, furieux, dans cette Communauté. Une sorte d'effervescence, s'empare des esprits.

La règle est là cependant, il faut se rendre aux matines. La veille des grandes fêtes, elles commencent à huit heures et demie. Mgr Languet dit que la Mère de Saumaise, avertie de tout, envoya la Soeur assistante ordonner de sa part à toutes les religieuses, qui étaient encore assemblées pour réciter les matines, de faire la nuit même une certaine pénitence qu'elle leur prescrivit, parce que Dieu était fort irrité. » Il ajoute que, tandis que les plus vertueuses se retiraient dans leurs cellules pour y pratiquer ce que la supérieure avait ordonné, prendre la discipline, les autres, au sortir des matines, accoururent à l'infirmerie, où était encore la Soeur Alacoque. Elles ne purent apprendre autre chose de ce qui s'était passé, sinon que la Soeur avait dit que Dieu était fort irrité contre la maison; mais ce récit ne fit qu'augmenter leur indignation, » remarque Mgr Languet (1) Et, il dépeint cette indignation sous de fortes couleurs. Plus modestes sont celles qu'emploie la plume de notre Sainte, quand elle écrit seulement : « Je laisse toutes ces circonstances à la miséricorde de mon Dieu. Et je puis assurer, si me semble, que je n'avais jamais tant souffert, noix pas même quand j'aurais pu rassembler toutes les souffrances que j'avais eues jusqu'alors et toutes celles que j'ai eues depuis, et que toutes ensemble m'auraient été continuelles jusqu'à la mort, cela ne me semblerait pas comparable à ce que j'endurai cette nuit, de laquelle « Notre-Seigneur voulut gratifier sa chétive esclave, pour honorer la nuit douloureuse de sa Passion, quoique ce n'en fût qu'un petit échantillon. L'on me trairait de lieu en lieu avec des confusions effroyables (1). »

Et plus loin : « L'on crut que j'étais possédée ou obsédée, et l'on me jetait force eau bénite dessus, . avec des signes de croix, avec d'autres prières pour chasser le malin esprit. Mais Celui dont je me sentais possédée, bien loin de s'enfuir, me serrait tant plus fort à lui, en me disant : J'aime l'eau bénite, et je chéris si fort la croix que je ne peux m'empêcher de m'unir étroitement à ceux qui la portent comme moi et pour l'amour de moi. Ces paroles rallumèrent tellement en mon âme le désir de souffrir, que tout ce que je souffrais ne me semblait qu'une petite goutte d'eau, qui allumait plutôt la soif insatiable que je sentais, que de la désaltérer ; quoiqu'il me semble pouvoir dire qu'il n'y avait aucune partie de mon être qui n'eût sa souffrance particulière, tant l'esprit que le corps ; et cela sans compassion ni consolation, car le diable me livrait de furieux assauts, et mille fois j'aurais succombé, si je n'avais senti une

puissance extraordinaire qui me soutenait. et combattait pour moi, parmi tout ce que je viens de dire (1). »

Cette nuit s'étant donc passée dans les tourments que Dieu connaît, et sans repos, jusqu'au lendemain environ la sainte messe, alors Soeur Marguerite-Marie entendit ces paroles : « Enfin la paix est faite et ma sainteté de justice est satisfaite par le sacrifice que tu m'as fait (2). » Continuant à parler à sa douce victime, Notre-Seigneur lui dit : « A mon imitation, tu agiras et souffriras en silence, sans autre intérêt que la gloire de Dieu dans l'établissement du règne de mon sacré Coeur dans celui des hommes, auxquels je le veux manifester par ton moyen. Mon Souverain [m'a] donné ces saints enseignements après l'avoir reçu; mais il ne me sortit point de mon état souffrant (3)...

Enfin, ma supérieure, ne sachant plus que faire de moi, me fit communier pour demander à Notre-Seigneur, par obéissance, de me remettre en ma première disposition. M'étant donc présentée à lui comme son hostie d'immolation, il me dit : Oui, ma fille, je viens à toi comme souverain Sacrificateur, pour te donner une nouvelle vigueur, afin de t'immoler à de nouveaux supplices. Ce qu'il fit, et je trouvai tout tellement changé, que je me sentais comme un esclave à qui l'on vient de redonner la liberté. « Mais cela ne dura guère, car l'on commença à me dire que c'était le diable qui était l'auteur de tout ce qui se passait en moi et qu'il me perdrait, si je n'y prenais garde, par ses ruses et illusions (1). »



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1. Vie de la Vénérable Mère Marguerite-Marie, Édition princeps. 1729, pp. 137. 138.
1. Autobiographie, p. 87.
1. Autobiographie, pp. 89, 90.

2. Ibid., p. 87. La tradition du monastère de Paray-le-Monial est que, le matin du 21 novembre 1677, i1 n'y avait pas assez de confesseurs pour satisfaire à l'impérieux besoin qu'éprouvèrent les religieuses de se purifier sous l'absolution avant de renouveler solennellement leurs voeux.

3. Ibid., p. 87.


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Message  Monique Jeu 04 Nov 2021, 8:22 am

Bien loin d'aller à la réprobation, elle allait à la plus héroïque sainteté, acceptant sans restriction aucune, de ne « plus paraître que comme un objet de contradiction, un égoût de rebut, de mépris et d'humiliation, lesquels je voyais avec plaisir venir fondre sur moi de toute part, et, » poursuit-elle, « sans recevoir aucune consolation du ciel ni de la terre. Il semblait que tout conspirait à m'anéantir. J'étais continuellement interrogée, et le peu de réponse que l'on tirait de moi, comme par force, ne laissait pas de servir d'instrument pour augmenter mon supplice. Je ne pouvais ni manger, ni parler, ni dormir; et tout mon repos et occupation n'était que de demeurer prosternée devant mon Dieu, dont la souveraine grandeur me tenait toute anéantie dans le plus profond abîme de mon néant, toujours pleurant et gémissant, pour lui demander miséricorde et détourner les traits de sa juste colère (2) .

On sait que Soeur Marguerite-Marie n'indique jamais les événements par les dates. Mais comment ne pas rapporter à cette époque ce qu'elle raconte d'une lutte de charité, dans laquelle son ardeur remporta le prix ? L'allusion est plus que transparente. « M'ayant une fois montré les châtiments qu'il voulait exercer sur quelques âmes, je me jetai à ses pieds sacrés, en lui disant : O mon Sauveur! déchargez plutôt sur moi toute votre colère, et m'effacez du livre de vie, plutôt que de perdre ces âmes, qui vous ont coûté si cher! Et il me répondit : Mais elles ne t'aiment pas et ne cesseront de t'affliger. Il n'importe, mon Dieu, pourvu qu'elles vous aiment, je ne veux cesser de vous prier de leur pardonner. Laisse-moi faire ; je ne les peux souffrir davantage ! Et l'embrassant encore plus fortement : Non, mon Seigneur, je ne vous quitterai point que vous ne leur ayez pardonné. Et il me disait : Je le veux bien, si tu veux répondre pour eux. Oui, mon Dieu; mais je ne vous paierai toujours qu'avec vos propres biens, qui sont les trésors de votre sacré Coeur. C'est de quoi il se tint content (1). »

Ne semble-t-il pas, d'ailleurs, que Notre-Seigneur ait pris soin d'abriter lui-même la réputation de la Communauté de Paray, lorsqu'il disait à Marguerite-Marie : « Je te fais bien de l'honneur, ma chère fille, de me servir d'instruments a si nobles pour te crucifier. Mon Père éternel m'a livré entre les mains cruelles des impitoyables bourreaux pour me crucifier : et moi, je me [sers] pour cet effet à ton égard des personnes qui me [sont] dévouées et consacrées, et au pouvoir desquelles je t'ai livrée, et pour le salut desquelles je veux que tu m'offres tout ce qu'elles te feront souffrir (1). » Ainsi, ces religieuses qui ont tant fait souffrir leur angélique compagne étaient agréables à Dieu, et ce n'est que par une secrète ordonnance de sa sagesse, visant la sanctification de l'humble favorite de son Coeur, qu'elles en sont venues à la traiter de la sorte. « Tout coopère au bien de ceux qui aiment Dieu, » assure saint Paule.


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2. Ibid., p. 88.
1. Autobiographie, p. 108.
1. Autobiographie, p. 98.


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Message  Monique Ven 05 Nov 2021, 7:04 am

Achevons de dire les sentiments de notre Sainte : « Je me trouvais tellement engloutie et absorbée dans ma souffrance, que je ne me sentais plus d'esprit ni de vie que pour voir et sentir ce qui se passait de douloureux à mon égard. Mais tout cela ne me causait pas le moindre mouvement d'inquiétude ni de chagrin (3). »

Il y avait pourtant bien de quoi tomber malade. Nous le savons déjà, elle ne pouvait plus rien manger. On s'en aperçut et on lui en fit des réprimandes. Sa supérieure et son confesseur lui ordonnèrent de prendre tout ce qu'on lui servirait à table. Quoique cette prescription lui parût au-dessus de ses forces, elle l'exécuta. Il en résulta des vomissements si fréquents et un tel ébranlement général dans sa santé, qu'on finit par la dégager de cette obéissance, lui donnant celle de ne prendre que ce qu'elle pourrait. Sa mortification n'y perdit rien et se trahit dans cette phrase : « Quelque effort que je me sois fait pour manger indifféremment ce qui m'était présenté, je ne pouvais me défendre de prendre ce que je croyais le moindre, comme le plus conforme à ma pauvreté et mon néant, qui me représentaient continuellement que le pain et l'eau m'étant suffisants, tout le reste était superflu.« Le manger, je l'avoue, m'a causé de rudes tourments depuis ce temps-là, allant au réfectoire comme à un lieu de supplice, auquel le péché m'avait condamnée. »

La Mère de Saumaise n'avait plus que quelques mois à gouverner la Communauté de Paray, lorsque les événements que nous venons de raconter s'y passèrent. A l'Ascension de 1678, elle déposait la charge de supérieure et retournait à Dijon, son monastère de profession, pour être élue à Moulins l'année suivante. En s'éloignant de Paray, elle emportait le germe béni de la dévotion au Sacré Coeur, afin de le répandre plus tard au loin, quand le moment marqué par Dieu serait venu. Elle gardait aussi la conviction que la professe du 6 novembre 1672 était une âme de grâce, selon la parole du Père de la Colombière ; et lorsqu'en 1690, la Mère de Saumaise sera priée de dire elle-même quelque chose de ce qu'elle en savait, on pourra lire, dans son Mémoire, ce témoignage non équivoque : « Dans l'espace de six ans que j'ai connu notre Soeur Marguerite-Marie Alacoque, je puis assurer que je n'ai pas remarqué qu'elle ait relâché d'un instant à la résolution qu'elle prit, se consacrant à Dieu par la profession religieuse, de le faire régner en elle avant tout, au-dessus de tout, et en tout ; ne s'étant jamais accordé aucun plaisir, soit pour l'esprit, soit pour le corps. Et cette fidélité lui attira de la divine Bonté des grâces et faveurs très particulières, qui la portaient à un désir très grand des croix, humiliations et souffrances. L'on pourrait dire, sans exagérer, qu'il n'y a point d'ambitieux d'honneurs et de plaisirs plus ardent qu'elle ne l'était de ces choses, dont elle faisait sa joie, bien qu'elle y fût très sensible (1). »


------------

3. Autobiographie, p. 88.
1. Autobiographie, p. 89.
1. I, p. 95.


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Message  Monique Sam 06 Nov 2021, 7:16 am

Qui remplacerait la Mère de Saumaise, auprès de l'humble fille investie d'une si grande mission ? La -Providence y pourvut, et, dans l'admirable économie de ses desseins, elle donnait au monastère de Paray, en 1678, une supérieure que l'on peut bien appeler hors ligne, en la personne de la Mère Péronne-Rosalie Greyfié, professe du premier monastère d'Annecy. Encore toute jeune enfant, elle avait été bénie par sainte Chantal. Entrée au premier monastère d'Annecy, à douze ans, comme « Soeur du petit habit, » elle passe au noviciat dès que son âge le lui permet, et ne compte pas encore dix-sept ans lorsqu'elle fait la sainte profession, le 10 août 1655. Elle puise la véritable sève de l'Institut à la racine même, et se l'assimile si parfaitement, qu'on la juge capable d'être élue supérieure à Thonon, en 1670, ayant à peine trente-deux ans. Six années d'un premier gouvernement avaient encore développé les qualités maîtresses de cette remarquable religieuse. Dieu, qui voulait s'en servir pour une couvre qu'elle ignorait elle-même, s'était hâté de tout faire mûrir en elle. En 1678, si quelqu'un était préparé pour prendre la direction d'une âme telle que celle de la Soeur Marguerite-Marie, pour en sonder à fond les états surnaturels et leur imposer l'épreuve du creuset, c'était la Mère Greyfié.

Douée d'un esprit supérieur et d'un jugement exceptionnel, du premier coup d'oeil elle comprit la situation et arrêta son plan. Le voici : « Lorsque j'entrai au service de votre maison, » écrira-t-elle au monastère de Paray, après la mort de la Soeur Alacoque, bien que votre Communauté fût très bonne et remplie de vertus et de piété, je trouvai néanmoins les sentiments fort partagés au sujet de cette véritable épouse du Sauveur crucifié, et, me trouvant sans expérience et sans aide pour la conduire dans des voies si extraordinaires, je me fiai un peu, et même beaucoup, aux assurances qu'elle me donna, que le Seigneur me ferait agir selon sa sainte volonté à son égard ; de sorte que je suivis sans crainte mon penchant naturel, qui cherche la paix et la tranquillité. Et afin d'y tenir chacun, je n'ai presque jamais fait mine de faire attention à ce qui se passait d'extraordinaire en cette âme. Je ne la produisais auprès de personne, ni du dedans, là du dehors. S'il arrivait qu'elle fît quelque chose qui déplût, encore que c'eût été par mon ordre ou avec mon congé, je souffrais qu'on la désapprouvât et je l'en blâmais moi-même, quand c'était en sa présence (1). »

C'en fut assez pour que Soeur Marguerite-Marie reconnût que sa nouvelle supérieure agissait d'après l'esprit de Dieu. Dès lors, elle lui voua une reconnaissance et une affection qui ne feront que grandir tous les jours, et qui, par là même, demeureront à tout jamais pures du soupçon d'être inspirées par des sentiments humains.


------------

1. I, pp. 350, 351, Mémoire de la Mère Greyfié, cité aussi parles Contemporaines, I, pp. 163, 164.


A suivre...


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Message  Monique Dim 07 Nov 2021, 7:40 am

Consumée du désir de faire connaître et aimer le Coeur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, sa bienheureuse disciple ne tarda pas à s'ouvrir là-dessus à celle qui, désormais, lui tenait la place de Dieu. « Je me souviens que la première fois que j'eus le bonheur d'entretenir cette chère Soeur, » écrit la Mère Greyfié, elle me parut avoir une ardeur véhémente de trouver les moyens de faire connaître, adorer et aimer ce Coeur très adorable, à tous les habitants de l'univers, si elle eût pu. D'autre part, la connaissance et le bas sentiment qu'elle avait pour elle-même et qui croissait tous les jours, la repoussait bien loin de cette entreprise, croyant de bonne foi qu'il suffisait qu'elle s'en mêlât pour tout gâter et inspirer du rebut de cette dévotion, qu'elle avait tant à coeur, et pour l'établissement de laquelle elle aurait voulu donner mille vies, si elle les avait eues (1). »

           En attendant, elle se laissait immoler entièrement par l'obéissance. La Mère Greyfié était femme à frapper de grands coups. Peu après son arrivée à Paray, elle retrancha l'heure de veille du jeudi au vendredi à la Servante de Dieu. Celle-ci obéit; mais, rapporte la Mère Greyfié, souvent pendant cet intervalle d'interruption, elle venait à moi toute craintive, m'exposer qu'il lui semblait que Notre-Seigneur me savait mauvais gré de ce retranchement, et qu'elle craignait qu'il ne se satisfît là-dessus de quelque manière qui me serait fâcheuse et sensible. Je n'en démordis pas encore; mais voyant ma Soeur Quarré mourir assez promptement d'un flux de sang, dont personne dans le monastère ne fut malade qu'elle, et quelques autres circonstances qui accompagnèrent la perte d'un si bon sujet, je rendis vite l'heure d'oraison à votre précieuse défunte, la pensée me poursuivant fortement que c'était là la punition dont elle m'avait menacée de la, part de Notre-Seigneur (1). »

Sa retraite de l'année 1678 laissa de profonds souvenirs de grâce dans l'âme de Soeur Marguerite  

Marie. « Voici ce que mon Souverain me fit entendre..... Comme je me plaignais de ce qu'il me donnait ses consolations avec trop d'abondance, ne me sentant capable de les soutenir, il me dit que c'était pour me fortifier, parce que j'avais à souffrir. Bois et mange, me dit-il, à la table de mes délices, pour te rafraîchir, afin que tu chemines courageusement, à la force de ce pain; car tu as encore un long, pénible et rigoureux chemin à faire, et dans lequel tu auras souvent besoin de prendre haleine et repos dans mon sacré Coeur, qui pour cela te sera toujours ouvert, tandis que tu marcheras dans ses voies. Je veux que ton coeur me soit un asile où je me retirerai pour y prendre mon plaisir, lorsque les pécheurs me persécuteront et rejetteront des leurs......

« Ne t'oublie jamais de ton néant et que tu es la victime de mon Coeur, qui doit toujours être disposée d'être immolée pour la charité..... Comme je te l'ai promis, tu posséderas les trésors de mon Coeur en échange, et je te permets d'en disposer à ton gré, en faveur des sujets disposés. N'en sois pas chiche car ils sont infinis.....

« J'ai encore une rude et pesante croix à mettre sur tes faibles épaules ; mais je suis assez puissant pour la soutenir. Ne crains rien et me laisse faire tout ce que je voudrai de toi et en toi (1). »


------------


1. I, p. 363, Mémoire de la Mère Greyfié, cité aussi par les Contemporaines, I, p. 213.

1. I, p. 359, Mémoire de la Mère Greyfié, cité aussi par les Contemporaines, I, p. 166. La Soeur Marie-Élisabeth Quarré, sur laquelle la Mère Greyfié fondait de si belles espérances, décéda le 14 octobre 1678.

1. II, pp. 192, 193, 194. Cf. I, pp. 276, 277, 278.


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Message  Monique Lun 08 Nov 2021, 7:06 am

Ce fut vers cette époque que la Sainte reçut un gage nouveau de l'amour de son doux Maître, Un jour qu'elle était dans une grande souffrance, il lui dit : « Ma fille, ne t'afflige pas, car je te veux donner un gardien fidèle qui t'accompagnera partout et t'assistera dans toutes tes nécessités intérieures et qui empêchera que ton ennemi ne se prévaudra point de toutes les fautes où il croira de te faire tomber par ses suggestions, qui retourneront à sa confusion, grâce qui me donne une telle force qu'il me semble n'avoir plus rien à craindre, car ce fidèle gardien de mon âme m'assiste avec tant d'amour qu'il m'affranchit de toutes ces peines. Mais je ne le voyais que lorsque mon Seigneur me cachait sa présence sensible, pour me plonger dans les douleurs très rigoureuses de sa sainteté de justice. C'était alors qu'il me consolait par ses familiers entretiens, me disant une fois : Je vous veux dire qui je suis, ma chère Soeur, afin que vous connaissiez l'amour que votre Époux vous porte. Je suis un des sept Esprits qui sont les plus proches du trône de Dieu, et qui participent le plus aux ardeurs du sacré Coeur de Jésus-Christ.... Une autre fois, il me dit : Prenez bien garde qu'aucune grâce et caresse familière que vous recevez de notre Dieu ne vous fasse oublier de ce qu'il est et de ce que vous êtes ; car autrement je tâcherais moi-même de vous anéantir (1). »

Cette âme héroïque devait clôturer l'année 1678 par un acte solennel. Notre-Seigneur, comme souverain Sacrificateur, lui commanda de faire en sa faveur un testament ou donation entière, sans réserve et par écrit, de tout ce qu'elle pourrait faire et souffrir, de toutes les prières et biens spirituels que l'on ferait pour elle, pendant sa vie et, après sa mort. Le divin Maître entendait que la chose fût faite en règle. Il fit demander par Soeur Marguerite-Marie à la Mère Greyfié si elle voulait bien servir de notaire en cette affaire qu'il se chargeait de la payer solidement. Si la supérieure refusait, la Soeur devait s'adresser au Père de la Colombière. Mais la Mère Greyfié, après avoir pris le temps de réfléchir, s'y prêta très volontiers. Elle écrivit donc elle-même la pièce suivante :

« Vive Jésus dans le coeur de son épouse, ma Soeur Marguerite-Marie, pour laquelle, et en vertu du pouvoir que Dieu m'a donné sur elle, j'offre et dédie et consacre purement et irrévocablement au sacré Coeur de l'adorable Jésus tout le bien qu'elle pourra faire pendant sa vie, et celui qui sera fait après sa mort, pour elle, afin que la volonté de ce Coeur divin en dispose à son gré et selon son bon plaisir et en faveur de quiconque il lui plaira, soit vivant ou trépassé-; ma Soeur Marguerite-Marie protestant qu'elle s'en dépouille volontiers généralement de tout, excepté la volonté d'être à jamais unie au divin Coeur de son Jésus, et l'aimer purement pour l'amour de lui-même. En foi de quoi, elle et moi signons cet écrit, le dernier jour de décembre 1678. Soeur Péronne-Rosalie Greyfié; à présent supérieure, et de laquelle ma Soeur Marguerite-Marie demandera tous les jours la conversion à ce Coeur divin. et adorable, avec la grâce de la pénitence finale (1). »


-------------


1. II, pp. 159, 160. Cf. I, pp. 278, 279.
1. I, P. 408. Cf. I, pp. 172, 173.


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Message  Monique Mar 09 Nov 2021, 6:52 am

La Soeur ayant présenté cet écrit à Notre-Seigneur, il lui en témoigna un grand agrément et lui dit que, puisque son amour l'avait dépouillée de tout, il ne voulait pas qu'elle eût d'autres richesses que celles de son sacré Coeur et il lui en fit une donation à l'heure même, me la faisant écrire de mon sang, selon qu'il la dictait, et puis je la signai sur mon coeur avec un canif, duquel j'y écrivis son sacré Nom de Jésus, » ajoute l'Autobiographie (1). Consultons le Mémoire des Contemporaines. Nous y lirons ce qui suit :

« Après cette donation faite, je la signai», dit-elle, « sur mon coeur, comme mon divin Maître le voulait, et je la signe encore ici : Soeur Marguerite-Marie, disciple du divin Coeur de L'adorable Jésus, lequel s'étant donné à moi par la sainte communion, il me fit lire dans ce Coeur adorable ce qui était écrit pour moi. Ce qui suit est écrit de son sang : Je te constitue héritière de mon Coeur et de tous ses trésors pour le temps et l'éternité, te permettant d'en user selon ton désir, et te promets que tu ne manqueras de secours que lorsque mon Coeur manquera de puissance. Tu en seras pour toujours la disciple bien-aimée, le jouet de son bon plaisir et l'holocauste de ses désirs, et lui seul sera le plaisir de tous tes désirs, qui réparera et suppléera à tes défauts, et t'acquittera de tes obligations (2). »

Essayons d'expliquer plus clairement le fait.

Il a besoin d'être étudié pour être bien compris. En voici 'l'enchaînement logique. Soeur Marguerite-Marie présente à Notre-Seigneur le testament en question et, dans un transport d'amour, grave le saint Nom de Jésus sur son coeur. Puis, elle signe en ces termes la pièce écrite par la Mère Greyfié : « Soeur Marguerite-Marie, disciple du divin Coeur de l'adorable Jésus. » Enfin, Notre-Seigneur, lui fait lire ce qu'il y a d'inscrit pour elle dans son sacré Coeur et lui fait écrire de son sang la donation ci-dessus : « Je te constitue héritière,... » etc. L'Autobiographie continue :

« Après quoi, il me dit qu'il prendrait soin de récompenser au centuple tous les biens que l'on me ferait, comme faits pour lui-même, puisque je n'avais plus rien à y prétendre ; et que, pour récompense à celle qui avait dressé ce testament en sa faveur, il lui voulait donner la même récompense qu'à sainte Claire de Montefalco ; et que pour cela, [il] ajouterait à ses actions les mérites infinis des siennes, et par l'amour de son sacré Coeur, il lui ferait mériter la même couronne. Ce qui me donna une grande consolation, parce que je l'aimais beaucoup, à cause qu'elle nourrissait mon âme abondamment du pain délicieux de la mortification et humiliation, qui était si agréable au goût de [mon] souverain Maître (1). »

Ce testament était daté du 31 décembre 1678. Presque à la même date, le Révérend Père de la Colombière, qui venait de se voir frustré de la gloire du martyre, mais avait, du moins, conquis la palme de confesseur de la foi, injustement accusé et banni d'Angleterre, reprenait le chemin de la France.


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1. Autobiographie, p. 96.

2. I, p. 173. Parmi les Écrits de la Mère Greyfié, on trouve une autre version un peu différente de ce texte. Cf. I, pp. 408-409.

1. Autobiographie, p. 96.
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Message  Monique Mer 10 Nov 2021, 6:36 am

Cette disgrâce entrait dans les desseins de Dieu, pour reconduire momentanément le saint jésuite dans la petite ville charolaise, à une époque où sa présence était singulièrement opportune. La Mère Greyfié avait alors des craintes au sujet de la Soeur Alacoque. Elle les soumit au Père et voici comment il l'éclaira et la rassura : « Il me fit connaître qu'il n'hésitait pas de croire que ce qui se passait en cette chère Soeur ne fût vraies grâces de Dieu. Mais qu'importe, me dit-il, quand ce seraient des illusions diaboliques, pourvu que cela produise en elle les mêmes effets que font les grâces du Seigneur ? Il n'y a nulle apparence à cela, me dit-il encore, parce qu'il se trouverait que le diable, en la voulant tromper, se tromperait lui-même, l'humilité, la simplicité, l'exacte obéissance et la mortification n'étant point les fruits de l'esprit de ténèbres (1). »

Si ce retour passager de l'éminent religieux à Paray fut une consolation pour notre Sainte, il lui devint aussi l'occasion de manifester une fois de plus sa vertu consommée. Le Révérend Père souhaitant parler à Soeur Marguerite-Marie au confessionnal, pour être en particulier, la Mère Greyfié le permit très volontiers. Mais elle apprit bientôt qu'on s'en était fait de la peine » peine sans fondement, et bien puérile à coup sûr c'est égal ! cette surnaturelle supérieure n'oublia pas de reprendre et mortifier sa fille en plein Chapitre à ce sujet. « Toute autre qu'elle, » avoue la Mère Greyfié, m'aurait pu faire souvenir qu'elle n'avait pas recherché cet entretien et qu'elle n'y serait allée que pour m'obéir. On m'aurait peut-être dit quelques autres choses de plus et l'on n'aurait pas cru avoir tort dé se plaindre, au moins avec les meilleures amies, de mon procédé qui, très assurément, tenait de l'injustice quelquefois à son égard. Mais bien loin de tout cela, en bonne et fidèle ménagère, elle rapportait le tout au profit de l'humilité, de la douceur et de la patience, et jamais n'a fait la moindre représentation de son innocence (1). »

Et le Père de la Colombière, que, pensa-t-il de Soeur Marguerite-Marie ? Le 23 mars 1679, il écrivait à la Mère de Saumaise : « Passant à Paray, je n'ai pu voir qu'une fois la Soeur Alacoque, mais j'ai bien eu de la consolation en cette visite. je la trouvai toujours extrêmement humble et soumise, dans un grand amour de la croix et du mépris. Voilà des marques de la bonté de l'esprit qui la conduit, et qui n'a jamais trompé personne (2). » L'ange de ténèbres avait une haine marquée pour la disciple du Coeur de Jésus. « Maudite que tu es, » lui dit-il un jour, je t'attraperai et si je te peux une fois tenir à ma puissance, je te ferai bien sentir ce que je sais faire ; je te nuirai partout (1). »


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1. I, p. 361, Mémoire de la Mère Greyfié. Cf. 1, p. 175.
1. I, p. 351, Mémoire de la Mère Greyfié. Le présent alinéa n'est qu'imparfaitement cité par les Contemporaines, I, p. 176.
2. I, p. 148.
1. Autobiographie, p. 81.


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Message  Monique Jeu 11 Nov 2021, 7:45 am

Désespéré qu'il était de n'avoir pu abuser cette âme, ni l'enlacer dans les filets de l'orgueil, il s'en était, depuis longtemps, pris à son corps, se donnant pour tâche de lui tendre des pièges en tout lieu. D'abord, il la rendait à tout propos d'une maladresse extrême, lui faisant tomber des mains et casser les objets qu'elle tenait. Plusieurs fois, il fut plus méchant encore. Un jour, il la poussa du haut d'un escalier, « tandis qu'elle portait; du feu dans un vaisseau de terre, qui ne se rompit point (2). » La confusion fut pour son ennemi et non pour elle, qui se trouva au bas de l'escalier, sans avoir même rien renversé, ni sans s'être fait aucun mal. Naturellement parlant, elle aurait dû se casser les jambes. Mais son saint ange était là qui veillait. Elle dit tout simplement : « Je sentis mon fidèle gardien qui me soutint (3). » Le malin ne la laissait presque jamais tranquille et la. poursuivait aux récréations comme ailleurs. A différentes reprises, étant ensemble au chauffoir commun, plusieurs des religieuses virent tout d'un coup retirer l'escabeau sur lequel la Servante de Dieu était assise, sans qu'on` aperçut l'être qui se jouait ainsi d'elle. L'humble Soeur tombait alors à terre et reprenait paisiblement son siège ; mais le fait se réitérant un seul jour sur-le-champ jusqu'à trois fois, il fut impossible de ne pas reconnaître l'auteur de cette vexation. La Soeur de Lyonne s'avisa de dire : « Il faut que le démon s'en mêle ! » A quoi la Soeur Alacoque ne répondit que « par un souris (1). »

Notre-Seigneur l'avait prévenue que Satan avait demandé de l'éprouver comme l'or dans la fournaise, et qu'il lui avait tout permis, à la réserve de l'impureté ; mais que, pour toutes les autres tentations, il lui fallait être sur ses gardes, et qu'elle aurait surtout à subir celles dont le diable avait osé l'attaquer lui-même. Elle en fit la terrible expérience. Il y a une haute leçon, cachée pour nous sous les humbles aveux d'une si grande âme. « Je souffris pendant ce temps-là de rudes combats de la part du démon, qui m'attaquait particulièrement sur le désespoir, me faisant voir qu'une aussi méchante créature que moi ne devait point prétendre de part dans le paradis, puisque je n'en avais déjà point dans l'amour de mon Dieu, duquel je serais privée pour une éternité. Cela me faisait verser des torrents de larmes. D'autres fois, il m'attaquait de vaine gloire, et puis de cette abominable tentation de gourmandise, me faisant sentir des faims effroyables ; et puis, il me représentait tout ce qui est le plus capable de contenter le goût, et cela dans le temps de mes exercices, ce qui m'était un tourment étrange. Et cette faim me durait jusqu'à ce que j'entrais au réfectoire pour prendre ma réfection, dont je me sentais d'abord dans un dégoût si grand, qu'il me fallait faire une grande violence, pour prendre quelque peu de nourriture. Et d'abord que j'étais sortie de table, ma faim recommençait plus violente qu'auparavant. » Ce que voyant, la Mère Greyfié ordonna à cette parfaite obéissante de venir lui demander à manger, lorsqu'elle se sentirait plus pressée de la faim, « ce que je faisais avec des violences extrêmes, pour la grande confusion que je sentais, » rapporte la Sainte. « Et au lieu de m'envoyer manger, elle me mortifiait et humiliait fortement là-dessus, en me disant que je garderais ma faim pour la contenter lorsque les autres iraient au réfectoire. Après, je demeurais en paix dans ma souffrance (1). »


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2. I, p. 521. Déposition de Soeur Claude-Marguerite Billet. Procès de 1715.
3. Autobiographies p. 81.
1. I, p. 532. Déposition de soeur Marie-Rosalie de Lyonne. Procès de 1715
1. Autobiographie, pp. 99, 100.


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Message  Monique Ven 12 Nov 2021, 6:38 am

Non seulement Notre-Seigneur ne voulait pas diminuer la sensibilité ni les répugnances de Marguerite-Marie (2), mais il avait divinement pris ses mesures pour les aviver encore. « Il voulait que je fusse dans un continuel acte de sacrifice, et que, pour cela, il augmenterait mes sensibilités et mes répugnances, en telle sorte que je ne ferais rien qu'avec peine et violence, pour me donner matière de victoire, même dans les choses les plus minces et indifférentes. Ce que je puis assurer avoir toujours éprouvé depuis. De plus, que je ne goûterais plus aucune douceur que dans les amertumes du Calvaire, et qu'il me ferait trouver un martyre de souffrance dans tout ce qui pouvait composer la joie, le plaisir et la félicité temporelle des autres. Ce qu'il m'a fait éprouver d'une manière très sensible, puisque tout ce qui [se] peut nommer plaisir, me devint un supplice (1). »

Une fois, Notre-Seigneur lui fit entendre qu'il la voulait retirer dans la solitude, non celle d'un désert, mais celle de son sacré Coeur, et il lui demanda de jeûner cinquante jours au pain et à l'eau, pour honorer son jeûne dans le désert. Elle n'en put obtenir la permission, cette singularité ne cadrant pas avec les usages ordinaires. Alors, son Époux divin l'assura qu'il aurait comme très agréable qu'elle passât cinquante jours sans boire, pour rendre hommage à la soif que son Coeur sacré a du salut des pécheurs. La courageuse Soeur Alacoque commença donc cette pénitence, mais on ne la lui laissa pas achever pour cette première fois. Plus tard, elle eut congé de la recommencer et d'aller jusqu'au bout des cinquante jours. Elle passait de même les vendredis sans boire, depuis le jeudi soir jusqu'au samedi matin, ce qui était d'autant plus extraordinaire qu'elle était plus habituellement travaillée d'une soif dévorante. Elle continua longtemps cette pratique, jusqu'à ce que la Mère Greyfié, jugeant de son devoir de la lui défendre, lui donna l'obéissance de boire trois ou quatre fois entre les repas, tous les jours. Mais, pour obéir et souffrir tout ensemble, Soeur Marguerite-Marie s'avisa de boire de l'eau où on lavait la vaisselle, et même la lessive. Une Soeur, l'ayant prise sur le fait, en prévint la supérieure, qui sut bien encore, en cette rencontre, gratifier l'innocente coupable d'une énergique réprimande.


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2. Cf Autobiographie, p. 83.
1. Autobiographie, p. 101.


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Message  Monique Sam 13 Nov 2021, 7:46 am

La parfaite loyauté de la Mère Péronne-Rosalie à dépeindre la sévérité de sa conduite envers la Servante de Dieu donne à ses récits un charme plein d'une mâle saveur. Nous allons encore en goûter quelque chose. Il est question de la mystérieuse douleur de côté que la Sainte portait continuellement, et que Notre-Seigneur lui avait prédit ne pouvoir être soulagée que par la saignée. « Je l'ai vue pressée de sa douleur, se tenir en paix, sans demander la saignée, à laquelle nos Soeurs et moi aussi avions de la répugnance, parce qu'il la lui fallait faire trop souvent. On s'en prenait à elle; comme si ç'avait été un remède attaché à sa fantaisie, plutôt que propre à son mal. Elle a eu de bonnes occasions à ce sujet de souffrir et de patienter en silence, comme elle faisait entre Dieu et elle. Moi-même, une fois, je m'obstinai à ne vouloir pas qu'elle fût saignée. On lui fit plusieurs autres remèdes, qui ne servirent qu'à aigrir sa douleur. Elle en vint à un vomissement de toutes sortes d'aliments qu'on pût lui donner, même la confection d'hyacinthe. Elle ne refusait rien de tout ce qu'on lui donnait pendant deux ou trois. jours, ni ne se plaignit jamais d'être dans ce pauvre état, faute de lui vouloir faire une saignée. Quand je lui en parlai : « Ma Mère, » me dit-elle, « je sais bien qu'il n'y a que ce remède qui me soulage : mais je ne le désire pas, si Votre Charité ne le veut pas, parce que mon Jésus vous fait vouloir tout ce qu'il veut pour moi. Je suis bien aise de souffrir tant qu'il lui plaira. » A la fin, le mal l'ayant réduite dans l'état de ne pouvoir presque plus respirer ni parler, et ses vomissements dans une grande faiblesse, je la conduisis à l'infirmerie, où on ne lui eut pas plus tôt tiré une palette de sang qu'elle reprit la liberté de la respiration et de la parole, et se trouva si vigoureuse, qu'aussitôt que son bras fut bandé, elle aurait voulu que je lui eusse permis d'aller à la suite de la Communauté......

« Je voulus lui épargner les petites mortifications ordinaires que ce remède lui attirait, et pour cela j'envoyais ma Soeur Catherine-Augustine [Marest] quelquefois la saigner dans sa cellule. Mais Notre-Seigneur, qui ne voulait pas qu'elle eût cet adoucissement, permit qu'un jour, que j'avais usé de cette précaution, elle tombât à coeur failli pendant la sainte messe ; et aussitôt on en devina la cause.

« Je ne m'étonne point, ni ne m'étonnai point pour lors de voir tant de petits désagréments à son sujet ; car encore qu'il fût vrai que sa vie était toute de vertus et d'exemple, elle-même avait obtenu, par ses instances auprès de Notre-Seigneur, qu'il ne laisserait rien paraître en elle que ce qui serait capable de l'anéantir et humilier. De là venait que tout lui tournait en humiliation et contradiction; et aux occasions qui lui étaient plus sensibles, Notre-Seigneur lui remettait sa demande en mémoire. Elle avouait que la (139) fille d'Adam souffrait beaucoup en elle, mais celle de Dieu se réjouissait de tout ce qui lui faisait peine, soit au corps ou à l'esprit, de la part de Dieu ou des créatures (1) »

Il faudrait pouvoir citer tous les Avis que la Mère Greyfié donnait à sa chère fille, pour mieux faire admirer la largeur de vues, le sens pratique et la tendresse de coeur que cette grande religieuse possédait, bien que souvent, à l'égard de Soeur Marguerite-Marie, cette tendresse ne fût pas apparente. Dans tous ces petits écrits maternels, tracés en hâte au courant de la plume, il y a, mélangés les uns aux autres, des mots d'une force surnaturelle incontestable, des décisions d'une netteté sans réplique. Donnons quelques exemples

« Je prie Jésus-Christ, Seigneur et Sauveur tout-puissant, de commander à la tempête qu'elle cesse chez vous ; et je vous dis en son nom demeurez en paix ! Votre âme est la part du Seigneur et le Seigneur est la part de votre âme..... Vous mangerez ce que vous aimez et désirez de manger, lorsque la Communauté en sera servie aux repas ordinaires ; passé cela, vous prendrez patience avec la faim. Humiliez-vous devant Dieu de vos tentations...

« Fiez-vous en sa bonté et en la charité du Coeur sacré de Jésus-Christ, et ne vous mettez en peine de rien qui puisse vous arriver. C'est la gloire d'un soldat fidèle, et c'est le signe de sa fidélité d'être singulièrement haï de l'ennemi mortel de son prince souverain.



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1. I, pp. 353, 355, 356, Mémoire de la Mère Greyfié. Cf. I, pp. 123, 124, X25.


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Message  Monique Dim 14 Nov 2021, 8:01 am

Mais les rois et les princes n'ont pas toujours le pouvoir de garantir leurs soldats de la malice de leurs adversaires. Il n'en est pas de même de notre Dieu, qui ne peut être surpris ni trompé, et qui terrasse, quand il lui plaît, notre ennemi, et nous en rend victorieuse, malgré sa rage et notre faiblesse, que sa divine grâce rend forte, à proportion de notre confiance...

« Je vous mortifierai et humilierai volontiers et de bon coeur dans les rencontres, parce que vous avez besoin de ce secours, que c'est charité de vous le donner, et que je désire le bien de votre âme. Que cela ne vous ôte pas, pourtant, la confiance de venir à moi ou de m'écrire, selon que vous en aurez le désir et le besoin ; je serai toujours de bonne volonté à vous servir. Votre âme est chère à la mienne, malgré tout ce qui peut vous rendre désagréable, surchargeante et importune. Il faut imiter le Père céleste, qui vous fait des faveurs sans aucun mérite de votre part... »

L'humble Soeur avait sans doute confié, une fois encore à sa supérieure, l'irrésistible et tout surnaturel attrait qui la poussait à désirer la correction. Elle en reçoit cette prudente et charmante réponse : « Quant à ce qui est de vous mortifier, je vous donnerais volontiers des bonnes portions de ce pain de l'âme religieuse, si Dieu vous donnait plus de santé; mais vos infirmités m'abattent le courage, lorsque je voudrais l'élever en faveur de votre faim spirituelle. Dites donc à Notre-Seigneur qu'il me donne moins de tendresse sur vos maux, ou à vous plus de santé, ou bien qu'il me dispense de vous traiter comme vos démérites, dans les occasions où vous donnez lieu de vous corriger et humilier...

« Si on vous interroge, il faut répondre alors avec simplicité, selon votre pensée, mais courtement ; et puis ne pas réfléchir sur ce que vous aurez répondu, pour connaître si il a été bien ou mal reçu, parce que ces sortes de réflexions se peuvent appeler le gland dont l'amour-propre s'engraisse. Le malheur est que l'on ne le tue pas à la Saint-Martin, comme les porcs et qu'il vivra autant que nous. Il n'y a singerie que ce maudit amour de nous-mêmes ne fasse, pour faire perdre la sainte simplicité aux âmes qui doivent aimer Dieu, en se renonçant sans cesse elles-mêmes...

« Puisque vous êtes à Dieu, s'il vous veut imprimer comme une cire molle, ou se jouer de vous comme dune paume, que vous importe ? Abandon pour l'amour, abandon par amour et abandon en l'amour de Jésus-Christ. Je crois que c'est ce que Dieu veut de vous, parce qu'il aime à nous gouverner, et nous-mêmes n'entendons rien à nous conduire...

« J'ai perdu le commencement de matines pour lire votre écrit et pour y faire ces mots de réponse et vous dire, mon cher enfant, que vous demeuriez en paix au milieu de la guerre qui est chez vous. Celui qui vous la fait vous veut sauver et c'est pour ce sujet qu'il vous poursuit. Laissez-vous prendre par lui-même...

« Non, ma mie, je ne veux pas que notre union cesse et quand vous seriez cent fois pire que vous n'êtes, je la veux toujours continuer (1). »



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1. Avis de la Mère Greyfié, 1, pp- 395, 396; 400, 401 ; 390; 412; 392 ; 413; 391. Cf. pp. 177-179, 180-183.


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Message  Monique Lun 15 Nov 2021, 8:07 am

Pendant l'automne de 1679, Soeur Marguerite-Marie, brûlant toujours plus de l'amour de son Dieu, et sentant que la blessure qu'elle s'était faite, en gravant le saint Nom de Jésus sur son coeur, commençait à s'effacer, s'imagina de la raviver à la flamme d'une bougie. Le succès dépassa ses intentions; des plaies se formèrent. La pauvre Soeur, à la veille d'entrer en retraite, se vit obligée d'avertir sa supérieure. La Mère Greyfié répondit qu'elle voulait y faire mettre quelque remède, pour prévenir tout mal dangereux. Désolation intime pour cette amie de la souffrance cachée! « O mon unique Amour ! souffrirez-vous que d'autres voient le mal que je me suis fait pour l'amour de vous ? N'êtes-vous pas assez puissant pour me « guérir, vous qui êtes le souverain remède à tous « mes maux ? (2) » C'en fut assez. Notre-Seigneur se laissa vaincre et promit à sa servante que, le lendemain, elle serait guérie. L'effet suivit la promesse. Cependant, la Soeur Alacoque n'ayant pu encore. rencontrer sa supérieure pour l'en instruire, reçut d'elle un billet, lui enjoignant de montrer son mal à la Soeur qui lui remettrait l'écrit a. Comme notre Sainte était guérie, elle se crut dispensée de cette obéissance, au moins jusqu'à ce qu'elle eût raconté le fait à la supérieure, allant la trouver sans retard et lui disant pourquoi elle n'avait pas accompli ce que portait le billet. Si la Mère Greyfié fut sévère et sans miséricorde pour ce délai dans l'obéissance, Notre-Seigneur le fut bien plus encore. Pendant cinq jours, il relégua la coupable sous ses pieds sacrés, lui apprenant à pleurer et à expier cette désobéissance, mais cela, à la manière d'un Dieu offensé. De plus, il lui dit, qu'en punition de sa faute, ce Nom sacré, dont la gravure lui avait coûté si cher, ne paraîtrait plus. « Je peux dire que je fis une solitude de douleur,» écrit-elle (1). Et, en fin de compte, la Mère Greyfié exigea qu'elle montrât son mal à la Soeur, bien que tout remède fût devenu inutile, la guérison étant parfaite (2).

Avant d'expérimenter une fois encore la vigueur de la conduite de la Mère Greyfié, Soeur Marguerite-Marie avait réellement bien besoin d'être réconfortée par son bon Maître. Lui-même ne le savait-il pas mieux que personne ? Aussi, un jour de l'Ascension, tandis qu'elle était devant le saint Sacrement avec la Communauté, pour honorer le moment où Notre-Seigneur monta au ciel, il lui apparut au sein d'une ardente lumière, et s'approchant d'elle, il lui dit : « Ma fille, j'ai choisi ton âme pour m'être un ciel de repos sur la terre et ton coeur me sera un trône de délices à mon divin amour (1). » Parole capable de noyer dans un océan de douceurs divines toutes les amertumes de la terre!


2. Autobiographie, pp. 110-111.
1. Autobiographie, p. 112.

2. Mgr Languet rapporte que la Soeur des Escures « vit ces blessures auparavant profondes et invétérées, couvertes de grandes croûtes desséchées, qui ne laissaient plus paraître que la forme très bien marquée du Nom de Jésus, écrit en grands caractères, tels que sont ceux qu'on peint avec des moules dans de grands livres. « Vie de la Vénérable Mère Marguerite-Marie. Édition princeps 1729, p. 170. Après la mort de la Servante de Dieu, la Soeur des Escures eut la sainte curiosité de se rendre compte s'il paraissait encore quelque chose de cette gravure sanglante, et elle informa la Mère Greyfié qu'aucune trace n'en demeurait; à quoi la bonne Mère lui répondit, le 16 décembre 1690 : « Ce que vous m'assurez n'y avoir rien pu connaître m'est une confirmation de la vérité de ses grâces... Je tiens pour une petite merveille qu'elle ait été guérie sans qu'il en soit resté aucune marque. » Lettre autographe. Archives de la Visitation de Paray. I, pp. 345, 346.

1. I, p. 266. Cf. II, p. 168.


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Message  Monique Mar 16 Nov 2021, 7:55 am

Néanmoins, la souffrance conduisit de nouveau notre Sainte à l'infirmerie, et le 19 juin 1680, veille de la fête du Saint-Sacrement, elle n'avait pu encore quitter le lit, lorsque la Mère Greyfié vint la visiter. La pauvre souffrante lui demande congé de se lever pour aller à la sainte messe. La Mère hésite; la Soeur reprend, de bonne grâce : « Ma bonne Mère, si vous le voulez bien, Notre-Seigneur le voudra bien aussi et m'en donnera la force. » Alors, la supérieure donne ordre à l'infirmière de faire prendre quelque nourriture le matin à la malade et de la faire lever environ l'office, pour la mener à la messe. Le soir, Soeur Alacoque dit qu'elle souhaiterait bien rester à jeun, afin de pouvoir communier, espérant que Notre-Seigneur lui donnerait assez de forces pour cela. L'infirmière y acquiesça, pensant que la Mère Greyfié n'y ferait pas de difficulté et promit d'ailleurs de demander la permission. Hélas! elle s'en oublia jusqu'au lendemain. Ayant fait lever sa malade plus matin qu'il n'avait été convenu, elle sortit par une porte, pour aller prévenir la Mère Greyfié, tandis que celle-ci entrait par une autre. Trouvant la Soeur levée et apprenant qu'elle était à jeun, dans l'intention de communier, « sans m'informer de plus de raisons, » dit la Mère, « je lui fis une verte correction, lui exagérant les défauts de sa conduite, que je disais être effet de propre volonté, manquement d'obéissance et de soumission et de simplicité, etc... En conclusion je dis qu'elle irait à la messe et qu'elle y communierait; mais que, puisque sa propre volonté lui avait donné assez de force et de courage pour cela, je voulais aussi commander à mon tour qu'elle n'avait qu'à reporter ses draps de lit à sa cellule et son couvert au réfectoire et s'en aller à l'office quand il sonnerait, s'y ranger et suivre en tout les exercices de communauté, cinq mois de suite, sans que, pendant tout ce temps-là, il fût besoin de lui faire aucun remède, ni qu'elle mît le pied à l'infirmerie, sinon pour y voir les malades et leur rendre service tous les jours, si les infirmières en avaient besoin. Elle reçut ma correction à genoux, les mains jointes, avec un visage doux et tranquille; et après avoir ouï mes ordres, elle me demanda humblement pardon et pénitence de sa faute. Et aussitôt elle commença d'accomplir à la lettre tout ce que je lui avais dit. Notre-Seigneur voulut qu'elle obéit en tout et lui promit la santé pour cela, qu'elle eut bonne dès ce jour-là même jusqu'à celui de la Présentation de Notre-Dame, (que s'accomplirent les cinq mois, et auquel Notre-Seigneur, acceptant la rénovation de ses voeux, lui renouvela, en titre de grâces, tous ses maux précédents (1) ».


Vraiment, en face de la manière d'agir de la Mère Greyfié, il fait bon penser qu'elle dira un jour : « Je ne lui épargnais pas les corrections, prenant, de tout, occasion de l'humilier, sur les mêmes sujets Pour lesquels je l'estimais dans mon coeur (2). » Et encore : « Je voyais que Notre-Seigneur la voulait presque toujours à la moisson de la myrrhe ; et, soit pour satisfaire à cette sainte fille, qui ne respirait que le mépris et la souffrance, soit aussi pour la mettre à l'épreuve, je lui ai donné souvent lieu de contenter son appétit de mortification ; en sorte que, toujours mon estime et ma pitié prenait en moi fortement son parti contre ma propre conduite à son égard (3). » Voilà qui met les choses au point. Au fond, plus la Mère se montre impitoyable, plus elle vénère et aime sa fille.


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1. I, pp. 354, 355, Mémoire de la Mère Greyfié.
2. Ibid., p. ,385. Ce passage n'est pas cité par les Contemporaines.
3. Lettre autographe de la Mère Greyfié à la Sur des Escures, 5 novembre 1690, I,. p. 343.


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Message  Monique Mer 17 Nov 2021, 7:43 am

Mais voici qui est encore plus remarquable et prouve jusqu'à l'évidence que, sans balancer, cette supérieure si expérimentée, se conduisait, dans les choses les plus graves, d'après les lumières de la Soeur Alacoque. Il s'agissait de la vocation de Mlle de Lyonne, cette fière beauté, qui ne croyait personne digne d'elle sur la terre... Jésus-Christ l'avait vaincue, elle avait accepté de devenir son épouse, mais elle le faisait attendre et n'entrait toujours pas au monastère. Un matin, Soeur Marguerite-Marie s'en vint « toute extasiée » dire à la Mère Greyfié : « Ma Mère, Notre-Seigneur veut absolument cette âme ; il n'a dit: je la veux, je a la veux, à quel prix que ce soit ! » A l'instant même, la Mère Greyfié envoya quérir Mlle de Lyonne, comme ayant un message à lui faire. Celle-ci se rend à la messe dans l'église du couvent. Un étrange combat se livre en son âme. Cependant elle passe au parloir, où la Mère Greyfié et la Soeur Alacoque lui disent qu'il faut entrer à ce même moment, sans en avertir Madame sa mère et que c'est la volonté de Dieu. Mlle de Lyonne immole toutes ses réflexions ; mais elle déclare à une de ses amies, qui l'accompagnait, que, si elle voyait le purgatoire ouvert devant elle, « elle s'y jetterait aussitôt que céans, tant elle se faisait de violence. » Au lieu du purgatoire, ce fut le Thabor qu'elle trouva dans la vie religieuse, y goûtant d'ineffables douceurs jusqu'à l'âge de quatre-vingt-un ans. Elle n'oublia jamais qu'elle devait son bonheur, en grande partie, à la Soeur Alacoque, dont elle fut toujours l'intime amie. En une rencontre où la Soeur de Lyonne avait sacrifié un sermon, pour rester auprès de Soeur Marguerite-Marie, malade à l'infirmerie, la Servante de Dieu « lui promit qu'elle n'y perdrait rien et que Notre-Seigneur l'en récompenserait. Il le fit sur-le-champ, car Soeur Alacoque lui dit des choses si merveilleuses de l'amour du Coeur de Jésus pour ses créatures et de celui qu'elles doivent lui rendre, qu'elle en resta toute pénétrée d'onction, et plus que si elle eût ouï dix sermons. (1) »

Marguerite-Marie, cette fille de miracle, devait, plus d'une fois encore, être favorisée de guérisons soudaines et absolument en dehors du cours de la nature. Dans les derniers mois de 1681, la Mère Greyfié eut derechef le mouvement de la faire brusquement sortir de l'infirmerie, où elle était malade d'une grosse fièvre. C'était pour la mettre en retraite selon son rang. Elle lui dit donc

« Allez, je vous remets au soin de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Qu'il vous dirige, gouverne et guérisse selon sa volonté! » La Sainte avoue que cet ordre la surprit un peu, d'autant qu'elle tremblait . alors du frisson de la fièvre. Mais toute joyeuse, elle exécute immédiatement cette dure obéissance, disant : « Tout m'est bon; pourvu qu'IL se contente et que je l'aime, cela me suffit! » Elle ne fut pas plus tôt renfermée dans sa petite cellule, avec LUI SEUL, qu'il se présenta à elle. La trouvant couchée à terre, toute transie de douleur et de froid, il la fit relever avec mille caresses et lui dit : « Enfin, te voilà toute à moi et toute à mon soin ; « c'est pourquoi je te veux rendre en santé à ceux qui t'ont remise malade entre mes mains. Et il me redonna une santé si parfaite qu'il ne semblait point que j'eusse été malade. De quoi l'on fut fort étonné, et ma supérieure particulièrement, laquelle savait ce qui s'était passé (1.) »


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1. Vie et oeuvres, III, notice sur Soeur Marie-Rosalie de Lyonne, pp. 400, 404, 405. Mlle de Lyonne entra au monastère dans les premiers mois de l'année 1680.
1. Autobiographie, pp. 113, 114.


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Message  Monique Jeu 18 Nov 2021, 7:58 am

Cette retraite s'écoula parmi tant de joies et de délices que l'heureuse solitaire se croyait en un paradis, se voyant comblée des continuelles faveurs, caresses et familiarités de son Seigneur Jésus-Christ, de la sainte Vierge, de son saint Ange et de son bienheureux Père saint François de Sales. Son cher Maître lui réservait une grâce très particulière. « Pour me consoler de la douleur qu'il m'avait fait sentir de l'effaçure de son sacré et adorable Nom sur mon coeur, après l'y avoir gravé avec tant de douleur, il voulut lui-même l'imprimer au dedans et l'écrire au dehors avec le cachet et le burin tout enflammé de son pur amour, mais d'une manière qui me donna mille fois plus de joie et de consolation que l'autre ne m'avait causé de douleur et d'affliction (2). »

Lorsque cette âme avait un doute quelconque, elle allait droit à Celui qui est lumière et vérité, pour en être éclairée. Elle le rapporte elle-même bien des fois. Citons ce passage : « Un jour que le désir de recevoir Notre-Seigneur me tourmentait, je lui dis : Apprenez-moi ce que vous voulez que je vous dise. Rien, sinon ces paroles: Mon Dieu, mon Unique et mon Tout, vous êtes tout pour moi, et je suis toute pour vous. Elles te garderont de toutes sortes de tentations, et suppléeront à tous les actes que tu voudrais faire, et te serviront de préparation en tes actions (3). »

Dans la vie d'une créature élue, vouée par Dieu lui-même à la souffrance et à l'expiation, l'enchaînement surnaturel des maladies ou des accidents douloureux devenait une chose presque naturelle. De fait, Notre-Seigneur ne laissa exempte de la croix aucune partie du corps de sa servante. Portant déjà une douleur au côté, pour honorer le Côté percé du Sauveur, elle eut encore le privilège d'honorer son couronnement d'épines par de spéciales douleurs à la tête. Un jour, allant communier, la sainte hostie lui parut resplendissante comme un soleil. Notre-Seigneur était au milieu, tenant une couronne d'épines qu'il lui posa sur la tête, en disant : « Reçois, ma fille, cette couronne, en signe de celle qui te sera bientôt donnée par conformité avec moi (1). » Et il se chargea sans retard de lui donner l'explication de ce présent céleste. Elle était alors maîtresse des Soeurs du petit habit. Comme elle puisait de l'eau, à l'intérieur du cloître, au puits du préau, le seau lui échappa étant plein, et retombant de tout son poids dans le puits, le bras de fer qui sert à faire marcher la roue, allant de grande raideur, la frappa sur la mâchoire. La violence du coup emporta plusieurs dents, tandis qu'un morceau de la joue, gros et long comme la moitié du doigt, pendait à l'intérieur de la bouche. Cette douleur et cette commotion, qui durent être excessives, ne firent que lui arracher ce cri : « Mon Dieu ! » Et, sans faire d'autre cérémonie, elle pria une des « petites Soeurs » de lui couper ce morceau de chair. Ces enfants, effrayées, refusèrent. Alors, prenant elle-même ses ciseaux, elle coupa tranquillement la pièce. La plaie qui se forma dans la bouche lui donna bonne matière à souffrir, autant de fois qu'il lui fallait prendre quelque nourriture. De plus, le coup lui causa, dans la tempe, une douleur qui, après les repas, devenait presque insupportable, pouvant se comparer à une rage de dents. « Tout l'adoucissement qu'elle y apportait, » écrit la Mère Greyfié, « était de sortir des récréations avec congé, pour aller faire quelques tours d'allées, jusque à ce que cette douleur fût diminuée, qu'elle revenait avec les autres. » Lorsqu'il s'agissait de se procurer des souffrances, Soeur Marguerite-Marie savait bien les demander; mais pour se procurer des soulagements ou du repos, la Mère Greyfié dit qu' « il fallait qu'on y pensât pour elle. (1) ».


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2. Ibid., p. 114
3. II, p. 167.
1. Autobiographie, p. 115.
1. I, p. 352, Mémoire de la Mère Greyfié. Cf. I, p. 16s. 2. I, p. 198.


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Message  Monique Ven 19 Nov 2021, 7:22 am

Cet accident ne fut pas le seul qui consacra, par l'onction de la souffrance, la tête de notre Sainte. Elle y reçut encore trois terribles coups, « l'un, en portant deux cruches d'eau, qu'elle tomba sur les degrés qu'elle montait, donnant de la tête contre la pierre de taille. Le second fut une grosse perche qui lui tomba sur la même partie; et le troisième d'un furieux coup, qu'elle prit contre un travon.»Mais jamais il n'y avait trop d'épines à sa couronne. « Je confesse que je me sens plus redevable à mon Souverain de cette couronne précieuse que s'il m'avait fait présent de tous les diadèmes des plus grands monarques de la terre ; et d'autant . plus que personne ne me la peut ôter, et qu'elle me met souvent dans l'heureuse nécessité de veiller et m'entretenir avec cet unique objet de mon amour, ne pouvant appuyer ma tête sur le chevet, à l'imitation de mon bon Maître, qui ne pouvait appuyer la sienne adorable sur le lit de la Croix. Cela me faisait sentir des joies et des consolations inconcevables, quand je me voyais quelque conformité avec lui (1). » Et Notre-Seigneur lui apprit alors à unir ses douleurs de tête à celles du divin couronnement d'épines, demandant au Père céleste, par ce mérite infini, la conversion des pécheurs, et l'humilité pour tant de têtes orgueilleuses, dont l'élévation a quelque chose de si injurieux à la souveraine Majesté.


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1. 1. Autobiographie, p. 115.


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Message  Monique Sam 20 Nov 2021, 7:57 am

CHAPITRE V.

LE PÈRE DE LA COLOMBIÈRE REVIENT A PARAY, ET Y MEURT.
LES AMES DU PURGATOIRE.1681-1684.



*********


Dieu avait décrété que les deux apôtres de son Coeur rendraient leur dernier soupir à Paray-leMonial. Au mois d'août 1681, le Père de la Colombière y était revenu, sans autres fonctions à remplir que celles de se laisser soigner, car, hélas ! il était malade à mort. Quelques mois seulement le séparaient de son éternité. La souffrance et l'épuisement lui permettaient à peine de parler. Il put cependant, avant l'hiver, se rendre quelquefois au monastère de la Visitation et revoir ses filles spirituelles, notamment la Soeur Alacoque. Mais de ces derniers entretiens « du frère et de la soeur dans le Coeur de Jésus, » nous savons bien trop peu pour essayer de les analyser. Ils durent être empreints de ce quelque chose qui sent déjà la consommation des saints en Dieu.

Bientôt, il n'y eût plus d'espoir dans l'état du vénéré malade, et il devint évident que le climat de Paray, qu'on avait cru lui devoir être favorable, lui était au contraire nuisible. On parle alors de conduire le Père à Lyon, ou même à Vienne en Dauphiné ; là il respirerait l'air natal. On prend toutes les mesures voulues ; le voyage est décidé. Un des frères du Père de la Colombière arrive, pour l'emmener le lendemain, 29 janvier 1682. Mais tout devait se faire en secret. Mlle Catherine Mayneaud de Bisefrand, une de ses pénitentes, apprend cette nouvelle et, tout ensemble, la défense de la communiquer. Elle sollicite la permission d'avertir pourtant la Soeur Alacoque, ce qu'ayant obtenu, elle se hâte de faire. A cette annonce, Soeur Marguerite-Marie demande à son amie de dire au Père de la Colombière de ne point partir, si cela se pouvait sans contrevenir en rien à l'ordre de ses supérieurs. Le message est transmis avec le même empressement. Mais, le Père désire être plus précisément informé des motifs qui font ainsi parler la vénérable Soeur et, en quelques mots de sa main, il la prie de s'expliquer elle-même davantage par écrit. Ce qu'elle fait aussitôt. Sa réponse, immédiatement remise au malade, l'arrêta tout court dans ses projets. Le billet en question portait ces mots, que voici sans y rien changer, au témoignage des Contemporaines : « Il m'a dit qu'il veut le sacrifice de votre vie ici (1). »

Le Père de la Colombière resta donc à Paray, pour obéir à l'ordre céleste, que lui transmettait la Sainte et il y mourut le dimanche 15 février 1682, à sept heures du soir. Le lendemain à cinq heures, Mlle de Bisefrand revenait au monastère annoncer la mort du saint jésuite à la Soeur Alacoque, qui lui dit d'un ton fort triste : « Priez, et faites prier partout pour lui. » Mais sur les dix heures du matin, elle écrivit à la même : « Cessez de vous affliger, invoquez-le, ne craignez rien; il est plus puissant pour vous secourir que jamais (1) ».


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1. I, p. 151. Mlle de Bisefrand, dans sa déposition, au Procès de 1715, donne une variante :  « Il m'a dit qu'il veut le sacrifice de votre vie dans ce pays. » I, P. 499.

1. I, p. 151.


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