Le Martyre de la Vendée.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.II — Arrêt de déportation. — Voyage de Poitiers à Rochefort.
Les sombres prévisions de Monsieur de Beauregard furent bientôt justifiées.
Le 5 janvier 1798, pendant qu'il montrait à l'un de ses compagnons d'infortune, Monsieur l'abbé de Bruneval, une belle collection qu'il avait faite des mousses du Poitou, un domestique, le fidèle Louis, vint leur apprendre que les deux prisonniers étaient condamnés à la déportation.
« Dans ce cas, dit Monsieur de Bruneval, nous pouvons terminer ici cet examen de votre collection.
« Je ferme le portefeuille, ajoute Monsieur de Beauregard ; je le noue et je le jette sur le fond de mon petit grabat. Mon frère arrive et nous trouve informés de la nouvelle. Je le priai de faire les apprêts d'une valise très exiguë ; nous devions partir le lendemain, 6 janvier.
« Je fis prier ma famille de ne pas mettre ma sensibilité à l'épreuve par les adieux. Je dis à mon frère d'empêcher qu'on effectuât le projet formé par quelques personnes de me faire évader. Je lui recommandai ma mère et lui remis une lettre pour elle. Quand elle apprit mon départ, elle se mit à genoux, comme pour recevoir cette sentence. Elle en offrit toute la douleur à Dieu ; elle m'offrit moi-même comme une victime, en disant : « Eh bien ! Seigneur, je vous le donne, et avec lui tous mes pauvres enfants. Elle entendit lire avec courage la lettre que je lui avais écrite, et on me mandait de Poitiers : « Consolez-vous ; vous avez une mère admirable. »
« Elle me répondit à Rochefort. Sa lettre était d'une main tremblante. Les expressions étaient celles d'une mère tendre et affligée, mais soumise à la volonté de Dieu. Je fus deux jours sans pouvoir lire cette lettre de suite. La fin était d'une héroïne chrétienne.
« Pendant que mon frère faisait les préparatifs de mon voyage, Monsieur de Bruneval et moi, nous nous fortifiâmes, le jour des Rois, par tous les secours de la religion, en lisant les prières de la messe et en recevant la sainte communion.
« Mademoiselle Duboux de Villemort vint m'apporter un gilet de laine, tissu de sa main et de celle de ses sœurs, et Louis m'offrit un modeste couvert d'ivoire. »
Le lendemain, 7 janvier, à 8 heures sonnantes, le concierge, suivi des gendarmes…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Date d'inscription : 26/01/2009
Re: Le Martyre de la Vendée.
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Le lendemain, 7 janvier, à 8 heures sonnantes, le concierge, suivi des gendarmes, vint avertir que le moment du départ était venu. Un huissier remit aux condamnés l'arrêt de leur déportation et l'ordre du Directoire. Un brigadier de gendarmerie avait ordre de conduire dans les prisons de Rochefort Messieurs de Beauregard et de Bruneval, avec un pauvre prêtre grabataire, infirme depuis six ans, Monsieur Limousin, qui fut depuis chanoine de la cathédrale de Poitiers.
— Messieurs, leur dit brusquement le brigadier, en les abordant, si je vous croyais capables de faire des sottises, je vous attacherais.
— Faites, lui répondit le vicaire général de Luçon ; mais je suis le plus ingambe des trois, et je ne suis pas dangereux.
On se dispensa de les lier. Une charrette rouverte les attendait à la porte. Ils montèrent, Monsieur de Beauregard traînant le vieux prêtre infirme par le bras, en faisant le signe de la croix et en regardant le Ciel.
Une foule de curieux assistaient à ce spectacle, qui se reproduisait alors sur tous les points du territoire français: le départ des prêtres déportés.
« Je ne vis pas là une seule physionomie honnête, dit Monsieur de Beauregard; pas un regard sympathique; des chapeaux couverts de toile cirée, des patriotes et des femmes, qui rappelaient les tricoteuses de 1793.
La charrette s'ébranle et traverse les rues de la ville. C'était un jour de marché. Quelques paysans se détournaient pour cacher leurs larmes. Les trois prêtres récriaient le Miserere.
A Saint-Maixent, on les changea de véhicule; on leur donna une charrette si mauvaise et si étroite, que Monsieur de Beauregard crut devoir descendre, et fit la route à pied jusqu'à Niort.
« J'avais des habits très lourds et j'étais chaussé dans des souliers ferrés, qu'on m'avait trouvés à la hâte, nous dit le futur évêque d'Orléans. Ces souliers ont fait mon bonheur à la Guyane. Je les ai portés deux ans. Tous les mois je remplaçais les clous, que la sécheresse faisait tomber, et je leur donnais un radoub de suif fondu. Ils m'ont bien servi dans les pluies et sur les cailloux. »
On gagne Rochefort par Mauzé et par Surgères, avec des fatigues inouïes, au milieu des rigueurs de l'hiver, à travers une neige épaisse.
Messieurs de Beauregard et de Bruneval furent internés dans l'ancien hôpital de la marine, en attendant le départ pour le Nouveau-Monde.
A suivre : III. — Les Prisons de Rochefort.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.III. — Les Prisons de Rochefort.
Dix prêtres Vendéens furent incarcérés à Rochefort, en attendant l'embarquement pour la Guyane.
1. ALLAIN, domicilié à Saint-André-Goule-d'Oie : il s'est évadé de Rochefort.
2. Jacques BOURSIER âgé de 61 ans, natif de Saint-Nicolas-de-Montaigu, et domicilié à Saint-André-Goule-d'Oie. Il avait été curé à Mouchamp. Il fut exempté de la déportation.
De cet excellent prêtre, Monseigneur de Beauregard nous dit, dans ses Mémoires : « Je puis répondre de mon compagnon, le bon Monsieur Boursier, curé de Mouchamp. »
3. René-Félix CHAPELLE DE JUMILLAC, chanoine, âgé de 52 ans, né à Fontaine, et domicilié à Toul. Il fut déporté en Espagne sur le vaisseau la Décade. Libéré le 17 juillet 1801, il fut pris par les Anglais et conduit à Québec. Rentré en Vendée, il fut nommé curé de Mouilleron-en-Pareds.
4. Pierre-François DROUET, âgé de 36 ans, vicaire. Né à Beaulieu et domicilié à Landeronde, il fut déporté à la Guyane, sur le vaisseau la Décade. Libéré le 2 janvier 1801, il est mort chanoine de Luçon. On voit, par les Mémoires de Monseigneur de Beauregard, que son courage eut quelque défaillance dans cette rude épreuve de la déportation.
5. Jean-Mathias GERMON, âgé de 40 ans, vicaire. Né à Chavagnes et domicilié à Talmont, il fut déporté sur la Décade. Libéré le 12 décembre 1800, il revint en France à ses frais, sur le Rocou. Il avait eu la faiblesse de prêter le serment: mais il se rétracta et reçut l'absolution du pape.
6. Jean HERBRETEAU. vicaire. Il était natif de Chauché et domicilié à Venansault, ou à Landeronde. Il s'évada de Rochefort.
7. LEBRETON, curé, domicilié à Venansault. Attint d'une maladie sérieuse dans sa prison de Rochefort, il obtint la permission de se retirer chez le citoyen Coumailleau, près Charente; puis il fut incarcéré dans la citadelle de Saint-Martin de l'île de Ré.
8. Alexis-Charles-François TÉNÈBRE, curé de Croix-de-Vie. Né à Tours et pris à Coëx, il fut déporté sur la Décade. Libéré le 17 juillet 1801, il retourna en France par la Martinique, et mourut curé de Vairé.
9. Pierre BRÉNUGAT, vicaire de Bazoges-en-Paillers, né à Pornic. Déporté sur la Décade, il mourut à la Guyane.
10. Jean-Baptiste BRUMAULD DE BEAUREGARD, chanoine, vicaire général de Luçon, qui nous racontera lui-même sa déportation à la Guyane.
Sur la liste des prêtres de Vendée condamnés à la déportation, Monseigneur de Beauregard ajoute le nom d'un Monsieur DÉSANNEAU, son ami, qu'il tira, nous dit-il, de Sinnamari, et qui vint se fixer avec lui à Macouria (1).
Les prisons infectes de Rochefort, où les détenus manquaient d'air et de nourriture, présentaient aux anges et aux hommes, un merveilleux spectacle de calme résignation, d'héroïque patience et de piété touchante. Les prêtres avaient réglé l'heure des prières du matin et du soir, et se réunissaient pour discuter quelques points de théologie. Ils s'exhortaient mutuellement à faire généreusement à Dieu le sacrifice de leur vie et à se montrer de véritables martyrs de la foi. Ils se confessaient mutuellement et se distribuaient la sainte communion.
La charité chrétienne avait trouvé le secret de pénétrer dans leurs cachots et d'adoucir leurs souffrances…
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(1) Les déportés de la rade d'Aix, par l'abbé MANSEAU, T. II, pp. 246-292. Mémoires de Monseigneur DE BEAUREGARD, pp. 268-395 et suiv. et p. 437.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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La charité chrétienne avait trouvé le secret de pénétrer dans leurs cachots et d'adoucir leurs souffrances. Une dame de la Rochelle, Madame de Tally, et quelques pieuses personnes de Rochefort, s'ingéniaient à soulager leur misère.
Le grand vicaire de Luçon s'occupait à traduire la belle lettre de Zacharie, patriarche de Jérusalem, à son peuple, après que Cosrohès eût pris la ville sainte, renversé les églises, et condamné ce pontife aux travaux des mines.
Le traducteur trouvait un mélancolique intérêt à contempler, dans les malheurs de la cité déicide, une image des châtiments qui frappaient la France impie et dissolue du XVIIIe siècle . Il demandait pardon des mauvais exemples qu'il avait pu donner lui-même ; il exhortait ses confrères à transformer leurs souffrances en expiation pour les crimes de la patrie, et à se préparer, par la pénitence, à un voyage qui serait pour plusieurs le voyage de l'éternité.
Quant à lui, sa disposition fondamentale était celle d'un entier et généreux abandon entre les bas de Dieu.
« Ma sécurité, nous dit-il, était fondée, je l'avoue avec simplicité, sur une entière résignation à ce qu'il plairait à Dieu d'ordonner de ma personne. Je croyais que la déportation me conduisait à la mort; et la mort, je la trouvais consolante et glorieuse : j'y voyais le complément de ma pénitence.
« Je trouvai dans les prisons de Rochefort, nous dit-il encore, plusieurs ecclésiastiques de Luçon, et parmi eux, deux prêtres distingués, avec un brave officier vendéen, Monsieur Guerry de la Vergne. »
Le noble caractère, la gravité et la dignité des victimes en imposaient quelquefois à la brutalité des bourreaux.
Un jour, un officier de santé faisait une visite au curé de Croix-de-Vie, qui avait un mal sérieux à la cuisse.
Comme le médecin se permettait à l'égard du malade quelques plaisanteries grossières : « Citoyen, lui dit Monsieur Ténèbre, en le regardant avec indignation, respectez un prêtre de Jésus-Christ. J'ignore jusqu'aux termes infâmes dont vous vous servez dans des fonctions où vous devrez être humain. De toutes mes souffrances, c'est votre reproche indécent qui est la plus amère. »
Sous le coup de ces nobles et fermes paroles, l'insolent baissa la tête et garda le silence (1).
Ces âmes fortes étaient prêtes pour la suprême épreuve, le supplice et un climat meurtrier dans les marais de la Guyane.
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(1) Mémoires de Mgr de BEAUREGARD, pp. 199-268.
A suivre : V. PRÊTRES VENDÉENS DÉTENUS SUR LES PONTONS DE LA RADE DE L'ILE D'AIX, ET DANS LA CITADELLLE DE L'ILE DE RÉ
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.V
PRÊTRES VENDÉENS DÉTENUS SUR LES PONTONS
DE LA RADE DE L’ÎLE D'AIX,
ET DANS LA CITADELLLE DE L’ÎLE DE RÉ
Parmi les 3 000 prêtres français condamnés au martyre des pontons, dans la rade de l'île d'Aix, l'histoire nous signale 19 membres du clergé vendéen, dont le Ciel seul connaît les noms (2).
Nous devons au moins un pieux souvenir à la mémoire de ces glorieux inconnus, dont les ossements reposent, sans doute, avec tant d'autres, dans les sables de ces rivages, témoins de si grandes infortunes et de si longues douleurs.
Un étranger, traversant cette plage solitaire, vit un jour un paysan de Sainte-Soulle, agenouillé et faisant sa prière, dans l'ile Madame. II lui demande la raison de cet acte religieux.
— Eh quoi ! lui répond le pieux chrétien, vous ne savez donc pas que c'est ici que sont enterrés les saints !
Les saints ! Ce sont les victimes du Directoire, les prêtres et les religieux déportés dans la rade de l'île d'Aix, et inhumés, sans honneur, sur les côtes du littoral. Il y a plusieurs centaines de ces tombes dans l’île Madame.
Plus heureux pour les détenus vendéens de la citadelle de Saint-Martin de l'île de Ré, l'historien peut offrir leurs noms au respect de la Vendée catholique (1).
Quatre prêtres du diocèse de Luçon étaient internés dans cette citadelle.
1. Jean-Augustin EPAUD, né à Sainte-Flaive. Il était domicilié à Saint-Nicolas de Brem, quand il fut saisi et conduit à l'île de Ré, le 7 août 1798. Il était âgé de 61 ans. Il fut libéré en 1800.
2. Charles-Louis GRAFFARD, âgé de 53 ans, né aux Herbiers. Il était domicilié à Monsireigne quand il fut pris. Il s'est évadé.
3. Michel-Louis HANTRAYE, âgé de 73 ans ; né aux Loges-Marchis. Il était domicilié à la Claye, dans la paroisse de Curzon.
4. Antoine-Charles MORIN, âgé de 55 ans, natif de Vouvant. Incarcéré le 7 août 1798, il est mort à l'île de Ré, le 30 mars 1800, chez un pharmacien nommé Bernier.
Comme les martyrs des premiers siècles, ces généreux prisonniers du Christ transformaient leur cachot en oratoire.
« La citadelle de Saint-Martin de l'île de Ré, nous dit l'historien de leur captivité (2), présentait l'image d'une fervente communauté religieuse. On les voyait, réunis par groupes, réciter le saint office. Les quelques exemplaires de bréviaires qu'ils avaient sauvés des mains rapaces des inquisiteurs municipaux circulaient de mains en mains. Les jours et les nuits suffisaient à peine à l'accomplissement du pieux devoir.
« Ils récitaient dévotement leur chapelet, et l'on n'entendait de tous côtés que le Pater, l'Ave Maria et le Memorare.
« Ils avaient trouvé moyen d'ériger un certain nombre d'autels dans les greniers et dans les galetas. On fit des pierres sacrées avec les ardoises des toitures. Ou se procura des calices et des patènes en étain, et l'on se fit des ornements pour la célébration des saints mystères.
« Depuis 3 heures du matin jusqu'à midi, les prêtres se servaient la messe les uns les autres. Ils conservaient la sainte eucharistie, et avaient organisé entre eux l'adoration perpétuelle du Saint Sacrement.
« Ils avaient également formé une association du Sacré-Cœur, et voici une des prières que récitaient les associés.Prière journalière de l'Association formée entre les prêtres déportés de l'île de Ré, le 2 février 1800.
O Cœur adorable de Jésus, soyez l'unique objet de mon amour, le terme de tous mes désirs, le centre de mon cœur. Soyez ma paix et ma tranquillité à l'heure de ma mort, ma joie et ma béatitude dans l'éternité.
O Cœur aimable, soyez connu, aimé et exalté jusqu'aux extrémités de la terre.
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(2) Rochefort et les pontons de l’île d'Aix, par l'abbé DUBOIS chez Libaros — (1) Les déportés de la rade d'Aix, par l'abbé MANSEAU, T. II, p. 246 et suiv., 292 et suiv. — (2) Ibid.. 183 et suiv.
A suivre : CHAPITRE VIII. DÉPORTATION A LA GUYANE, DE 1798 A 1801.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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LE DÉPART, LES ADIEUX À LA FRANCE, LA TRAVERSÉE
Il y avait 16 mois que les prêtres proscrits étaient détenus dans les prisons de Rochefort, lorsque, le 11 mars 1798, à 6 heures du matin, le geôlier entrait dans leur prison.
— Messieurs, levez-vous, leur dit-il, d'une voix rude ; vous allez partir.
Sur les 8 heures, 195 prisonniers, parmi lesquels on comptait 162 prêtres et 33 laïcs, sont réunis dans une cour et entourés d'une haie de soldats. C'était un premier convoi pour la déportation à la Guyane.
Rangés deux par deux, les exilés sont conduits à bord de la frégate la Charente, avec tambours en tête, battant l'air du Ça ira.
La Charente échoua dans la rade de Royan.
Un mois après, le 12 avril, les 195 déportés étaient transbordés sur la Décade, qui les déposait à Cayenne, à la fin de mai 1798.
Cinq prêtres vendéens faisaient partie de ce premier convoi :
C'étaient Messieurs Chapelle de Jumillac, Drouet, Germon, Ténèbre et Brénugat.
Un second convoi, dont faisaient partie Messieurs Jean de Beauregard et Désanneau, était embarqué le 1eraoût de la même année, sur la Bayonnaise.
Avant son départ de Rochefort, le vicaire général de Luçon avait reçu de sa mère l'admirable lettre que voici :
« Je ne puis t'exprimer, mon plus cher et malheureux enfant, toute ma peine de te voir encore séparé de moi. J'espérais que tu m'aurais fermé les yeux. Mais il faut adorer la main de Dieu, qui nous punit à cause de nos péchés. J'espère qu'elle ne t'abandonnera pas. Ménage ta pauvre santé à cause de moi. Ta sœur t'écrit. Tous ceux qui sont autour de moi se réunissent pour t'assurer qu'ils prieront Dieu pour toi. Et moi, mon cher enfant, je t'assure de toute la tendresse de ta malheureuse mère. »
Deux jours après son départ pour la Guyane, l'abbé de Beauregard écrivait la lettre suivante à cette mère si tendrement aimée, dont l'absence fut l'objet de ses plus cruels chagrins, dans les prisons de Rochefort comme dans les solitudes du Nouveau-Monde.
« Ma très bonne mère, en m'embarquant pour la terre lointaine de l'exil, mon cœur s'est porté vers vous; mais j'ai vu en vous une mère chrétienne, une femme forte qui, à chaque épreuve, se retourne vers la main qui l'éprouve. Il est un séjour éternel où nous nous réunirons tous ; je l'espère de la bonté de Dieu, et je le lui demanderai toute ma vie. Mon cœur n'est pas dur; je vois tous ceux que j'aime ; mais je souris au sacrifice, et j'ose vous assurer que la paix, même la gaîté, règnent dans mon âme.
« Vous ne m'avez pas mis au monde pour ne pas mourir ; encore moins pour ne pas souffrir. Je vous le répète avec candeur, je suis heureux et sans aucune triste pensée. Votre Dieu, le Dieu de ma mère, règne sous l'équateur ; l'univers est à lui ; c'est sa main qui le gouverne.
« Je vous en conjure par tous les droits que votre tendresse m'a donnés sur vous, consolez-vous, consolez mes amis.
« J'emporte vos lettres, et plus encore, l'image de votre courage. Cette idée me rend fort, et jamais je n'ai mieux senti le bonheur d'avoir une mère qui fait l'orgueil de notre maison et l'admiration de nos amis (1) »
L'abbé de Beauregard manifestait la même grandeur d'âme et le même héroïsme de sentiments chrétiens dans une autre lettre, datée du 7 du mois d'août, qu'il adressait à l'une de ses plus intimes connaissances.
« Enfin, disait-il, les derniers liens sont rompus. Quand vous recevrez cette lettre, je serai en pleine mer et loin de la France pour jamais. C'en est fait des espérances humaines. Il n'est plus d'amis, de parents ; il n'est plus de frères. Vous, la dépositaire de mes derniers sentiments, vous les transmettrez à mon frère et à mes amis. Vous leur direz que mon cœur a tout senti ; qu'il n'est pas un ami, un parent, un frère, une sœur que je ne voie et que je ne nomme ; mais aussi qu'il n'est rien que je ne sacrifie à la volonté de mon Dieu, oh! oui, jusqu'à la meilleure des mères.
« Mais la paix est le fruit de ce sacrifice : ah ! bien plus que la paix; la joie est dans mon cœur, et ce sentiment ranime ma santé et mes forces ; ma gaîté est remarquée par tous ceux qui m'entourent.
« Et pourquoi ne serais-je pas heureux ? Je ne tiens plus qu'à Dieu, et je me donne à sa Providence. La foi me dit qu'il est un bon père, et qu'il me donnera le ciel en échange d'un reste de monde.
« J'aime mon exil ; j'aime ces régions inconnues, j'y vole avec joie, puisqu'il est évident que c'est la volonté de mon Maître.
« Partagez mes sentiments, et pendant que l'agitation des mers va m'ôter la liberté de prier, et ne me laissera que la prière des souffrances, élevez vos mains vers Dieu, et demandez-lui que je fasse sa volonté !
« Adieu, oui, adieu ; je le dis sans peine, sans un soupir. L'ancre se lève ; tout est en action autour de moi ; le vaisseau agité trouble ma main, mais mon cœur est calme.
« Adieu ; nous nous reverrons au ciel, vous, ma mère et ses enfants. »
Dans les accents surhumains de cette lettre, on croit entendre comme un écho de la parole enflammée de saint Ignace d'Antioche, aspirant au bonheur d'être broyé sous la dent des hôtes de l'amphithéâtre.
Pendant tout le cours de la traversée, les prêtres…
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(1) Au retour de son exil, l'abbé Jean de Beauregard eut le bonheur de revoir sa mère, qui mourut le 21 avril 1802, dans sa 83e année.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
A suivre : II. SÉJOUR DES DÉPORTÉS DANS LES MARAIS DE LA GUYANE.
Pendant tout le cours de la traversée, les prêtres déportés continuèrent, autant que la situation le permettait, leur vie régulière et religieuse.
« Chaque matin, nous faisions la prière, dit Monsieur de Beauregard. Nous lisions le propre de la messe, avec une épître et un évangile. Le soir, nous faisions la lecture; nous récitions le rosaire et une prière pour nos ennemis. Le bréviaire se récitait à heure fixe, et l'exactitude à ces devoirs présentait à tout l'équipage un spectacle imposant.
« Nous donnions à nos confrères mourants tous les secours que la religion peut offrir. La miséricorde de Dieu bénissait leur dernier moment, et tous sont morts dans une paix profonde. Je confessai ouvertement mes pauvres confrères. Je leur administrai publiquement l'extrême-onction ; et quand ils étaient décédés, nous célébrions leurs obsèques ; nous récitions près du corps les offices de l'Eglise. Après l'office, je suivais le corps, cousu dans son hamac avec un boulet aux pieds. Placé sur une planche, le cadavre était lancé à la mer par le sabord de la cuisine. Il ne manquait que le coup de canon; mais on ne devait pas faire cet honneur à des proscrits (1). »
Enfin, après les tortures d'une horrible traversée de 60 jours, les déportés de la Bayonnaise mouillaient par le travers des Malingres, en vue de Cayenne, le 29 septembre 1798.
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(1) Mémoires, p. 294.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.II
SÉJOUR DES DÉPORTÉS DANS LES MARAIS DE LA GUYANE
I. — Le bagne des déportés.
Vue de la rade de Cayenne, la Guyane présentait aux exilés une sorte de panorama grandiose, dans un splendide horizon de montagnes argentées (1) qui s'élèvent, de contreforts en contreforts, comme un gigantesque amphithéâtre.
Mais, la large zone qui forme les côtes n'est qu'un immense marais d'eaux croupissantes, fangeuses et infectes,
La Guyane est une sorte d'enfer, qui offre aux premiers regards des aspects enchanteurs. La nature y porte presque partout ce double caractère d'apparences séduisantes et de réalités cruelles.
Les forêts sont d'une hauteur prodigieuse. « J'ai vu, dit l'auteur des Mémoires, des arbres de 100 pieds de haut et de 8 à 9 pieds de diamètre ». Mais ces forêts sont des fourrés inextricables de plantes épineuses et déchirantes. Ce sont comme des spécimens effrayants de la nature sauvage, abandonnée à sa fécondité puissante et désordonnée.
« J'entrais dans ces bois, dit le même témoin, avec une sorte de frisson d'horreur, causé par le silence et l'obscurité.
« Un jour, je m'y enfonçai, pour cueillir quelques fruits singuliers ; je heurtai une branche. Tout à coup un essaim de guêpes fondit sur moi, et me larda d'horribles piqûres. »
On ne peut se faire une idée de la beauté des oiseaux de ces contrées, et de la splendeur de leur plumage, où l'on voit éclater toutes les couleurs de l'arc-en-ciel.
Les colibris de toutes tailles, depuis la grosseur du merle jusqu'à celle de l'oiseau-mouche, sont de vrais bijoux de la nature.
Les grands aras ont l'éclat du rubis.
Mais la voix de tous ces oiseaux est rauque et désagréable. « Un seul me charmait, dit Monsieur de Beauregard : c'est une fauvette, qui porte à Cayenne le nom de rossignol.
« Un de ces oiseaux vint faire son nid dans une ancienne mortaise d'un des chevrons de ma chambre. Je n'eus garde de le troubler; son chant charmait mon exil et mes loisirs. La mortaise s'étant trouvée trop étroite, la fauvette dut recommencer son travail, et refit son nid dans la poche d'un vieux vêtement, puis enfin, clans une calebasse, où la famille vint à bien (1).»
La plupart des animaux de la Guyane sont des espèces dangereuses ou repoussantes : des tigres dans les bois ; dans les rivières des caïmans, dont quelques-uns mesurent jusqu'à 30 pieds de longueur.
Des serpents monstrueux et de toutes couleurs, dont le cri rappelle le mugissement du taureau, infestent le pays et envahissent les cases des nègres.
La terre fourmille de scorpions, de crapauds énormes, de chenilles venimeuses, qui font horreur.
« Un jour, dit le vicaire général de Luçon, je remarquai une sauterelle d'une forme étrange, qui ressemble à un cheval, et que les nègres appellent le cheval du diable. »
Tous ces marais sont infestés de nuées de maringouins et d'autres insectes persécuteurs, dont l'aiguillon porte le feu dans le sang. C'est un des fléaux de la Guyane, et ce fut l'un des supplices des déportés.
La flore, quelque riche et variée qu'elle soit, présente souvent les mêmes caractères de formes étranges. Elle foisonne en plantes vénéneuses et en fruits dangereux.
« La première plante que je cueillis, dit Monsieur de Beauregard, est un poison violent : c'était un asclépias à fleurs jaunes, et qui s'est multiplié partout, les vents emportant ses graines longues et argentées. »
Les pripris, sorte de mares fétides, s'émaillent de fleurs charmantes ; mais c'est là que se multiplient les reptiles hideux et les insectes les plus malfaisants.
Ajoutons, comme dernier trait à ce sombre tableau, que ces marais sont noyés dans un déluge de pluies torrentielles, pendant 8 mois de l'année ; durant les 4 mois qui suivent ils sont brûlés par un soleil de feu.
On voit que la cruauté du Directoire ne s'était pas trompée, en choisissant ce pays lugubre, pour en faire le cimetière des prêtres condamnés à la déportation.
Déjà, en 1762, sous le ministère de Choiseul, 8.000 émigrés avaient trouvé là leur tombeau, et les deux tiers des exilés de 1798 devaient avoir le même sort.
La Guyane française se divise en 8 cantons, qui empruntent leurs noms aux fleuves qui les traversent :
Ce sont les cantons de Cayenne, Roura, Macouria, Kourou, Sinnamari, Iracoubo, Approuague et Oyapoco.
Les prêtres déportés de la Vendée furent dispersés et établis sur ces divers points de la colonie :
— Chapelle de Jumillac, dans le canton d' Approuague ;
— Germon, dans celui de Roura ;
— Ténèbre, à Cayenne;
— Brénugat, à Cononama , où il mourut en véritable martyr.
Messieurs Drouet, Désanneau et de Beauregard vécurent plusieurs mois ensemble à Macouria. Ils passèrent le dernier temps de leur exil dans une petite île de la Cayenne, appelée les Deux-Flots.
Nous n'avons presque aucun détail sur la vie de nos martyrs de la foi...
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(1) Mémoires. — (1) Mémoires., pp. 482, 536.
A suivre : II. — Vie édifiante et douloureuse des prêtres vendéens à la Guyane.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.II. — Vie édifiante et douloureuse des prêtres vendéens à la Guyane.
Nous n'avons presque aucun détail sur la vie de nos martyrs de la foi, dans cette immense et cruelle prison de la Guyane française.
Mais, dans le récit que le vicaire général de Luçon nous a donné de son exil, nous allons retrouver l'histoire de tous ses compagnons d'infortune.
D'ailleurs, Monsieur de Beauregard leur rend ce témoignage commun, qui peut tenir lieu d'un long panégyrique : « Ils se montrèrent dignes, nous dit-il, de la sainte cause pour laquelle ils subissaient ce long supplice de la déportation. Dieu nous a tous gardés au milieu des dangers qui assiégeaient notre vertu. Nous avons prêché par notre exemple. Pas un seul ne s'est écarté des lois de la sagesse. Plusieurs prêtres s'offraient au Ciel comme victimes pour la France (1) .
En débarquant à Cayenne, Monsieur l'abbé de Beauregard fut logé d'abord à l'hôpital, situé à une assez grande distance de la ville, sur le bord de la rade, et tenu par les sœurs de Saint-Maurice de Chartres. Après quelques minutes de conversation, la supérieure, sœur Catherine Peynier, l'introduit tout d'abord dans une petite salle très propre, et lui dit tout bas : « Monsieur l'abbé, voici où repose le Dieu pour la cause duquel on vous exile. Vous nous le donnerez quelquefois ; vous aurez le bonheur de célébrer la messe. »
La visite de cette humble chapelle toucha profondément l'exilé. « Je retrouvais à la Guyane le Dieu de ma mère, nous dit-il ; je l'adorai humblement; je lui rendis grâce de ma conservation : je m'humiliai à la vue de mes fautes. En expiation, je m'offris à ce bon Maître; je lui consacrai ma vie, ma famille et la France. »
Monsieur de Beauregard confessait les sœurs et quelques noirs, leurs domestiques. Il célébrait quelquefois la messe, mais il ne pouvait la dire que la nuit, pour se garder de la surveillance d'un commissaire impie et dangereux. Malgré cet odieux espionnage, son séjour à Cayenne fut pour lui la partie la moins dure de son exil.
Mais bientôt il fallut quitter l'hôpital. On le transféra près de Sinnamari, à Macouria, dans une misérable case appartenant à un mulâtre nommé Séverin, dans un marécage très justement désigné sous le nom de Tout-y-manque.
« Tout y manquait en effet, dit-il ; c'était l'abandon et l'exil dans toute leur amertume. Là, je n'avais pas un ami. »
L'exilé avait pourtant avec lui, pour partager sa case et sa misère, deux excellents prêtres, dont l'un était un rude Breton de Dol, et l'autre un Vendéen, l'abbé Drouet, ancien professeur au collège de Luçon, et qui, à Rochefort, avait été déjà le compagnon de Monsieur de Beauregard. Mais la vertu n'est pas toujours une garantie de délicate et parfaite amitié. Les trois caractères étaient profondément antipathiques, et le vicaire général pouvait écrire plus tard : « Ainsi isolé et sans consolation, je commençai ma carrière de pénitence. Quand je me vis avec des hommes qui ne m'entendaient pas, qui s'isolaient, je mesurai l'abîme de ma solitude, et l'amertume remplit mon cœur. Je sentais que j'avais perdu mes parents, mes amis, ma patrie, et qu'il n'y avait plus pour moi une seule consolation sur la terre. Je me dis : Je suis seul au monde. »
C'est alors que le souvenir de sa mère pesait comme un poids écrasant sur le cœur de l'exilé. « Ah ! s'écriait-il, que le nom de mère est puissant sur le cœur d'un malheureux, déporté dans les déserts de la Guyane ! Quel sacrifice, quand il pense qu'il ne la reverra jamais ! Mon Dieu, vous le savez, de tous ceux que je vous ai faits, c'était le plus douloureux. Quand j'étais réduit à ces tristes moments, où l'âme succombe sous la peine, je disais : « O Dieu de ma mère ! cette mère, je vous la donne ! Et je croyais que cette offrande désarmait le Ciel. O mon Dieu, je fus lâche et ingrat! La Guyane n'est-elle pas à vous? J'avais pourtant dit que j'y retrouverais le Dieu de ma mère! »
A ces tortures morales venaient s'ajouter les persécutions du climat, les sables brûlants sous les pieds, une atmosphère embrasée sur la tête, et la nuit, c'étaient des nuées de moustiques, dont les piqûres dardaient dans les chairs comme des étincelles de feu.
« D'énormes crapauds, disent les Mémoires nous disputaient notre logement; les serpents s'y glissaient quelquefois; les scorpions se mêlaient à nos livres; les fourmis nous décoraient. La Guyane renferme tous les insectes du monde ; mais ils semblaient s'être donné un rendez-vous général à Tout-y-manque. »
L'âme énergique du déporté eut des moments de défaillance : il nous en fait l'humble aveu. « Que de larmes n'ai-je pas versées dans les forêts de la Guyane ! écrit-il. Mais ces découragements ne durèrent pas. Plus j'étais misérable, plus je sentais le besoin de la miséricorde du Ciel. Incapable de prier, dans un climat qui énerve toutes les facultés, je disais : Mon Dieu, je le veux bien.
« Enfin, je mes soutins par la pensée de la mort: elle m'empêcha d'être plus lâche ou plus méchant. Nous apprenions la mort des déportés que nous avions connus, et notre liste mortuaire s'allongeait chaque jour. En janvier 1799, 200 de mes compagnons d'infortune avaient succombé. »
Sa consolation suprême était le bonheur de dire la messe dans sa pauvre case de Macouria ; et alors, le pieux vicaire général trouvait qu'à Tout-y-manque il ne manquait plus rien. « La messe me donnait la paix, dit-il. Pourrais-je être si lâche de me plaindre, quand Dieu m'accordait la plus grande des consolations qu'il y ait au monde ?
« Nous récitions notre office en commun, à des heures réglées. Quelquefois, ô mon Dieu, j'allais me consoler avec vous dans ces bois sombres et moussus, dont le silence est celui des tombeaux. Je vous disais quelquefois : Je ne regrette pas ma patrie ; elle est moins paisible que ces forêts et ma cabane indigente.
« Je regrette l'amitié ; vous m'avez dépouillé de ce bien ; je l'ai laissé en France. Eh bien ! mon Dieu, j'adore votre justice. Que je vive seul, oui seul, et sans un cœur qui puisse m'entendre. Qu'à ma mort, il ne soit pas versé une larme ; que ma tombe ne soit jamais visitée ! Que je dorme dans la nuit de l'oubli, cet oubli qui éteint tout orgueil ! Mon Dieu, je le veux bien. »
En nous livrant ainsi la naïve expression de sa belle âme sacerdotale, le vicaire général de Luçon nous révèle les pensées intimes qui animaient tous ces prêtres, proscrits pour leur fidélité inébranlable à la foi catholique. Ils avaient les sentiments qui transfigurent les persécutés, et qui en font des bienheureux et des martyrs.
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(1) Mémoires, pp. 375 et 494.
A suivre : III. — Séjour de Jean de Beauregard aux Deux-Flots.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.III. — Séjour de Jean de Beauregard aux Deux-Flots.
Monsieur de Beauregard dut changer une troisième fois de résidence, et vint passer les derniers mois de sa déportation dans une petite île appelée les Deux-Flots, à l'embouchure de la Cayenne. Il avait les mêmes compagnons qu'à Macouria, avec un second Vendéen, son ami, l'abbé Désanneau.
La vie des quatre proscrits des Deux-Flots fut celle des ermites de la Thébaïde. Comme les anciens Pères du désert, ils partageaient leur temps entre le travail des mains et la prière. Ils maniaient la hache, la scie et le marteau, pour pourvoir à leurs besoins de chaque jour.
Ils se firent planteurs et jardiniers.
« Qu'on se représente, dit Monsieur de Beauregard, quatre prêtres, en bras de chemise, avec un mauvais pantalon, un mauvais chapeau, sans bas, un sabre à la main (1), coupant, brûlant, abattant, bâtissant, et avec une barbe qu'on ne rasait que le samedi, obligés de faire la cuisine, de fendre le bois sec, de le porter, souvent de fort loin, presque toujours couverts de sueur et de poussière, on dira que nous devions ressembler dans notre île à Robinson dans la sienne.
« Nous avions comme lui notre Vendredi, même deux. »
Ces deux Vendredis, c'étaient deux nègres, qui habitaient avec eux pour les servir, et surtout pour les voler.
L'un d'eux, appelé Congo, était un jeune homme de 20 ans.
Un jour, Congo s'échappa de la case, pour aller vendre une calebasse qu'il avait dérobée à ses maîtres.
« La calebasse nous fut rapportée, dit l'auteur des Mémoires, je la mis sous les yeux du larron, et lui dis : « Congo, toi pas bon ! toi voleur ! calebasse !
« Il pleura toute la nuit; ses plaintes étaient un chant douloureux; il finissait tous les couplets par ces mots : Moi, voleur !
« Il n'avait pas de rancune : d'un coup d'œil, on lui rendait la paix et la gaîté.
« Nous lui enseignâmes à connaître Dieu. A mon départ, il devait être baptisé, et il était très fier d'avoir un nom chrétien (2). »
Le règlement des Deux-Flots était celui des monastères.
On se levait à 5 heures. Le réveil était un coup de canon tiré au fort de Cayenne. On faisait la prière : puis, on partait pour le travail, avec les deux nègres. L'un des quatre déportés restait à la case, pour faire le ménage et tenir le déjeuner prêt.
Le bréviaire se récitait à 11 heures. On dînait à midi.
La soirée ramenait les mêmes exercices, et c'est ainsi que les jours des exilés tournaient dans le même cercle, tracé par ce règlement de travail, de prières et de pieuses méditations.
« Souvent, dit Monsieur de Beauregard, nous entendions le chant d'un gros oiseau, qui ne va qu'en compagnie, et qui ne chante que le soir et le matin.
« Nous donnions alors à Congo un fusil chargé. Le chasseur se faufilait sous bois, dans les aliziers, et quand il était à portée, il tirait. Si le coup était heureux, Congo criait de fort loin : Li mort, mon Père, et c'était une grande joie dans la case. »
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(1) A la Guyane, tous les indigènes se servaient du sabre comme d'une hache et d'un instrument tranchant. — (2) Mémoires, pp. 439, 440.
A suivre : IV. — L'apostolat des déportés. — Justine Lanoé.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.IV. — L'apostolat des déportés. — Justine Lanoé.
Le vicaire général avait une idée trop haute de la mission du prêtre, pour ne pas saisir toutes les occasions d'exercer son zèle sur cette race dégradée et malheureuse des nègres, avec laquelle la Providence le mettait en contact.
Attirés aux Deux-Flots par la curiosité, les noirs se laissaient quelquefois prendre aux ingénieux artifices des prêtres de Jésus-Christ. On leur enseignait les prières; on leur faisait chanter des cantiques ; on les instruisait.
« J'en ai marié plusieurs, dit Monsieur de Beauregard ; j'ai fait beaucoup de baptêmes ; j'ai vu des traits éclatants de la miséricorde divine. Quelques-uns des indigènes me conduisaient dans les bois pour se confesser. Je les entendais, assis sur un vieux tronc d'arbre, pendant que les insectes dévoraient le pénitent et le confesseur. Je n'avais pas répugnance à serrer contre mon cœur ces pauvres gens. J'ai l'espoir que plusieurs resteront bons chrétiens. »
Parmi ce petit nombre d'élus, se trouvait une jeune négresse déjà chrétienne, nommée Justine Lanoé.
C'était une perle, disent les Mémoires, une âme tout angélique et de première élite, au milieu de la dégradation générale et presque irrémédiable de sa race.
Son attrait était de servir les prêtres, qu'elle vénérait comme des anges descendus du ciel.
Monsieur de Beauregard lui demandait un jour :
— Depuis quelle époque aimez-vous tant le bon Dieu ?
— Mon Père, répond-elle, c'est depuis que j'ai le bonheur de le connaître.
Justine avait été servante pendant quelque temps, chez un maître où sa vertu était exposée. Elle prit conseil auprès de la supérieure des religieuses de l'hôpital de Cayenne, et lui demanda s'il ne lui serait pas permis de se jeter en bas, du haut d'une galerie, au péril de sa vie.
La sœur lui répondit qu'elle le croyait permis.
— Dieu soit béni, s'écrie alors l'angélique négresse; je suis bien sûre, maintenant, que je n'offenserai jamais Dieu.
Plus tard, elle eut à servir une personne d'un caractère acariâtre, qui ne recevait ses soins les plus dévoués qu'avec mépris et de durs reproches. Ces procédés brisaient le cœur de l'innocente créature.
Un jour que Justine versait des larmes sous le coup de ces injustes et outrageux traitements, Monsieur de Beauregard lui dit qu'une chrétienne ne devait jamais se laisser abattre par les humiliations, mais qu'il fallait au contraire en éprouver une sainte joie.
— Eh bien ! mon Père, répond-elle, je vous promets d'obéir et de chanter quand j'aurai gagné chagrin.
Elle fut fidèle à cette résolution généreuse, et quand elle était accablée de reproches et d'outrages, elle se retirait seule dans un coin, et se mettait à chanter un cantique des missions.
Par une journée de chaleur extrême, Justine se plaça avec sa chaise devant une porte, qu'elle tenait soigneusement fermée.
Le vicaire général la prie d'ouvrir, pour donner à la chambre un peu de fraîcheur.
— Mon Père, dit la jeune fille, je vous prie d'attendre encore un petit morceau de temps.
.
Puis, après quelques minutes, elle ouvre la porte.
— Mais, pourquoi donc, lui dit le prêtre, m'avez-vous privé d'air si longtemps?
Justine baisse les yeux, et répond qu'une négresse était venue là, tout près, laver du linge, et quelle n'avait pas gagné vêtements.
La pieuse fille voulait ainsi préserver d'un spectacle peu modeste les regards d'un ministre de Dieu.
« Je fis connaître à Justine la dévotion au Sacré-Cœur, nous dit Monsieur de Beauregard. Elle désira vivement s'associer à cette confrérie. J'ai fait inscrire son nom sur les registres des Filles de la Visitation, à mon retour en France, et je lui en ai fait parvenir le billet. »
C'est ainsi que ces vénérables prisonniers de Jésus-Christ ennoblissaient leurs chaînes, sanctifiaient leur dure captivité, et s'en faisaient une carrière, la carrière sublime de l'apostolat catholique.
Nous sommes heureux de pouvoir attacher à leur couronne d'apôtres cette limpide et fine perle qu'ils ont trouvée dans les fanges de la Guyane, Justine Lanoé.
A suivre :V. — La délivrance.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.V. — La délivrance.
Monsieur de Beauregard avait un vif pressentiment que le terme de son exil approchait, et il faisait part de ses espérances à son ami, Monsieur Ténèbre, hospitalisé à Cayenne.
Les pouvoirs publics étaient las d'une persécution qui avait vaincu les persécuteurs, et le premier consul, Bonaparte, voulait qu'elle prit fin.
Du 25 du mois d'août 1800 au 17 juillet de l'année suivante, les déportés vendéens avaient le bonheur de rentrer en France, à l'exception d'un seul, le proscrit de Cononama.
Plus heureux encore que les autres, le vicaire de Bazoges-en-Pareds, Pierre Brénugat, était entré dans sa vraie patrie, au ciel : il y était entré par le martyre.
A suivre : CHAPITRE IX. SENTIMENTS DE PIÉTÉ ET D'HÉROÏQUE RÉSIGNATION DES VENDÉENS, PENDANT LA PERSÉCUTION.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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Dans les chapitres précédents, nous avons surtout laissé parler les faits, et nous venons de voir avec quelle navrante éloquence ils nous ont raconté les souffrances de la Vendée et l'héroïsme de son martyre.
En donnant ici la parole aux victimes elles-mêmes, nous voudrions révéler les sentiments intimes qui les animaient, et peindre en quelque sorte, aux yeux de nos lecteurs, la douce et sainte physionomie de toutes ces âmes d'athlètes et d'indomptables témoins de la foi chrétienne.
L'histoire peut buriner d'un mot un éloge complet du clergé de la Vendée, pendant la tourmente révolutionnaire.
Parmi tous ces prêtres français, que les persécuteurs entassaient dans les prisons de l'État, ceux dont la conduite manifestait la plus parfaite image de l'héroïsme et de la sainteté sacerdotale, étaient désignés par leurs ennemis sous un seul nom générique : on les nommait les Vendéens (1).
C'est que le clergé bas-poitevin, dans sa grande majorité (2), pouvait s'approprier à lui-même les immortelles paroles de saint Cyprien, comme le faisait une des victimes de Quiberon, Monseigneur de Hercé, évêque de Dol : « Les soldats du Christ savent mourir, et c'est pour cela qu'ils sont invincibles : Milites Christi mori possunt, et hoc ipso invicti sunt.
Cet opiniâtre courage et cette vivacité de foi qui fait les martyrs, nous en trouvons l'expression touchante dans l'invariable constance des pratiques pieuses, dans les formules de prières et dans les lettres de tous ces prêtres persécutés, incarcérés, torturés ou immolés pour la foi.
A son retour de la Guyane, Monsieur Ténèbre écrivait à la veuve Briand, de la Tullévrière . « Je ne vous parlerai point des misères sans nombre que j'ai éprouvées depuis que je vous ai quittés. Je les méritais ; heureux si j'ai eu le bonheur d'en profiter.
« J'ai tout perdu sur la terre, biens, santé; je n'ai plus rien à moi ; Dieu soit béni. Ce n'est pas sur la possession des biens de la terre que nous devons fonder notre bonheur, mais sur notre amour pour Dieu, sur notre parfaite soumission à sa sainte volonté, en tout ce qui peut nous arriver de bien ou de mal.
« J'ai appris avec plaisir que vous, avez conservé la chapelle que j'ai érigée dans votre village, que vous vous y assemblez tous les soirs, pour implorer la protection de la sainte Vierge et celle des saints martyrs, sous l'invocation desquels je l'ai placée.
« Ces martyrs, ce sont vos parents et vos amis de la Vendée, immolés pour la cause catholique. Ils vous aimaient sur la terre ; ils vous aiment encore davantage dans le ciel. Imitez-les dans la fermeté de leur foi, et dans le détachement des biens de la terre. Ces sentiments, ils vous les ont clairement manifestés, en versant tout le sang de leurs veines, pour confesser le saint nom de Dieu.
« Demandez au divin Maître que je ne fasse que sa sainte volonté, et qu'il allume dans mon cœur le feu sacré de son amour, qui me porte à le glorifier et à le faire glorifier par tous les hommes. »
Quand ce saint prêtre, noble victime des prisons de Rochefort et de la déportation à Cayenne, mourut curé de Vairé, le 31 octobre 1822, il voulut qu'on l'enterrât à l'entrée de son église, afin d'être foulé sous les pieds de tous ses paroissiens.
N'est-il pas digne de prendre place dans la radieuse phalange de nos martyrs vendéens ?
Tous les détenus de l'île de Ré, de Rochefort et de la Guyane, nous l'avons déjà vu…
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(1) Mémoires de Monseigneur BRUMAULD DE BEAUREGARD, p. 226. (2) FILLON. — Recherches historiques et archéologiques sur Fontenay-le-Comte.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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Tous les détenus de l'île de Ré, de Rochefort et de la Guyane, nous l'avons déjà vu, partageaient les mêmes sentiments.
Plusieurs d'entre eux étaient privés du plus grand bonheur du prêtre en ce monde, la célébration du saint sacrifice de la messe. Voici une admirable prière qu'ils récitaient chaque jour, sous les sombres voûtes de la citadelle de Saint-Martin de l'île de Ré :
« J'ai le plus grand regret, ô mon Dieu, de ne pouvoir participer aux saints mystères, de ne pouvoir célébrer, ni même entendre la messe. J'adore, ô mon Dieu, et je respecte les décrets de votre Providence, qui m'en ôtent la liberté. Pour y suppléer, je vous offre tous les saints sacrifices qui vous sont offerts dans le monde entier. Je m'unis à tous les prêtres catholiques qui célèbrent en ce jour la sainte messe, et particulièrement à Notre Saint Père le Pape.
« Que ne puis-je, ô mon Dieu, vous être immolé moi-même en action de grâces pour vos bienfaits, pour rendre à votre souveraineté le culte et l'hommage qui vous sont dûs, pour obtenir la rémission de mes péchés et les grâces qui me sont nécessaires. Donnez-moi, s'il vous plaît, ô mon Dieu, les dispositions dans lesquelles je dois être pour tirer du fruit du saint sacrifice auquel je m'unis de toutes les puissances de mon esprit, et de toutes les affections de mon cœur Ainsi soit-il (1) »
Nous avons dit comment nos pieux captifs transformaient en chapelle les sombres murailles de leurs cachots.
D'autres en faisaient un cénacle de recueillement et de méditations sur les devoirs de la vie sacerdotale.
Voici un groupe de prêtres déportés qui se livrent aux exercices d'une retraite…
Voici un groupe de prêtres déportés qui se livrent aux exercices d'une retraite, et l'un d'eux les prépare à la rénovation de leurs promesses cléricales.
« Le Seigneur est la portion de notre héritage, leur dit-il, et lui seul nous rendra toutes nos richesses. Ici, mon âme glorifie le Seigneur, au souvenir du courage surhumain avec lequel nos augustes chefs, et le plus grand nombre de nos vénérables confrères ont sacrifié tous leurs biens, leur repos, leur liberté, leur vie même, plutôt que de violer, par des engagements sacrilèges, ceux qu'ils avaient déjà pris avec leur divin Maître.
« Jusqu'ici, Messieurs, vous avez eu le bonheur de marcher sur leurs glorieuses traces, vous avez combattu pour la défense de la foi. Comme eux, vous avez été en butte aux calomnies et aux outrages des ennemis de notre sainte religion. Mais votre course n'est pas encore consommée, vous portez les grâces du Seigneur dans des vases fragiles, il n'est que trop facile à des âmes religieuses de perdre leur ferveur première. Vous cherchez à vous prémunira contre ce malheur, en renouvelant aujourd'hui devant Dieu, vos premiers engagements.
« Il faut vous renouveler dans le zèle de la gloire de Dieu.
« Quelle impression doit faire sur votre âme la vue d'une nation livrée à ses aveuglements, pire que l'idolâtrie la plus grossière.
« Le culte du vrai Dieu est aboli, son saint nom blasphémé, ses plus redoutables mystères profanés, les signes adorables de son amour pour les hommes outragés, brisés, foulés aux pieds, toutes ses solennités supprimées, ses autels renversés, ses temples dégradés, des milliers de chrétiens vivant et mourant comme des infidèles. Oui, il faut nous renouveler dans le zèle de la gloire de Dieu : et puisque Jésus-Christ se donne à vous, Dominus pars hæreditatis meæ, il faut vous donner à lui sans réserve, en victimes d'expiation. »
Comme tous les martyrs, les victimes de la Révolution française avaient, à l'égard de leurs bourreaux, un sentiment bien étrange pour la nature humaine : …
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(1) Les prêtres et les religieux déportés , par l'abbé MANSEAU.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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Comme tous les martyrs, les victimes de la Révolution française avaient, à l'égard de leurs bourreaux, un sentiment bien étrange pour la nature humaine : c'était ce sentiment de compassion, de pardon et de tendresse, dont Jésus-Christ, le roi des martyrs, leur avait donné le précepte et l'exemple. Dans les prisons, sur la terre de l'exil et sur l'échafaud, ils ont une prière pour la France qui les persécute, pour les geôliers qui les surveillent et pour les exécuteurs qui les tuent.
Voici une prière que nos détenus vendéens de l'île de Ré ont dû réciter souvent ; car c'est là qu'elle fut composée. C'est une consécration de la France au Sacré-Cœur, objet particulièrement cher à la Vendée de cette époque.Consécration de la France au Sacré-Cœur.
« O Jésus-Christ, vos saints nous assurent que votre Cœur a été ouvert pour tous les hommes ; mais bien des prodiges de miséricorde nous prédisent qu'il a été spécialement ouvert pour la France.
« O vous qui, dans votre charité, avez pourvu à tous les besoins à venir, en faisant naître cette dévotion au sein du royaume, n'avez-vous pas voulu lui préparer une ressource assurée dans ses malheurs, et dans le miracle que vous opérâtes au commencement de ce siècle, en faveur d'une ville qui recourut à votre Cœur sacré?
« O mon Sauveur, en feriez-vous moins pour nous? Nous nous vouons au culte de votre adorable Cœur. Tous les cœurs de ce royaume, nous les réunissons, par les désirs de la charité, pour les lui offrir tous ensemble. Oui, Cœur de Jésus, nous vous offrons notre patrie tout entière et les cœurs de tous ses enfants.
« O Vierge sainte, ils sont maintenant entre vos mains ; nous vous les avons remis en nous consacrant à vous. Nous vous en supplions, offrez-les au Cœur de Jésus. Ah ! présentés par vous, il les recevra, il leur pardonnera, il les bénira, il les sauvera et sauvera la France. Il lui rendra la paix; il y fera revivre la foi, la piété et les mœurs; il y fera refleurir la sainte religion. Ainsi soit-il.
Au mois de mars 1799, un prêtre déporté à la Guyane était sur le point de mourir. De sa main défaillante, il peut encore tracer les lignes suivantes, qui étaient comme le testament de son âme. Il écrivait à son frère, notaire en France : « Mon cher frère, je vais mourir, et je serais coupable devant Dieu, si je ne pardonnais à mes ennemis. En me voyant partir pour la Guyane, tu as voulu connaître mon dénonciateur, et tu m'as assuré que tu tirerais, tôt ou tard, vengeance de son crime. O mon frère, abandonne un semblable projet; pardonne comme je lui pardonne moi-même. Recommande-moi aux prières de tous nos parents et de mes paroissiens.
« Adieu, mon frère. En mourant, je demande à Dieu qu'il répande sur toi toutes sortes de bénédictions. Adieu, mon frère bien-aimé. Dieu va bientôt appeler à lui sa pauvre créature (1). »
Nous recueillons les mêmes accents de foi profonde et de généreux pardon sur les lèvres d'un autre prêtre, mourant dans un des carbets de Cononama, tout près de la tombe de Pierre Brénugat, notre martyr vendéen.
Ecoutons le récit d'un témoin.
Dans sa prison de Rochefort, ce témoin et compagnon de captivité avait particulièrement remarqué, couché sur la paille du cachot, un vieux prêtre, dont la figure vénérable fascinait en quelque sorte ses regards. « C'était, nous dit-il, un visage céleste, encadré dans ses longs cheveux, blanchis par les années. On envoya ce vieillard mourir à la Guyane.
« Une heure avant de rendre le dernier soupir, l'héroïque moribond se traîne au milieu du carbet que nous habitions ensemble avec dix-huit de nos confrères déportés. Là, prosterné contre terre, entouré de ses frères dans le sacerdoce, après avoir reçu de moi les derniers secours spirituels, il nous dit : « Mes frères en Jésus-Christ, tous les maux que j'ai soufferts ne sont rien, puisque le Rédempteur des hommes a été abreuvé de fiel et de vinaigre. Mourons, comme le dit l'Apôtre, avec l'espérance que nous allons être introduits dans la sainte cité du ciel. Mais avant de mourir, prions pour nos persécuteurs (1). »
Nous avons là comme une vision de l'âme du clergé français persécuté.
Et c'est à ces sublimes hauteurs de pensée et de dévoûment que s'élevait l'âme de tous nos prêtres vendéens, appelés à l'honneur de confesser, devant les bourreaux révolutionnaires, le nom de Jésus-Christ.
« Je meurs pour et par mes paroissiens, à qui je pardonne de tout mon cœur, » disait en face de l'échafaud, Monsieur Joseph Herbert, curé de Maillé. »
La veille de son supplice, le 26 janvier 1794, André de Beauregard, chanoine théologal de Luçon, écrivait à sa mère :
« C'est pour notre malheureuse patrie, c'est pour la conversion des pécheurs, que je fais à Dieu le sacrifice de ma vie. »
Nous connaissons déjà les sentiments de son frère, Jean de Beauregard...
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(1) Prêtres et religieux déportés, T. II, p. 129. — (1) Ibid.p. 127.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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Nous connaissons déjà les sentiments de son frère, Jean de Beauregard, partant pour la terre de l'exil.
« Pendant notre traversée de Rochefort à Cayenne, écrit-il, nous récitions, le soir, le rosaire et une prière pour nos ennemis (1). »
Un des curés détenus dans la citadelle de l'île de Ré écrivait à ses paroissiens : « Nous profitons de ce lieu de retraite pour nous pénétrer de nos devoirs, attendant, avec une humble soumission, ce qu'il plaira à la divine Providence de décider sur notre sort. Dieu aura égard aux mérites de tant de saints dont nous sommes environnés.
« Animés de cette confiance, nous allons avec joie, sous les ailes de la Providence divine, partout où il lui plaira de nous conduire. Si elle ordonne que nous soyons immolés, vous nous serez présents au moment de ce dernier combat. Vous aurez la plus grande part aux mérites de notre sacrifice, et notre dernier soupir sera pour votre salut. Tant que notre sang coulera dans nos veines, tant qu'il nous restera un souffle de vie, nous vous consacrerons tous nos soins (2). »
Un des prêtres incarcérés dans la même citadelle avait composé un recueil de saintes maximes, qu'il faisait circuler parmi ses compagnons de captivité. C'est comme le Miroir du Clergé, persécuté par la Révolution, et l'âme de tous les confesseurs de la foi s'y manifeste dans sa surnaturelle beauté.
Nous lisons dans ce code abrégé de la sainteté chrétienne et sacerdotale :
— « Tout ce qui passe avec le temps est court, et ne mérite point d'attirer l'attention d'une âme qui marche vers l'éternité.
— « Les exercices suivants nous doivent être particulièrement chers : 1° la présence de Dieu ; 2º l'oraison ; 3° les aspirations pieuses ; 4° la mortification ; 5° la lecture spirituelle.
— « Il faut respecter ceux qui nous persécutent, et les regarder comme les exécuteurs de la justice de Dieu, qui nous châtie.
— « Le mérite de nos souffrances est d'un bien plus grand prix devant Dieu que celui de nos actions.
— « Le silence est l'ami et le confident chéri des âmes pieuses.
— « Il y a une Providence pour les croix, comme pour les choses nécessaires à la vie: c'est le pain quotidien.
— « Une croix secrète est quelque chose de précieux. Les âmes imparfaites croient que, pourvu qu'on ne s'emporte point, on peut conter ses maux à toute la terre. C'est ressembler à un homme qui, après avoir trouvé une bourse pleine d'or, s'en va semant toutes ses richesses sur les chemins.
« Alors, il n'y a plus de secret; le plus doux et le plus précieux est perdu : c'est comme le parfum de la fleur qui s'évapore.
« Une âme sainte veut que tout se passe entre elle et Dieu (1). »
Un autre prisonnier gravait sur les murailles de son cachot cette maxime : « On ne peut pas plus être sauvé sans être semblable à Jésus-Christ, qu'on ne peut être sauvé sans croire à Jésus-Christ.
Et tous ces bienheureux persécutés pour la justice pensaient comme ce sulpicien, détenu sur les pontons de l'île d'Aix, Collas Dubignon : « Si nous sommes les plus malheureux des hommes, disait-il, nous sommes les plus heureux des chrétiens, d'avoir à souffrir pour le Dieu qui est mort, par amour pour nous, sur la Croix. »
En parlant de ce souffle d'héroïsme…
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(1) Mémoires, p. 375. — (2) Les prêtres et religieux déportés, T. II, p. 183. — (1) Recueil de maximes chrétiennes, A. M. D. G. 1798. — Les prêtres et religieux déportés. T. II, p. 178.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
A suivre : CHAPITRE X. LE MARTYRE DES SAINTS INNOCENTS EN VENDÉE, PENDANT LA PERSÉCUTION RÉVOLUTIONNAIRE..
En parlant de ce souffle d'héroïsme qui exaltait les populations de l'Ouest, en face de l'impiété persécutrice, nous avons vu que cette sublimité de dévoûmenent et de sacrifice pour la cause catholique était presque vulgaire, et nous pouvons bien affirmer, avec le témoignage des faits, que la Vendée chrétienne de cette époque n'avait qu'un cœur et qu'une âme avec son clergé.
Dans ses Souvenirs, Madame la comtesse de la Bouëre nous a conservé l'acte de résignation d'une paysanne vendéenne, entraînée dans la fuite tumultueuse des foules vers Cholet, quelques jours avant le passage de la Loire.
« Je me souviendrai toujours, dit la comtesse, d'une malheureuse femme, qui voulait faire cuire un œuf pour son souper, dans le foyer du salon où je me trouvais. Elle renversa le pot d'eau bouillante sur son pied. Je ne pus m'empêcher de la plaindre beaucoup ; car c'était un malheur pour elle d'avoir de la peine à marcher, dans une semblable déroute.
« Elle me dit : « Madame, j'étais à mon aise ; Dieu avait béni mon travail ; j'ai tout perdu. J'avais un mari honnête : les Bleus l'ont tué. J'ai perdu aussi un fils, qui était un bon sujet. Je dois dire comme Job : Que Dieu soit béni et que sa volonté soit faite. J'espère en lui pour me conserver ceux de mes enfants dont j'ignore le sort; et s'il veut que je me sauve, ma brûlure n'y mettra pas empêchement. »
« La résignation de cette femme, ajoute Madame de la Bouëre, me fut une leçon, et me revint à la pensée, quand le pillage des républicains nous enleva tout ce qui avait été caché, et lorsque plus tard ils incendièrent le château, ses dépendances et nos métairies. »
La noble comtesse honorait son blason, en mettant à profit la leçon de résignation chrétienne qui lui était donnée par une simple paysanne.
Mais ces leçons, la noblesse savait les donner à son tour.
A toutes les preuves que notre martyrologe nous en a déjà fournies, et qu'il doit nous fournir encore, nous voulons ajouter ici une preuve nouvelle, qui va clore ce chapitre des sentiments intimes de la Vendée, martyre de sa foi.
De sa prison de Sainte-Claire, à Nantes, la veille de sa mort, Monsieur de la Biliais écrivait à sa femme, qui devait mourir elle-même d'une mort si glorieuse, après avoir vu ses filles exécutées sous ses yeux :
« Je suis condamné à mort. Le portefeuille qu'on dit avoir trouvé dans ma chambre est la cause de ma condamnation. Je ne me serais jamais attendu à pareil jugement. J'espère que celui de Dieu, que je vais bientôt subir, sera plus doux à mon égard. Je ne regrette dans ce monde que toi et mes enfants. Je ne sais quel sort vous attend. Je crains que votre sort ne soit aussi rigoureux que le mien.
« Me voilà bientôt quitte des misères d'ici-bas. Puisse le Seigneur m'accorder la grâce de faire une bonne mort. Mais malheureusement je me trouve privé de tous les secours spirituels, et abandonné à moi-même dans les derniers moments de ma vie. Prie Dieu pour moi. J'espère qu'un jour nous nous reverrons dans le ciel ; c'est là ma seule et unique espérance.
« Je vous embrasse, toi et mes pauvres enfants ; je vous embrasse pour la dernière fois. J'aperçois pour vous un sombre avenir. Que la volonté de Dieu soit faite. Je remets tout entre ses mains. Adieu, adieu pour la dernière fois (1). »
Avons-nous à exprimer notre admiration devant ce majestueux défilé de victimes, qui s'avancent vers l'exil, vers le cachot ou la mort, avec des physionomies si calmes et si sereines?
Nous ne pouvons que redire, avec le premier historien des persécutions de l'Eglise, la parole inspirée qui s'applique à la longue procession des martyrs de tous les siècles : Ibant gaudentes ! Ils marchaient dans leur voie douloureuse, d'un visage joyeux et d'un pas triomphant, heureux d'avoir été trouvés dignes de souffrir d'injustes violences pour le nom de Jésus-Christ et pour la cause immortelle de l'Eglise catholique.
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(1) Lettres vendéennes, par le vicomte WALSH, p. 273.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.I
LA DOCTRINE DE L'ÉGLISE SUR LE MARTYRE DES SAINTS INNOCENTS
Il y aurait, dans notre martyrologe vendéen, une grande et choquante lacune, s'il ne donnait pas tout au moins une mention à cette troupe candide et charmante de petits enfants massacrés en haine de la foi, dont ils avaient reçu, dans leur baptême, le germe divin et l'ineffable privilège.
C'est l'enseignement de saint Thomas, que l'effusion du sang pour le Christ a toute l'efficacité du baptême, et de cette doctrine l'Eglise a fait un dogme, que célèbre et que chante le monde chrétien dans la fête des Saints Innocents.
De même que Jésus-Christ, par ses mérites, confère aux enfants baptisés un titre à la gloire éternelle, ainsi, par sa mort sur la croix, il communique aux enfants tués pour sa cause le droit à la palme du martyre.
Par un don tout gratuit de sa grâce, il daigne couronner la tête de ces victimes inconscientes, du nimbe glorieux des athlètes de la foi, insigne incomparable, que les adultes ne peuvent conquérir que par le concours héroïque de leur volonté.
Si le sang versé pour l'Evangile, en baptisant l'enfant infidèle, a cette efficacité prodigieuse d'en faire un martyr, pourquoi n'aurait-il pas la puissance d'élever au même degré de gloire l'enfant déjà baptisé qui est immolé pour Dieu ? (1)
Il ne faut pas oublier qu'en sortant de la fontaine baptismale, ces nouveau-nés, devenus participants de la nature divine, sont des membres du corps mystique de Jésus-Christ.
Et si la persécution vient les frapper dans la fraîcheur de leur innocence, c'est la passion douloureuse du Sauveur qui se continue dans ses membres, et qui se prolonge à travers toutes les générations humaines.
C'est le Christ qui vient de nouveau souffrir et mourir dans ces Innocents, afin d'envelopper la blanche robe de leur baptême dans la pourpre plus éclatante encore de leur martyre.
Ainsi, selon la pensée de saint Augustin, la sanglante agonie du Dieu fait homme se perpétue dans l'Eglise, et la sueur de sang de Gethsémani ne cesse de couler dans le monde, par les blessures de tous ceux qui souffrent pour la justice (2).
Cette doctrine n'est-elle pas une merveilleuse glorification de la Vendée catholique, baignée dans le sang d'une si grande multitude de ses fils, égorgés par le glaive de la Révolution française?
Car nulle part, si ce n'est à Rome, cette sueur sanglante et divine ne s'est épanchée en ruisseaux plus abondants que sur la Vendée.
Et l'une des phalanges les plus nombreuses de ses martyrs est celle de ses Saints Innocents.
A suivre : II. MULTITUDE INNOMBRABLE DES SAINTS INNOCENTS VENDÉENS.
Dernière édition par Louis le Sam 10 Sep 2016, 11:47 am, édité 1 fois (Raison : Orthographe.)
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.II
MULTITUDE INNOMBRABLE DES SAINTS INNOCENTS VENDÉENS
Sur ces aimables et si intéressantes victimes, nous ne pouvons donner qu'un bien rapide et très sommaire aperçu.
Dieu seul les a comptées, en les rangeant dans le nombre mystique des 144.000 Bienheureux, qui forment le cortège virginal et immaculé de l'Agneau.
L'histoire nous affirme que la Révolution fit en Vendée plus de 140.000 orphelins, dont les parents avaient donné leur vie à la sainte cause que défendaient Cathelineau, Lescure, Bonchamp, Henri de la Rochejacquelein, d'Elbée et tant d'autres héroïques soldats.
Combien de pères, avant d'aller mourir pour la foi, donnant à leurs enfants un dernier baiser, adressaient pour eux à Dieu cette suprême prière, que faisait pour son fils un martyr des premiers siècles, saint Marcien ! Après avoir embrassé son enfant, il porte ses regards vers le ciel et dit : « Seigneur, Dieu tout-puissant, ayez soin de cette pauvre petite créature (1). »
Et Dieu justifiait toujours son titre de Père des orphelins. Il en avait un tel souci que, sans aucun mérite de leur part, il en faisait souvent des martyrs de sa cause; il prenait pour lui ces roses naissantes et cueillait la fleur avec sa tige, l'enfant avec le père et la mère.
C'est à ces splendides clartés de la foi qu'il faut élever son esprit, pour comprendre la beauté du doux et navrant martyrologe de cette innombrable multitude de petits enfants immolés aussi bien que pour saisir l'incomparable grandeur de notre martyrologe catholique.
Comme au martyre de saint Etienne, écrasé sous les coups de ses ennemis, il faut voir le ciel qui s'ouvre dans sa gloire, au-dessus de la tête des victimes, et Jésus, le Roi des martyrs, qui leur sourit, qui les appelle et qui les attend.
Le martyrologe romain (1) fait mention d'un groupe nombreux de martyrs de Carthage, dont les noms ne sont connus qu'au ciel, et qui ne sont signalés à la vénération des fidèles que sous l'appellation collective de Masse blanche; Massa candida (2).
C'est par cette seule appellation vague mais touchante, que nous désignons aux pieux hommages de la Vendée toute une légion de jeunes martyrs anonymes, que Dieu seul peut appeler par leurs noms.
Nous avons dit que Carrier noya plus de 600 enfants dans les eaux de la Loire.
« J'ai connaissance, dit Fourrier, directeur de l'hospice révolutionnaire, que l'on faisait noyer 50 et 60 enfants à la fois (3).
Après la déroute de Savenay, 300 enfants vendéens furent jetés et entassés dans l'Entrepôt de Nantes. C'était un centre d'infection, où ces aimables victimes étaient comme livrées vivantes à la pourriture du tombeau.
« Point de pitié, criait l'atroce héros des noyades ; point de pitié; ce sont des vipères. »
En suivant les colonnes infernales aux longs ruisseaux de sang qui marquaient leur passage, nous avons déjà parlé de ces épouvantables massacres de petits enfants. Nous avons vu ces monstrueux soldats de la République coupant la tête à une jeune fille sortie à sa porte pour les voir passer, arrachant de tendres nourrissons aux bras de leurs mères, les mettant à la broche et les faisant rôtir, ou les portant, comme un trophée d'anthropophages, à la pointe de leurs baïonnettes.
Les victimes innombrables de ces atrocités, c'est ce que nous pouvons appeler la Masse blanche de la Vendée, Massa candida.
Mais dans la gloire de cette multitude indistincte, un groupe de triomphateurs se détache avec netteté...
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(1) Infantem osculatus, et cœlum intuens, dixit : Domine, Deus omnipotens, tibi sit hujus cura. RUINART, p. 573. — (1) Martyrologe romain, 24 août. — (2) Ibid. — (3) Bulletin du tribunal révol. T. VI, p. 267. — Les Noyades de Nantes, par LALLIÉ, p. 64 et suiv.
A suivre : III. LE MARTYROLOGE DES SAINTS INNOCENTS DE LA VENDÉE.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.III
LE MARTYROLOGE DES SAINTS INNOCENTS DE LA VENDÉE
Mais dans la gloire de cette multitude indistincte, un groupe de triomphateurs se détache avec netteté. Nous voyons la palme qu'ils portent dans la main, et avec le nom de l'Agneau qui est écrit sur leur front radieux (1), nous pouvons lire aussi le nom patronymique du petit martyr, nom propre d'une famille du pays, et que nous sommes heureux de pouvoir signaler au respect de la Vendée contemporaine.
Nous tenons à présenter à nos lecteurs les noms de ces enfants vénérables, qui ont mêlé leur sang au sang des tendres victimes immolées autour du berceau de l'Enfant Dieu.
Ce petit martyrologe sera comme le livre d'or des enfants vendéens pendant la Terreur.
Pour avoir la pleine assurance de n'y inscrire que des noms inscrits déjà dans le Livre de vie, et d'avoir à vénérer, dans ces Innocents, l'innocence baptismale avec la gloire du martyre, nous n'avons choisi, pour ce tableau d'honneur, que les enfants de sept ans et au-dessous.
En nous renfermant dans ce cercle restreint, nous n'avons pu recueillir les noms que de 119 victimes, qui appartiennent par leur naissance à 7 paroisses, dans les proportions suivantes :
Une aux Herbiers ;
Une à Saint-Étienne-du-Bois ;
Une à Belleville, massacrée aux Lucs ;
Trois à Saint-Sulpice-le-Verdon ;
Cinq à Saint-Martin-Lars-en-Tiffauges;
Seize à Chavagnes-en-Paillers ;
Quatre-vingt-douze aux Lucs.
On voit que, dans ce massacre des Saints Innocents vendéens, les Lucs ont été le Bethléem et le Rama de la Vendée.ONT ÉTÉ MASSACRÉSAux Herbiers,
1. Julie BENÉTEAU, âgée de 11 mois (1) ;À Chavagnes-en-Paillers, le 23 février 1794,
2. Jean ANDRÉ, âgé de 6 ns, massacré au village de la Morinière;
3. Louise SEGUIN, âgée de 16 mois, massacrée au même village ;
4. Henriette ANDRÉ, âgée de 4 ans, sœur de Jean André, massacrée au même village que les deux précédents ;
5. Rose RULLEAU, âgée de 4 ans, massacrée au village de la Cornuère, comme les quatre suivants :
6. Jean RULLEAU, âgé de 3 ans ;
7. Pierre RULLEAU, âgé de 2 ans;
8. Louis PIVETEAU, âgé de 4 ans;
9. Jean PIVETEAU, âgé de 2 ans, frère du précédent;
10. Louis CHARRIER, âgé de 6 ans;
11. Rose CHARRIER, âgée de 3 ans, sœur du précédent, massacrés tous deux au village du Chiron ;
12. Eugénie-Louise-Marie BOURON, âgée de 5 ans, massacrée au village de Lanjouinière ;
13. Pierre AUNILLON, âgé de 6 ans, massacré à la métairie du Bois, ainsi que le suivant ;
14. Jean AUNILLON, âgé de 2 ans ;
15. Auguste FONTENEAU, âgé de 7 ans, massacré à la métairie des Crépelinières ;
16. Louis REDON, âgé de 5 ans, massacré au village de Benaston, ainsi que le suivant, son frère;
17. Alexis REDON (1) ;De Belleville,
18. Agathe ARNAUD, âgée de 4 ans, née à Belleville, et massacrée aux Lucs, le 28 février 1794 ;Aux Lucs, le 28 février 1794,
19. Joseph BOSSIS, âgé de 4 ans, frère des deux suivants;
20. Louis BOSSIS, âgé de 5 ans :
21. François BOSSIS, âgé de 5 mois;
22. Marie BERNARD, âgée de 3 ans;
23. Jacques FOURNIER, âgé de 5 ans;
24. Marie-Anne FOURNIER, âgée de 2 ans, sœur du précédent;
25. Marie Anne RORTAIS, âgée de 4 ans ;
26. Jean POGU, âgé de 5 ans ;
27. Pierre POGU, âgé de 2 ans, frère du précédent;
28. Véronique MINAUD, âgée de 7 ans ;
29. André MINAUD, âgé de 4 ans, frère de Véronique ;
30. Jeanne MINAUD, âgée de 15 mois, sœur de Véronique et d'André ;
31. Pierre MINAUD, âgé de 4 ans.
Ces quatre victimes, Véronique, André, Jeanne et Pierre, ont été massacrées au village de la Davière ;
32. Louis MANDIN, âgé de 5 ans;
33. Joseph MANDIN, âgé de 19 mois, frère de Louis ;
34. Marie MALIDIIN, âgée de 4 ans;
35. Jean MANLDIN, âgé de 18 mois, frère de Marie;
Tous deux ont été massacrés à la Primaudière ;
36. Jeanne BÉRIAU, âgée de 3 ans, massacrée au Petit-Luc;
37. Louis GRALEPOIS, âgé de 13 mois, massacré à la Grézaudière ;
38. Pierre DAVIAU, âgé de 5 ans;
39. Jeanne DAVIAU, âgée de 2 ans, sœur de Pierre, tous deux massacrés au Petit-Luc ;
40. Pierre MINAUD, âgé de 7 ans, frère des trois suivants, tous quatre massacrés au village du Bregeon ;
41. Jean MINAUD, âgé de 6 ans :
42. Louise MINAUD, âgée de 15 jours:
43. Louise-Marie MINAUD, âgée de 15 mois ;
44. Jeanne RENAUD, âgée de 4 ans, massacrée à la Nouette, ainsi que les quatre qui suivent ;
45. Catherine RENAUD, âgée de 4 ans ;
46. Pierre RENAUD, âgé de 18 mois, frère de Catherine ;
47. Céleste MORILLAUD, âgée de 7 ans ;
48. Anne MORILLAUD, âgée de 2 ans, sœur de Céleste ;
49. Pierre GRIS, âgé de 5 ans ;
50. Jeanne GRIS, âgée de 5 mois, sœur de Pierre, tous deux massacrés à la Frimaudière ;
51. Pierre RENAUD, âgé de 7 ans ;
52. Marie-Anne RENAUD, âgée de 4 ans, sœur de Pierre, tous deux massacrés au village de la Brosse ;
53. Marie AIRIAU, âgée de 5 ans, massacrée à la Ricoulière;
54. Perrine SIMONNEAU, âgée de 8 mois, massacrée à la Bugelière, avec les deux qui suivent;
55. Joseph SIMONNEAU, âgé de 18 mois;
56. Jacques SIMONNEAU, âgé de 18 mois, frère de Joseph :
57. Véronique MARTIN, âgée d'un an, massacrée à la Moricière, avec les deux suivants ;
58. Jean SIMONNEAU, âgé de 5 ans :
59. Pierre SIMONNEAU, âgé de 6 mois, frère de Jean ;
60. Marie REMAUD, âgée de 5 ans, massacrée à Bourgneuf;
61. Jean-Baptiste VRIGNAUD, âgé de 4 ans, massacré à la Cornetière ;
62. Marie-Jeanne VRIGNAUD, âgée de 3 ans, sœur de Jean-Baptiste, massacrée au même village que son frère ;
63. Pierre DAVIAU, âgé de 6 ans, massacré à la Régaudière;
64. Renée DAVIAU, âgée d'un mois, sœur de Pierre, massacrée au même village;
65. Pierre GIRARD, âgé de 6 ans, massacré à Chef-de-Pont, avec son frère et sa sœur :
66. Marie-Jeanne GIRARD, âgée de 4 ans, sœur de Pierre ;
67. Jean GIRARD, âgé d'un an, frère de Pierre et de Marie-Jeanne ;
68. Jean SORIN, âgé de 4 ans, massacré à la Bromière, avec son frère et Marie-Anne JOLI ;
69. Jacques SORIN, âgé de 5 mois, frère de Jean ;
70. Marie-Anne JOLI, âgée de 2 ans ;
71. Pierre GEAI, âgé de 2 ans, massacré au Temple, ainsi que le suivant ;
72. Pierre GOUIN, âgé d'un an ;
73. Henri SORET, âgé de 2 ans, massacré au Petit-Luc ;
74. Louis HIOU, âgé de 2 ans, massacré à Bourgneuf;
75. Jeanne ROUSSEAU, âgée de 3 ans, massacrée à la Garçonnière, ainsi que les cinq suivants ;
76. Victoire-Céleste FLORE, âgée de 11 mois;
77. Jean BOISSELEAU, âgé de 7 ans;
78. Jean ROUSSEAU, âgé de 6 ans;
79. Jeanne ROUSSEAU, âgée de 4 ans, sœur de Jean ;
80. Pierre FÉTIVEAU, âgé de 2 ans et demi ;
81. Marie RICOULEAU, âgée de 22 mois, massacrée à la Bromière ;
82. Marie GARREAU, âgée de 7 ans, massacrée à la Cornetière ;
83. Marie HERMOUET, âgée de 5 mois, massacrée au bourg;
84. Marie-Anne MINAUD, âgée de 5 ans, massacrée à l'Etelière, ainsi que la suivante, sa sœur ;
85. Louise MINAUD, âgée de 3 ans ;
86. Louis EPIARD, âgé de 5 ans, massacré à Chef-de-Pont, avec la suivante ;
87. Madeleine REMAUD, âgée de 7 ans ;
88. Marie REMAUD, âgée de 6 ans, massacrée à la Grand'-Métairie ;
89. Etienne BÉRIAU, âgé de 15 jours, massacré à la Rigaudière, ainsi que la suivante ;
90. Marie GUITET, âgée de 5 ans ;
91. Rose MARTINEAU, âgée de 3 ans, massacrée à Bourgneuf;
92. Marie MALARD, âgée de 4 ans, massacrée au Mouhais;
93. Marie-Anne GAUTRET, âgée de 6 ans, massacrée à la Petite-Guénière , ainsi que les deux suivantes ;
94. Louise MARTIN, âgée de 5 ans ;
95. Rose MARTIN, âgée de 2 ans, sœur de Louise ;
96. Louise BOURON, âgée de 3 ans, massacrée à Bourgneuf, avec la suivante ;
97. Madeleine BOURON, âgée de 3 ans ;
98. Pierre GRATON, âgé de 3 ans, massacré au Puits, ainsi que la suivante;
99. Anne GRATON, âgée de 2 ans;
100. Rose MALIDIIN, âgée de 5 ans, massacrée à la Brugère, ainsi que la suivante, sa sœur;
101. Jeanne MALIDIIN, âgée de 3 ans;
102. Pierre BOUET, âgé d'un an, massacré à la Seurie;
103. Pierre FORT, âgé de 6 ans, massacré au Champ-Dolent, ainsi que la suivante, sa sœur;
104. Rose FORT, âgée de 3 ans ;
105. Perrine MORNET, âgée de 4 ans, massacrée à la Devinière, avec la suivante ;
106. Jeanne CHARRIER, âgée de 3 ans ;
107. Louise MARTIN, âgée de 5 ans, massacrée au Petit-Luc, avec la suivante, sa sœur ;
108. Marie-Françoise MARTIN, âgée de 2 ans ;
109. Céleste BOISSELAUD, âgée de 7 ans, massacrée à la Grézaudière. avec le suivant, son frère ;
110. Pierre BOISSELAUD, âgé de 3 ans (1) ;A Saint-Etienne-du-Bois, le 1er mars 1794,
111. Jeanne Catherine PRINEAU, âgée de 7 ans, massacrée à la Tullévrière (2) ;A Saint-Sulpice-le-Verdon, le 2 mars 1794,
112. Jeanne DOUILLARD, âgée de 5 ans, massacrée au village de la Chevasse ;
113. Pierre DOUILLARD, âgé de 4 ans, massacré au village de Villeneuve, ainsi que le suivant ;
114. Jean DOUILLARD, âgé de 2 ans (3) ;A Saint-Martin-Lars-en-Tiffauges,le 14 et le 22 avril 1794,
115. Jacques AUVINET, âgé de 2 ans, massacré le 14 avril 1794, avec le suivant;
116. Pierre AUVINET, âgé de 2 ou 3 mois ;
117. Jean MICHENEAU, âgé de 7 ans, massacré le 22 avril 1794, comme le suivant, son frère ;
118. Pierre MICHENEAU, âgé d'environ 1 an;
119. Modeste CHALLET, âgée de 3 ans et demi.
C'est avec un pieux respect et un bien tendre intérêt que nous avons recueilli les noms de ces jeunes Bienheureux, noms immortels, dispersés et perdus dans la poussière des vieilles archives.
En les recueillant dans ces pages, nous demandions à l'Ange de ce diocèse, d'en composer une guirlande de lis et de roses, nec rosæ nec lilia desunt (1), ou plutôt d'en former un diadème d'étoiles radieuses, pour en couronner notre Vendée chrétienne.
Rien n'est plus beau et rien n'est plus fort devant Dieu que l'innocence unie au sacrifice, une victime immaculée sur l'autel des holocaustes !
Aussi, nous regardons cette multitude souriante d'Innocents, tués pour la cause sacrée que défendaient leurs pères, comme une céleste égide suspendue sur le pays qui fut leur berceau : Tantam habentes impositam nubem testium (2).
C'est la nuée lumineuse du désert, qui éclaire, qui protège, et qui guide le peuple de Dieu vers la terre promise.
Innocents martyrs, vous êtes la Vendée glorieuse du passé ! Couvrez de votre puissant patronage tout ce peuple d'enfants, vos compatriotes, vos amis et vos frères, menacés de périls si terribles dans le présent, et qui sont, pour Dieu et pour l'Église, la Vendée de l'avenir.
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(1) Apocal., XIV, 1. — (1) Chroniques du Bas-Poitou, T. I, pp. 208-209. — (1) Extrait des registres de la commune de Chavagnes-en-Paillers. Cette seule commune compte un total de 102 victimes, massacrées du 6 janvier 1793 au 12 décembre 1794. — (1) V. La Chapelle de N.-D. des Lucs, Reine des Martyrs, par l'abbé JEAN BART, curé des Lucs. — (2) V. l'abbé Ténèbre, par l'abbé Hte BOUTIN, p. 49. — (3) V. Registre de Saint-Sulpice-le-Verdon. — (1) Vén. BÈDE, Sermo 18, de sanctis. — (2) Hebr. XII.
A suivre : CHAPITRE XI. NOTICES SUR LES PRINCIPAUX MARTYRS VENDÉENS.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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(Note de Louis : Dans ce chapitre, à chaque fois qu’une notice sera initiée, j’ouvrirai un nouveau message, ceci dans le but de faciliter son repérage dans la table des matières. Bien à vous.)
(Note de Louis : Dans ce chapitre, à chaque fois qu’une notice sera initiée, j’ouvrirai un nouveau message, ceci dans le but de faciliter son repérage dans la table des matières. Bien à vous.)
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C'est au mois de février 1793, qu'eut lieu la première invasion des persécuteurs révolutionnaires dans la communauté des Filles de la Sagesse, à Saint-Laurent-sur-Sèvre.
Le lendemain, à 6 heures du matin, le général, escorté de son état-major, réunit les sœurs, qui n'étaient plus alors qu'au nombre de 26 dans la maison.
Après les avoir accablées d'injures, il leur demande pourquoi, malgré la loi qui dissout les congrégations, elles vivent encore en communauté.
Elles répondent qu'elles sont restées là pour soigner les soldats malades ou blessés.
Là-dessus, nouvelles injures ; puis, on discute devant elles si on ne doit point les fusiller sur-le-champ. Finalement, on prend le parti de les conduire à Cholet. Les soldats les lient deux par deux.
Pendant cette opération, la sœur EUSTACHE, âgée de 41 ans, croit pouvoir s'esquiver sans être aperçue. Mais au moment où elle allait franchir le seuil de la porte, elle est arrêtée et massacrée sur place. On la dépouille, on la coupe par morceaux, et ses membres dispersés restent tout le jour dans la rue. Les habitants ne peuvent les recueillir que le soir, pour les confier à la terre.
La sœur GORGONIE est trouvée malade et alitée dans une maison particulière ; on l'égorge dans son lit, et son cadavre est traîné dans les rues du bourg.
Les patriotes se mettent en devoir d'emmener avec eux à Cholet les 25 religieuses qu'ils venaient de faire prisonnières. Celles qui étaient malades ou infirmes sont jetées sur des charrettes. L'ordre est donné devant elles de fusiller, au sortir du bourg, celles qui ne pourraient pas suivre, et de continuer la fusillade, tout le long de la route, à mesure qu'elles déclareraient ne pouvoir aller plus loin.
La sœur VICTORIN, qui n'était pas liée avec les autres, avait suivi l'avant-garde jusqu'à Mortagne, où les soldats entrèrent dans un cabaret, laissant la religieuse à la porte.
Là, apercevant les 24 captives emmenées par l’arrière-garde :
— Voilà mes sœurs, s'écrie-t-elle ; je veux partager leur sort.
Et aussitôt elle court les rejoindre. Elle arrive, hors d'haleine, et tirant un lien de sa poche, elle s'attache avec deux de ses compagnes.
— Bon, leur dit-elle, me voilà maintenant à ma place ; j'ai assez souffert pour y arriver; que je suis heureuse de me trouver ici avec vous !
Elles arrivèrent à Cholet épuisées de fatigue, de souffrance et de faim.
Au lieu de leur donner le repos et la nourriture dont elles avaient si grand besoin, on les conduit devant le Comité révolutionnaire.
Elles eurent à subir un long et pénible interrogatoire, accompagné des plus grossières injures, et qui leur fournit l'occasion de manifester leur angélique patience, leur courage et la fermeté de leur foi. A toutes les questions qui leur sont posées, elles répondent, sous le glaive qui menace leur tête, avec la simplicité, la prudence et la dignité des anciens martyrs.
— Que faisiez-vous à Saint-Laurent?
— Notre principale occupation était de soigner les malades.
— Aviez-vous des prêtres ?
— Vous savez bien que vous les avez chassés.
— Ne faisiez-vous pas administrer les sacrements?
— C'est notre devoir quand nous le pouvons.
— Ne regrettez-vous pas la mort du roi ?
— Nous ne nous mêlons point des affaires politiques.
Les juges finissent enfin par leur poser cette question dérisoire :
— Voulez-vous vivre et mourir clans la religion catholique, apostolique et romaine?
Les 25 religieuses se lèvent et répondent d'une seule voix :
— Oui, nous le voulons, avec la grâce de Dieu.
Cette simple réponse, qui exprimait toute une profession de foi, fut prononcée avec un élan, une fermeté et une sincérité d'accent, qui auraient dû toucher des cœurs simplement honnêtes.
Elle ne fit que provoquer une explosion de sarcasmes et de blasphèmes.
Après l'interrogatoire, les héroïnes furent enfermées dans une sorte de corps-de-garde, où les républicains les laissèrent encore 24 heures sans nourriture, n'ayant pour lit qu'un peu de paille.
On incarcéra toutes celles qui avaient plus de 40 ans, avec l'intention de les fusiller plus tard. Les plus jeunes furent placées à l'hôpital, pour y soigner les républicains malades.
Peu de temps après, l'armée vendéenne s'emparait de la ville de Cholet…
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
A suivre : § II. Martyre de deux missionnaires de Saint-Laurent-sur-Sèvre, JACQUES DAUCHE et ANDRÉ VERGÉ, 21 mars 1793..
Peu de temps après, l'armée vendéenne s'emparait de la ville de Cholet et délivrait les prisonnières.
Mais la sœur ELÉONORE, âgée de 75 ans, n'avait pu supporter la cruelle disette qu'on leur avait imposée ; elle était morte de faim.
Les 24 religieuses dont les forces avaient résisté à tant de souffrances se dévouèrent au soin des blessés.
Quand les Bleus reprirent la ville, ils firent conduire ces saintes filles sur des charrettes dans les fétides et horribles prisons de Nantes. Elles eurent à y souffrir toutes les tortures du dénûment le plus complet, attendant à chaque heure leur tour d'aller périr, comme tant d'autres, dans les eaux de la Loire ou sous le couteau de la guillotine.
Huit d'entre elles moururent en prison : ce sont les sœurs ANGE-GARDIEN, SAINT-ALEXIS, SAINT-MARTIN, SAINTE-PERPÉTUE, SAINT- CLAIR, SAINT-SAMSON, SAINTE-MARTHE-DE-JÉSUS et SAINTE-ARSÈNE.
Les sœurs SYMPHOROSE et SAINT-ÉLOI furent massacrées à Coron.
Parmi les Filles de la Sagesse qui suivirent l'armée vendéenne dans l'expédition d'Outre-Loire se trouvaient les sœurs VÉRONIQUE et SAINT-JOUIN.
Après la déroute du Mans, la sœur Véronique, se trouvant tout près de son pays natal, propose à sa compagne de lui trouver un refuge.
— Venez, lui dit-elle ; ma mère, Madame Ferréal, habite non loin d'ici ; elle est à l'aise ; elle sera très heureuse de vous recevoir.
Hélas ! le malheur, qui exalte les nobles âmes, pervertit souvent les cœurs lâches. Madame Ferréal reconnut sa fille, mais la reçut très froidement, en lui posant sans préambule cette question singulière :
— De quel parti es-tu ?
— Mais, ma mère, répond respectueusement sœur Véronique, je suis du parti de Notre-Seigneur Jésus-Christ; c'est dans ces sentiments que vous m'avez élevée.
— Il ne s'agit pas de cela, réplique la mère ; veux-tu être républicaine et prêter le serment de fidélité à la Constitution civile du clergé ? Autrement, je ne puis te garder ici, toi et ta compagne, sans risquer de me rendre moi-même suspecte.
— Ma mère, dit sœur Véronique, ce serment, je ne le ferai jamais. Je veux mourir religieuse, Fille de la Sagesse et fille de l'Église catholique, apostolique et romaine.
— Est-ce là votre dernier mot à toutes deux? reprend Madame Ferréal.
— Oui, répondent vivement les deux religieuses.
Qui aurait pu le croire ? Ce oui, commandé par la conscience et par la foi, fut pour les deux Filles de la Sagesse un arrêt de mort. Cette mère dénaturée les fait placer sous bonne garde, se rend à Rennes et les dénonce au représentant du peuple.
Ne doutant plus du sort qui les attendait, les deux saintes filles s'encouragent mutuellement à tout souffrir par amour pour Dieu, et la pensée du ciel qui va s'ouvrir sur leur tète les remplit de joie et d un céleste enthousiasme. La sœur SAINT-JOUIN ne sait comment exprimer sa reconnaissance à la sœur VÉRONIQUE, qui lui a servi de guide et d'ange gardien, pour la conduire jusqu’à la porte du Paradis.
Toutes deux passèrent la nuit à se préparer au martyre, par la prière et par de pieux entretiens. Le lendemain, dès l'aube du jour, la maison est cernée par les patriotes. On les saisit, on les conduit à Rennes, et le 5 janvier 1794, les sœurs Véronique et Saint-Jouin portaient leur tête sur l'échafaud.
Près du Mans, l'armée républicaine traînait à sa suite un certain nombre de religieuses de Saint-Laurent, qu'on avait entassées sur des charrettes. Après les avoir accablées d'opprobres et d'avanies, ces persécuteurs de la plus lâche espèce eurent l'idée d'en faire descendre deux sur la route, les sœurs SAINT-MAURE et SAINTE-PAULE , et pour donner à leurs camarades, comme ils le disaient eux-mêmes, l'idée de leur savoir-faire, ils hachent ces deux victimes à coups de sabre sous les yeux de leurs compagnes, et laissent leurs cadavres sur le chemin.
Les autres furent conduites dans les prisons du Mans.
Trois d'entre elles y moururent de misère : c'étaient les sœurs SAINTES, SAINT-PIERRE et SAINT-ANDRÉ (1).
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(1) Histoire de la Congrégation de la Sagesse, par le R..P. FONTENEAU, chez Oudin, 1878, pp. 134-146.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.§ II.
Martyre de deux missionnaires de Saint-Laurent-sur-Sèvre, JACQUES DAUCHE et ANDRÉVERGÉ, 21 mars 1793.
Le Père JACQUES DAUCHE était originaire d'Eu (Seine-Inférieure), et avait appartenu d'abord au diocèse de Coutances.
Le Père ANDRÉ VERGÉ était né en 1743, à la Papinière de Pannecé (Loire-Inférieure).
A l'époque de la Révolution, tous deux faisaient partie de la Congrégation des Missionnaires établie à Saint-Laurent-sur-Sèvre.
Les administrateurs du district des Sables-d'Olonne les firent arrêter comme prêtres réfractaires, au mois d'octobre 1792, et après les avoir retenus près de six mois prisonniers, ils les embarquèrent pour la Rochelle, où les captifs devaient attendre le jour de leur déportation à la Guyane.
C'est à la Rochelle qu'ils furent massacrés par une populace en délire, le jour même de leur débarquement, le 21 mars 1793.
Le récit le plus complet du martyre des deux missionnaires Jacques Dauche et André Vergé nous est donné par l'historien de l'Eglise santone, l'abbé Briand. Nous ne pouvons mieux faire que de le reproduire dans notre martyrologe vendéen.
« Ce sont des femmes, dignes du nom de furies, qui les assommèrent près du port.
« L'auteur de la vie de Montfort nous dit que ces femmes atroces leur arrachèrent la langue, cette langue, criaient-elles, qui avait fanatisé tant de personnes. Fin digne d'envie pour des prédicateurs de l'Evangile.
« Un homme, nommé Yvon, que nous avons vu dans notre jeunesse, avait participé à cet acte de férocité. Le prêtre victime de cet horrible traitement, cédant aux souffrances cruelles que ce misérable lui faisait endurer, serra si fortement entre ses dents le pouce de son bourreau que, toute sa vie, Yvon porta l'empreinte de cette blessure.
« L'auteur de l'Histoire de la Rochelle, Dupont, dont le nom nous rappelle un condisciple, nous donne un récit plus circonstancié.
« On s'écrie de toutes parts, écrit-il : « Ce sont les prêtres, les royalistes, qui font notre malheur. Vengeance ! la mort aux prêtres et aux royalistes !
« Les officiers municipaux, les membres du district accoururent et tâchèrent de calmer le peuple, pendant que, par leurs ordres, une garde sur laquelle ils peuvent compter, va défendre l'approche de la maison d'arrêt.
« Ce fut au milieu de semblables circonstances que le procureur du district crut ne pouvoir s'empêcher d'exécuter l'ordre qu'il avait reçu d'envoyer à l'île d'Oléron quatre prêtres, détenus à la Rochelle. Ils sont conduits au port, le 21 mars, à midi, sous l'escorte de quelques soldats, peut-être mal disposés à les défendre. La mer est basse et ne sera haute que dans quatre heures.
« Des contemporains nous ont assuré que cette heure avait été choisie avec intention. Le procureur du district et ses adhérents avaient tout disposé pour rendre certain l'assassinat des prêtres.
« Des femmes à figure sinistre ont commencé à injurier ces ecclésiastiques dans la rue. Elles les ont suivis jusqu'à la porte du corps-de-garde de la tour de la Lanterne, en appelant à elles des marins étrangers, dont l'exaltation féroce leur est connue.
« A 1'heure, on vient prévenir le maire qu'il y a rassemblement autour de quatre prêtres, et que les soldats qui les accompagnent ne peuvent plus les défendre contre les outrages de la multitude.
« Il accourt avec la garde de la maison commune, il se fait jour à travers la foule, se met au-devant des malheureux ecclésiastiques, contre lesquels retentissent d'horribles clameurs. Puis, voyant que le danger augmente, il les fait entrer dans le corps-de-garde. Il ne cesse de répéter aux citoyens qu'ils doivent écouter l'humanité et obéir à la loi.
« On lui répond par les cris de : Mort aux prêtres ! la mort ! »
Il n'avait autour de lui que 30 hommes à pied et autant à cheval, mais, aidé du commandant Thouron qui l'accompagnait, il eût pu déterminer peut être cette troupe à faire feu sur la multitude et à la disperser par les baïonnettes Il n'osa pas avoir recours à ce terrible expédient, et il fit seulement prévenir les membres du district qu'il fallait absolument envoyer toutes les forces disponibles.
« Il était trop tard, les assassins avaient fait irruption dans le corps de garde, et les prêtres étaient déjà égorgés, mutilés et mis en pièces Les membres déchirés, les têtes sanglantes des victimes furent portées par les rues (1).
« En 1817, la croix de mission avait été érigée...
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(1) Histoire de la Rochelle, par Dupont, pp 579-580.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.§ II.
Martyre de deux missionnaires de Saint-Laurent-sur-Sèvre,
JACQUES DAUCHE et ANDRÉ VERGÉ, 21 mars 1793.(suite)
« En 1817, la croix de mission avait été érigée sur le tombeau de ces glorieux.
« Un habitant voisin du cimetière (1) indiquait, en 1817, le lieu de leur sépulture, en face de 1'hôtel du préfet, à 1'extrémité de la place, et à quelques toises des maisons qui la bordent au levant.
« Quelques membres déchirés des victimes furent, dit-on, enterrés sur la paroisse de Saint-Nicolas (2) . »
Un procès-verbal du juge de paix, consigné dans le registre mortuaire de la Rochelle, sous la date du 21 mars 1793, constate la mort de six prêtres « DÉCÉDÉS, le 21 du même mois, par suite d'une émeute populaire. » L'acte donne les noms des victimes Hule, DAUCHE, VERGÉ, Violleau, Cornuault, Ogeard.
Le premier était du diocèse de Poitiers, et les trois derniers, du diocèse de la Rochelle.
Nos lecteurs auront remarqué l'étrange euphémisme de ces archives républicaines, dissimulant l'atrocité du massacre sous l'idée vague d'un décès.
L'évêque de la Rochelle, Monseigneur Jean-Charles de Coucy, dans une lettre pastorale qu'il adressait à son clergé le 8 mai 1793, rectifiait, pour la gloire de son diocèse et de l'Eglise de France, l'acte du complaisant juge de paix républicain.
Cet acte épiscopal, dit Guillon (3), peut être regardé comme une de ces canonisations, que les évêques avaient le droit de faire, dans les douze premiers siècles de l'Eglise (4).
« Le crime poursuit la vertu avec l'acharnement de l'enfer, dit Monseigneur de Coucy, et parmi une infinité de victimes, nous comptons trois de nos vénérables coopérateurs, dignes martyrs de Jésus-Christ, qui ont scellé leur glorieuse confession de leur sang, dans notre ville épiscopale, le 21 du mois de mars dernier. Si notre premier sentiment a été l'émotion déchirante de Jacob, lorsqu'on lui annonça la mort de Joseph, ranimé par la foi, et prosterné aux pieds du vainqueur de la mort, Nous lui avons rendu des actions de grâces, pour le don précieux qu'il a fait à notre Église, dans ces dignes ministres des saints autels.
« Aujourd'hui que la palme du martyre leur a été décernée, Nous les regardons comme de nouveaux protecteurs. Leur sang, leurs plaies réclament en faveur de leurs bourreaux (1). »
En décernant le titre de martyrs aux trois prêtres de la Charente-Inférieure, l'évêque de la Rochelle en fait partager implicitement la gloire aux deux missionnaires de Saint-Laurent-sur-Sèvre, JACQUES DAUCHE et ANDRÉ VERGÉ, martyrisés dans les mêmes circonstances et pour la même cause, aux cris forcenés de Mort aux prêtres (2).
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(1) « Il se nommait Lecureau, nous l'avons beaucoup connu dans notre jeunesse » Note de l'abbé Briand. — (2) Histoire de l'Eglise santone , T. III p. 99. — (3) Les Martyrs de la foi, T II, p 479. — (4) Monseigneur de Coucy fut un des principaux fauteurs du schisme de la Petite Eglise, mais sa conduite ultérieures n'infirme en rien la valeur de son acte épiscopal de 1793. — (1) Les Martyrs de la foi, T. II, pp. 480, 481. — (2) Ibid. T. II, p. 529. T. IV, p. 697.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.§ III
Martyre de JACQUES PETIOT, curé de Saint-Révérend, 30 avril 1793.
JACQUES PETIOT, curé et maire de Saint-Révérend, bravant les décrets de la Convention contre les prêtres non assermentéss, avait voulu rester au milieu de ses paroissiens, avec la résolution de mourir pour eux, si Dieu voulait bien lui accorder cette grâce insigne du martyre.
Le ciel agréa son héroïque sacrifice.
Un jour qu'il fuyait devant les persécuteurs, il fut arrêté dans le bourg de la Mothe-Achard, avec 9 ou 10 Vendéens, accusés comme lui de favoriser l'insurrection de la Vendée contre l'impiété révolutionnaire.
Nous transcrivons textuellement, sur les registres de la Commission militaire des Sables, les griefs relevés contre cet intrépide confesseur de la foi.
Sous la date du 30 avril 1793, nous lisons :
Petiot Jacques, ci-devant maire curé, 48 ans, Saint-Révérend, attroupé ; a dit la messe à Commequiers et à Vairé ; a mangé avec les religieuses, à la Roche-au-Roux ; a suivi les Brigands (1).
Cet idiot et misérable jargon était un arrêt de mort, et ce même jour, 30 avril, le curé de Saint-Révérend marchait à l'échafaud.
Dès le 6 de ce même mois 1793, la guillotine avait été dressée sur le Remblai, tout près de l'emplacement actuel du calvaire. Elle y fonctionna jusqu'au 14 janvier de l'année suivante, époque où, trop lente au gré de ses pourvoyeurs, elle fut remplacée par la fusillade (2).
C'est sur ce terrain, désormais terre sainte pour la piété, que furent immolées aux fureurs impies de la Révolution 123 victimes, dont Jacques Petiot fut la plus illustre et la plus touchante.
Le peu de temps qu'il passa dans la prison des Sables, le saint prêtre l'avait employé dans l'exercice de son ministère, confessant, exhortant, consolant ceux qui partageaient sa captivité.
Il marcha, calme, ferme et souriant vers le lieu du supplice, au milieu de deux de ces prisonniers, les soutenant par ses paroles et par son exemple.
Il portait son bréviaire sous le bras.
Pendant la marche, il chanta d'une voix forte, et avec l'accent d'une piété toute céleste, cette strophe d'un cantique du Bienheureux Père de Montfort :Allons, mon âme, allons
Au bonheur véritable ;
Aimons Jésus, aimons,
Le bien le plus aimable,
L'amour !
Jésus est mon amour,
La nuit et le jour.
Arrivé en face de la guillotine, il demande à celui qui préside à l'exécution la faveur de mourir le dernier, afin de pouvoir encourager, au moment décisif, ceux qu'on allait exécuter avant lui.
Enfin, il monte le dernier sur l'échafaud, pour recevoir le coup qui va trancher sa vie, en lui ouvrant le ciel. Il baise, comme saint André, l'instrument de son supplice, embrasse son bourreau, et lui fait présent de sa montre en or (1).
Puis, le doux martyr courbe sa tête sous le couteau qui, fonctionnant avec peine, frappa trois fois la victime avant de l'immoler.
Son corps fut jeté, avec ceux des autres suppliciés, dans une large fosse, qu'on avait creusée dans un angle du cimetière, à droite, en entrant par le Remblai.
Cinquante ans plus tard, Monsieur l'abbé Michaud, curé des Sables, fit élever, dans le jardin du presbytère, un modeste monument funèbre, destiné à perpétuer le souvenir de cet humble prêtre, dont le sang, versé pour la foi, avait été, pour la paroisse des Sables, une semence de chrétiens.
La piété sablaise est demeurée fidèle à la mémoire du curé de Saint-Révérend, et de nos jours encore la tombe de JACQUES PETIOT est vénérée comme la tombe d'un martyr (1).
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(1) Archives de la Vendée. Dossier de la Commission militaire des Sables-d'Olonne, du 1er au 14 avril 1794.
(2) Celui qui avait forgé le couperet, un maréchal-ferrant de Commequiers, nommé Troussicot, fut l'une des dernières victimes.
(1) Témoignage du Docteur Petiteau, le chroniqueur Sablais qui a fouillé à fond les archives de sa ville natale.
(1) Sur le martyr de M. Jacques Petiot, voir le manuscrit de M. IMBERT, curé des Sables, les dossiers AILLERY et les Martyrs de la foi, par GUILLON, T. IV, p. 243.
A suivre : § IV. Martyre de PIERRE-ALEXIS TORTEREAU, curé de Challans, 13 juillet 1793.
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