Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVII: Les Cris.Le SCALP.
C’est dans les guerres, dont nos premiers missionnaires virent les derniers carnages, que se déployaient les cruautés des Cris. Qui n’a lu, dans les histoires et les romans, les scènes du scalp, par lesquelles s’achevaient, au milieu des hurlements infernaux, les batailles au tomahawk ? Le récit suivant de Mgr Laflèche, sur la méchanceté dont il trouva capables des femmes, en 1855, fait songer à ce qu’il en dut être des guerriers vainqueurs:
Quelques Pieds-Noirs, s’étant approchés d’un camp de Cris pour voler leurs chevaux, furent surpris, et l’un d’eux fut blessé. A la faveur des ténèbres cependant, il réussit à se cacher dans les broussailles. Les Cris, pour ne pas laisser échapper une si belle proie, se placèrent autour et firent bonne garde toute la nuit...
Quand le jour parut, chacun se mit en quête du malheureux Pied-Noir. On traverse en tous sens le petit bois..., mais sans succès...
Chacun s’en retourne dans la conviction que le malheureux a réussi à s’esquiver inaperçu. Deux femmes cependant veulent faire une dernière recherche. Elles examinent avec la plus scrupuleuse attention tout ce qui aurait pu donner abri au Pied-Noir, sans rien découvrir. Elles vont suivre l’exemple des autres, lorsqu’elles jettent un dernier regard sous un renversé qu’elles avaient examiné bien des fois, et croient y apercevoir des pieds; elles tâtent et saisissent précisément les pieds de l’infortuné sauvage, qui avait réussi à s’enfoncer dans une espèce de cave sous les racines d’un arbre renversé. De suite, il est brutalement arraché de sa retraite, et ces deux démons féminins se mettent à l’œuvre. Pour savourer plus longtemps le plaisir de le faire pâtir, elles commencent à le déchiqueter avec des alênes, et s’amusent, en riant aux éclats, de toutes les contorsions que la force de la douleur lui fait faire. Après l’avoir ainsi tourmenté, elles se préparent à la fameuse opération de la chevelure. Le malheureux, redoutant par-dessus tout cet outrage, veut l’empêcher en protégeant sa tête de ses mains; mais on les lui rabat à coups de couteaux, et, en un instant, les cheveux et la peau sont enlevés de la tête. Il n’y a plus qu’un crâne nu. Enfin ces furies incarnées passent à une opération plus épouvantable encore, et qui met fin aux souffrances de leur victime, en lui arrachant le dernier souffle de vie. Elles reviennent ensuite au camp, ayant autour du cou un collier sanglant de dépouilles humaines.
Que dire aussi de la mort réservée aux pauvres hallucinés, que les Cris apellent…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVII: Les Cris.Le WINDIGOS.
Que dire aussi de la mort réservée aux pauvres hallucinés, que les Cris appellent windigos (cannibales) ! Le Windigo est un Indien qui a mangé, ou se déclare porté à manger, de la chair humaine. Mgr Clut, retiré au Petit Lac des Esclaves, écrivait, en 1899:
Parmi les Indiens du lac Esturgeon, indifférents pour la religion, il y eut de prétendus windigos. Alors une peur folle s’est emparée d’eux, et ils ont exécuté l’un des malheureux. Il s’agissait de lui faire vomir la glace que tout windigo est censé avoir dans son corps. Un homme lui porta deux coups de hache en pleine tête et lui fendit le crâne; un autre lui coupa le cou. Puis, on lui fendit la poitrine et on y versa de l’eau bouillante pour faire fondre la glace. Les meurtriers craignant que le défunt ne revint à la vie et ne les dévorât, lui enfoncèrent dans les mains et dans le corps de grosses chevilles de bois, qui le tinrent fixé contre terre...
Une douzaine d’années avant que j’arrive ici, parmi nos Indiens il y avait une vieille femme qui se disait windigo, et suppliait son mari et ses enfants de la tuer, leur disant que s’ils ne la tuaient pas, elle les mangerait. Faisant voir son cœur à son mari, elle disait: « Frappe là ». Le vieux et l’un de ses enfants la frappèrent à coups de coutelas et la tuèrent.
L’extermination des windigos n’était d’ailleurs que l’une des innombrables formes de la superstition païenne des Cris. La danse du soleil, les sacrifices humains, les séances sanguinaires du chamanisme faisaient bien d’autres victimes. Encore de nos jours, les Cris restent superstitieux, « faiseurs de médecine », dans la mesure où ils s’éloignent de la vie chrétienne. Ils ne versent plus le sang, mais ils s’entourent de leurs anciens manitous, peints ou sculptés, de leurs fétiches, de leurs tabous, d’amulettes de toutes espèces.
Les mœurs des tribus, aux temps païens, différaient beaucoup des Cris des bois aux Cris des prairies...
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Louis- Admin
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVII: Les Cris.Cris des prairies et Cris des bois.
Les mœurs des tribus, aux temps païens, différaient beaucoup des Cris des bois aux Cris des prairies.
Les Cris des prairies avaient l’abondance des troupeaux de bisons (buffalos). Les grandes chasses finies, ils s’assemblaient parmi les dépouilles, nec plus ultra de la richesse indienne, et, sur cette couche chaude de la bonne chère et de l’oisiveté, ils se livraient à toutes les promiscuités. La première impression des missionnaires, en présence d’une telle dissolution, fut que, tant que dureraient les bisons, la conversion des Cris serait impossible. Heureusement, ils se trompèrent.
Les Cris des bois — tels furent ceux de l’Athabaska, — obligés au travail et à la vie nomade, par groupes restreints, trouvèrent dans ces nécessités d’une rude existence la sauvegarde qui manquait à leurs frères de la prairie. Loin d’être à l’épreuve des défaillances, ils pouvaient cependant se comparer à leurs voisins, les Montagnais.
Une qualité commune aux Cris de la prairie et aux Cris des bois eût cependant marqué, à elle seule, la noblesse naturelle de cette nation: le respect donné à la mère, à l’épouse, à la jeune fille, et la tendresse envers l’enfant.
C’est sans doute dans ce sentiment des cœurs bien faits, fleur délicate d’un sol puissant, qu’un Cris du fort Vermillon trouva un jour sa réplique à certain bishop protestant qui ridiculisait la vénération catholique de la Très Sainte Vierge, attendu que la Bible, disait-il, n’enseigne qu’à aimer et prier Jésus-Christ:
— Et toi, priant anglais, voyons, est-ce que tu as eu une mère?
— Si j’ai eu une mère, balbutie le prédicant surpris; mais comme tous les hommes, comme toi !
— Eh bien, répond l’Indien, tu as dû l’aimer ta mère, comme j’ai aimé la mienne: et tu as bien fait. Et tu voudrais que Jésus n’aimât pas sa mère, Marie ! Et tu me dis qu’il n’est pas content si je parle avec respect à sa mère ! Dans notre religion, nous ne séparons pas Jésus de sa mère. Nous prions Jésus d’abord, et Marie ensuite.
Evangélisés, les Cris devinrent…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVII: Les Cris.Quels chrétiens devinrent les Cris.
Evangélisés, les Cris devinrent, quoique plus lentement que les Dénés, d’aussi bons chrétiens (1). L’apathie sauvage, l’indifférence, l’insouciance du lendemain temporel, et même éternel, retiennent, il est vrai, la masse dans une lourdeur d’élan quelquefois décourageante; mais beaucoup de tribus, dans les bois surtout, se sont rencontrées qui ne l’eussent cédé ni aux Montagnais, ni aux Plats-Côtés-de-Chiens, ni aux Loucheux, en esprit de prière et en vertu. Même chez les moins fervents des Cris, la réflexion, la « logique de la foi » inspirera souvent des paroles de prévoyance et des actes de fermeté qu’on ne trouverait pas chez les Dénés.
On eut de cette prévoyance et de cette fermeté, puissantes à aider l’œuvre du missionnaire, une démonstration inattendue, en 1899, lors du traité, contrat que le gouvernement canadien proposa aux Indiens de l’Athabaska et de la rivière de la Paix. Demande leur était faite de céder les terres qui leur appartenaient, à titre de premiers occupants, à la Puissance du Canada, afin qu’on pût en disposer en faveur des colons, qui allaient affluer en ces régions. En retour, le gouvernement laissait aux Peaux-Rouges de spacieuses réserves inaliénables, avec des droits perpétuels de chasse et de pêche, versait une modique somme annuelle à chacun, garantissait certains secours, et promettait des écoles.
C’est sur cette question de l’école, si peu intéressante, croyait-on, pour ces hommes des bois et de la liberté, que les Cris du Petit Lac des Esclaves, les premiers abordés par la commission gouvernementale, l’été 1899, montrèrent leur foi pratique.
En présence de l’assemblée plénière des sauvages, des prêtres et des ministres protestants, venus pour soutenir leurs ouailles respectives, « le gouvernement, raconte Mgr Grouard, déclare d’une manière générale et vague que des écoles seront construites et des maîtres envoyés pour instruire les enfants. Alors un des conseillers, frère du chef Indien, se lève et prend la parole:
— Nous aussi, dit-il, nous désirons que nos enfants soient instruits, mais encore faut-il savoir quel genre d’instituteurs le gouvernement veut nous donner. Prétend-il nous imposer ceux qui lui plaisent, ou bien voudra-t-il tenir compte de nos sentiments?
M. Laird, le président, se lève; il a compris la portée de l’interpellation, et il déclare solennellement que l’intention du gouvernement était de respecter la liberté de conscience.
— Je vois ici, dit-il, des missionnaires représentant des églises différentes. Eh bien, je suis autorisé à vous dire que le gouvernement vous donnera des maîtres d’école de la religion à laquelle vous appartenez.
« Alors vous eussiez vu le brave conseiller qui avait posé la question, battre des mains, dans un élan de joie et d’enthousiasme, et, se tournant vers le Père Falher, étendre vers lui le bras et l’index, d’un mouvement rapide et énergique:
— Père, dit-il, c’est toi que nous choisissons pour notre maître !
« Et les sauvages de l’imiter, de battre des mains, de pointer leur doigt comme une flèche vers le père et de répéter:
— Oui, oui, c’est toi que nous choisissons pour notre maître.
« A cette manifestation naïve et spontanée de leur attachement à la foi catholique, le Père Falher tremble de surprise et d’émotion. Le cœur me bat de joie et d’orgueil, légitime, je crois. Les révérends sont couverts de confusion, car, à la face des représentants du gouvernement, devant la foule assemblée, réunion la plus importante qui se soit jamais tenue dans le pays, la voix du peuple a déclaré que le prêtre catholique est son guide et son pasteur... Le soir de ce jour mémorable, le révérend de l’endroit se rendit au camp des sauvages et essaya de les faire revenir sur ce qu’ils avaient dit relativement à la question des écoles et en faveur du prêtre catholique; mais il en fut quitte pour sa peine, et essuya là un nouvel affront. »
Au sujet du même traité, Mgr Grouard rapporte aussi cette anecdote:…
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(1) Il ne s’agit dans ce chapitre que des Cris pur sang. Autres sont les prérogatives des Cris-Métis.
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Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVII: Les Cris.Quels chrétiens devinrent les Cris.SUITE
Au sujet du même traité, Mgr Grouard rapporte aussi cette anecdote:
En passant à la petite rivière Rouge (affluent de la rivière la Paix, non loin du fort Vermillon), j’eus un cas de conscience d’un nouveau genre à résoudre. Le chef Cris de l’endroit s’est converti récemment, et, dans la ferveur de sa foi nouvelle, le traité lui a donné quelques scrupules. Il attendait Mgr l’Evêque, disait-il, pour prendre ses conseils et se décider d’après ses avis. Voici comment il m’exposa lui-même son embarras:
— Le gouvernement nous propose de lui céder notre pays et nous offre une somme d’argent en retour. Or, moi, je n’ai pas fait ce pays; c’est le bon Dieu qui a fait le ciel et la terre. Donc, si je reçois l’argent qu’on nous apporte, je me rendrai coupable de vol, puisque je serai censé vendre ce qui ne m’appartient pas.
N’est-ce pas une grande délicatesse de conscience de la part d’un pauvre sauvage ? Je lui fis comprendre que cet argent était une compensation des dommages que lui et les siens pourraient subir à la suite du traité. Les blancs pourront venir défricher. Les orignaux, ours, caribous, castors, etc, diminueront sensiblement, et la chasse ne sera pas aussi abondante que par le passé. Il peut donc sans scrupule accepter les offres qui lui sont faites. Il suivit mon conseil et signa le traité. Et voilà comment le gouvernement du Canada doit me savoir gré d’avoir écarté cet obstacle et facilité d’autant le succès de la commission.
Le prélat continue, comme pour marquer un contraste, faisant d’ailleurs la part du beau rôle qui revient aux Montagnais :
Au lac Athabaska, l'acceptation du traité ne fit pas un pli. Ce ne sont pas nos Montagnais qui auraient des scrupules comme le chef des Cris de la petite rivière Rouge ! Ils demandent sans cesse, ont toujours les mains ouvertes pour recevoir et trouvent qu'on ne leur donne jamais assez; au demeurant fort braves gens et bons chrétiens. Ils me firent une réception enthousiaste, brûlèrent quantité de poudre, et les collines rocailleuses qui environnent la mission de la Nativité se renvoyèrent longtemps les unes aux autres les échos de la fusillade...
Le Cris est doué de cœur…
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Louis- Admin
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Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVII: Les Cris.Quels chrétiens devinrent les Cris.SUITE
Le Cris est doué de cœur. Lorsque, à la longue, il s’attache à son missionnaire, c’est profondément et pour toujours. Longtemps après la mort du Père Collignon, au Petit Lac des Esclaves, un vieux sauvage, Wabamun, disait:
Quand je suis seul dans le bois, les larmes coulent souvent de mes yeux, à la pensée que le Père Blond (nom Cris du Père Collignon) nous a quittés. Il était si bon ! Il nous aimait tant !
De tout son cœur surtout le Cris s’attache au Dieu d’amour qu’on lui fait connaître. Le Père Bonnald instruisait une sauvagesse des bords de la Baie d’Hudson et ses deux enfants, tous trois convertis et baptisés depuis peu: « Assise entre ses deux fils, sur un banc de la chapelle, elle écoutait avec recueillement. Un jour, elle se mit à pleurer:
— Ah ! mon Dieu, disait-elle, si j’avais connu jadis ce que j’entends aujourd’hui, je n’aurais pas tant péché, je n’aurais pas été si misérable !»
L’œil attendri du missionnaire peut suivre le développement de la grâce dans l’âme purifiée du Cris de bonne volonté:
Alors, dit Mgr Charlebois, faisant allusion à certaine mission de son vicariat, alors la confession de la plupart devient celle-ci:
— Mon Père, je n’ai pas de péché à te dire. Depuis que je prie, je ne crois pas avoir offensé Dieu une seule fois.
On a beau leur faire des questions, c’est inutile; on ne trouve aucun péché:
— Oh ! oui, mon Père, quand je ne priais pas, j’ai fait bien des fautes; mais alors seulement, pas depuis ce temps-là.
Et quelquefois il y a de dix à quinze ans qu’ils se sont convertis !
La chrétienté Crise qui semble répondre aussi parfaitement…
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Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVII: Les Cris.Quels chrétiens devinrent les Cris.SUITE
La chrétienté Crise qui semble répondre aussi parfaitement qu’il se puisse aux vœux du missionnaire se trouve au lac Canot, au sud du Portage la Loche. Une communauté religieuse, assure-t-on, n’y marcherait pas avec plus d’entrain à la prière, à la sainte messe, à la communion quotidienne, à tous les appels de la cloche et de la voix du prêtre. Là, fleurissent la charité et la pureté, sous la garde du Père, roi-pontife que l’on vénère, chérit, et sert toujours.
Il n’est missionnaire, même des Montagnais, qui n’apportât ici son témoignage des hautes vues surnaturelles, qu’il put admirer dans l’âme des Cris rencontrés sur sa route apostolique. Mgr Breynat, venant de son vicariat du Mackenzie à Edmonton, passait avec son traîneau en face d’un campement Cris, en aval du fort Mac-Murray, lorsqu’on courut l’arrêter et le prier de venir assister la fille du chef Chrysostôme, qui se mourait. Il la trouva souriante dans ses dernières souffrances. Voulant éprouver cette sérénité qui le touchait:
— Ça ne te fait donc rien de mourir, mon enfant?
— Oh ! non, Monseigneur, j’en suis contente.
— Mais vois donc tes bons parents, comme ils t’aiment. Ne préfèrerais-tu pas guérir et demeurer avec eux ?
— J’aime mieux mourir. Il est trop difficile de bien vivre !
N’est-ce pas sur la base très profonde de l’amour de l’homme mortel pour Dieu, la base du sacrifice, que ce jeune chasseur du lac Athabaska s’appuyait pour refuser les consolations que Mgr Clut lui apportait, quelques mois après un accident qui lui avait brûlé les yeux ?
— Ah ! je remercie plutôt le bon Dieu, répondait-il. Si je voyais encore, je continuerais peut-être à l’offenser, tandis que je pense continuellement à lui. Non, je n’aurais pas pu choisir une meilleure souffrance que d’être aveugle et de ne pouvoir plus me conduire dans le bois, ni chasser, pour unir mon cœur à Jésus crucifié !
Un autre de la même tribu, devenu boiteux et infirme, se réjouissait « de pouvoir enfin souffrir pour ses péchés et pour les âmes de ses parents défunts.»
Finissons par un court récit du Père Bonnald, qui nous transporte au spectacle du sublime dans l’acte de foi….
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVII: Les Cris.Quels chrétiens devinrent les Cris.SUITE
Finissons par un court récit du Père Bonnald, qui nous transporte au spectacle du sublime dans l’acte de foi. C’était l’hiver 1887-1888, époque d’une rougeole qui faucha les tribus de la Saskatchewan. Le jeune Père Charlebois (aujourd’hui vicaire apostolique du Keewatin) arrivait du scolasticat d’Ottawa à la mission de Le Pas, où le Père Bonnald s’était porté à sa rencontre. Au lieu de se rendre au lac Pélican, où ils devaient résider ensemble, les deux missionnaires se partagèrent le district désolé. Le Père Bonnald prit le lac Pélican et donna au Père Charlebois le Cumberland. De là, chacun parcourait sa portion du champ de la mort. En passant à Pakitawagan, le Père Bonnald rencontra onze cadavres étendus:
« Sur quatre d’entre eux, raconte-t-il, je trouvai des lettres, voix d’outre-tombe, faites de morceaux d’écorce de bouleau pliés en quatre et cousus avec du fil. Ces lettres portaient comme inscription «Le père seul lira ceci ». C’était la confession de ces pauvres gens.
Se voyant près de mourir si loin du missionnaire, et sans espoir de le voir pour se confesser, ils crurent bien faire d’écrire ce qu’ils auraient dit au père. Ils avaient prié avec ferveur, disant leur chapelet, en face de l’image de la sainte Vierge, attachée à la perche du wigwam. C’était vraiment touchant, et j’en pleurai...»
Chapitre XVIII. LES ESQUIMAUX…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesChapitre XVIII.LES ESQUIMAUX
« Des Japonais ». — Qualités et défauts.— L’évangélisation des Esquimaux.— Aux Bouches du Mackenzie.— En Alaska.— A Chesterfield Inlet.— Au Golfe du Couronnement.— L’Apostolat des Pères Rouvière et Le Roux.— Le meurtre.— Fécondité de sang. — Mort du Père Frapsauce.— Mission de Notre-Dame du Rosaire.« Des Japonais. »
Les Esquimaux sont les habitants des terres ou, pour mieux dire, des glaces les plus désolées de notre globe.
Leurs diverses tribus parcourent le littoral de l’océan Glacial arctique, depuis le détroit de Behring, extrémité ouest de l’Alaska, jusqu’au détroit de Belle-Ile, extrémité sud-est du Labrador. Par l’océan congelé, ils se sont répandus du continent jusque dans le Groënland et dans de nombreuses îles polaires groupées, sur les atlas, sous les noms de Terre de Baffin et de Territoire de Franklin.
Leur nombre est évalué par les uns à huit ou dix mille, par les autres à quinze ou vingt mille.
La communauté de langue, de traditions, de légendes, de coutumes qu’on rencontre chez eux affirme leur homogénéité nationale. Ces coutumes, légendes, traditions, langue, permettent aussi d’établir leur filiation et de retrouver leur habitat primordial. Ce sont autant de racines par lesquelles ils se rattachent aux races de l’Extrême-Orient. Un groupe de ces indigènes, qui ne put franchir le pont naturel des îles Aléoutiennes, se trouve encore dans le Kamtchatka sibérien comme pour attester l’origine des peuplades hyperboréennes du Nouveau-Monde.
Les traits mêmes de leur visage trahissent leur étroite parenté avec les peuples d’Asie. L’expression spontanée qui les accueille, dès qu’ils paraissent parmi les Blancs, ne varie point: « Mais ce sont des Japonais ! » En effet, mêlés aux jaunes de l’archipel du Soleil Levant, il ne s’en distingueraient guère.
Le Père Petitot traça des Esquimaux ce portrait:
Un visage presque circulaire, aux traits larges et plats de la race mongolique, plus large aux pommettes qu’au front, lequel va se rétrécissant; des joues grasses, potelées, rebondies; un occiput conique; une bouche large, toujours béante, à lèvre inférieure pendante; une petite barbe de bouc, claire et raide comme leur chevelure; de petits yeux noirs bridés et obliques comme ceux des Chinois, brillant d’un éclat tout ophidien; un teint bistré et mat, tirant sur l’olivâtre; des cheveux gros, plats, cassants et d’un noir d’ébène...
Grasses, corpulentes, proprettes, les femmes ont un teint plus blanc, des joues plus colorées et des traits plus délicats que leurs maris. Leur lèvre supérieure est généralement retroussée, comme on la représente chez les femmes cosaques et tartares; mais l’inférieure avance en faisant une lippe peu digne. Leur nez est ordinairement court, leur front élevé; leurs yeux sont pétillants et moins bridés que ceux des hommes. Elles aiment à relever leur chevelure au sommet de la tête, comme les Chinoises et les Japonaises...
La taille des Esquimaux est plutôt au-dessus qu’au-dessous de la moyenne. Il est parmi eux des hommes fort grands; mais la taille des femmes est généralement petite... Ils sont bien proportionnés, larges des épaules, légers dans les exercices gymnastiques, excellents danseurs et mimiques parfaits...
Les qualités naturelles et les vertus humaines ne manquent pas aux Esquimaux…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.Qualités et défauts.
Les qualités naturelles et les vertus humaines ne manquent pas aux Esquimaux. Leur hospitalité, démonstrative à l’orientale, d’autant plus démonstrative qu’ils nourriront contre leur hôte plus de desseins perfides, semble ordinairement sincère. L’étranger devient comme le maître de leur logis. Cette courtoisie avait frappé le Père Le Roux, qui écrivait, trois mois avant de tomber sous leurs coups:
J’ai été reçu chez les Esquimaux, comme la première fois, avec des manifestations de joie. Tout le temps que j’ai passé avec eux, je fus traité en hôte de marque. Il n’y avait qu’une tente au camp. On m’y donna la plus belle place, et je pouvais, pour ainsi dire, en disposer en maître absolu. Son propriétaire me demandait la permission d’y entrer. Aux repas les meilleurs morceaux m’étaient toujours réservés...
Le Père Rouvière rapporte maintes fois, avec complaisance, les procédés de « bon cœur » dont il est l’objet, et il en conclut que leur conversion n’offrira pas de grandes difficultés:
Tous me semblent assez bien disposés, disait-il. Il y aura parmi eux quelques têtes dures; mais je ne pense pas que ce soit la majorité. Ils ont trop bon cœur pour résister à la grâce.
Dominant et gouvernant froidement le cœur, une qualité esquimaude apparaît, évidente: la volonté. C’est le point d’honneur de la race qu’un homme ne se laisse jamais aller à la faiblesse dans la décision et dans l’exécution de son dessein. Il demeurera stoïque dans les contretemps; et le calme de son attitude saura donner le change, s’il le faut, sur les émotions de son âme. Comptant sur cette énergie, tous les missionnaires qui se sont occupés d’eux, depuis le Père Petitot jusqu’au Père Turquetil, ont émis le même pronostic:
Grâce à leur ténacité native, a dit ce dernier, ils seront aussi enracinés un jour dans le bien qu’ils sont obstinés jusqu’à présent dans le paganisme.
Les Esquimaux ne semblent pas moins bien doués au point de vue intellectuel. Avides de s’instruire, ils écoutent attentivement, saisissent rapidement et retiennent fidèlement. Certaine tendance à la gauloiserie ne leur fait même pas défaut. Ils sont toujours gais, quoiqu’il arrive, et, pour un bon mot, rient à gorge déployée.
D’ailleurs, l’industrieuse habileté dont ils font preuve dans leur lutte incessante contre les éléments et dans la conquête des moyens de subsistance ne met-elle pas brillamment en lumière les ressources de leur esprit ?
Sans le secours des outils que nous jugeons absolument nécessaires à la confection de nos meubles, ils fabriquent, mieux que nous, leurs armes, leurs ustensiles, leurs bibelots de luxe. C’est une merveille à lui seul que leur simple petit kayak, pirogue-périssoire faite en peau de marsouin tendue et cousue sur des cerceaux tout frêles, ne gardant que l’ouverture par où puisse s’introduire l’agile rameur, si instable que le moindre faux mouvement la ferait chavirer, mais si légère qu’un coup de pagaie la fait voler sur l’eau.
Les Esquimaux savent forger le fer qu’ils trouvent dans les épaves des vaisseaux naufragés, et ils en confectionnent leur terrible couteau à double tranchant. Le goût de la sculpture est inné en eux. Ils polissent à la perfection et cisèlent délicatement l’ivoire du morse et les os du renne. Ils en façonnent mille articles divers, les transformant en manches d’outils, en dards, en dés, en aiguilles à coudre, en étuis, en boucles d’oreilles, en hameçons, en pendentifs. Bien des artistes européens prendraient à leur école d’instructives leçons. Curieuse constatation: on a remarqué que les pointes de leurs flèches et leurs harpons en silex, en ivoire, en jade, affectent les formes retrouvées dans les fouilles assyriennes et égyptiennes.
Fait peut-être encore plus surprenant, ils ont résolu le problème de vivre…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.Qualités et défauts.SUITE
Fait peut-être encore plus surprenant, ils ont résolu le problème de vivre sans feu, et assez confortablement, dans les températures si rigoureuses du long hiver boréal.
Ce n’est pas qu’ils soient incapables de faire prendre, sans recourir à nos allumettes chimiques, les matières inflammables. Ils savent faire jaillir l’étincelle de deux morceaux de pyrites de fer. Même conservent-ils dans leurs demeures une lampe minuscule, dont la mèche, une touffe de mousse, alimente sa propre combustion dans l’huile de baleine blanche, de phoque ou de poisson. Mais, réduits à se trouver habituellement loin de tout combustible, ils en ont pris, pour ainsi dire, leur parti définitif.
Aussitôt que les premiers froids ont formé les glaces et durci la neige, ils abandonnent leurs tentes coniques de peau de renne ou de veau marin, et bâtissent leur curieux iglou (maison de neige), allant ainsi au comble de l’ingéniosité humaine: faire servir le froid à les protéger contre le froid lui-même. Leur habileté et leur promptitude à construire l’iglou sont prodigieuses.
Voici de quelle façon s’édifie ce type caractéristique de l’architecture esquimaude. A l’aide du grand coutelas qui les accompagne jour et nuit, ils découpent des blocs carrés ou rectangulaires dans la neige ferme. Ces blocs, légèrement biseautés, se juxtaposent en cercle complet. D’autres cercles vont, se superposant et rétrécissant graduellement, en forme de coquille d’escargot, jusqu’à l’achèvement du dôme. Le dernier voussoir placé, le coutelas taille et détache au ras du sol un moellon. On obtient ainsi une ouverture par laquelle les hôtes de l’iglou y pénétreront en rampant. Le moellon de la « porte d’entrée » sera ensuite replacé pour clore l’édifice. On aura eu soin d’étendre sur le plancher de glace quelque peau d’ours ou de renne.
Les Blancs étouffent bientôt dans ces trois ou quatre mètres cubes…
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Louis- Admin
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces Polaires
[CHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.Qualités et défauts.SUITE
Les Blancs étouffent bientôt dans ces trois ou quatre mètres cubes d’atmosphère constamment respirée et saturée de relents nauséabonds: odeur d’huile consumée, de tabac fumé, d’aliments graisseux, corrompus, et des déchets de toutes sortes. L’Esquimau, lui, s’y trouve tout à fait à l’aise. En peu d’instants, la lampe, les haleines et la température naturelle des corps transforment la ruche de neige en étuve de bain turc. Chacun des hôtes se débarrasse alors de toute surcharge, si ce n’est de toute charge, de vêtements. Malgré les coups répétés du coutelas qui perce la voûte de l’iglou pour laisser s’échapper avec un sifflement de soupape l’air dilaté et donner passage à un filet d’air froid, la chaleur s’élève bientôt à un tel degré que les parois se prennent à couler, comme la vapeur sur les vitres des maisons surchauffées, et que les blocs de neige se cimentent d’eux-mêmes et se transforment peu à peu en une glace dépolie transparente aux rayons de la lune.
Mais, devenue complètement glace, la neige perd sa propriété isolante, et un autre igloudoit être construit. Les iglous à demeure sont plus vastes et mieux aménagés que l’iglou qui se dresse pour une étape nocturne, au cours des voyages. Ils peuvent durer de deux à trois semaines. Les reclus s’y installent, à portée des provisions qu’ils se sont accumulées dans leurs chasses et leurs pêches de l’automne. De nombreux villages d’iglous se bâtissent ainsi, en plein océan Glacial.
Vivant presque toujours dans l’abondance, durant l’été, à la poursuite du gibier nomade, les Esquimaux sont exposés, l’hiver, à des jeûnes effroyables. Il suffit que leurs approvisionnements n’aient pas répondu aux besoins, et que, d’autre part, les tempêtes, qui règnent de décembre à mars, balayent trop longtemps la surface de l’océan, et les empêchent de repérer, aux environs de leurs iglous, les trous que les phoques percent dans la glace pour respirer. Alors les pauvres hères dévorent leurs souliers, leurs carquois, les cordes de leurs arcs et jusqu’à leurs habits de peaux.
La nécessité, où ils sont souvent réduits, de manger des viandes faisandées a dépravé chez eux le sens du goût. Beaucoup en viennent à laisser se gâter exprès un morceau de venaison fraîche, afin de se le rendre appétissant. Ainsi les Cafres Basutos de la chaude Afrique, qui se régalent avec « des œufs gâtés, des chèvres et des poules mortes, des vaches crevées du charbon, des bœufs tombés sur le chemin et à demi pourris, etc.»
On comprend aussi sans peine que la fringale dont ils souffrent fréquemment porte les Esquimaux à manger, tels quels, des viandes et des poissons qui mettraient un temps interminable à dégeler, à s’amollir et à cuire dans les grossiers pots de terre, suspendus au-dessus du chétif lampion huileux. De là, vraisemblablement, le nom dont les Algonquins Abénakis, sur la côte du Labrador, les gratifièrent, il y a plus de deux siècles: Eskimantick (mangeurs de chair crue), d’où Esquimaux. Ce nom, inséré par le Père de Charlevoix, S. J., dans son Histoire de la Nouvelle France, fut adopté par les ethnologues et géographes européens. (1)
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Quel triste tableau il faudrait dresser maintenant, en regard des aimables qualités des Esquimaux ! …
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(1) Tout indifférents à ce nom algonquin, que ratifia l’Académie française, les Esquimaux se désignent eux-mêmes par un mot ou, — comme du reste l’ont fait de leur côté les Indiens dont nous avons parlé dans ce livre — ils incarnent leur fierté nationale, avec leur mépris hautain pour tout étranger à leur sang: Innoït, les hommes par excellence. Ceux de l’embouchure du Mackenzie donnent aux Loucheux, leurs voisins, l’ignoble sobriquet d’Itkreleït, lentes de vermine: « — Ils sont nés des larves de nos poux, disent-ils; c’est pourquoi nous les nommons Itkreleït.»
A rapprocher de celle de Plats-Côtés-de-Chiens (chap. XIII), la légende générale des Esquimaux, sur leur origine : « Une femme, racontent-ils, la première — d'où venait-elle ? Nul ne s'en met en peine — épousa un grand chien. Sa progéniture fut d'êtres humains et de chiens. Les êtres humains demeurèrent sur les bords de l'océan Glacial: ce sont les Esquimaux, les Hommes, les lnnoït. La femme mit les chiens dans un soulier et les confia à l'océan, qui les déposa au loin, sur toutes les grèves, où sont aujourd'hui les diverses races, blanche, brune, rouge, jaune, selon la couleur des chiens primitifs. Ainsi les hommes sont-ils frères. Mais les Blancs sont les plus semblables aux Innoït. »
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.Qualités et défauts.SUITE
Quel triste tableau il faudrait dresser maintenant, en regard des aimables qualités des Esquimaux ! Disons cependant que la profonde dégradation morale dont nous allons énumérer certaines manifestations ne saurait convenir à tous. Les grands vices criminels ne sont le fait que du petit nombre.
Les Esquimaux sont menteurs. S’il leur est difficile de se cacher les uns aux autres leurs méfaits, tant leurs mœurs comportent la publicité de la vie et le bavardage, ils sont capables de mystifier savamment tout étranger à leur nation. Cette adresse dans la dissimulation et la simulation est aussi d’ailleurs l’apanage commun des Peaux-Rouges. Une fois l’histoire de fiction forgée, et l’accord des complices ou témoins convenu, ils ne s’en départiront plus, dût-on les menacer de la mort. Calmes, imperturbables, ils maintiendront leur dire, sans laisser surprendre sur les traits de leur figure le secret enfoui dans leur pensée. Les assassins de nos missionnaires répétèrent, quatre années après leur crime, et sans dévier d’un mot, les mensonges qu’ils avaient concertés d’abord pour se justifier devant les Blancs.
L’expédition arctique canadienne, dirigée par le docteur Anderson navigua longtemps dans les eaux fréquentées par la tribu des meurtriers; mais elle ne put jamais obtenir, au sujet de la disparition des Pères Rouvière et Le Roux, que des histoires très habilement ourdies et déjouant toute enquête. Interrogés sur la provenance de divers objets compromettants (soutanes, calice, chasubles, bréviaires, etc.) trouvés chez eux, les natifs répondaient invariablement que les Blancs les leur avaient donnés.
Les Esquimaux sont…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.Qualités et défauts.SUITE
Les Esquimaux sont voleurs. Vol et mensonge fraternisent, de leur nature. Les plus honnêtes indigènes résistent difficilement à la convoitise et à l’appât du lucre. Chez eux, du reste, comme chez les Spartiates, le voleur, s’il est surpris, rougira, non point de sa mauvaise action, mais de sa maladresse, et il ne sera puni que pour s’être laissé prendre. Le Père Rouvière note plusieurs fois cette propension au larcin, et se plaint d’en avoir souffert. Récemment, le Père Frapsauce, son successeur, nous écrivait, du bord de l’océan Glacial:
...Il y en a un bon nombre que vous ne croiriez pas malhonnêtes, car ils semblent francs et ils sont bons chasseurs, ne manquant de rien. Ils volent cependant, tant qu’ils le peuvent...
Des deux maisons qu’avaient nos regrettés pères, les Esquimaux n’ont laissé que les murs. Tout le reste fut emporté. Ils ont arraché jusqu’au moindre clou. Le fer, un bout de fer, pensez donc ! Ils iront le chercher à n’importe quelle distance, et au prix de tous les efforts. Ils renverseraient une maison pour prendre le fer qu’ils sauraient être dans les fondements. Mettez dans la maçonnerie de votre cheminée un morceau de fer pour tenir votre crémaillère: nos gaillards, en votre absence, démoliront la cheminée, pour se l’approprier...
Ils n’y vont pas toujours aussi brutalement. Un ami me racontait qu’il se trouvait en voyage de découverte, à l’est du Grand Lac de l’Ours. Des Esquimaux se présentèrent ensemble pendant qu’il était sous sa tente. Un moment après, on vint lui vendre des peaux de rennes, qu’il jeta derrière lui, à mesure qu’il les payait en plomb, poudre, thé, tabac, linge, etc...
D’autres vendeurs arrivèrent, sans interruption, offrant toujours des peaux de rennes, et, de la sorte, jusqu’à épuisement du stock d’échange. Alors les Esquimaux qui remplissaient la tente et ses abords se retirèrent tous, avec force salutations gentilles, auxquelles mon ami, reconnaissant et touché, répondait de son mieux. Le dernier sorti, le Blanc se retourna, la main tendue pour saisir et compter son butin... Plus de peaux ! Plus une seule ! Les coquins étaient tous de connivence. Tandis que les uns amusaient le pauvre acheteur, les autres sortaient, et, soulevant les bords de la tente, en arrière, en retiraient continuellement les bienheureuses peaux, pour venir triomphalement les revendre deux, trois, quatre fois...
Tant pis également pour les caches laissées en route, fussent-elles la propriété de la plus terrible des gendarmeries. Ils pillent sans merci tout ce qu’ils flairent...»
Les mauvais Esquimaux ne reculent pas devant…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.Qualités et défauts.SUITE
Les mauvais Esquimaux ne reculent pas devant le meurtre pour satisfaire cette cupidité.
Et ils emploient, à frapper leur victime, la froide adresse apprise dans les longues heures d’affût et de ruse, au bout desquelles ils parviennent à harponner le morse farouche. Ils savent attendre et patienter. Le moment venu, ils portent le coup fatal, dans le dos toujours.
Livingstone, officier de la Baie d’Hudson, venu pour établir des relations commerciales avec eux, fut acculé par leur perfidie sur un îlot du delta du Mackenzie, où son escorte fut exterminée. Franklin, Richardson, Puller et Hooper se dirent menacés du même sort, dans les mêmes parages, et ne durent leur salut qu’à leur nombre et à la terreur qu’inspirèrent les détonations de leurs armes à feu. En 1912, Street et Radford tombaient sous les poignards esquimaux, à l’est du golfe du Couronnement. Et combien d’autres explorateurs, dont ni les corps, ni les vaisseaux ne furent jamais retrouvés, ont été leurs victimes !
L’orgueil, le vol, le mensonge, le goût de l’homicide, ajoutons l’immoralité, ne seraient cependant pas les plus grands obstacles à l’évangélisation des sauvages riverains de la mer Glaciale...
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.L’évangélisation des Esquimaux.
L’orgueil, le vol, le mensonge, le goût de l’homicide, ajoutons l’immoralité, ne seraient cependant pas les plus grands obstacles à l’évangélisation des sauvages riverains de la mer Glaciale. La barrière jusqu’ici infranchissable a été la superstition, avec la sorcellerie.
Le Père Frapsauce résume ainsi, en le complétant, ce qu’en bien et en mal nous venons de dire des Esquimaux:
Ce sont des gens d’un naturel très gai. Pas un qui soit triste ou sombre. Pour réussir avec eux, il faut toujours être de joyeuse humeur. Quelqu’un qui parlerait couramment leur langue et aurait le mot pour rire serait, je crois, en sécurité au milieu d’eux. Ils sont infatigables au travail et très intelligents. On ne peut les appeler, comme on le fait de nos autres Indiens, de grands enfants. Ils n’en ont ni la niaiserie, ni la vantardise. Tandis que les Dénés ne se lasseraient pas de vous faire admirer leurs ouvrages, quelquefois bien beaux, je le veux bien, les Esquimaux seront les premiers à trouver des défauts dans leurs chefs-d’œuvre et à vous les faire remarquer, déterminés à mieux faire.
Quoiqu’il me déplaise de médire de ces braves gens,— car, il y en a de bons, de très bons,— puisque l’on veut que j’exprime toutes mes impressions, allons-y.
Leurs mœurs sont déplorables. Ils ne changent pas facilement de femmes; mais, entre amis, ils se les prêtent couramment. Il n’est inconvenances qu’ils ne se permettent. Enfin, sauf quelques rares exceptions, ils sont menteurs et voleurs. Ils abandonnent facilement leurs enfants, nés durant l’été. Il y a trois ans (1916), j’ai failli être tué par Anantclick, l’ami de Sinnisiak, l’un des meurtriers de nos missionnaires. Je m’en doutais alors. Je l’ai su positivement ensuite. L’inspecteur French, de la gendarmerie, se vit à un doigt de la mort également, il y a deux ans. Bref, l’immoralité et le vol sont, je pense, les vices principaux, et le meurtre n’en est qu’une conséquence...
C’est à déraciner de ces âmes le règne de Satan que les Oblats de Marie Immaculée travaillent depuis plus d’un demi-siècle.
Les Oblats ont pris contact avec les Esquimaux sur quatre étendues des…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.Aux Bouches du Mackenzie.
Les Oblats ont pris contact avec les Esquimaux sur quatre étendues des terres arctiques américaines: 1º à l’embouchure du fleuve Mackenzie; 2º sur la côte nord de l’Alaska; 3º du lac Caribou à Chesterfield Inlet; 4º du nord du Grand Lac de l’Ours au golfe du Couronnement (1) .
C’est en 1860 que les tribus de l’embouchure du Mackenzie et des îles qui s’échelonnent depuis le fort Mac-Pherson jusqu’à l’île Herschel, reçurent la première visite du premier missionnaire, le Père Grollier. Il s’y rendit du fort Good-Hope, sa résidence, à deux reprises, pour essayer de les convertir. Ce fut en vain.
Ses successeurs, les Pères Séguin et Petitot, échouèrent pareillement devant l’entêtement des Esquimaux (2).
Plus tard, lorsqu’une mission fut fondée au fort Mac-Pherson, le Père Lefebvre, assistant du…
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(1) L’évangélisation des Esquimaux fut entreprise aussi sur la côte du Labrador, en 1875, par le Père Lacasse O. M. I. Il quitta N.-D. de Bethsiamits pour se rendre à la Baie des Esquimaux. Il trouva les indigènes ameutés contre les prêtres catholiques par la secte des Frères Moraves. Ces Frères Moraves, commerçants de fourrures avant tout, occupaient 150 lieues de la côte du Labrador; et, s’ils faisaient des adeptes, ce n’était que par l’éclat du culte extérieur et la facilité de leur doctrine. Le Père Lacasse voulut traverser ces 150 lieues du domaine de l’hérésie et de la cupidité, afin d’atteindre les Esquimaux purement païens du Nord; mais divers malheurs de toutes sortes entravèrent les efforts de son zèle. Il fit cependant beaucoup de bien aux Esquimaux qui voulurent l’écouter, durant les deux années qu’il passa au Labrador. Il avait également appris la langue esquimaude au point d’en composer un dictionnaire. Mais le bateau, qu’il devait prendre lui-même, et sur lequel il avait embarqué ses notes, avec tout ce qui était à son usage, périt, corps et biens, dans l’Atlantique. Au sujet de la langue, le Père Lacasse écrivait l’une de ses impressions avec la verve pittoresque qu’on lui connaît:
« — En m’exerçant à prononcer un de leurs k, ou kh, j’ai failli prendre un mal de gorge. Le moyen, je vous prie, de faire partir une syllabe du creux de l’estomac, de l’étouffer à son passage dans le gosier, puis de la pousser avec violence dans le nez, et là, en dépit des répugnances et des lois de la force centrifuge, de l’avaler de nouveau, en lui donnant un coup de mort dans la gorge, où elle doit expirer ».
La langue esquimaude ne fut sans doute approfondie par personne autant que par le Père Turquetil, à Chesterfield Inlet. Il fait remarquer que tout s’y réduit à des racines, des sons, des syllabes qui représentent les idées fondamentales. Ce fond saisi, — ce qui serait l’affaire de six mois, sous la direction d’un professeur — la langue serait connue. Aucune exception dans les règles, et logique parfaite de la syntaxe. Ces mots-racines, dit encore le Père Turquetil, sont bien plus des signes naturels que des signes arbitraires; et nos langues européennes sembleraient très insignifiantes, pauvres et disparates dans leurs propres éléments, comparées avec l’esquimaude. Contrairement aux langues dénées, qui ne représentent jamais que l’idée concrète, la langue esquimaude est entièrement abstraite dans ses formes et son expression.
(2) Le Père Petitot alla trois fois (1865-1867), jusqu’à l’embouchure du fleuve Anderson (Baie de Liverpool), au 68-30 degré de latitude, chez les Esquimaux Tchiglit. Le résultat de ces trois voyages fut le baptême d’un mourant:
« Je suis parti le cœur brisé, dit-il, de n’avoir pu faire autre chose pour la conversion de ce peuple que de semer quelques enseignements touchant l’existence de Dieu, la sainte Trinité, la Rédemption, l’immortalité de l’âme, la vie éternelle. Mais toutes ces vérités ont été accueillies par des éclats de rire, et le nom du Créateur semble pour eux ce qu’est le petit Poucet ou Barbe-Bleue pour les enfants de nos pays. Que Dieu veuille bien donner sa grâce à ce pauvre peuple de voleurs, de cyniques et d’écumeurs de mer, mais qui feraient d’excellents chrétiens, si la foi s’implantait dans leur cœur si ferme et si mâle ».
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.Aux Bouches du Mackenzie.SUITE
Plus tard, lorsqu’une mission fut fondée au fort Mac-Pherson, le Père Lefebvre, assistant du Père Giroux, missionnaire des Loucheux, eut la charge spéciale de s’occuper des Esquimaux. Mais, durant les sept ans qu’il travailla pour eux (1890-1897), soit au fort Mac-Pherson, où ils venaient vendre leurs fourrures, soit à l’île Richard, embouchure Est du Mackenzie, où il alla deux fois; soit encore à l’île Herschell, dans l’Océan, où il visita trois fois la tribu des Natavels, aucune conversion sérieuse ne s’accomplit.
Les consolations du Père Lefebvre se bornèrent à quelques baptêmes d’enfants ou d’adultes, à l’article de la mort. Que pouvait du reste un prêtre, en de courtes apparitions, contre ce paganisme que n’avait pu commencer à amollir l’influence des coureurs-des-bois, précurseurs, si précieux ailleurs, de la religion catholique ? Cependant le protestantisme, déjà puissant au fort Mac-Pherson, prit pied à l’île Herschell, dès que la Compagnie Baleinière du Pacifique, de San-Francisco, commença à y amarrer ses navires, et que les ministres prêchèrent aux Esquimaux une religion plus en harmonie que la nôtre avec leurs mœurs.
Ce triomphe de l’erreur demeure la plaie saignante de nos plus belles missions du Mackenzie. Evêque et missionnaires ne s’en consoleront, que lorsque Dieu aura suscité les apôtres et les ressources qui permettront à la vérité d’aller lutter, sur place, corps à corps, avec le paganisme et l’hérésie.
La deuxième tentative d’évangélisation des Esquimaux par les Oblats eut pour théâtre…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.En Alaska.
La deuxième tentative d’évangélisation des Esquimaux par les Oblats eut pour théâtre les côtes de l’Alaska, depuis la Pointe Barrow jusqu’à l’île Saint-Michel (mer de Berhing). D’octobre 1873 à septembre 1874, le Père Lecorre suivit toutes les baies qui fouillent le continent, en prêchant l’Evangile. Il baptisa beaucoup d’enfants et prépara les voies aux Pères Jésuites, qui vinrent quatre ans plus tard (1). Au cours de ces voyages, le Père Lecorre échappa plusieurs fois, par des interventions providentielles, aux coups de poignard et de fusil que des sorciers avaient tenté de lui porter.
Le troisième essai d’évangélisation…
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(1) Voir chap. VIII.
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.A Chesterfield Inlet.
Le troisième essai d’évangélisation partit du lac Caribou, en 1868. Le Père Gasté, missionnaire des Montagnais de cette région, se porta à la rencontre des Esquimaux du versant de la baie d’Hudson. Mais il ne put donner suite aux projets de son zèle autrement qu’en travaillant au salut de quelques indigènes qui, sur son invitation, abandonnèrent le fort Churchill en faveur du lac Caribou pour la traite de leurs fourrures. Se doutait-il alors que son futur compagnon, celui qui devait fonder la mission esquimaude de ses rêves « n’était pas encore né »? C’était le Père Turquetil.
Arrivé au lac Caribou en 1900, le Père Turquetil partit pour sa première exploration, dans la Terre Stérile septentrionale du Keewatin, le 26 décembre 1901. Depuis lors, il mit tout en œuvre pour atteindre ses Esquimaux. En 1912, il arrivait à Chesterfield Inlet, au nord-est de la baie d’Hudson, ayant pris la route de Montréal, du Saint-Laurent, de l’Atlantique, et emportant toutes les pièces de sa maison, tout son combustible, tous ses vivres. Avec le Père Turquetil partit le Père Le Blanc. La mission de Notre-Dame de la Délivrande était fondée.
Les deux inoubliables événements de cette jeune mission ont été un grand deuil et une grande joie.
Le deuil fut la mort du Père Le Blanc, en 1916. Quatre années de solitude, de souffrances de toutes sortes, l’avaient débilité au point qu’il fut nécessaire de lui procurer le repos. Il succomba pendant la traversée de la baie d’Hudson, le 21 septembre, offrant sa vie à Dieu pour la conversion de ses chers infidèles.
La joie de la mission de Notre-Dame de la Délivrande fut le baptême, le 2 juillet 1917, de douze Esquimaux bien instruits, dûment éprouvés, maintenant fervents chrétiens, et que n’arrivent pas à troubler les incessantes moqueries de leurs congénères païens. C’était le premier fruit de cinq années d’un travail sans trêve.
Le quatrième champ de l’apostolat esquimau…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.Au Golfe du Couronnement.
Le quatrième champ de l’apostolat esquimau fut confié en 1911, par Mgr Breynat, aux Pères Rouvière et Le Roux. Etendu sur les confins de l’océan Glacial, il comprend le bassin du fleuve Coppermine, le golfe du Couronnement — Coronation Gulf — avec ses archipels, du cap Bexley à la presqu’île de Kent, et la grande île Victoria.
Le Coppermine — Mine de cuivre —, fleuve profondément encaissé, souvent torrentueux et d’un énorme débit, tombe obliquement, à 8 kilomètres du golfe du Couronnement, son embouchure, dans une longue crevasse, qui reçut en 1771, du premier explorateur, Samuel Hearne, le nom de Bloody Fall— Chute du Sang (1). Ce fleuve prend sa source et accomplit tout son parcours dans le Barren Land.
Le Barren Land — la Terre Stérile —, nous l’avons déjà dit, semblable à la toundra de Russie, est une vaste région bordant la mer Glaciale, et plongeant très avant dans le continent. Une ligne tirée du milieu du delta du Mackenzie à l’embouchure du fleuve Churchill, et un peu arquée vers le sud, la circonscrirait assez exactement. Rocailleuse, ondulée, montagneuse parfois, elle sertit dans ses vallons d’innombrables petits lacs. L’aridité éternelle s’est établie sur ce rendez-vous des tempêtes polaires.
Le Coppermine garde sa rive ouest boisée jusqu’à 35 kilomètres de la mer, il est vrai, mais…
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(1) Samuel Hearne avait assisté là, impuissant, au massacre d’une paisible tribu esquimaude par les Peaux-Rouges, qui l’accompagnaient comme guides et serviteurs.
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.Au Golfe du Couronnement.SUITE
Le Coppermine garde sa rive ouest boisée jusqu’à 35 kilomètres de la mer, il est vrai, mais ses parages n’accordent la vie qu’à de misérables petits sapins, blottis, de très loin en très loin, à l’abri des rochers. Durant le court été, certains abords du Barren occidental, que l’on a comparé aux landes de Bretagne ou aux moors d’Irlande, se chamarrent de fleurettes et s’animent des chansons d’une multitude de petits oiseaux migrateurs. Cette transition parfumée et mélodieuse de la vie à la mort est refusée au Barren de l’est.
Plus la toundra s’élargit vers la baie d’Hudson, plus elle se marque du brusque stigmate de l’infécondité: le même lac, le même cours d’eau verront leur rive sud plantureusement couverte, et leur rive nord tout à fait dénudée; dans la plaine, un sillon de charrue ne séparerait pas plus nettement la végétation de la désolation: par delà le sillon, il n’y a plus que le roc, la terre gelée, l’abondance du lichen et des mousses spongieuses, nourriture du renne et de l’ovibos.
On assure que les couches granitiques de la Terre Stérile recèlent des gisements de métaux précieux. Dans le bassin du Coppermine, le cuivre natif se trouve à fleur de sol, soit en paillettes légères, soit en blocs massifs: les Esquimaux lui donnent, en le martelant, toutes les formes utiles.
Les abords du Coppermine, les archipels du golfe du Couronnement et l’île Victoria constituent le domaine de plusieurs tribus, qui reçurent, en 1910, de l’explorateur Stéphanson, le nom de Copper Group — Groupe de Cuivre.— Leur vie s’écoule à la chasse de la baleine dans les eaux marines, du morse et du phoque sur le littoral, et du gibier qui peuple le Barren: troupeaux de rennes, renards de toutes couleurs, ours noirs, gris ou blancs, loups, ovibos (bœufs musqués), etc...
Au printemps de 1911, Mgr Breynat, ayant appris que deux centaines de ces Esquimaux…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.L’Apostolat des Pères Rouvière et Le Roux.
Au printemps de 1911, Mgr Breynat, ayant appris que deux centaines de ces Esquimaux devaient visiter les Indiens Peaux-de-Lièvres et Plats-Côtés-de-Chiens du Grand Lac de l’Ours (1), décida de mettre aussitôt à exécution le projet d’évangélisation qu’il avait tant à cœur.
Son choix se porta sur le Père Jean-Baptiste Rouvière, enfant du diocèse de Mende, âgé de 30 ans, et doué de toutes les qualités dont Dieu se plaît à munir ses grands ouvriers apostoliques. Un séjour de quatre années consécutives à la mission de Good-Hope avait rompu à la vie de l’Extrême-Nord ce Cévenol ardent et robuste. La connaissance approfondie qu’il y avait acquise de la langue Peau-de-Lièvre devait l’aider à lui faire trouver, parmi les sauvages du Grand Lac de l’Ours, des interprètes pour ses premiers rapports avec les Esquimaux.
Il partit joyeusement, le 5 juillet 1911, remonta le Mackenzie depuis le fort Good-Hope jusqu’au fort Norman, s’engagea, avec sa chapelle, quelques outils et des provisions de bouche, dans la rivière de l’Ours, et atteignit le Grand Lac de l’Ours dont elle est le déversoir. Traversant ensuite les 250 kilomètres du lac, il aborda sur la rive nord, au fond de la baie Dease.
Hélas ! les Esquimaux avaient déjà levé leur camp, pour s’acheminer vers leurs quartiers d’hiver, sur l’océan Arctique. Mais, loin de se laisser abattre, le Père Rouvière poursuivit sa route sur leurs traces.
Il lui fallait remonter l’affreusement sinueuse et rapide rivière Dease, traînant son canot et marchant dans l’eau, la moitié du trajet. Lorsque l’esquif refusa d’escalader les cascades de plus en plus menaçantes, il l’abandonna et continua à pied sa marche intrépide...Enfin, lorsqu’il eut bien peiné, bien pâti, bien soupiré après ses chers Esquimaux, la douce Vierge Marie daigna les lui montrer.
Ecoutons-le raconter lui-même, dans une lettre crayonnée sur ses genoux, et adressée à son…
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(1) Voir chap. XV Mission Sainte-Thérèse.
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.L’Apostolat des Pères Rouvière et Le Roux.SUITE
Ecoutons-le raconter lui-même, dans une lettre crayonnée sur ses genoux, et adressée à son évêque, dans quelles circonstances eut lieu sa première entrevue avec ses ouailles tant désirées:
Monseigneur et bien-aimé Père,
Vous m’avez envoyé évangéliser les Esquimaux. La rencontre a eu lieu le 15 août, vers 7 heures du soir; et c’est la Sainte Vierge, que je n’ai cessé de prier, qui a guidé mes pas.
Depuis trois jours j’avais quitté mon canot et je parcourais les steppes, lorsque j’aperçus tout à coup, sur le sommet d’une colline, trois êtres vivants... Etaient-ce des rennes, étaient-ce des hommes ? Pour m’en assurer, je hâtai le pas dans leur direction. Au bout de dix minutes, j’aperçus une foule de gens sur le versant du monticule. Il n’y avait plus à douter: c’étaient des Esquimaux.
« A ma vue, ils accourent; mais, arrivés à une certaine distance, ils font halte. L’un d’eux prend les devants; mais bientôt il s’arrête, lève les bras au ciel, penche la tête à droite, puis incline tout son corps vers la terre. Il répète ces gestes à plusieurs reprises. Je lui réponds en levant les bras. Alors, il se rapproche de moi, et tous les autres se précipitent à sa suite... C’était leur signe de salut.
Quand le premier Esquimau fut assez près pour me reconnaître, il se retourna en criant: « Krablouma, — c’est un Blanc ! » Il arriva alors vivement jusqu’à moi, tout souriant et me tendant la main. Je la serrai entre les miennes. Aussitôt il me prit par le bras, pour me présenter à tout le monde. J’avais ma soutane et ma croix d’Oblat. Ce signe sacré les frappa vivement. Ils ne se lassaient pas de le regarder. Je leur donnai quelques médailles de la Sainte-Vierge, que je leur passai moi-même au cou. Ils étaient radieux.
Ensuite j’allai à leur campement, et je donnai la main à tous les gens qui étaient là. Ils m’invitèrent à leur table. Je n’eus garde de refuser; car, marchant depuis le matin sans manger, j’étais affamé.
Après le repas, ils m’accablèrent de questions. Je m’efforçai de leur faire comprendre que j’étais venu pour rester parmi eux...»
Le Père Rouvière prit aussitôt ses dispositions pour hiverner au lac Imerenick, à une…
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Re: Aux Glaces Polaires — Indiens et Esquimaux.
Aux Glaces PolairesCHAPITRE XVIII: Les Esquimaux.L’Apostolat des Pères Rouvière et Le Roux.SUITE
Le Père Rouvière prit aussitôt ses dispositions pour hiverner au lac Imerenick, à une centaine de kilomètres au nord de la baie Dease, parmi les « derniers misérables sapins secs », qu’il rencontra dans la Barren Land (1). Habile charpentier, il eut vite fait d’équarrir et d’ajuster les troncs d’arbres qui devaient composer sa pauvre demeure. Il y célébra le saint sacrifice, pour la première fois, le 17 septembre 1911.
Jusqu’à la fin d’octobre, beaucoup d’Esquimaux, retournant à la mer par ce chemin, vinrent l’y visiter, famille par famille. Coïncidence touchante, ils arrivaient toujours plus nombreux aux fêtes de la Sainte Vierge. Le missionnaire écrit, dans son Journal, le 8 septembre:
Marie sera vraiment la protectrice de cette mission, car c’est toujours un de ses jours de fête qu’elle les ramène autour de moi. Merci, ô ma Mère ! faites que je sois digne de la mission qui m’est confiée !
Après le départ des derniers Esquimaux, il passa l’hiver dans la solitude, la prière et le travail des mains.
Au mois d’avril 1912, il attela ses chiens et se rendit au fort Norman, afin d’y prendre le compagnon d’apostolat qui lui avait été promis.
C’était le Père Guillaume Le Roux, né dans le diocèse de Quimper, en 1885, et qui, depuis un an, était arrivé du scolasticat de Liège. Brillamment doué des dons de l’esprit et du corps, linguiste remarquable, il était fait pour les longs voyages arctiques et pour l’organisation des missions nouvelles et difficiles auxquelles l’appelait le vicaire apostolique du Mackenzie.
Les deux apôtres partirent du fort Norman, pour la Barren-Land, à la mi-juillet 1912. Le 27 août, ils entraient dans la maisonnette du lac Imerenick.
Ils eurent la joie de voir beaucoup d’Esquimaux durant l’automne; et le Père Le Roux se mit de toute son âme à étudier leur langue.
Mais ils ne tardèrent pas à comprendre qu’à moins d’établir leur résidence sur l’océan…
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(1) Ce lac que nous appelons Imerenick, de son nom esquimau, porte aujourd’hui le nom de lac Rouvière, à la demande des frères Douglas, amis et admirateurs du missionnaire, auteurs du beau livre Land Forlorn.
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