Saint Pierre Claver.
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Re: Saint Pierre Claver.
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A suivre : XI. Le F. Rodriguez voit la gloire préparée au P. Claver.
X. Maximes du P. Claver.
« 1° Le salut et la perfection de l'homme consistent à faire la volonté de Dieu, à laquelle il doit tendre en toutes choses, et dans tous les moments de sa vie. Plus il accomplira cette divine volonté, plus il sera parfait.
— 2° Pour faire la volonté de Dieu, il faut que l'homme méprise la sienne propre : plus il mourra à lui-même, plus il vivra en Dieu. Mais pour acquérir ce double avantage, il faut qu'il aime Dieu, et plus il purgera son cœur de l'amour de lui-même, plus il aura d'amour pour Dieu.
— 3º Pour aimer Dieu comme il doit être aimé, il faut se détacher de tout amour terrestre, il faut n'aimer que lui ; ou si l'on aime quelque autre chose, ne l'aimer que pour lui.
— 4º Que l'homme dirige toutes ses pensées, ses paroles et ses actions à la seule gloire de Dieu ; travaillant sans cesse à conformer sa volonté à la sienne; de sorte qu'il ne désire ni le mal, ni même le bien que Dieu ne veut pas ; et que, dans quelque épreuve où Dieu juge à propos le mettre, jamais la paix de son âme ne soit troublée.
— 5º Pour tirer un vrai profit de tout ce qui arrive dans la vie, l'homme doit se taire au milieu des réprimandes, des injures et des mauvais traitements, soit qu'il y ait de sa faute, soit qu'il n'y en ait pas ; et quand on contestera avec lui, que son silence lui tienne lieu de victoire.
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— 6° Pour faire de plus rapides progrès dans la vertu, qu'il ait surtout un grand soin de garder sa langue, et que la vérité, la paix, l'édification du prochain se trouvent dans toutes ses paroles. Qu'en peu de mots il dise beaucoup de choses, et que, pour bien parler, il parle toujours ou de Dieu, ou avec Dieu.
— 7º Qu'il ne préfère rien à ce qui lui viendra de l'obéissance, qui que ce soit qui lui commande ; se soumettant pour Dieu à toutes les créatures, et faisait avec une grande paix d'esprit tout ce qui sera en son pouvoir. S'il ne peut pas faire tout ce qu'on exige de lui, et qu'on lui en demande la raison, qu'il se contente de dire simplement qu'il ne l'a pas pu ; et que du reste, à tout ce qu'on lui dira, il ne réponde rien, non, rien du tout Quelque reproche qu'on lui puisse faire, qu'il se taise, et qu'il accepte tout pour, Dieu, pourvu que ce ne soit rien, ou contre Dieu, ou contre l'obéissance. C'est là savoir se vaincre comme il faut soi-même. »
Tel est le fruit que le jeune Claver sut tirer des entretiens de son saint maître ; mais on en jugera mieux encore par les vertus héroïques que nous lui verrons pratiquer toute sa vie. « Ah ! mon cher Alphonse, lui disait-il quelquefois dans ses transports d'amour et de ferveur, que faut-il faire pour aimer de tout mon cœur JESUS-CHRIST, mon Sauveur et mon Dieu ? Apprenez-le moi, vous qu'il instruit à son école. Je sens bien qu'il m'inspire le désir d'être tout à lui, mais je ne sais comment m'y prendre. »
A suivre : XI. Le F. Rodriguez voit la gloire préparée au P. Claver.
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Louis- Admin
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A suivre : XII. Le Père Claver soutient son acte public de philosophie.
XI. Le F. Rodriguez voit la gloire préparée au P. Claver.
Ce ne fut pas là le seul avantage que lui procurèrent son séjour à Majorque et sa liaison intime avec le F. Alphonse. Les pères les plus passionnés n'aiment pas leurs enfants avec plus de tendresse que ce grand serviteur de Dieu n'en avait pour son fils spirituel : il ne cessait point de le recommander à JESUS-CHRIST et de solliciter pour lui les grâces les plus singulières, les dons les plus précieux. Dieu, touché de sa charité et de ses prières, voulut donner au saint vieillard la consolation de savoir que ces vœux étaient exaucés. Un jour qu'il priait avec une ferveur extraordinaire, il tomba tout à coup dans un de ces ravissements qui chez lui étaient assez fréquents, et il fut élevé en esprit jusqu'au séjour des bienheureux. Là, son ange lui découvrit les trônes brillants et majestueux dont parle l'apôtre saint Jean dans son Apocalypse. Il en vit un qui lui parut plus éclatant que tous les autres ; et, remarquant qu'il était vide, il demanda pour qui il était préparé? « C'est pour ton disciple Claver, lui répondit l'ange : c'est la récompense de ses vertus, et du grand nombre d'âmes qu'il doit gagner à Dieu dans les Indes de l'Occident. » Aussitôt la vision disparut. On ne peut exprimer la joie qu'il sentit au fond de son cœur, quand il fut revenu à lui; mais il ne voulut rien découvrir à Claver de tout ce qui lui avait été révélé et il se contenta de le communiquer à son confesseur, de qui on le sut depuis.
Le P. Joseph d'Urbina étant depuis à Carthagène, a protesté mille fois qu'il ne doutait aucunement de la vérité de ce que Dieu avait fait connaître au F. Alphonse, puisque ayant, pour ainsi dire, suivi pas à pas le P. Claver dans toute sa conduite, il y avait toujours remarqué une perfection digne de la plus éclatante couronne.
Si Alphonse eût suivi les premiers mouvements de son cœur, il eût imité saint Antoine de Padoue, qui, ayant appris par révélation qu'un certain homme obtiendrait la couronne du martyre, saintement jaloux d'un si grand bonheur, le chercha partout, pour lui donner dès lors des témoignages publics de sa vénération ; mais si le secret qu'il devait garder l'empêcha de satisfaire en cela sa piété, du moins rien n'égala le respect qu'il conserva depuis, au fond de son cœur, pour un homme qui devait envoyer tant d'âmes au ciel. Un jour, l'ayant aperçu de loin qui revenait au collège avec un de ses compagnons : « Voyez-vous, dit-il à un Père qui était auprès de lui, ces deux jeunes religieux qui viennent ? Ils iront aux Indes où ils feront de grands fruits pour le salut des âmes. » L'événement qui vérifia la prophétie sert en même temps à vérifier la révélation dont avait été favorisé le F. Alphonse, au sujet du P. Claver, qui n'avait encore eu jusque-là aucune idée du ministère auquel la Providence le destinait, et qui attendait en paix les ordres de ses supérieurs.
A suivre : XII. Le Père Claver soutient son acte public de philosophie.
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A suivre : XIII. Le F. Rodriguez l'exhorte à passer aux Indes.
XII. Le Père Claver soutient son acte public de philosophie.
Il était à la fin de ses études de philosophie ; et, comme il s'y était extrêmement distingué, on le chargea de soutenir un acte public. Il obéit, malgré tout ce qu'il en devait coûter à son humilité ; et ayant fait paraître autant de capacité que de modestie, il remporta de cet exercice une égale réputation de doctrine et de vertu. Peu sensible à des applaudissements qu'il avait mérités, quelque application qu'il apportât par obéissance aux sciences humaines, son inclination le portait toujours à la doctrine céleste qu'il puisait à l'école de F. Alphonse, et il y faisait de merveilleux progrès.
On eût dit que les grâces sensibles dont Dieu favorise quelquefois ses serviteurs se communiquaient de l'un à l'autre. Comme il sortait un jour avec un compagnon d'une grande vertu, le saint vieillard qui, faisait l'office de portier, les arrêta un moment, et en faisant sur eux le signe de la croix :« Songez, leur dit-il, que les trois adorables personnes de la sainte Trinité vous accompagnent. »
A ces mots il tomba en extase, privé de l'usage de tous ses sens. Au même instant, le saint jeune homme se sentit à son tour si pénétré d'amour et de tendresse, que ne pouvant presque plus faire un pas, il voulut rentrer dans la maison ; mais, faisant réflexion que les supérieurs l'avaient envoyé, il pria Dieu de modérer un peu l'excès des faveurs sensibles dont il le comblait, pour lui donner le pouvoir d'obéir. Il obtint ce qu'il désirait : mais il lui en resta une si vive impression, qu'à chaque pas il était obligé de faire un nouvel effort pour se soutenir, et que tout le reste du jour il parut comme hors de lui-même, sans avoir le libre usage de ses sens. Si quelques paroles d'Alphonse, échappées même en passant et en présence des autres, faisaient tant d'impression sur l'esprit et sur le cœur de Claver, que ne devait-il point arriver dans leurs entretiens les plus intimes et les plus secrets, ou quand il conversait lui-même seul avec Dieu.
A suivre : XIII. Le F. Rodriguez l'exhorte à passer aux Indes.
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A suivre : XIV. Il part de Majorque pour aller à Barcelone.
XIII. Le F. Rodriguez l'exhorte à passer aux Indes.
Cependant le temps de son séjour à Majorque était près d'expirer, il allait devoir se séparer de son saint maître ; et cette séparation fut peut-être un des plus grands sacrifices de son obéissance. Avant que de le lui ôter, Dieu voulut encore se servir d'un guide si sûr, pour mettre le disciple dans la route où il devait acquérir tant de mérites devant le Seigneur, et rendre tant de services au prochain.
Si saint Grégoire le Grand est appelé à juste titre l'apôtre de l'Angleterre, pour y avoir envoyé des ouvriers évangéliques qui y ont établi la foi chrétienne, on peut assurer qu'Alphonse Rodriguez a mérité le nom d'apôtre de Carthagène, pour lui avoir donné Claver. Instruit des desseins du ciel sur sa personne, il alla le trouver peu de temps avant son départ; et voici ce qu'il lui dit, dans un de ces entretiens spirituels où il dévoilait toute son âme.« Mon cher frère, je ne puis assez vous exprimer quelle est la douleur de mon cœur, en voyant que Dieu est ignoré de la plus grande partie de la terre, faute de ministres qui aillent le faire connaître. Que de larmes ne demande pas la vue de tant de peuples qui ne s'égarent que parce qu'on ne leur présente aucune lumière pour les conduire ; qui périssent, non pas tant parce qu'ils veulent se perdre, que parce qu'on ne fait aucun effort pour les sauver! On voit tant d'ouvriers inutiles où il y a peu de moisson ; et où la moisson est abondante, il y a si peu d'ouvriers. Combien d'âmes n'enverraient pas au ciel, dans l'Amérique, tant de ministres qui vivent oisifs en Europe? On craint la peine qu'il y aurait à les chercher, et on ne craint pas le péril et le crime qu'il y a à les abandonner. On prise les richesses de ces contrées, et on en méprise les hommes. La charité ne peut-elle donc aller sur ces mers que la cupidité a depuis si longtemps ouvertes? Il arrive dans les ports d'Espagne des flottes entières chargées de leurs trésors; quelle multitude d'âmes n'y pourrait-on pas conduire au port de la félicité éternelle? Pourquoi faut-il que l'amour du monde soit plus ardent pour l'acquisition des uns que ne l'est l'amour de JESUS-CHRIST pour la conquête des autres? Tout barbares que paraissent ces hommes, ce sont des diamants, encore bruts à la vérité, mais dont la beauté dédommage assez de la peine qu'il en coûte pour les polir. O saint frère de mon âme! quel vaste champ à votre zèle! Si la gloire de la maison de Dieu vous touche, allez aux Indes gagner tant de milliers d'âmes qui s'y perdent; si vous aimez JESUS-CHRIST, allez recueillir son sang répandu sur des nations qui n'en connaissent pas le prix. Travaillez avec lui jusqu'à la mort, pour le salut des hommes, puisque vous êtes de sa compagnie. C'est beaucoup, il est vrai, que d'être disposé à partir pour les Indes, au premier ordre des supérieurs, mais ce n'est pas assez pour un jésuite; comme c'est là sa première et sa plus noble vocation, il faut qu'il leur marque lui-même son empressement, et qu'il sollicite vivement une pareille fonction. Représentez-leur donc incessamment vos désirs, priez, sollicitez, pressez: les instances réitérées ne sont pas contre l'obéissance, quand on a lieu de croire que le supérieur ne diffère de se rendre que pour mieux éprouver notre constance. »
Ces paroles prononcées d'un ton d'apôtre, enflammaient le cœur de Claver. La seule pensée de ce grand nombre d'âmes qui se perdaient aux Indes, faute de secours, déchirait la sienne : pour en racheter une seule, il eût donné mille vies. Sûr de la volonté de Dieu, qui lui était notifiée par un si saint homme, il écrivit à son provincial une lettre dictée par le zèle et par la ferveur. Le supérieur lui répondit qu'il examinerait attentivement cette vocation, à la visite qu'il devait faire à Barcelone, où Claver eut en même temps ordre de se rendre pour y commencer ses études de théologie.
A suivre : XIV. Il part de Majorque pour aller à Barcelone.
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A suivre : XV. On l'applique à l'étude de la théologie. Son union avec Dieu.
XIV. Il part de Majorque pour aller à Barcelone.
Le départ devait être douloureux pour les deux grandes âmes que la charité avait si tendrement unies, mais leur douleur ne s'exprima que par des sentiments de piété et par de vives actions de grâces au Seigneur, pour toutes les faveurs dont il lui avait plu de les combler. Rodriguez promit à Claver de ne le jamais oublier dans ses prières, et lui fit présent de quelques livres spirituels qu'il avait composés. Ce présent et cette promesse adoucirent beaucoup le chagrin qu'avait Pierre de perdre son guide; mais comme les supérieurs, pour délivrer le saint vieillard de l'importunité de ceux qui venaient sans cesse lui demander ses écrits, avaient défendu d'en laisser transporter aucun hors du collège, un frère qui se trouvait pour lors à la porte en avertit Claver, qui était déjà prêt à sortir, et se mit en devoir de saisir ses papiers. Celui-ci, instruit d'un ordre qu'il avait ignoré jusque-là, en avertit à son tour Alphonse, qui alla sur-le-champ demander au supérieur la permission de donner ses écrits à son disciple; et après lui avoir représenté que ce jeune jésuite irait bientôt aux Indes, où ces sortes de livres sont rares, il obtint sans peine ce qu'il désirait. Claver, charmé de posséder ce trésor, ne songea plus qu'à s'embarquer pour Barcelone.
Dieu voulut donner en cette occasion une marque bien sensible de l'attention paternelle de sa providence à l'égard de son serviteur. Il n'y avait alors dans le port de Majorque qu'un léger bâtiment assez mal équipé et en très mauvais état. Le maître et les compagnons d'étude de Claver, qui devaient faire le même trajet, ne se croyant pas en sûreté sur un vaisseau si mal en ordre, prirent le parti d'en attendre un autre qui fût mieux armé et plus en état de tenir la mer. Claver, plein de confiance en Dieu, saisit l'occasion qui se présentait ; il monta sur le premier navire, et en peu de temps il arriva heureusement à Barcelone; tandis que les autres, qui s'étaient embarqués sur le second, furent pris par des corsaires et emmenés à Alger.
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Jamais Claver ne perdit les sentiments de vénération et de tendresse qu'il avait conçus pour Rodriguez ; jusque dans ses dernières années, il le nommait son saint maître et se faisait un grand honneur d'avoir été son disciple. Il n'en parlait même presque jamais sans une espèce d'extase. Outre ses écrits, qu'il conservait précieusement, il avait recueilli dans un petit livre tout ce qu'il en avait appris de vive voix; il y avait marqué jusqu'au jour et à l'heure où il avait eu le bonheur de le lui entendre dire; et il le portait sur lui, avec les autres écrits de son maître. Il ne se lassait point de les lire; c'était son oracle dans ses doutes, sa consolation dans ses peines, son asile dans ses travaux; et, en recevant le saint Viatique, il les tint étroitement serrés sur sa poitrine, pour ranimer sa ferveur dans ces précieux moments.
A peine fut-il arrivé à Barcelone, qu'il réitéra ses instances pour sa chère mission des Indes. Les supérieurs, quoique ravis de voir en lui un zèle si convenable à un jésuite, jugèrent à propos de l'éprouver encore quelque temps; d'autant plus que connaissant ses talents, ils avaient peine à se priver d'un sujet qui leur donnait de si grandes espérances.
A suivre : XV. On l'applique à l'étude de la théologie. Son union avec Dieu.
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A suivre : XVI. A sa sollicitation, les supérieurs décident de l'envoyer aux Indes. Il s'embarque à Séville pour Carthagène.
XV. On l'applique à l'étude de la théologie. Son union avec Dieu.
Le P. Claver s'appliqua donc par obéissance à l'étude de la théologie, et il y apporta les dispositions d'esprit et de cœur qui l'avaient déjà distingué à Majorque. Au-dessous de tous ses compagnons par sa profonde humilité, il les surpassa bientôt par ses succès. Les lettres humaines et la philosophie n'avaient rien diminué de sa ferveur : l'étude de la théologie, qui a Dieu même pour objet, ne servit qu'à augmenter son amour, de sorte qu'il passait avec justice pour le plus habile et le plus vertueux de tous les étudiants.
C'est le témoignage que lui rendit après sa mort le P. Parigas, son ancien condisciple, dans une lettre écrite à un jésuite de ses amis. Voici ses propres termes :« Dans le temps que j'étudiais à Barcelone avec le P. Claver, j'aurais fort souhaité d'être son confident, pour découvrir au monde bien des merveilles cachées dans ce grand serviteur de Dieu. Tout ce que j'en puis dire, c'est que je l'ai toujours connu un saint et parfait religieux : il fut modeste, affable, officieux envers tout le monde, ne se plaignant jamais de personne, et parlant toujours ou de Dieu, ou de choses capables de contribuer à l'avancement spirituel de ceux qui l'entendaient. Nul n'était plus humble dans toutes ses manières, plus obéissant aux supérieurs, plus exact dans les observances de la discipline religieuse. Je ne crains point d'assurer que jamais je ne lui ai vu violer la moindre règle. Il s'efforçait d'imiter en tout le F. Alphonse Rodriguez, dont il conservait quelques livres écrits de sa main : on reconnaissait en lui le même esprit d'oraison, la même union avec Dieu, les mêmes mortifications. Ainsi je ne suis pas surpris qu'ayant mené une vie si sainte, il fasse des miracles après sa mort. »
Ce dernier trait de conformité avec le F. Alphonse, en ce qui regarde l'oraison et la mortification, est l'éloge le plus accompli qu'on puisse faire de sa conduite à Barcelone.
Une union si intime avec Dieu, jointe à une application si constante à l'étude, tant d'austérité avec tant d'innocence, surtout dans un corps délicat et déjà usé par le travail, lui attirèrent les plus singulières faveurs du ciel. Si son humilité les lui fit dérober à la connaissance des hommes, elle ne put empêcher qu'il n'en échappât quelques traits malgré lui. Un de ses compagnons en fut un jour témoin, dans une occasion assez extraordinaire. Ils passaient ensemble à l'endroit même où saint Ignace fut si maltraité par de jeunes libertins, pour avoir rétabli la piété dans un couvent de religieuses dont la conduite relâchée déshonorait la profession. Le jeune jésuite qui était avec Claver l'arrêta un moment : « Mon frère, lui dit-il, ce fut ici que notre P. Ignace fut brisé à coups de bâton; oui, ce fut ici.» A ces mots, Claver leva les yeux au ciel, devint immobile, et perdit tellement l'usage de ses sens, qu'il ne put sortir du lieu où il était qu'après un long ravissement. On n'a jamais pu savoir ni ce qu'il vit alors, ni ce qui lui fut révélé; mais on sait que l'impression lui en resta toujours si profondément gravée dans l'esprit et dans le cœur, que, longtemps après, en racontant cette aventure à un de ses plus intimes confidents, il paraissait encore comme ravi en extase, et qu'au défaut de sa bouche ses yeux s'exprimaient par leurs larmes. Par ce seul trait, on peut juger de ses communications avec Dieu, et des grâces sensibles dont il était favorisé dans ses oraisons.
A suivre : XVI. A sa sollicitation, les supérieurs décident de l'envoyer aux Indes. Il s'embarque à Séville pour Carthagène.
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XVI. A sa sollicitation, les supérieurs décident de l'envoyer aux Indes. Il s'embarque à Séville pour Carthagène.
Au bout de deux années de théologie, il pressa de nouveau ses supérieurs de l'envoyer aux Indes; et il le fit avec tant d'instance, que le provincial Joseph de Villegas, craignant de s'opposer à la volonté de Dieu, lui accorda enfin la permission qu'il sollicitait si ardemment. On ne peut exprimer quelle fut la joie du fervent jésuite, en recevant la lettre de son supérieur; il voulut la relire plusieurs fois, il ne se lassait point de la baiser, et il la garda toute sa vie. Dès qu'il en eut achevé la lecture, il se prosterna en terre pour rendre à Dieu les plus vives actions de grâces de la faveur dont il l'honorait. Dans la ferveur de sa prière, il lui offrit sans réserve ses peines, ses travaux, son sang, toute sa personne, pour le salut des âmes qui devaient lui être confiées. Ensuite, ne pouvant renfermer dans son coeur la joie dont il était rempli, il alla trouver tous ses amis pour leur faire part de son bonheur, recevoir leurs félicitations, et leur demander le secours de leurs prières.
Il y avait déjà sept ans qu'on avait établi une province de la Compagnie dans le nouveau royaume de Grenade. Pour la former d'une manière qui répondît à l'attente publique et aux pieuses intentions de ceux qui y avaient contribué par leurs libéralités, le Père général Aquaviva avait, en 1609, ordonné à chaque province d'Espagne d'y envoyer un ouvrier évangélique d'un mérite distingué. Claver fut celui que la province d'Aragon choisit pour s'acquitter de ce qu'on exigeait d'elle; et on peut dire que jamais peut-être, si on en excepte saint François-Xavier, la Compagnie n'envoya dans les Indes un plus digne ministre.
Bientôt il eut ordre de se rendre à Séville, pour s'y embarquer avec quelques autres jésuites qui devaient partir pour les Indes, sous la conduite du P. Mexia. Rempli de l'esprit et du zèle de saint François-Xavier, qu'il se proposa toujours pour modèle, il voulut commencer son voyage comme lui.
Le P. Claver partit de Barcelone sans différer; et quoiqu'il n'eût dû s'écarter que d'une lieue de son chemin pour aller prendre congé d'un père et d'une mère qu'il n'avait point vus depuis son départ pour Barcelone, et qu'il ne devait jamais revoir, il voulut se refuser ce plaisir. Il n'ignorait pas que Dieu ne lui défendait point de leur donner cette consolation ; mais son détachement de tout objet créé l'emporta sur tous les sentiments de la nature. Ses vertueux parents ne purent s'empêcher de se plaindre et leurs plaintes parurent si raisonnables, qu'un autre jésuite qui devait aussi passer aux Indes, fit lui-même le voyage exprès pour aller leur rendre une visite. Il tâcha de les consoler par les éloges qu'il donna à l'éminente sainteté de leur fils ; mais ces éloges mêmes augmentèrent leur douleur, par le regret de n'avoir pu être les témoins de tout ce qu'on publiait à son avantage.
Dès qu'il fut arrivé à Séville…
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Re: Saint Pierre Claver.
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A suivre : XVII. Il va à Santa-Fé pour achever ses études de théologie. Emplois qu'il y exerce. Ses succès.
XVI. A sa sollicitation, les supérieurs décident de l'envoyer aux Indes. Il s'embarque à Séville pour Carthagène.
(suite)
Dès qu'il fut arrivé à Séville, le P. Mexia voulut lui faire prendre les ordres sacrés, avec tous ceux qui devaient s'embarquer pour les missions, vu l'extrême difficulté qu'il y a à trouver des évêques aux Indes; mais il s'en excusa sur ce qu'il ne se sentait ni capable, ni digne d'un tel honneur; et il le fit d'un air si naturel, si plein de simplicité et de candeur, qu'il obtint enfin qu'on le remettrait à un autre temps. Ayant séjourné peu de temps à Séville, il mit à la voile au mois d'avril de l'année 1610. Dès ce moment il oublia si parfaitement tout ce qu'il laissait en Europe, que dans l'espace de quarante-quatre ans qu'il vécut aux Indes, jamais on ne l'entendit ni parler, ni demander aucune nouvelle de ce qui se passait en Espagne. Les seules choses qu'il parut ne pas oublier furent les vertus qu'il avait remarquées dans quelques religieux, pour se reprocher de ne les avoir pas imitées; les sermons qu'il avait entendus et dont il aurait eu besoin encore, disait-il, pour se convertir; et les cérémonies faites à la béatification de son P. Ignace, pour s'en réjouir intérieurement comme un bon fils.
Sa réputation de vertu le suivit partout, et ne fit qu'augmenter durant son voyage. Ses paroles édifiantes, sa modestie angélique, sa charité officieuse et tendre, son zèle à servir tous ses frères et à leur rendre les offices les plus humbles, toute sa conduite, en un mot, lui gagna bientôt les cœurs de ses compagnons de voyage, qui, le regardant comme un ange tutélaire que Dieu leur avait donné, n'appréhendaient aucun péril tandis qu'il serait avec eux.
Il se chargea principalement du soin des malades : il leur donnait lui-même à manger, leur préparait les remèdes dont ils avaient besoin, ne les quittait ni jour ni nuit et les disposait à recevoir les sacrements. Étant obligé malgré lui de manger à la table du capitaine, il ne se consolait de cet honneur que par le moyen qu'il y trouvait de satisfaire sa charité ; et de
tout ce qu'on lui présentait, il réservait toujours le plus délicat et le meilleur pour le porter à ses malades. A l'heure qu'il avait marquée, on s'assemblait pour entendre le catéchisme et pour réciter le chapelet. Personne n'eût osé jurer, ni proférer une parole indécente en sa présence ; et il suffisait même, pour arrêter les plus emportés, de les menacer de le dire au P. Claver.
Le voyage fut de quelques mois, et on aborda enfin heureusement. En arrivant aux Indes, le P. Mexia, qui avait apprécié la sainteté et les grands talents du jeune missionnaire, voulut l'emmener avec lui au Pérou, mais la Providence en avait autrement ordonné. Claver, affligé et confus tout à la fois de l'estime qu'on faisait de lui, eut recours à Dieu pour détourner ce coup qui l'aurait éloigné d'un pays après lequel il soupirait depuis si longtemps. Le provincial ayant fait réflexion que la nouvelle mission de Carthagène demandait un sujet d'un mérite reconnu et d'une vertu éprouvée, se détermina à l'y envoyer. En débarquant au port de cette ville, le nouveau missionnaire baisa tendrement cette terre qui devait être arrosée de ses sueurs, il la baigna de ses larmes ; et, levant les yeux au ciel, il remercia Dieu de l'avoir conduit dans une contrée où il aurait tant d'occasions de travailler et de souffrir pour sa gloire.
A suivre : XVII. Il va à Santa-Fé pour achever ses études de théologie. Emplois qu'il y exerce. Ses succès.
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Re: Saint Pierre Claver.
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A suivre : XVIII. Il fait sa troisième année de noviciat à Tongha, et revient à Carthagène, où il reçoit les ordres sacrés.
XVII. Il va à Santa-Fé pour achever ses études de théologie.
Emplois qu'il y exerce.
Ses succès.
Il n'y fut cette fois cependant que fort peu de temps. Comme il lui manquait encore deux années d'étude de théologie, on l'envoya, avec quelques autres jeunes jésuites, à Santa-Fé, ville éloignée de deux cents lieues de Carthagène. Il eut beaucoup à souffrir dans ce voyage de l'incommodité du climat et des difficultés du chemin ; mais il trouvait de quoi satisfaire son goût pour la mortification dans les obstacles mêmes qu'il fallait surmonter. A la vue des nègres qu'il rencontra sur sa route, il commença à prendre pour eux ces sentiments de zèle et de tendresse qu'il conserva toute sa vie. Dans les endroits où il devait passer la nuit, il avait soin de les rassembler autour de lui ; et, se jugeant incapable du ministère de la parole évangélique, il priait quelqu'un des prêtres qui l'accompagnaient de faire le catéchisme à ces pauvres esclaves. Son cœur se portait déjà comme de lui-même vers cette nation méprisée des hommes, mais qui, dans les desseins de Dieu, devait être l'objet principal de sa charité.
Il ne trouva pas le collège de Santa-Fé dans l'état où on l'avait cru ; il n'y avait point encore de revenu assuré, ni d'école de théologie ouverte. Aussi pendant les deux premières années qu'il y passa, on l'employa aux exercices domestiques de la maison : il y était sacristain, portier, infirmier, cuisinier ; il y était tout ce qu'on voulait : plus les offices étaient bas et humiliants, plus ils étaient de son goût ; et, malgré le zèle qui le portait à travailler au salut des âmes, son humilité s'en accommodait si bien, qu'il eût voulu passer toute sa vie dans cet état. Quand il fut question de reprendre et de continuer les études de théologie, il écrivit à son provincial pour le prier de vouloir bien le laisser dans le degré de simple frère coadjuteur ; il le fit avec des instances si vives et si réitérées, que le supérieur fut obligé de lui répondre qu'il devait se laisser conduire par l'obéissance. On ne peut s'empêcher d'admirer la conduite de Dieu sur ses serviteurs et ses élus : le même esprit qui avait porté Claver à différer de recevoir les ordres sacrés en Europe, le portait à y renoncer absolument en Amérique : si le saint F. Alphonse ne lui eût donné le désir d'aller aux Indes, l'idée qu'il avait de son incapacité ne lui aurait jamais permis d'y penser. Il obéit à la vocation du ciel. Mais, tandis que son zèle l'anime à travailler au salut des âmes, son humilité l'arrête, et veut même lui en ôter les moyens. Dieu seul savait accorder des sentiments si contraires en apparence, et il les dirigeait tous à sa propre gloire et à la sanctification de son serviteur.
Quoiqu'il eût été obligé de reprendre le cours de ses études, comme le collège nouveau était établi et qu'il s'y trouvait alors peu de religieux, il fallut encore qu'il se chargeât de plusieurs des offices domestiques ; et il s'en acquittait si bien, qu'on eût été tenté de l'y laisser, selon ses désirs, si d'ailleurs le succès éclatant qu'il eut dans sa théologie ne l'avait pas fait regarder comme un des sujets les plus propres à remplir les postes les plus honorables. Il y soutint parfaitement l'idée qu'il avait donnée de sa capacité en Espagne. Le P. Antoine-Augustin, qui avait été son premier maître de théologie, se trouva alors être son confesseur. Ce saint homme, après avoir été honoré en Europe, et surtout à Rome, des plus considérables emplois, était enfin passé aux Indes occidentales, où il vécut et mourut en réputation d'une éminente vertu. Ce fut pour lui une grande joie de retrouver Claver ; la connaissance qu'il avait de son mérite le lui rendit infiniment cher, et l'estime singulière qu'il fit paraître pour sa vertu ne contribua pas peu à confirmer celle qu'on en avait déjà conçue.
A la fin de sa théologie, on lui fit subir l'examen le plus rigoureux, pour mieux juger des progrès qu'il y avait pu faire. Il s'imagina d'abord qu'il n'était question que de voir s'il était digne d'être promu au sacerdoce ; et comme il vit que tout le monde paraissait charmé de la capacité qu'il montrait dans ses réponses : « Eh ! mon Dieu, dit-il avec une candeur admirable, faut-il donc tant de théologie pour recevoir les saints ordres, et pour catéchiser de pauvres nègres? » Mais ayant su depuis qu'on l'avait examiné pour juger s'il était capable d'être admis au degré de profès des quatre vœux, qui est le degré le plus honorable chez les jésuites, et même le seul qui fixe irrévocablement un sujet dans la Compagnie, il ne put s'empêcher de dire à ceux qui le félicitaient sur cette distinction : « Si je l'avais su, ou je n'aurais rien répondu du tout, ou du moins j'aurais répondu plus mal, me sentant tout à fait indigne de cet honneur. » Ceux qui connaissent la délicatesse du cœur humain en tout ce qui regarde les distinctions du côté de l'esprit, jugeront par là de sa profonde humilité. Refuser un degré honorable dont on est censé digne, c'est déjà beaucoup ; mais vouloir paraître ignorant pour l'éviter, c'est infiniment plus.
A suivre : XVIII. Il fait sa troisième année de noviciat à Tongha, et revient à Carthagène, où il reçoit les ordres sacrés.
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Louis- Admin
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Re: Saint Pierre Claver.
XVIII.
Il fait sa troisième année de noviciat à Tongha,
et revient à Carthagène,
où il reçoit les ordres sacrés.
On avait établi depuis peu une nouvelle maison à Tongha, et on l'y envoya pour y faire la troisième année de noviciat, qui est en usage parmi les jésuites, avant que d'être admis aux derniers vœux. Outre que les supérieurs furent bien aises de lui procurer le temps et les moyens de rétablir sa santé déjà fort altérée par l'étude, les maladies et ses austérités extraordinaires, ils considérèrent combien son exemple serait utile aux novices pour les former à la vertu ; et la présence d'un si saint homme ne fut pas un des moindres avantages qu'ils donnèrent à cette maison. Il y fit encore l'office de portier et de sacristain, à l'édification de tous ses frères. La modestie et la piété des novices le charmaient, et cette demeure lui fut toujours si chère, qu'en mourant il lui envoya, comme le plus précieux gage de sa tendresse, le petit livre qu'il avait reçu du F. Rodriguez en partant de Majorque, et qu'il appelait son trésor. Les termes dont il se servit en lui faisant ce présent sont une si vive expression de son humilité, que je crois faire plaisir aux lecteurs en les rapportant ici.
« Je l'envoie, dit-il, au noviciat, afin que les novices en profitent et que leur père-maître le garde soigneusement, comme un trésor dont je n'ai pas su profiter moi-même. Je conjure ceux qui le liront de prier Dieu pour ce pécheur qui, ayant à sa disposition une mine si précieuse, au lieu d'en tirer l'or pur de la sainteté, n'en a tiré que de la rouille. »
Après tant d'épreuves, on le renvoya enfin à Carthagène au mois de novembre de l'année 1615. Il y servit quelque temps de compagnon au Père Nugnez dans ses travaux apostoliques; et malgré sa résistance et ses excuses, l'année suivante il fut ordonné prêtre par les mains de l'évêque de Carthagène.
Dès qu'il se vit élevé à la dignité du sacerdoce, il ne pensa plus qu'à en acquérir le véritable esprit et à en remplir exactement tous les devoirs. Vivement pénétré de la pureté de cœur qu'exige un ministère si sacré, redoutable aux anges mêmes, il se disposa à sa première messe, par une retraite de plusieurs jours, par un redoublement de pénitence, et par une confession générale qu'il fit avec une grande abondance de larmes, quoique son confesseur y pût à peine trouver une matière suffisante d'absolution. Il parut à l'autel comme un séraphin embrasé d'amour, donnant par sa piété un spectacle également capable de réjouir les anges et d'édifier les hommes. Il fut le premier jésuite qui eut le bonheur de dire sa première messe à Carthagène; et il choisit pour cette auguste action une chapelle de la Vierge, où l'on vénérait une statue miraculeuse de cette Reine du ciel. Toute sa vie il se fit un devoir de lui marquer sa reconnaissance de la bonté qu'elle avait eue de lui prêter un autel, pour y offrir le divin sacrifice.
Comme la ville de Carthagène a été le théâtre le plus éclatant des vertus et des travaux de ce saint missionnaire, j'ai cru qu'il ne serait pas hors de propos d'en donner une légère idée au lecteur, pour le mettre plus en état de juger de tout ce qu'il eut, et à y faire, et à y souffrir.
A suivre : LIVRE SECOND.
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Louis- Admin
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A suivre : II. Différentes sortes de nègres qui y abondent. Leur triste situation.
LIVRE SECONDI. Description de Carthagène et de son territoire.
La ville de Carthagène, une des plus considérables de l'Amérique septentrionale, est située au fond du grand golfe du Mexique, entre le petit golfe de Darien et le grand fleuve de la Magdeleine, par le trois cent deuxième degré le longitude, et entre le onzième et le douzième de latitude boréale.
Les chaleurs y sont si excessives, les pluies si fréquentes, l'air si malsain, qu'il n'y a que la cupidité, ou le zèle qui puisse y attirer les étrangers et leur en rendre le séjour supportable. Depuis le commencement de décembre jusqu'à la fin de mars, il y règne un vent d'est ou du nord assez froid, dont les étrangers, accoutumés à un ciel moins brûlant, s'accommodent volontiers ; mais ce changement subit de température incommode fort les naturels du pays. Alors tous les arbres des environs, particulièrement ceux qui sont sur les montagnes, languissent et se dessèchent, toutes les campagnes sont désolées et la terre ne produit presque rien. Pendant les huit autres mois de l'année, le soleil y est comme un feu ardent, insupportable, même aux Espagnols, qui s'accoutument sans peine à tous les autres climats. La chaleur pénètre alors les appartements les plus retirés, et les rend comme des étuves. Ceux qui sont nouvellement arrivés, tombent peu à peu dans une langueur qui leur fait perdre entièrement l'appétit, et les expose à d'autres accidents. Les pluies qui tombent alors en abondance, loin de modérer la chaleur, semblent la rendre plus accablante. De ces deux causes réunies naissent trois grands inconvénients : des maladies extraordinaires, qui ruinent en peu de temps les tempéraments les plus robustes; de nombreux essaims de moustiques, de moucherons, et d'autres insectes volants, dont les piqûres envenimées sont toujours suivies d'ampoules très douloureuses ; des orages furieux, accompagnés de torrents d'eau, qui font périr une infinité d'hommes, et brisent même les plus fortes branches des cocotiers. De plus, le sol y est si stérile, qu'il faut faire venir d'ailleurs tout ce qui est nécessaire à la vie; et comme les tempêtes fréquentes rendent les mers voisines fort dangereuses, souvent, au milieu des monceaux d'or et d'argent, on manque de tout.
Un climat si redoutable à la nature n'a point effrayé la cupidité. Le port de Carthagène est comme le rendez-vous général de plusieurs nations qui viennent y trafiquer ; de toutes les Indes on y apporte de l'argent et de l'or ; et ce pays est l'entrepôt de tout ce qui se transporte du Mexique, du Pérou, de Potosi, de Quito, et des îles environnantes.
A suivre : II. Différentes sortes de nègres qui y abondent. Leur triste situation.
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II. Différentes sortes de nègres qui y abondent. Leur triste situation.
Les nègres y sont chargés de tout le travail : on les emploie aux mines, à la culture des terres, aux ouvrages les plus pénibles ; l'on n'y est riche, l'on n'y vit qu'au prix de leurs sueurs et souvent même de leur sang.
Les marchands et les armateurs vont les acheter sur les côtes de la Guinée, d'Angola et du Congo, au milieu même des terres de l'Afrique, où ces malheureux sont continuellement en guerre les uns contre les autres, et d'où les vainqueurs viennent vendre leurs captifs pour du vin, de l'huile et d'autres provisions. On les achète communément pour quatre écus, et on les revend pour deux cents ou même plus, à Carthagène. Comme ils sont de nations différentes, ils diffèrent aussi de caractère et de langage; d'où il arrive qu'on a des peines infinies à les former et à les instruire. Sur les seules côtes de la Guinée on en compte de plus de trente peuplades, dont chacune parle une langue différente. Ceux-ci sont les mieux faits, les plus noirs, les plus courageux et les plus robustes; c'est ce qu'on appelle les Nègres de bon aloi : mais ce sont aussi les plus sauvages, ceux en qui l'on découvre le moins de raison, avec une certaine fierté stupide qui les rend presque intraitables. Il y en a d'autres tirés des confins de la Mauritanie qui, sans avoir leurs bonnes qualités, ont tous leurs vices et toute leur indocilité.
Ceux d'Angola et du Congo, qui sont les plus communs à Carthagène, paraissent les plus traitables et les plus doux. Ils embrassent sans peine le christianisme, et on en voit quelquefois parmi eux de très fervents : mais ils sont, pour la plupart, d'une grossièreté extrême. Quand ils voient donner le baptême à quelques-uns de leurs compagnons, ceux qui ont été déjà baptisés viennent se mettre au rang des catéchumènes, pour recevoir encore une fois ce sacrement, croyant faire par là une action très méritoire. La langue d'Angola leur est commune à tous; mais elle varie dans quelques nations.
Les autres nègres se tirent des îles de Saint-Thomas, de Carabal, d'Arda et de Mina; mais ceux qu'on trouve dans les trois dernières y viennent des îles voisines. Le vil prix auquel on vend ces pauvres gens marque bien leur misère et le mépris qu'on en fait : on les donne ordinairement pour quatre morceaux de cuir de vache par tête; aussi sont-ils les plus stupides et les plus sauvages de tous les nègres. Ils sont si avides de chair humaine, qu'ils mangent quelquefois leurs propres enfants; et leurs dents pointues comme des alênes sont en même temps si dures, qu'ils cassent sans beaucoup de peine les os de bœuf qu'on leur jette comme à des chiens. Ils sont par contre les plus dociles, les plus disposés à embrasser la foi, et les plus exacts aux pratiques de la religion, principalement ceux d'Arda.
On ne peut exprimer toutes les misères que ces pauvres esclaves ont à souffrir durant le cours de la navigation. On les entasse pêle-mêle au fond des vaisseaux, sans lit, presque sans nourriture, chargés de chaînes et plongés dans leurs ordures. Tout cela, joint à la chaleur du lieu obscur où on les renferme, et à la mauvaise qualité des aliments qu'on leur donne, leur cause des maladies, des plaies et des ulcères qui augmentent leur infection naturelle à un tel point, que souvent ils ne la peuvent supporter eux-mêmes.
Il n'est point de bêtes maltraitées comme ces malheureux…
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A suivre : III. Le P. Claver travaille au salut des nègres, sous le P. de Sandoval.
II. Différentes sortes de nègres qui y abondent. Leur triste situation.(suite)
Il n'est point de bêtes maltraitées comme ces malheureux; aussi plusieurs tombent dans le désespoir et aiment mieux se laisser mourir de faim, que de vivre dans un état si déplorable. Souvent quand la vieillesse ou l'infirmité les a mis hors d'état de travailler, leurs maîtres les abandonnent impitoyablement à leurs propres misères, comme des animaux devenus inutiles, sans daigner leur procurer le moindre secours.
Ce qu'il y a de plus triste pour eux, c'est qu'on ne prend guère plus de soin de leurs âmes que de leurs corps. Toute la peine que se donnent les marchands qui les vendent et les maîtres qui les achètent consiste à leur ordonner de se faire chrétiens; et comme la crainte aussi bien que l'ignorance de ce qu'on exige d'eux les empêche de résister, on prend occasion de leur silence pour les baptiser, sans précaution et sans les avoir instruits ni de ce qu'ils reçoivent, ni de ce qu'ils doivent croire et pratiquer en conséquence. Aussi le baptême n'est-il pour la plupart qu'une pure cérémonie à laquelle ils ne comprennent rien ; et, faute d'une connaissance suffisante de leur état, avec le caractère de chrétiens ils conservent des mœurs païennes et toute sorte de superstitions.
Tel était l'état de Carthagène, lorsque le P. Claver y arriva : telle était la carrière que Dieu ouvrait à son zèle pour les trente-neuf ans qui s'écoulèrent depuis sa prêtrise jusqu'à sa mort.
A son retour en cette ville, il y trouva la maison des jésuites bien différente de ce qu'elle était cinq ans auparavant. Ces Pères avaient été obligés de déloger, pour éviter l'incommodité de quelques maisons élevées dans le voisinage, et d'où l'on voyait sans peine tout ce qui se passait dans l'intérieur du collège : mais l'esprit de pauvreté et de mortification dont le P. Claver était animé, trouva dans le nouvel établissement de quoi se satisfaire. L'église avait à peine trente pieds de long, elle était si enfoncée et si humide, que le plus souvent on la trouvait toute remplie de boue. La maison était si resserrée, que, quoiqu'il n'y eût alors qu'un petit nombre de jésuites, ils étaient pour la plupart logés deux à deux dans de fort petites chambres. Elle se trouvait environnée d'un côté par la boucherie publique, et de l'autre, par une multitude de boutiques et de cabarets, dont le bruit, les clameurs et les chansons profanes, trop ordinaires dans ces sortes de lieux, troublaient continuellement le repos et la solitude des religieux. Pour surcroît d'embarras, elle n'avait alors aucun revenu fixe, on n'y vivait que d'aumônes; et Dieu, pour éprouver ses serviteurs, permettait que souvent ils manquassent du strict nécessaire. Tant d'incommodités réunies rendirent cette demeure agréable au nouveau missionnaire.
A suivre : III. Le P. Claver travaille au salut des nègres, sous le P. de Sandoval.
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Re: Saint Pierre Claver.
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III. Le P. Claver travaille au salut des nègres, sous le P. de Sandoval.
Dès qu'il se vit établi selon son goût à Carthagène, sa première attention fut de chercher les moyens de procurer aux nègres, pour qui Dieu lui avait donné un attrait particulier, les secours dont il était capable. Il n'ignorait pas tout ce qui devait lui en coûter de peines, soit de la part de ces esclaves grossiers et indociles, soit de la part de leurs maîtres toujours durs et intéressés ; il prévit tous les rebuts, toutes les contradictions, toutes les insultes même qu'il aurait à essuyer ; mais son zèle l'emporta sur toute autre considération, et les obstacles ne servirent qu'à lui donner une nouvelle ardeur. Il ne put voir tant d'âmes prêtes à périr, sans employer toutes ses forces pour les sauver. Et quoique sa charité s'étendît en général à tout le monde, et en particulier à tous les malheureux, il est certain que les nègres eurent toujours la principale part à sa tendresse. Il commença ce si laborieux ministère sous la conduite du P. Alphonse de Sandoval, dont il se fit quelque temps le disciple, pour devenir bientôt le maître et le modèle de tous les autres missionnaires. La vie de cet homme apostolique, qui devait lui servir de guide pendant quelques années, mériterait un volume entier ; et quoique ce ne soit pas l'objet que je dois présenter ici au lecteur, j'espère qu'il ne me saura pas mauvais gré de lui avoir fait connaître un saint dont les actions ont tant de rapport avec celles du missionnaire dont j'écris l'histoire. Raconter les travaux héroïques de l'un, c'est exposer par avance une partie de ce qu'on verra bientôt entreprendre à l'autre.
Le P. de Sandoval était né d'une famille distinguée par sa noblesse et sa piété. Ses parents, qui étaient allés à Lima pour y exercer un emploi considérable, l'y firent élever dans le séminaire des jésuites. A la fin de ses études il fut reçu dans leur Compagnie; et, dès le noviciat, on vit éclater en lui les vertus les plus éminentes, surtout un désir insatiable de souffrir pour la gloire de JESUS-CHRIST. Quelques années après, ayant été élevé à la dignité du sacerdoce, malgré les répugnances de son humilité qui le portait à servir en qualité de simple frère coadjuteur, il fut destiné aux missions de Carthagène, où les jésuites s'étaient établis depuis peu.
Dans ce dessein…
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Louis- Admin
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Re: Saint Pierre Claver.
III. Le P. Claver travaille au salut des nègres, sous le P. de Sandoval.(suite)
Dans ce dessein, il partit de Cusco, où il avait fait ses études et sa troisième année de noviciat pour revenir à Lima. Ses Supérieurs l'y retinrent quelque temps pour travailler, pendant le carême, au salut des âmes. Il s'y attacha à confesser les pauvres, surtout les nègres qui venaient le trouver en foule, et pour qui Dieu lui avait donné un goût et des talents particuliers. On eût bien voulu le retenir pour toujours dans cette capitale du Pérou; mais son zèle et son amour pour les souffrances l'appelaient à Carthagène, et on fut obligé de l'y envoyer. Il entreprit ce long, difficile et périlleux voyage, à pied, sans autres provisions que son bréviaire et quelques papiers de dévotion. En arrivant, il fut charmé de trouver une maison où tout manquait, excepté l'occasion de travailler et de souffrir beaucoup. La pauvreté au dedans et les persécutions au dehors, en étaient le plus précieux trésor, le plus solide appui. Il n'y avait alors que trois prêtres, qui, pour avoir de quoi subsister, étaient obligés d'aller tour à tour quêter par toute la ville. Le P. de Sandoval fut chargé de cet emploi aussi humiliant que laborieux ; et pendant trois années il alla tous les jours de porte en porte, une besace sur le dos, jusqu'à ce qu'on eût enfin un frère instruit à son école de la modestie et de la vertu que demande une pareille fonction. Délivré de cet emploi, il se chargea de celui de portier et du soin de servir les religieux de la maison, avec une humilité d'esclave et une tendresse de mère. Il allait acheter lui-même les provisions et il les préparait avec tout le soin dont il était capable. Tout le temps que lui laissaient ses occupations domestiques, il l'employait à confesser, à faire le catéchisme, à secourir le prochain, de sorte qu'il ne se délassait d'un travail que par un autre.
L'arrivée de quelques Caciques, qui en ce temps-là vinrent de Darien et d'Uraba avec des présents pour le gouverneur et pour l'évêque de Carthagène, donna au Père Provincial la pensée d'envoyer quelqu'un de ses religieux pour cultiver ces terres idolâtres. Le Père de Sandoval sollicita instamment cette mission, mais il n'en tira d'autre fruit que beaucoup de souffrances, il fut appelé à d'autres missions. Son zèle y était récompensé par des succès égaux à son travail; lorsqu'il fut frappé d'une maladie mortelle. Comme il était près d'expirer, il fut miraculeusement guéri par saint Ignace, à qui Dieu avait fait connaître qu'il destinait cet excellent ouvrier à travailler au salut des nègres.
Le P. de Sandoval n'oublia jamais que la santé lui avait été rendue pour une fin si sainte, et il prit la résolution de s'y consacrer désormais tout entier. Dès lors ces malheureux esclaves furent le principal objet de ses missions aux environs de Carthagène. Il les traitait avec douceur, les instruisait avec zèle, les consolait avec charité dans leurs travaux, les assistait avec soin dans leurs maladies: mais l'expérience lui apprit que c'était au temps de leur débarquement à Carthagène, qu'il fallait surtout en avoir soin, parce qu'on les envoie presque aussitôt travailler, soit aux mines, soit dans des habitations éloignées, sans qu'on sache bien s'ils ont été baptisés ou non.
Dès qu'il arrivait un navire prêt à débarquer, le saint missionnaire y courait donc, accompagné d'un interprète. Ses premiers soins étaient pour les malades ; mais il pensait d'abord à sauver leurs âmes: il baptisait les uns, il confessait les autres; et selon que les circonstances le demandaient, il les disposait à une mort chrétienne. Si le mal ne pressait pas, il les consolait, les soulageait, leur donnait mille petits rafraîchissements qu'il avait apportés avec lui; après quoi il prenait soin de leur conscience.
Quant à ceux qui étaient pleins de santé…
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Louis- Admin
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Re: Saint Pierre Claver.
III. Le P. Claver travaille au salut des nègres, sous le P. de Sandoval.(suite)
Quant à ceux qui étaient pleins de santé, il les préparait à loisir à recevoir le saint baptême. Jour et nuit il était occupé de ses chers esclaves: ni la rigueur des saisons, ni les fatigues et les maladies n'étaient capables de l'arrêter: il se croyait obligé à prodiguer par charité une vie qui lui avait été rendue par un miracle.
Après avoir choisi avec soin des interprètes de différentes langues, selon les différentes nations des nègres, il marquait exactement dans un petit livre leurs noms et ceux de leurs maîtres, avec le lieu de leurs habitations: tous les ans il avait soin de faire un petit présent, non seulement à ses interprètes pour être bien servi dans l'occasion, mais encore aux principaux maîtres des esclaves, pour obtenir d'eux la liberté de les assembler en certains temps, et d'exercer auprès d'eux toutes les fonctions de son ministère. Il tenait encore deux autres registres, où chaque nation avait sa place; et à mesure qu'il baptisait quelque nègre, il écrivait son nom sous le titre de sa nation, en y ajoutant un signe qui pût servir à le distinguer des autres. Lorsqu'il rencontrait des nègres, soit dans leurs cases, soit en chemin, il consultait aussitôt son livre: s'ils n'étaient pas encore baptisés, il achevait de les instruire, et comme il portait toujours sur lui un flacon rempli d'eau pour cet usage, il leur conférait le baptême. On rapporte qu'en sept ans il en baptisa plus de trente mille.
Tant de travaux et de succès lui attirèrent des lettres de félicitation de la part des personnes les plus distinguées dans l'Église et dans l'État, et engagèrent plusieurs missionnaires à demander de lui être associés dans son ministère. Le P. Claver obtint ce bonheur, et dès qu'il eut reçu les ordres sacrés, il se joignit à cet homme apostolique : mais le P. de Sandoval ayant été obligé de retourner à Lima, il se trouva seul chargé de tout le travail. Il s'en acquitta si parfaitement, que le P. de Sandoval, à son retour, jugeant que son disciple suffisait à Carthagène, s'enfonça dans les terres, parcourut plus de quatre cents lieues le long des côtes et dans le continent, donnant partout des marques éclatantes de son zèle, et recueillant des fruits proportionnés à ses immenses travaux. Revenu à la maison de Carthagène, il y fut chargé successivement de différents emplois. Enfin, épuisé de fatigues, couvert d'ulcères, accablé de douleurs, il passa les deux dernières années de sa vie étendu sur un pauvre lit et presque abandonné de tout le monde, parce que le petit nombre des jésuites du collège et la multitude accablante de leurs occupations ne permettaient pas de lui donner tous les secours qu'on aurait voulu. Quand on allait le visiter, on le trouvait presque toujours couché sur le dos, les yeux levés vers le ciel et les mains jointes sur la poitrine, offrant à Dieu le double sacrifice de ses louanges et de sa vie. Dans cet état si désolant pour la nature, ses seules paroles étaient : « Dieu soit loué, Dieu soit béni ! » et sa seule consolation était de pouvoir encore se traîner pour dire la messe. Il mourut à l'âge de soixante-seize ans, plein de jours et de mérites, le matin de Noël.
Tel était le maître que Dieu avait préparé au P. Claver…
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A suivre : IV. Conduite du P. Claver à l'arrivée des nègres à Carthagène.
III. Le P. Claver travaille au salut des nègres, sous le P. de Sandoval.(suite)
Tel était le maître que Dieu avait préparé au P. Claver : faut-il s'étonner qu'à une si sainte école, avec de si heureuses dispositions, il soit devenu lui-même un missionnaire si parfait ? Il ne fut qu'un an sous la conduite du P. de Sandoval ; mais dans ce court espace de temps, toujours attentif à ses instructions et à ses exemples, embrasé de son zèle et de sa charité, il reçut avec plénitude le double esprit de son maître, et devint bientôt en état de le surpasser.
Jamais peut-être aucun ouvrier évangélique ne fit un sacrifice aussi parfait et aussi généreux. En changeant de lieux et de climats, les ministres de l'Évangile trouvent toujours de nouveaux objets qui les animent et qui les soutiennent : les douceurs de l'un peuvent en quelque sorte dédommager des rigueurs de l'autre; et le changement seul est par lui-même une espèce de soulagement pour la nature. Mais le climat du pays où le P. Claver se confina ne perdit jamais rien de ses rigueurs pour lui : ce furent toujours de nouveaux travaux, de nouvelles souffrances, quoique dans le même lieu, pendant près de quarante années: toujours il eut besoin d'un nouveau zèle et d'un nouveau courage, parce qu'une seule ville était le rendez-vous de toutes les nations, et que l'apôtre de Carthagène était celui d'un monde entier.
A suivre : IV. Conduite du P. Claver à l'arrivée des nègres à Carthagène.
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Re: Saint Pierre Claver.
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A suivre : V. Méthode qu'il observe dans l'instruction des nègres.
IV. Conduite du P. Claver à l'arrivée des nègres à Carthagène.
Dès qu'il arrivait au port un navire chargé de nègres, le gouverneur lui-même et ses principaux officiers se chargeaient à l'envi de l'en avertir ; parce que, outre qu'il disait un certain nombre de messes pour celui qui lui apportait le premier une si heureuse nouvelle, on était persuadé qu'on ne pouvait lui causer une joie plus vive. En effet il paraissait aussitôt revivre, ses yeux s'animaient, son visage pâle et défait prenait une couleur de santé qui ne lui était pas ordinaire. Après s'être mis à genoux pour remercier Dieu, il s'informait de la langue que parlaient ces nouveaux esclaves, il cherchait des interprètes et il courait au port muni de biscuits, de conserves, d'eau-de-vie, de tabac, de limons et d'autres provisions dont ces sauvages font leurs délices. Comme la plupart sont persuadés qu'on ne les a pris que pour employer leur graisse à caréner les vaisseaux, et leur sang à teindre les pavillons, il mettait tout en œuvre pour les rassurer. D'abord il leur faisait entendre que cette persuasion n'était qu'un artifice du démon pour les perdre ; qu'on les avait fait venir pour les délivrer de son esclavage et les conduire à une félicité éternelle ; qu'ils pouvaient s'en rapporter sur ce point à plusieurs de ceux qui avaient déjà été tirés de leur pays, et qui se trouvaient beaucoup plus heureux à Carthagène ; et que pour lui en particulier, il leur servirait toujours de protecteur, d'avocat, de maître et de père.
Mais quoi qu'on pût leur dire de sa part, son affection, qui paraissait dans toutes ses manières, était plus éloquente que tous les discours de ses interprètes : et je ne sais quelle sympathie, qui se trouvait entre son cœur et celui de ces pauvres gens, les lui attachait tous, presque dès le premier abord. Il leur distribuait ensuite les petits rafraîchissements qu'il avait apportés, et par là il achevait de les gagner. Aussi avait-il coutume de dire à ce sujet, qu'il fallait leur parler avec la main, avant que de vouloir leur parler de bouche. Dans ce dessein il allait ordinairement chez un de ses amis, homme vertueux et très charitable. « Il vient d'arriver, » lui disait-il alors en souriant, « un vaisseau chargé de nègres, il faut un hameçon pour les prendre, » et sur-le-champ on lui envoyait toutes les provisions dont il avait besoin pour eux.
Après se les être ainsi attachés par les marques de la plus attentive charité, il travaillait à les gagner à Dieu. Il s'informait d'abord de tous ceux qui étaient nés pendant le voyage, pour leur conférer le baptême ; il visitait ensuite ceux qui étaient dangereusement malades, pour les disposer, ou au baptême, ou au sacrement de pénitence, selon qu'ils étaient, ou n'étaient pas encore chrétiens. Il arriva plus d'une fois que plusieurs moururent immédiatement après cette grâce, comme si la divine Providence ne les avait conservés que pour donner à son serviteur la consolation de les sauver.
Ces faveurs l'animaient à un nouveau travail. Persuadé qu'il ne pouvait acheter trop chèrement un si grand bonheur, il prenait soin de tous les malades les uns après les autres : il nettoyait leurs ordures, pansait leurs plaies, leur portait lui-même la nourriture à la bouche. En partant, il les embrassait avec tendresse, et les laissait si étonnés, si charmés d'une charité à laquelle ils ne s'attendaient pas, que leur servitude de Carthagène leur paraissait préférable à la liberté dont ils jouissaient dans leur pays.
Le jour du débarquement général étant arrivé, il s'y trouvait ponctuellement, muni des mêmes provisions et accompagné d'autres esclaves de la même nation. Il leur donnait la main pour les aider à mettre pied à terre ; recevait les malades entre ses bras et les portait sur des charrettes qu'il avait fait préparer exprès : il n'y en avait aucun à qui il ne donnât des marques de son affection, si vives et si naturelles, que tous ceux qui en étaient les témoins en étaient ravis d'admiration. Il ne les quittait point qu'il ne les eût tous conduits comme en triomphe dans leurs logements, plus honoré de cette compagnie, en entrant à Carthagène, que ces fameux vainqueurs qui entraient autrefois triomphants à Rome. Quand ils étaient logés, il les allait encore visiter tous, les uns après les autres, leur promettait de revenir bientôt et les recommandait très instamment à leurs maîtres.
A suivre : V. Méthode qu'il observe dans l'instruction des nègres.
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V. Méthode qu'il observe dans l'instruction des nègres.
Il eût voulu les conquérir tous à Dieu, sans différer; mais la plus grande difficulté était d'avoir de bons interprètes. Que d'obstacles n'eut-il pas à vaincre ! Que de persécutions même n'eut-il pas à essuyer à ce sujet ! Il en devait coûter
beaucoup, et pour les payer, et pour les former : son courage vint à bout de l'un et la Providence fournit à l'autre. Ayant obtenu de ses supérieurs la permission de chercher des aumônes pour une œuvre si sainte, il allait lui-même de porte en porte solliciter la charité des fidèles ; et Dieu, intéressé au salut des âmes qu'il avait confiées à ses soins, lui fit trouver des personnes pieuses qui lui fournissaient abondamment tout ce qui était nécessaire. Avec ces secours il avait de quoi s'attacher quelques interprètes, secourir les pauvres et les malades, racheter des esclaves réduits au désespoir, et payer les ouvriers qui étaient obligés de travailler à la place de ses interprètes, pendant le temps qu'il les employait à faire les instructions. Dieu ayant ainsi donné à ses soins tout le succès qu'il désirait, il se disposa à reprendre ses travaux apostoliques, avec plus d'ardeur que jamais. Voici la méthode qu'il y observait.
Après être convenu avec ses interprètes du temps et du lieu le plus commode pour instruire les nègres, il se rendait exactement dans leurs cases aux heures marquées. Ces cases sont de grands magasins, ou, pour mieux dire, de longues prisons humides, obscures, dénuées de tout ; les nègres y sont entassés par centaines, les uns sur les autres, sans autre lit que la terre. L'air chaud et empesté, qui s'exhale de tant de corps déjà infects par eux-mêmes, en rend le séjour insupportable; et il est peu d'étrangers qui puissent y demeurer longtemps sans défaillir. Mais si la petite vérole, ou quelque autre maladie épidémique, vient se joindre à tant d'autres incommodités, les esclaves eux-mêmes n'y peuvent résister.
Avant que de se mettre en chemin, le zélé missionnaire implorait la divine miséricorde par de ferventes prières, qu'il avait coutume de faire devant le saint Sacrement, par des pénitences extraordinaires et par toutes les œuvres de piété que l'ardeur de sa charité lui pouvait inspirer. Il partait ensuite, ayant à la main un bâton surmonté d'une croix, un crucifix de bronze sur la poitrine, et sur l'épaule un sac où il renfermait un surplis, une étole, les saintes huiles, des biscuits, quelques flacons remplis d'eau-de-vie et d'eau de senteur, avec tout ce qui était nécessaire, soit pour dresser un autel, soit pour soulager les infirmes. Quoique chargé de la sorte, il marchait avec tant de courage et d'agilité, que son compagnon avait de la peine à le suivre.
Dès qu'il était arrivé, il entrait dans le quartier des malades : là il commençait par leur laver le visage avec quelque eau odoriférante, pour diminuer l'infection dont ils étaient tourmentés ; il leur donnait un peu de vin, ou d'eau-de-vie, pour les fortifier ; il les régalait avec les biscuits et les conserves qu'il avait eu la précaution d'apporter; il leur conférait ensuite les sacrements qu'ils étaient en état de recevoir et ne les quittait qu'après les avoir remplis de consolation.
De là il se rendait au quartier de ceux qui n'étaient arrêtés par aucune incommodité…
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A suivre: VI. Ses travaux dans ses exercices.
V. Méthode qu'il observe dans l'instruction des nègres.(suite)
De là il se rendait au quartier de ceux qui n'étaient arrêtés par aucune incommodité; et, après les avoir tous rassemblés dans une grande cour ou dans quelque autre endroit assez spacieux, il y élevait un autel, sur lequel il plaçait des tableaux propres à donner à ces esprits grossiers quelque idée de nos mystères. Au lieu le plus remarquable était un tableau de JESUS-CHRIST en croix. On y voyait sortir de toutes ses plaies des ruisseaux de sang, qui coulaient dans un vase précieux : un prêtre les recueillait avec respect pour en baptiser un nègre, qui attendait cette grâce à genoux et dans une posture très dévote ; des cardinaux, des papes, des princes et des rois assistaient à cette cérémonie, adorant avec joie la miséricorde d'un Dieu Sauveur qui prodiguait ainsi son sang pour tout le monde. D'un côté de ce tableau, on apercevait quelques nègres richement parés et comme tout brillants de gloire : c'étaient ceux qui avaient déjà reçu le baptême ; mais ceux qui l'avaient refusé paraissaient, de l'autre côté, tout difformes et environnés de monstres hideux qui avaient la bouche ouverte pour les dévorer. Ce spectacle, consolant et terrible tout à la fois, excitait ces pauvres gens à l'estime d'un bienfait honoré par les puissances mêmes de la terre, à la crainte du malheur destiné à ceux qui n'en veulent pas profiter, au désir d'éviter ce malheur par la vertu du sang divin unie avec l'eau du sacrement, et surtout à l'amour d'un Dieu qui avait tant fait et tant souffert pour des hommes misérables. Ces sortes de peintures si expressives, soutenues de quelques sentences courtes, vives et animées par le zèle, ont souvent plus de force pour persuader que les discours les plus éloquents.
Tout étant ainsi préparé, il disposait lui-même des sièges pour ses interprètes, et afin que les nègres eux-mêmes pussent entendre plus commodément la parole divine, il allait chercher des bancs, des ais et des nattes qu'il rangeait soigneusement autour de l'autel ; il faisait tout cela d'un air si content, avec une ferveur si aimable, que ces pauvres esclaves ne savaient comment lui marquer leur reconnaissance. Il plaçait les hommes d'un côté et les femmes de l'autre, il pourvoyait à tout ; on eût dit qu'il n'avait point là d'autre emploi que celui de servir et d'être l'esclave des esclaves mêmes. Si parmi eux il en apercevait quelqu'un qui pût causer de l'incommodité aux autres par la vue ou par l'infection de ses ulcères, il le couvrait de son manteau, dont il se servait aussi quelquefois pour faire une espèce de siège aux infirmes, dans la crainte qu'ils ne fussent assis trop durement. Souvent il le reprenait si souillé et si infect qu'il fallait le laver jusqu'à sept ou huit fois; mais l'ardeur de la charité semblait tout purifier; et il était si occupé du soin de gagner ces âmes à Dieu, qu'il eût mis volontiers sur lui son manteau tout sale des ordures des nègres les plus dégoûtants, si ses interprètes ne l'en eussent empêché.
A suivre: VI. Ses travaux dans ses exercices.
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A suivre : VII. Sa conduite en administrant le baptême aux nègres.
VI. Ses travaux dans ses exercices.
Avant que de commencer le catéchisme, il prenait chaque nègre en particulier pour examiner s'il avait été baptisé; il rangeait à part ceux qui donnaient des preuves suffisantes de leur baptême ; et, pour les distinguer, il leur mettait au cou une médaille de plomb sur laquelle étaient gravés les saints noms de JÉSUS et de Marie, en les avertissant de la porter toute leur vie, tant comme une marque de la grâce qu'ils avaient reçue, que pour leur sûreté particulière contre les périls auxquels ils se trouveraient exposés. Quant à ceux dont les réponses lui donnaient un juste sujet de douter, il leur faisait prendre un signe particulier pour les reconnaître et les baptiser quelque autre jour sous condition.
Après ces préparatifs, il commençait enfin ses instructions en cette manière. Prenant en main son bâton, qui représentait la figure d'une croix, il se mettait à genoux au milieu des nègres et il priait quelque temps, le visage enflammé du feu de l'Esprit-Saint ; puis, d'un air capable de tirer des larmes des cœurs les plus durs, il faisait le signe de la croix, répétant deux ou trois fois chaque parole et chaque action, afin que tous pussent le suivre. Il approchait ensuite avec ses interprètes de chaque nègre pour lui faire faire en particulier le signe de la croix, donnant des éloges à ceux qui l'avaient bien retenu, blâmant les autres avec douceur, et ne passant point aux suivants que les premiers n'eussent parfaitement appris ce premier article.
Il suivait le même ordre dans l'explication de nos principaux mystères, et, pour les faire mieux entendre, il se servait de comparaisons proportionnées à la grossièreté de ses auditeurs. Mais il ne se bornait pas à leur proposer ce qu'il devait croire, il leur apprenait encore à le pratiquer. L'exposition de chaque mystère était suivie d'un acte de foi qu'il avait soin d'imprimer fortement dans leur esprit ; il excitait leur espérance par la vue du bonheur et de la gloire que la miséricorde et le sang même d'un Dieu avait préparés aux chrétiens ; et de cette vue naissaient comme naturellement des actes réitérés d'amour pour un si grand et si bon maître, qui voulait les tirer de leurs ténèbres pour les appeler à la lumière, qui d'esclaves du démon les rendait enfants de Dieu, et qui, après les avoir délivrés de la damnation tant de fois méritée par leurs crimes, leur proposait une félicité éternelle qu'ils pouvaient mériter par l'observation de sa loi.
Ces différents actes partant d'un coeur rempli de foi, d'espérance et d'amour, le feu dont il était embrasé se communiquait à ceux qui l'entendaient. Il profitait de ces heureuses dispositions pour les engager à une détestation sincère de leur infidélité et à un désir ardent de recevoir le saint baptême. Pour leur en faire mieux sentir la vertu : « Il faut, mes enfants, leur disait-il, faire ici comme le serpent, qui se dépouille de son ancienne peau pour en prendre une plus belle et plus brillante »; et, en disant ces paroles, il appliquait ses ongles sur sa main, comme s'il eût voulu la déchirer. Alors ces pauvres esclaves, attentifs à ses moindres actions, faisaient de leur côté les mêmes démonstrations pour lui faire entendre qu'ils avaient compris et qu'ils voulaient se dépouiller de leurs anciennes superstitions, pour être entièrement renouvelés dans les eaux salutaires du baptême.
Pendant ces instructions, il était tantôt debout, tantôt à genoux, tantôt appuyé contre quelque méchant tonneau ; tandis que les interprètes et les nègres étaient commodément assis sur les sièges qu'il leur avait lui-même préparés. Il arrivait souvent que quelques-uns de leurs maîtres, qui avaient voulu être les témoins de cet édifiant spectacle, surpris de l'humilité du saint homme et indignés du peu de respect des nègres, se mettaient en devoir de les châtier de leur insolence; mais le Père accourait aussitôt à leur défense, et s'efforçait de persuader à leurs maîtres que cette place leur était due, que tout se faisait là pour eux et que lui-même il n'était rien. Il n'est pas surprenant en effet que, s'estimant beaucoup moins qu'eux, il crût les devoir placer mieux que lui.
A suivre : VII. Sa conduite en administrant le baptême aux nègres.
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VII. Sa conduite en administrant le baptême aux nègres.
Quand il les jugeait suffisamment instruits, au jour fixé pour leur administrer le baptême, il les faisait ranger par groupes de dix, donnant le même nom à chaque dizaine, pour qu'ils s'en souvinssent mieux. D'abord il baptisait les enfants, puis les hommes et il finissait par les femmes. Avant que de commencer la cérémonie, il se mettait à genoux pour faire à Dieu une prière ardente en faveur de ces pauvres âmes ; il les lui offrait toutes et le conjurait de vouloir bien les purifier par son sang. Cela fait, il se levait l'air inspiré, le visage embrasé comme un séraphin, et s'approchait de ceux qui devaient recevoir le baptême, accompagné d'un interprète, et suivi d'un nègre et d'une négresse déjà chrétiens pour servir de parrain et de marraine. Celui qui devait être baptisé était à genoux, les mains jointes sur la poitrine, et le Père, en lui montrant dans un vase d'argent l'eau destinée à lui procurer la grâce qu'il attendait :« Voilà, lui disait-il par un interprète, cette eau salutaire qui, en vertu des mérites de JESUS-CHRIST, purifie l'âme et la rend brillante comme le soleil ; voilà la source de la grâce qui fait les vrais enfants de Dieu et leur donne droit au royaume de sa gloire ; mais, pour obtenir une telle faveur, il faut se repentir de ses péchés, il faut renoncer au démon et aux maximes du monde. Ne le faites-vous pas de tout votre cœur ? Ne croyez-vous pas en JESUS-CHRIST ? Ne voulez-vous pas entrer dans son Église et recevoir le baptême ? »
Il répétait ces paroles jusqu'à deux et trois fois ; et quand le néophyte avait répondu à propos, il le baptisait à l'instant ; après quoi il lui mettait au cou une de ces médailles, où il avait fait graver les noms de JESUS et de Marie, pour le distinguer de ceux qui n'avaient pas encore été baptisés.
Pendant qu'il était occupé à ces fonctions, si on venait l'avertir que quelqu'un de ceux que la maladie avait empêchés d'assister à l'instruction était en danger, il quittait tout pour y courir et revenait ensuite reprendre le travail qu'il avait interrompu. On ne peut dire combien il arracha d'âmes au démon, en les secourant si à propos et avec tant de zèle. Il arriva que plusieurs esclaves moururent immédiatement après avoir reçu le baptême : aussitôt, il se mettait en prières, remerciant Dieu d'avoir bien voulu se servir de lui pour sauver ces malheureux.
Dès que la cérémonie était achevée, il faisait à tous les nouveaux baptisés une exhortation vive et pathétique, où il leur rappelait la grandeur du bienfait qu'ils venaient de recevoir; il leur représentait ensuite leurs obligations, en les exhortant à garder fidèlement la loi de JESUS-CHRIST dont ils étaient devenus les membres, et à mourir plutôt que de la violer par un seul péché ; il ajoutait que si, par malheur, ils venaient à en commettre un, ils trouveraient un remède salutaire, toujours prêt, dans la douleur et la confession de leurs péchés, et à cette occasion il les instruisait de la manière de recevoir chrétiennement le sacrement de pénitence.
Pour les frapper davantage, leur donner plus d'horreur du péché et les engager plus efficacement à la vertu…
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A suivre : VIII. Son attention à découvrir les nègres qu'on lui cachait.
VII. Sa conduite en administrant le baptême aux nègres.(suite)
Pour les frapper davantage, leur donner plus d'horreur du péché et les engager plus efficacement à la vertu, il leur faisait voir, d'un côté, le portrait d'une âme damnée, spectacle terrible dont il se servait pour leur exposer vivement les châtiments éternels que Dieu réserve aux pécheurs ; de l'autre, celui d'une âme bienheureuse et toute brillante de gloire : « Voilà, leur disait-il alors, ce que vous serez un jour, si vous êtes fidèles à conserver la grâce de votre baptême. » Toutes ces instructions finissaient par un acte fervent de contrition et d'amour de Dieu. Il prenait en main le crucifix qu'il portait sur sa poitrine, et, l'élevant de manière que tous pussent le voir : « Voyez, s'écriait-il, de quelle manière nos péchés ont traité notre grand Dieu et notre aimable père ; voyez jusqu'où l'ont réduit, et notre extrême malice, et son immense charité pour nous. Oui, c'est pour nous qu'il est mort sur cette croix ; c'est pour nous qu'il a été comme abîmé dans cet océan d'ignominies et de douleurs. » Il accompagnait ces mots de larmes si amères, que tous ces bons sauvages y répondaient par des sanglots. Les voyant disposés comme il le désirait, il leur apprenait à dire et à répéter souvent ces belles paroles :« JESUS-CHRIST, fils unique de Dieu, vous êtes mon père, ma mère, mon trésor, tout mon bien. Je vous aime de tout mon cœur, et j'ai une extrême douleur devons avoir offensé ; oui, je vous aime de toutes mes forces et de toute mon âme. » Enfin, les regardant comme purifiés dans le sang de l'Agneau et comme de vrais enfants de Dieu, il les embrassait avec tendresse ; et dans tout cela il montrait un cœur si touché, un air si aimable et si transporté de joie, que ces pauvres esclaves, charmés de tant de bonté, et animés de ce nouvel esprit que donne le baptême, ne savaient comment répondre à tant d'amour.
Pour lui marquer leur consolation et leur joie, ils levaient les yeux au ciel, ils battaient des mains, ils se jetaient à genoux, à ses pieds afin de baiser du moins le bas de sa robe ; ils poussaient des cris d'allégresse mille fois redoublés ; et chacun, en son langage et à sa manière, le comblait de mille bénédictions. Partout où ils le retrouvaient ensuite, c'étaient toujours les mêmes démonstrations d'amour et de respect : ils couraient en foule au-devant de lui, se prosternaient à terre, l'appelaient leur maître, leur protecteur, leur père, et ne pouvaient se lasser de lui témoigner leur reconnaissance.
Ce travail capable à lui seul d'occuper plusieurs missionnaires, devint pour le P. Claver un travail, non pas de toutes les années, mais de toutes les semaines, et presque de tous les jours. A chaque nouveau débarquement de nègres, il était obligé de recommencer les mêmes exercices, de sorte que souvent il ne lui restait que quelques courts intervalles pour s'employer à d'autres travaux.
Ceux qui lui donnèrent le plus de peine, furent les sauvages des côtes de Guinée, naturellement fiers, indomptables, et d'ailleurs attachés à mille superstitions prises du mahométisme. Il fut obligé de redoubler pour eux tous les efforts de son zèle et de sa charité ; il se prêtait à tous leurs caprices, il supportait tout de leur part ; et il obtint enfin par ses prières, sa patience et sa douceur, ce que les menaces et les châtiments de leurs maîtres ne pouvaient obtenir.
A suivre : VIII. Son attention à découvrir les nègres qu'on lui cachait.
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A suivre : IX. Soins qu'il se donne pour former les nègres baptisés à la vertu.
VIII. Son attention à découvrir les nègres qu'on lui cachait.
L'attention du saint missionnaire n'oubliait rien de ce qui concernait son cher troupeau. Outre les nègres inscrits sur les registres publics, les pilotes et les mariniers, pour éviter de payer les droits du roi, en débarquaient d'autres sur les côtes voisines, qu'ils faisaient ensuite entrer secrètement à Carthagène; ils les y tenaient soigneusement cachés, pour les vendre à leur profit à des marchands qui les envoyaient travailler à leurs sucreries, où ils passaient pour chrétiens, sans avoir reçu le baptême. Son zèle triompha des obstacles que lui opposait cette cupidité. Dans toutes les habitations des gens de mer il envoyait des interprètes fidèles qui, sous prétexte de connaissance ou de parenté, demandaient à parler aux nègres nouvellement arrivés. Ces pauvres esclaves, ravis de retrouver quelqu'un de leurs amis, accouraient aussitôt en foule. Les interprètes s'informaient alors de chacun d'eux en particulier s'il avait été baptisé ? S'il répondait que non, ils lui disaient qu'ils étaient venus pour leur procurer à tous ce bonheur et les rendre par là enfants de Dieu ; après quoi ils les instruisaient peu à peu de ce qu'il fallait croire et pratiquer pour mériter une telle grâce. Quand ils les jugeaient suffisamment disposés, ils en avertissaient le P. Claver, qui ne manquait pas de s'y rendre ; et pour ne point effaroucher les maîtres, il leur promettait un secret inviolable sur leur conduite, en leur protestant que jamais il ne ferait rien contre leurs intérêts. Ceux-ci rassurés par sa droiture et touchés des marques de sa bonté, lui permettaient volontiers d'instruire leurs esclaves, de les baptiser et d'exercer librement auprès d'eux toutes les fonctions de son ministère.
A suivre : IX. Soins qu'il se donne pour former les nègres baptisés à la vertu.
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A suivre : X. Il remédie à plusieurs abus auxquels ils étaient sujets.
IX. Soins qu'il se donne pour former les nègres baptisés à la vertu.
Il ne se contentait pas de les faire chrétiens, il voulait qu'ils fussent bons chrétiens. Pour attirer de plus en plus leur confiance, et pour les rendre plus dociles à ses avertissements, il n'épargnait rien en leur faveur. Tous les jours il allait les visiter dans leurs loges, les consolant dans leurs afflictions, les secourant dans leurs besoins, les soulageant dans leurs maladies. Souvent il se tenait des heures entières sur la place publique pour amasser des aumônes ; et après avoir obtenu des marchands différentes espèces de provisions, il les mettait dans un panier qu'il portait lui-même sur son dos à ses chers nègres. Avant que de les leur distribuer il leur expliquait les commandements de Dieu et de l'Église ; il leur enseignait à prier, à bien entendre la messe, à s'approcher chrétiennement des sacrements de pénitence et d'Eucharistie, à faire saintement toutes leurs actions ; il leur rappelait encore les récompenses promises aux justes et les châtiments terribles destinés aux pécheurs impénitents ; et il terminait toujours ses visites en leur faisant produire des actes de contrition et d'amour de Dieu.
Les jours de fête il allait les chercher lui-même pour les faire venir à la messe, et les conduisait à l'église du collège, où il avait eu soin de préparer des bancs et des nattes pour les garantir de l'humidité. Si la multitude des confessions l'empêchait de sortir, il leur envoyait quelques nègres accrédités parmi eux, qui les amenaient en foule. A la vue de ces nombreuses troupes d'esclaves, les Espagnols de la ville, et surtout les dames qui ne pouvaient souffrir l'infection naturelle aux nègres, se plaignaient hautement qu'il ne leur était plus possible d'y tenir, qu'on voulait les chasser, que ce zèle outré ferait déserter l'église. A toutes ces plaintes le P. Claver répondait avec modestie que ces pauvres gens étaient chrétiens, qu'ils étaient obligés de satisfaire au précepte de l'Église, qu'il était lui-même leur pasteur et leur chapelain, et qu'ainsi c'était à lui de leur dire la messe, et de la leur faire entendre. Après la messe il faisait distribuer quelques rafraîchissements aux vieillards et aux infirmes, et les faisait reconduire à leurs habitations par des guides charitables.
En se sacrifiant ainsi pour eux, il n'omettait rien pour les retenir dans les bornes du devoir, et les empêcher d'oublier leurs obligations. Dès qu'il les voyait s'écarter de la bienséance du christianisme, il prenait un air et un ton de maître auxquels ils ne pouvaient résister. Jamais il ne les rencontrait, qu'il ne leur donnât quelque avis salutaire proportionné à leur âge, à leur état et à leurs besoins. « Prenez garde, disait-il aux plus jeunes, de trop compter sur votre jeunesse : souvent les grains se dessèchent en herbes, et les fleurs ne portent pas toujours des fruits. » « Songez, ajoutait-il à ceux qui étaient déjà avancés en âge, que la maison est déjà vieille et qu'elle menace ruine : confessez-vous, tandis que vous en avez le temps, la commodité. » Rencontrait-il quelque libertin plus indocile que les autres : « Dieu compte tes péchés, lui disait-il, et le premier que tu commettras sera peut-être le dernier de ta vie. » Ces avertissements avaient ordinairement leur effet, et la terreur des châtiments de Dieu servait, ou à les conserver dans la vertu, ou à les retirer du vice.
L'autorité qu'il s'était d'ailleurs acquise sur leur esprit, et l'amour qu'ils lui portaient faisaient qu'ils lui obéissaient sans réplique et sans peine. Sa seule vue était un frein capable d'arrêter ou de faire revenir les plus indociles ; et les plus vicieux même, dès qu'ils le rencontraient, se jetaient à ses genoux pour lui demander sa bénédiction.
A suivre : X. Il remédie à plusieurs abus auxquels ils étaient sujets.
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