Les Aventuriers de DIEU - DANIEL-ROPS de l'académie française

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Message  Monique Jeu 21 Mai 2020, 7:36 am

Evêque, être évêque d'une cité comme Tours, ce n'était pas une sinécure! L'Empire romain était en décadence. Les Germains s'infiltraient déjà partout, avant que leurs frères se jettent à l'assaut des riches provinces, un peu plus tard. Les fonctionnaires sachant combien le gouvernement était faible, ne s'occupaient guère qu'à pressurer les populations pour emplir leurs coffres personnels. Dans le désordre général, l'évêque, élu presque toujours par la voix unanime du peuple, jouait un rôle de premier plan. Non seulement il présidait aux cérémonies liturgiques, prêchait en personne dans sa cathédrale, dirigeait le clergé placé sous ses ordres, mais sans cesse, il avait à intervenir dans les affaires publiques, défendant ses fidèles contre les exactions du fisc, surveillant les écoles, entretenant les miséreux et les infirmes; l'évêque, c'était le véritable chef de la cité.

Pour assurer toutes ces tâches, il fallait beaucoup d'intelligence et de science. Quand Martin fut élu évêque de Tours, ce fut, chez les autres évêques des alentours, un bel accès de rire. Etrange apprentissage de grand administrateur que d'avoir lancé le javelot et ferraillé de la lance! Et quant aux relations qu'un évêque devait nécessairement entretenir avec les fonctionnaires impériaux, comment s'en tirerait-il, ce moine hirsute, vêtu de bure velue, et qui sentait le haillon ? Les rieurs durent vite baisser caquet. Non seulement Martin, en rien de temps, s'adapta aux tâches difficiles qui étaient les siennes, mais il fut évident qu'il dépassait de toutes façons les évêques de la région. Quand l'Esprit-Saint est sur un homme, quel génie pourrait s'égaler à lui ?


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Message  Monique Ven 22 Mai 2020, 8:17 am

Celui qu'on voyait, aux jours des plus grandes cérémonies, s'avancer dans le chœur vêtu de son humble robe de solitaire et ne portant pour crosse qu'un bâton recourbé, dès l'instant qu'il parlait, subjuguait son auditoire : on l'écoutait volontiers, des heures, traiter aussi bien des choses familières, des préoccupations que chacun portait au cœur, que des plus hautes questions touchant la foi et la doctrine.

En outre, sa charité se montrait inépuisable : il était bien resté l'homme qui, pour Dieu, avait partagé son manteau avec un miséreux, et l'on racontait même que, recommençant son geste, il lui arrivait souvent de distribuer aux pauvres ses vêtements, y compris ceux qui eussent dû servir aux offices! Grand bâtisseur aussi, toujours en chemin à travers toute la région qui lui était confiée, il n'avait cesse ni trêve qu'il n'eût bâti des églises en tout lieu où une communauté chrétienne existait.

Sa réputation grandit vite. De toutes les Gaules, on prit l'habitude de le consulter en des cas difficiles, où il devait rendre des jugements à la manière de Salomon. Comme il était patent que le Seigneur lui avait accordé de grands pouvoirs de thaumaturge, on lui amenait des malades ou bien l'on venait le supplier d'accourir à leur chevet pour leur imposer les mains. Qu'il guérît les infirmes, c'était chose certaine, mais on transportait aussi, de bouche en bouche, de bien plus étonnantes histoires.


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Message  Monique Sam 23 Mai 2020, 7:45 am

Par exemple que, durant un pèlerinage, un ours ayant dévoré l'âne du saint, celui-ci ordonna au fauve de tendre le dos pour recevoir la charge et la porter désormais : ce qui fut aussitôt fait (et c'est pourquoi les ours de nos petites filles s'appellent Martin en souvenir de Tours du saint). Ou bien — plus admirable encore — étant arrivé trop tard auprès d'un malade et l'ayant trouvé mort depuis trois jours, il suffit au grand saint de s'étendre sur le cadavre, bouche à bouche, et de lui souffler de son haleine pour que le sang se reprît à battre dans les membres inanimés.

On imagine assez quel prestige valaient au saint de tels prodiges! Des brigands, l'ayant arrêté sur la route comme un quelconque voyageur, se prosternaient au seul énoncé de son nom et, fermement morigénés par lui, acceptaient de devenir honnêtes. Les grands de la terre, aussi bien, venaient écoûter ses leçons et comme, bien souvent, ils n'étaient pas, eux-mêmes, beaucoup plus sages que les brigands, Martin, équitablement, leur infligeait semblables semonces et pénitences.

L'Empereur lui-même désirait l'entendre et le saint, s'étant rendu à Trêves, la capitale d'alors, ne lui cachait pas qu'il pensait de la façon dont il s'était emparé du trône, a grands renforts de traîtrise et d'assassinats : ce que l'Empereur écouta, n'osant braver la puissance de Dieu que cet homme possédait si visiblement.


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Message  Monique Dim 24 Mai 2020, 8:24 am

Une telle gloire, de son vivant, ne troublait pas Martin; il ne perdait pas de vue son but, son unique but, servir Dieu dans le renoncement et la pénitence. Le Seigneur avait voulu qu'il quittât Ligugé pour assumer les devoirs d'un évêque; mais il ne lui avait pas interdit, tout en étant évêque, de vivre comme un moine!

Aussi, à peu de distance de Tours, il avait fondé un couvent, Marmoutiers, où bientôt avaient afflué les âmes saintes. Chaque soir, sa lourde journée terminée, il y rentrait, pour passer la veillée en prière au milieu de ses frères et dormir la nuit à côté d'eux. L'office le voyait fidèle et enthousiaste, mêlant sa voix à celles des chantres. La sainte maison n'avait pas tardé à devenir trop petite et il avait fallu créer des abbayes-filles où des vocations, intarissablement, se présentaient. Quand Martin mourut, plus de deux mille moines, accourus de ces divers couvents, vinrent prier à ses funérailles : admirable rayonnement de la sainteté vécue, dans sa sublime simplicité!


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Message  Monique Lun 25 Mai 2020, 8:33 am

Et cependant une telle réussite, si belle qu'elle fût, ne comblait pas le cœur du saint. Pour les hommes vraiment grands, ce qui compte, ce qui importe, ce n'est point ce qu'on a fait, c'est ce qu'il reste à faire. Souvent, le soir, quand, sur la terrasse de Marmoutiers, entouré de la vénération de ses fils spirituels, Martin regardait les roseurs du couchant sur les douces perspectives du Val de Loire, une inquiétude lui traversait l'âme : avait-il assez fait pour le Christ ? Il le savait bien; un peu partout, dans les campagnes de Gaule, il demeurait des centaines, des milliers de braves gens qui n'avaient jamais entendu la Bonne Nouvelle, qui continuaient à adorer des dieux absurdes, divinités champêtres, forces mystérieuses, ou pis encore! Dans le langage courant, le mot de paganus, qui signifiait « paysan » commençait à vouloir dire païen, car c'était surtout dans les campagnes que la superstition et l'idolâtrie demeuraient répandues.

Un homme de Dieu, un porte-parole du Christ, pouvait-il rester en repos quand Teutatès, Belen, Arduina régnaient encore sur tant de consciences, quand le Soleil, la Foudre, les grands Arbres, les Fleuves et les Sources étaient l'objet d'un culte ?

Ainsi la résolution se prit-elle en l'âme du saint. Son évêché, maintenant, allait bien; des auxiliaires, en son absence, sauraient l'administrer. Son couvent de Marmoutiers était si exemplaire que nulle crainte ne pouvait venir à son propos. Lui Martin, il partirait donc. Il s'en irait au cœur des campagnes de Gaule. Il parlerait aux foules. Il leur dirait : « Quels sont vos dieux ? » Et beaucoup ne sauraient même pas les nommer. Alors, avec son éloquence chaude, vivante, dont les plus simples pouvaient subir l'ascendant, mais, que les plus cultivés ne se retenaient pas d'admirer, il expliquerait le christianisme : il raconterait la vie et la mort du Seigneur; il ferait comprendre à tous ceux qui l'entendraient le sens du Message sublime qui, quelque trois cent cinquante ans plus tôt, avait été lancé au monde sur les collines de Palestine...


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Message  Monique Mar 26 Mai 2020, 7:27 am

Il partit. D'abord dans son propre diocèse, puis dans les provinces qui lui étaient voisines, Maine, Anjou et Bretagne, on vit la petite caravane du saint et de ses compagnons, vêtus de rude bure comme les paysans à qui ils s'adressaient, n'ayant ni bagages, ni vêtements de rechange, humbles et pauvres comme il est ordonné dans l'Evangile aux apôtres qui veulent porter la parole de Dieu; ils arrivaient dans un village précédés d'une réputation qui attirait toutes les curiosités. Martin parlait. Bien souvent, il guérissait des malades. Toujours, il invitait ses auditeurs à renoncer à leurs suggestions, à abattre le temple païen qui abritait leurs idoles, à couper l'arbre sacré où ils croyaient que résidait un dieu. Il arrivait que des résistances eussent lieu, que des menaces fussent proférées contre le saint et son équipe : cela ne l'intimidait pas pour autant.

Bientôt, de partout en Gaule, on réclama sa présence. On le vit dans le pays de Chartres, où il délivra d'un démon, qui le rendait muet, un malheureux enfant. On le vit aux alentours de Paris et la future capitale de la France reçut aussi sa visite et sa bénédiction. On le revit à Amiens, à Amiens son ancienne ville de garnison, où il dut aller prier à cette porte où, sous la forme d'un mendiant nu, le Christ avait croisé sa route.

Au cœur le plus résistant du paganisme gaulois, il osa pénétrer, dans le Massif Central et l'Auvergne, où de dures tâches l'attendaient. Puis il descendit dans la vallée de la Saône, appelé par des vignerons qui venaient de souffrir de grêles affreuses et qui pensèrent n'avoir d'autres recours que le saint. Les provinces qui devaient plus lard s'appeler Franche-Comté et Dauphiné reçurent aussi bien sa visite, et l'on y peut lire encore des inscriptions sur d'antiques pierres : « Martin consacra cet autel. »


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Message  Monique Mer 27 Mai 2020, 7:05 am

Dans toutes ces entreprises, le saint avait visiblement la puissance de Dieu avec lui. L'épisode du grand pin abattu, qui se produisit lors de son passage à Autun, en est une preuve. Il y en eut d'autres, dont les bons chroniqueurs du temps n'ont certes pas manqué de dresser la liste.

Par exemple, à Amboise, le charmant bourg de Loire, Martin et ses moines ont à peu près obtenu que le culte païen soit supprimé : mais il faut détruire le temple et une grande tour qui le domine, ce à quoi les habitants ne mettent vraiment aucune bonne volonté. « Je ne puis plus rien, Seigneur, s'écrie alors le saint, mais vous, vous pouvez tout! » Et, à l'instant même un ouragan éclate, si terrible que la tour s'effondre en mille morceaux. Une autre fois, des charretiers ayant malignement frappé l'évêque et l'ayant blessé, il suffit qu'il lève la main et prononce quelques paroles pour qu'une force surnaturelle fixe au sol les pattes des bêtes et immobilise le convoi comme s'il était de plomb.

Même les morts qui étaient sensibles à une telle puissance! Ne rapporte-t-on pas qu'une fois, ayant, selon sa coutume, fait halte en quelque lieu pour s'agenouiller sur la tombe d'un saint, Martin termina sa prière en s'écriant : « Homme de Dieu, bénis-moi! » et que, du fond du cercueil, l'assistance, terrorisée, entendit une voix répondre : « C'est moi, Serviteur du Seigneur, qui te demande de me bénir! »

A tant courir les routes, à tant prêcher, à tant combattre, quel homme ne se fût usé ? Par un privilège exceptionnel, malgré tant de, peines et de labeurs, à quatre-vingts ans passés, Martin était encore vigoureux et alerte.


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Message  Monique Jeu 28 Mai 2020, 7:20 am

Cependant, un jour qu'il était revenu au milieu de ses frères à Marmoutiers, il leur annonça que sa fin était proche. Eux de secouer la tête sans y croire; avec un tel coffre, leur saint irait à cent ans! Mais il répéta son annonce : sans doute, Dieu lui-même l'avait-il secrètement averti.

Il eût désiré mourir en son cher couvent, dans la petite cellule creusée au flanc de la falaise, où tant d'heures il avait prier. Mais le monastère de Candes envoyait de mauvaises nouvelles. Des querelles avaient éclaté entre les moines; pour être de saints hommes, ils n'en étaient pas moins des hommes. Seul Martin pouvait rétablir la paix. Il partit donc, bien qu'il se sentît très faible. Comme il avait commandé aux bêtes fauves, il sut, en quelques mots, se faire obéir des coléreux et des jaloux. L'ordre était revenu dans la communauté et le vieillard s'apprêtait à reprendre la route quand les forces manquèrent. Il eut encore l'énergie d'ordonner qu'on le plaçât sur de la cendre.

Un serviteur du Crucifié ne devait pas accepter de mourir dans son lit. Et comme les moines se désolaient, le suppliant de rester avec eux, il murmura : « Laissez-moi regarder le ciel et non la terre; c'est là maintenant qu'est ma voie droite, la voie du Seigneur. »

Et l'on raconte qu'au moment où il rendit l'âme — un dimanche, à minuit — les chants des anges retentirent si distinctement que nul ne put se tromper sur leur origine. A bien des lieues de là, saint Séverin, archevêque de Toulouse, les entendit, alors qu'il sortait de l'Office de Laudes : un saint de la terre était entré au ciel.

Fin


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Message  Monique Ven 29 Mai 2020, 7:06 am

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LE PÈRE DES INDIENS
BARTHOLOMÉ DE LAS CASAS


On hésite avant d'évoquer de telles horreurs. Elles sont cependant de l'histoire et pour que Barlolomé de las Casas, homme de Dieu, assumât le rôle admirable qui fut le sien, il fallut que tout ce sang et toutes ces larmes fussent répandus, que ces cruautés presque incroyables fussent commises.

Cela se passait en Amérique latine, dans les immenses pays que les « Conquistadores » avaient donnés à l'Espagne, ceux qui aujourd'hui se nomment Mexique, Chili, Pérou, Saint-Domingue, Colombie, Equateur. Il n'y eut guère de lieux où massacres et supplices ne fussent la loi commune. Là c'est un gouverneur qui, pour nourrir ses chiens, leur jetait en pâture des enfants, et comme un prêtre voulait, un jour, sauver un de ces petits, la brute mettait le petit en pièces sur-le-champ. Ailleurs c'était un autre non moins féroce qui, sans provocation, sans raison aucune, dans un effroyable caprice, faisait exécuter sous ses yeux cinq mille prisonniers indigènes.

Ailleurs, en combien d'endroits, c'étaient les chefs et les rois, les « caciques » qu'on torturait, des heures durant, pour leur faire verser d'énormes rançons d'or, puis, lorsqu'ils les avait livrées, qu'on jetait sur un bûcher, enveloppés de paille, pour les brûler vifs... Et les responsables de ces abominations se prétendaient chrétiens!


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Message  Monique Sam 30 Mai 2020, 8:43 am

Il y avait quelque trente ou quarante ans que Christophe Colomb, le Génois taciturne, poussant toujours vers l'ouest ses trois caravelles, avait, en 1492, rencontré des terres inconnues, qu'un imprimeur de cartes avait, du nom d'un autre navigateur, Amerigo Vespuce, appelées Amériques. A la suite des pionniers et des explorateurs, étaient venus les conquérants, ceux qui voulaient s'emparer des terres découvertes, espérant y trouver de l'or, y faire fortune; hommes de grande audace, de passions violentes, aventuriers pour qui la vie ne comptait pas beaucoup, ni la leur, ni surtout celle des autres.

Ce que Fernand Cortez faisait au Mexique, ce qu'Almagro et Pizarre faisaient au Chili et au Pérou, d'autres ambitieux rêvaient de le faire en maints points du continent : conquérir des empires, prendre et piller des villes, faire ruisseler l'or entre les mains cupides, devenir, d'un coup, plus riches qu'un duc en Espagne et se comporter comme des rois tout-puissants.

Assurément ces hommes avaient fait preuve d'un courage à toute épreuve. Seuls, loin de leur pays, sur une terre, dans des climats également hostiles, abandonnés par le gouvernement qui ne les soutenait guère, ils avaient, des mois durant, risqué chaque jour leur vie, supporté, sans gémir, blessures et maladies, accomplissant bien souvent des exploits à peine croyables et écrivant ainsi une page nouvelle au Livre des aventures humaines. Mais ces souffrances, ces périls, les avaient aussi rendus brutaux, durs à eux-mêmes et à autrui bien incapables, pour la plupart, de garder dans leurs conquêtes le moindre sentiment de charité et de fraternité envers les vaincus.


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Message  Monique Dim 31 Mai 2020, 6:49 am

Ces vaincus étaient les indigènes, ceux qui habitaient le pays avant l'arrivée des « Conquistadores ». On les nommait Indiens, parce que les premiers navigateurs, en débarquant en Amérique, avaient cru toucher aux Indes. Bien loin d'être partout des sauvages, ces Indiens étaient, en divers endroits, parvenus à de hautes formes de civilisation.

Dans le Mexique actuel, le pays des Aztèques, les Espagnols avaient trouvé de très grandes villes, des monuments impressionnants : aux pays des Incas, le Pérou d'aujourd'hui, le système des routes, habilement agencé, les avait beaucoup surpris. Dans maints de ces États, existait une organisation politique et sociale bien ordonnée, qui annonçait même ce qu'aujourd'hui on nomme socialisme. Un art — cet art qu'on appelle « précolombien ». antérieur à Colomb — avait atteint à des chefs-d'œuvre grandioses.

En retard, cependant, sur l'Europe en divers points, ces peuples ignoraient le travail des animaux de trait, les armes à feu, et les chevaux des Espagnols leur paraissaient des bêtes fantastiques, sorties droit des enfers. Dans l'ensemble, pacifiques, impressionné par la cavalerie et les fusils, ils n'opposèrent guère de résistance à ces étrangers qui envahissaient leurs terres, ce qui, d'ailleurs, ne devait pas les garantir contre la férocité des conquérants.


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Message  Monique Lun 01 Juin 2020, 6:29 am

Le malheur de ces pauvres gens fut d'avoir de l'or, beaucoup d'or. Quand les marins revenus en Espagne racontaient que, là-bas, dans les terres nouvelles, le fabuleux métal servait à couvrir les temples et les palais, que, dans les arbres jardins en terrasse, on voyait briller des fruits d'or et de Pierres précieuses, que les rois avaient des salles et des salles pleines de lingots sans prix, quelles convoitises ne brûlaient-elles pas dans les yeux et dans le cœur! Pour arracher aux Indiens leur or, tout leur or, il n'y eut aucun moyen devant lequel on reculât.

Ce fut une fièvre, un délire qui s'empara des conquérants. Réduits en esclavage, contraints à faire, des mois durant, des étapes de portage sous des chaleurs ou les pluies affreuses, réquisitionnés aussi pour travailler aux mines, tandis que les femmes cultivaient les champs, les Indiens mouraient comme mouches. Qu'importait ? Il suffisait d'un mot pour que d'autres vinssent remplacer les manquants.

Si l'on ajoute encore, à ces raisons de destruction, les massacres inutiles, les supplices infligés dans une sorte de démence sanguinaire, on comprend assez que, dans le demi-siècle qui suivit la découverte de leur pays par les Européens, les peuples indiens eussent diminué dans des proportions à peine croyable : à Cuba en vingt ans, la population tombait de 50.000 à 14.000 âmes; à Saint-Domingue, de 100.000 à 15.000; dans certaines régions du Mexique, il s'en fallait de peu qu'elle disparût tout entière. On a peine à se représenter des hommes, des Européens, accomplissant des forfaits semblables... Et des chrétien!


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Message  Monique Mar 02 Juin 2020, 6:53 am

Car, et c'était bien là le plus douloureux de ce drame, ces conquérants prétendaient apporter à ces peuples la loi du Christ! Quand le Pape avait reconnu au roi d'Espagne des droits sur les terres nouvelles, n'avait-il pas formellement déclaré que c'était pour qu'elles fussent évangélisées ? Et la reine Isabelle, qui, elle, était une vraie catholique, ne rappelait-elle pas, fréquemment, ses lointains lieutenants à cette obligation ?

Mais de convertir les Indiens, de leur donner une vie spirituelle, les Conquérants se préoccupaient bien ! Ces Indiens valaient-ils qu'on se donnât pour eux tant de peine ? Des païens, et, qui pis était, des sauvages qui faisaient encore des sacrifices humains sur les autels de leur dieux! Même s'ils avaient été baptisés par les prêtres qui avaient accompagné les troupes, n'en étaient-ils pas moins de misérables esclaves, bons pour toutes les corvées ? La honte de cette situation tachait de sang et de boue la grandiose aventure de la découverte du Nouveau Monde. Et il semblait que nul ne pût rien pour y remédier.

En l'année 1509, dans une église de Saint-Domingue, un religieux montait en chaire : c'était un Dominicain, le P. Montesinos. Quelques mois plus tôt, devant l'effrayante dépopulation, les autorités espagnoles avaient amené de force dans l'île 40.000 indigènes enlevés ailleurs, pour remplacer les morts. Cette cruauté, et bien d'autres, le Père dominicain, avec un courage exemplaire, les dénonça. Face à ces soldats, à ces conquérants qui ne rêvaient que rapines, il osa dénombrer les crimes de la conquête. De l'assistance, en dépit de la sainteté du lieu, des cris fusaient, des protestations, des injures : on menaça même l'orateur sacré. Mais il continua, impavide...


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Message  Monique Mer 03 Juin 2020, 7:21 am

Ce n'était pas le premier prêtre qui se montrât vraiment digne de l'Evangile qu'il devait porter. On avait vu, au Mexique et aux Philippines, le bon P. Urdaneta accompagner les soldats, la croix en mains, et se faire l'avocat des vaincus. Au Mexique encore, au Pérou, des moines avaient essayé de créer des écoles pour les enfants indiens. A Saint-Domingue le couvent, fondé par Pedro de Cordoba, auquel appartenait le P. Montesinos, était connu pour le bien qu'il répandait autour de lui.

Maintes fois, un prêtre, un religieux avait eu le courage de protester auprès d'un des gouverneurs contre les atrocités qu'ils avaient apprises. Celte dénonciation publique des erreurs commises par les Espagnols était un acte d'une importance extrême : combien, dans l'assistance, rentrèrent en eux et se demandèrent si leur conduite était digne de baptisés ?

Un jeune homme, en tout cas, se le demanda, douloureusement. Il se nommait Bartolomé de las Casas et descendait d'un soldat français qui avait quitté son Limousin natal pour venir combattre les musulmans sous le règne de Ferdinand le Saint, et avait été par lui anobli. Cet ancêtre avait légué à ses fils le goût des aventures, car le père de Bartolomé avait figuré sur le livre de rôle de Christophe Colomb, lors du premier voyage de découverte. Et c'est ainsi que le jeune homme, lui-même alors âgé de vingt-quatre ans et licencié de l'université de Séville, s'était embarqué sur un bateau du grand navigateur lors de son troisième voyage, en 1198.


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Message  Monique Jeu 04 Juin 2020, 6:53 am

Des années durant, il avait couru terres et mers, avec l'audace du conquistador et l'enthousiasme de la jeunesse. Et, comme les autres conquérants, il n'avait eu en vue que de s'emparer de provinces nouvelles, de faire fortune par tous les moyens. Que les Indiens fussent massacrés par milliers, qu'on le dépouillât de leurs biens et de leurs terres, qu'on les contraignît au plus douloureux des esclavages, Bartolomé de las Casas ne se demandait guère si cela était légitime et permis par Dieu.

Le sermon du P. Montesinos changea toute sa vie. Les remords se gonflèrent dans son cœur et l'agitèrent. Il lui sembla tout à coup qu'il avait vécu en aveugle et que désormais il voyait clair. Les crimes que le Dominicain dénonçait, n'en avait-il pas commis ? En tout cas, n'en était-il pas complice ? Son âme était trop généreuse pour supporter cette honte : il décida de changer de vie. Il rendit la liberté à ses esclaves et annonça que, désormais, il consacrerait toutes ses forces à la défense des malheureux Indiens.

Il alla trouver les excellents prêtres qui avaient fait retentir à ses oreilles le jugement de la vérité et leur demanda de l'instruire. Sa foi, son désir de bien faire étaient si évidents qu'on l'accepta d'emblée et, comme le Nouveau Monde manquait alors terriblement de clergé, on le forma très vite, et, moins de deux ans après ce jour où la parole de Dieu, par la voix du P. Montesinos, avait frappé ses oreilles, il était ordonné. Sa première messe, célébrée en grande pompe, eut l'allure d'un triomphe : n'en était-ce pas un, en effet, que le fils d'un des premiers conquérants, un officier promis à toute la fortune d'une belle carrière, y renonçât pour se consacrer à l'œuvre de charité et d'évangélisation ? Et, tout de suite, devenu prêtre, Bartolomé de las Casas se lança dans une lutte qui devait durer autant que sa vie.


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Message  Monique Ven 05 Juin 2020, 8:40 am

Car, bien vite, cela prit l'allure d'une lutte. Les propriétaires d'esclaves, accusés par les prêtres de ravager le Nouveau Monde et de le dépeupler, les chefs cruels qui s'entendaient dire du haut de la chaire, qu'ils déshonoraient l'Espagne, tous se liguèrent contre les porte-parole du Christ. Il y avait de grands propriétaires qui se faisaient prêter des milliers de travailleurs forcés, des exploitants de mines, qui, par le même moyen, obtenaient, presque gratuitement, des mineurs, et ces gens-là encore faisaient front contre Bartolomé de las Casas et ses amis. Ces prêtres n'allaient-ils pas, avec leurs belles paroles, ruiner le commerce et l'industrie des pays conquis ? Ne fallait-il pas craindre qu'en entendant leurs appels les Indiens fussent tentés de se soulever contre les Espagnols ?

Il y eut des endroits où les missionnaires furent molestés, écartés par la force de ceux qu'ils voulaient aider : mais ils avaient, trop ancré en eux, le désir de sauver les malheureux indigènes, de les arracher à leurs tortionnaires, pour hésiter. Et la lutte s'engagea.

Désormais, Bartolomé ne prit pas un jour de repos. Sans cesse par monts et par vaux, il n'avait qu'une volonté : protéger ses amis indiens. On le vit à Cuba, curé d'une paroisse très difficile où les Indiens soumis au travail forcé étaient nombreux et si misérables que la seule présence d'un Espagnol leur faisait horreur. Plus tard, on le vit accompagnant volontairement, l'expédition de Narvaez, un des conquérants les plus barbares, pour essayer de le retenir de faire du mal aux indigènes. On le vit au Nicaragua, où devenu moine, dominicain, il fut envoyé par son prieur pour aider un évêque dont la conversion des Indiens était le seul souci. On le vit, dans le pays difficile qui est devenu le Guatemala, se lançant avec quelques frères au milieu d'une population qui passait pour sanguinaire, et sans armes, réussir à les gagner au Christ.



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Message  Monique Sam 06 Juin 2020, 7:26 am

Aujourd'hui au Pérou, demain au Mexique, après encore à Saint-Domingue, Bartholomé est partout où la Parole du Seigneur doit être entendue et où la charité doit être respectée. Il n'y a guère de pays de ce qui est aujourd'hui l'Amérique latine, qui n'ait vu passer sa noble silhouette, sa robe blanche et son grand manteau noir de fils de saint Dominique.

Bien vite sa réputation, parmi les indigènes, fut immense. On le surnommait « le Père des Indiens ». Ces malheureux, tout étonnés de voir un Espagnol prendre leur défense avec cette énergie et cette audace, l'avaient en si grande vénération qu'il suffisait de leur présenter un papier de la part du P. Bartholomé pour qu'aussitôt ils devinssent dociles.

Quand le terrible Narvaez faisait ses expéditions, la présence de las Casas à ses côtés rendaient douces et accueillantes les tribus les plus belliqueuses. Mêmes ceux, parmi les soldats et les propriétaires qui le détestaient, étaient obligés de reconnaître en lui une sainteté évidente. En l'entendant des villages entiers se convertissaient au christianisme. Là où il passait, les paroisses naissaient et il suffisait ensuite d'y envoyer un prêtre pour qu'un noyau chrétien fût constitué.


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Message  Monique Dim 07 Juin 2020, 8:20 am

Une fois de plus, dans l'histoire de l'Eglise, la flamme qui brûle au cœur des missionnaires, la flamme de l'apostolat au service du Christ, éclairait des provinces entières de la terre. Ce que le jeune auditeur du P. Montesinos avait décidé en son cœur, il n'y eut pas un jour de sa vie qu'il ne le réalisât.

Il ne faudrait pas croire que toute cette œuvre admirable se réalisât sans difficultés. Ne parlons pas de celles que Bartholomé devait vaincre pour poursuivre son apostolat, à travers ces pays mal connus, aux routes rares, aux forêts impénétrables, où la menace des serpents, des fauves et des insectes se doublait de celle, insidieuse, des maladies : cela, c'est le lot commun de tous les missionnaires, qu'ils soient en Amérique du Sud, en Asie ou en Afrique, hier, aujourd'hui, demain.

Ce n'était pas non plus des indigènes eux-mêmes que lui venaient les plus grandes peines; il arrivait bien, parfois, que les efforts du saint prêtre fussent vains, qu'une tribu exaspérée par les exactions et les tortures, se révoltât, massacrât quelques Espagnols et provoquât contre elle une expédition punitive où les villages étaient brûlés, les femmes et les enfants emmenés en esclavage, les hommes massacrés jusqu'au dernier. Et Bartholomé, désolé, ne pouvait rien...


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Message  Monique Lun 08 Juin 2020, 6:42 am

Mais les vraies, les pires difficultés lui vinrent des Espagnols eux-mêmes, des gouverneurs, des propriétaires d'esclaves, des exploitants de mines dont nous avons vu qu'ils avaient fort mal accueilli l'action des religieux. Bartholomé les connaissait bien; n'avait-il pas été lui-même un des conquérants, ne comptait-il point parmi eux nombre d'anciens camarades ? Il connaissait leurs ruses : il savait combien ils étaient peu disposés à obéir aux ordres du Roi en faveur des indigènes; il n'ignorait pas qu'ils étaient capables de tout pour l'écarter.

ll y eut parfois des épisodes douloureux. Un jour, dans un canton de l'île de Saint-Domingue, des indigènes, amenés d'ailleurs, avaient été retenus sans motifs et réduits en esclavage; la population indienne se souleva alors tout entière contre les Espagnols et, dans sa fureur, massacra deux religieux dominicains qui se trouvaient en mission dans la contrée. Il s'ensuivit une expédition punitive abominable où non seulement furent massacrés tous les habitants des villages révoltés, mais ceux de toute une vaste région d'alentour, qui n'avaient point participé à la rébellion.

Quand Bartholomé apprit ces événements, il accourut et reprocha vivement aux chefs leur conduite : le meurtre de ces deux religieux était assurément chose affreuse, mais il n'autorisait pas les Espagnols à anéantir la population d'une province entière, innocente du crime. A peine eut-il commencé à parler ainsi que Bartholomé fut insulté, menacé. Des religieux hiéronymites lui crièrent qu'il se faisait complice des assassins; les officiers excitaient la foule contre le courageux missionnaire et bientôt il se trouva seul, devant des centaines de furieux qui parlaient de le tuer lui-même : il dut se sauver et se réfugier dans un couvent.


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Message  Monique Mar 09 Juin 2020, 8:05 am

Ce ne fut pas seulement dans les terres du Nouveau Monde que les difficultés attendaient le « Père des Indiens ». Bartholomé et ses collaborateurs, comme ils en avaient le devoir, envoyaient au gouvernement royal, en Espagne, et aux autorités religieuses, des rapports sur les horreurs dont ils étaient les témoins. Ces renseignements étaient transmis au « Conseil des Indes » spécialement chargé des affaires du Nouveau Monde, lequel envoyait des instructions rappelant les gouverneurs, les fonctionnaires, les officiers, à leurs devoirs de chrétiens; mais l'Amérique était loin de l'Espagne, et les conquérants tortionnaires se moquaient bien de ce qu'on disait à Madrid!

Le seul moyen d'agir efficacement était de s'embarquer, d'aller au palais, de parler au Souverain. Bartholomé s'y résolut plusieurs fois. Auprès du roi Ferdinand, puis auprès de Charles-Quint, il osa porter les plaintes des malheureux Indiens. Et, dans ce dessein, il ne fit pas moins de cinq voyages à travers l'Atlantique. Mais si l'idée était bonne, elle n'était point aisée à réaliser. Car les Conquérants avaient des amis, des parents, dans maints hauts postes : tel gouverneur des colonies avait son frère ministre, tel général était cousin d'un évêque. Bien pis encore : beaucoup de très grands personnages du gouvernement et de la Cour — et même des évêques — avaient placé de l'argent dans des affaires en Amérique, surtout dans des mines, d'où ils recevaient de gros intérêts : on imagine de quel œil ils virent arriver ce missionnaire exalté qui venait demander au Roi de supprimer l'esclavage et de faire surveiller le travail dans les mines!


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Message  Monique Mer 10 Juin 2020, 6:52 am

En apparence, ils ne pouvaient pas lui faire mauvais accueil, de peur de se montrer chrétiens détestables, mais ils s'appliquèrent à l'écarter du Souverain, à le discréditer, à le faire passer pour une manière de fou. Ils allèrent jusqu'à faire venir d'Amérique un autre religieux, qui n'aimait pas Bartholomé, pour qu'il déclarât que l'œuvre du missionnaire était dangereuse pour l'Espagne et contraire aux intérêts de l'évangélisation!

De tels obstacles ne pouvaient arrêter un homme qui avait affronté les périls de la forêt vierge et les tribus les plus sauvages. Il réussit à voir l'Empereur plusieurs fois, et à lui parler. Il l'adjura de protéger les malheureux Indiens contre les iniquités intolérables. Devant le Souverain il traça les tableaux des atrocités de la conquête, et, à force d'éloquence, il obtint que des lois fussent promulguées pour la protection des indigènes. Hélas! ces lois seraient-elles appliquées ? Comment les conquérants, les gouverneurs s'y soumettraient-ils eux-mêmes, dès lors qu'elles allaient contre tous leurs intérêts ? On peut dire que sa vie durant, Bartholomé eut ainsainsi à lutter, sans cesse désolé de voir la méchanceté des hommes faire échec à la bonne volonté certaine des souverains, sans cesse obstiné à répéter ses protestations, ses cris d'alarme, sans cesse combattu en secret par des adversaires haineux.


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Message  Monique Jeu 11 Juin 2020, 7:10 am

C'est pour éclairer son Roi — et aussi le Pape, à qui les religieux adressaient en même temps leurs protestations — que Bartolomé de las Casas écrivit un livre où il résuma toute l'énorme documentation qu'il avait rassemblée sur les dévastations commises par les Conquérants : La Destruction des Indes. Il le compléta par un mémoire contre l'esclavage et un ouvrage sur les meilleures façons de répandre l'Evangile parmi les Indiens d'Amérique. Cette publication fit un effet énorme. Les adversaires de las Casas eurent beau susciter contre ses publications un misérable pamphlet qui prétendait les réfuter : en vain! L'opinion chrétienne s'émut de lire, sous la plume d'un religieux, des accusations aussi graves; l'idée qu'en Amérique on brûlait vivants des hommes « en l'honneur et révérence de notre Rédempteur » souleva l'indignation.

Charles-Quint lut les livres de Bartholomé et le chrétien convaincu qu'il était en fut bouleversé. En 1542, devant le Grand Conseil des Indes, il entendit le missionnaire en personne répéter ses accusations. Il l'écouta parler des Indiens, « simples, sans méchanceté, humbles, patients et fidèles », des conquérants « féroces comme loups, tigres et lions affamés. » Devant l'accumulation des détails précis, qui pouvait répondre ?

En même temps le Pape, éclairé par les rapports des religieux, venait de promulguer des bulles qui condamnaient les méthodes de terreur des conquérants. L'Empereur décida d'agir; des « lois nouvelles » furent édictées, plus fermes, plus précises que les précédentes, et des hommes de confiance furent envoyés en Amérique pour les faire appliquer.

Avant leur départ, le Roi tint à les voir lui-même et à leur donner ses instructions. Bartholomé de las Casas et son action généreuse paraissaient triompher.


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Message  Monique Ven 12 Juin 2020, 6:08 am

Bartholomé avait alors soixante-dix ans. Pourtant, il n'avait qu'un désir : retourner au Nouveau Monde, reprendre la grande œuvre missionnaire à laquelle il avait voué sa vie. Quand il lui fut annoncé qu'en témoignage d'admiration le Roi le faisait nommer évêque, il s'enquit de l'évêché qui lui était réservé. On lui dit que c'était celui de Cuzco, au Pérou, un des plus importants et des plus riches de toute l'Amérique.

Mais justement, il était trop important et trop riche pour le P. Bartholomé. Il demanda, si le Souverain désirait vraiment qu'il reçût la dignité épiscopale, qu'un évêché très pauvre, très difficile, fût créé pour lui dans une région où la conversion ne fût pas encore poussée loin, où il y aurait encore beaucoup de travail à faire pour le Seigneur.

Ainsi fut-il nommé évêque de Chiapa, à près de mille kilomètres de Mexico, dans les montagnes de ce qui forme aujourd'hui le Guatemala : certaines parties en étaient bien exploitées pour la culture du cacao, des palmiers, du maïs et pour l'élevage, mais d'autres étaient couvertes de forêts si épaisses, si infestées de serpents et d'insectes que les Indiens eux-mêmes n'osaient pas s'y aventurer.


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Message  Monique Sam 13 Juin 2020, 8:32 am

En fait, Bartholomé de las Casas ne devait pas rester longtemps dans son évêché. Bien vite il apprit que les « lois nouvelles » de Charles-Quint n'étaient pas beaucoup mieux observées que les anciennes, que des atrocités continuaient à se commettre. que l'esclavage, supprimé en théorie, était toujours pratiqué.

Il se remit donc en route. Il repartit à travers le Nouveau Monde pour défendre ses chers Indiens. C'est alors qu'il imagina un moyen d'agir sur les conquérants, moyen qu'il exposa dans un livre : il ordonnait aux prêtres qui confessaient des Espagnols d'interroger leurs pénitents sur leur comportement envers des indigènes, sur la provenance de leurs richesses, et de leur refuser l'absolution s'ils ne restituaient pas les biens volés, s'ils ne libéraient pas leurs esclaves.

La colère fut évidemment grande parmi les Espagnols devant de telles mesures, que la majorité du clergé appliqua avec beaucoup de fermeté et de courage. « Que les confesseurs prennent bien garde, disait le saint évêque, qu'en donnant l'absolution aux bourreaux des Indiens, aux pillards de leur or, ils se font leurs complices, et que, devant Dieu, ils auront à rendre compte de ces crimes qu'ils auront trop légèrement absous! »


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Message  Monique Dim 14 Juin 2020, 7:18 am

Le coup était si terrible que les Conquérants tentèrent de se défendre. Une fois de plus, on expédia en Espagne des gens porteurs de rapports mensongers qui dénonçaient Las Casas comme un traître à l'Espagne et à la chrétienté. Restituer les biens aux Indiens ? Renoncer aux travailleurs forcés ?

Mais c'est la ruine de la colonisation! Cet évêque fou ne va-t-il pas jusqu'à demander qu'on supprime le portage, qu'on interdise la pêche aux perles ? Tous ceux qui avaient reçu des Conquérants des biens volés, sans oublier les marchands qui leur avaient vendu des produits, étaient atteints par les mesures des confesseurs. Dans certaines régions, cela avait même tourné à l'émeute; des prêtres qui avaient refusé d'absoudre en confession des hommes notoirement voleurs et brutaux, avaient été attaqués, menacés. Le responsable de ces troubles n'était-il pas ce P. Bartholomé, cet exalté, ce dangereux bavard ? On persuada au Roi de le convoquer à Madrid pour s'expliquer.

Une fois de plus, il traversa l'Océan. On croyait voir arriver un accusé repentant. Au lieu de s'excuser, Bartholomé accuse! Il a écrit un mémoire détaillé justifiant sa conduite et l'a fait approuver par les plus hautes autorités religieuses du temps. Il rappelle que c'est le Pape qui, jadis, a confié le Nouveau Monde au roi d'Espagne, afin qu'il veille à y faire pénétrer l'Evangile. Les seuls principes donc que doivent reconnaître les chrétiens qui vont au Nouveau Monde, ce sont ceux de Jésus-Christ. L'Eglise a le droit, par ses confesseurs, de veiller à ce que ses principes soient observés et de punir ceux qui refusent de s'y soumettre. « Il faut, dit saint Augustin, attirer les païens au Christ par la bonté, mais, chez les chrétiens, enlever par la force ce qui est pourri. » Lui, BartHolomé de las Casas, a-t-il rien fait d'autre ? Il rappelle alors que les rois d'Espagne ont promulgué des lois, que la reine Isabelle, avant de mourir, a demandé qu'on usât de bonté envers les pauvres Indiens : ces lois, ces conseils ne sont-ils pas restés trop souvent lettre morte ? Et si grande est l'éloquence de l'évêque, si vraies sont ses paroles, que Charles-Quint lui donne raison. Le débat se termine par le triomphe du missionnaire. Une fois de plus le Souverain édicté des mesures en faveur des Indiens, interdit l'esclavage, réprime les excès des exploitants de mines et de portage. Frère Bartolomé a vaincu.
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