Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
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Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Bonjour à tous,
Ce fil est pour faire suite à celui sur la cosmogonie mosaïque : https://messe.forumactif.org/t8034-cosmogonie-mosaique#141644
Comme toujours, nous éditerons ce fil pour compléter le message et y déposer des liens en vue de faciliter la consultation et pour ne pas surcharger le texte.
Ce qui suit a été publié par l’Abbé DRIOUX, Latin-Français, sous la Libraire d’Eugène Belin, Paris, 1853, pp. 542-661 :
Bien à vous.
Bonne et pieuse lecture à tous.
Question LXV: DE LA CRÉATION DES ÊTRES CORPORELS.
* art. I : La créature corporelle a-t-elle été créée par Dieu ?
* art. II : La créature corporelle a-t-elle pour fin la bonté de Dieu ?
* art. III : Dieu a-t-il produit les corps par l’intermédiaire des anges ?
* art. IV : Les formes de corps viennent-elles des anges ?
Question LXVI: DE L'ORDRE DE LA CRÉATION CONSIDÉRÉ PAR RAPPORT À LA DISTINCTION DES CRÉATURES.
* art. I : La matière informe a-t-elle précédé de quelque temps la matière formée ?
* art. II : N’y a-t-il qu’une seule matière informe pour tous les corps ?
* art. III : Le ciel empyrée a-t-il été créé en même temps que la matière informe ?
* art. IV : Le temps a-t-il été créé simultanément avec la matière informe ?
Question LXVII : DE LA DISTINCTION DES ÊTRES CONSIDÉRÉE EN ELLE-MÊME.
* art. I : Le mot lumière se dit-il dans son sens propre des choses spirituelles ?
* art. II : La lumière est-elle un corps?
* art. III : La lumière est-elle une qualité ?
* art. IV : Est-il convenable que la lumière ait été produite le premier jour?
Question LXVIII : DE L'OEUVRE DU SECOND JOUR.
* art. I : Le firmament a-t-il été créé au second jour ?
* art. II : Y a-t-il des eaux au-dessus du firmament ?
* art. III : Le firmament divise-t-il les eaux des eaux ?
* art. IV : N’y a-t-il qu’un seul ciel ?
Question LXIX : DE l’ŒUVRE DU TROISÈME JOUR.
* art. I : Est-il convenable de placer le rassemblement des eaux au troisième jour ?
* art. II : Était-il convenable que la production des plantes fût placée au troisième jour ?
Question LXX : DE L’ŒUVRE DU QUATRIÈME JOUR.
* art. I : Les astres ont-ils dû être produits au quatrième jour ?
* art. II : L’Écriture assigne-t-elle convenablement la cause finale des astres ?
* art. III : Les astres sont-ils animés ?
Question LXXI : DE L'ŒUVRE DU CINQUIÈME JOUR.
* Article unique.
Question LXXII : DE L’ŒUVRE DU SIXIÈME JOUR.
* Article unique.
Question LXXIII : DE CE QUI APPARTIENT AU SEPTIÈME JOUR.
* art. I : Est-il convenable d’attribuer au septième jour le complément de l’œuvre divine ?
* art. II : Dieu s’est-il reposé et a-t-il cessé d’opérer au septième jour ?
* art. III : Dieu devait-il bénir et sanctifier le septième jour ?
Question LXXIV : DES SEPT JOURS DE LA CRÉATION EN GÉNÉRAL.
* art. I : Les six jours ont-ils été suffisants ?
* art. II : Tous ces jours ne forment-ils qu’un seul jour ?
* art. III : L’Écriture se sert-elle d’expressions convenables pour raconter l’œuvre des six jours ?
Dernière édition par Louis le Dim 17 Oct 2021, 6:16 am, édité 31 fois
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Question LXV: DE LA CRÉATION DES ÊTRES CORPORELS.
Après avoir parlé de la créature spirituelle, nous ayons à nous occuper de la créature corporelle. A l'égard de sa production l'Ecriture rappelle trois choses : 1° L'œuvre de création par ces mots : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. 2° L'œuvre de distinction en disant: Il sépara la lumière des ténèbres, les eaux qui sont au-dessus du firmament et celles qui sont au-dessous. 3° L'œuvre d'ornement, quand elle ajouta : Qu'il y ait au firmament des luminaires.
Nous traiterons donc, 1° de la création des choses corporelles, 2° de leur distinction, 3° de leur ornement. — Sur le premier point quatre questions se présentent : 1° La créature corporelle vient-elle de Dieu ? — 2° L'a-t-ii faite parce qu'il est bon ? — 3° L'a-t-il faite par l'intermédiaire des anges ? — 4° Les formes des corps ont-elles les anges pour créateurs ou viennent-elles de Die» immédiatement ?ARTICLE I. — La créature corporelle a-t-elle été créée par Dieu (2) ?
DIFFICULTÉ: 1. Il semble que la créature corporelle ne vienne pas de Dieu. Car il est dit (Eccles. III, 14): J'ai appris que tout ce que Dieu a fait existe éternellement. Or, les créatures corporelles ne sont pas éternelles, d'après ces paroles de l'Apôtre (II Cor. IV, 18) : Les choses que l'on voit sont temporelles, mais celles que l'on ne voit pas sont éternelles. Dieu n'a donc pas fait les choses visibles.
SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que toutes les créatures de Dieu sont éternelles sous un rapport, au moins quant à la matière; parce que, bien qu'elles soient corruptibles, elles ne seront cependant jamais réduites au néant. Mais plus les créatures approchent de Dieu et plus elles sont stables et immuables comme lui. En effet les créatures corruptibles sont éternelles quant à la matière, mais leurs formes substantielles sont variables. Les créatures incorruptibles sont substantiellement éternelles, mais elles changent sous d'autres rapports, par exemple elles changent de lieu comme les corps célestes, et elles changent d'affections, comme les êtres spirituels.
Et quand l'Apôtre dit : Les choses que nous voyons sont temporelles; bien que ce soit vrai des choses considérées en elles-mêmes, puisque toute créature visible est soumise au temps, soit en raison de son être, soit en raison de son mouvement ; néanmoins il veut parler des choses visibles comme récompenses de l'homme. Car les récompenses de l'homme qui consistent en ces choses sont passagères, tandis que celles qui consistent dans les biens invisibles sont éternelles. C'est pourquoi le même Apôtre avait dit précédemment : Que ce que nous souffrons en cette vie produit en nous le poids éternel d'une souveraine et incomparable gloire (II Cor. IV, 17).
DIFFICULTÉ: 2. Il est dit dans la Genèse (Gen. I, 31) : Dieu vit toutes les choses qu'il avait faites, et elles étaient fort bonnes. Or, les créatures corporelles sont mauvaises, car elles nous sont souvent nuisibles; ainsi beaucoup de serpents sont venimeux, la chaleur du soleil nous fait mal, etc. On appelle mauvaises les choses qui nuisent. Donc Dieu n'a pas fait les créatures corporelles.
SOLUTION: 2. Il faut répondre au second, que la créature corporelle est naturellement bonne, mais elle n'est pas le bien universel, elle n'est qu'un bien particulier et restreint d'une certaine manière. Par là même que c'est une chose particulière et restreinte il s'ensuit qu'il y a en elle une sorte de contrariété ou d'opposition qui résulte de ce qu'un corps est contraire à l'autre, bien qu'ils soient bons l'un et l'autre considérés en eux-mêmes.
Il y a des hommes qui, ne jugeant pas des choses d'après leur nature, mais d'après l'avantage qu'ils en retirent, regardent comme absolument mauvais tout ce qui leur est nuisible, sans observer que ce qui nuit à l'un peut être avantageux à un autre, et qu'il peut même être avantageux à la même personne sous un autre rapport. Ce qui ne serait pas si les corps étaient nuisibles et mauvais en eux-mêmes.
DIFFICULTÉ: 3. Ce qui est de Dieu n'éloigne pas de lui, mais y ramène. Or, les créatures corporelles nous éloignent de Dieu ; c'est ce qui fait dire à l'Apôtre : Nous ne considérons point les choses visibles (II. Cor. IV, 18). Donc les créatures corporelles ne sont pas de Dieu.
SOLUTION: 3. Il faut répondre au troisième, que les créatures n'éloignent pas de Dieu par elles-mêmes, mais qu'elles y ramènent, parce que, comme le dit l'Apôtre (Rom. I, 20) : Ce qu'il y a d'invisible en Dieu est rendu visible par la connaissance que ses créatures nous en donnent. Or, si elles détournent de Dieu, c'est par la faute de ceux qui en font mauvais usage. C'est ce qui fait dire à la Sagesse (Sap. XIV, 11) que les créatures sont un filet où les pieds des insensés se prennent.
D'ailleurs, par là même qu'elles éloignent de Dieu, c'est une preuve qu'elles en viennent. Car elles n'éloignent de Dieu les insensés qu'en les séduisant par ce qu'il y a de bon en elles, et ce qu'elles ont de bon ne peut avoir une autre origine que Dieu lui-même.
MAIS c'est le contraire . Car il est écrit (Ps. CXLV, 6) : C'est Dieu qui a fait le ciel et la terre et la mer et tout ce qu'ils renferment.
CONCLUSION :…
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(2) Cet article est une réfutation de l'hérésie des manichéens qui prétendaient que les choses corporelles ont été produites par le mauvais principe, des albigeois qui enseignaient que le diable a créé tous les corps, et des cathares qui voulaient qu'il eût fait le monde et tout ce qu'il renferme.
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Louis- Admin
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
CONCLUSION. — Puisque toutes les choses corporelles ont la même essence, il faut aussi qu'elles dépendent toutes de la même cause efficiente, c'est-à-dire de Dieu.
Il faut répondre qu’il y a des hérétiques qui ont supposé que Dieu n'avait pas créé les choses visibles (3), mais qu'elles avaient pour cause le mauvais principe. A l'appui de leur erreur ils citent ces paroles de l'Apôtre (II, Cor. IV, 4) : Le Dieu de ce siècle a aveuglé les esprits des infidèles. Mais cette hypothèse est tout à fait inadmissible. Car quand des êtres divers sont unis par un fonds qui leur est commun, on est obligé de reconnaître que cette union a une cause quelconque; parce qu'il ne peut se faire que des êtres divers s'unissent par eux-mêmes.
Par conséquent toutes les fois qu'on trouve entre des choses diverses une unité quelconque, il faut que cette unité ait été produite par une cause qui soit une aussi; ainsi divers corps qui sont chauds reçoivent leur chaleur du feu. Or, l'être fait le fonds commun de toutes les choses qui existent, quelque diverses qu'elles soient. Il faut donc que toutes les choses qui existent aient le même principe duquel elles tiennent l'être, quelles qu'elles soient ou de quelque manière qu'elles soient, qu'elles soient invisibles et spirituelles, ou qu'elles soient visibles et corporelles. Quand l'Apôtre appelle le diable le Dieu du siècle, il n'a pas voulu dire qu'il était l'auteur de la création, mais il lui a donné ce nom, parce que ceux qui vivent selon le siècle le servent. Et c'est dans Je même sens qu'il parle de ceux qui font leur Dieu de leur ventre (Phil. III, 19).
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(3) Les hérétiques ont été condamnés par le concile de Nicée, qui proclame Dieu le créateur de tout ce que nous voyons et de tout ce que nous ne voyons pas, omnium visibilium invisibiliumque factorem; par le concile de Latran qui a défini le même dogme; par le concile de Braga (can. VIII) et par le pape saint Léon (Ep. 71, cap. 8 ).
A suivre : ARTICLE II. — LA CRÉATURE CORPORELLE A-T-ELLE POUR FIN LA BONTÉ DE DIEU ?
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Louis- Admin
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
ARTICLE II. — LA CRÉATURE CORPORELLE A-T-ELLE POUR FIN LA BONTÉ DE DIEU (1)?
DIFFICULTÉ: 1. Il semble que la créature corporelle n'ait pas pour fin la bonté de Dieu. Car il est dit dans la Sagesse (Sap. I, 14) : Dieu a créé toutes choses pour qu'elles existent. Donc toutes les créatures ont pour fin leur existence propre et non la bonté de Dieu.
SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que par là même qu'une créature quelconque a l'être, elle représente à ce titre l'être et la bonté de Dieu. C'est pourquoi, de ce que Dieu a créé toutes choses pour qu'elles fussent, il ne s'ensuit pas qu'il ne les ait pas créées aussi pour sa bonté.
DIFFICULTÉ: 2. Le bon établit le rapport de la fin. Par conséquent ce qu'il y a de meilleur dans les êtres est la fin de ce qu'il y a de moins bon. Or, la créature spirituelle est à la créature corporelle ce qu'un plus grand bien est à un bien moindre. Donc la créature corporelle a pour fin la créature spirituelle et non la bonté de Dieu.
SOLUTION : 2. Il faut répondre au second que la fin prochaine n'exclut pas la fin dernière. Par conséquent, que la créature corporelle ait été produite sous un rapport à cause de la créature spirituelle, ceci n'empêche pas qu'elle n'ait été aussi produite à cause de la bonté de Dieu.
DIFFICULTÉ: 3. La justice ne distribue inégalement ses dons qu'à ceux qui ne sont pas égaux. Or, Dieu est juste. Par conséquent antérieurement à toute inégalité qu'il a créée il y a eu une inégalité qu'il n'a pas créée. Cette inégalité n'a pu avoir d'autre principe que le libre arbitre. D'où il suit que cette inégalité est une conséquence des divers mouvements de cette puissance. Or, les créatures corporelles étant inégales aux créatures spirituelles, elles ont donc été créées à cause du libre arbitre et de ses déterminations et non pour la bonté de Dieu.
SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que l'égalité de la justice a lieu quand on rend à quelqu'un ce qui lui est dû. Il est juste en ce sens qu'on donne les mêmes choses à ceux qui ont des droits égaux. Mais il n'y a pas lieu d'appliquer la justice à l'origine primitive des choses. Car, comme un architecte ne fait pas d'injustice en posant des pierres de même nature dans différentes parties d'un édifice, sans se laisser guider dans ses préférences par une différence quelconque qu'il aurait antérieurement remarquée dans les matériaux qu'il emploie, ne s'inquiétant au reste que de la perfection de sa construction qui exige que ces pierres soient placées de différentes manières ; de même Dieu, pour que l'univers fût parfait, a produit selon sa sagesse des créatures diverses et inégales, et il a pu sans injustice mettre les unes au-dessus des autres sans qu'il y ait eu de leur part un mérite antérieur capable de justifier cette distinction.
MAIS c'est le contraire . Car il est dit (Prov. XII, 4) que le Seigneur a tout fait pour lui-même.
CONCLUSION :…
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(1) Les origénistes et les priscillianistes ont enseigné que les corps n'avaient été créés que pour punir les âmes. Cette erreur fut condamnée par le sixième concile de Constantinople (Act. Xl) et par le concile de Braga, sous le pape Honorius Ier. Saint Thomas la réfute dans cet article.
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
CONCLUSION. — Toutes les choses visibles et corporelles ont eu Dieu pour cause efficiente, et il ne les a pas créées pour punir les êtres spirituels, mais il a voulu les produire pour représenter sa divine bonté.
Il faut répondre qu'Origène a supposé que Dieu n'avait pas eu d'abord l'intention de produire des créatures corporelles, qu'il ne les avait créées que pour punir les êtres spirituels qui avaient péché.
Dans son système, Dieu n'aurait fait d'abord que des créatures spirituelles toutes égales, dont les unes, en vertu du libre arbitre, se seraient tournées vers Dieu et auraient conservé leur nature spirituelle avec un degré de gloire plus ou moins élevé, selon qu'elles se seraient tournées vers Dieu avec plus ou moins de force et d'énergie ; les autres se seraient détournées de Dieu et auraient été enchaînées à divers corps, selon qu'elles se seraient plus ou moins éloignées de lui.
Ce système est tout à fait erroné.
1° Parce qu'il est contraire à l'Écriture qui, en racontant la création de chaque être corporel, ajoute (Gen..1) : Dieu vit que c'était bon, comme s'il eût dit : tout ce qui a été fait existe, parce qu'il est bon qu'il soit. Dans le système d'Origène, la créature corporelle n'a pas été créée parce qu'il est bon qu'elle existe, mais pour punir un autre être du péché qu'il a fait.
2° Ce système est faux, parce qu'il suivrait de là que l'ordre actuel du monde serait l'effet du hasard. Car, si le soleil tel qu'il existe a été créé pour punir un être spirituel d'un péché dans lequel il est tombé, il résulte de là que si plusieurs créatures spirituelles eussent péché de la même manière que celle dont la faute a été cause de la création de cet astre, il y aurait eu dans le monde plusieurs soleils. On peut faire le même raisonnement sur toutes les autres créatures, ce qui répugne.
— Ce sentiment étant rejeté comme erroné, il faut observer que l'univers entier se compose de toutes les créatures, comme le tout de ses parties. Or, si nous voulons déterminer le but d'un tout quelconque et de ses parties, nous trouverons :
1° que chacune des parties existe en vue d'une action propre; ainsi l'œil est fait pour voir;
2° que la partie la moins noble se rapporte à la plus noble; ainsi les sens se rapportent à l'intelligence, le poumon au cœur;
3° que toutes les parties sont pour la perfection du tout comme la matière est pour la forme; car les parties sont pour ainsi dire la matière du tout ;
4° enfin, l'homme tout entier existe pour une fin extrinsèque, par exemple, pour jouir de Dieu.
De même, chacune des parties de l'univers existe
1° pour son acte propre et pour sa perfection;
2° les créatures les moins nobles existent pour les plus nobles; c'est ainsi que celles qui sont au-dessous de l'homme se rapportent à lui.
3° Chacune des créatures contribue à la perfection de l'ensemble de l'univers.
4° Enfin l'univers entier avec chacune de ses parties se rapporte à Dieu comme à sa fin, dans le sens qu'il y a dans tous les êtres un certain reflet de la Divinité qui représente sa bonté et fait ainsi ressortir sa gloire.
Ce qui n'empêche pas que les êtres raisonnables n'aient d'une manière toute spéciale Dieu pour fin, et qu'ils n'y arrivent par l'exercice de leurs facultés, c'est-à-dire par l'intelligence et l'amour.
Il est donc évident que toutes les choses corporelles ont pour fin la bonté divine.
A suivre : ARTICLE III. — DIEU A-T-IL PRODUIT LES CORPS PAR L'INTERMÉDIAIRE DES ANGES ?
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
ARTICLE III. — DIEU A-T-IL PRODUIT LES CORPS PAR L'INTERMÉDIAIRE DES ANGES (1)?
DIFFICULTÉ: 1. Il semble que Dieu ait produit les corps par l'intermédiaire des anges. Car, comme c'est la sagesse divine qui gouverne toutes les créatures, c'est elle aussi qui les a toutes créées, d'après ces paroles du Psalmiste (Ps. CIII, 24) : Vous avez tout fait dans votre sagesse. Or, c'est au sage qu'il appartient d'ordonner, comme le dit Aristote (Met. lib. 1, cap. 2). C'est pourquoi, dans le gouvernement de l'univers, les êtres inférieurs sont régis suivant un certain ordre par les êtres supérieurs, comme l'observe saint Augustin (De Trin., lib. III, cap. 4). Tel a donc aussi été l'ordre de la création, que la créature corporelle, comme étant inférieure, a été produite par la créature spirituelle qui lui était supérieure.
SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que dans la production des êtres il y a à la vérité un ordre, mais que cet ordre ne consiste pas en ce qu'une créature soit créée par une autre, ce qui est impossible; il consiste seulement en ce que la divine sagesse a établi entre les créatures divers degrés qui constituent une sorte de hiérarchie.
DIFFICULTÉ: 2. La diversité des effets est une preuve de la diversité des causes, parce que la même cause produit toujours le même effet. Si donc toutes les créatures, tant spirituelles que corporelles, avaient été immédiatement produites par Dieu, il n'y aurait pas de différence entre tes créatures, l'une ne serait pas plus éloignée de Dieu que l'autre. Ce qui est évidemment faux, puisqu'Aristote dit (De Gener. et corrupt. lib. II, text. 59) qu'il y a des êtres corruptibles précisément parce qu'ils sont très-éloignés de Dieu.
SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que Dieu, sans détruire l'unité et la simplicité de sa nature, peut connaître des choses diverses, comme nous l'avons dit (quest. XIV, art. 2, et quest. XV, art. 1). Pour le même motif il peut produire dans sa sagesse des créatures diverses, selon la diversité des choses que son intelligence connaît, comme un ouvrier produit différents objets d'art d'après les différentes formes qu'il a présentes à son esprit.
DIFFICULTÉ: 3. Pour produire un effet fini, il ne faut pas une puissance infinie. Or, tout corps est fini. Donc tout corps a pu être produit et l'a été en effet par la puissance finie d'une créature spirituelle. Car dans ce cas, pouvoir une chose et la faire, c'est identique ; surtout quand on considère que tout être jouit des prérogatives qui lui sont naturelles, à moins que le péché ne les lui ait ravies.
SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que l'étendue de la puissance de l'agent ne se mesure pas seulement d'après les choses qu'il a faites, mais encore selon la manière dont il les fait, parce que la même chose n'est pas faite par un agent très-puissant de la même manière que par un agent qui lui est beaucoup inférieur. Or, produire un être fini de manière que l'effet ne pré suppose rien d'antérieur à lui, c'est le fait d'une puissance infinie. Par conséquent il n'y a pas de créature qui puisse le faire.
MAIS c'est le contraire . Car il est dit dans la Genèse (Gen. I, 1): Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. Par ces paroles on entend la créature corporelle. Donc elle a été immédiatement produite par Dieu.
CONCLUSION :…
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(1) L'Écriture nous apprend que Dieu a créé lui-même les créatures corporelles. Indépendamment des paroles de la Genèse, nous pouvons citer ces mots de l'Ecclésiastique ( Eccles. XVIII) : Qui vivit in æternum creavit omnia simul; et le concile de Latran a défini clairement cette vérité: Deus est unum universorum principium, qui simul utramque condidit creaturam angelicam videlicet et mundanam. Comme le dit saint Jean Damascène (De fide orth. lib.1, cap. 3): Impium est et hæreticum dicere aliquam creaturam creasse.
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Louis- Admin
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
CONCLUSION. — Dieu a été la cause efficiente et immédiate des créatures corporelles, et il ne les a pas produites par l'intermédiaires des anges.
Il faut répondre qu'il y a des auteurs qui ont prétendu que les êtres sont sortis de Dieu successivement de telle sorte que la première créature est sortie de lui immédiatement, que celle-ci en a ensuite produit une autre, jusqu'à ce qu'on soit ainsi parvenu à la créature corporelle qui est l'être le plus infime (1)(L). Mais ce sentiment est impossible à soutenir, parce que la première production de la créature corporelle a été une création. La matière a été d'abord créée, parce que l'imparfait est toujours antérieur au parfait quand il s'agit des choses qui sont faites.
Or, il n'y a que Dieu qui puisse créer. Pour s'en convaincre, il faut remarquer que plus une cause est élevée et plus nombreux sont les effets auxquels elle s'étend quand elle agit. D'un autre côté le substratum (2) des choses est toujours plus commun, plus général que ce qui en fait la forme et les limites. Ainsi l'être est plus général que la vie, la vie l'est plus que l'intelligence, et la matière plus que la forme. Donc le substratum des choses provient d'une cause d'autant plus élevée qu'il est lui-même plus général. Par conséquent, le substratum primordial de tous les êtres ne peut relever que de la cause première.
Il n'y a donc pas de cause seconde qui puisse produire un effet sans que son action ne présuppose dans l'être sur lequel elle agit quelque chose qui provient de la cause supérieure. Or, la création est la production substantielle de l'être, elle ne présuppose rien de créé ou d'incréé qui soit antérieur à son action. C'est pourquoi la création ne peut être que l'œuvre de Dieu qui est la cause première.
Et c'est pour montrer que tous les corps ont été créés par Dieu immédiatement que Moïse a dit: Au commencement Dieu créa le ciel et la terre.
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(1) C’est le système des émissions soutenu par Avicenne et par tous les alexandrins.
(L) Note du côté latin :Ce système, qui avait été imaginé par les philosophes païens, a été admis par des hérétiques, dont les plus remarquables sont: Simon le Magicien, Saturnin, Basilide, Carpocrate, Cérinthe et les gnostiques.
(2) C’est la base et le fondement de l’être.
A suivre : ARTICLE IV. — LES FORMES DES CORPS VIENNENT-ELLES DES ANGES ?
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Louis- Admin
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
ARTICLE IV. — LES FORMES DES CORPS VIENNENT-ELLES DES ANGES (1)?
DIFFICULTÉ: 1. Il semble que les formes des corps viennent des anges. Car Boëce dit (De Trin.) que les formes qui existent dans la matière viennent des formes qui sont immatérielles. Or, les formes immatérielles sont les substances spirituelles, et les formes qui existent dans la matière sont les formes des corps. Donc les formes des corps viennent des substances spirituelles.
SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que Boëce entend par formes immatérielles les raisons des choses qui sont dans l'entendement divin, comme le dit aussi l'Apôtre (Hebr. XI, 3) : C'est par la foi que nous savons que le monde a été fait par la parole de Dieu, de telle sorte que les choses invisibles sont devenues visibles. Si cependant par formes immatérielles on entend les anges, on doit dire que les formes corporelles viennent d'eux, non qu'ils en soient les auteurs, mais les moteurs.
DIFFICULTÉ: 2. Tout ce qui existe par participation se ramène à ce qui existe par essence. Or, les substances spirituelles sont des formes qui existent par leur essence, et les créatures corporelles participent aux formes. Donc les formes des choses corporelles proviennent des substances spirituelles.
SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que les formes auxquelles la matière participe ne se rapportent pas à des formes qui subsistent par elles-mêmes, comme les platoniciens l'ont supposé (1), mais elles se rapportent aux formes intelligibles qui sont dans l'entendement des anges d'où elles émanent par le moyen du mouvement, ou en remontant plus haut elles reviennent aux idées qui sont dans l'entendement divin, et qui ont imprimé dans les créatures le principe de la raison séminale de ces formes, pour que par le mouvement elles les fassent passer de la puissance à l'acte.
DIFFICULTÉ: 3. Les substances spirituelles ont comme cause une énergie plus grande que les corps célestes. Or, les corps célestes produisent les formes des corps inférieurs, d'où l'on conclut qu'ils sont cause de la génération et de la corruption. Donc à plus forte raison les formes qui sont dans les êtres matériels proviennent-elles des substances spirituelles.
SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que les corps célestes produisent les formes des êtres inférieurs, non comme cause première, mais comme cause motrice.
MAIS c'est le contraire . Car saint Augustin dit (De Trin. lib. III, cap. 8 ) qu'il ne faut pas penser que la matière corporelle obéisse aux anges à volonté, mais qu'elle n'obéit ainsi qu'à Dieu. Or, la matière corporelle obéit à la volonté de celui dont elle reçoit sa forme. Donc les formes des corps viennent de Dieu et non des anges.
CONCLUSION :…
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(1) Cet article est une réfutation de l'erreur des platoniciens, d'Avicenne et, comme le dit saint Thomas, de quelques hérétiques modernes, qui ne pourraient être que les albigeois et les cathares.
(1) Le tort des platoniciens, comme nous l'avons déjà dit, est d'avoir considéré les formes comme des choses absolues, indépendantes de l'intelligence divine.
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Louis- Admin
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
A SUIVRE: QUESTION LXVI. — DE L'ORDRE DE LA CRÉATION CONSIDÉRÉ PAR RAPPORT À LA DISTINCTION DES CRÉATURES.
CONCLUSION. — Les formes qui donnent l'être aux objets composés étant elles-mêmes sensibles et matérielles, elles n'ont pas pour cause des formes spirituelles, ou du moins celles-ci ne sont par rapport à elles que des causes motrices ; mais elles viennent de Dieu comme de leur cause première, et elles ont pour causes prochaines les agents composés et corporels qui les font sortir de la matière où elles sont en puissance.
Il faut répondre qu'il y a des philosophes qui ont prétendu que toutes les formes des corps proviennent des substances spirituelles auxquelles nous donnons le nom d'ange. Et ce sentiment a été soutenu de deux manières.
Platon a supposé que les formes qui existent dans la matière corporelle proviennent des formes immatérielles, auxquelles elles auraient en quelque sorte participé. Ainsi il prétendait que l'homme avait d'abord subsisté immatériellement, qu'il en était de même du cheval et de tous les autres êtres dont se compose le monde sensible, et qu'ensuite la matière corporelle avait reçu de ces formes séparées une certaine impression qui lui avait communiqué leur ressemblance ou qui l'avait fait participer, comme il le dit, à leur manière d'être.
Les platoniciens réglaient d'après l'ordre des formes l'ordre des substances séparées. Ainsi, par exemple, la substance séparée, qui est le cheval, étant la cause de tous les chevaux, au-dessus de cette substance il y avait la vie séparée qu'ils disaient la vie absolue, et la cause de toute vie. Et enfin au delà se trouvait une autre substance qu'ils appelaient l'être lui-même et la cause de tout être.
— Avicenne et quelques autres philosophes n'ont pas supposé que les formes des choses corporelles subsistassent par elles-mêmes dans la matière, mais seulement dans l'intelligence. Ils disaient donc que toutes les formes qui existent dans la matière corporelle provenaient, des formes qui sont dans l'entendement des créatures spirituelles qu'ils désignaient sous le nom d'intelligences et auxquelles nous donnons le nom d'anges, et ils ajoutaient qu'elles en provenaient comme les formes des objets d'art proviennent des formes qui sont dans l'esprit de l'artisan qui les produit.
— Il semble qu'on peut ramener à cette opinion le sentiment de quelques hérétiques modernes qui disent que Dieu est le créateur de tous les êtres, mais que le démon a formé les corps et les a ainsi distingués en différentes espèces.
— Or, toutes ces opinions paraissent venir de la même source. Car tous ces philosophes se sont trompés, parce qu'ils ont cherché la cause des formes comme si elles étaient faites elles-mêmes (a). Mais, comme le prouve Aristote (Met. lib. VII, text. 26,27, lib. VIII, text. 8 ), ce qui est fait c'est le composé (b). Or, les formes des choses corruptibles ont ceci de particulier que parfois elles existent et parfois elles n'existent pas, sans qu'on puisse dire qu'elles soient engendrées et corrompues, mais suivant que les êtres composés qui les reçoivent sont engendrés ou corrompus. Car les formes n'ont pas l'être, mais ce sont les choses composées qui ont l'être par elles; ainsi, il ne convient à une chose d'être faite que comme il lui convient d'être (1).
C'est pourquoi, d'après ce principe que le semblable ne peut venir que de son semblable, on ne doit pas chercher dans une forme immatérielle quelconque la cause des formes matérielles, mais on doit la chercher dans ce qui est composé. C'est ainsi que le feu est produit par le feu.
Les formes corporelles sont donc produites non comme si elles émanaient d'une forme immatérielle, mais comme une matière qu'un agent composé fait passer de la puissance à l'acte ( c ). Mais comme l'agent composé qui est un corps est mû par une substance spirituelle créée, comme le dit saint Augustin (De Trin. lib. III cap. 4 et 5), il s'ensuit en remontant plus haut que les formes corporelles proviennent des substances spirituelles, non que celles-ci en soient la cause première, mais elles en sont la cause motrice, il faut donc faire remonter jusqu'à Dieu, comme à la cause première, les espèces des intelligences célestes ou leurs formes intellectuelles que saint Augustin appelle les raisons séminales des formes corporelles.
Et comme dans la première production des corps il n'y a pas eu transition de la puissance à l'acte (d), il s'ensuit que les formes corporelles qu'ont reçues les êtres matériels à leur création ont été produites par Dieu immédiatement; car il n'y a que lui à qui la matière obéisse à volonté comme à sa cause propre. C'est pourquoi Moïse pour exprimer cette pensée a pris soin de dire en parlant de chaque chose : Dieu a dit que ceci ou que cela soit fait, afin d'indiquer que la formation de tous les êtres s'est opérée par le Verbe de Dieu, duquel, d'après saint Augustin (Tract, I in Joan.), vient absolument la forme, l'ensemble et l'harmonie de toutes les parties de l'univers.
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(1) Par conséquent si elle n'existe qu'improprement elle n'est faite qu'improprement.
Notes du côté latin:
(a) D'après la théorie péripatéticienne, la forme n'a pas proprement l'être, mais elle est ce par quoi le composé a l'être; c'est pourquoi elle n'est pas faite, à proprement parler, mais elle est seulement ce par quoi une chose est faite.
(b) Le composé c'est le corps réel qui renferme matière et forme, et qui reçoit le nom de composé, à cause de la réunion de ces deux éléments.
(c) Tirer une chose de la puissance de la matière, c'est faire, dit ailleurs saint Thomas, que ce qui était auparavant en puissance devienne en acte. Et pour tirer de la puissance de la matière les formes corruptibles, il faut trois choses: 1º que la matière soit présupposée ; 2º qu'elle contienne en puissance la forme qui doit être produite ; 3º qu'elle concoure à la production de la forme, de telle sorte que l'agent ne la produise qu'avec son concours, et que son action la présuppose à la manière d'un sujet préexistant.
(d) Les formes des cieux et des éléments ne sont pas sorties de la puissance de la matière dans la création, mais elles ont été créées simultanément avec elle. C'est du moins, d'après Goudin, la doctrine communément suivie par les thomistes.
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Question LXVI: DE L'ORDRE DE LA CRÉATION CONSIDÉRÉ PAR RAPPORT À LA DISTINCTION DES CRÉATURES.
Après avoir parlé de la création, nous avons à nous occuper de la distinction des créatures. Nous traiterons, 1° de l'ordre de la création considéré par rapport à cette distinction; 2º de la distinction considérée en elle-même. — Sur le premier point quatre questions se présentent : 1° La matière créée a-t-elle été informe pendant un temps? — 2º N'y a-t-il eu qu'une seule matière pour tous les corps? — 3° Le ciel empyrée a-t-il été créé en même temps que la matière informe? — 4° Le temps a-t-il été créé simultanément avec la matière ?ARTICLE I. — LA MATIÈRE INFORME A-T-ELLE PRÉCÉDÉ DE QUELQUE TEMPS LA MATIÈRE FORMÉE (2) ?
DIFFICULTÉ 1.Il semble que la matière ait été informe pendant 'quelque temps avant d'être formée. Car il est dit dans la Genèse (Gen. I, 2) : La terre était informe, vide, ou d'après une autre traduction (3) : Elle était invisible et n'était pas formée. Ce qui signifie, d'après saint Augustin (Conf. lib. XII, cap. 12, et Sup. Gen. ad litt. lib. II, cap. 44), que la matière était informe. Elle fut donc informe pendant quelque temps avant d'être formée.
SOLUTION 1. Il faut répondre au premier argument, que dans ce passage saint Augustin ne prend pas le mot terre dans le même sens que les autres Pères. Il veut qu'en cet endroit la terre et l'eau expriment la matière première. Car Moïse ne pouvait représenter à un peuple grossier la matière première que sous l'image des choses qu'il connaissait. C'est pourquoi il emploie plusieurs similitudes; il ne l'appelle pas exclusivement eau ou terre, dans la crainte que la matière première ne leur parût en réalité être la terre ou l'eau. Elle a cependant de l'analogie avec la terre, puisque comme la terre elle sert de base aux formes (2), et elle en a aussi avec l'eau, puisque, comme l'eau, elle est susceptible de revêtir des formes diverses (3).
D'après cela il est donc dit que la terre était nue et vide, ou invisible et sans ornements, parce que c'est par la forme qu'on connaît la matière.
D'où l'on conclut que considérée en elle-même elle est invisible et nue, et que sa puissance est remplie par la forme. C'est aussi de là que Platon (Timée) concluait que la matière est un lieu. Mais les autres Pères entendent par terre l'élément lui-même auquel nous donnons ce nom, et nous avons dit (in corp. art.) de quelle manière ils comprenaient qu'elle avait été informe.
DIFFICULTÉ: 2...
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(2) Dans cet article saint Thomas se propose de concilier le sentiment de saint Augustin avec ce de tous les autres Pères sur l'état primitif de la nature.
(3) C'est la traduction des Septante.
(2) Elle est le sujet premier de tout ce qui existe dans l’ordre de la nature.
(3) Elle est susceptible de recevoir les formes de toutes les substances, comme la cire peut recevoir toutes les figures. Ces deux caractères donnent la définition de la matière première.
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
ARTICLE I. — LA MATIÈRE INFORME A-T-ELLE PRÉCÉDÉ DE QUELQUE TEMPS LA MATIÈRE FORMÉE (2) ?SUITEDIFFICULTÉSSUITE
DIFFICULTÉ: 2. La nature imite dans ses œuvres l'œuvre de Dieu, comme la cause seconde imite la cause première. Or, dans les œuvres de la nature l'être est toujours informe avant d'être formé. Donc il en est de même dans les œuvres de Dieu.
SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que la nature fait sortir d'un être en puissance un effet en acte, et c'est pourquoi il faut que dans toutes ses œuvres la puissance précède l'acte, l'informité la formation. Mais Dieu produit de rien l'être en acte; il peut donc immédiatement faire une chose parfaite en raison de l'étendue de sa puissance.
DIFFICULTÉ: 3. La matière est au-dessus de l'accident puisqu'elle fait partie de la substance. Or, Dieu peut faire qu'un accident existe sans sujet comme il arrive au sacrement de l'autel. Donc il a pu faire que la matière existât sans sa forme.
SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, qu'un accident étant une forme est par là même un acte, tandis que la matière est d'après son essence un être en puissance. Il répugne donc plus à la matière d'être en acte sans forme qu'à l'accident d'exister sans sujet.
Il faut répondre au premier argument que l’on fait en faveur de la thèse opposée que si, comme le prétendent les autres Pères, l'informité de la matière a temporellement précédé sa formation, ce n'est pas que Dieu ait été dans l'impuissance de faire autrement, mais c'est que sa sagesse a voulu qu'il suivît un certain ordre dans la création de l'univers, et que tous les êtres passassent de l'imparfait au parfait.
Il faut répondre au second , qu'il y a eu des philosophes païens qui ont supposé que primitivement tout était dans une confusion qui excluait toute distinction, à l'exception de la réserve que fit Anaxagoras à l'égard de l'entendement qu'il regardait comme distinct et pur de tout mélange (1). Mais avant de parler de la séparation des êtres, l'Écriture établit plusieurs distinctions :
1° celle du ciel et de la terre où elle exprime une distinction qui repose sur la matière, comme nous le verrons ( quest. LXIX, art. 1). C'est ce qu'elle dit par ces paroles : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, etc.
2° La distinction des éléments quant à leurs formes, et c'est ce qu'elle désigne en parlant de la terre et de l'eau. Elle ne parle pas de l'air, ni du feu, parce que aux yeux des hommes grossiers auxquels Moïse parlait, ces éléments n'étaient pas aussi manifestement des corps que la terre et l'eau; bien que Platon (Tim.. cap. 26) ait cru que ces mots, le souffle du Seigneur, indiquaient l'air, car souvent on donne à l'air le nom de souffle, et qu'il ait pensé que le feu était désigné par le mot ciel, qu'il considérait comme étant d'une nature ignée, d'après saint Augustin (De civ. Dei, lib. VIII, cap. 11). Mais le rabbin Moïse, d'accord sur tout le reste avec Platon, dit que le feu est désigné par les ténèbres, parce qu'il ne brille pas dans une sphère qui lui est propre. Au reste il semble plus convenable de répéter ce que nous avons dit précédemment; c'est que ces mots : spiritus Domini, sont ordinairement pris dans l'Écriture pour l'Esprit-Saint, qui d'après la Genèse était porté sur les eaux, non corporellement, mais comme la volonté de l'ouvrier se porte sur la matière qu'il veut former.
3° La distinction de position, car il est dit que la terre était sous les eaux qui la rendaient invisible. Et l'Écriture indique que l'air qui est le sujet des ténèbres était au-dessus, par ces autres paroles : Les ténèbres étaient sur la face de l'abîme. Ce qui nous reste à dire (quest. LXXI) fera connaître les distinctions que Dieu avait encore à établir entre les êtres.
1. MAIS c'est le contraire . Car l'imperfection de l'effet prouve l'imperfection de l'agent. Or, Dieu est l'agent le plus parfait; c'est pourquoi il est dit de lui (Deut. XXXII, 4) que toutes ses œuvres sont parfaites. Donc ce qu'il a créé n'a jamais été informe (2).
2. La formation des corps a été le résultat de la distinction que Dieu a établie entre eux. Or, la confusion est opposée à la distinction, comme l'informité est opposée à la formation. Par conséquent si l'informité de la matière a eu une priorité de temps sur sa formation, il s'ensuit que dès le commencement il y a eu dans le monde matériel cette confusion à laquelle les anciens ont donné le nom de chaos (a).
CONCLUSION :…
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(2) Dans cet article saint Thomas se propose de concilier le sentiment de saint Augustin avec ce de tous les autres Pères sur l'état primitif de la nature.
(1) Aristote rapporte ce sentiment d'Anaxagore (De l'âme, liv. I, ch. 2, § 13), et la discute dans le même traité (liv. III, ch. 4, § 9).
(2) Cet argument et le suivant ont pour objet de soutenir la contre-partie de la thèse.
Note du côté latin: (a) : Du mot grec χάος qui signifie confusion, parée que la masse du monde entier fut d'abord confuse, d'après ces vers d'Ovide (Metam. in init.): Unus erat toto naturæ vultus in orbe, Quem dixere chaos, rudis indigestaque moles.
Dernière édition par Louis le Mer 29 Sep 2021, 7:04 am, édité 2 fois (Raison : Orthographe et insertion d'un lien; ajout dans le titre et insertion du lien sur la quest. LXXI.)
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
CONCLUSION. —L'informité de la matière n'a pas eu une priorité de temps, mais une priorité de nature sur sa formation ou sa distinction, mais elle a eu sur elle une priorité de temps si par la formation de la matière on entend sa beauté, son ornement.
Il faut répondre qu'à cet égard les saints Pères sont partagés de sentiments. Saint Augustin veut (Sup. Gen. lib. I, cap. 15) que l'informité de la matière ait eu sur sa formation non une priorité de temps, mais seulement une priorité d'origine ou de nature. Saint Basile (Hom. II, sup. hexam.), saint Ambroise (Hex. lib. I, cap. 8 ) et saint Chrysostome (Homil. II in Gen.), prétendent qu'elle a eu une priorité de temps.
Quoique ces opinions paraissent contradictoires, elles ne diffèrent cependant les unes des autres que légèrement. Car saint Augustin n'entend pas par le mot informité (informitas) la même chose que les autres Pères.
En effet, d'après saint Augustin, le mot informité signifie absence absolue de toute forme. Dans ce cas il y a impossibilité de dire que l'informité de la matière ait temporairement précédé sa formation ou sa distinction. C'est en effet évident pour sa formation. Car si la matière informe a eu une priorité de temps, elle était déjà en acte, comme la création l'implique. Or, le terme de la création est l'être en acte, et ce qui est en acte est une forme. Dire que la matière a préalablement existé sans la forme, c'est dire que l'être a été en acte sans être en acte, ce qui implique contradiction.
On ne peut pas dire non plus que la matière a eu d'abord une forme vague, générale et qu'ensuite elle a revêtu des formes diverses qui l'ont individualisée, distinguée. Car ce serait tomber dans l'erreur des anciens philosophes qui faisaient de la matière première un corps en acte, comme le feu, l'air, ou l'eau, ou quelque chose d'intermédiaire (2), d'où il résultait que la production des êtres n'était rien autre qu'une modification, un changement.
Car dans cette hypothèse, comme la forme donnait l'être à une chose en la plaçant dans le genre des substances et en en faisant un individu quelconque, il s'ensuivait que cette forme ne produisait pas l'être en acte absolument, mais qu'elle déterminait seulement sa manière d'être, ce qui est le propre de la forme accidentelle (a); et que par conséquent les formes subséquentes n'étaient que des accidents, insuffisants pour rendre compte de la production des êtres et n'influant que sur leur changement.
Il faut donc dire que la matière première n'a pas été créée absolument sans forme, qu'elle n'a pas été faite non plus avec une forme vague ou générale, mais qu'elle est sortie des mains de son auteur sous des formes distinctes.
Par conséquent si par l'informité de la matière…
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(2) Ces philosophes supposaient la matière incréée, et dans leur système, la production des êtres n'était qu'un changement, une modification de forme.
Note du côté latin. (a): On définit en effet la forme accidentelle celle qui survient à une chose déjà établie dans son être substantiel, et qui lui ajoute quelque chose de secondaire, comme la force et l'agilité sont les formes accidentelles d'an cheval.
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Louis- Admin
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
A suivre : ARTICLE II. — N'y A-T-IL QU'UNE SEULE MATIÈRE INFORME POUR TOUS LES CORPS ?CONCLUSION.(SUITE)
Par conséquent si par l'informité de la matière on veut dire que dans son état primitif la matière a été privée absolument de toute forme, il est clair que l'informité de la matière n'est point antérieure, selon le temps, à sa formation ou à sa distinction ; elle lui est seulement antérieure, comme le dit saint Augustin, quant à l'origine ou la nature, comme la puissance est antérieure à l'acte, ou comme la partie est antérieure au tout.
Pour les autres Pères, l'informité ne signifie pas la négation de toute forme, mais seulement l'exclusion de ce qui fait la beauté et l'ornement des choses corporelles. C'est dans ce sens qu'ils disent que l'informité de la matière corporelle a temporairement précédé sa formation. Ainsi sous un rapport leur sentiment s'accorde avec celui de saint Augustin, et sous un autre il en diffère, comme nous le verrons (quest. LXIX, art. 1). D'après le récit littéral de la Genèse on peut dire que les trois espèces de formes qui font maintenant la beauté de la création manquaient à la matière, et que pour ce motif on l'a appelée informe.
Ainsi,
1° le ciel et l'air n'étaient pas rendus clairs et transparents par l'éclat de la lumière; et tel est le sens de ces paroles : les ténèbres étaient sur la face de l'abîme.
2° La terre n'avait pas l'aspect qu'elle a eu depuis que les eaux se sont retirées, et c'est ce que signifient ces mots : la terre était nue et vide , c'est-à-dire invisible, parce que les eaux qui la couvraient empêchaient de la voir.
3° Elle n'était pas comme aujourd'hui couverte d'herbes et de plantes, et c'est pour cela qu'il est dit qu'elle était vide, non arrangée , c'est-à-dire, d'après une autre version, sans ornements (1). Ainsi, après avoir dit que Dieu avait créé deux natures, le ciel et la terre, Moïse a désigné ce que le ciel avait d'informe par ces paroles : les ténèbres étaient sur la face de l'abîme, et ce qu'il y avait d'informe dans la terre par ces mots : la terre était nue et vide.
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(1) Cette autre version est toujours celle des Septante.
Dernière édition par Louis le Dim 19 Sep 2021, 6:54 am, édité 1 fois (Raison : insertion d'un lien.)
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Q. LXVI.ARTICLE II. — N'Y A-T-IL QU’UNE SEULE MATIÈRE INFORME POUR TOUS LES CORPS (2)?
DIFFICULTÉ: 1. Il semble qu'il n'y eût qu'une seule matière informe pour tous les corps. Car saint Augustin dit (Conf. lib. XII, cap. 2) : Je trouve deux choses que vous avez faites, l'une qui avait une forme et l'autre qui n'en avait pas. Et il ajoute que cette dernière est la terre invisible et dépourvue d'ornements par laquelle il dit que la matière des corps est désignée. Donc il n'y a pour tous les corps qu'une seule et même matière.
SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que saint Augustin suit en cet endroit l'opinion de Platon, qui n'admettait pas une cinquième essence. Ou bien on peut dire que la matière informe est une, c'est-à-dire qu'elle ne forme qu'un seul et même ordre, comme tous les corps sont un dans l'ordre des choses corporelles.
DIFFICULTÉ: 2. Aristote dit (Met. lib. v, text. 10) que les êtres qui ne font qu'un seul et même genre sont d'une seule et même matière. Or, toutes les choses corporelles appartiennent au genre des corps. Donc elles n'ont toutes qu'une seule et même matière.
SOLUTION : 2. Il faut répondre au ssecond, que, physiquement parlant, les corps corruptibles et tous les corps incorruptibles ne sont pas du même genre, puisqu'ils ne sont pas tous les deux en puissance de la même manière (a), comme le dit Aristote (Met. lib. X, text. 26). Mais en parlant logiquement, tous les corps ne forment qu'un seul genre parce qu'ils sont tous compris sous l'idée de corporéité (1).
DIFFICULTÉ: 3. La diversité d'acte suppose la diversité de puissance, et l'unité d'acte l'unité de puissance. Or, tous les corps n'ont qu'une seule et môme forme, la corporéité (2). Donc pour tous les objets corporels il n'y a qu'une seule et même matière.
SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que la forme de la corporéité n'est pas la même dans tous les corps, parce que cette forme n'est pas autre que les formes par lesquelles les corps sont distingués les uns des autres, comme nous l'avons dit (in corp. art.).
DIFFICULTÉ: 4. La matière, considérée en elle-même, n'existe qu'en puissance, et les distinctions qui existent entre les êtres matériels proviennent des formes qu'ils revêtent. Donc il n'y a qu'une seule et même matière absolument parlant pour toutes les choses corporelles.
SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, que la puissance étant déterminée par l'acte, les êtres en puissance diffèrent entre eux par là même qu'ils se rapportent à des actes qui diffèrent aussi ; ainsi la vue qui se rapporte à la couleur diffère de l'ouïe qui se rapporte au son. La matière des corps célestes diffère donc de la matière des corps terrestres par là même qu'elle n'est pas en puissance par rapport à la forme élémentaire que les corps terrestres prennent.
MAIS c'est le contraire . Tous les êtres qui ont la même matière peuvent se transmettre leurs propriétés réciproques, agir l'un sur l'autre, et s'influencer mutuellement, comme le dit Aristote (De Gen. lib. I, text. 50 ). Or, les corps célestes et les corps inférieurs n'ont pas les uns sur les autres cette réciprocité de rapports. Donc il n'y a pas en eux qu'une seule et même matière.
CONCLUSION :…
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(2)Aristote et ses disciples ont distingué un cinquième élément qui n'est ni le feu, ni l'air, ni la terre, ni l'eau, et qu'ils appelaient la quintessence, ou la cinquième essence. Ils ont supposé que le ciel était composé du cinquième élément, et que pour ce motif ce n'était pas un corps corruptible, comme les corps inférieurs qui peuplent notre sphère. Saint Thomas adopte cette théorie, et cherche à la justifier.
(1) Nous avons cru nécessaire de forger ce mot pour rendre le mot latin corporetias
(2) Entre les corps corruptibles et les corps incorruptibles il y a une différence dans l’ordre de la nature, mais rationnellement il n’y en a pas.Note du côté latin :
(a) Ils diffèrent du genre physiquement, parce que la matière dont ils sont composés n'est pas la même, mais ils ont le même genre logiquement, parce qu'ils sont tous contenus dans le genre de la substance.
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Q. LXVI.Article II.SUITE
CONCLUSION. — Il n'y a pas qu'une seule et même matière pour tous les corps corruptibles et incorruptibles, il y a seulement entre eux une certaine analogie.
Il faut répondre que sur ce point il y a eu parmi les philosophes diversité de sentiments. Car Platon et tous les philosophes avant Aristote ont supposé que tous les corps étaient naturellement composés de quatre éléments. Ces quatre éléments composant une seule et même matière, comme le prouve la vertu qu'ils avaient de s'engendrer et de se corrompre réciproquement, il s'ensuivait conséquemment que tous les corps ont une seule et même matière.
Platon attribuait l'incorruptibilité de certains corps, non à la nature de la matière, mais à la volonté de l'auteur de l'univers, qu'il fait parler ainsi en s'adressant aux corps célestes (Tim. in princ.) : « Vous êtes corruptibles par votre nature, mais vous êtes incorruptibles par ma volonté, parce que ma volonté est supérieure au lien qui vous unit. »
Aristote combat ce système et le rejette en vertu des mouvements naturels des corps (De cœlo, lib. I, text. 5). Car le corps céleste ayant un mouvement naturel différent du mouvement naturel des éléments, il s'ensuit que sa nature est différente de la nature des quatre éléments (2). Et comme le mouvement circulaire, qui est le mouvement propre des corps célestes, n'est opposé à aucun autre, tandis que les mouvements des éléments sont contraires les uns aux autres (par exemple, celui qui va en haut est contraire à celui qui va en bas); de même le corps céleste existe sans principes contraires, tandis que les corps élémentaires sont toujours formés de principes opposés (a).
D'un autre côté, la génération ainsi que la corruption provenant d'éléments contraires, il s'ensuit que le corps céleste est par sa nature incorruptible, tandis que les corps élémentaires sont corruptibles. — Quoique parmi les corps les uns soient naturellement corruptibles et les autres incorruptibles,
Avicébron (3) a néanmoins avancé qu'il n'y avait pour tous les corps qu'une seule et même matière, parce que, dit-il, la forme corporelle est une. Mais si la corporéité était par elle-même une seule et même forme à laquelle viendraient se surajouter d'autres formes qui serviraient à établir entre les corps une distinction, il faudrait nécessairement admettre que cette forme est immuablement inhérente à la matière, et que tout corps serait par rapport à elle incorruptible. La corruption ne serait l'effet que des formes subséquentes, et ce ne serait plus une corruption absolue, mais une corruption relative, parce que sous la privation produite par la corruption il y aurait un être en acte, comme le supposaient les anciens philosophes païens, qui admettaient pour sujet des corps un être en acte comme le feu, l'air et autre chose semblable. — Mais si l'on suppose…
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(2) Saint Basile expose ce sentiment d’Aristote (Hexam. hom. 1).
(3) Avicébron et Averroës exerçaient une grande influence au XIIIe siècle; c’est pour ce motif que saint Thomas prend à tâche de les combattre et de les réfuter avec beaucoup de soin.
Note du côté latin : (a) Cette contrariété de mouvement influe sur leur disposition intrinsèque, et fait qu’elles sont corruptibles, tandis que les autres ne le sont pas.
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Q. LXVI.Article II.SUITECONCLUSION.(SUITE)
— Mais si l'on suppose que la forme qui est dans un corps corruptible ne reste pas soumise à la génération et à la corruption, il s'ensuit nécessairement que la matière des corps corruptibles et celle des corps incorruptibles n'est pas la même. Car la matière, d'après sa nature, est en puissance par rapport à la forme. Il faut donc que, considérée en elle-même, elle soit en puissance par rapport à la forme de tous les êtres dont la matière est commune. Une forme ne peut la mettre en acte que par rapport à elle-même; elle la laisse donc en puissance par rapport à toutes les autres formes. Ceci est encore vrai dans le cas où une des formes serait plus parfaite que les autres, et les contiendrait pour ce motif virtuellement, parce que la puissance se rapporte au parfait comme à l'imparfait sans aucune différence.
C'est pourquoi, quand une chose existe sous une forme imparfaite, elle est en puissance par rapport à sa forme parfaite, et réciproquement. Par conséquent, la matière existant sous la forme d'un corps incorruptible pourra encore être en puissance par rapport à la forme des corps corruptibles. Et puisqu'elle ne possède pas cette forme en acte, elle existera donc tout à la fois sous une forme et sans elle, c'est-à-dire dans un état de privation (a) ; car on donne ce nom à l'état d'un être qui n'a pas la forme qu'il pourrait avoir.
Il est donc impossible que les corps corruptibles et les corps incorruptibles aient naturellement la même matière.
— Toutefois, il ne faut pas dire avec Averroës (De Subst. orbis, cap. 2) que le corps céleste est la matière du ciel, un être en puissance par rapport au lieu et non par rapport à l'être, et que sa forme est une substance séparée qui lui est unie pour le mouvoir. Car il est impossible d'admettre un être en acte sans qu'il ne soit tout entier acte et forme, ou qu'il n'ait acte ou forme.
En faisant donc abstraction de la substance séparée dont Averroës fait un moteur, si le corps céleste n'a pas de forme, c'est-à-dire s'il n'y a pas en lui une forme et un sujet qui la reçoive, il s'ensuit qu'il est tout entier forme et acte. Or, tout être qui réunit ces conditions est une chose intellectuelle en acte, ce qu'on ne peut dire du corps céleste qui est une chose sensible. On est donc obligé de reconnaître que la matière du corps céleste, considérée en elle-même, n'est en puissance que par rapport à la forme qu'elle possède.
Peu importe à la proposition que nous établissons de quelle nature est cette forme, que ce soit une âme ou toute autre chose. Il n'en est pas moins constant que cette forme perfectionne la matière au point qu'elle n'est plus d'aucune manière en puissance relativement à l'être, mais seulement relativement au lieu où elle existe, comme le dit Aristote ( De Eccl. lib. I, text. 20).
Ainsi donc la matière des corps célestes n'est pas la même que celle des corps terrestres. Il y a cependant entre l'une et l'autre une certaine analogie, c'est qu'elles sont l'une et l'autre en puissance (1) (b).
ARTICLE III.…
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(1) Elles sont en puissance à l’égard de leur forme, mais le corps céleste, quand il a revêtu sa forme, est immuable dans son être. Il ne peut plus changer que par rapport aux lieux.
Notes du côté latin :
(a) Littéralement: elle sera tout à la fois sous la forme et la privation, parce qu'on appelle privation l'absence d'une forme par rapport à laquelle on est en puissance, et tel est l'état des êtres corruptibles. Et saint Thomas conclut de là que les corps corruptibles et incorruptibles ne peuvent avoir la même matière, parce qu'ils auraient tout à la fois des caractères opposés et contradictoires.
(b) En partant de l'hypothèse que les deux sont incorruptibles, tandis que les corps inférieurs ne le sont pas, saint Thomas établit qu'ils n'ont pas la même matière, parce qu'ils n'ont pas le même mouvement ou la même constitution intrinsèque, parce que la matière des corps inférieurs est en puissance à l'égard de plusieurs formes diverses, tandis que le ciel n'est en puissance qu'à l'égard d'une seule ; ce qui indique qu'ils n'ont pas les mêmes propriétés.
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Q. LXVI.ARTICLE III. — LE CIEL EMPYRÉE A-T-1L ÉTÉ CRÉÉ EN MÊME TEMPS QUE LA MATIÈRE INFORME (2)?
DIFFICULTÉ: 1. Il semble que le ciel empyrée n'ait pas été créé en même temps que la matière informe. Car le ciel empyrée, si c'est un être, doit nécessairement être un corps sensible. Or, tout corps sensible est mobile, tandis que le ciel empyrée ne l'est pas. Car s'il se mouvait on s'apercevrait de son mouvement au moyen du mouvement de quelque corps apparent, et on ne s'en aperçoit pas du tout. Le ciel empyrée n'est donc pas quelque chose qui a été créé en même temps que la matière informe.
SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que les corps sensibles sont mobiles dans l'état du monde actuel, parce que le mouvement des corps est ce qui produit la multiplicité des éléments. Mais dans la consommation dernière de la gloire, le mouvement des corps cessera. Il a été convenable que dès le commencement l'empyrée fût dans cet état.
DIFFICULTÉ: 2. Saint Augustin dit (De Trin. lib. III, cap. 4) que les corps inférieurs sont régis d'une certaine manière parles corps supérieurs. Si le ciel empyrée est un corps supérieur, il faut donc qu'il ait une influence quelconque sur les corps inférieurs. Mais cela ne semble pas possible, surtout du moment où l'on suppose le ciel empyrée immobile, puisqu'il n'y a pas de corps qui meuve s'il n'est mû. Donc le ciel empyrée n'a pas été créé en même temps que la matière informe.
SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, qu'il est assez probable, d'après quelques auteurs, que le ciel empyrée n'ayant été fait que pour l'état de gloire, il n'a pas d'influence sur les corps inférieurs qui appartiennent à un autre ordre, puisqu'ils ont été faits pour le cours naturel des choses. Cependant, il paraît plus probable que comme les anges supérieurs qui sont près de Dieu ont de l'influence sur les anges intermédiaires et sur les anges inférieurs qui sont envoyés, bien que, d'après saint Denis (Cœl Hier. cap. 8 ), ils ne reçoivent pas eux-mêmes de mission; de même le ciel empyrée a de l'influence sur les corps qui se meuvent, quoiqu'il ne se meuve pas lui-même (1). On peut donc dire, pour ce motif, qu'il influe sur le premier ciel qui se meut, non par un mouvement de va et vient, mais par une force fixe et stable, comme serait par exemple une puissance de capacité ou de causalité, ou toute autre énergie qui ne dérogerait pas à la dignité de sa nature.
DIFFICULTÉ: 3...
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(2) La science moderne nie l’existence de ce ciel empyrée, mais nous ferons observer que tous les Pères ont admis avec saint Thomas l’existence d’un ciel supérieur dans lequel les anges et les bienheureux habitent.
(1) Saint Thomas rétracte ici ce qu’il avait dit dans son commentaire du Maitre des sentences, où il prétend que l’empyrée n’a pas d’influence sur les corps inférieurs, parce qu’étant immobile, il ne peut les mouvoir (lib. II Sent. dist. 2, quest. II, art. 5 [?]).
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Q. LXVI.Article III.SUITEDIFFICULTÉ(SUITE)
DIFFICULTÉ:3. Si on prétend que le ciel empyrée est un lieu de contemplation qui n'a aucun rapport avec les effets naturels, on répondra avec saint Augustin (De Trin. lib. IV, cap. 10) que quand notre esprit s'élève aux choses éternelles, nous ne sommes plus en ce monde. D'où il est manifeste que la contemplation élève l'âme au-dessus des choses corporelles. On ne peut donc pas assigner un lieu matériel à la contemplation.
SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, qu'on assigne à la contemplation un lieu matériel, non par nécessité, mais par convenance, afin que la clarté extérieure soit en harmonie avec la lumière intérieure. C'est ce qui fait dire à saint Basile (in Hexa. hom.2) que l'esprit ne pouvait vivre dans les ténèbres, mais qu'il était fait pour vivre dans la lumière et la joie.
DIFFICULTÉ: 4. Parmi les corps célestes on trouve un corps qui est partie diaphane et partie lumineux. C'est ce qu'on appelle le ciel sidéral. On trouve aussi un ciel qui est complètement diaphane, et que quelques auteurs appellent le ciel d'eau ou de cristal. S'il y a au-dessus un autre ciel il faut donc qu'il soit totalement lumineux. Mais il ne peut en être ainsi, parce que dans ce cas l'air serait continuellement illuminé, et la nuit ne se ferait jamais. Le ciel empyrée n'a donc pas été créé en même temps que la matière informe.
SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, que, d'après saint Basile (in Hexa. hom. 2), il est constant que le ciel est terminé sous la forme d'une sphère, qu'il est d'une nature assez compacte et assez forte pour séparer ce qui est hors de lui de ce qui est au dedans de lui. C'est pour cela qu'il a laissé derrière lui une région déserte sans lumière, puisqu'il a intercepté la splendeur des rayons qui s'étendaient au delà.— D'ailleurs, comme le corps du firmament, bien qu'il soit solide (a), est néanmoins diaphane, puisque nous voyons la lumière des étoiles malgré les cieux intermédiaires qui s'y opposent, on pourrait dire que le ciel empyrée n'a pas une lumière condensée, qu'il ne projette pas des rayons comme le corps du soleil, mais qu'il a une lumière plus subtile, plus déliée; ou bien on pourrait dire encore qu'il brille de la splendeur de la gloire et que cette splendeur n'a rien de commun avec la clarté naturelle (b).
MAIS c'est le contraire . Car sur ces paroles: Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, la glose dit que par ciel il faut entendre non le firmament visible, mais l'empyrée ou le ciel de feu.
CONCLUSION :…
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Notes du côté latin :
(a) Ces sphères solides étaient admises d’après le système de Ptolémée.
(b) Sylvius rapporte à ce sujet différentes opinions, en faisant remarquer avec raison que toutes ces choses sont très incertaines.
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Q. LXVI.Article III.SUITE
CONCLUSION. — Il a été convenable que dès le commencement du monde il y eût un ciel totalement lumineux qui fût le séjour de la gloire des bienheureux, et auquel on a donné le nom de ciel empyrée.
Il faut répondre que le ciel empyrée n'est admis que par Strabus, l'auteur de la glose, le vénérable Bède et saint Basile (1). A cet égard ils sont d'accord sur un point, c'est que ce ciel est le séjour des bienheureux (a). Car Strabus et le vénérable Bède disent qu'aussitôt qu'il a été fait, il a été rempli d'anges. Et saint Basile ajoute (Hom. II in hexam.) que comme les damnés sont précipités dans les ténèbres les plus profondes, de même les justes reçoivent la récompense de leurs œuvres dans cette lumière qui est hors du monde, et c'est là qu'ils trouveront une demeure tranquille. Cependant ce n'est pas ta même raison qui les porte à admettre ce ciel. Strabus et Bède disent qu'il existe parce que le firmament dont ils font leur empyrée n'a pas été créé, d'après la Genèse, au commencement, mais au second jour. Saint Basile a eu l'intention de faire voir par là que l'œuvre de la création n'a pas commencé par les ténèbres, comme le prétendaient les manichéens, qui appelaient le Dieu de l'Ancien Testament un Dieu de ténèbres. Ces raisons ne sont pas très concluantes. Car, à l'égard du firmament qui, d'après la Genèse, a été fait au second jour, saint Augustin résout la question d'une manière, et les autres Pères d'une autre.
Touchant les ténèbres, saint Augustin dit (Sup. Gen. ad litt. lib. VII, cap. 27) qu'elles ont d'abord existé parce que l'informité qu'elles représentent a eu sur la formation des choses non une priorité de temps, mais une priorité d'origine. D'après les autres Pères, les ténèbres n'étant pas une créature, mais une privation de lumière, elles ont d'abord existé pour prouver que l'action de la sagesse divine, qui a tiré les êtres du néant, les a d'abord établis dans un état imparfait, pour les amener ensuite à leur perfection.
— On peut trouver une meilleure raison de convenance dans la nature même de la gloire qui nous est réservée. En effet, nous attendons pour notre récompense deux sortes de gloire, l'une spirituelle et l'autre corporelle, qui ne doit pas seulement servir à glorifier les corps des hommes, mais encore à renouveler le monde entier. La gloire spirituelle a commencé avec le monde par la béatitude des anges dont les saints doivent partager les jouissances. Il a donc été convenable que dès le commencement des choses la gloire corporelle existât dans un corps quelconque, qui a été primitivement créé, exempt de toute corruption et de toute altération, et qui soit totalement lumineux, comme toutes les créatures matérielles le seront après la résurrection. Et c'est ce corps qu'on appelle empyrée, ou ciel de feu, non parce qu'il a la chaleur du feu, mais parce qu'il en a tout l'éclat.
— Nous devons faire observer que saint Augustin rapporte (De civ. Dei lib. x, cap. 9 et 27) que Porphyre distinguait les anges des démons en ce que les démons habitaient les airs, tandis que les anges habitaient le ciel éthéré ou l'empyrée. Mais Porphyre était platonicien, et il pensait que le ciel sidéral était de feu, et il lui donnait le nom d'empyrée ou d'éther, en attachant à ce dernier mot le même sens qu'au mot enflammer, sans avoir l'intention de désigner par là la rapidité du mouvement, comme le fait Aristote (De cœl. lib. I, text. 22). Nous faisons ici cette remarque uniquement pour qu'on ne croie pas que saint Augustin a compris l'empyrée de la même manière que les auteurs modernes.
ARTICLE IV.…
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(1) n y a beaucoup d'autres Pères qui ont été du même sentiment, quoiqu'ils ne se servent pas du mot empyrée.
Note du côté latin : (a) Il est de foi qu’il y a un ciel où sont reçues les âmes des saints après leur mort, comme on le voit dans l’Écriture et les symboles, mais le dogme ne décide pas que ce ciel soit celui qu’on appelle empyrée et qu’on suppose distinct des autres cieux.
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Q. LXVI.ARTICLE IV. — LE TEMPS A-T-IL ÉTÉ CRÉÉ SIMULTANÉMENT AVEC LA MATIÈRE INFORME (2)?
DIFFICULTÉ: 1. Il semble que le temps n'ait pas été créé simultanément avec la matière informe. Car saint Augustin dit en s'adressant à Dieu (Conf. lib. XII, cap. 12): Je trouve deux choses que vous avez faites sans les assujettir au temps, la matière première des corps et la nature angélique. Le temps n'a donc pas été créé simultanément avec la matière informe.
SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que saint Augustin parle ainsi parce que, dans son sentiment, la nature angélique et la matière informe ont sur le temps une priorité d'origine ou de nature.
DIFFICULTÉ: 2. Le temps est divisé par le jour et la nuit. Or, dès le commencement il n'y avait ni jour ni nuit. Cette alternative de la nuit et du jour n'a existé qu'ensuite: Lorsque Dieu eut séparé la lumière des ténèbres. Donc le temps n'existait pas dès le commencement.
SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que comme, d'après les autres Pères, la matière fut d'abord informe et qu'elle fut ensuite formée, de même le temps fut d'abord informe et qu'il fut ensuite formé, c'est-à-dire régulièrement divisé par le jour et la nuit.
DIFFICULTÉ: 3. Le temps est le nombre qui mesure les mouvements du firmament. Or, d'après la Genèse, le firmament n'a été fait qu'au second jour. Donc le temps n'existait pas dès le commencement.
SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que si le mouvement du firmament (1) n'a pas commencé immédiatement dès le principe, alors le temps qui a précédé n'avait pas ce mouvement pour mesure, mais un autre mouvement premier quelconque. Car si le temps a aujourd'hui peur mesure le mouvement du firmament, c'est parce que ce mouvement est le premier de tous. Mais s'il y avait un autre mouvement premier, ce mouvement deviendrait la mesure du temps, parce que tous les êtres ont pour mesure ce qu'il y a de primordial dans leur genre. Il faut donc dire que dès le commencement il y a eu un mouvement quelconque, ne serait-ce que celui qui résulte de la succession des pensées et des affections des anges. Or, on ne peut concevoir le mouvement sans le temps, puisque le temps n'est rien autre chose que ce qui compte le moment d'avant et le moment d'après dans le mouvement.
DIFFICULTÉ: 4…
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(2) Cette question difficile a été le sujet d'une foule de controverses. Saint Thomas nous fait ici connaître le sentiment de saint Augustin et celui des autres Pères, et nous montre en quoi ils diffèrent.
(1) Le mot firmament ne désigne pas ici les étoiles fixes, mais le premier mobile, que dans le système de Ptolémée on plaçait au delà, et qui en était séparé par le second et le premier cristallin.
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Q. LXVI.Article IV.SUITEDIFFICULTÉ(SUITE)
DIFFICULTÉ: 4. Le mouvement est antérieur au temps. On devrait donc mettre le mouvement plutôt que le temps au nombre des choses qui ont été d'abord créées.
SOLUTION : 4. Il faut répondre au quatrième, que parmi les choses qui ont été primitivement créées, on compte celles qui se rapportent généralement à tous les êtres. On a dû y comprendre le temps, qui est la mesure, commune de tout ce qui existe, mais on n'a pas dû y comprendre le mouvement qui ne se rapporte qu'aux choses qui sont mobiles.
DIFFICULTÉ: 5. Comme le temps est la mesure extrinsèque des choses, de même aussi le lieu. On ne doit donc pas mettre le temps plutôt que le lieu au nombre des choses qui ont été d'abord créées.
SOLUTION : 5. Il faut répondre au cinquième, que le lieu est compris dans le ciel empyrée qui embrasse tout. Et comme le lieu est une chose permanente, il a été créé tout entier simultanément. Mais le temps étant une chose qui passe, il a été créé seulement dans son principe; car maintenant encore on ne peut en saisir que l'instant présent (a).
MAIS c'est le contraire . Car saint Augustin dit (Sup. Gen. lib. I, cap. 3) que les créatures spirituelles et corporelles ont été créées au commencement du temps.
CONCLUSION : A l'origine du monde, le temps a été créé simultanément avec la matière informe.
Il faut répondre qu'ordinairement on distingue quatre choses qui ont été primitivement créées: la nature angélique, le ciel empyrée, la matière corporelle informe et le temps.
Mais il faut remarquer que ce système n'est pas celui de saint Augustin. Car il ne distingue que deux choses qui ont été primitivement créées, la nature angélique et la matière corporelle, et il ne fait aucune mention du ciel empyrée. Ces deux choses, d'après ce docteur, la nature angélique et la matière informe, précèdent la formation des êtres, non d'une priorité de temps, mais d'une priorité de nature. Comme ces deux choses sont naturellement antérieures à la formation des êtres, elles sont également antérieures au mouvement et au temps ; par conséquent, on ne peut pas dire que le temps ait été créé avec elles.
— L'autre énumération que nous avons faite est conforme au sentiment des autres Pères qui admettent que l'uniformité de la matière a précédé temporairement sa formation, parce que cette durée antérieure suppose nécessairement l'existence du temps, autrement dit n'aurait pas eu de mesure.
QUESTION LXVII.…
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Note du côté latin:(a) Le nunc temporis est l’instant indivisible dont le temps se compose. D’après les thomistes, il n’y du temps que cet instant indivisible qu’ils appellent nunc qui soit par lui-même et rigoureusement présent.
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Question LXVII: DE LA DISTINCTION DES ÊTRES CONSIDÉRÉE EN ELLE-MÊME..
Après avoir parlé de la distinction des êtres par rapport à la création, nous avons à nous occuper de cette distinction considérée en elle-même. Nous traiterons, 1° de l'œuvre du premier jour, 2° de l'œuvre du second, 3° de l'œuvre du troisième. — A l'égard de l'œuvre du premier jour quatre questions se présentent : 1° Le mot lumière se dit-il dans son sens propre des choses spirituelles ? — 2° La lumière corporelle est elle un corps? — 3° Est-elle une qualité? — 4° Etait-il convenable qu'elle fût créée au premier jour?ARTICLE I. — LE MOT LUMIÈRE SE DIT-IL DANS SON SENS PROPRE DES CHOSES SPIRITUELLES (1)?
DIFFICULTÉ: 1. ll semble que le mot lumière désigne à proprement parler les êtres spirituels. Car saint Augustin dit (Sup. Gen. ad litt. lib. IV, cap. 28) que dans les êtres spirituels la lumière est meilleure et plus certaine, et que le Christ n'est pas appelé lumière de la même manière qu'il est appelé pierre; que le premier mot lui convient dans son sens propre et que le second ne lui convient qu'au figuré.
DIFFICULTÉ: 2. Saint Denis dit (De div. nom.. cap. 4) que la lumière se trouve parmi les noms intelligibles de Dieu. Or, les noms intelligibles s'emploient dans leur sens propre pour désigner les choses spirituelles. Donc la lumière prise dans son sens propre se dit des êtres spirituels.
DIFFICULTÉ: 3. L'Apôtre dit (Ephes. v, 13) : Tout ce qui se manifeste est lumière. Or, les êtres spirituels se manifestent, à proprement parler, plus que les êtres corporels. Donc il y a aussi en eux plus de lumière.
MAIS c'est le contraire . Car saint Ambroise (De fid. lib. II) met la lumière parmi les choses qui ne se disent de Dieu que par métaphore.
CONCLUSION. — Le mot lumière est vulgairement employé pour exprimer tout ce qui nous donne une notion ou une connaissance; mais en remontant à son acception première, ce mot a été formé pour désigner ce qui éclaire nos yeux, et on ne remploie que métaphoriquement quand il s'agit des êtres spirituels.
Il faut répondre que dans un mot il y a deux choses à distinguer :
1° le sens qu'il a d'après son acception première ;
2° l'usage qu'on en fait vulgairement. Ainsi le verbe voir a d'abord été employé pour signifier exclusivement l'acte de la vue. Mais ensuite on lui a donné une extension plus générale en raison de la dignité et de la certitude de la fonction qu'il exprime. L'usage a même permis de l'employer pour marquer l'action de tous les autres sens. Nous disons, par exemple : Voyez comme il a bon goût, bonne odeur, comme il est chaud. Dans saint Matthieu il est même employé pour désigner la fonction la plus haute de l'intelligence. Car il est dit (Matth. v, 8 ): Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu'ils verront Dieu.
Il en faut dire autant du mot lumière. Il a été d'abord formé pour désigner ce qui éclaire l'œil, l'organe matériel de la vue. On l'a ensuite étendu à tout ce qui produit en nous une connaissance quelconque. Par conséquent, si on le prend dans son sens primitif, il ne peut se dire que métaphoriquement des êtres spirituels, et c'est ce qu'exprime saint Ambroise (loc. cit.). Mais si on le prend dans toute l'extension que l'usage lui a donnée et qu'on lui fasse désigner toute espèce de connaissance, il peut convenir dans son sens propre à toutes les choses spirituelles.
La réponse aux objections est par là même évidente.
ARTICLE II.…
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(1) Cet article a pour but de déterminer le sens propre du mot lumière, parce que parmi les Pères les uns l'ont entendu des choses spirituelles, les autres des choses matérielles, comme saint Thomas le rapporte plus loin.
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Q. LXVII.ARTICLE II. — LA LUMIÈRE EST-ELLE UN CORPS (1)?
DIFFICULTÉ: 1. Il semble que la lumière soit un corps. Car saint Augustin dit (De lib. arb. lib. III, cap. 5) que la lumière tient le premier rang parmi les corps. Donc c'est un corps.
SOLUTION: 1. Il faut répondre au premier argument, que saint Augustin prend la lumière pour un corps actuellement lumineux, par exemple pour le feu qui est le plus noble des quatre éléments.
DIFFICULTÉ: 2. Aristote dit que la lumière est une espèce de feu (Top. lib. V, cap. 2). Or, le feu est un corps. Donc la lumière aussi.
SOLUTION: 2. Il faut répondre au second, qu'Aristote donne le nom de lumière au feu considéré dans sa matière propre, comme il donne le nom de flamme au feu qui s'élève dans l'air, et le nom de charbon au feu qui s'attache aux matières terrestres. On ne doit pas trop se préoccuper des exemples qu'Aristote cite dans sa Logique, parce qu'il les cite comme étant probables, d'après les autres philosophes.
DIFFICULTÉ: 3. Le propre des corps est d'être porté, coupé et recourbé. Or, toutes ces propriétés se trouvent dans la lumière ou le rayon; de plus, divers rayons peuvent être unis et séparés, comme le dit saint Denis (De div. nom. cap. 2), ce qui semble ne pouvoir convenir qu'a des corps. Donc la lumière est un corps.
SOLUTION: 3. Il faut répondre au troisième, que toutes ces propriétés s'attribuent métaphoriquement à la lumière comme on pourrait les attribuer à la chaleur. Car le mouvement local étant le premier des mouvements, comme le prouve Aristote( Phys. lib. VIII, text. 55), nous nous servons des mots qui appartiennent à ce mouvement pour exprimer le changement (a) et tous les autres mouvements. De la même manière nous avons emprunté au lieu le mot distance pour désigner toutes les choses contraires, comme Aristote le dit (Met. lib. x, text. 13).
MAIS c'est le contraire . Deux corps ne peuvent pas, en effet, exister simultanément dans un même lieu. Or, la lumière existe simultanément avec l'air dans le même lieu. Donc la lumière n'est pas un corps.
CONCLUSION…
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(1) On sait que la science actuelle est sur ce point d’un avis contraire à celui de saint Thomas; mais il n’est pas étonnant que les plus grands génies aient été trompés sur la nature de ces corps fluides et impondérables qui, malgré les travaux et les découvertes des physiciens, sont encore aussi mystérieux.
Note du côté latin : (a) Le mot alteratio désigne, comme nous l'avons déjà observé, les changements qui résultent de toutes les modifications accidentelles.
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Q. LXVII,Article II.SUITE
CONCLUSION — Puisque la lumière a la propriété d'être instantanée et de se répandre partout, elle n'est pas un corps.
Il faut répondre qu'il est impossible que la lumière soit un corps et cela pour trois raisons:
1° La première raison est tirée de la nature du lieu. Car le lieu qu'un corps occupe est différent du lieu qu'occupe un autre corps. Il n'est donc pas possible naturellement que deux corps existent simultanément dans un même lieu, quels qu'ils soient, parce que leur contiguïté exige qu'ils n'occupent pas le même endroit.
2° La seconde raison se tire de la nature du mouvement. Si la lumière était un corps, elle serait soumise au mouvement local de tous les corps. Or, le mouvement local d'un corps ne peut pas être instantané, parce que tout ce qui se meut localement arrive nécessairement aux intermédiaires avant d'aboutir au but. Or, la lumière est instantanée. On ne peut pas dire en effet que le temps qu'elle met à nous arriver a une durée qui nous échappe; car s'il était possible de ne pouvoir apprécier ce temps pour un petit espace, on devrait du moins pouvoir le calculer pour un espace immense comme celui qui s'étend de l'orient à l'occident, et on ne le peut pas. Car, aussitôt que le soleil paraît sur un point de l'horizon, il éclaire tout l'hémisphère jusqu'à l'extrémité opposée (2).
Il y a encore une autre observation à faire sur le mouvement, c'est que tout corps a un mouvement naturel déterminé, tandis que la lumière se répandant de toutes parts, son mouvement n'est ni circulaire, ni rectiligne (3). Il est donc évident que la lumière n'est pas produite par le mouvement local d'un corps.
3° La troisième raison se prend de la nature de la génération et de la corruption. Car si la lumière était un corps, quand l'air est obscurci par l'absence d'un corps lumineux il s'ensuivrait que la lumière elle-même se corromprait, et que sa matière recevrait une autre forme; ce qui n'est pas possible à admettre à moins qu'on ne dise que l'obscurité est aussi un corps (1).
On ne voit pas non plus de quelle matière serait engendré ou produit tous les jours ce corps immense qui remplit toute la partie intermédiaire de l'hémisphère. Il est également ridicule de dire que, par suite de l'absence d'un corps lumineux, ce corps immense se corrompt. Si l'on prétend que la lumière ne se corrompt pas, mais qu'elle paraît avec le soleil et se répand sur la terre, que dire de ce qui arrive quand on met près d'une chandelle un corps opaque et qu'on remplit ainsi la maison tout entière de ténèbres? Il ne semble pas que la lumière se soit alors concentrée autour de la chandelle, puisqu’il n'y a pas là une clarté plus grande qu'auparavant. Par là même que tous ces faits répugnent non-seulement à la raison, mais encore aux sens, il faut donc dire qu'il est impossible que la lumière soit un corps.
ARTICLE III...
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(2) On n'avait pas encore calculé le mouvement de la lumière. Maintenant on sait qu'elle parcourt environ 52,000 myriamètres par seconde et qu'elle met 8' 15" pour nous venir du soleil.
(3) C’est un principe incontestable d’optique que la lumière va en ligne droite.
(1) Il y a sur la cause productive de la lumière différents systèmes; ce n'est pas ici le lieu de les exposer, et de démontrer comment l'un et l'autre répondent aux difficultés qu'élève ici saint Thomas.
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Louis- Admin
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Re: Les SIX JOURS et saint Thomas d'Aquin.
Q. LXVII,ARTICLE III. — LA LUMIÈRE EST-ELLE UNE QUALITÉ (2)?
DIFFICULTÉ: 1. Il semble que la lumière ne soit pas une qualité. Car toute qualité est permanente dans le sujet même quand l'agent qui l'a produite a cessé son action. Ainsi, la chaleur existe dans l'eau après qu'on l'a éloignée du feu. Or, la lumière ne reste pas dans l'air quand le corps lumineux qui la produisait a disparu. Donc la lumière n'est pas une qualité.
SOLUTION : 1. Il faut répondre au premier argument, que la qualité résultant de la forme substantielle, le sujet reçoit diversement la qualité comme il reçoit diversement la forme. Ainsi quand la matière reçoit parfaitement la forme, la qualité qui en dérive adhère inébranlablement à elle, comme par exemple si on changeait l'eau en feu. Quand la forme substantielle n'est reçue qu'imparfaitement par la matière, la qualité qui s'ensuit est transitoire ; elle ne dure qu'un temps, comme on le voit par l'eau chaude qui retourne ensuite à son état. Mais la production de la lumière ne vient pas de ce que la matière a été changée en recevant une forme ou un commencement de forme quelconque. C'est pourquoi la lumière n'existe qu'autant que l'agent qui la produit est présent.
DIFFICULTÉ: 2. Toute qualité sensible a son contraire. Ainsi, le froid est opposé au chaud et le noir au blanc. Mais il n'y a rien de contraire à la lumière. Car l'obscurité en est une privation. Donc la lumière n'est pas une qualité sensible.
SOLUTION : 2. Il faut répondre au second, que la lumière n'a pas son contraire, parce qu'elle est la qualité naturelle du premier corps, qui est cause de ce que les autres changent, mais qui n'a pas lui-même de contraire (a).
DIFFICULTÉ: 3. La cause est supérieure à l'effet. Or, la lumière des corps célestes produit les formes substantielles qui sont dans les corps inférieurs. En effet, elle (b) donne l'être aux couleurs parce qu'elle les rend actuellement visibles. Donc la lumière n'est pas une qualité sensible, mais elle est plutôt une forme substantielle ou spirituelle.
SOLUTION : 3. Il faut répondre au troisième, que comme la chaleur (c) agit instrumentalement par la vertu de sa forme substantielle, de même la lumière agit par la vertu des corps célestes dans la production des formes substantielles (2), et si elle rend les couleurs visibles c'est qu'elle est la qualité du premier corps sensible.
MAIS c'est le contraire . Car saint Jean Damascène dit (De orth. fid. lib. I, cap. 9) que la lumière est une qualité.
CONCLUSION :…
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(2) Cette question tient à la précédente. Saint Thomas continue à développer les sentiments de l’école péripatéticienne sur cette matière.
(2) C’est-à-dire qu’elle en est la cause instrumentale.
Notes du côté latin :
(a) Les qualités sensibles des corps qui sont susceptibles de contrariétés ont un contraire; mais dans la théorie péripatéticienne il n'en est pas ainsi des qualités du premier corps altérant, c'est-à-dire qui a influence sur tous les corps inférieurs et change leurs manières d'être. Aristote le regardait comme incorruptible et, par conséquent, comme éloigné de toute contrariété.
(b) Esse spirituale; cette expression est par opposition au mot materiale, parce que la couleur ne reçoit pas de la lumière une existence substantielle ou corporelle.
(c) La cause l'emporte sur l'effet quand il s'agit de la cause efficiente ou principale, mais dans le système des péripatéticiens, la lumière n'était que la cause instrumentale de la production des formes substantielles, qui ont pour cause principale le soleil.
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Louis- Admin
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