Traité de l'immutabilité.

§ XXXVIII.

SUITE

Quelle décision peut-on présenter qui soit plus authentique que la pratique constante de l'Eglise, qui s'attache avec une inaltérable fidélité au plan du gouvernement qu'elle tient de Jésus-Christ ?

Comment peut-on connaître plus clairement l'institution divine, qu'en la voyant actuellement en exercice et servir de fondement à cette Eglise que Dieu a rendue infaillible pour la reconnaître ?

Si l'Eglise subsistait au temps de ces nombreux conciles, sans doute elle manifesta cette définition pratique de son gouvernement d'une manière active ; sans doute elle la manifesta pour s'opposer au prétendu droit nouveau, et l'on ne peut, sans absurdité, supposer dans ces Eglises et dans ces conciles assez d'ignorance pour les justifier de schisme et d'hérésie.

Mais nous nous réservons à traiter cet article plus longuement à la fin de cet ouvrage ; ce sera là que nous montrerons clairement avec quelle facilité toutes les sectes des réformés pourraient se revêtir des armes des novateurs modernes, s'en servir pour leur défense, et faire aussi cause commune avec nos écoles. Pour à présent, ce que nous avons dit est suffisant.

Le Traité

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§ XXXIX.

La monarchie ecclésiastique peut encore se prouver par la tradition.

Jusqu'à ce moment, nous avons démontré par le raisonnement le plus rigoureux :

1º que, si dans le dix-huitième siècle le gouvernement de l'Eglise est vraiment monarchique, on doit accorder qu'il a toujours été tel depuis sa fondation, c'est-à-dire qu'il a été établi tel par Jésus-Christ;

2º que nos adversaires, au milieu de leurs déclamations, conviennent que tel est en effet le gouvernement actuel ;

3º que par conséquent la forme essentielle du gouvernement établi de Dieu dans son Eglise est réellement la monarchique.

L'ordre de ces preuves et leur mutuelle et intime dépendance nous ont conduits à découvrir que la doctrine des novateurs modernes aboutit à des conséquences tout-à-fait destructives de la véritable essence de l'Eglise catholique. Il paraît donc qu'il n'y a plus rien à désirer sur ce point.

§ XXXIX.

SUITE

Mais pour offrir une démonstration entière et complète de la monarchie ecclésiastique, fortifions-la encore de l'appui des monuments historiques; je pourrais en trouver d'innombrables dans les excellents apologistes qui ont prêté aux prérogatives pontificales le secours de leur vigoureuse éloquence (Voyez Bellarmin, Ballerini, Foppoli et autres.): mais il me suffit d'en choisir quelques-uns qui ont été omis jusqu'ici ou qui sont les plus importants par les observations concluantes et décisives auxquelles ils donnent lieu; et je passerai sous silence les faits susceptibles d'interprétations diverses.

C'était de cette manière que le pratiquait en général saint Augustin contre les hérétiques pour les passages obscurs de l'Ecriture et de la tradition :

Quæ alicujus vel talia interpretationis indigent, interim seponamus, non quia falsa sint, quœ hoc modo de talibus tanquam involucris interpretando solvuntur, sed quia vel interpretem quærunt, nolo in eis nostra ingenia comparentur; sed aperta veritas clamet et luceat, in obturatas aures irrumpat, dissimulantium oculos feriat.Nemo in eis latebris quærat falsæ suæ doctrinæ locum, omnem conatum contradicendi contundat, omnem frontem impudentis elidat. (De unit. Eccles. c. 5.).

Google traduction a écrit: En attendant, laissons de côté celles ou telles choses qui nécessitent une interprétation, non pas parce qu'elles sont fausses, comme elles se résolvent en interprétant des choses comme les enveloppes, mais parce qu'elles cherchent même un interprète, et je ne veux pas que nos talents soient comparé à eux; mais que la vérité ouverte crie et brille, éclate dans les oreilles bouchées, frappe les yeux de ceux qui se cachent. (De unit. Eccles. c. 5.)

Le Traité

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§ XL.

Les hérétiques donnent à la monarchie ecclésiastique une origine plus ancienne que ne la donnent les novateurs.

Et remarquons d'abord que l'époque désignée par les novateurs à l'établissement de la monarchie est beaucoup plus récente que celle que lui donnent les protestants; ceux-ci remontent à l'année 606 (Illir. Cent. 6, c. 1.); ce fut alors, disent-ils, que les Papes commencèrent à prendre le titre et les procédés de chefs universels de toute l'Eglise, et à s'arroger l'épée spirituelle, c'est-à-dire la force coactive (Luth. in supput. temporis.), au moyen de laquelle ils entreprirent de régner dans l'Eglise (Synod. Smalchald.) sans vouloir en dépendre et sans lui être en rien sujets, et la dépouillèrent de son autorité.

Ceux-là reculent cette époque jusqu'aux temps de l'imposteur Isidore et de saint Grégoire VII, ou même jusqu’à la condamnation de leurs doctrines.

Ainsi les protestants ont été plus clairvoyants que les novateurs ; ils ont mieux compris que les anciens Papes agirent en vrais monarques, et ce qui nous prouve que c'était l'idée qu'en avaient les catholiques, c'est que les novateurs de nos jours ont été les premiers dont le zèle se soit échauffé à ce sujet; avant eux on n'avait pas cru nécessaire de réfuter expressément les accusations des prétendus réformés sur ce point : et néanmoins c'était un très-bon moyen pour les ramener à l'Eglise, que de leur montrer l'injustice de leurs préventions contre le despotisme des Papes et la faiblesse de l'Eglise catholique.  

§ XL.

SUITE

Qu'il sache donc l'apologiste du libelle impie et hérétique d'Eybel (Quid est papa ?), que la rétractation du bref apostolique plein de sagesse, qui le condamne, aurait pour effet non pas, comme il le pense, « d'engendrer de nouveau à Jésus-Christ les peuples égarés du Nord et les enfans désolés de l'Eglise grecque, » mais plutôt de bouleverser la plus vénérable antiquité, à laquelle ce bref est entièrement conforme ; or c'est dans cette antiquité, produite et reproduite en témoignage par tant  d'écrivains, que je veux maintenant  porter une nouvelle lumière par les faits suivants.

Le Traité

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§ XLI.

Monuments du gouvernement monarchique de plusieurs Papes des temps anciens.

Premièrement le concile provincial de Capoue s'étant adressé au Pape Sirice, et l'ayant prié de terminer par lui-même la cause de l'évêque Bonose, accusé d'erreur sur la virginité de la Mère de Dieu après l'enfantement du Sauveur, rejette les prières du concile et en donne cette raison : « Il faut d'abord le jugement de ceux qui ont le pouvoir de juger ; vous, vous prononcez, ainsi que nous l'avons écrit au nom de tout le concile; mais, pour nous, il ne convient pas que nous en jugions en quelque sorte autrement que par son autorité; une telle manière de juger n'est pas faite pour nous (1). »

Cependant il jugerait régulièrement, si ce concile était entier, c'est-à-dire général et complet. Or n'est-ce pas là agir en monarque ? Sirice refuse de  juger comme délégué;  il dit même qu'il ne le peut : Nos quasi ex synodi auctoritate, judicare non convenit ; talis judicandi forma nobis competere non potest.

Toutefois il laisse intacts les droits du concile, et les Pontifes romains en usent ainsi à l'exemple de S. Grégoire-le-Grand, qui, dans sa  lettre à Dominique,  évêque de Carthage, proteste « qu'il n'était pas plus jaloux de défendre ses privilèges, que de conserver à chaque province  ses droits (1). Ce n'est pas que le pape Sirice, comme le remarque parfaitement  Serry, n'eût le droit souverain d'évoquer à lui ce jugement; mais il ne voulait pas troubler l'ordre des pouvoirs judiciaires ni détruire la juridiction des conciles provinciaux; car les canons accordent aux Evêques comprovinciaux le droit de connaître d'abord des causes des Evêques (2). »
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(1) Primum est ut ii judicent, quibus judicandi facultas data est. Vos autem, ut scripsimus, totius synodî vice decernitis : nos autem, quasi ex synodi auctoritate, judicare non convenit. Talis judicandi forma nobis competere non potest. — (1) Lîb. 2, Epist 89, édit. de Paris, 1562. — (2). Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.

§ XLI.

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On peut voir à ce sujet l'excellent opuscule du savant abbé Marchetti, sur les canons du concile de Sardique. Le Pape ajouta ensuite qu'il prononcerait si c'était un concile général : Si integra esset hujus modi synodus, rectè de iis quæ comprehendit scriptorum vestrorum series, decerneremus. Il déciderait régulièrement c'est-à-dire selon l'ordre établi dans le système hiérarchique.

Mais, en ce cas, quel jugement prononcerait-il ? sans doute un jugement tel que le lui demandait le concile de Capoue; or c'était un jugement doctrinal et définitif, sans cela, le Pape en s'y refusant n'aurait pas donné pour raison qu'il ne pouvait avoir l'air d'agir en délégué.

Celui qui, sans délégation, juge le jugement d'un autre, le fait comme étant revêtu d'une autorité supérieure et spéciale; donc le jugement que le Pape aurait donné sur les écrits, c'est-à-dire sur les actes d'un concile général, aurait été définitif, c'aurait été le jugement d'une juridiction suprême, monarchique.

Le Traité

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§ XLII.

Vaines objections opposées par les novateurs.

Qu'on ne dise pas que ces mots integra synodus ne signifient pas un concile œcuménique, qu'on ne doit les entendre que de la province de Capoue, dont les Evêques n'étaient pas réunis en nombre suffisant pour former un concile véritablement provincial; ou bien s'ils signifient un concile général, que dans ces paroles rectè judicaremus il ne faut voir qu'un jugement réformable, prononcé par délégation, et non un jugement en dernier ressort d'une autorité presque spéciale.

La première hypothèse est sans fondement, attendu que le Pape refuse de juger par la seule raison qu'il ne veut pas paraître le délégué du concile ; ce concile peut bien donner à quelque autre la faculté de juger mais il ne peut la donner au successeur de St. Pierre: Primum est ut ii judicent quibus judicandi facultas data est; talis judicandi forma nobis competere non potest.

Ces mots prouvent qu'il se considérait comme revêtu d'une autorité originaire, que le concile fût ou ne fût pas provincial ; il suppose même qu'il l'était : Vous décidez au nom de tout le concile ; connaît la légalité de leur jugement par ces paroles : Il faut d'abord le jugement de ceux qui ont reçu la faculté de juger.

§ XLII.

SUITE

Si le concile de Capoue devait être un véritable concile provincial, et qu'il ne l'eût pas été véritablement, Sirice aurait dû reprocher aux juges leur incompétence, et par conséquent l'illégalité de leurs jugements.

On ne peut donc absolument adopter la première interprétation ; il n'y a pas plus de solidité dans la seconde entièrement contraire au système de nos adversaires sur la suprématie du concile et sur la faillibilité du Pontife romain; car il est absurde que le concile suprême et infaillible, après avoir examiné une doctrine controversée, recoure au Pape, ou même le délègue pour décider, s'il ne lui attribue pas en même temps une infaillibilité qui lui soit propre.

Il s'agirait, disent nos adversaires, d'un jugement demandé au Pape par un concile général, mais qui ne serait pas irréformable en dernier ressort. Il pourrait donc être réformé; mais par qui ? par ce même concile ? Non; puisque le concile aurait déjà jugé une première fois lui-même sans recourir au Pape. Peut-être par l'Eglise dispersée ? Non plus; sans cela, à quoi bon assembler le concile, s'il devait laisser l'affaire indécise ? Mais en voilà assez pour le fait du pape Sirice.

Le Traité

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§ XLIII.

Saint Damase annule les actes du concile de Constantinople contre les Eudoxiens.

Secondement ; le pape saint Damase avait prescrit aux Orientaux, dans le concile de Constantinople, de ne s'occuper que des Eunomiens et des Macédoniens ; le concile outrepassa ces limites et jugea les Eudoxiens; le Pape cassa les actes qui concernaient ces derniers, comme l'atteste saint Grégoire-le-Grand.  

« L'Eglise romaine, dit-il, n'a pas reçu et ne reconnaît pas jusqu'à présent ces canons (contre les Eudoxiens), ni les actes (de ce concile) qui les concernent; mais elle a approuvé ce concile dans ce qu'il a défini contre Macédonius (1). »

Celui qui, dans sa nation, prescrit à ses magistrats ce qu'ils ont à faire et annule ce qu'ils ont fait au-delà de ses prescriptions, exerce sans contredit une autorité monarchique.
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(1). Cette note est libellée en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.

Le Traité

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§ XLIV.

Saint Léon annule le 28^me canon du concile de Chalcédoine.

Troisièmement ; le concile de Chalcédoine, dans son vingt-huitième canon, avait donné au siège de Constantinople le premier rang après celui de Rome. Les circonstances les plus impérieuses, comme le remarque le savant Marchetti, semblaient engager le pape saint Léon à le confirmer. En effet, la décision par laquelle ce concile affectait à ce siège la primauté sur les sièges d'Alexandrie et d'Antioche était vivement appuyée par les empereurs, qui adressaient au Pape les plus pressantes instances; d'ailleurs la foi n'y était intéressée en rien: il ne s'agissait que d'une institution humaine, et par conséquent susceptible de changement. Il semblait donc que, non-seulement il en eût le pouvoir, mais encore que la prudence lui en fit une obligation. Néanmoins il s'y oppose avec une fermeté apostolique, parce que c'était contraire au sixième canon du concile de Nicée, et il use de la plénitude de son autorité pour casser et annuler ce qui venait d'être fait à ce sujet.

Voilà le vrai monarque.

Le Traité

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§ XLV.

Objections des novateurs, elles sont vaines.  

On objectera que ce fait n'est pas une preuve décisive de l'autorité monarchique de saint Léon, parce qu'il est sujet à bien des difficultés et susceptible d'interprétations diverses. Tamburini observe que le Pape avait pleinement le droit de s'opposer à ce canon, parce qu'il ne portait pas le caractère de concile œcuménique, ayant été fait dans une session où les légats du Pape ne se trouvaient pas, n'ayant été approuvé qu'à force de manœuvres de la part de quelques Evêques et par la médiation de l'empereur, et n'ayant pas été souscrit par tout le concile, mais seulement par 184 Evêques environ (Vera Idea, etc. p.2 c.3 § 24.).

Comment peut-on donc en déduire l'autorité absolue de Léon sur le concile œcuménique de Chalcédoine ? Comment ? sans contredire en rien le récit de Tamburini sur la rédaction de ce canon et sur les difficultés qu'il éprouva, et par conséquent sans entamer aucune discussion à ce sujet.

Je demanderai seulement qu'on ne confonde pas ce que l'équité commande et ce que permet l'autorité absolue, et qu'on distingue exactement avec l'Apôtre ce qui est permis de ce qui est expédient.

J'accorde donc à Tamburini que ce canon, était sans force, qu'il n'avait passé qu'à la faveur des intrigues des Orientaux et de la cour, et qu'il était entaché des douze défauts que Lupus y trouve (Syn. Gen. part. 2 Operum, t. 2, p. 109 et suivantes.) ?

§ XLV.

SUITE

Qu'il me réponde seulement à ces deux questions : Premièrement, le canon de Nicée pouvait-il à la rigueur être annulé dans un concile postérieur ? Il répond affirmativement, quoiqu'il ne fût pas utile de détruire ainsi ce qui avait été réglé par l'Eglise universelle.

Le canon de Chalcédoine était-il nul en lui-même, indépendamment de la réprobation du Pape, ou bien était-il valide ?

S'il était valide, la question est donc déjà décidée : il fut annulé par la seule autorité du Siège apostolique; s'il était nul, qu'on le prouve, car les raisons qu'on en donne ne sont pas convaincantes et ne prouvent qu'une chose, c'est qu'il fut le résultat des coupables manœuvres de quelques Evêques; or l'on sait que, pour des institutions qui n'intéressent ni le dogme, ni les mœurs, ni la discipline générale, l'autorité ecclésiastique et légitime peut abandonner quelque chose à l'ambition de quelques-uns de ses ministres, et à l'influence des cours, sans qu'elles manquent pour cela de validité.

Quand il s'agit d'une institution libre, l'Eglise n'a-t-elle pas droit d'user de condescendance, en accueillant des prières même peu justes, s'il n'y a toutefois aucun danger pour le dépôt de la foi, ni pour les droits originels de l'épiscopat, ni pour l'ordre divin de la hiérarchie, et que d'ailleurs elle puisse craindre de donner lieu par sa rigueur à quelque désordre et à quelque trouble ?

§ XLV.

SUITE

C'est là précisément le cas où nous sommes.

Si donc ce canon avait été formé comme Tamburini nous le dit, le concile pouvait le régulariser, et ce fut ce qui arriva, lorsque l'affaire ayant été traitée en public, l'issue en fut favorable à l'Evêque de Constantinople. Et peu importe qu'on l'ait dû aux manœuvres de quelques Evêques et à la médiation de l'empereur, cela prouve seulement que sans ce motif, sans cette impulsion, le concile ne se serait pas déterminé à approuver le canon eu question : on ne peut en conclure ni que le concile ne l’ait pas approuvé, ni qu'on ne doive  pas regarder ce canon comme celui d'un concile investi, en cette qualité, du degré d'autorité qu'un concile peut, indépendamment du Pape, donner à d'autres institutions d'une semblable nature.

Mais admirez ici la nouvelle ruse de notre adroit adversaire : « Lorsque les Orientaux, dit-il, soutenus par l'empereur, refusèrent de faire droit aux remontrances des légats, il n'y eut plus la liberté nécessaire à l'œcuménicité du concile (Syn. Gen. part. 2 Operum, t. 2, p. 109 et suivantes.). »

§ XLV.

SUITE

Ici Tamburini devient papiste ; lui qui se fait gloire de se moquer des ordonnances du  Pape, maintenant qu'il y trouve l'intérêt de sa cause, il trouve mauvais qu'on n'écoute pas ses légats. Or leur ferma-t-on la bouche ? Non, ils réclamèrent, ils motivèrent leurs réclamations; seulement on passa outre. C'est là tout le crime que saint Léon reprochait à Anatole quand il lui dit :  

Saint Léon, Pape a écrit:« C'est par votre refus de leur obéir, au milieu de vos entreprises illicites, que vous vous accusez vous-même »(Epist. 53, ad Anatol.).

De tout cela que résulte-t-il, sinon que le concile, séduit par des inspirations politiques et des intrigues, voulut dans cette circonstance user de cette liberté et de celle des légats du Pape que les novateurs et spécialement le professeur de Pavie, lui attribuent généralement et sans restriction comme un droit originaire.

Mais cependant « ce canon ne fut souscrit que par 184 Evêques, quoique le concile de Chalcédoine se composât de six cents Evêques d'Orient » (Tambur. ibid.); » il ne fut donc pas approuvé par le concile œcuménique.  

§ XLV.

SUITE

Je n'examine pas et je n'ai pas besoin d'examiner le nombre d'Evêques qui souscrivirent, je dis seulement que la conséquence n'est pas bien déduite, car les conciles approuvant de diverses manières, tantôt par acclamation, tantôt par souscription, il aura donc été souscrit par quelques-uns et les autres l'auront voté par acclamation. En veut-on la preuve ? il ne nous en faudrait pas d'autre que le témoignage même de notre adversaire, au rapport duquel l'affaire ayant été traitée en public, l'issue en fut favorable à l’Evêque de Constantinople ; la chose ne se serait pas passée de cette manière, si de six cents Evêques qu'ils étaient, cent quatre-vingt-quatre seulement s'y étaient prêtés.

§ XLV.

SUITE

Mais, quoique  avec des hommes qui font une profession ouverte de l’erreur, on ne gagne rien à les convaincre que de les y rendre plus obstinés, à cette première conséquence, j'en joins une autre qui n'admet pas de réplique :

Ce canon, le concile entier l’a adopté en écrivant au pape saint Léon, ad firmitatem et consonantiam c'est-à-dire pour la confirmation et l'approbation de ces actes (Relatio S. Syn. Chalc. ad Leon. Pont. Labbe. Conc. t 4.. pag. 1774.) ; il est pareillement attribué et sans distinction au concile par saint Léon qui ne fait mention que de la résistance de ses légats (Ep. 53. ad Anat. 54 ad Mart. imp. 55 ad Pulch. ap. Labbe.).

Sur quel fondement accuserait-on de fausseté la lettre du concile et le Pape lui-même d'avoir été mal informé et d'avoir fait une supposition erronée ?

§ XLV.

SUITE

Mais poussons jusque dans ses derniers retranchements Tamburini.

Tamburini veut-il que ce canon ne soit pas du concile, mais seulement d'un petit nombre d’Evêques, qu'il n'ait pas même cent quatre-vingt-quatre signatures ? Après lui avoir victorieusement prouvé le contraire, je le supposerai avec lui pour le moment. Etait-ce là, lui demanderai-je à mon tour, la véritable raison pour laquelle saint Léon pouvait de plein droit s'opposer à ce canon ? Ne l'aurait-il pas pu s'il avait été revêtu de l'approbation volontaire et universelle des Pères ?

Voilà ce que je nie absolument, le nombre des Evêques eût-il été incomparablement plus grand, le Pape s'y serait opposé avec la même fermeté, et par conséquent avec la même autorité. Voilà ce qu'il déclare en termes généraux :

Saint Léon, Pape, a écrit:« Qu'aucune assemblée synodale ne se prévale du grand nombre de ceux qui la composent, et, qu'aucun nombre de Prêtres, fût-il même beaucoup plus considérable que celui de ces trois cent dix-huit Evêques (de Nicée), n'ose ni se comparer ni se préférer à eux (1) ; »

et il proteste sans aucune exception que

Saint Léon, Pape, a écrit:« lors même que des Evêques en plus grand nombre que ceux de Nicée décideraient autre chose que ce qu'ils ont réglé, il ne faudrait en tenir aucun compte (2). »

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(1) et (2) : Ces notes sont libellées en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.

Le Traité

§ XLVI.

Autres objections aussi vaines que les précédentes.

Mais quoi ? là où le Pape saint Léon nous paraît déployer la puissance monarchique dans toute sa plénitude, les novateurs ne trouvent que le simple ministère, non d'un chef suprême, mais d'un exécuteur subordonné des canons de Nicée, qui n'aurait pu s'en dispenser sans prévarication.

Saint Léon, dit Tamburini, devait s'opposer à ce canon parce qu'il est contraire au sixième canon du concile de Nicée (Vera Idea l. c.), il devait ?

Et qui le dit ? Celui-là même qui réduit tous les moyens mis à la disposition du Pape, pour faire observer les canons dans un péril évident « à crier aux armes et à convoquer tous les Evêques en concile œcuménique » et qui reconnaît le même droit aux princes en leur qualité de « protecteurs de » l'Eglise et de la tranquillité publique » (Ibid. §16.).  

§ XLVI.

SUITE

Et de qui dit-il de telles choses ? d'un Pape qui, dans le péril évident où étaient les canons de Nicée d'être transgressés, à cause de cette multitude d'Evêques ambitieux, adulateurs et séduits, en présence de l'intervention impériale, au lieu d'assembler de nouveau un concile d'Evêques  pour aviser au remède, déclare et proteste que c'est chose tout-à-fait inutile, qu'il ne sert de rien de multiplier les conciles ou de rendre plus nombreux les Pères qui les composent, et qui annule les décrets de ceux de Chalcédoine.

Et en quelle circonstance le dit-il ? Dans une circonstance où les empereurs, à qui il attribue comme au Pape le droit de convoquer le concile général et d'y faire décider les causes controversées, pouvaient paralyser le zèle et les efforts de saint Léon  et où par leur obstination à soutenir le canon de Chalcédoine, on pouvait craindre qu'ils ne le fissent en effet, au grand préjudice de la tranquillité publique et de la paix de l'Église.
 
Pourquoi le  dit-il ? pour assurer l'observation d'un canon de simple discipline qui rigoureusement peut être modifiée et par rapport à laquelle par conséquent les conciles généraux qui ont précédé peuvent être réformés par ceux qui les qui les suivent.

§ XLVI.

SUITE

Mais ce canon était accepté par l'Église universelle.

Et le fût-il, qui doit être le juge d'un règlement de discipline qui absolument peut changer ? Est-ce le Pape ou le concile ? Si c'est le Pape, il dépend donc de son jugement de changer de discipline, même en présence du concile; ce sera le Pape et non le concile qui sera l'interprète de l'Eglise, et en ce cas la question est décidée ; si c'est le concile, comment celui de Chalcédoine ignorait-il ses prérogatives ? Pourquoi ne les opposa-t-il pas à saint Léon. Comment se fait-il qu'aucun de ces Evêques ne se doutât d'un tel privilège et qu'ils entendissent tous, sans réclamer, le Pape leur déclarer qu'ils ne pouvaient rien établir de contraire au canon déjà cité ?

§ XLVI.

SUITE

Et quand même ils auraient reconnu plus tard que l'opposition du Pape était juste et bien motivée du moins pour prévenir les équivoques et les malentendus qui auraient pu élever l'autorité du Pape au préjudice de celle du corps hiérarchique, ne devaient-ils pas se récrier contre une intimation aussi impérieuse et dire : C'est à nous de déterminer notre pouvoir et de prononcer sur l'immutabilité des constitutions ecclésiastiques ?

Ils n'auraient pas certainement manqué de faire cette déclaration ferme et courageuse, s'ils s'étaient doutés d'avoir des droits d'une aussi prodigieuse étendue que ceux qu'on leur a découverts dans ces derniers temps et qui étaient alors tout-à-fait inconnus.

§ XLVI.

SUITE

Concluons donc que, si saint Léon devait s'opposer au canon de Chalcédoine, il ne le devait pas comme un simple exécuteur, comme un ministre subordonné qui n'a pas le pouvoir absolu de faire autrement, mais qu'il remplissait un devoir de justice, un devoir que lui imposait la vénération due au concile de Nicée, en même temps qu'il exerçait le droit de réprimer l'audace et l'ambition, non d'un ou de deux Evêques mais des conciles les plus nombreux qui auraient voulu changer une institution quelconque, même la plus invariable de ce même concile ; il était dans le cas d'un sage monarque qui se fait un devoir sacré de conserver dans toute leur vigueur certaines lois portées par ses prédécesseurs et toujours observées jusque-là  fidèlement quoiqu'il ait le pouvoir absolu et originaire de les abroger.

Le Traité

§ XLVII.

Saint Léon donne à entendre qu'il annule de sa propre autorité.

Cependant les modernes novateurs persistent avec leur opiniâtreté accoutumée à nier que le pape saint Léon , en résistant aux tentatives du concile de Chalcédoine, ait exercé une autorité absolue; et, après s'être efforcés de prouver qu'il n'a fait que déclarer nul le canon de ce concile, en s'appuyant sur l'autorité de celui de Nicée, que toutes les Eglises reconnaissent (Vera Idea, etc. part. 2, c. 3, § 24.), à l'appui de cette explication que nous avons déjà complètement réfutée, ils citent quelques expressions isolées du Pape lui-même, qui, à la première vue, leur paraissent favorables.

Ainsi, dans la lettre à Pulchérie, il déclare que, dans toutes les causes ecclésiastiques, il reste soumis aux lois (de Nicée) ⁽²⁾; comme aussi, dans sa lettre à Marcien, il dit qu'il veille à la garde des canons  avec la constance d’un serviteur fidèle ⁽³⁾.

Laissons de côté ces dernières paroles qui ont le même sens que les premières ; or nous disons que celles-ci sont loin d'exprimer ce que prétendent nos adversaires, et la suite du texte qu'on ne nous présente que morcelé le prouve jusqu'à l'évidence.

Voici le passage tel que le donne Labbe, tome 4, Coll. 586 (Edit. Albrizz. Venise, 1728.) :

Consentiones verbò Episcoporum, sanctorum canonum apud Nicœam conditorum regulis repugnantes, unita nobiscum vestrœ fidei pietate, in irritum mittimus, et per auctoritatem beati Petri apostoli, generali prorsùs définitione cassamus ; in omnibus ecclesiasticis his legibus obsequentes, quæ ad pacificationem omnium Sacerdotum per trecentos decem et octo : ità ut, etiamsi multò plures aliud quàm illi statuere decernerent, in nullâ reverentiâ sit habendum quidquid fuerit à prædictorum constitutions diversum.

Google traduction a écrit: Par les paroles des évêques, incompatibles avec les règles des saints canons fondés à Nicée, nous, unis à nous dans la piété de votre foi, la mettons en nullité, et par l'autorité du bienheureux Pierre apôtre, nous annulons le définition générale dans son intégralité ; dans tous les ecclésiastiques obéissant à ces lois, que le Saint-Esprit a instituées pour la pacification de tous les prêtres par trois cent dix-huit Antistites : de sorte que, même si un grand nombre décidait d'établir autre chose que celles-là, rien ne serait tenu en respect de quelque manière que ce soit. était différente des constitutions susmentionnées.

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(2) et (3) : Ces notes sont libellées en latin. Sur demande, nous la publierons. Bien à vous.

§ XLVII.

SUITE

Or que doit-on conclure de ceci ? Que S. Léon ait seulement prétendu déclarer nul le canon de Chalcédoine, parce qu'il était contraire à celui de Nicée ? Mais si, au lieu de se borner à une telle déclaration, il l'annule, s'il le casse par sa propre sentence, par une sentence générale : in irritum; si, au lieu d'alléguer l'autorité du concile de Nicée et son intention de s'y conformer, il déclare qu'il le fait de sa propre autorité, per auctoritatem beati Petri apostoli, comment ne pas conclure qu'il a alors réellement exercé une autorité suprême et véritablement monarchique.

Il faudrait en effet ne pas reconnaître la valeur des termes, et être aussi étranger à la grammaire qu'à la logique, pour ne pas comprendre que ce qui est nul en soi ne peut être annulé par un autre; que, lorsqu’il est question de choses qui existent déjà, on ne peut qu'en déclarer l'existence, sans rien faire de nouveau ; qu'une véritable annulation a pour objet immédiat de détruire ce qui existe; que, si ce qu'elle doit détruire a été établi par d'autres, elle ne peut être prononcée que par quelqu'un qui leur soit supérieur; et par conséquent, que lorsque saint Léon casse par une décision générale les décrets des Pères de Chalcédoine, lorsqu'il déclare qu'il s'opposerait également à tout autre nombre d'Evêques plus grand encore qui renouvelleraient les mêmes décrets, il montre en lui le chef légitime du corps épiscopal et exerce véritablement l'autorité souveraine.