Le Martyre de la Vendée.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.§ XXXIII
Vie et martyre d' ANDRÉ-GEORGES BRUMAULD DE BEAUREGARD,
théologal et vicaire général de Luçon,
27 juillet 1794.(suite)
On l'interna dans le couvent de la Visitation de Poitiers, dont on avait fait une prison, et sa détention se prolongea jusqu'au mois d'avril 1794.
Le président du tribunal criminel de la Vienne, Planier, voulait à tout prix faire tomber la tête du ci-devant théologal, qu'il appelait grand coupable ; mais c'était un juge formaliste, et il voulait, disait-il, la faire tomber légalement.
Il écrit aux agents nationaux des districts de Luçon et de Fontenay, pour demander les pièces qui pouvaient se trouver à leurs greffes, contre ce perturbateur de l'ordre public. Le 20 janvier 1794, il écrivait au citoyen agent national près du district de Luçon :
« La liberté, l'égalité ou la mort!
« Citoyen, le nommé Brumauld de Beauregard, ci-devant théologal, ex-vicaire général du ci-disant évêque, est détenu dans une de nos maisons de réclusion. A la veille de juger ceux qui, comme lui, sont sujets à la déportation, ou qui, par des écrits, ont prêché la discorde et la guerre civile, j'ai besoin que tu me donnes tous les renseignements que tu peux recueillir sur les lieux, afin que je puisse juger, en connaissance de cause, celui qui a habité ta commune, y a répandu à profusion des lettres pastorales ou autres écrits, auxquels on a attribué avec raison tous les malheurs de la Vendée. Je me rappelle que Gensonné, envoyé en commission dans ton département, dans le rapport qu'il fit au corps législatif, accusa l'évêque de Luçon, et particulièrement son théologal, d'avoir, par leurs écrits et par leurs discours, secoué les torches du fanatisme et de la discorde.
« Envoie-moi donc toutes les dénonciations, informations ou dépositions qui ont pu être faites contre Beauregard. Fais surtout la recherche des écrits contre-révolutionnaires qui sont sortis de sa plume hypocrite, et m'en fais passer un exemplaire certifié. Enfin, n'épargne ni soins ni peines, pour me fournir tous les moyens de faire tomber légalement la tête d'un grand coupable, et donner un grand exemple à ceux qui seraient tentés de suivre une religion de sang qui, dès sa naissance, n'a servi qu'à dépeupler la terre. Salut, fraternité (1). »
Dès le lendemain, on trouvait à Luçon des pièces contre le dit Beauregard. De son côté, l'agent national près du district de Fontenay s'empressait de faire des recherches.
« J'invite le comité de surveillance, écrivait-il, à m'aider à rechercher des renseignements contre cet animal. »
Le 2 février, il répondait au président Planier : « Encore quelques jours, et les renseignements seront fournis. Ce n'est qu'en détruisant de pareils monstres que nous sommes sûrs de sauver la patrie. »
Malgré le zèle complaisant et empressé de tous ces valets de la Révolution, Planier trouvait insuffisants les renseignements fournis, puisqu'il écrivait, le 13 avril, à l'agent national de Fontenay :
« J'espérais, citoyen, que tu m'aurais envoyé sur le sieur Brumauld, ci-devant théologal de Luçon, les renseignements que tu m'avais promis... Je t'invite à ne pas mettre en oubli ce fanatique. Le représentant Ingrand (1) exige de nous la plus grande célérité dans le jugement des criminels. Je lui ai dit que ce criminel eut été jugé depuis longtemps, si tu m'avais fourni les pièces que tu m'avais promises. Veuille donc, citoyen, ne pas différer, afin que notre tribunal puisse prononcer définitivement sur le sort de ce prêtre. Salut et fraternité (2).
On voit que la Révolution traitait André de Beauregard comme une puissance, et cet acharnement des bourreaux est un magnifique éloge de la victime.
Les pièces promises n'arrivèrent pas, et vers la fin d'avril, le prisonnier de la Visitation fut transféré à Paris sur une charrette et renfermé à la Conciergerie.
Là, sa vie fut toujours la même, celle d'un saint. Il offrait aux malheureux compagnons de sa captivité les consolations de la piété chrétienne et les secours de son ministère.
Il convertit l'évêque de Viviers, qui avait adopté les erreurs de la Constitution civile, et qui les rétracta dans sa prison. On croit qu'il ne fut pas étranger à la conversion de Monsieur Montault, évêque constitutionnel de Poitiers.
Enfin, le 27 juillet, il comparaît devant le tribunal révolutionnaire, qui le condamne à mort « comme l'un des conspirateurs les plus audacieux et les plus fanatiques ; comme prêtre réfractaire, ayant refusé le serment de fidélité et d'égalité (1). »
La veille de son martyre, saint Flavien disait à sa mère : « O mère vraiment pieuse et héroïque comme la mère des Machabées, ce qui m'arrive, c'est justement ce que j'ai toujours désiré ; au lieu de pleurer ma mort, il vous faut vous en glorifier (2). »
Tels étaient les sentiments qu'André de Beauregard exprimait à la sienne, dans une lettre admirable qu'il lui écrivit la veille de son supplice.
Lettre d'André de Beauregard à sa mère, le 26 juillet 1794.…
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(1) Revue du Bas-Poitou, 10eann. 4e livr., pp. 406-407. — (1) Ingrand était membre de la Convention et représentait le département de la Vienne. Piorry, son collègue, écrivait aux jacobins de Poitiers : « Songez qu'avec ce bon b..., vous pouvez tout faire, tout incendier, tout déporter, tout guillotiner, tout régénérer. — (2) Archives départ. — Revue du Bas-Poitou, 11e ann., 1re livr., pp. 17-18.— (1) V. aux Pièces justificatives, Note V, le texte du jugement. L'acte d'accusation fut dressé par Fouquier-Tinville. — Archives nat. W. 433, dossier 974.
(2) Acta martyrum, Ruinat, Ratisbonne, p. 280.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.§ XXXIII
Vie et martyre d' ANDRÉ-GEORGES BRUMAULD DE BEAUREGARD,
théologal et vicaire général de Luçon,
27 juillet 1794.(suite)Lettre d'André de Beauregard à sa mère, le 26 juillet 1794.
« Je suis à la veille de comparaître à ce redoutable tribunal, où je suis traduit, sans savoir pourquoi. Ma conscience ne me fait aucun reproche ; je ne suis pas pour cela justifié. Le sort qui m'est destiné va, selon toute apparence, mettre fin pour moi aux épreuves de cette malheureuse vie : grâce à Dieu, il n'est pas imprévu.
« Prêt à paraître devant Dieu, il me reste encore des devoirs à remplir. Je vois en vous son image; c'est entre vos mains, ma digne et tendre mère, que je veux renouveler l'expression des sentiments que vous prîtes soin de transmettre à vos enfants.
« Je crois tout ce que croit et m'enseigne l'Église, sainte, catholique, apostolique et romaine, dépositaire de la vraie foi qu'il plut à Dieu de révéler aux hommes, et hors de laquelle il n'y a point de salut. Je veux mourir comme j'ai vécu, dans un fidèle attachement à sa doctrine.
« Je rends grâce à Dieu des faveurs dont je suis redevable à sa providence paternelle. Je lui demande pardon des fautes sans nombre dont je me suis rendu coupable à ses yeux, et je m'humilie devant les hommes des scandales que je leur ai donnés.
« J'implore l'assistance de mon ange gardien, l'intercession de saint André mon patron, et des saints en qui j'eus une dévotion particulière; celle de la sainte Vierge, à qui je fus dévoué dès mon enfance ; et par une vocation marquée de la Providence, j'éprouvai plus d'une fois les effets sensibles de sa protection toute-puissante. J'espère qu'elle ne m'abandonnera pas à cet instant de ma vie, le plus important pour mon salut.
« Plein de confiance en la divine miséricorde, qui se déclare d'une manière plus éclatante pour les grands pécheurs, j'accepte en esprit de pénitence, pour l'expiation de mes péchés, le sacrifice de ma vie. Je l'accepte, avec un cœur pénétré de reconnaissance, ce sacrifice que la foi me présente comme la plus précieuse de toutes les grâces. Plus j'en suis indigne, plus j'ai lieu d'attendre, de la prédilection divine, le fruit qu'elle attache à cette insigne faveur.
« Qu'il me soit permis de le dire, ma chère bonne mère, en vous ouvrant mon cœur (je dois à la bonté de Dieu ce témoignage), dans les épreuves auxquelles il a permis que je fusse soumis, j'ai déjà ressenti les consolants effets de son infaillible parole.
« C'est de vous que j'ai appris à le connaître ; et lorsque je médite ce que promet, à ceux qui seront jugés dignes de souffrir pour lui, celui qui est la vérité et la vie, je crois encore entendre de votre bouche ces exhortations touchantes d'une mère de sept enfants qui, sacrifiant au premier de ses devoirs ses plus chers intérêts, transmit à la postérité l'exemple le plus mémorable de sa tendresse et de sa foi.
« Je sens cette vertu puissante m'élever au-dessus de moi-même, et avec elle, la foi, la confiance se répandre dans mon âme. Si le moment du combat est si consolant, que sera-ce de la victoire?
« Ne vous affligez donc pas, ô la plus tendre des mères, de la situation de votre fils. Dans l'épreuve d'un moment, vous voyez la voie qui conduit à la vie. Et que sont toutes les tribulations du monde, en proportion de cette vie qui n'aura pas de fin ?
« Soyez, je vous prie, ma chère bonne mère, l'interprète de ce que je voudrais pouvoir exprimer à tous mes frères, dans ces derniers moments. Vous savez combien fut étroite l'amitié qui nous unit ; jamais elle ne souffrit la moindre altération. Les liens que vous prîtes soin de former pour notre consolation et pour notre bonheur ne sont point rompus. J'ai cette confiance plus forte que la mort, ils nous réuniront dans une meilleure vie.
« Je ne saurais assez reconnaître les marques d'amitié que je reçus de mon frère aîné dans tous les temps, et les sacrifices qu'il fit au désir de vous être utile et à nous tous. Je prie Dieu qu'il soit la récompense de sa vertu, et qu'il conserve auprès de vous votre consolateur et votre appui.
« Je prie Monfolon (1) de recevoir aussi l'expression de mes tendres sentiments et de ma reconnaissance de tout ce que le zèle et l'amitié lui inspirèrent de faire pour moi. Je sens tout ce que son cœur souffre de ce que nous sommes privés de la consolation de nous embrasser. Le mien gémit encore de l'éloignement de celui de mes frères à qui la Providence avait pris soin de m'unir de plus près (2). Faites-lui parvenir, je vous prie, dès que les circonstances le permettront, les tendres expressions de mon amitié, fondée sur l'estime et la confiance, et de mes vœux pour lui. Puisse-:t-il être l'interprète de mes sentiments auprès de ce digne évêque (3), que Dieu, dans sa miséricorde, donna pour chef à l'église de Luçon ; de ces vénérables confrères, de ces dignes pasteurs, qui m'offrirent de si grands exemples de zèle et de vertu. Ils savent combien m'étaient chers les liens qui nous unissaient. Je renouvelle avec eux la profession des religieux sentiments qui nous furent communs. Je les prie d'oublier les scandales que je leur ai donnés, et de se souvenir de moi dans leurs prières.
« Je ne désire pas moins d'être rappelé au souvenir de ces dignes et vénérables confrères de ma captivité (1). Je mets au rang des grâces les plus précieuses l'instruction et l'exemple que je trouvai parmi eux. J'espère de leur charité, qui fut pour moi si indulgente, qu'ils voudront bien ne pas m'oublier.
« J'embrasse ces chers enfants, pour lesquels je partage avec vous les sentiments de la plus tendre amitié. Ma consolation était de les voir croître sous vos yeux, et j'ai cette confiance que la semence que vous et leur vertueuse mère (2) prenez soin de répandre dans leur cœur ne sera pas infructueuse. Puisse ma situation devenir pour eux une leçon utile ! Je recommande à l'aîné de graver dans son cœur et de transmettre à ses frères le dernier avis qu'il a reçu de moi verbalement, le plus important de tous ceux que j'ai pu lui donner.
« Je voudrais pouvoir rappeler ici tous ceux à qui je tiens par les liens du sang et de l'amitié, ou par les devoirs de l'attachement et de la reconnaissance. Vous serez l'interprète de mes sentiments que vous connaissez, auprès de ceux qu'il ne m'est pas permis de nommer.
« Je prie mon ami (3) de lire dans mon cœur ce que je regrette tant de ne pouvoir lui exprimer. Nommer mon ami, c'est assez vous faire connaître celui à qui est dû ce titre qu'il possède depuis longtemps.
« Puisse une famille chérie (1), qui fut pour nous l'objet de tant de soins, recevoir aussi l'expression de mes tendres sentiments. Je n'ai jamais douté de son attachement. Je recommande à son soutenir celui qui ne cessa de s'occuper d'elle.
« J'unis, ma digne et tendre mère, le sacrifice de tout ce qui fut cher à mon cœur, aux sentiments que Jésus-Christ mon Sauveur conserva jusqu'à la fin pour sa sainte mère, et pour ceux qu'il daigna appeler ses frères et ses amis.
« C'est au pied de la croix que, vous embrassant pour la dernière fois, je vous offre l'expression de ma soumission, de mon respect, de mes plus tendres sentiments, et le regret des mécontentements que je vous ai occasionnés. C'est pour vous, la plus chérie des mères, et pour tous ceux que vous aimez, c'est pour l'intérêt de la religion, pour notre malheureuse patrie, pour la persévérance des justes, pour la conversion des pécheurs, c'est pour tous ceux qui furent la cause ou l'occasion de nos peines, c'est pour mes péchés, qu'uni par la foi à Jésus-Christ mon Sauveur souffrant et mourant pour moi, plein de confiance en ses mérites, à sa parole, à ses divines promesses, je fais à Dieu le sacrifice de ma vie. Je remets mon âme entre ses mains. »
« Cette lettre précieuse, écrivait le frère du martyr. Jean de Beauregard, semble tachée d'une larme. Hélas ! peut-être la donna-t-il à la nature, ou bien elle serait une marque de la tendresse de notre vénérable mère. »
Précieuse, en effet, cette lettre tachée ou plutôt enrichie d'une larme du fils héroïque qui l'écrivit en face de l'échafaud, ou de l'héroïque mère qui eut la gloire et la douleur de la lire.
Quand même André de Beauregard nous serait complètement inconnu par les actes de sa vie, nous le connaissons désormais, et nous le voyons dans la vraie et pleine expression de sa physionomie. Ce testament de son cœur nous révèle son âme, et sa mère, en lisant cette lettre, contemplait en quelque sorte le portrait de son saint théologal.
André de Beauregard fit partie des 23 dernières victimes de Robespierre…
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(1) Monfolon était un de ses frères qui habitait Paris, à la date de cette lettre. — (2) Jean de Beauregard. — (3) Monseigneur de Mercy. — (1) Les ecclésiastiques incarcérés avec lui à la Visitation de Poitiers. — (2) Anna-Julie Brumauld, sa sœur, veuve de J.-J.-A. Parent de Curzon. — (3) M. Defresne, doyen du chapitre et vicaire général de Luçon. — (1) Le pensionnat de Luçon ou Petit Saint-Cyr.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.§ XXXIII
Vie et martyre d' ANDRÉ-GEORGES BRUMAULD DE BEAUREGARD,
théologal et vicaire général de Luçon,
27 juillet 1794.(suite)
André de Beauregard fit partie des 23 dernières victimes de Robespierre, et le même jour, 27 juillet 1794, datait tout à la fois la chute du tyran et le martyre du théologal de Luçon.
Au moment où cette dernière charrette allait partir pour la place de la Révolution, on fit observer à Fouquier-Tinville qu'il y avait des troubles dans Paris, et qu'il serait prudent, peut-être, de retarder cette exécution.
— Rien ne peut retarder le cours de la justice, répondit l'inexorable accusateur public.
André garda jusqu'à la fin la pleine possession de lui-même, et on le vit marcher à la mort avec le calme et la sérénité d'une âme que Dieu possède tout entière.
Il était accompagné de son frère, Monsieur de Monfolon. En sortant de sa prison pour aller à l'échafaud, il rencontre une troupe de ces hideuses femmes qui attendaient les victimes au passage, pour profiter de leurs dépouilles. C'était un droit qu'on ne leur disputait pas. La République se réservait les biens et le sang des suppliciés ; elle abandonnait le reste.
Le bourreau jette à ces mégères le peu d'effets qu'on avait laissés au condamné. Elles s'arrachèrent ces misérables vêtements en poussant des cris sauvages.
L'abbé de Beauregard, entendant ces cris, revient sur ses pas.
— Ah ! je vous en prie, mes bonnes femmes, leur dit-il, avec une douceur angélique, ne vous disputez pas.
Il se met alors à leur partager lui-même ses dépouilles, en s'efforçant de calmer leur répugnante avidité. Puis, il reprend sa marche, en citant à son frère ce texte de l'évangile de la passion :
Diviserunt sibi vestimenta mea : ils se sont partagé mes vêtements.
Ce nouveau trait de ressemblance avec la victime du Calvaire ajoutait un nouveau rayon à l'auréole de notre martyr vendéen.
Quelques instants après, la tête d'André-Georges Brumauld de Beauregard tombait sous le couteau national (1).
Comme ces âmes de martyrs se ressemblent dans tous les siècles, depuis saint Etienne et saint Ignace d'Antioche, jusqu'aux victimes de la Révolution française! Une fois de plus vient de nous apparaître la douce et radieuse image de la sainteté catholique, unissant dans un même cœur les plus délicates tendresses de la piété filiale et de l'amitié à toutes les forces de l'héroïsme chrétien.
C'est le grand miracle que produit le christianisme dans le monde depuis 19 siècles, et c'est une des preuves les plus éblouissantes de sa divinité.
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(1) GUILLON, Les Martyrs de la foi, T. II, p. 462. — Vie de Mon-seigneur de Beauregard, pp. 84-85.
A suivre : Martyre de MARIE-RENÉE DU BOIS, Veuve PETITEAU…
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.§ XXXIV
Martyre de MARIE-RENÉE DU BOIS, Veuve PETITEAU,
de Soullans,
3 du mois d'août 1794.
Dans la personne de MARIE-RENÉE DU BOIS, Veuve PETITEAU, la Vendée catholique vénère une martyre de la franchise et de la sincérité chrétienne : elle a donné sa vie pour ne pas violer le précepte divin : Tu ne mentiras pas.
Marie-Renée Du Bois, de la maison noble du Grand-Marais (1); était fille de Du Bois, sieur du Grand-Marais, et de Marie-Angélique Jolly.
Mariée à François-René-Nicolas Petiteau, notaire et procureur à Challans (2), elle perdit son mari en 1786. II mourut victime de sa charité. Voulant faire l'aumône à un pauvre, il fit tomber sur lui le râtelier qui portait les pains, et il fut écrasé sous la charge.
Sa veuve restait avec trois enfants, dont l'ainé n'avait que 2 ans; le dernier venait de naître à l'époque de la mort de son père.
Elle vivait fort retirée, dans sa maison familiale du Grand-Marais en Soullans, et partageait son temps entre l'éducation de ses enfants et les œuvres de bienfaisance. Mais on arrivait à cette époque lugubre où la vertu était un crime, et le 23 mars 1794, nous la trouvons détenue dans la maison d'arrêt de Challans.
Madame Petiteau n'avait à son dossier que la dénonciation suivante d'une jeune fille de 12 ans, et qui est consignée dans les pièces du procès :
« Aux environs des fêtes de Pâques 1793 (3), l'ex-prieur de Soullans, le sieur Nœau, étant venu faire les offices dans l'église paroissiale, la citoyenne Petiteau s'était tenue sous le ballet et l'avait invité, au sortir de l'église, à rentrer chez elle, pour y prendre ses repas. La veuve de la Touche et la veuve Guignardière (1) le recevaient aussi ; mais quand on avait à parler d'affaires au dit Nœau, c'était toujours chez la veuve Petiteau qu'il fallait aller le trouver. »
Cette dénonciation, qui est tout entière à l'honneur de l'inculpée, ne semble pas avoir été une pure invention calomnieuse. Un vieux domestique de Madame Petiteau, qui depuis était resté longtemps au service de la famille Merland, des Sables, racontait qu'un jour l'abbé Nœau, mourant de faim et poursuivi par les Bleus, était venu se réfugier chez la pieuse veuve. Elle l'avait accueilli à sa table. Mais après le repas, elle supplia le fugitif de quitter sa maison, qui n'était pas sûre, et de ne pas compromettre inutilement la mère de trois orphelins. Monsieur Nœau sortit pour chercher un autre asile. On l'aperçut traversant la cour du Grand-Marais; ce fut suffisant pour mettre en émoi la police révolutionnaire.
Madame Petiteau fut arrêtée dans son salon…
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(1) La maison de famille était située sur la rive du marais de Soullans et s'appelait Grand-Marais.Dans le salon d'honneur étaient gravés deux écussons. Sur celui de droite figuraient trois épées, la pointe en bas, et surmontées de trois étoiles ou molettes . Sur celui de gauche, on voyait trois glands, au-dessus d'un lion grimpant.— (2) Nicolas PETITEAU était patron de la Chapellerie des Bonnins en Soullans. II avait donné ce bénéfice à l’abbé Guillon, curé-prieur de Soullans, qui le possédait encore en 1790. Ssur sa tombe, qui se voit encore dans le cimetière de Soullans, on lit l'épitaphe suivante. « Ci-git le corps de François-René PETITEAU, procureur fiscal, mort le 5 octobre 1786. Priez Dieu pour le repos de son âme. — (3) Pâques tombait, en 1793, le 31 mars. — (1) On croit qu'il s'agit de Henriette Dorothée Faudry, veuve de Du Bois de la Guignardière, médecin à Soullans, et mère du chef royaliste de ce nom. Elle fut guillotinée à Nantes, sur la place du Bouffay, le 24 juillet 1794. Un de ses crimes était d'avoir été vue avec un Sacré-Cœur sur la poitrine, et d'avoir mangé avec l'ex-prieur de Soullans, le sieur Nœau.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.§ XXXIV
Martyre de MARIE-RENÉE DU BOIS, Veuve PETITEAU,
de Soullans,
3 du mois d'août 1794.(suite)
Madame Petiteau fut arrêtée dans son salon, et conduite de Soullans au Perrier. Au témoignage de la jeune fille qui l'accusait, elle reçut en chemin les injures de deux hommes, qui la rencontrèrent à l'extrémité de la Chaussée.
Le premier lui reprocha d'avoir rappelé l'ex-prieur Nœau, et cria de la fouiller ; ce qu'on fit. L'autre vomit contre elle mille invectives, et dit qu'il voulait la tuer lui-même, avec le fusil dont il était armé.
De la geôle du Perrier, elle fut traînée jusqu'à Challans.
C'est là que l'infortunée captive trouva dans un compatriote un ami dévoué, Charles-Marc-René Merland, membre de l'administration du district.
Merland ne négligea rien pour la sauver, et sans doute qu'il y eut réussi malgré tous les obstacles, s'il eût trouvé plus de souplesse dans la conscience de cette ferme chrétienne, sa cliente.
Il lui conseilla d'abord de se faire oublier dans la maison d'arrêt de Challans. La Terreur lui semblait toucher à son terme, et les modérés, qui arrivaient au pouvoir, proclameraient bientôt, croyait-il, une amnistie dont elle allait bénéficier.
Mais poussée par l'amour maternel, la pauvre mère demandait à grands cris d'être envoyée à Noirmoutier, devant la commission militaire et révolutionnaire établie près de l'armée de l'Ouest, pour y subir, le plus tôt possible, son jugement. Elle ne pouvait accepter de laisser indéfiniment ses trois orphelins à l'abandon, au milieu des horreurs de la guerre civile.
« Ce que j'ai fait, disait-elle, ne peut m'être imputé comme un crime capital, puisque je n'ai pas caché le prêtre qu'on a vu traverser la cour de ma maison. »
Elle espérait aussi que la plus grande partie de la population de Soullans s'empresserait de venir témoigner en sa faveur.
Les supplications de Merland ne purent la fléchir ni la convaincre de son erreur : il fallut l'inscrire dans un convoi de prévenus, et elle donna l'ordre d'envoyer ses meubles à Noirmoutier, afin d'avoir ses enfants près d'elle, pendant la durée du procès (1).
Merland la vit partir avec chagrin, et s'efforça dès lors d'apitoyer, en faveur de sa protégée, les membres du tribunal. Au risque de se compromettre, il ne craignit pas d'intervenir auprès des juges; il leur parla du bien que faisait autour d'elle Madame Petiteau, de ses enfants en bas âge et de la faiblesse de l'accusation.
Il y eut un moment d'espoir. Ses juges ne demandaient à l'accusée qu'une seule chose: nier les faits qu'on mettait à sa charge, et spécialement le fait d'avoir reçu chez elle et à sa table un prêtre insermenté.
— Je ne saurais sauver ma vie par un mensonge répond la noble chrétienne et si c'est un crime d'avoir donné à manger au malheureux prêtre, traqué et mourant de faim, ce crime je l'ai commis, croyant remplir un devoir d’humanité (1).
Un dernier effort devait être tenté, pour sauver Madame Petiteau, le jour même où le jugement fut rendu; mais une tempête retarda de deux heures, au passage de Fromentine, témoins à décharge. Le tribunal, averti de ce cas de force majeure, refusa de surseoir au prononcé de la sentence, et quand les témoins arrivèrent, le triste convoi se dirigeait vers le lieu du supplice (2).
Nous devons citer ici…
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(1) Une pièce trouvée aux archives de la mairie de Noirmoutier a pour titre: Inventaire estimatif des meubles délaissés à l'isle de la Montagne (Noirmoutier) par Marie-Renée Du Bois, veuve Nicolas Petiteau. Dans cet inventaire, sont inscrits 6 lits, dont 1 d'enfant. Le mobilier, assez considérable, se trouvait renfermé dans un ancien grenier. — (1) Ces détails ont été donnés par une vénérable dame, morte presque centenaire en 1863, Madame Geneviève MUSSET, veuve de Monsieur Clément PALVADEAU. Elle avait épousé le fils de l'honnête citoyen chez lequel logeaient le président du tribunal et une partie des membres de la commission. — (2) Monsieur Merland prit chez lui les enfants de la veuve Petiteau, et se fit nommer leur tuteur. Il réclama, devant le district, les biens qui leur appartenaient, et vint lui même recueillir leur part de mobilier, laissé dans l'île par leur mère.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.§ XXXIV
Martyre de MARIE-RENÉE DU BOIS, Veuve PETITEAU,
de Soullans,
3 du mois d'août 1794.(suite)
Nous devons citer ici une partie du texte du jugement qui condamnait à mort Madame Petiteau, avec une vingtaine d'autres victimes, parmi lesquelles on comptait un certain nombre de femmes (1).
« Séance publique tenue à l'Isle de la Montagne, le 16 thermidor, l'an II de la République française, démocratique et impérissable (3 août 1794).
« Sur les questions de savoir si Marie Du Bois, veuve Petiteau, âgée de 35 ans, de Soullans, district de Challans et X..., X... (suivent 20 autres noms), sont coupables :
1° « D'avoir eu des intelligences avec les Brigands de la Vendée ;
2° « D'avoir provoqué l'emprisonnement et le massacre des patriotes ;
3° « D'avoir provoqué... à la destruction de la liberté et de l'égalité, à l'anéantissement de la République française, l'accusateur militaire entendu, et faisant droit à ses conclusions, la commission extraordinaire et révolutionnaire condamne les 21 dénommés à la peine de mort. »
L'exécution de Marie-Renée Du Bois, et des 20 victimes condamnées avec elle, eut lieu à la Claire, sur le bord de la mer, à 4 heures du soir.
Les condamnés furent liés, deux à deux, dans la cour du château.
Les femmes, dit une tradition, étaient vêtues de blanc, et chantèrent des cantiques et le Magnificat jusque sur le bord de la fosse.
Comme le funèbre cortège, dit un témoin, passait en face de 1'église, une jeune fille, une des plus jeunes des condamnées, se mit à éclater en sanglots; sa sœur l'embrassa et lui dit « Ne pleure pas, petite, ce soir nous coucherons chez le bon Dieu. »
Le convoi passa devant le prieuré, suivit la rue du Grand-Four et le chemin du bois de la Chaise, jusqu'au carrefour de la croix de Saint-André, puis, se dirigeant vers la ferme de la Bosse, il coupe la lande en diagonale, atteint l'extrémité du Chemin-Neuf et les dunes de la Claire, pour gagner la Grande-Prée.
Deux énormes fosses étaient creusées, et quand les vingt et une victimes sont tombées sous les coups de la fusillade, les corps y sont jetés, pêle-mêle, et recouverts d'une légère couche de sable
C'est là que reposent, en attendant la résurrection glorieuse, les restes, ou plutôt les reliques de Marie-Renée Du Bois, veuve Petiteau, victime de l'héroïque réponse qu'elle fit à ses juges : « Je ne puis sauver ma vie par un mensonge (1). »
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(1) Le texte de ce jugement fut imprimé chez MELLINET-MALASSIS, à Nantes, place du Pilori. 3, et affiché dans différentes communes, en particulier dans celle de Soullans. — (1) V. Revue de Bretagne et de Vendée, année 1881 — Noirmoutier, le 16 thermidor, an II (3 août 1794) par le Docteur VIAUD-GRAND-MARAIS.
A suivre : Martyre de JACQUES-PIERRE GOURAUD, curé de Saint–André–sur–Mareuil.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.§ XXXV
Martyre de JACQUES-PIERRE GOURAUD,
curé de Saint-André-sur-Mareuil,
26 juillet 1795.
JACQUES-PIERRE GOURAUD naquit en 1739, à Saint Georges-de-Montaigu.
Nommé curé de Saint-André-sur-Mareuil en 1769, il refusa le serment et partit pour l'Espagne.
Le 22 décembre 1792, Monseigneur de Mercy écrivait, de Soleure, à Monsieur Paillou. « J'ai reçu, par le digne curé de Saint-André-sur-Mareuil, des nouvelles de nos frères de Victoria. »
Quand l'Espagne fut envahie par les troupes républicaines, Monsieur Gouraud passa, comme plusieurs autres prêtres, en Angleterre. Mais, apprenant qu'un bon nombre de ses confrères du Bas-Poitou étaient restés dans le pays, et bravaient tous les dangers, pour y maintenir la foi, si terriblement menacée, il résolut de retourner dans sa paroisse. Il crut trouver une occasion favorable dans l'expédition de Quiberon, et il se joignit à Monseigneur de Hercé, évêque de Dol, pour rentrer en France.
Arrêté au moment du débarquement, il comparut devant la commission militaire d'Auray, le 25 juillet 1793, fut condamné à mort, et fusillé le lendemain à Vannes (1).
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(1) Notes communiquées par M. E. BOURLOTON, d'après les papiers de l'abbé PONTDEVIE. — GUILLON, T. III, p. 224.
A suivre : Martyre de JEAN-BAPTISTE-RENÉ GAIGNET, vicaire de Doix.
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.§ XXXVI
Martyre de JEAN-BAPTISTE-RENÉ GAIGNET, vicaire de Doix,
28 juillet 1795.
JEAN-BAPTISTE-RENÉ GAIGNET naquit au Gué-de-Velluire, le 6 janvier 1764. Son père était boulanger.
Vicaire de Doix depuis 1790, il avait refusé le serment et s'était exilé en Angleterre.
Souffrant avec peine un exil qui paralysait son zèle, il prit le parti de rentrer en France avec l'évêque de Dol.
Arrêté et condamné à mort par la commission militaire d'Auray, il fut exécuté à Vannes, le 28 juillet 1795.
« Comme il est notoire, dit Guillon, que l'abbé Gaignet rentrait en France pour servir la cause religieuse, c'est bien véritablement pour elle qu'il fut immolé (2) ».
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(2) GUILLON, T. III, p. 150.
Vie et martyre de MATHIEU-FRANÇOIS DE GRUCHY,vicaire de Soullans, de Challans, de Beauvoir, de Bois-de-Céné, de Saint-Jean-de-Monts, et curé de Venansault.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.§XXXVII
Vie et martyre de MATHIEU-FRANÇOIS DE GRUCHY,
vicaire de Soullans, de Challans, de Beauvoir,
de Bois-de-Céné, de Saint-Jean-de-Monts,
et curé de Venansault.
28 novembre 1797.« Je fais à Dieu le sacrifice de ma vie. »
(Testament du martyr.)
MATHIEU-FRANÇOIS DE GRUCHY, Anglais d'origine, est né à Jersey, d'une famille noble protestante, le 31 du mois d'août 1761 (1) ; mais il appartient au diocèse de Luçon par son baptême et par la plus grande partie de sa vie sacerdotale. Nous devons revendiquer pour notre martyrologe vendéen la gloire de son martyre.
A l'époque de la dernière guerre entre l'Angleterre et la France, pour l'émancipation des Etats-Unis, De Gruchy fut embarqué, très jeune encore, et fait prisonnier sur un corsaire français, vers 1776.
Il fut détenu, avec plusieurs Anglais, au château de Saumur.
Comme il parlait avec aisance la langue française, il sortait en ville, pour faire les commissions de ses compatriotes. Un jour, il se trouvait dans un magasin, lorsque survint une dame, qui venait aussi faire quelques emplètes.
Le jeune Anglais fut gracieux et poli, et n'accepta d'être servi qu'après elle.
A cette acte de politesse, la Providence voulut attacher une grâce extraordinaire, qui fut comme le premier anneau d'une chaîne d'autres grâces privilégiées, le principe des grandes et glorieuses destinées du jeune prisonnier.
Cette dame, c'était la marquise de Toucheprès, dont le mari avait était conseiller au parlement de Bretagne.
La marquise jouissait d'une belle fortune, qu'elle employait en bonnes œuvres. Elle fut touchée de l'heureuse physionomie du jeune homme, de la situation et des demi-confidences qu'il lui fit tout d'abord avec une grande ingénuité.
Il s'était avoué protestant. Comme Madame de Toucheprès était très liée avec Monsieur Du Petit-Thouars, gouverneur de Saumur, elle obtint de se charger du prisonnier et l'emmena dans son château.
Bientôt, elle lui offrit de lui faire apprendre un métier.
— Je le veux bien, répondit De Gruchy, pourvu que ce métier ne soit pas trop vil.
Il y avait dans cette réponse une certaine fierté de race. La famille De Gruchy était pauvre ; mais elle s'honorait de descendre d'une maison noble, venue de France, à l'époque de la conquête. Elle avait conservé des sentiments dignes de cette origine, et s'efforçait de n'y pas déroger.
On fit apprendre à Mathieu le métier de menuisier, et il suivit son patron dans le Bas-Poitou, à Soullans (1)
La pieuse marquise ne perdait pas de vue son protégé. Comme elle se préoccupait surtout de sa conversion…
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(1) Monsieur du TRESSAY le fait naître à Saint-Sauveur, au diocèse de Coutances ; c'est une erreur. Monseigneur BRUMAULD DE BEAUREGARD, qui l'a intimement connu, le dit natif de Jersey et cette affirmation, est confirmée par le certificat de baptême que nous donnons aux Pièces justificatives, Note VI. — (1) L'acte de baptême de Mathieu De Gruchy, conservé dans les archives de Soullans, indique assez clairement que le nouveau converti avait son domicile dans cette paroisse, V. aux Pièces justificatives la Note VI.
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vicaire de Soullans, de Challans, de Beauvoir,
de Bois-de-Céné, de Saint-Jean-de-Monts,
et curé de Venansault.
28 novembre 1797.« Je fais à Dieu le sacrifice de ma vie. »
(Testament du martyr.)(suite)
La pieuse marquise ne perdait pas de vue son protégé. Comme elle se préoccupait surtout de sa conversion, elle le mit en relation avec Monsieur Guillon, curé-prieur de la paroisse, homme fort instruit et d'un très aimable caractère, qui ne tarda pas à gagner le cœur et la confiance du jeune ouvrier. Il lui parla de religion et lui mit entre les mains des ouvrages de controverse.
De Gruchy, qui avait l'intelligence très ouverte, et une entière droiture de volonté, abjura l'erreur, fut baptisé sous condition et fit sa première communion, sans doute le jour même de son baptême, le 22 du mois d'août 1786.
Le curé-prieur, qui reconnut vite dans le nouveau converti une nature d'élite, lui suggéra l'idée d'apprendre le latin.
De Gruchy accepta la proposition, et pendant qu'il travaillait son bois à l'atelier, il recevait les leçons que Monsieur Guillon venait lui donner.
Ses progrès furent rapides. Ses remarquables aptitudes intellectuelles, jointes à sa modestie, à sa franche et profonde piété, révélaient, dans l'intéressant néophyte, toutes les marques d'une sérieuse vocation à l'état ecclésiastique. Quand il témoigna le désir d'entrer dans la sainte cléricature, le bon curé n'en fut point surpris ; il voyait se réaliser, dans son élève, les espérances qu'il en avait conçues.
Après avoir donné tous ses soins à la formation cléricale du lévite, il l'envoya terminer ses études au séminaire de Luçon, que dirigeaient alors les lazaristes.
En 1788, Monseigneur de Mercy lui conféra successivement tous les ordres.
Après son ordination de prêtrise, l'abbé De Gruchy resta deux ans encore près de son père spirituel, à Soullans, pour perfectionner son éducation sacerdotale ; puis, il fut employé dans le saint ministère, d'abord à Soullans même, puis à Challans, à Bois-de-Céné, à Beauvoir et surtout à Saint-Jean-de-Monts.
A l'époque de la Révolution, en 1792, l'abbé De Gruchy retourna dans l'île de Jersey, avec l'intention de convertir sa famille à la religion catholique.
Malgré les persécutions des ministres protestants, qui le chassèrent trois fois de l'île, il convertit sa sœur par des conférences secrètes, qu'ils avaient ensemble à la campagne, dans les vignes, ou sur des points écartés de la côte.
Il avait également entrepris la conversion de sa mère ; mais il lui fut impossible d'achever cette œuvre, si chère à son cœur de fils et de prêtre.
La persécution devint plus acharnée, et chassé une dernière fois de Jersey, il alla se réfugier à Londres, où il se lia d'une étroite et religieuse amitié avec le vicaire général de Luçon, Jean Brumauld de Beauregard.
« Nous quittâmes bientôt cette ville l'un et l'autre, nous dit ce dernier. J'habitai six mois à Southampton, sans entendre parler de l'abbé Gruchy ; et ce fut pourtant là qu'on le trouva, dans un hôpital, au milieu des soldats irlandais catholiques, avec lesquels il vivait, leur distribuant des consolations, partageant leurs tristes rations, et ne songeant pas à réclamer les aumônes que le gouvernement britannique accordait aux prêtres français. Monseigneur de Saint-Pol de Léon lui assura des secours, et me remit quelques guinées, que je lui fis passer, et qu'il aura sans doute partagées avec les indigents (1). »
Nous avons vu comment l'abbé De Gruchy fut donné pour compagnon à Monsieur de Beauregard, dans la mission que celui-ci avait à remplir auprès du général Charette.
Ils vécurent quelque temps ensemble, en Vendée, dans la plus étroite intimité.
« J'avais placé Monsieur Gruchy à Venansault, où il vivait comme un saint, nous dit le vicaire général. Tant que j'ai habité la Vendée, il venait me confesser tous les quinze jours. Il disait tout haut, en entrant dans l'église de Beaufou, tout ouverte et sans toiture : « Monsieur l'abbé, faisons-nous pénitence ? » Alors les personnes que je confessais se retiraient.
« Ce bon prêtre me demanda plusieurs fois de le laisser partir pour Jersey, pressé qu'il était par le zèle de convertir ses parents. Je lui refusai cette permission, et il continuait son ministère en Vendée. Mais après mon départ, il se crut libre et résolut de rentrer dans sa famille (1). »
Le 15 novembre 1797, l'abbé De Gruchy arrivait à…
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(1) Mémoires, p. 149. — (1) Mémoires, passim, pp. 146-153.
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(Testament du martyr.)(suite)
Le 15 novembre 1797, l'abbé De Gruchy arrivait à Nantes déguisé en ouvrier, avec l'intention de s'embarquer pour Jersey, où habitait sa vieille mère, protestante opiniâtre, qu'il voulait à tout prix amener à la foi de l'Église romaine.
Son passeport, qui le désignait comme Anglais et menuisier] allait être visé par la municipalité nantaise, lorsqu'un prêtre assermenté, entrant au bureau de l'officier municipal, se fait présenter le passeport. En y lisant: Mathieu Gruchy, menuisier :
— Tu mens, lui dit-il; tu es prêtre!
— Je suis l'un et l'autre, répond le curé de Venansault.
— Tu es prêtre, reprend le dénonciateur: tu es rentré en France après avoir été déjà banni : la loi te condamne à mort !
— Eh bien soit ! dit avec douceur l'inculpé.
Les municipaux, l'examinant alors de plus près, trouvèrent qu'en effet le voyageur avait l'air d'un prêtre, bien plus que d'un menuisier.
On lui fit la sommation de déclarer toute la vérité sur son compte.
— Je ne crains pas de confesser hautement que je suis prêtre catholique, répondit l'abbé De Gruchy. J'appris dans ma jeunesse l'état de menuisier ; c'est par cette profession que me désigne mon passeport. Me renfermant dans l'exercice de mon ministère depuis que je suis prêtre, je n'ai jamais porté d'armes, ni offensives ni défensives ; mais j'avoue que je me suis réfugié à Jersey en 1792.
Dès le soir même, on enferma le confesseur de la foi dans les prisons du Bouffay.
« Il édifia tous ses compagnons de captivité, dit Monseigneur de Beauregard. Il composait des cantiques pleins de résignation et de piété. Nous en avons sous les yeux le recueil manuscrit. Il est daté du Bouffay de Nantes, le 27 novembre 1797.
« Voici la dernière strophe du dernier de ces cantiques :« Seigneur exaucez ma prière ;
Elle est d'un cœur humble et soumis.
Pardonnez, charitable Père,
Pardonnez à mes ennemis.
De tout mon cœur je leur pardonne
Tous les maux qu'ils m'ont fait souffrir ;
Votre loi sainte me l'ordonne :
Je leur pardonne avec plaisir. »
Parmi ceux qui partageaient sa captivité, le prisonnier de Jésus-Christ fit la connaissance d'un noble cœur, auquel il put confier les plus intimes secrets de son âme.
— Vous avez eu tort, lui dit cet ami, de parler de votre émigration, qui est le grief capital contre vous. Il fallait vous borner à répondre que vous êtes prêtre, et que vous profitez de l'amnistie.
— J'y ai songé, répond l'abbé De Gruchy ; mais cette dissimulation m'a répugné. Elle pouvait d'ailleurs amener d'autres questions, auxquelles il ne m'eût pas été facile de répondre sans mensonge ; et Dieu sait que, pour sauver ma vie, je ne me permettrais pas le mensonge le plus léger. Je n'ai que trop offensé Dieu ; je devais éviter d'augmenter le nombre de mes fautes. Je fais de bon cœur le sacrifice de ma vie; Dieu veuille l'agréer comme expiation de mes péchés, et jeter un regard de compassion sur ma pauvre mère.
Le 26 novembre, une commission militaire se rendit au Bouffay, pour procéder à l'interrogatoire du prisonnier.
Ses réponses furent toujours les mêmes.
Après le départ des commissaires, l'abbé De Gruchy dîna tranquillement avec les autres détenus, gardant le calme et la sérénité d'une âme qui est tout entière à Dieu. Au sortir de table, il se retira avec son ami, dans une chambre qui leur était commune, et lui raconta ce qui s'était passé dans ce nouvel interrogatoire.
— Je vous avoue, lui répondit celui-ci, que votre franchise excessive m'épouvante. Sans blesser la vérité, vous pourriez vous exposer moins que vous ne faites par vos aveux imprudents.
— Je suis résigné, dit le prêtre vendéen, à tout ce que Dieu voudra m'envoyer. Je serai trop heureux de verser mon sang pour la vérité, quelque indigne que je sois de cette gloire. Je demande seulement au Ciel la grâce de souffrir avec patience et humilité. Je prie Dieu d'agréer mon sacrifice pour l'expiation de mes fautes, pour la conversion de ma famille, et surtout celle de ma pauvre mère. Je vous en conjure, mon ami, unissez vos supplications aux miennes. Veuillez me rendre un service : tâchez de me procurer un prêtre auquel je puisse me confesser avant de mourir. Le pourrez-vous? je ne sais. J'ai imploré cette faveur de la commission militaire qui vient de m'interroger; je lui ai déclaré que je voulais un prêtre catholique, et non un prêtre jureur. Le rapporteur m'a répondu qu'on aviserait à cela lors de mon jugement, si je réitérais ma demande. Je ne sais ce qu'ils feront : mais je préfère mourir sans me confesser, plutôt que d'appeler un prêtre assermenté, au grand scandale des fidèles. Je mets ma confiance en Dieu, et malgré mes péchés, je m'abandonne entièrement à son infinie miséricorde.
« Il nous entretenait souvent, écrit son ami, des grâces…
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28 novembre 1797.« Je fais à Dieu le sacrifice de ma vie. »
(Testament du martyr.)(suite)
« Il nous entretenait souvent, écrit son ami, des grâces qu'il avait reçues de Dieu, et revenait toujours à son ardent désir de la conversion de sa mère.
« Le lundi matin, 27 novembre, on vint le chercher, pour le mener à la commission militaire. J'allai moi-même le lui annoncer. Il me remercia, en m'engageant à prier pour lui. Il descendit aussitôt de notre chambre et se livra lui-même. Je le suivais du regard ; je me mis à la fenêtre pour le voir passer. Il conserva son air tranquille, marchant d'un pas modeste et assuré. »
Vers 2 heures de l'après-midi, on vint dire aux prisonniers du Bouffay que Monsieur De Gruchy était condamné à mort.
On ramena bientôt le condamné, et on le mit au cachot, dans la cour réservée aux criminels. Son ami put le visiter et baiser ses chaînes.
« Je le trouvai calme et ayant l'air d'un prédestiné, nous dit ce fidèle témoin. Il était à genoux, lorsqu'on ouvrit la porte du cachot. Voyant mon affliction, il s'empressa de me consoler, me tendit la main de l'air le plus gracieux et témoigna la plus parfaite résignation. II me dit tout bas qu'il avait eu le bonheur d'offrir le saint sacrifice le jeudi précédent. Comme le concierge et quelqu'un de ses gens étaient présents, il ne me dit rien de particulier, et après une demi-heure d'entretien sur les miséricordes divines, il me parut désirer se recueillir.
« Je le quittai en l'embrassant; nous nous serrâmes tendrement.
« Il me demanda de prier et de faire prier pour lui, me promettant qu'il prierait aussi pour moi. »
Afin de rassurer les personnes avec lesquelles il avait eu quelques rapports, le saint prêtre déclara qu'il n'avait fait aucune révélation, ni compromis qui que ce fût.
A 8 heures, Monsieur De Gruchy fit prévenir son ami qu'il désirait lui parler. Celui-ci s'empressa de se rendre au cachot, qu'il trouva fermé. II ne put s'entretenir avec le prisonnier qu'à travers la porte.
Le condamné parlait en martyr. Sa mère était toujours présente à son esprit et à son cœur. A cette préoccupation filiale s'ajoutait le chagrin de mourir sans être assisté par un prêtre catholique.
— Mon ami, disait il, faites en sorte qu'il s'en trouve un sur ma route, quand j'irai au supplice, et que je connaisse l'endroit où il se tiendra, afin que je me recueille en recevant l'absolution. C'est là le plus grand service que je puisse attendre de votre dévoûment. Ayez encore la bonté d'instruire de ma situation le plus grand nombre de prêtres possible, afin qu'ils disent demain la messe, pour m'obtenir le courage et la force de consommer dignement mon sacrifice.
Son ami lui fit la promesse de faire tous ses efforts, pour procurer au martyr de si précieuses faveurs.
Monsieur De Gruchy continuait à parler de ses derniers moments, de son regret d'avoir offensé Dieu, et de sa confiance dans la divine miséricorde, mais s'apercevant que son interlocuteur ne lui répondait plus que d'une voix entrecoupée par des sanglots, il s'interrompit.
— Je suis bien peiné, lui dit il, de vous avoir si longtemps retenu, vous devez être fatigué, il faut que vous alliez prendre du repos ; je vous fais mille excuses de vous avoir causé tant d'embarras. Nous nous reverrons demain, vers 8 ou 9 heures Bonsoir, mon ami, priez pour moi, je prierais pour vous.
Le compatissant ami se retira, navré de douleurs, mais pénétré, nous dit-il lui-même, d'une vénération profonde pour le confesseur de la foi.
Pendant cet entretien, il avait engagé Monsieur De Gruchy à écrire ses dernières volontés. Il avait un désir très vif d'avoir quelques-uns des objets qui appartenaient au vénérable condamné, comme son chapelet et une statuette de la sainte Vierge. Mais la crainte d'exciter dans cette âme, si belle et si délicate le plus léger sentiment d'amour-propre, l'avait empêché d'exprimer ce désir. En se retirant, il ose pourtant lui dire :
— Vous ferez sagement de me confier les petits objets de piété qui sont en votre possession, pour éviter qu'ils ne tombent dans des mains profanes.
Le condamné le comprit, et fit à son ami la promesse de tout lui remettre à leur entrevue du lendemain.
Pendant la nuit, le prisonnier…
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(Testament du martyr.)(suite)
Pendant la nuit, le prisonnier trouva moyen d'écrire quelques lignes sur un papier grossier, qui nous a été fidèlement conservé parmi les manuscrits de l'un de ses biographes, Monsieur Sergent, chanoine de la métropole de Tours.
Bien que le testateur fût en présence de la mort, son écriture est hardie ; l'orthographe et la ponctuation sont assez fidèlement observées.
Il partage entre sa mère, ses sœurs, les pauvres et quelques autres personnes l'argent qui lui restait.
Mademoiselle de la Corbinière et la veuve Bordelais, du village de Beauregard, dans la paroisse d'Ardelay, sont désignées comme ses exécuteurs testamentaires.
Après avoir demandé des prières et fixé à 3 livres l'honoraire des messes qu'on dira pour lui, il termine ainsi son testament :
« Je regrette de ne pouvoir m'expliquer plus au long sur bien d'autres articles ; le temps me manque.
« Je fais à Dieu le sacrifice de ma vie ; je remets mon âme entre ses mains, et je me recommande aux âmes charitables.
« A la prison du Bouffay, ce 27 novembre 1797.
« Mathieu Gruchy, prêtre catholique. »
Le lendemain, 28 novembre, jour fixé pour le supplice, l'ami du condamné eut avec lui un dernier entretien. Il lui donna l'heureuse nouvelle qu'un prêtre catholique se trouverait sur son passage, et lui donnerait une dernière absolution ; puis, il lui demanda comment s'était passée la nuit.
— Très bien, répondit Monsieur De Gruchy, d'un air joyeux. Oui, Monsieur, oui, mon ami, je suis content et heureux. Je ne changerais pas mon sort pour le sort le plus beau selon le monde. Je meurs innocent pour la religion ; je fais de bon cœur le sacrifice de ma vie. Dieu veuille accepter l'effusion de mon sang pour l'expiation de mes péchés et pour la conversion de ma pauvre mère.
« Puis il ajouta :
« Je pardonne de bon cœur à mes ennemis et à mes juges, que je crains d'avoir offensés par des réponses peut-être déplacées.
« Je crains aussi que mon avocat, Monsieur Guinche, n'ait trop dit pour ma défense ; qu'il n'ait mortifié mes juges, et qu'il ne soit exposé à quelque mauvais retour de leur part.
« Je demande pardon à ceux que j'aurais pu offenser ou scandaliser. »
« Il me remit alors sa bonne Vierge, son bréviaire et deux lettres, dit le confident du confesseur de la foi. Il me serra tendrement entre ses bras, et me fit ses adieux, d'un air doux et satisfait. Moi, les larmes aux yeux, je ne pouvais articuler un mot. Il m'invita encore à prier pour lui, et me promit de prier pour moi et pour ma famille. Il termina en disant qu'il allait bientôt, avec la grâce de Dieu, consommer son sacrifice. »
Il n'eut, en effet, que le temps de faire encore quelques prières…
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(Testament du martyr.)(suite)
Il n'eut, en effet, que le temps de faire encore quelques prières.
Le funèbre cortège arrivait à la porte de la prison. Le prisonnier se livra entre les mains des soldats, et traversa les cours du Bouffay, tête nue et pieds nus, tenant une petite croix dans ses mains jointes.
Avant de quitter son cachot, il avait obtenu de voir son dénonciateur et lui avait dit : « En me livrant aux tribunaux, et en me faisant condamner à mort, vous avez cru, peut être, me causer un grand mal, je tiens à vous dire que je vous regarde plutôt comme la cause de mon bonheur. Celui qui a bien voulu mourir pour nous sur la Croix m'apprend à vous pardonner, comme je fais ici de bon cœur, le priant d'avoir lui même pitié de vous et de moi. »
En se rendant au lieu de son supplice, le martyr chantait, à demi voix, cette strophe d'un cantique très populaire en Vendée:Allons, mon âme, allons
Au bonheur véritable,
Aimons Jésus, aimons
Le bien le plus aimable
L'amour !
Jésus est mon amour,
La nuit et le jour
Arrivé sur la place Viarmes: « Est-ce ici ? demanda-t- il »
Sur une réponse affirmative, il se mit à genoux au bord de sa fosse, pria quelques instants, baisa son crucifix et tendit les bras à la mort.
Les soldats préparent leurs armes, l'ajustent et font feu, mais cette première décharge ne l'atteint pas.
Le martyr, tombé à terre, se relève et leur dit : « Vous ne m'avez pas blessé. »
On lui ordonne de se remettre à genoux et il obéit.
Les soldats font feu de nouveau. Cette seconde décharge l'atteint, mais pas assez pour lui donner la mort.
Après ces deux cruels essais, des sauvages auraient épargné la victime; nos bourreaux révolutionnaires ne connaissaient pas ces mouvements de pitié.
Un des soldats s'approche du patient et lui met le bout de son fusil dans l'oreille Le coup part et emporte le crâne du prêtre vendéen, qui consommait ainsi son martyre à l'âge de 36 ans.
« Ainsi mourut ce saint prêtre, dit Monseigneur de Beauregard. II avait toujours vécu en pieux missionnaire.
« Monsieur Sergent, chanoine et secrétaire de l'archevêché de Paris a composé la vie de ce confesseur de la foi (1). »
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(1) La Vie de Mathieu De Gruchy, par l'abbé DU TRESSAY, Paris, Lecoffre 1868.— Les Mémoires de Monseigneur de BEAUREGARD , pp. 146,153. — GUILLON, Les Martyrs de la foi t. III, p. 244.
A SUIVRE : Martyre de PIERRE BRÉNUGAT, vicaire de Bazoges-en-Paillers.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.§ XXXVIII
Martyre de PIERRE BRÉNUGAT, vicaire de Bazoges- en-Paillers. (2),
1798
Bien que l'abbé PIERRE BRÉNUGAT, vicaire de Bazoges-en-Paillers, n'ait pas eu le bonheur de donner à Jésus-Christ le témoignage du sang versé, nous n'hésitons pas à le ranger parmi les plus glorieux martyrs de la foi, pendant la persécution révolutionnaire. De tous nos prêtres vendéens, il fut peut-être celui qui supporta, pour la cause de la religion catholique, les tortures les plus longues et les plus douloureuses.
Pierre Brénugat, né à Pornic en 1746, était vicaire de Bazoges, quand la persécution religieuse vint mettre à l'épreuve 1'inébranlable fermeté de sa foi et l'ardeur de son zèle.
Il avait repoussé avec indignation les serments de 1791 et de 1793.
Durant les années terribles de 1793 et de 1794, les fidèles de Bazoges et des environs éprouvèrent les bienfaits de son infatigable et périlleux apostolat.
Il se réfugia pendant quelque temps à la Gaubretière, avec une trentaine de prêtres fidèles ; mais il n'en continuait pas moins à circuler dans la contrée, partout où la présence du prêtre était utile ou nécessaire.
Surpris dans l'exercice de son ministère par une colonne du général Grigny, il fut condamné à la déportation par un arrêté du Directoire, daté du 8 frimaire, an VI de la République (18 décembre 1797), « pour avoir contribué à corrompre l'esprit public dans le canton de Saint-Fulgent, dont les habitants, très fanatiques, ne sont rien moins que disposés à se rallier sincèrement au gouvernement. »
Conduit dans les prisons de Rochefort, il fut embarqué pour la Guyane, le 10 mars 1798, d'abord sur la frégate la Charente, puis sur la Décade, qui le conduisit à destination.
Il fut hospitalisé à Cononama, à 20 lieues au nord de Sinnamari.
C'était un tombeau. Le Directoire comptait si bien sur les effets meurtriers du climat, qu'il n'avait assigné que pour trois mois de vivres à ses victimes (1).
On avait dressé à la hâte, dans ces marais fangeux, de misérables cabanes appelées carbets. Les déportés étaient logés, vingt par vingt, dans chacune de ces cases. Ils couchaient sur des paillasses ou dans des hamacs. Leur nourriture, qu'ils préparaient eux-mêmes, était si mauvaise, que les nègres pouvaient à peine en manger. Ils n'avaient pour toute boisson que l'eau dégoûtante de la rivière ou des mares voisines.
Brûlés par le soleil pendant le jour, ils passaient les nuits à se défendre des maringouins ou autres insectes, dont la piqûre mettait le feu dans le sang.
Un poste de soldats insolents et durs, presque tous nègres, était chargé de garder chaque groupe de proscrits.
« La seule vraie consolation des malheureux captifs, dit un des déportés, c'était d'invoquer le Ciel, d'offrir à Dieu leurs larmes et leurs souffrances, et d'attendre la mort qui, pour un grand nombre, ne se fit pas longtemps attendre. Les bons prêtres s'offraient à Dieu comme des victimes pour la France.
« Tous les déportés de Cononama tombèrent malades, et en moins de deux mois, les trois quarts d'entre eux succombèrent à une fièvre bilieuse et ardente, qui devint épidémique. »
La mort de Pierre Brénugat fut des plus touchantes, et mériterait d'être fixée sous les regards de la Vendée catholique par le pinceau d'un grand maître. Il mourut de faim, dans une forêt de Cononama. Il est mort à genoux, les mains jointes, et les lèvres collées sur son crucifix.
C'est dans cette attitude sublime que des nègres rencontrèrent le cadavre du prêtre martyr. Ils l'emportèrent dans son carbet ; mais comme le défunt ne laissait aucun avoir, les indigènes le promenèrent de case en case, pendant trois jours, quêtant l'argent nécessaire pour l'inhumer.
Les prêtres ses confrères durent creuser la fosse.
Une lettre d'un déporté de Cononama, datée du 9 septembre 1798, racontait ainsi la mort du vicaire de Bazoges :
« Un prêtre qui, depuis plusieurs jours, ne paraissait point aux appels, a été trouvé mort dans une forêt voisine. Il y avait succombé d'inanition. Ses mains étaient jointes et sur ses lèvres inanimées reposait un crucifix. Des nègres l'ont apporté dans cet état, et nous avons rendu les derniers devoirs à ce martyr. »
La mort de cette victime du Directoire est inscrite dans le registre de Cayenne, à la date du 22 fructidor, an VI (8 septembre 1798).
Cette tombe lointaine et désormais ignorée de Pierre Brénugat en est-elle moins glorieuse?
Ah ! comme nous aimons à lui envoyer, par delà les mers, les hommages réunis de la Bretagne et de la Vendée, qui s'honorent, l'une de la naissance, l'autre de la vie, l'une et l'autre de la mort de ce vaillant athlète de la foi (1).
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(2) GUILLON et plusieurs autres biographes écrivent BRUNÉGAT , son vrai nom est BRÉNUGAT.— (1) Mémoires de Monseigneur de Beauregard, p. 371.— (1) V. les Archives du diocèse de Luçon, 1resérie, p. 306.— La Terreur sous le Directoire, par VICTOR PIERRE. — GUILLON, Les Martyrs de la foi, T. II, p. 337.
A suivre: Mort glorieuse de l'abbé DEFRESNE, vicaire général de Luçon.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.§XXXIX
Mort glorieuse de l'abbé DEFRESNE,
vicaire général de Luçon,
1800.
L'abbé DEFRESNE, vicaire général de Luçon et doyen du chapitre, s'était retiré en Carinthie, pour éviter la déportation, décrétée en 1792 contre les prêtres insermentés.
Apprenant que les prêtres exilés qui, sur l'invitation de Monseigneur de la Fare, évêque de Nancy, s'étaient dévoués à soigner les 1.500 soldats français, prisonniers à Clagenfurt et atteints de la peste, avaient succombé à la contagion, il se porta lui-même au secours de ces malheureux.
Faisant le sacrifice de sa vie, l'abbé Defresne leur prodigua, nuit et jour, avec les grâces de son ministère, les soins du plus tendre dévoûment, et mourut, en 1800, victime de sa charité.
« Nous le plaçons, sans hésiter, dit Guillon, au nombre des martyrs (2). »
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(2) GUILLON, ibid., T. III, p. 130.
A suivre : Chapitre XII. Le culte catholique en Vendée pendant la Terreur.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.IL'ABOMINATION ET LA DÉSOLATION DANS LE LIEU SAINT
Lorsqu'on plein soleil de la civilisation antique, le peuple des Césars couvrait l'immense enceinte circulaire du Colisées, et que 80.000 spectateurs criaient à la fois de tous les points de l'amphithéâtre : Les chrétiens aux lions, l'Église romaine descendait dans les profondeurs des catacombes, et là, avec un doux et invincible courage, elle célébrait dans l'ombre le vrai culte du vrai Dieu. Elle continuait le cantique des anges, qui n'a jamais été interrompu depuis 19 siècles : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.
Ainsi faisait l'Église vendéenne, dans les jours les plus sombres de la Terreur, quand ces armées de bourreaux, qu'on a nommées les colonnes infernales, criaient à tous les échos du Bocage : « Détruisez la Vendée catholique et vous sauverez la patrie. »
En Vendée, comme à Rome, c'était l'ère des martyrs.
Les prêtres et les Vendéens fidèles se cachaient dans les souterrains ou dans les bois, et continuaient les cérémonies du culte chrétien.
Selon la parole du prophète, l'abomination et la désolation régnaient dans le lieu saint. Les églises étaient en ruine ; l'incendie en avait noirci les murs, et les avait en quelque sorte revêtu d'une tenture funèbre.
Les statues mutilées jonchaient le pavé de leurs débris. Le tabernacle était le plus souvent renversé; la lampe du sanctuaire presque partout éteinte; et sur les dalles profanées on voyait les restes infâmes d'orgies sacrilèges.
Dans le petit nombre de sanctuaires qui avaient été préservés, le crucifix était couvert d'un voile, comme le jour du vendredi saint, il semblait que le Christ portât le deuil de son Église persécutée, de ses ministres dispersés, exilés ou massacrés.
Les clochers étaient muets; les persécuteurs en avaient enlevé les cloches, et les avaient fondues pour battre monnaie.
Presque tous nos temples sacrés avaient été transformés en corps de garde, en magasin de fourrage, ou en écuries, où logeaient les chevaux des incendiaires et des bourreaux de la Vendée.
Selon le langage du prophète des Lamentations, les chemins de Sion pleuraient, parce que les foules pieuses ne pouvaient plus venir aux saintes solennités.
Cependant, le dimanche, aux heures des offices, les fidèles se rassemblaient encore pour réciter le rosaire, pour apprendre le catéchisme aux enfants, et entendre une pieuse lecture. Quand un prêtre catholique, caché dans le pays, pouvait leur faire savoir le lieu et l'heure où il disait la messe, tous s'y portaient avec un admirable empressement.
C'était ordinairement dans les ténèbres de la nuit que ces prêtres héroïques célébraient le saint sacrifice, entendaient les confessions et administraient les sacrements.
Souvent aussi les saintes cérémonies s'accomplissaient en pleine campagne, dans les bois, dans les champs de genêts, ou dans un vallon solitaire. Des sentinelles armées, des jeunes gens, des enfants se tenaient sur les hauteurs, ou perchés sur les grands arbres de la forêt, pour surveiller de plus loin la marche des ennemis.
A suivre : II. LES CÉRÉMONIES DU CULTE EN PLEINE CAMPAGNE.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.II
LES CÉRÉMONIES DU CULTE EN PLEINE CAMPAGNE
Vers la fin de l'année 1793, deux missionnaires de Saint-Laurent, les Pères Supiot et Durand, rassemblèrent un jour jusqu'à 2.000 personnes, dans un champ de la paroisse de la Gaubretière. Aidés de six autres prêtres, ils firent faire la première communion aux enfants, et administrèrent les sacrements de pénitence et d'eucharistie à 800 des assistants. Les hommes, tenant leur chapelet d'une main et leur fusil de l'autre, montaient la garde, dans la crainte d'une surprise.
L'année suivante, à Pâques, dans la même paroisse, l'enclos du château de la Châtaigneraie réunissait 3.000 fidèles au pied d'un humble autel improvisé. Pendant l'office divin, 1.200 hommes armés protégeaient la pieuse assemblée.
L'auteur de l'Histoire d'une paroisse vendéenne pendant la Terreur nous donne l'émouvant et gracieux tableau d'une première communion présidée par Monsieur l'abbé Soyer, depuis évêque de Luçon, dans un pré de la métairie de Fruchaux, sur la paroisse de Chanzeaux, un des points les plus éprouvés de la Vendée militaire.
Tout l'hiver on avait vu l'abbé Soyer parcourir les bois, les champs de genêts, les fermes isolées, et braver toutes les fureurs de la persécution. Il quittait, la nuit, son obscure cachette, pour aller administrer les malades à leur lit de mort, ou pour instruire les enfants qu'il réunissait dans une masure incendiée. Quelquefois, dans la clairière d'un bois, au bord de la rivière ou dans un vallon écarté, il célébrait la messe au milieu des pauvres veuves, des vieillards et d'intrépides jeunes hommes, appuyés sur leurs armes.
Il décida que la première communion des enfants qu'il avait préparés aurait lieu après la clôture des Pâques.
Une fraîche prairie, située à l'écart de tout chemin, dans une gorge profonde, au pied des hauteurs de Mauvezin, fut l'emplacement choisi pour les préparatifs et la célébration de la fête. De vastes champs de genêts et d'épais buissons d'aubépine formaient tout autour comme un immense rideau de feuillage et de fleurs.
Sous le dôme verdoyant de deux vieux chênes, pavoisés de drapeaux, on dresse un modeste autel, orné de guirlandes, de mousse, de lierre, de roses, de bluets et de fleurs d'églantier.
C'était une de ces belles nuits étoilées de printemps, à l'air tiède et embaumé.
Avant même l'aube du jour, une foule nombreuse de fidèles couvrait les coteaux voisins, et se dirigeait, en longues files, vers le vallon solitaire.
A travers les genêts dorés, on voyait se glisser les mantes noires des femmes, les robes blanches des jeunes filles, et les larges chapeaux, ornés de plumes, des soldats vendéens.
Peu à peu la prairie se remplit de femmes, de vieillards et d'enfants. Une double ligne de sentinelles avancées occupe les issues du vallon et couronne toutes les hauteurs.
Bientôt, dans cette grande multitude, il se fait un profond silence. L'abbé Soyer vient de revêtir les ornements sacrés, qu'une fraude pieuse avait dérobés à l'incendie et au pillage de l'église. Il va commencer la célébration des saints mystères.
Autour de l'autel, sont rangés, en demi-cercle et deux à deux, quatre à cinq cents enfants, en habits de fête, et qui concentrent sur eux tous les regards.
La messe commence et se poursuit, dans un recueillement qui saisit et qui émeut profondément tous les cœurs.
L'historien nous dit que, lorsque le prêtre eut donné à tous ces enfants le Dieu qu'ils attendaient depuis longtemps, leur reconnaissance éclata d'abord en soupirs et en sanglots, puis en cantiques d'action de grâces.
La crainte de donner l'éveil aux républicains avait jusque là comprimé les voix et l'élan des âmes. Mais à la fin de la cérémonie, les conseils de la prudence furent oubliés, et ces milliers de Vendéens firent retentir les collines du chant du Te Deum. Une exaltation inexprimable avait succédé au silence du recueillement et de la prière.
« Aujourd'hui même, ajoute Monsieur de Quatrebarbes, le souvenir de cette fête n'est point effacé, tant étaient profondes les traces qu'elle avait laissées dans les cœurs. »
A suivre : III. LES PRÊTRES PROSCRITS ET CACHÉS AU MILIEU DES POPULATIONS VENDÉENNES.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
A suivre : II. — Le refuge de l'abbé Ténèbre dans le village de la Tullévrière..III
LES PRÊTRES PROSCRITS ET CACHÉS AU MILIEU DES POPULATIONS VENDÉENNES
C'est ainsi que sur presque tous les points de la Vendée, au milieu de toutes les terreurs de la persécution, la religion avait ses ministres cachés, pour soutenir les fidèles dans la foi, et leur continuer les secours du sacrifice de la messe et des sacrements de l'Église.
Parmi les prêtres proscrits, qui jouaient leur tête à cet héroïque et clandestin ministère, nous devons signaler à nos lecteurs l'abbé Desplobain, curé de Puymaufrais, l'abbé Ténèbre, curé de Croix-de-Vie, et l'abbé Benéteau, curé de Saint-Martin-Lars-en-Tiffauges.I. — L'abbé Desplobain pendant la Terreur.
Outre la paroisse dont il était titulaire. Monsieur Desplobain desservait aussi les paroisses limitrophes de la Réorthe et de Saint-Vincent-du-Fort-sur-Lay.
Il résidait souvent à Angle, ancien prieuré, dépendant de l'abbaye de Nieul-sur-1'Autise, et situé dans la paroisse de Chantonnay.
Il y trouvait une chapelle qui existe encore, et dans l'épaisseur d'un mur, une cachette et un souterrain, que les habitants du lieu aiment à montrer avec respect aux étrangers.
A la Roche-Louherie, il vécut longtemps dans une cave, et un grenier lui servait d'église.
Pendant toute la Terreur, il confessa les fidèles, baptisa les enfants, célébra les mariages et bénit les sépultures.
« Le curé Desplobain avait une grande instruction et une foi à transporter les montagnes, dit l'auteur des Souvenirs vendéens, Amédée de Béjarry.
« Sa charité lui laissait à peine le strict nécessaire.
« Parfois, en lisant la vie des grands ascètes du christianisme, de saint Jérôme surtout, je me suis surpris revêtant ces grands champions de la foi des formes de mon vieux curé, et même de sa soutane, si je puis appeler de ce nom son singulier vêtement filé, teint et fabriqué par sa fidèle servante, la vieille Marguerite. »
« J'ai connu, dit l'abbé du Tressay, beaucoup de vieillards instruits par ce saint prêtre, au milieu du bruit des armes, et j'ai pu constater son zèle et la sûreté de sa méthode, dans l'enseignement de la doctrine chrétienne.
« C'est lui qui a fondé la rente de 300 francs, qu'on distribue chaque année aux pauvres de Chantonnay (1). »
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(1) Histoire des moines et des évêques de Luçon, T. III, p. 402.
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Louis- Admin
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.II. — Le refuge de l'abbé Ténèbre dans le village de la Tullévrière.
Le curé de Croix-de-Vie, l'abbé Ténèbre, vers le mois de septembre 1792, s'était réfugié à la Tullévrière, sur la paroisse de Saint-Etienne-du-Bois.
Dans son intéressante monographie de Notre-Dame-des-Martyrs du Bas-Poitou, l'abbé Hippolyte Boutin nous a donné d'abondants et pittoresques détails sur le séjour de l'abbé Ténèbre dans cette sorte de Thébaïde, qui est le hameau de la Tullévrière.
C'est un village perdu au fond des bois, dans la gracieuse vallée de la Petite-Boulogne, à 5 kilomètres environ au nord du bourg de Saint-Etienne. Autour du hameau, se déployait une large zone de champs de genêts, d'épais fourrés, de haies impénétrables, et au-dessus, les grands chênes étendaient leur voûte immense de verdure.
C'est grâce à cette situation privilégiée que cet heureux coin de la terre vendéenne fut longtemps protégé contre les incursions des bandes révolutionnaires.
« Les habitants de la Tullévrière, dit l'auteur que nous venons de citer, se confinèrent dans leur solitude, semblables aux petits oiseaux qui se blotissent sous la ramée, et suspendent leur chant, dès qu'ils entendent au loin les sourds grondements de l'orage.
« Ils n'en sortaient que le moins possible, et se résignaient à manquer de bien des choses nécessaires. C'est ainsi que, pendant plusieurs années, les femmes durent se servir d'épingles de bois, qu'elles fabriquaient elles-mêmes, pour attacher leurs vêtements et leur coiffure.
« Parmi les demeures chrétiennes de ce hameau, se distinguait la vertueuse et patriarcale famille de Joseph-Noël Braud et de Anne Prineau son épouse.
« Leur maison, proprette mais sans luxe, assez vaste et bien éclairée par deux grandes fenêtres, à la façade munie de quelques boulins pour l'élevage des pigeons, indiquait, à première vue, une certaine aisance. »
En 1792, deux petites filles égayaient le pieux foyer.
L'aînée, Jeanne, avait environ neuf ans, et la plus jeune, Anne-Marie, en avait cinq.
C'est dans cet intérieur calme et béni, qu'un prêtre proscrit venait demander un asile, vers la fin de l'année 1792.
C'était l'abbé Alexandre Ténèbre (1). Le pieux fugitif reconnut bien vite dans quel milieu chrétien la Providence l'avait conduit. Entouré de respect et des attentions les plus délicates, il finit par se regarder comme un des membres de la famille qui l'avait adopté.
Les deux jeunes enfants de la maison furent spécialement l'objet de son zèle et de sa sollicitude. Il leur enseigna le catéchisme, et prêta son sage concours aux efforts de la mère, pour former ces jeunes cœurs à la crainte de Dieu et à la pratique des vertus chrétiennes.
Silette (c'était le petit nom de Françoise), la vieille et fidèle servante qui avait suivi l'abbé Ténèbre, trouvait le même cordial accueil sous ce toit hospitalier.
Par le seul fait de la présence du prêtre, la maison de Joseph Braud s'était transformée en véritable sanctuaire. Le prêtre proscrit y célébrait les saints mystères, environné de ses hôtes, heureux et fiers d'un tel honneur et d'un pareil bienfait. Une commode religieusement conservée dans la famille Braud, lui servait d'autel. La robe de soie verte d'une châtelaine du voisinage avait fourni l'étoffe d'une chasuble, d'une étole et d'un manipule. Cet ornement se voit encore aujourd'hui dans le trésor de l'église de Saint-Etienne.
L'un des frères Braud remplissait l'office d'enfant de chœur.
Autour du célébrant venaient se ranger les personnes du hameau. Les enfants étaient les plus près de l'autel improvisé, et parmi eux, on remarquait la petite Anne-Marie, agenouillée, les mains jointes, et regardant de ses grands yeux candides la cérémonie sainte, qu'elle semblait admirer et goûter sans la comprendre.
Point de chant, point de clochette pour annoncer le moment solennel de l'élévation.
Parfois le prêtre prenait la hardiesse de dire la messe en plein air, au pied de la croix de bois du village, ou dans le fournil de la maison.
Cependant, les habitants de la Tullévrière n'étaient pas sans inquiétude…
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(1) L'abbé Ténèbre était originaire de Tours. Son père s'appelait Louis Ténèbre, et sa mère, Marguerite Leblanc.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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Cependant, les habitants de la Tullévrière n'étaient pas sans inquiétude, surtout après la prise d'armes du mois de mars 1793, et les premiers combats livrés dans les environs, au sud de Legé le 11 mars, au Gué-aux-Chaux le 12, et le 14 à Palluau.
Ils tremblaient pour le vénérable curé, dont la présence leur était une si précieuse consolation. Ils lui ménagèrent, dans l'intérieur d'un petit carré de maisons, une cachette dont la porte était habilement dissimulée. Il est probable que l'abbé Ténèbre passait ordinairement ses nuits dans cette cellule, qui avait l'aspect d'un tombeau.
La tradition locale dit que plusieurs alertes firent prendre les armes à tous les hommes valides du hameau. Plusieurs fois on avait signalé l'apparition des Bleus dans le voisinage. Mais la chasse vigoureuse que leur donnèrent les paysans, à coups de fourches et de fusils, les força à vider le pays, et quelques-uns des agresseurs restèrent sur le terrain.
On dit qu'une pauvresse du village profita d'une de ces razzias pour remonter sa garde-robe. Elle enleva la ceinture d'un Bleu qui avait été tué dans un champ voisin. La ceinture était très longue et très large, d'une étoffe barriolée de plusieurs couleurs. La vieille Vendéenne s'en fit deux ou trois tabliers, qu'elle mettait dans ses grands jours, et qu'elle porta, non sans une certaine fierté, jusqu'à la mort.
Par un privilège naturellement inexplicable, le village de la Tullévrière fut préservé, et les colonnes infernales, qui incendiaient tous les hameaux voisins, n'y pénétrèrent jamais. Pendant que la persécution couvrait le sol vendéen de sang et de ruines, pendant que les vieux temples, s'écroulant sous les coups des démolisseurs, jonchaient la terre de leurs débris, les hardis chrétiens de la Tullévrière bâtissaient une chapelle, celle de Notre-Dame des Martyrs du Bas-Poitou, dont l'abbé Ténèbre fit la bénédiction solennelle, le 29 décembre 1794, en présence de tout le village assemblé.
C'est là désormais que le curé de Croix-de-Vie va continuer la célébration du culte divin. C'est là qu'il a dû réciter souvent la touchante prière, dont l'original est conservé dans les papiers de la famille Prineau :« Très sainte et très adorable Trinité, Dieu seul en trois personnes, nous vous demandons très humblement que le divin Cœur de Jésus soit glorifié dans tous les cœurs et par tout l'univers. Par ce même Cœur, nous vous prions de nous rendre imitateurs de ses vertus, et de nous donner à tous une vraie contrition de nos péchés, afin que nous puissions, comme les Ninivites, obtenir que notre malheureuse patrie ne soit pas détruite, mais que plutôt, par la persécution, elle retrouve grâce auprès de vous, très adorable Trinité, au bout de cette quarantaine, et que vous soyez à jamais glorifié avec le divin Cœur de Jésus et celui de sa sainte mère. Ainsi soit-il.
« Seigneur, donnez-nous la paix, cette douce paix, qui ne peut venir que de vous seul.
« Ô Marie, étoile de la mer, qui calmez les tempêtes, calmez celle qui nous alarme depuis si longtemps.
« Saints martyrs de la France, qui avez répandu votre sang si glorieusement, depuis cette terrible Révolution, intercédez pour nous. »
Cette prière, qui se murmurait à voix basse, dans le sanctuaire si paisible et si préservé de Notre-Dame des Martyrs du Bas-Poitou, dans les frais vallons de la Petite-Boulogne, c'était la prière qui jaillissait du cœur de la Vendée catholique ensanglantée par les colonnes infernales de Turreau (1) !
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(1) Dans les premiers jours d'avril 1795, l'abbé Ténèbre se retira au village de Carvarine, dans les marais de Saint-Jean-de-Monts. Nous le retrouvons ensuite parmi les déportés de Rochefort et de la Guyane.
A suivre : III. — L'héroïsme de l'abbé Benéteau pendant la Terreur.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.III. — L'héroïsme de l'abbé Benéteau pendant la Terreur.
Une très intéressante figure de prêtre vendéen pendant la Terreur, est celle de l'abbé Benéteau, curé de Saint-Martin-Lars-en-Tiffauges.
Il avait refusé le serment, et resta caché dans sa paroisse et dans les environs.
Au mois d'avril 1794, nous le trouvons réfugié au village de la Fauconnière, dans la paroisse de la Gaubretière, avec une trentaine d'autres prêtres. Il passait presque toutes ses journées dans les bois de la Châtaigneraie, très étendus et très fourrés à cette époque.
Il ne sortait de sa cachette que la nuit, et s'en allait, de village en village, célébrant la messe tantôt dans un endroit tantôt dans l'autre, baptisant les nouveau-nés, bénissant les mariages, ensevelissant les morts tombés sous les coups des révolutionnaires.
Vers le mois d'avril 1794, les Bleus avaient tout mis à feu et à sang sur le territoire de Saint-Martin-Lars-en-Tiffauges, et firent, dans une seule journée, plus de 50 victimes.
En apprenant ce massacre, l'abbé Benéteau quitte la Gaubretière et se rend dans sa paroisse, pour donner la sépulture à tant de cadavres.
Il lui fallut plusieurs nuits pour accomplir ce pieux devoir. Le zélé pasteur voulut visiter tous les villages, avant de reprendre le chemin de la Gaubretière. Les habitants avaient pris la fuite ; partout l'abbé Benéteau trouva porte close, excepté dans une ferme isolée, à l'extrémité de la paroisse. Il entre et voit dans la chaumière une pauvre vieille femme paralytique, gisant sur son lit, ayant près d'elle deux petits enfants qui pleuraient. C'était tout ce qui restait de la famille, la grand'mère, et deux pauvres petits de cinq à six ans.
Le père et la mère, avec trois de leurs enfants plus âgés, avaient été surpris dans l'aire du village et massacrés par les patriotes. Heureusement, les misérables assassins avaient négligé d'entrer dans la maison.
Le charitable curé ne pouvait se résoudre à laisser à la merci des égorgeurs ces trois êtres sans défense, mais que faire ? A l'aide d'une courroie qu'il trouve dans un coin, le compatissant et intrépide samaritain attache la paralytique sur ses épaules, et suivi des deux petits orphelins, il reprend, pendant la nuit, le chemin de la Fauconnière.
La route étant longue et difficile, le fardeau était lourd, et le pauvre prêtre buttait presque à chaque pas. La nuit allait finir, et il fallait à tout prix arriver avant le jour, pour ne pas s'exposer à tomber entre les mains de quelque patrouille républicaine.
Et de ravin en ravin, de coteau en coteau, l'héroïque pasteur marchait toujours, montant, descendant, remontant et redescendant encore, priant Dieu de lui donner assez de force pour conduire en lieu sûr ces trois brebis de son troupeau décimé.
« Quel tableau que ce prêtre, s'avançant ainsi par une nuit noire, à travers les sentiers du Bocage, courbé sous le poids d'un tel fardeau, et traînant à la main deux petits enfants ! En arrivant au village de la Fauconnière, le bon curé, épuisé de forces, faillit tomber évanoui sur le seuil de sa cachette (1) »
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(1) V. Histoires de la Grande Guerre, par H Bourgeois, pp 115-120. L'abbé Benéteau eut le malheur d'être un des fauteurs du schisme de la Petite Eglise, à Saint-Martin-Lars-en-Tiffauges. Nous croyons volontiers, avec l'auteur du récit qu'on vient de lire, qu'au tribunal de Dieu, le témoignage de la vieille paralytique a dû peser d'un grand poids dans l’un des plateaux de la balance divine, celui de la miséricorde.
A suivre: IV. LE REFUGE DE LA FORÊT DE GRASLA.
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
.IV
LE REFUGE DE LA FORÊT DE GRASLA
Au centre du Bocage vendéen se trouvait un autre refuge du culte catholique proscrit et persécuté : c'était 1'antique et vaste forêt de Grasla.
Une lettre de Messire de Puytesson, datée du 11 mai 1619 et adressée à Messire du Blessy-Bellay (1), témoigne qu'on y chassait alors le cerf, le chevreuil et le faisan.
Mais c'est surtout depuis l'époque de la Terreur que la foret de Grasla est, pour ainsi dire, entrée dans la célébrité de l'histoire.
Il ne reste plus aujourd'hui que quelques massifs de ces grands bois, qui élevaient jadis sur la contrée leurs voûtes immenses et leurs pavillons d'ombre et de verdure.
Au centre de la forêt se dresse une énorme pierre druidique, sorte de dolmen renversé, connu dans le pays sous le nom de drouine, et qui rappelle les temps du culte druidique (2).
Les quartiers célèbres de la foret étaient : le Demi-Jour, les Ruines-du-Refuge et le Chêne-Chevreux.
Le Demi-Jour était une des plus belles futaies de France. Les rayons du soleil pénétraient à peine à travers ces dômes puissants de feuillage ; et le chasseur qui traversait le bois, en plein midi des grands jours d'été, ne trouvait, au Demi-Jour, que les teintes adoucies d'une aurore perpétuelle.
Le Refuge, où l'on montre encore les débris d'une ville rustique, construite en 1793, se trouve sur la commune de la Copechagnière, dans l'endroit le plus épais et le plus écarté de Grasla.
C'est le Refuge, aussi nommé les Loges, qui servit d'asile, pendant la Révolution, à de nombreuses familles du Bocage.
Des branches, appuyées sur les troncs des arbres, et supportées par de forts pieux, constituaient la charpente de chaque habitation.
D'autres branches entrelacées et tapissées de mottes de gazon, en formaient les murs. Telles devaient être, au temps des druides, les habitations primitives des Gaulois.
Toutes ces cabanes du Refuge étaient alignés sur plusieurs rangs, et les intervalles des rangées offraient l'aspect de longues rues, sur lesquelles s'étendait une sorte de tapis velouté, composé d'herbes courtes, menues et sériées comme les mailles d'un tissu.
Au-dessus de cette ville pittoresque, les grands chênes étendaient leur gigantesque ramure, et protégeaient les habitants contre les ardeurs de l'été et les tempêtes de l'hiver.
Chaque réfugié avait transporté là son ménage et ses provisions.
La paroisse religieuse y était installée avec ses prêtres fidèles, sa modeste église en planches, et toutes les cérémonies sacrées, le tout couvert et protégé par la profonde et solennelle obscurité de la forêt.
Grasla était alors comme les catacombes de la Vendée chrétienne.
Tandis que, dans tout le reste du Bocage, rougi du sang des martyrs, les églises étaient muettes et solitaires, les fidèles réfugiés dans cette solitude profonde continuaient tous les actes, les rites et les solennités du culte catholique, en attendant des jours meilleurs.
Depuis cette sombre époque, la forêt de Grasla réveille toujours dans l'esprit des habitants du Bocage de mélancoliques souvenirs, qui se sont mêlés souvent à de poétiques ou terribles légendes.
Il en est des peuples, comme des individus, ils aiment à retourner sans cesse, par la pensée, au temps de leurs malheurs, et se font un bonheur présent de leurs douleurs passées.
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(1) Chartrier de Thouars. Choix de lettres missives du XVIIe siècle.
(2) Le mot drouine appartient au patois vendéen, et signifie sorcière.
A suivre: V. LA FÊTE DE L'ÊTRE SUPRÊME EN VENDÉE.
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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LA FÊTE DE L'ÊTRE SUPRÊME EN VENDÉE
Pendant que la religion catholique, persécutée et bannie, était réduite à cacher son culte, ses sacrements et ses prières dans les ténèbres de la nuit, dans les retraites les plus obscures et dans l'ombre des forêts, l'impiété révolutionnaire étalait ses extravagances ; et après le culte honteux de la déesse Raison, elle s'avisa d'inaugurer au grand jour une religion nouvellement inventée, et sortie du cerveau de Robespierre.
On sait que, le 8 juin 1794, en présence de la Convention, Robespierre faisait célébrer, dans le jardin des Tuileries, la fête de l'Être Suprême, dont l'existence venait d'être votée, par assis et par levé, dans l'assemblée parlementaire.
Cette cérémonie grotesque se renouvela dans toutes les communes de France.
Prieur de la Marne, un des représentants en mission, n'était pas d'humeur à priver la Vendée d'une semblable fête, ni de ses accessoires les plus ridicules.
Voici le programme qu'il en avait lui-même tracé :
« La montagne, qui formera comme le centre de cette pompe religieuse, sera rafraîchie et réparée. Au sommet s'élèvera un étendard, sur lequel sera inscrit le distique suivant :Celui qui met un frein à la fureur des flots
Sait aussi des tyransarrêter les complots.
« Les vieillards, chargés de cassolettes, les déposeront sur des piédestaux, aux deux coins de la montagne. Le représentant du peuple, ayant à ses cotés la Liberté et l'Égalité, se placera au sommet de la montagne; il prononcera un discours analogue à la circonstance. Ensuite, les deux vieillards chargés de cassolettes poseront chacun une main sur l'épaule d'un des enfants porteurs de l'encens, dont la fumée s'élèvera dans les nues.
« Aussitôt, les accords d'une musique harmonieuse se feront entendre. Un chœur de pères, avec leurs fils, se groupera sur la partie de la montagne qui lui sera désignée. Un chœur de mères, avec leurs filles, se rangera de l'autre côté.
« Les hommes chanteront une première strophe ; les femmes chanteront une seconde strophe. Une troisième strophe sera chantée par deux chœurs réunis qui, les yeux fixés sur la voûte céleste, adresseront à l'Éternel les hommages d'un peuple libre et le remercîment de ses bienfaits.
« Enfin, la foule entière des citoyens, hommes, femmes, vieillards, enfants chanteront ensemble le couplet de l'hymne à la Liberté, commençant par ces mots : Amour sacré de la patrie.
« Afin qu'on sache bien, dit Crétineau-Joly, jusqu'à quel point l'esprit révolté de l'homme peut pousser le délire de la bêtise, nous citons textuellement le compte-rendu d'une de ces mascarades, que Prieur faisait exécuter dans la Vendée.
« Au discours succèdent des chants simples et joyeux. Bientôt on se prépare pour la marche. Le peuple est sur deux colonnes.
« En tête, un détachement de jeunes enfants, armés seulement de sabres, forme la garde des drapeaux, qui sont précédés des tambours et de la petite musique. Ces précieux rejetons, espoir de la patrie, fiers du dépôt qui leur est confié, font éclater déjà sur leurs fronts jeunes encore les premières étincelles de cette ardeur martiale qui conduisit Barra à l'immortalité.
« Ils sont suivis d'une charrue traînée par deux taureaux, du milieu de laquelle s'élève un jeune arbre de la Liberté, entouré de tous les outils et instruments aratoires. Un citoyen d'une campagne voisine tient le soc de la charrue. Magistrat du peuple dans sa commune, il porte en même temps l'écharpe municipale et l'honorable costume des nourriciers de l'homme. Jadis cette classe utile et respectable vécut dans la misère et dans le mépris ; aujourd'hui elle forme les tableaux les plus touchants dans nos fêtes nationales, et le Génie des pères de la patrie cherche sans cesse à répandre l'aisance sous l'humble toits des laboureurs.
« La charrue est entourée des quatre Saisons, représentées par quatre paysannes. Chacune d'elles tient d'une main un ruban, attaché à un angle de la charrue, et de l'autre un panier.
« Puis, vient un vieillard de 96 ans, courbé sous le poids de l'âge. Ce vieillard retrouve une chaleur et des forces nouvelles dans les émotions variées et délicieuses qu'un spectacle aussi moral et aussi nouveau lui fait tour à tour éprouver.
« Un char de forme antique, traîné par deux taureaux ornés de guirlandes, de feuilles et de fleurs, portait la Liberté et Égalité, avec leurs attributs.
« Sur des gradins établis dans le même char étaient assis de jeunes enfants de dix ans, vêtus de blanc, ceints de rubans aux trois couleurs, et portant dans leurs mains un panier de fleurs nouvelles, symbole naïf et vrai de l'innocence de leur âge.
« Enfin, arrive un groupe de…
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Re: Le Martyre de la Vendée.
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LA FÊTE DE L'ÊTRE SUPRÊME EN VENDÉE(suite)
« Enfin, arrive un groupe de musiciens et de chanteurs; puis, le représentant du peuple, l'agent national du district et de la commune.
« Aux deux côtés sont portés les bustes de Marat, de Chaslier, de Brutus et de Lepelletier, ces illustres martyrs de la liberté universelle.
« Plus de 130 enfants de 10 à 14 ans, vêtus de blanc, et portant aussi des paniers de fleurs, forment une colonne double qui environne le représentant. D'autres, portant des guirlandes de feuilles et de fleurs, forment également une chaîne autour du cortège.
« Les autorités constituées, placées sur deux lignes s'étendent de la tête de la marche jusqu'au représentant; elles sont elles-mêmes enveloppées par la masse du peuple, et composées, savoir :
Du comité de surveillance révolutionnaire ;
Des commissaires des sections par députations ;
Des tribunaux de commerce et de conciliation ;
Des juges de paix et assesseurs;
Du tribunal du district;
Du conseil général de la commune;
De l'administration du district ;
Du tribunal révolutionnaire, avec son vengeur. (Le vengeur, c'était le bourreau).
« Dans le cours de cette marche qui, par sa durée, a prolongé les jouissances de l'homme sensible, des chants patriotiques, des hymnes à l'Éternel, accompagnés d'une musique mélodieuse, ont porté dans les airs les généreux élans des âmes républicaines.
« A peine a-t-on fini, au même instant tout se meut, tout s'agite sur la montagne; les mères soulèvent dans leurs bras les plus jeunes de leurs enfants, et les présentent en hommage à l'Auteur de la nature ; les enfants jettent vers le ciel les fleurs qu'ils ont apportées; les épées s'agitent dans les airs.
« Aussitôt une décharge d'artillerie, interprète de la vengeance nationale, se fait entendre : un cri général de Vive la République s'adresse à la Divinité.
« Oppresseurs du genre humain, despotes subalternes, et vous, âmes froides et avilies, qu'une affreuse insensibilité rend étrangères aux émotions de la nature, le tableau que nous avons esquissé ne peut avoir de prix qu'aux yeux de l'homme juste. Gardez-vous d'y jeter des regards curieux ; c'est à la vertu simple et modeste, c'est à des cœurs ardents et généreux, c'est en un mot seulement à nos frères que nous transmettons ce récit. »
On voit que la forme vaut le fond, dans l'exposé de cette bergerie sentimentale et grotesque. Ces saturnales de foi constitutionnelle étaient un nouvel outrage officiellement infligé à cette vieille foi catholique, qui avait armé la Vendée militaire.
Dans plus d'une paroisse, la fête de l'Être Suprême fut troublée par des coups de fusil. La Vendée, qui avait pris les armes pour défendre et pour garder ses prêtres, ne connaissait qu'une seule religion véritable, celle du Dieu du Calvaire et de l'Église catholique, apostolique et romaine.
Elle ne voulait qu'un seul culte : celui qui a son principe, son centre, son principal et adorable objet dans le Dieu de l'eucharistie.
Le touchant épisode, par lequel nous terminons ce chapitre, va nous en fournir un nouveau et merveilleux témoignage.
A suivre : VI. L'HOSTIE MIRACULEUSE DE SAINT-PAUL-MONT-PENIT.
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