Le Martyre de la Vendée.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.ILES PREMIERS SÉVICES DE LA PERSÉCUTION SANGLANTE LES PREMIERS MARTYRS
Jusque vers la fin de la première moitié de l'année 1792, la persécution, localisée sur certains points du département, s'était restreinte à certaines personnalités plus en vue du clergé vendéen.
Mais pour la Vendée comme pour la France, elle devint générale après le décret du 26 du mois d'août, qui condamnait à la déportation tous les prêtres qui avaient refusé le serment à la constitution civile du clergé.
Cette législation draconienne ne fit que s'aggraver jusqu’à la loi de sang du 21 octobre 1793, qui ne parlait plus que de réclusion, de bannissement et de mort, récompensant les dénonciateurs, et condamnant comme un crime l'hospitalité donnée aux proscrits.
Quelques dates vont nous fournir les traits saillants de cette seconde phase de la persécution révolutionnaire, qui se résume en deux mots : la déportation de la grande majorité des prêtres fidèles ; l'inauguration du régime de la guillotine et de la Terreur.
Sous le coup de la loi du 18 août 1792, qui décrète la suppression des congrégations religieuses, les Filles de la Sagesse sont renvoyées, le 15 septembre, dans leurs familles. Celles qui restèrent à la communauté de Saint-Laurent portaient l'habit séculier, et logeaient chez quelques personnes charitables de la localité.
Quand Saint-Laurent fut devenu comme le quartier général des malades et des blessés des deux partis, en 1793, les saintes filles furent, auprès de ces malheureux, les anges de la charité chrétienne (1).
Au 1er octobre 1792, toutes les communautés de Luçon, des Sables et de Fontenay étaient dissoutes.
C'est surtout le décret de déportation du 26 du mois d'août, qui marque le premier déchaînement général et furieux de la tourmente révolutionnaire. Dans toute l'étendue du département, comme sur tous les points du territoire français, on voit les prêtres proscrits, poursuivis, traqués comme des bêtes fauves, emprisonnés comme de grands coupables, entassés à fond de cale dans de méchants navires, et jetés sur tous les rivages comme des marchandises de rebut.
Mais ce qui répand des clartés splendides sur ce lugubre spectacle, c'est que presque tous ces prêtres, mis en face de l'indigence, de l'exil et de la mort, dispersés en Italie, en Suisse, en Angleterre, en Espagne, ont renouvelé, devant l'Europe, ces merveilles de vertus, d'héroïsme et de grandeur morale, qui font la gloire des plus beaux siècles de l'Église.
Dès le 22 juin 1792, la barque la Providence sortait du port des Sables, cinglant vers les côtes d'Espagne, ayant à son bord un groupe de 6 prêtres déportés, parmi lesquels se trouvait le cordelier Bodaille, de Fontenay.
Du 9 au 15 septembre, 102 prêtres vendéens partaient du même port dans la même direction (1). Et cette longue liste d'émigrés, qui embrassaient le martyre non sanglant de l'exil, pour rester fidèles à leur foi, nous a conservé des noms restés chers et glorieux dans les souvenirs de la Vendée catholique, Lebédesque, Darnaud, Louis-Marie Baudouin, Paillou, le futur évêque de Luçon et de la Rochelle.
Cependant, la Providence ne voulait pas laisser sans houlette et sans direction tant de brebis dispersées au milieu des loups…
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(1) Histoire de la Congrégation de la Sagesse, p. 126. — (1) De ces 102 prêtres, 76 s'embarquaient, le 9 septembre 1792, à bord du Jean-François. Le Père Baudouin était de ce nombre. Les 26 autres partaient, le 15 septembre suivant, à bord du Jeune-Aime. Voyez aux Pièces justificatives, Note II, la liste complète des passagers du Jean-François.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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Cependant, la Providence ne voulait pas laisser sans houlette et sans direction tant de brebis dispersées au milieu des loups. Elle pourvut à leurs besoins en inspirant à quelques pasteurs l'héroïque résolution de rester au milieu du troupeau si terriblement menacé.
Ils restèrent, errants (2), déguisés, cachés dans les troncs de quelques vieux chênes des forêts, dans les cavernes profondes, dans les souterrains, dans les coins les plus obscurs d'une maison hospitalière, chez quelques-uns de ces nombreux Vendéens qui s'obstinaient à ne pas fléchir le genou devant le Baal de la Révolution française.
C'est surtout dans cette réserve, dernier espoir de la Vendée chrétienne, que Dieu devait choisir ses candidats à la gloire du martyre qui, par l'étroite ouverture de leur cachot, commençait à leur apparaître sous l'aspect de la guillotine.
La guillotine en effet, dans les premiers mois de 1793, se dressait et fonctionnait en permanence sur le remblai des Sables, et à Fontenay, sur la place de la Révolution.
Les patriotes de cette dernière ville avaient prêté à ceux des Sables leur machine à décapiter : mais un vif besoin s'en fait bientôt sentir, et ils font appel au civisme des républicains de Niort. Ceux-ci répondent que leur instrument est employé à Saint-Maixent, mais que, pour suffire à tout, ils allaient fabriquer cinq guillotines nouvelles. On n'est pas plus aimable ni plus obligeant! (1)
Pour anéantir la Vendée catholique et venir en aide aux armées républicaines qui ensanglantaient le pays, la Révolution noyait à Nantes (2), guillotinait et fusillait partout, à Fontenay, aux Sables, à Mortagne, à Montaigu, à Saumur, à Laval, à Savenay, à la Rochelle, partout où les Vendéens portaient leur courage, leurs souffrances et l'indomptable énergie de leur foi.
A la liste des déportés, il convient d'ajouter ici quelques-uns des noms que nous aurons à inscrire dans notre martyrologe, et qui doivent illustrer le calendrier de cette terrible année de 1793.
Ce tableau sera, pour nos lecteurs…
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(2) Circuierunt in melotis, egentes, angustiali, afflicti, in solitudinius errantes, in montibus et speluncis et in cavernis terræ. HEBR. XI, 37-38. — (1) Chroniques fontenaisiennes. — Annuaire de la Société d'émulation, 1892. — (2) Le comte de Fleury porte le nombre des victimes des noyades à 2.800 environ. Il relègue parmi les légendes les fameux mariages républicains. V. Etudes relig. des PP. Jésuites, du 20 octobre 1897, p. 259. — Ce qu'on peut affirmer, c'est que Carrier laissait derrière lui près de 9.000 victimes. Etudes religieuses, ibid.. On sait que Carrier, en montant sur l’échafaud, le 16 décembre 1794, se déclarait innocent.
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Louis- Admin
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Date d'inscription : 26/01/2009
Re: Le Martyre de la Vendée.
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Ce tableau sera, pour nos lecteurs, ce qu'étaient pour les fidèles de la primitive Eglise, les diptyques sacrés, qui leur présentaient les noms des martyrs dont ils avaient à célébrer la mémoire.
1, 2. Les Pères DAUCHE et VERGÉ, missionnaires de Saint-Laurent, massacrés à la Rochelle, le 21 mars.
3. Jacques PÉTIOT, curé et maire de Saint-Révérend, exécuté aux Sables, le 30 avril.
4, 5. Les sœurs EUSTACHE et GORGONIE, Filles de la Sagesse, massacrées en avril, à Saint-Laurent-sur-Sèvre.
6. Pierre-Alexis TORTEREAU, successivement curé de la Roche-sur-Yon et de Challans, exécuté à Saumur, le 13 juillet.
7. Joseph HERBERT, curé de Maillé, guillotiné à la Rochelle, le 5 septembre.
8. 9, 10. François-Joseph BONNIN, chanoine de la collégiale de Saint-Maurice de Montaigu ; Mathurin FEUVRE, doyen de la même collégiale, après avoir été curé de la Guyonnière ; Charles-François GOUPILLEAU, chanoine-chantre de la même collégiale ; tous trois massacrés à Montaigu, le 21 septembre.
11. Jean-Paul-Armand DOLBECQ, vicaire de Noirmoutier, puis curé de Sainte-Cécile, sabré par un républicain, près du Pont-de-Vie, aux environs de septembre 1793.
12. Charles-Dominique POULAIN, curé de Treize-Septiers, puis de Saint-Nicolas de Montaigu, fusillé dans cette dernière paroisse, sur le pont de Saint-Nicolas, en octobre 1793.
13. GAUDON, curé de Saint-Germain-l'Aiguillier, massacré par les républicains, dans l'automne de 1793.
14. Jean-Charles DURAND, prêtre d'Apremont, guillotiné à Saumur, le 17 novembre (1).
15. Claude MÉNARD, curé de Bournezeau, arrêté dans sa paroisse et condamné à mort par la commission militaire du Pont-de-Cé, le 1er décembre (2).
16. Madame VAS DE MELLO et ses trois filles, du Poiré-sur-Vie, exécutées à Nantes, le 19 décembre.
17. Louis-Joachim de la ROCHE-SAINT-ANDRÉ, exécuté à Nantes, le 20 décembre.
18. Jacques-Claude GUIBERT, natif de Saint-Laurent-sur-Sèvre, exécuté à Savenay, le 25 décembre.
19. Louise-Claire RAMPILLON, en religion, sœur SAINTE-ANGÈLE, ursuline cloîtrée de Luçon, âgée de 60 ans, morte en prison, à Fontenay, le 25 décembre (1).
20. René-Augustin MAJOU, âgé de 48 ans, demeurant au château des Touches, commune de Chavagnes-les-Redoux, guillotiné à Fontenay, le 31 décembre, pour avoir donné asile aux prêtres proscrits (2).
21. Simon-Joseph CAMUS, curé de Thouarsais, massacré dans la déroute du Mans, vers la fin de décembre.
22. François-Jacques RELIQUET, curé de la Boissière-de-Montaigu, tué dans la défaite de Savenay.
Ont été emprisonnés sur le navire la Gloire et noyés à Nantes :
23. Nicolas BERNARD, né à Fontenay-le-Comte, cordelier d'Ancenis, âgé de 65 ans.
24. Joseph-Thomas BONNET, né à Montaigu, vicaire de Saint-Martin-des-Noyers, âgé de 42 ans.
25. François BOUTHERON, prêtre, chartreux du couvent de Nantes, né le 28 mai 1725, à la Châtaigneraie.
26. Gabriel-Urbain DOUAND, né à Tiffauges, chanoine de la cathédrale de Nantes, âgé de 60 ans.
27. Hilaire RICHARD, né à Saint-Hilaire-du-Bois, âgé de 71 ans (3).
28. Julia-Félicité AYMÉE, ursuline de Luçon, morte en prison, à Celles, âgée de 53 ans (4).
29. PAILLOU, religieuse bénédictine, née à Loge-Fougereuse morte en prison, à Brouage (5).
30. 31, 32. Trois religieuses d'un couvent de Cholet, les sœurs MAROT, supérieure, JOBART et MEUNIER, massacrées aux Landes-Genusson, vers la fin de 1793.
33, 34. — Mesdemoiselles Marie de MARMANDE, VEXIAU, et ses sœurs, massacrées à Saint-Laurent, vers la fin de décembre. « Leur piété, dit Guillon, fut la cause principale de leur mort (1). »
35. Une humble paysanne, nommée Corbète, de Tiffauges, massacrée pour sa foi (2).
36. A la date du 25 mars 1793, les registres de Saint-Etienne-du-Bois nous fournissent la note suivante : « Charles LEROY, âgé de 50 ans, décédé à la Mercerie ; mort martyr pour sa religion, a été inhumé dans le cimetière de Saint-Etienne. »
La plupart de ces noms glorieux seront l'objet d'une notice biographique, plus ou moins détaillée, que nous renvoyons au chapitre XI de cet ouvrage.
Pour les autres, la pénurie des documents nous oblige à nous borner à la simple mention que nous venons de leur donner.
Dans ses Souvenirs, la comtesse de…
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(1) DENIAU, T. III p. 557.
(2) GUILLON, T. II, p. 360.
(1) Revue du Bas-Poitou, 12e an. 1re livr., pp. 51, 64.
(2) Revue du Bas-Poitou, 7e an., n° supp. p. 231.
(3) Pour les 5 prêtres noyés à Nantes, V. les Noyades de Nantes, par Lallié, p. 85 et suiv.
(4) Revue du Bas-Poitou, 12e an. 1re[ livr., pp. 51 et 64.
(5) Chroniques du Bas-Poitou, T. II, p. 98.
(1) GUILLON, T. IV, pp. 17 et 703.
(2) Chroniques du Bas-Poitou, III, 44. — Paysans vendéens, p. 40. — Semaine Cathol. 1893, p. 998.
Dernière édition par Louis le Lun 12 Sep 2016, 6:20 am, édité 1 fois (Raison : Insertion d'un lien.)
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Louis- Admin
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Date d'inscription : 26/01/2009
Re: Le Martyre de la Vendée.
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Dans ses Souvenirs, la comtesse de la Bouëre (3) place immédiatement après la bataille de Torfou le meurtre atroce des victimes du puits du château de Clisson.
Les Mayençais, commandés par Cordellier, comblèrent ce puits avec les cadavres d'environ 400 Vendéens. C'étaient surtout des vieillards, des femmes et des enfants. Ils les avaient trouvés cachés dans un bâtiment appelé les Archives. Une pauvre femme y avait allumé du feu pour réchauffer son petit enfant malade. La fumée trahit ces malheureux. On les chasse à coups de sabre et de baïonnette, et on les précipite dans le puits.
Un enfant de 7 à 8 ans put s'échapper, en s'accrochant à des barres de fer qui se trouvaient scellées dans les parois. Les soldats voulurent le précipiter de nouveau, en lui coupant un poignet et en le sabrant sur les épaules : mais, de l'autre main, l'enfant continuait à se cramponner aux barres. Touché de compassion, un soldat le saisit par un bras et le retire en disant : « Sauve-toi, si tu peux ». L'enfant eut la chance de guérir.
Une jeune fille put également échapper au massacre, en se glissant dans un obscur réduit des Archives. Se jetant ensuite par une fenêtre, elle tomba dans un endroit d'où elle fut témoin, sans être aperçue, de cette horrible scène (1).
L'affreuse boucherie du puits de Clisson s'est renouvelée, le 30 mars 1793, dans un des puits de Montaigu (2).
Dans ce tableau chronologique, où nous venons de grouper comme un ensemble de la première phase de la persécution, il convient d'encadrer quelques physionomies de martyrs, qui vont animer sous nos yeux et peindre au vif l'héroïsme simple et calme que les victimes opposaient à la férocité des bourreaux.
Le 18 novembre 1793, la commission militaire de Laval faisait fusiller un pauvre cordonnier de Saint-Pierre-la-Cour, nommé Louis David.
On voulait le contraindre à crier : Vive la République !
— Non, répond l'inébranlable chrétien, parce que je croirais crier vive l'enfer, puisque c'est votre République qui persécute la religion et qui a fait périr notre bon roi.
David fut condamné et exécuté le jour même.
Marchant à la mort avec le courage d'un martyr, il chanta jusque sur l'échafaud le cantique :Je mets ma confiance,
Vierge, en votre secours (3).
Quelques semaines après, à peu de distance de Montoir, dans le désastre de Savenay, des fugitifs, épuisés de fatigue, s'étaient arrêtés au pied d'une croix…
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(3) Souvenirs de la comtesse de la BOUËRE, chez Plon, 1890. — (1)Souvenirs de Madame la Comtesse de la BOUËRE, pp. 77, 78. — (2) Ibid. — (3) CRÉTINEAU-JOLY.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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Quelques semaines après, à peu de distance de Montoir, dans le désastre de Savenay, des fugitifs, épuisés de fatigue, s'étaient arrêtés au pied d'une croix — Mourons ici, dit un vieux prêtre blessé qui les accompagnait et qui, pendant le combat, n'avait cessé d'assister les mourants.
Les femmes et les enfants se couchent devant le calvaire, et le vénérable ecclésiastique se place en sentinelle, pour protéger leur repos.
Bientôt, il signale un peloton de soldats républicains.
— Sauvez-vous, sauvez-vous, crie-t-il; voilà les Bleus.
Les malheureux veulent s'enfuir à travers champs ; mais voici qu'un autre peloton de soldats leur barre le passage et les enveloppe.
Le prêtre se présente alors devant ces farouches patriotes.
— Tuez-moi, leur dit-il, mais laissez la vie à ces infortunés, à ces femmes et à ces enfants.
— Tu mourras le premier, lui répondent les bourreaux, et ton troupeau te suivra de près.
Et en même temps, deux décharges de mousqueterie abattaient, au pied de la croix, le prêtre et ceux qu'il voulait sauver.
A peu près à la même époque…
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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A peu près à la même époque, sur la place d'armes de la Rochelle (car la Vendée portait bien loin son héroïsme et ses malheurs), vingt à trente Vendéens montaient sur l'échafaud.
L'hôpital était situé devant cette place, et la guillotine fonctionnait tous les jours sous les fenêtres des religieuses, qu'on n'avait pas encore chassées du chevet des malades et des moribonds.
Une d'entre elles, la sœur Thérèse Lacour, pour apprendre à faire à Dieu le généreux sacrifice de sa vie, avait coutume de monter dans une salle, d'où elle pouvait contempler le spectacle des courageuses victimes qui mouraient pour affirmer leur foi.
Un jour, elle vit conduire à la mort une trentaine de ces Vendéens, que la Révolution égorgeait comme des monstres, que l'Europe admirait comme des héros, et que le monde catholique saluait comme des martyrs.
Ils avaient assisté à la messe de leur curé, qui les accompagnait au pied de la guillotine, et qui obtint de mourir le dernier.
Pendant que ses paroissiens marchaient au supplice, il leur donnait une dernière absolution.
Forts de ce suprême secours, les pieux Vendéens défilent d'un air calme et recueilli, devant leur pasteur, et vont, les uns après les autres, consommer leur sacrifice.
Le prêtre arrive à son tour ; il se prosterne à genoux en face de l'instrument de mort ; puis, baisant chacun des degrés de l'échafaud, il monte avec joie jusqu'à la palme du martyre.
La sœur Thérèse fut également témoin de l'exécution d'un aide-de-camp de Charette.
Petit de taille, ce brave étonnait la foule par la noble fermeté de sa démarche, et par sa mâle fierté en présence des ennemis de son Dieu.
Les démagogues qui le conduisaient à la mort voulaient l'obliger à se prosterner devant la déesse Raison, installée dans la cathédrale de la Rochelle. Ils n'obtiennent du loyal soldat qu'un regard de mépris.
A la vue de l'échafaud, le Vendéen cria : Vive la religion ! vive le roi ! Et ces cris de sa fidélité religieuse et politique, il ne cessa plus de les répéter, jusqu'au moment où le couteau lui trancha la tête (1).
Un jour, plus de 60 vendéens avaient été pris…
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(1) Histoire de l'Eglise Santone, par l'abbé BRIAND, T. III,pp. 81-90.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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Un jour, plus de 60 vendéens avaient été pris aux environs de Nantes et jetés dans les cachots du Bouffay (1).
Dès le lendemain, ils furent condamnés à mort.
Un témoin digne de foi, Madame de la Brejolière, a raconté que, se trouvant dans une rue voisine de la place, elle fut poussée par le flot de la foule jusque sur le lieu de l'exécution.
Arrivée là, elle vit ces Vendéens descendre, deux à deux, le grand escalier de la prison. Tous avaient le chapelet à la main, et chantaient en chœur le cantique populaire à la sainte Vierge:Je mets ma confiance,
Vierge, en votre secours.
Servez moi de défense;
Prenez soin de mes jours;
Et quand ma dernière heure
Viendra fixer mon sort,
Obtenez que je meure
De la plus sainte mort.
Madame de la Brejolière ne put supporter plus longtemps ce spectacle. Voyant la porte d'une maison voisine entr'ouverte, elle s'y précipita et referma la porte sur elle. Elle ne vit plus la procession funèbre des condamnés, mais elle entendait encore leur chant. La foule était silencieuse, on n'entendait que le pieux cantique et le bruit du fatal couteau, qui tombait par intervalles mesurés.
Peu à peu le nombre des voix diminuait, bientôt quelques-unes seulement se faisaient entendre, puis une seule, puis, le silence. Le sacrifice était consommé (2).
Ces prêtres, ces femmes, ces soldats qui recevaient, en…
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(1) Le Bouffay, qui servait alors de prison, fut bâti par Conan le Tors, et servait à la fois de palais et de château-fort. II était bâti au confluent de l’Erdre et de la Loire. Budic, comte de Nantes, renfermé dans cette forteresse, y fut vainement assiégé, pendant deux ans, par Geoffroy, duc de Bretagne. — (2) Lettres vendéennes, par le Vte WALSH, p 266.
A suivre : II. LA DÉPORTATION EN ESPAGNE.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.IILA DÉPORTATION EN ESPAGNE
Ces prêtres, ces femmes, ces soldats qui recevaient, en 1793, le baptême du sang, étaient des martyrs : mais martyrs, ils l'étaient aussi, ces déportés, ces exilés, ces persécutés, qui s'en allaient souffrir ou mourir, pour la même cause, sur les plages étrangères.
Il nous serait impossible de reconstituer dans les détails d'histoire de leur longue et douloureuse passion; mais nous pouvons du moins en donner une idée générale et sommaire, en racontant l'exil de deux des plus illustres victimes de cette première déportation : Louis-Marie Baudouin, et Jean Brumauld de Beauregard.I. — Exil de Louis-Marie Baudouin.
Après avoir célébré la fête de la Nativité de la sainte Vierge, l'abbé Louis-Marie Baudouin s'embarquait aux Sables, le 9 septembre 1792, à bord du navire le Jean-François.
Un registre de la commune des Sables-d'Olonne mentionne comme il suit cet embarquement :
« A 5 heures du soir, s'est présenté à la municipalité François Picard, maître de la barque le Jean-François, de ce port, lequel a dit et déclaré qu'il allait embarquer à son bord, pour conduire à Bilbao ou autre port d'Espagne, le nombre de 75 prêtres non assermentés (1), conformément à son rôle d'équipage, en date de ce jour. Signé, E. Duault. »
« Les rivages de France avaient disparu à l'horizon, nous dit l'auteur de la Vie du R. P. Baudouin, et l'exilé, ne voyant plus autour de lui que le vaste océan, sentait plus vivement, dans cette solitude immense, la douleur de quitter la patrie. Tandis qu'il vogue vers la terre de l'exil, des pensées désolantes viennent assiéger son esprit.
« La France, qui s'était si longtemps glorifiée du titre de Fille aînée de l'Eglise, n'est-elle point séparée pour toujours du centre de l'unité catholique?
« Reverra-t-il jamais le sol natal, ses proches, ses amis, qu'il laisse exposés à tant de périls? »…
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(1) Le registre en compte 76, V. Note II.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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« Reverra-t-il jamais le sol natal, ses proches, ses amis, qu'il laisse exposés à tant de périls? »
A ces cruelles pensées se joignait le délabrement de sa santé, profondément altérée par une fièvre quarte.
Pour surcroît d'épreuves, le navire fut assailli par une furieuse tempête, et paraissait à chaque instant sur le point de sombrer. Le confesseur de la foi crut toucher à sa dernière heure.
Après six jours de périlleuse navigation, les exilés débarquèrent à Saint-Sébastien, le 14 septembre, fête de l'Exaltation de la Sainte Croix. De là, les deux frères Baudouin se rendirent à Valence, avec Messieurs Paillou et Lebédesque.
Bientôt, il leur fallut quitter Valence et se diriger vers Tolède.
« En route, nous raconte l'abbé Louis-Marie, nous fûmes attaqués par une bande de voleurs, qui se mirent à nous dévaliser. J'attendais sans inquiétude que mon tour arrivât; j'avais si peu de chose à perdre ! Ce qui pourtant m'offusquait un peu, c'était le bout d'un fusil, que l'un des voleurs tenait appuyé sur mon oreille.
— Avez-vous peur? me dit-il.
— Non, répondis-je ; ma vie est entre les mains de Dieu; il en est le maître; s'il veut me délivrer, que son saint nom soit béni !
« Les voleurs, ne trouvant sur moi qu'une piastre, se regardent les uns les autres, et l'un deux dit avec l'accent de la pitié : Pobrescito ! le pauvret ! Je crus un instant qu'ils allaient, par compassion pour ma misère, me rendre ma piastre ; mais ils se décidèrent à la garder, et contents de nous avoir rendus plus lestes, il eurent, en partant, la politesse de nous souhaiter un bon voyage.
« Nous racontâmes, au village le plus prochain, ce qui nous était arrivé. On fut touché de notre mésaventure, et l'on s'empressa de faire d'excellents gâteaux, qui nous suffirent abondamment pendant la route. C'est ainsi que la Providence venait à notre secours. »
Après une longue marche, les deux Messieurs Baudouin et Lebédesque arrivèrent à Tolède, épuisés de fatigue et dénués de tout.
Le cardinal archevêque Lorenzana ne put voir, sans une émotion profonde…
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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Le cardinal archevêque Lorenzana ne put voir, sans une émotion profonde, ces vénérables confesseurs de la foi réduits à la dernière indigence. Il s'empressa de leur procurer des logements et de pourvoir à leur subsistance.
Daniel et ses compagnons, sur les rives de l'Euphrate, tournaient continuellement leurs regards vers Jérusalem, et pleuraient, inconsolables, au souvenir de ses malheurs.
Ainsi, sur les bords du Tage, Louis-Marie Baudouin et ses amis souffraient de tous les maux de la France. Ils se représentaient les temples détruits, les autels renversés, les prêtres égorgés, et ces infâmes déesses, appelées déesses Raison, recevant les hommages qui ne sont dûs qu'au Dieu trois fois saint.
Monsieur Baudouin et les autres prêtres qui partageaient son exil avaient un motif particulier d'inquiétude et de douleur. Chaque jour, les feuilles publiques leur retraçaient les combats que soutenait la Vendée contre les armées révolutionnaires, et déroulaient devant leurs yeux l'épouvantable tableau de cette persécution féroce, qui mettait leur pays à feu et à sang. C'était comme le martyre de la compassion de Marie devant le martyre sanglant du Calvaire.
Le temps que les pieux exilés ne donnaient pas à la prière, ils le passaient dans la bibliothèque de l'archevêché, étudiant l'Ecriture sainte, les ouvrages des Pères et la théologie.
Ils terminaient ordinairement leur journée par la visite de quelque église, pour y adorer le divin Maître, épancher leur cœur à ses pieds, et faire monter vers son trône leurs soupirs, avec les gémissements de la France chrétienne.
Monsieur Louis-Marie Baudouin eut la douleur de perdre son frère, le curé de Luçon, une des nombreuses victimes des souffrances de l'exil.
Le pieux malade fut un exemple admirable de patience et de résignation. Tout en regrettant de mourir si loin de la patrie, il vit la mort avec joie, et rendit son âme à Dieu, le 4 septembre 1796, à l'âge de 48 ans.
Après la mort de son frère, l'abbé Louis-Marie…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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Après la mort de son frère, l'abbé Louis-Marie quitta Tolède, pour se retirer à Torrejo.
Les yeux sans cesse tournés vers la France, il sentait plus vivement que jamais les douleurs de ce long martyre de l'exilé.
Un jour de semaine sainte, nous dit l'auteur de sa vie, il fut invité, dans une communauté religieuse, à chanter une des lamentations de Jérémie. Il le fit d'une voix si pleine d'émotion, que les larmes gagnèrent tout l'auditoire.
C'est qu'en gémissant avec le prophète sur les ruines de Jérusalem, il songeait à ces ruines sanglantes, dont la Révolution couvrait a France et la Vendée.
Enfin, l'horizon parut s'éclaircir et annoncer des jours moins désastreux. Monsieur Baudouin se décide à quitter la terre étrangère et fait ses préparatifs de départ.
À Tolède, il avait travaillé à l'état de passementier, afin de pouvoir, au besoin, obtenir un passeport d'ouvrier. Il s'en munit en effet, et au mois de juin 1797, il prit, avec Monsieur Lebédesque, le chemin de la France, à travers les plus grands dangers.
Comme il traversait une des villes de la frontière, des soldats républicains, frappés de son air éminemment ecclésiastique, fixèrent les yeux sur lui, et semblaient se disposer à l'arrêter.
Dans ce moment critique, le saint prêtre se recommande à Dieu, et apercevant, à la porte d'une maison, un petit enfant, il se tourne vers lui, comme s'il l'eût connu, et lui tend les bras. L'enfant sourit et court vers le voyageur, qui le caresse et l'embrasse. « C'est un habitant de la ville », se disent les soldats, et ils le laissent passer.
L'exilé remercie la Providence, qui vient de le sauver, et il continue sa route vers Bordeaux.
Dans cette ville, sa vie fut de nouveau mise en péril.
Il logeait chez un de ses anciens condisciples, l'abbé Micheau, revenu d'Espagne quelques temps auparavant.
Un jour, les agents de la police, soupçonnant qu'il y avait quelque personne suspecte, cachée dans la maison de Madame Micheau, vont y faire une visite domiciliaire, pendant que Monsieur Baudouin s'y trouvait avec son ami. Les deux prêtres se blotissent près d'une balustrade. Madame Micheau se hâte de jeter sur eux un tapis, puis elle paraît avec une calme assurance devant les agents, leur fait de grandes civilités, et les prie de prendre quelques rafraîchissements.
Ceux-ci acceptent, et jugeant inutile de faire des perquisitions chez une dame où ils sont si bien reçus, ils se contentent de jeter un coup d'œil autour d'eux et ils se retirent.
Ne se croyant plus en sûreté dans la ville de Bordeaux, l'abbé Baudouin, accompagné de Monsieur Lebédesque, se retire à Libourne, et quelques jours après, ils prenaient tous deux passage sur un bâtiment qui faisait voile pour les Sables.
Pour mieux se dérober à la surveillance républicaine, l'abbé Louis-Marie fit la traversée caché au fond d'un tonneau.
Dans la nuit du 14 au 15 du mois d'août, les deux exilés abordaient aux Sables-d'Olonne, où notre récit les retrouvera, dans une autre phase de la persécution (1).
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(1) Vie du R. P. Baudouin, T. I, pp. 30-50.
A suivre : III. La déportation en Angleterre.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.IIILA DÉPORTATION EN ANGLETERRE
Dans l'exil du vénérable Père Baudouin, nous venons de voir comme une peinture abrégée des souffrances de nos prêtres vendéens en Espagne.
Le récit qui va suivre sera comme un raccourci d'un tableau ni moins sombre ni moins édifiant : l'histoire des prêtres déportés en Angleterre.II. — Exil du grand vicaire de Luçon,
Jean Brumauld de Beauregard.
Nous avons vu que l'abbé Jean de Beauregard, en quittant le diocèse de Luçon, à la fin de 1792, s'était retiré dans sa famille, à Moulinet, près de Poitiers.
« Nous restâmes à la campagne, nous dit-il dans ses Mémoires. Nous y vivions fort retirés, avec André mon frère le théologal, et le jeune de Curzon, auquel j'enseignais le latin. J'étudiais les mousses (il eut toujours un goût prononcé pour la botanique), et le soir, je composais sur divers sujets. J'écrivais des lettres pour le diocèse de Luçon. Nous célébrions la sainte messe en secret, pénétrant dans la chapelle par une petite fenêtre intérieure.
« Sur la fin de décembre 1792, un officier de volontaires vint à Moulinet. Il se dit de nos parents ; mon frère André le reçut avec amitié et il dîna en famille. Nous étions trahis: notre retraite avait été soupçonnée ; nous étions tombés dans un piège, et le soir même, nous fûmes dénoncés au district.
« Le 1er janvier 1793, vers les 7 heures du matin, j'éveillai Curzon et je lui dis de préparer la chapelle pour nos messes. Nous étions près du feu, dans la salle, lorsque j'entendis le bruit d'une voiture et les portes de la cour s'ouvrir.
— Voyez ce que ce peut-être, dis-je à Curzon.
— Mon oncle, répond-il, ce sont les chevaux de ma grand'mère : mais je ne connais pas la voiture.
« C'était ma voiture, qui était restée à Poitiers. Je m'avançai, j'aperçus une femme, c'était ma mère, elle venait nous apprendre, en pleurant, que nous étions exilés.
« Mon frère le théologal tomba malade, et ma mère, qui voulait sauver au moins un de ses enfants, obtint qu'il fût exempté de la déportation. Mais on 1'enferma au petit séminaire, d'où il fut transféré à Paris, et exécuté quelques heures avant la chute de Robespierre.
« Je me présentai au district, et sur ma demande..
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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« Je me présentai au district, et sur ma demande, on m'accorda de m'exiler en Angleterre.
« Le 14 janvier, mon frère et moi nous partageâmes notre bourse, j'embrassai ma famille, et je me rendis à la diligence.
« Tandis que j'étais au bureau, mon domestique était allé reconnaître mes compagnons de voyage.
« Quand il revint à moi :
— Ah! Monsieur, me dit-il, ne partez pas; il y a là quatre militaires furieux.
— Je partirai cependant, lui dis-je, mais ne parle point à ma mère de ce que tu as vu.
« J'étais vêtu d'un habit bleu à boutons d'argent, et j'avais à la main un livre de botanique, plein de belles mousses et de planches.
« Quand le jour parut, j'aperçus des figures atroces, et je n'entendis que d'horribles propos. Mon livre fixa l'attention de ces hommes, qui me prirent sans doute pour un médecin ils voulurent le voir. Je l'ouvris, et je leur fis surtout remarquer la dédicace, que l'auteur adressait à Dieu, créateur des plantes. Je leur dis que tous les naturalistes avaient mis une invocation semblable a la tête de leurs ouvrages, qu'ils avaient tous reconnu le grand Maître, et que moi-même je l'invoquais tous les jours
« Vers la fin de la première journée, la conversation se tourna vers la politique On parla du jugement du roi. Un sous officier du régiment de la Sarre raconta les effroyables détails de l'assassinat de la malheureuse princesse de Lamballe. Je ne pus contenir mon émotion : elle fut remarquée : car cet homme me dit : « Si je croyais que tu fusses noble, prêtre ou financier, je te passerais mon sabre dans la poitrine, et je te jetterais par la portière !
« Je pris sur moi de sourire.
— Un homme n'est pas grand’ chose, lui répondis-je; mais encore, tu n'as pas bien mesuré la distance de ton sabre à mon cœur.
« Il en resta là. On ne me fit pas d'autres menaces.
« Le soir, on nous fit coucher dans la même chambre. Je me mis à genoux pour prier. En me voyant, ils s'emportèrent en blasphèmes et en jurements.
« Alors, je me fâchai ; je leur reprochai vivement leur tyrannie.
« Si j'étais Juif, leur dis-je, vous me laisseriez tranquille. Vous êtes bien injustes !
— Couche-toi, me répondit l'un d'eux.
« Je me mis sur mon lit.
« Le lendemain, nous soupâmes à Etampes. Après le repas, je jetai sur la table un louis d'or, pour que le conducteur se payât.
— Gardez votre louis, Monsieur, me dit-il; vous en aurez bien besoin.
« Cette générosité m'étonna.
— Non, lui répondis-je, payez-vous.
« Se penchant alors à mon oreille :
— Croyez, ajouta-t-il, que je vous connais bien. J'ai souvent conduit à Paris votre frère le garde du corps, Monsieur de Brumauld. Que Dieu vous protège.
« Je payai et je montai en voiture. Je fis mes prières et je remplaçai mon bréviaire par la récitation de mon chapelet.
« Nous arrivons à Paris…
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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« Nous arrivons à Paris. Je me rendis chez mon frère Menfalon, directeur des fermes du roi, rue de la Sourdière.
« Je passais mes journées chez Madame de Saint-Wast, rue Saint-Honoré. Je fus témoin de tous les incidents du procès de l'infortuné Louis XVI, et j'entendis des voix féroces crier dans les rues : Arrêt de la Convention, qui condamne Louis Capet à la mort.
« On m'avait prié d'aller voir la famille Lézardière, qui était vendéenne. Elle demeurait rue Serpente, n° 16. Je m'y rendis ; je frappai trois fois; mais on n'avait garde de m'ouvrir: car le prêtre qui confessa le roi cette nuit-là même était là, qui attendait qu'on le vint chercher. Voyant qu'on ne me répondait pas, je craignis de m'être trompé.
« J'aperçus un homme qui faisait les cent pas dans la rue. Je l'abordai en lui disant : Monsieur, est-ce bien là le n°16?
« L'ombre du réverbère m'empêchait de distinguer.
« A ce mot Monsieur, il se mit à crier à l'aristocrate.
« C'était une sentinelle de la garde nationale, en habit bourgeois. Je me mis à fuir vers Saint-André-des-Arts.
« Le lendemain, 21 janvier, je me rendis à 9 heures à l'Hôtel Saint-Wast. Nous entendîmes très distinctement le roulement des tambours ordonné par Santerre au moment où le roi voulut parler.
« Ces détails ont fait ma fortune en Angleterre, et m'ont valu la bienveillance de plusieurs personnes, spécialement de Monseigneur l'évêque de Saint-Pol-de-Léon, qui fut le père des prêtres exilés dans la Grande-Bretagne.
« Je partis enfin le 23 janvier. Je n'avais d'autres papiers que l'arrêt du district et deux lettres de recommandation de l'excellent abbé de Tersans, l'un des plus savants hommes de France, qui m'avait aussi contraint d'accepter une lettre de crédit de 4.500 francs.
« Nous étions au grand complet dans l'intérieur de la voiture.
« En arrivant à Calais, je reconnus, dans la cour de l'hôtel où nous descendîmes, deux émigrés vendéens qui rentraient, Monsieur Bodreau, ancien procureur du roi à Nantes, et Monsieur de l'Epinay-Soulandeau, qui a épousé la veuve de Charette. Je me joignis à eux, mais nous faisions semblant de ne pas nous connaître.
« J'attendis deux jours le départ du paquebot.
« Je dormis pendant toute la traversée. La mer était grosse, mais bientôt les eaux se calmèrent, et nous prîmes terre à Douvres.
« Tous les passagers qui étaient destinés pour Londres se réunirent dans le même hôtel. J'étais au salon, près du feu, avec mes compagnons de voyage, lorsque entra un jeune homme, d'une mise recherchée, qui nous dit : « Messieurs, je repars pour Calais. Si vous voulez écrire en France, je me chargerai de vos lettres. »
« J'agréai cette offre, et je me mis à écrire à Paris, à Poitiers, à Luçon.
« A Londres, je descendis chez l'abbé Brault…
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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« A Londres, je descendis chez l'abbé Brault, et le soir même, Monsieur Dargence vint me prendre, pour me donner un logement dans la maison qu'il habitait avec son frère et Monsieur de la Faire, vicaire général.
« J'étais malade de tristesse et de lassitude : je ne voulus pas sortir.
« Je n'étais pas sans doute très remarquable par moi-même, mais j'arrivais de Paris, dans un temps bien notable. Je l'avais quitté l'oreille retentissant encore du roulement des tambours qui couvrirent les dernières paroles du roi martyr. J'apportais beaucoup d'exemplaires de son testament, et je savais sur son séjour au Temple beaucoup de détails, qui n'ont été connus que depuis.
« Plusieurs prélats me reçurent avec intérêt, surtout Monseigneur de Talaru, évêque de Coutances, et Monseigneur de la Marche, évêque de Saint-Pol, qui me permit d'assister à son déjeuner trois fois par semaine.
« Par la suite, l'insurrection de la Vendée me mit plus en avant encore.
« Pendant l'hiver, je fus malade et je sortis fort peu; aussi n'ai-je presque point connu Londres.
« Je me mis à traduire de l'anglais. J'y réussis et je parvins à le lire avec une prononciation passable.
« Je réussis auprès d'un Anglais, un Monsieur Charles Townley, riche catholique et très savant antiquaire. Je devins familier avec lui, et ce fut pour moi une admirable ressource. Sa maison, très belle, était remplie de statues d'un grand mérite, qui garnissaient plusieurs salles. Il possédait une quantité prodigieuse d'inscriptions grecques et latines.
« J'ajoutai aux jouissances de Monsieur Townley, en lui présentant un abbé Devag, de Nantes, qui connaissait toutes les langues mortes et vivantes.
« Vers le mois d'avril, je reçus de Reading une lettre de mon frère Charles. Reading est une jolie ville, salubre, à quinze lieues de Londres. Je m'y rendis. Il ne s'y trouvait que huit ou dix émigrés français.
« Pendant six mois, je m'y livrai à la botanique, surtout à l'étude des mousses.
« Nous nous réunîmes six, qui mangions chez nous. Je soignais la marmite avec assez d'habileté, et une demi-heure avant le dîner, Monsieur le vicomte de Chambray venait dresser les ragoûts.
« Je rentrais de bonne heure ; j'étudiais, j'écrivais.
« Nous gagnâmes ainsi le mois d'octobre.
« Cependant se répandit la triste nouvelle de la mort de la reine. Madame Smarth, notre vénérable protectrice, qui était catholique, nous réunit.
— Vous avez un devoir à remplir, nous dit-elle…
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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— Vous avez un devoir à remplir, nous dit-elle : il faut que vous célébriez un service pour votre reine. Il y a dans le Château, au bout de la ville, douze prêtres, qui vivent retirés et ne sortent jamais. On dit qu'ils ont de belles voix. Nous ferons ouvrir la chapelle, et si une fois nous pouvons l'obtenir, vous aurez rétabli pour toujours le culte catholique.
« Monsieur de Beauregard prononcera l'oraison funèbre. »
« Mon frère Charles me dit : « N'allez pas vous charger de ce discours ; vous n'auriez pas assez de temps, et votre réputation en souffrirait. »
« Mais je crus devoir accepter. Tout fut réglé pour le service, auquel on invita tous les Anglais du canton qui entendaient la langue française.
« Au jour convenu, quand tout le monde fut réuni, je commençai le grand office, et m'étant revêtu des habits sacerdotaux vers la fin des laudes, la messe fut chantée.
« Après l'évangile, je montai en chaire. J'essayai de peindre les malheurs de la France. Je reconnus que la main de Dieu nous punissait de l'abandon de la foi et de cinquante ans de blasphèmes contre son Christ. Enfin, j'arrivai à déplorer notre infortune, à nous, qui étions chassés des temples de Dieu et de notre patrie ; éloignés de nos parents, sans amis, sans fortune, presque sans espérance, et n'ayant pour nous soutenir que les secours qu'une nation riche et généreuse pouvait donner à la misère. Quelle situation pour des cœurs sensibles, nobles et français !
« Puis j'ajoutai : « Non, nous n'avons pas tout perdu : il nous reste la conscience, la fidélité à nos principes, notre confiance dans les secours de l'antique religion de nos pères, à laquelle les vrais Français restèrent toujours fidèles. »
« Nous étions tous émus, et je ne pus retenir mes larmes.
« L'assemblée fut très touchée, et quand, à l'absoute, les belles voix de nos prêtres normands se firent entendre, les protestants eux-mêmes se montrèrent étonnés de la gravité de cette cérémonie. »
Chassés des temples de Dieu…
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Louis- Admin
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Date d'inscription : 26/01/2009
Re: Le Martyre de la Vendée.
A suivre : Chapitre IV. Les victimes de la persécution d’Outre-Loire de l’hiver 1793 à 1794..
Chassés des temples de Dieu, éloignés de nos parents, sans amis, sans fortune et presque sans espérance !
Dans ce cri, parti du fond de son âme, le vicaire général de Luçon exprimait les gémissements étouffés, les larmes silencieuses et le secret martyre de toutes les victimes de la déportation.
Et quand il nous parle des secours qu'une nation généreuse donnait à la misère, c'était par pure convenance oratoire, devant les Anglais qui écoutaient sa parole. Le gouvernement britannique donnait un schelling par jour (1), à chaque émigré ; c'était à peine ce qu'il lui fallait pour ne pas mourir de faim.
Un autre exilé, Chateaubriand, qui vivait à Londres à peu près à la même époque, nous fait le navrant récit des souffrances de la plupart des déportés : « Nous diminuâmes, nous dit-il, la ration des vivres, comme sur un vaisseau, lorsque la traversée se prolonge. Le matin, à notre thé, nous retranchâmes la moitié du pain, et nous supprimâmes le beurre. Ces abstinences fatiguaient les nerfs de l'ami qui vivait avec moi. Son esprit battait la campagne. Il prêtait l'oreille et avait l'air d'écouter quelqu'un ; en réponse, il éclatait de rire ou versait des larmes.
« Cette diète rigoureuse échauffait ma poitrine malade ; je commençais à avoir de la peine à marcher.
« Arrivé à notre dernier schelling, je convins avec mon ami de le garder pour faire semblant de déjeuner.
« Nous arrangeâmes que nous achèterions un pain de 2 sous, que nous nous laisserions servir, comme de coutume, l'eau chaude et la théière, que nous n'y mettrions point de thé, que nous ne mangerions pas le pain, mais que nous boirions l'eau chaude, avec quelques petites miettes de sucre.
« Mon lit consistait dans un matelas et une couverture. Je n'avais point de draps. Quand il faisait froid, mon habit et une chaise ajoutés à ma couverture me tenaient chaud (2)».
Dans un autre de ses ouvrages, composé en Angleterre, l'illustre écrivain qui vient de nous décrire la noire infortune de nos déportés, ajoutait : « Un infortuné, parmi les enfants de la prospérité, ressemble à un gueux, qui se promène en guenilles au milieu d'une société brillante: chacun le regarde et le fuit. »
Puis à ces infortunés il donnait des conseils :
« La première règle, dit-il, est de cacher ses pleurs. Qui peut s'intéresser au récit de nos maux? Les uns les écoutent sans les entendre ; les autres avec ennui.
« La seconde règle consiste à s'isoler entièrement. Il faut éviter la société lorsqu'on souffre, parce qu'elle est l'ennemie naturelle du malheureux.
« Je suis si convaincu de cette vérité sociale, que je ne passe guère dans les rues de Londres sans baisser la tête ».
Heureusement, nos prêtres exilés avaient d'autres règles et d'autres secrets pour consoler et surtout pour sanctifier leurs souffrances : ils versaient leurs larmes devant Dieu, et ils regardaient le ciel (1).
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(1) Le schelling vaut 1 fr. 16 de notre monnaie.— (2) CHATEAUBRIAND, Mémoires d'outre-tombe. — (1) Ad te levavi oculos meos... Posuisti lacrymas meas in conspectu tuo.ps. 122 et 55.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.IMULTITUDE DES VICTIMES : DÉSASTRES DU MANS ET DE SAVENAY
L'expédition d'Outre-Loire, dans laquelle plus de 100.000 paysans quittaient leur pays natal pour conserver leur foi, fut, comme on l'a dit, le chemin de croix de la Vendée, la montée de son Calvaire, et l'une des phases les plus attendrissantes de son long martyre. Illustrée par les souffrances de ses victimes autant que par la vaillance de ses soldats, cette expédition douloureuse restera dans l'histoire comme l'une des manifestations les plus touchantes et les plus magnifiques de l'héroïsme chrétien.
Parmi la multitude innombrable des prêtres, des vieillards, des femmes et des enfants, qui ont succombé dans cette effroyable série de désastres, nous avons déjà signalé un certain nombre de martyrs.
Ajoutons ici les noms de l'abbé Jean-Baptiste TRIMOREAU, desservant de Saint-Symphorien, qui mourut à la suite de l'armée; et de l'abbé POTTIER, curé du Bas-Poitou, qui avait suivi ses paroissiens.
Arrêté dans la déroute du Mans, il fut conduit à Laval et massacré, sans jugement, le 12 décembre 1793 (1).
Plusieurs Filles de la Sagesse, ont été exécutées au Mans.
La famille de PONSAY perdit un grand nombre de ses membres (2).
Madame de MESNARD, de Luçon, se cassa la jambe au passage de la Loire et mourut à Varades.
DESESSARTS fut pris et fusillé pendant qu'il faisait sa prière, dans une chapelle de Feygréac. « Sa mort fut très pieuse, nous dit Madame de la Rochejacquelein (3). »
Dans la déroule du Mans, le 12 et le 13 décembre, l'abbé GAILLARD, vicaire de Chanteloup, dans la Vendée angevine, s'efforçait de soutenir le courage de 14 de ses paroissiens, qui se trouvaient à bout de forces. Les voyant incapables d'avancer plus loin, et d'échapper à la poursuite de l'ennemi, il les conduit à l'écart, dans un bosquet voisin de la route. Là, il les confesse, les prépare à la mort, leur dit que si la terre est triste, le ciel est toujours beau, et qu'il reste ouvert sur la tête des martyrs de la cause catholique.
— Vous êtes confessés et absous, ajoute-t-il ; qu'avez-vous à craindre? Ah! vous êtes plus heureux que moi ; je n'ai pas ici de confesseur pour m'entendre.
Quelques instants après le doux et courageux pasteur est massacré par les républicains, avec le petit troupeau qui l'entoure.
Dans la même circonstance, une poignée de Vendéens, pour sauver des femmes, se laissaient tuer, en faisant face aux gros bataillons d'ennemis qui poursuivaient les fuyards.
Il nous est impossible d'inscrire ici les noms de toutes les saintes victimes immolées…
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(1) GUILLON, T. IV, p. 371.
(2) Revue du Bas-Poitou, 7e ann., 1re livr., p. 94.
(3) Mémoires. T. II, p. 159.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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Il nous est impossible d'inscrire ici les noms de toutes les saintes victimes immolées à Laval, à Alençon, à Rennes, à Sablé, à Angers, au Mans, à Savenay, à Nantes. La liste en serait infinie (1).
On estime que la seule défaite du Mans a dû coûter la vie à plus de 15.000 personnes. Les patriotes égorgeaient dans les rues, dans les maisons, dans les fossés de la route, les femmes et les enfants. Un grand nombre de ces fuyards éperdus prirent la route d'Alençon, et là, on les conduisit à l'échafaud.
Quelques jours après, la déroute de Savenay fut plus sanglante encore. Un grand nombre de Vendéens s'étaient jetés dans les marais de Montoir, dans les maisons des paroisses limitrophes, et dans les bois taillis des alentours.
La cavalerie républicaine, lancée à leur poursuite, les sabra par milliers. Au témoignage de Beauchamp, 1.200 de ces fugitifs avaient mis bas les armes ; on les fusilla ; 600 d'entre eux demandaient quartier ; on les égorgea. Durant huit jours, les Bleus continuèrent cette chasse de cannibales; huit jours durant, on entendit retentir dans les rues de Savenay, dans les bois, dans les champs de genêts du voisinage, les cris des mourants, mêlés au bruit de ces ignobles et sauvages fusillades.
Les fossés regorgeaient de sang, et les horribles bouchers de la République, entassant les cadavres avec symétrie pour en former des pyramides, se faisaient un jeu de dresser, sur le champ du carnage, ces honteux trophées de la mort.
C'est après avoir accumulé tant de victimes sur la rive droite de la Loire, que Westermann croyait pouvoir écrire au Comité de Salut public : « II n'y a plus de Vendée; je viens de l'enterrer dans les marais et dans les bois de Savenay. »
A ce martyre des morts, il faut ajouter le martyre des survivants…
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(1) Chroniques du Bas-Poitou, T. I, pp. 70, 77. La Justice révolutionnaire, les Noyades, les Prisons de Nantes, par LALLIÉ. — Vie de l'abbé GRUGET.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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A ce martyre des morts, il faut ajouter le martyre des survivants, martyre plus prolongé, plus atroce, et peut-être plus méritoire devant Dieu.
Comment peindre l'état de délabrement, de souffrance et de misère où cette dernière défaite plongea l'immense cohue de ces Vendéens fugitifs, dispersés, errants à l'aventure, pourchassés à coups de canon et à coups de fusil, par des vainqueurs impitoyables, à travers les campagnes, les tourbières et les bois !
Écoutons Madame de Lescure, victime et témoin, nous révélant, dans ses Mémoires, un coin de ce lugubre tableau.
« La faim, la fatigue, le chagrin, écrit-elle, nous avaient tous défigurés. Pour se garantir du froid, pour se déguiser, ou pour remplacer, les vêtements usés, chacun était couvert de haillons.
« J'étais vêtue en paysanne, enveloppée d'une vieille couverture et d'un grand morceau de drap bleu, rattaché à mon cou par des ficelles.
« Je portais trois paires de bas en laine jaune, et des pantoufles vertes, retenues à mes pieds par de petites cordes.
« Monsieur Roger-Moulinier portait un turban et un costume turc, qu'il avait pris au théâtre de la Flèche.
« Le chevalier de Beauvolliers s'était enveloppé d'une robe de procureur, et avait un chapeau de femme par-dessus un bonnet de laine. »
L'angoisse qui oppressait tous les cœurs ne permettait pas d'observer le côté burlesque de ces travestissements étranges. Aucune lèvre ne pouvait sourire : il y avait trop de larmes dans les yeux !
Ce qu'il y eut de plus terrible pour les proscrits, ce fut…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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Ce qu'il y eut de plus terrible pour les proscrits, ce fut la prolongation indéfinie de leur martyre, pendant les rigueurs de l'hiver de 1793 à 1794 ; et la cruauté de cette situation n'était adoucie par aucune espérance d'en voir la fin.
Pendant cinq semaines, Monsieur et Madame Morisset, de Cholet, se tinrent cachés dans le creux d'un arbre, aux environs d'Ancenis.
Madame d'Autichamp, la mère de Charles d'Autichamp, parvint à se déguiser si complètement, qu'elle put entrer au service d'un administrateur du district, pour garder les vaches. Elle fit ce métier pendant un an, jusqu'à l'amnistie.
Plusieurs dames vendéennes se sauvèrent ainsi, en cultivant la terre ou en gardant les troupeaux.
Une demoiselle de la Voyrie se coupa un doigt avec sa faucille, en faisant la moisson.
« Madame de la Roche-Saint-André, née Du Chaffault, fut arrêtée à Nantes et jetée en prison...
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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« Madame de la Roche-Saint-André, née Du Chaffault. fut arrêtée à Nantes et jetée en prison. Après y avoir longtemps langui, elle fut condamnée à périr dans la Loire. Mais on sut qu'elle avait été du nombre de ces dames qui avaient demandé grâce pour les 3.000 républicains faits prisonniers à Montaigu, en 1793 : on la relâcha.
« Elle était presque sans vêtements. Mourant de faim et craignant d'être prise une seconde fois, elle alla dans les faubourgs de Nantes, se présenter pour servir dans un hôtel. On la reçut pour sa vie, comme une fille de peine. On lui coupait son pain, qu'elle mangeait debout. Elle jouait l'innocente. On l'appelait Marion. Elle couchait dans un taudis. Ses nuits étaient bien tristes : elle en passait une grande partie à pleurer et à prier.
« Une nuit, elle entendit du bruit à sa porte. Elle en fut grandement effrayée et se recommanda à Dieu. On frappa de nouveau. Alors elle se hasarde à demander : Qui est là ?
— Je suis le bonhomme Pierre, Mamzelle Marion ; n'ayez pas peur de moi : car je crains Dieu.
Pierre était un vieux valet d'écurie.
— Que voulez-vous, bonhomme Pierre, demande la Vendéenne.
— Ma bonne demoiselle, répond le vieux domestique, vous craignez le bon Dieu, je le sais bien ; j'ai remarqué que votre mouchoir de cou est tout déchiré, et que vous avez bien de la peine à l'arranger avec des épingles. J'avais cent sous ; j'ai acheté un morceau de toile, et je veux vous le donner pour vous couvrir.
« La pauvre fugitive ouvrit sa porte et reçut ce touchant cadeau avec une grande reconnaissance (1). »
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(1) Mémoires de MONSEIGNEUR DE BEAUREGARD, Poitiers, 1842, pp. 87, 88.
A suivre : II : DOULOUREUX ÉPISODES DE L'EXPÉDITION D'OUTRE-LOIRE.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.IIDOULOUREUX ÉPISODES DE L'EXPÉDITION D'OUTRE-LOIRE
Cinq épisodes, d'un navrant intérêt, vont dérouler plus complètement sous nos yeux le vivant tableau de cette agonie de la Vendée, dans le désastre final de son expédition d'Outre-Loire.
C'est comme une touchante odyssée, qui va nous peindre les malheurs de tous nos proscrits, dans les infortunes diverses :
De quatre petits orphelins de Cholet ;
Du jeune Davis, de Saint-Lambert-du-Lattay ;
De Mesdemoiselles Sophie de Sapinaud et Robert de Lézardière ;
De Madame de Bonchamp ;
De Madame de Lescure, qui fut depuis la marquise de la Rochejacquelein.I. — Les quatre petits orphelins de Cholet.
Deux jeunes garçons de Cholet, l'un nommé Coudrais, l'autre Barbier, tenant chacun une petite sœur par la main, erraient à l'aventure dans les rues de Nantes.
Leurs parents venaient de tomber sous le couteau de la guillotine.
Par pitié pour leur âge, les bourreaux les avaient tirés de prison et déposés sur le pavé de la grande ville.
Les pauvres petits orphelins vaguaient au hasard, d'une rue à l'autre, par une rigoureuse journée d'hiver, transis de froid, exténués par la faim et par l'horrible régime du cachot.
Deux passants les rencontrent, et navrés à l'aspect d'une misère si attendrissante : « Voici, dit l'un des deux à son compagnon, voici des enfants qui vont périr cette nuit, s'ils ne trouvent personne pour les recueillir. On a bien pitié des chiens ; il faut avoir pitié de ces petits malheureux !
— Que veux-tu que nous fassions de ces marmots ? répond l'autre. Ils sont quatre ; il n'y a point de place pour eux chez nous.
— Partageons, reprend le premier ; prends-en deux ; je me chargerai des deux autres.
— Eh bien! soit, dit l'autre; partageons à nous deux cet acte d'humanité. Quand la paix nous sera rendue, nous remettrons ces enfants à leur famille.
On est heureux de rencontrer les nobles délicatesses du cœur humain, en face de tant de barbaries et à côté de tant d'ineffables infortunes.
A l'époque de l'amnistie, les quatre orphelins furent renvoyés à Cholet.
Un jour, 72 ans après la date du récit qu'on vient de lire, quatre octogénaires se trouvaient réunis dans cette ville de Cholet, et versaient des larmes d'émotion, en se rappelant les souvenirs de 1793. C'étaient les quatre orphelins abandonnés dans les rues de Nantes.
A suivre : II. — Les infortunes du jeune Davis, de Saint-Lambert-du-Lattay.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.II. — Les infortunes du jeune Davis, de Saint-Lambert-du-Lattay.
Parmi les jeunes victimes de la férocité des bourreaux de la Vendée, l'historien de la persécution révolutionnaire doit citer le jeune Davis, de Saint-Lambert-du-Lattay, qui traversa tous les périls de la tourmente.
Bien jeune encore, il avait suivi son père, qui succomba dans l'expédition d'Outre-Loire.
Après la déroute de l'armée catholique au Mans, Davis s'était caché au premier étage d'une maison. Il s'y était glissé par la fenêtre, en grimpant sur des monceaux de cadavres. Il en sortit bientôt après par une porte dérobée, et parvint à rejoindre les débris de l'armée en fuite.
Pendant quelques jours, marchant nu-pieds et tête nue, il fit route avec 15 soldats vendéens, et avec eux se cacha dans un bois de Saint-Herblon ; mais la faim l'obligea d'en sortir.
Espérant trouver grâce à cause de son jeune âge, il se rendit à Nantes. On lui donna d'abord la ville pour prison ; mais Carrier le fit ensuite renfermer à l'Entrepôt, où il eut à subir les tourments de la faim, de la contagion et des sévices de tout genre.
Carré le prit à son service en qualité de mousse. Le pauvre enfant ne faisait que changer de supplice. Souvent le maître brutal le renversait par terre à coups de poing, et lui mettait les pieds sur le corps, en lui criant : « Ce petit Brigand, il faut que je l'écrase. »
Ce genre de vie dura deux ans.
Enfin, un jour, remontant la Loire de Nantes à Orléans, le petit mousse put s'évader sur un bateau de pêcheur, et se réfugia dans l'île de Béhuard, située au milieu du fleuve. De là, il traversa le Louet, et fut assez heureux pour trouver un batelier compatissant, qui le débarqua sur la rive vendéenne.
Le jeune fugitif se dirige alors vers Saint-Lambert-du-Lattay, où il a l'espoir de retrouver sa mère.
Il arrive à la maison maternelle avec son accoutrement de marin, et sous les haillons de la misère. Madame Davis ne peut le reconnaître.
— J'aurais grand désir de vous assister, mon enfant, lui dit-elle, le prenant pour un étranger ; mais les républicains m'ont tout volé, et mon mari est mort dans l'armée catholique, au-delà la Loire.
— Moi aussi, dit l'enfant, j'ai fait l'expédition de la Galerne.
— Comment donc vous nommez-vous?
— Davis, répond le petit mousse; et vous, n'êtes-vous pas ma mère ?
Madame Davis jette sur l'enfant un long regard étonné ; puis, ôtant la casquette de marin qui masquait ce jeune visage :
— Ah ! c'est toi ! dit-elle, en poussant un cri d'inexprimable bonheur.
Elle venait de reconnaître son fils à une marque qu'il portait au front, et elle tombait évanouie, en disant : Mon enfant !
Plus de vingt ans après, Davis rencontra Carré dans une foire de Rochefort. Cet homme était tombé dans la dernière misère, et s'était fait marchand de bric-à-brac.
Davis se fit connaître à son bourreau et lui fit l'aumône.
Il se vengeait en Vendéen et en vrai disciple de Jésus-Christ (1).
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(1) L'abbé CONIN, p. 177.
A suivre : III. — Les douloureuses aventures de Mesdemoiselles Sophie de Sapinaud et Robert de Lézardière.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.III. — Les douloureuses aventures de Mesdemoiselles Sophie de Sapinaud et Robert de Lézardière.
Mademoiselle Sophie de Sapinaud, de la Gaubretière, sœur du général, avait suivi son père, avec ses deux sœurs Aimée et Charlotte, dans la fatale expédition d'Outre-Loire.
Elle avait 18 ans.
Elle dormait par terre, dans son manteau, au milieu de l'armée, entre les jambes de son cheval, tenant passée autour de son cou la bride de sa monture.
Dans l'affreux désarroi de la déroute du Mans, un convoi de caissons la sépara tout à coup de son père.
Jetée seule au milieu de tant de bourreaux et de victimes, Sophie eut la bonne fortune de rencontrer une de ses parentes, Mademoiselle Robert de Lézardière, vigoureuse et intrépide Vendéenne.
Elles se partagèrent le secours d'un cheval boiteux, qu'il leur fallait souvent traîner derrière elles, et gagnèrent ainsi la campagne, à la grâce de Dieu.
Comme les Bleus massacraient tout sur la grande route, elles se lancent dans un chemin de traverse. Elles parviennent à gagner une métairie, où les fermiers leur firent bon accueil.
On leur donna des habits de paysannes, et sous ce déguisement, elles continuent leur route.
Mais voici qu'elles sont surprises par des soldats républicains, qui leur crient : Où allez-vous?
— Nous allons au bourg de Brulon.
— Vous êtes des brigandes ! Suivez-nous.
On les mène au bourg, et les soldats délibéraient tout haut, devant elles, s'il ne fallait point les fusiller, chemin faisant.
A Brulon, on les introduisit dans une auberge, toute pleine de captifs qui attendaient la mort.
On les dépouilla brutalement de leur costume de paysannes, en ne leur laissant que leur camisole et leur jupon.
Mais un coup de Providence les sauva…
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