Saint Pierre Claver.
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III. On lui donne la charge de maître des frères novices ;
soins qu'il prend pour les former à la plus haute perfection.
Le Père recteur voyant qu'en cet emploi il se chargeait de tous les autres, le fit maître des novices coadjuteurs.
Une infinité de gens de toute condition abordent à Carthagène pour y faire une grande fortune en peu de temps, persuadés qu'on y roule sur l'or et sur l'argent. Mais voyant enfin leurs espérances déçues, car la plupart s'en retournent plus pauvres qu'ils n'étaient venus, il s'en trouve plusieurs parmi eux qui, totalement détrompés du monde, prennent le parti de chercher dans la vie religieuse une fortune plus sainte, plus assurée et plus durable. Mais comme ce sont pour l'ordinaire des hommes sans lettres et déjà avancés en âge, ils ne peuvent être reçus dans les communautés qu'en qualité de Frères servants.
Pour leur faciliter l'exécution de leurs bons desseins, outre le noviciat commun à Thonga, les jésuites en avaient établi un particulier pour eux à Carthagène même. Il s'agissait de les y former à la sainteté propre des hommes apostoliques, dévoués par état au service du prochain ; et jamais on n'eût pu choisir un homme plus capable d'y réussir que le P. Claver. Il eut grand soin de leur inspirer de bonne heure l'esprit de recueillement, d'oraison, d'humilité, de mortification et d'obéissance aveugle et prompte aux ordres de leurs supérieurs. Le détachement parfait de tout ce qui empêche l'âme d'aller à Dieu et de s'unir à lui, le désir ardent de tout ce qui peut l'élever à la plus sublime perfection, les moyens de se vaincre et de se dompter soi-même, jusqu'à n'avoir plus de volonté que celle du Seigneur, faisaient la matière la plus ordinaire de ses instructions: mais en leur apprenant ainsi leurs devoirs, il leur en donnait sans cesse l'exemple; et jamais il n'exigeait d'eux que ce qu'ils lui voyaient pratiquer de la manière la plus parfaite.
Rien de plus simple, de plus uni, de plus attentif, ni de plus doux que sa conduite à l'égard de ses novices, tandis qu'il les voyait encore faibles et chancelants dans le bien ; mais dès qu'il les trouvait assez forts et assez fervents pour ne se pas rebuter facilement, alors il ne leur épargnait aucune de ces épreuves qui servent à affermir les grandes âmes dans la vertu.
Tantôt marchant le premier à leur tête, il les conduisait au milieu des rues, vêtus d'une robe de toile, et un balai à la main, pour aller servir les malades de l'hôpital, faire leurs lits, nettoyer leurs ordures.
Tantôt, après avoir rempli un grand panier de vivres, il le leur faisait porter aux pauvres de Saint-Lazare. Il prenait alors lui-même un bout des bâtons qui servaient à le mettre sur les épaules, il faisait prendre l'autre à un de ses novices ; et tandis que les plus jeunes et les plus robustes se trouvaient fatigués d'un si grand poids et d'un chemin si long, il marchait toujours d'un air aussi délibéré, que s'il n'eût point été chargé.
D'autres fois il les menait à ses chers nègres, et il les obligeait de leur prêter leurs manteaux, soit pour les faire asseoir plus commodément, soit même pour couvrir leurs plaies et leurs ulcères.
Souvent après les avoir envoyés par la ville habillés en pauvres, pour demander l'aumône, il les plaçait ensuite à la porte de la maison, pour y servir les véritables pauvres qui s'y rassemblaient de toutes parts ; et pour les accoutumer à vaincre leurs répugnances, il les faisait manger avec eux dans le même plat.
Si dans le temps de la santé il ne les ménageait point, il n'est rien qu'il n'employât pour les soulager lorsqu'ils étaient malades: alors la prudente sévérité du maître se changeait en une affection de mère : il les portait entre ses bras, les mettait dans des lits commodes, préparait lui-même leur nourriture et les remèdes ordonnés par le médecin, et il ne se donnait point de repos qu'ils ne fussent parfaitement rétablis.
Par cet heureux tempérament de douceur et de fermeté, tous ceux qui lui furent confiés firent en peu de temps de si grands progrès dans la perfection, que jamais on ne vit tant de ferveur dans aucun noviciat.
La réputation de vertu qu'avait acquise ce saint maître lui attira deux disciples qui lui donnèrent beaucoup de consolation…
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A suivre : IV. Il quitte l'emploi de maître des novices et il prend soin de l'hôpital des lépreux.
III. On lui donne la charge de maître des frères novices ;
soins qu'il prend pour les former à la plus haute perfection.(suite)
La réputation de vertu qu'avait acquise ce saint maître lui attira deux disciples qui lui donnèrent beaucoup de consolation. C'étaient deux frères Biscayens, distingués par leur noblesse et par leurs talents, qui étaient venus aux Indes avec une grande espérance d'y faire fortune, espérance fondée sur les protections puissantes qu'on leur y avait ménagées. En vain leurs proches et leurs amis voulurent-ils les détourner de leur dessein, en leur représentant la grandeur des avantages auxquels ils renonçaient et la bassesse de l'état de simple Frère coadjuteur où ils s'engageaient; Dieu qui avait sur eux des vues de miséricorde et de salut, les soutint contre toutes les attaques des sens et de la chair. Ils vinrent se présenter avec courage au P. Claver, firent leur noviciat, sous sa conduite, avec la ferveur la plus édifiante; et deux mois après, le Seigneur les appela tous deux à lui, pour leur donner la récompense du sacrifice qu'ils avaient fait pour son amour; ils moururent aussi regrettés de toute la communauté pour les exemples de vertu qu'ils lui donnaient sur la terre, qu'enviés pour la félicité dont on ne doutait point qu'ils ne jouissent dans le ciel.
Ce ne fut pas la seule consolation de cette espèce que Dieu voulut ménager au P. Claver dans son nouvel emploi.
Un officier, également recommandable par sa valeur et par ses services, étant venu faire les exercices spirituels sous sa direction, se sentit si touché de Dieu, après sa confession générale, qu'il demanda avec instance à être reçu dans la maison. Comme on faisait quelque difficulté, dans la crainte que ce ne fût une résolution trop précipitée dont il se repentirait bientôt, il protesta qu'il y resterait au moins comme domestique, si on ne voulait pas l'y admettre comme religieux, On examina, on éprouva sa vocation, et on le reçut enfin dans la Compagnie, où il vécut depuis et mourut en saint.
Le serviteur de Dieu n'eut pas la même satisfaction au sujet d'un jeune jésuite qui était déjà dans les ordres sacrés. Un jour qu'il allait avec lui de Carthagène à Santa-Fé: « Hélas ! mon Frère, lui dit-il par trois fois avant de le quitter, je sais que vous ne persévérerez pas dans la Compagnie. » Celui-ci, qui n'avait jamais eu la moindre tentation à cet égard, se mit à rire et à badiner de sa prophétie ; mais l'événement n'en justifia que trop la vérité. Cinq mois après il tomba dans une mélancolie profonde, à la suite d'une grande maladie: il voulut la dissiper par mille sortes d'amusements et de plaisirs qu'on ne trouve pas dans l'état religieux, et qui ne lui conviennent pas. Pour y suppléer, le Père Provincial lui envoyait quelques religieux d'une humeur douce et agréable, qui jour et nuit lui tenaient compagnie, afin de le consoler et le distraire. Tous ces ménagements furent inutiles: il sortit enfin, pour chercher dans le monde une vie plus commode et plus conforme à ses inclinations.
A suivre : IV. Il quitte l'emploi de maître des novices et il prend soin de l'hôpital des lépreux.
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IV. Il quitte l'emploi de maître des novices et il prend soin de l'hôpital des lépreux.
La même raison qui lui avait fait ôter l'emploi de ministre, lui fit encore ôter au bout de quelque temps celui de maître des novices. Mais l'attention que ses supérieurs avaient à le soulager de ses travaux, ne faisait que multiplier ceux que son zèle lui faisait entreprendre : il se délassait des occupations qu'on ne lui donnait pas au dedans, par celles qu'il se donnait lui-même au dehors.
Ayant désormais plus de temps à lui, il reprit ses premières fonctions avec plus d'ardeur et d'assiduité que jamais : idolâtres, hérétiques, mahométans, libertins, pauvres, malades, prisonniers, sa charité embrassait tout et suffisait à tout.
Quelque tendresse qu'il eût pour l'hôpital de Saint-Sébastien dont on a déjà parlé, celui de Saint-Lazare, dès qu'il le connut, eut encore plus d'attraits pour lui, parce qu'il y trouvait plus d'occasions d'exercer son héroïque charité et de contenter sa mortification. On n'y voyait que des lépreux dont les chairs étaient souvent pourries jusqu'aux os. La violence du mal dont ils étaient attaqués, faisait tomber aux uns le nez, les oreilles, la moitié du visage, les jambes même et les bras ; elle couvrait les autres d'ulcères et d'apostumes qui, en offrant un spectacle affreux à la vue, exhalaient une infection insupportable à l'odorat : c'en fut assez pour leur mériter toute l'affection du P. Claver.
Cet hôpital, quand il commença à le fréquenter, était presque sans secours et même sans prêtre qui prît soin des malades : on se contentait de dire à la hâte une messe les jours de fêtes, après quoi tout le monde se retirait pour éviter l'air contagieux qu'on y respirait. Un lieu si redouté fit bientôt les délices du charitable missionnaire. Les jours destinés à la récréation de la communauté étaient ses jours favoris, parce qu'ils lui laissaient plus de liberté et plus de temps pour aller visiter ses chers lépreux ; c'étaient pour lui de vrais jours de fêtes ; et son plaisir était alors de se priver de son repas pour le porter à l'hôpital. Quelque temps avant le carême, un officier espagnol l'ayant rencontré qui marchait d'un air content hors la porte de la ville, lui demanda où il allait ainsi : « Je vais, répondit-il, faire mon carnaval avec mes pauvres de Saint-Lazare. » L'Espagnol le suivit par curiosité, et fut étrangement surpris de tout ce qu'il lui vit faire. Rien en effet n'était plus digne d'admiration.
En arrivant, il assemblait à la porte de l'église tous ceux qui étaient encore en état de marcher ; se mettait à genoux au milieu d'eux et récitait à haute voix des prières qu'ils répétaient tous après lui ; ensuite après les avoir exhortés à souffrir patiemment cette espèce de purgatoire en ce monde, pour éviter celui de l'autre vie, en se garantissant avec soin de la lèpre honteuse du péché, il s'asseyait sur une pierre pour les confesser. Il les enveloppait de son manteau, dès que le temps était un peu froid, et il prenait même sur ses genoux ceux qui ne pouvaient se tenir commodément dans une autre situation, et dont la seule vue faisait reculer ceux qui l'accompagnaient. Ensuite il entrait dans les loges les plus retirées, ou l'on avait renfermé ceux que l'état affreux où ils étaient réduits avait rendus insupportables, même aux autres lépreux. Là il touchait leurs plaies avec la même complaisance que s'il eût manié les fleurs les plus agréables ; il les baisait et les essuyait même avec sa langue; il nettoyait ceux qui avaient perdu l'usage des bras, leur donnait lui-même à manger ; et quand il en voyait quelqu'un plus dégoûté, après lui avoir mis un morceau dans la bouche, pour lui donner plus d'appétit, il en prenait tout de suite dans le même plat un autre qu'il mangeait en sa présence. Un de ces malheureux étant sorti devant la porte pour demander l'aumône aux passants et n'ayant plus la force de revenir, le Père qui s'en aperçut, le prit à l'instant sur ses épaules, et, quoique la charge fût trop pesante pour lui, la force de son amour la lui rendit si légère, qu'il parut le rapporter sans la moindre peine jusque sur son lit. C'est ce que raconta depuis avec étonnement le capitaine D. Pierre de Maraona, qui regarda toujours ce fait comme un vrai miracle. On pouvait dire de lui, comme de Job, que dans cette triste demeure il était l'œil de l'aveugle, le bras du manchot, le pied du boiteux ; qu'il était tout à ces pauvres lépreux qui trouvaient tout en lui.
Après les avoir confessés…
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IV. Il quitte l'emploi de maître des novices et il prend soin de l'hôpital des lépreux.(suite)
Après les avoir confessés, il leur donnait du tabac, des eaux odoriférantes, des conserves, tout ce qu'il croyait capable de leur faire plaisir. Il faisait pour eux des provisions de linge, de draps, de charpie, de parfums, de remèdes, et quand il ne pouvait aller chercher ces aumônes par lui-même, il envoyait un pauvre les demander de sa part. Sa charité ne se bornait pas au pur nécessaire, il s'efforçait de leur procurer toutes les commodités qui dépendaient de lui. Pour les défendre du froid et des moustiques dont l'incommodité est extrême, il leur fournissait de bons rideaux de forte toile, il allait les tendre lui-même ; et, pour salaire de son travail il les embrassait. Comme il ne se trouvait point de chirurgiens qui eussent le courage d'aller les saigner, ils étaient obligés de se rendre ce service les uns aux autres. Le saint homme ne pouvant le leur rendre par lui-même, leur fournissait du moins pour cet usage les meilleures lancettes qu'il pouvait trouver. Il avait de plus engagé plusieurs personnes pieuses à faire quelques charités extraordinaires les jours des principales fêtes de Notre-Seigneur et de la sainte Vierge, et à lui envoyer en particulier une espèce de petit festin pour les pauvres qui venaient à la porte du collège ; il en recueillait soigneusement les restes et les envoyait à son hôpital, avec quelques joueurs d'instruments pour amuser et réjouir les malades pendant le repas. Enfin, malgré sa pauvreté, il sut trouver tant de ressources, qu'un religieux de la Merci ne craignit pas d'avancer publiquement en chaire que les pauvres périraient, si le P. Claver venait à leur manquer.
Il faudrait répéter cent fois les mêmes choses, si on voulait faire le détail de tout ce qu'il fit pour le service de ses malades, parce que sa charité fut toujours la même partout. Il se trouva dans cet hôpital, comme dans celui de Saint-Sébastien, un malade si couvert de plaies et d'ulcères, qu'il avait plutôt l'air d'un cadavre déjà corrompu que d'un homme encore vivant. Pour délivrer les autres de son infection, on l'avait jeté sous une espèce d'appentis écarté et fort élevé de terre, auquel on montait par une mauvaise échelle, avec un risque continuel de tomber. Dès que le P. Claver sut l'extrémité où ce malheureux était réduit, il se chargea de le secourir lui-même. C'était un spectacle digne de l'admiration des anges, de voir ce vénérable vieillard, déjà fort infirme lui-même et qui pouvait à peine se soutenir, ramper plusieurs fois le jour le long de cette échelle pour aller instruire son malade, le consoler, lui porter sa nourriture et nettoyer ses plaies ; ce qu'il ne cessa point de faire pendant plusieurs mois consécutifs.
La vieille église de l'hôpital étant tombée en ruines et personne ne voulant entreprendre de la rebâtir, le serviteur de Dieu s'en chargea lui-même et se confiant en la Providence, qui ne lui avait jamais manqué au besoin, il chercha partout des aumônes, des matériaux et des ouvriers. Depuis le matin jusqu'au soir, il présidait à l'ouvrage, veillait sur les ouvriers, les excitait à bien faire, il leur portait même de la terre, de l'eau, du bois, tout ce qui leur était nécessaire. Il prenait ses repas dans l'hôpital, et tout ce qu'on lui envoyait du collège il le donnait aux pauvres, dont il mangeait les restes dans le même plat où ils avaient mangé. Dans ce travail il trouvait de quoi satisfaire tout à la fois sa religion, sa charité, son humilité, son amour pour la mortification ; et c'est ce qui lui rendit cet hôpital toujours si cher.
Peu content d'y aller régulièrement deux ou trois fois par semaine...
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A suivre : V. Il convertit les pécheurs et les désespérés.
IV. Il quitte l'emploi de maître des novices et il prend soin de l'hôpital des lépreux.(suite)
Peu content d'y aller régulièrement deux ou trois fois par semaine, il y retournait dès qu'on avait le moindre besoin de son secours, ce qui arrivait très souvent, parce que ces malheureux ne se lassaient point de le voir et de le faire appeler.
Quand quelqu'un des malades mourait, dès le lendemain il allait y dire la messe pour lui; et Dieu lui donnait souvent la joie de savoir que ses prières avaient été exaucées. Un jour qu'il allait à son hôpital à cette intention, il rencontra un Espagnol qui, de son côté, allait à une de ses terres à quelque distance de Carthagène ; il le pria de l'accompagner à Saint-Lazare, parce qu'il n'avait alors personne pour lui servir la messe. L'Espagnol l'ayant suivi, le Père mit son manteau sur le corps du défunt, pour lui tenir lieu de drap mortuaire ; il sortit ensuite pour aller chercher quelques pains, quelques oranges et quatre cierges qu'il fit porter au curé pour son offrande ; après avoir achevé toutes les fonctions de son ministère, il remercia humblement l'Espagnol, en l'assurant que l'âme du mort en avait reçu un extrême soulagement.
On ne doit pas être surpris si, à l'exemple des nègres et des malades de Saint-Sébastien, ces pauvres gens le regardaient comme un ange envoyé du ciel pour leur consolation, puisque Dieu lui-même se plaisait à faire éclater de temps en temps sur sa personne quelques rayons de sa gloire. L'archidiacre de Carthagène étant un jour à l'hôpital pour y distribuer quelques aumônes, y trouva le Père au milieu de ses malades, le visage brillant comme le soleil et la tête environnée d'un cercle de lumière dont les yeux étaient éblouis. Après être demeuré quelque temps saisi d'admiration et de respect, il voulut attendre qu'il eût fini ses instructions pour aller lui baiser la main et se recommander à ses prières ; mais, comme si le saint homme eût senti ce qui lui était arrivé et ce que l'archidiacre voulait faire, il se déroba promptement à ses yeux, sans que celui-ci pût jamais comprendre comment il lui était ainsi échappé, malgré son attention à l'examiner et à le suivre.
A suivre : V. Il convertit les pécheurs et les désespérés.
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A suivre : VI. Il convertit plusieurs hérétiques, notamment un prélat anglais.
V. Il convertit les pécheurs et les désespérés.
Tant de prodiges de zèle et de charité lui avaient attiré, dans ces deux hôpitaux, un tel respect et une telle confiance, qu'il n'y avait rien dont il ne vint à bout pour la gloire de Dieu et le salut des âmes ; de sorte que, quand les religieux de Saint-Sébastien avaient fait inutilement tous leurs efforts auprès de quelque pécheur endurci, ils faisaient venir le saint homme, bien assurés de la victoire. On y amena un homme attaqué d'un mal extraordinaire et tout à fait inconnu; les yeux lui roulaient continuellement dans la tête; ses membres se raidissaient tout à coup avec violence ; il avait plutôt l'air d'un démoniaque que d'un malade : remèdes naturels et surnaturels, tout fut employé pour le faire revenir à lui, mais en vain. Si on lui appliquait quelques reliques, il les rejetait avec fureur ; si on lui parlait de se confesser, il ne répondait que par des injures ; lui présentait-on le crucifix, il détournait la tête en désespéré. Après un jour et une nuit entière passés dans cet état violent, on eut recours au P. Claver, comme au dernier remède. Il accourut, tout vieux et tout infirme qu'il était alors ; à peine eut-il parlé quelques moments au malade, que celui-ci devint doux comme un agneau ; il demanda et reçut les sacrements avec de grandes marques de repentir de ses crimes, et mourut dans les sentiments d'un pécheur sincèrement revenu à Dieu.
Sa présence n'y était pas moins utile à la guérison du corps qu'à celle de l'âme. Je ne sais quel malade eut une extrême envie de manger une espèce de fruit propre du pays et très sain par lui-même, mais qui cette année-là était fort rare. Le prieur de l'hôpital en fit chercher partout ; mais, quelque soin qu'il y apportât, il ne fut pas possible d'en trouver. Il communiqua son embarras au P. Claver : « Fiez-vous à moi, lui dit le saint homme, je vais en chercher moi-même, et j'espère en découvrir.» Il sort aussitôt ; et, au bout d'une demi-heure, il revient avec un grand panier tout rempli de ces fruits, les plus beaux et les plus sains qu'on eût vus depuis longtemps. La surprise fut si grande à cette vue, qu'on ne douta point qu'il ne les eût obtenus de Dieu d'une façon miraculeuse.
Le docteur Adam Sobo, médecin de cet hôpital, a attesté juridiquement que, quand il faisait la visite des malades avec le P. Claver, il lui demandait ordinairement ce qu'il pensait de chacun, et que toutes les fois que le serviteur de Dieu lui répondait : « Faites, Monsieur, ce qui est de votre ministère, et du reste ayons confiance en Dieu, » c'était une marque indubitable que le malade devait guérir, comme il l'avait toujours éprouvé. Aussi avait-il conçu une si haute idée de sa sainteté, qu'il ne manquait pas de lui adresser ceux qui avaient besoin d'un secours extraordinaire. Un jour que ce médecin se trouvait seul avec un malade encore plus infirme d'esprit que de corps, homme soupçonneux, inquiet, taciturne et qui jusqu'alors n'avait voulu entendre parler ni de confession, ni de Dieu ; tout à coup ce malheureux, touché de la grâce, le pria de lui trouver un confesseur : « Mais, ajouta-t-il, je le voudrais habile et discret, parce que mon mal est cent fois plus grand que vous ne pouvez l'imaginer, et que toute main n'est pas propre à une pareille guérison. « Hé bien ! » répondit le médecin, « j'ai déjà trouvé l'homme qu'il vous faut ; vous me direz, plus tard, si je vous aurai bien servi. » Quelques moments après il lui conduit le P. Claver, dont les manières cordiales le gagnèrent du premier abord. C'était un religieux qui avait prêché plusieurs années avec succès et qui, ayant apostasié, menait depuis longtemps une vie fort débordée. Le zélé missionnaire, ayant entendu sa confession générale, lui ouvrit les yeux sur la grandeur de ses crimes, l'anima d'une confiance salutaire en la divine miséricorde, plus grande encore que ses iniquités, et sut si à propos l'épouvanter et le rassurer tout à la fois, qu'il eut la consolation de le voir parfaitement converti. Pour mieux témoigner son repentir et sa reconnaissance, ce pécheur devenu pénitent publiait partout qu'il était le plus grand et le plus indigne des scélérats, et qu'il n'avait pas moins fallu qu'un P. Claver pour l'arracher du fond de l'enfer et le faire rentrer dans la route du ciel.
Ce ne fut pas le seul à qui Dieu accorda une pareille grâce par le ministère de son serviteur. Plusieurs autres, après une apostasie de cinq, de sept et de dix ans, après s'être précipités dans tous les excès qui occasionnent et qui suivent une telle défection, après avoir résisté à tous les avis et à tous les reproches, ne purent résister à la douceur et à la force du P. Claver. Ils retournèrent tous à leurs monastères, où ils devinrent des modèles de la plus parfaite pénitence. Tant il est vrai que dans un ministre de JÉSUS-CHRIST ce n'est pas la rigueur, mais la charité qui trouve l'art de gagner les cœurs à JÉSUS-CHRIST !
A suivre : VI. Il convertit plusieurs hérétiques, notamment un prélat anglais.
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VI. Il convertit plusieurs hérétiques, notamment un prélat anglais.
Dans ce même hôpital, il fit éclater le grand talent que le ciel lui avait donné pour ramener les hérétiques au sein de l'Église. Entre plusieurs exemples qu'on en pourrait rapporter, je me contenterai de citer les plus remarquables.
Comme il faisait ses visites ordinaires aux pauvres malades de Saint-Sébastien, il y trouva un calviniste si opiniâtre dans ses erreurs, qu'ayant inutilement employé plusieurs jours à le réduire, il prit enfin le parti de l'abandonner. Croyant que son zèle serait plus efficace auprès d'un autre malade qui n'était pas éloigné, il s'adresse à lui et le trouve animé d'une haine implacable contre un de ses ennemis : il était résolu de le tuer partout où il le trouverait. A tous ce que put lui dire le zélé missionnaire pour l'engager au pardon, il répondait: « J'abandonnerai mes desseins de vengeance quand celui que vous venez de quitter abjurera ses erreurs. » A ces mots, le Père se jette à genoux, adresse une prière fervente au Seigneur et, dans l'instant, on vient l'avertir que l'hérétique est converti et qu'il veut se confesser avant que de mourir.
A cette heureuse nouvelle, se tournant vers le vindicatif obstiné : « Ne voyez-vous pas, mon fils, lui dit-il avec bonté, que Dieu veut vous avoir à quelque prix que ce soit ? Oui, il veut sauver deux pécheurs à la fois : allons à ses pieds pour l'en remercier. » Cet homme, tout étonné et croyant à peine ce qu'il entendait, court lui-même vers l'hérétique pour être témoin de la vérité ; et convaincu par un tel prodige, il se jette humblement aux pieds du saint homme, lui remet tous ses intérêts entre les mains et se réconcilie de bonne foi avec son ennemi.
Mais la conversion la plus éclatante…
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VI. Il convertit plusieurs hérétiques, notamment un prélat anglais.(suite)
Mais la conversion la plus éclatante, parce qu'elle en entraîna un grand nombre d'autres, fut celle d'un prélat anglais. Pour bien entendre ce fait, il faut reprendre les choses de plus haut.
Il y avait déjà plusieurs années que des corsaires anglais et hollandais infestaient les mers de l'Amérique. Après avoir longtemps menacé le nouveau royaume de Grenade, ils s'emparèrent enfin des îles de Saint-Christophe et de Sainte-Catherine, où ils établirent deux puissantes colonies de leur nation. De là ils faisaient sans cesse des courses funestes aux Espagnols, à qui ils enlevaient presque tous les jours des vaisseaux chargés de nègres, de mahométans et d'autres esclaves qu'ils employaient à cultiver leurs terres.
Le roi d'Espagne, informé du préjudice que ces fâcheux voisins causaient à ses sujets, aux marchands et à toutes les habitations situées le long des côtes, envoya contre eux une flotte commandée par Frédéric de Tolède, avec l'ordre très pressant de les chasser de ces îles, à quelque prix que ce fût. Ce grand capitaine s'acquitta si bien de sa mission, que non seulement il se rendit maître des deux îles, mais qu'il fit prisonniers presque tous les Anglais et les Hollandais avec tous les esclaves qu'ils avaient enlevés. Il les embarqua sur ses navires et les emmena à la baie de Carthagène ; mais de crainte qu'ils ne pussent reconnaître l'état et les fortifications de la place et qu'ils ne répandissent leurs erreurs dans le pays, on les obligea de rester sur les galions, sans leur permettre de venir à terre.
Animé de son zèle ordinaire et plein d'une vive confiance en Dieu, Claver demanda à son supérieur et au commandant la permission d'aller sur la flotte ; et l'ayant obtenue, il s'y rendit muni de tous les ornements nécessaires pour célébrer la messe. Étant monté sur un navire où il y avait plus de six cents Anglais gardés par quelques Espagnols, ceux-ci le reçurent avec joie, et le prièrent de leur dire la messe, qu'ils n'avaient point entendue depuis leur départ des îles. On ne pouvait lui faire une demande qui lui fût plus agréable. Sa dévotion en célébrant les divins mystères, sa modestie et la majesté des cérémonies de l'Église frappèrent les hérétiques qui accoururent en foule comme à un spectacle tout à fait nouveau pour eux. Après la messe, les Espagnols invitèrent le Père à dîner sur le vaisseau ; il accepta leur offre avec plaisir, et ce fut la seule fois de sa vie qu'il ne se fit pas prier, dans l'espérance de gagner des âmes à Dieu, à l'exemple de JÉSUS-CHRIST, qui, pour attirer les pécheurs, ne faisait pas difficulté de manger même avec les publicains.
A la fin du repas, quelques Anglais qui y avaient assisté, déjà à demi gagnés par sa douceur et ses manières aimables, lui demandèrent s'il ne voudrait pas voir leur prélat ; c'était le nom qu'ils donnaient à l'archidiacre de Londres. Le saint missionnaire, espérant de gagner le chef et d'attirer par là tous les autres à la foi catholique, répondit qu'il le verrait très volontiers et que ce serait beaucoup d'honneur pour lui. Aussitôt parut un vénérable vieillard, avec un air grave et modeste, une grande barbe et de longs cheveux. Le Père se leva à son arrivée, le salua avec beaucoup de respect ; et ayant été prévenu de leurs coutumes par le capitaine, il but très courtoisement à la santé du prélat, qui, de son côté, lui fit raison de bonne grâce et lui demanda en latin un entretien secret. Tandis que les autres jésuites conféraient avec les Anglais sur quelques points de la religion catholique, le Père et le prélat traitèrent ensemble, jusqu'au soir, de tous les articles controversés entre nous et les protestants. L'Anglais voyait souvent la vérité malgré lui, il était convaincu ; mais…
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VI. Il convertit plusieurs hérétiques, notamment un prélat anglais.(suite)
…l'Anglais voyait souvent la vérité malgré lui, il était convaincu ; mais il se heurtait à des obstacles trop difficiles à surmonter pour une entière persuasion. Il craignait de laisser sans ressources sa femme et ses enfants, s'il se déterminait à changer de parti, et n'ayant pas le courage de faire tant de sacrifices à la fois, l'intérêt de sa fortune l'emportait toujours sur celui de sa religion. Tout ce que le Père put obtenir de lui, ce fut la protestation que toute sa vie il serait catholique dans le cœur, et qu'à la mort il se déclarerait hautement et se réconcilierait avec l'Église. Mais pour ménager des intérêts qui devaient lui être si chers, il professerait à l'extérieur la religion anglicane.
Désolé de la résistance opiniâtre de son cœur aux lumières vives qui éclairaient son esprit, le zélé missionnaire était près de le quitter, lorsque tout à coup il se souvint que ce jour-là même on célébrait la fête de sainte Ursule qui, avec tant d'autres saintes vierges, avait donné son sang pour la foi. Aussitôt se retournant vers le prélat en homme inspiré:« Monsieur, lui dit-il, c'est aujourd'hui la fête d'une vierge illustre, l'honneur de votre patrie, et qui, avec ses compagnes, a signé de son propre sang cette religion catholique dont vous reconnaissez vous-même la vérité. Saint Lucius, roi de votre Bretagne et le modèle de tous les rois vraiment chrétiens, envoyait tous les ans au Saint-Siège des présents dignes d'un monarque, comme un tribut d'actions de grâces, et une marque de son attachement à l'Église (1). Depuis lui, tous vos souverains avaient suivi son exemple et sa piété, jusqu'à l'infortuné Henri VIII. Ce prince lui-même n'avait-il pas écrit pour la défense de cette Église et pour la primauté de la chaire de Pierre ? Qui a donc pu le porter à abandonner l'ancienne religion pour en établir une nouvelle ? Ne fut-ce pas le mariage adultère et scandaleux qu'il contracta avec Anne de Boulen, après avoir répudié sa légitime épouse contre toutes les lois divines et humaines ? Voilà les abominations qui ont donné naissance à votre religion : jugez de l'effet par la cause. Eh ! comment un homme sensé et craignant Dieu préférera-t-il une loi introduite par l'adultère à celle que les apôtres ont annoncée, que tant de martyrs ont confirmée aux dépens de leur vie, que vos illustres vierges ont défendue avec tant de courage, à laquelle tant de princes vertueux sont soumis et que vos ancêtres ont honorée pendant tant de siècles? Comment l'autorité d'un roi décrié pour ses vices pourrait-elle l'emporter sur celle de tant d'autres distingués par leur piété? Quoi ! une religion introduite par la sainteté d'un Lucius sera fausse, et celle qui a été fondée sur l'adultère d'un Henri sera vraie ? Si ce prince n'a pu soutenir ses nouveaux crimes que par l'appui d'une nouvelle religion, pourquoi, vous, sans être coupable des mêmes crimes, soutiendrez-vous cette même religion? Mais si vous la croyez durant la vie, que ne la croyez-vous encore au lit de la mort ? Alors, dites-vous, vous vous repentirez, vous vous déclarerez. Il en sera de vous comme de lui. N'êtes-vous point effrayé de ces tristes paroles avec lesquelles il expira : Omnia perdimus, dit-il, nous avons tout perdu ! Il chercha à se réconcilier avec l'Église, et l'occasion lui manqua : qui vous a assuré qu'elle ne vous manquera pas comme à lui ? Vos biens, votre femme, vos enfants ne vous embarrasseront-ils point alors comme aujourd'hui? Rougissez de n'avoir pas assez de courage pour sacrifier ces sortes de biens, tandis que tant de jeunes vierges en ont eu assez pour sacrifier leur vie. Votre premier intérêt, c'est vous-même, Monsieur : ne vous exposez pas à des supplices éternels, pour quelques biens passagers que vous laisseriez bientôt à d'autres. »
Vivement frappé de ce discours…
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(1). Lucius, roi de la Grande-Bretagne, ayant eu quelque connaissance de la religion chrétienne, écrivit au pape Eleuthère, vers l'an 182, pour lui demander les moyens de se faire instruire des vérités de la foi. Ce pontife lui envoya de saints missionnaires qui le baptisèrent, ainsi qu'une partie de ses sujets.
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Louis- Admin
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Re: Saint Pierre Claver.
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A suivre : VII. Il vient à bout des plus obstinés par sa douceur et sa patience.
VI. Il convertit plusieurs hérétiques, notamment un prélat anglais.(suite)
Vivement frappé de ce discours, où la vérité se mêlait au zèle et à la charité, le vieillard le conjura avec larmes de prier Dieu pour lui. Le Père le lui promit, et ils se séparèrent en se donnant mutuellement des marques d'affection. Le saint missionnaire redoubla ses prières et ses pénitences, et huit jours après la Toussaint, en entrant dans l'hôpital de Saint-Sébastien, il vit qu'on y apportait un malade enfermé dans une chaise : c'était le prélat anglais. A la vue du P. Claver : « Il est temps, lui dit-il, il est temps, mon Père, d'accomplir la promesse que j'ai faite à Dieu et à vous d'embrasser la religion de mes pères, et de me convertir à la foi de la sainte Église romaine. » Il le pria en même temps de ne pas l'abandonner, parce qu'il se sentait fort malade. On ne peut exprimer quelle fut la joie du P. Claver, en voyant une conversion si désirée et si peu attendue. Le prélat fit publiquement son abjuration entre ses mains. De maître obstiné de l'erreur devenu tout à coup disciple soumis et docteur éclairé de la vérité, il exhorta dans les termes les plus vifs et les plus touchants tous ceux qui étaient autour de lui à imiter son exemple, en leur répétant plusieurs fois qu'il n'y avait point de salut à espérer hors de l'Église romaine. Il se confessa ensuite avec une grande abondance de larmes, reçut tous les sacrements avec une piété exemplaire, et mourut peu après en s'entretenant doucement avec son Sauveur. Le Père, qui l'avait toujours assisté durant sa maladie, ne l'abandonna pas après sa mort et lui fit faire les obsèques les plus honorables qu'il lui fut possible.
Plusieurs Anglais qui étaient malades dans le même hôpital, voulurent se conformer à l'exemple de leur chef; et persuadés que la religion qu'il avait embrassée dans ce moment critique était la plus sûre, ils moururent eux-mêmes en vrais catholiques. « Saints d'Espagne, s'écriaient-ils avec ferveur, secourez-nous » ; donnant par là à entendre qu'ils voulaient mourir dans la foi des Espagnols.
Après tant d'exemples si consolants, dans l'espérance de gagner ceux qui étaient restés sur la flotte, on leur permit de venir à terre. L'affection que leur avaient inspirée les jésuites dans de fréquentes visites sur leurs vaisseaux, jointe à l'impression que le changement extraordinaire de leur prélat avait faite sur leur esprit, les engagea à conférer de temps en temps avec les Pères. Quelques jours avant Noël, ils demandèrent à voir leur église : on la para le plus magnifiquement qu'il fut possible, et après que toutes les messes eurent été dites, on les y fit entrer. Tout ce qu'ils virent les charma ; ils se mirent respectueusement à genoux devant le grand autel, et ils écoutèrent fort volontiers un discours qu'on leur fit par interprète sur la religion catholique. Frappés de tout ce qu'ils avaient vu et entendu, ils témoignèrent l'envie de ne point retourner la nuit suivante à la flotte ; mais comme il était difficile de leur trouver à tous des logements, le zèle du P. Claver y suppléa. Charmés de ses manières douces et charitables, ils ne pouvaient se lasser d'en parler avec admiration, quand ils eurent rejoint leurs compagnons.
Tous les jours il en débarquait à terre de nouveaux, qui s'en retournaient remplis des mêmes sentiments; de sorte que plus de six cents se convertirent en peu de temps. Le saint missionnaire, au comble de la joie, représenta au commandant de la flotte qu'il était à propos de séparer les Anglais qui s'étaient rendus à la vérité de ceux qui restaient obstinés dans leur erreur, parce que la communication avec l'hérésie est toujours dangereuse pour la foi; il ajouta qu'il fallait même tâcher de leur donner un établissement honorable, pour les empêcher, s'il était possible, de retourner en leur pays avec un danger évident de se pervertir. Le général, qui n'avait pas moins de piété que de bravoure, entra facilement dans ce dessein ; et ayant fait donner aussitôt des logements séparés aux Anglais catholiques, il les prit ensuite au service d'Espagne, en leur faisant des avantages proportionnés au rang de chacun d'eux. Par là il acquit en même temps et des sujets à Dieu, et des soldats au roi.
A suivre : VII. Il vient à bout des plus obstinés par sa douceur et sa patience.
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VII. Il vient à bout des plus obstinés par sa douceur et sa patience.
Il ne trouva pas les mêmes facilités dans toutes les conversions qu'il voulut entreprendre. Certains hérétiques, en le voyant approcher, se bouchaient les oreilles pour ne pas l'entendre ; d'autres, après l'avoir accablé d'injures, se jetaient sur lui comme des furieux, lui déchiraient son manteau et paraissaient vouloir le mettre lui-même en pièces. Mais son zèle et sa douceur triomphaient de tout, et il eut la consolation de voir plus de cent de ces obstinés se convertir enfin de bonne foi.
Parmi les pauvres qui venaient en foule chercher l'aumône à la porte du collège, se trouvait un de ces hérétiques qui, touché de la modestie, de la patience et de la charité du saint missionnaire, se détermina à embrasser la foi catholique, il parut ensuite en public avec un chapelet au cou. Les autres, furieux de se voir enlever ainsi peu à peu tous leurs compagnons, le menacèrent de l'assassiner, s'il ne rentrait dans leur religion. Le Père, averti de ce tumulte, le retira d'entre leurs mains, le mit dans un lieu de sûreté et se chargea de pourvoir lui-même à sa subsistance. Le nouveau converti ne fut pas longtemps dans cette inquiétude. Dieu l'appela bientôt à lui, pour le récompenser de sa généreuse fidélité. Il mourut tranquille, en remerciant la divine Providence de le tirer si à propos du péril où il était de se perdre pour l'éternité.
L'hôpital de Saint-Sébastien se trouvait alors rempli de Hollandais sortis de l'île de Sainte-Catherine. Le Père ayant appris qu'un des plus entêtés était dangereusement malade, se rendit avec empressement auprès de lui ; et après bien des exhortations et des fatigues, il le détermina à embrasser la religion catholique dans laquelle il mourut. Il pourvut lui-même à ses obsèques, et cette marque d'attention de sa part attira à la foi plusieurs autres Hollandais.
On avait pris avec eux une grande multitude de nègres qu'ils avaient infectés de leurs erreurs, sans leur ôter mille superstitions idolâtres auxquelles ils étaient encore attachés. C'était pour le Père un double travail : il fallait leur arracher tout à la fois le paganisme et l'hérésie ; mais son zèle pour ses chers nègres se réveillant, sembla lui donner de nouvelles forces. Comme il s'en trouvait parmi eux plusieurs qui n'avaient pas été baptisés, il commença par les instruire ; quand il les vit bien disposés, il fit élever dans l'église un autel magnifiquement orné ; et pour rendre la cérémonie plus éclatante, il eut soin d'y faire venir un grand chœur de musique. Toute la noblesse de la ville accourut à cet édifiant spectacle, et plusieurs s'offrirent d'eux-mêmes à servir de parrains. La dévotion singulière avec laquelle les nouveaux convertis reçurent le baptême et les autres sacrements, ne contribua pas peu à accréditer la foi catholique.
Tout cela cependant ne fit aucune impression sur un malade qui demeurait toujours obstiné dans ses erreurs.…
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VII. Il vient à bout des plus obstinés par sa douceur et sa patience.(suite)
Tout cela cependant ne fit aucune impression sur un malade qui demeurait toujours obstiné dans ses erreurs. A tous les soins, à toutes les prières du saint missionnaire, il ne répondait que par des injures et des blasphèmes contre l'Église romaine. Tandis que le Père, désolé de son endurcissement, s'occupait à ce travail si ingrat, on apporta à l'hôpital quatorze Hollandais qui étaient en danger de mort. Voulant essayer s'il réussirait mieux auprès d'eux ; il va les trouver, les embrasse, leur prépare des remèdes, accommode leurs lits, leur présente lui-même à manger, leur rend les services les plus bas ; en un mot, il n'omet rien de ce que peut inspirer la plus attentive et la plus humble charité. Cependant il leur parlait souvent de la religion ; et ces pauvres gens, déjà charmés de ses bontés, l'écoutant avec plaisir, il sut si bien les gagner l'un après l'autre, que treize d'entre eux moururent bons catholiques. Il en restait un, qu'il n'avait pu réduire ; voyant que sa maladie augmentait, et qu'il était près de mourir dans l'hérésie, le Père redoubla ses prières et ses efforts, et eut la consolation de le voir expirer avec les plus vifs sentiments de douleur et de foi. Ravi d'un changement si inespéré, il voulut le faire enterrer avec un grand appareil : tentures, luminaire, musique, rien ne fut épargné ; et les obsèques furent honorées par la présence de tout ce qu'il y avait de plus considérable à Carthagène. C'était montrer aux hérétiques le cas que l'on faisait de ceux qui mouraient dans la communion de l'Église, et ces marques flatteuses de distinction, étaient de nature à les gagner.
Malgré tous ces succès, le zèle du saint homme n'était pas satisfait, et il voyait avec douleur le malheureux, auprès duquel il s'était déjà donné tant de peines, plus endurci que jamais. Touché des plaies funestes de son âme encore plus que du triste état où la maladie avait réduit son corps, il retourne à lui et s'avance pour l'embrasser. Celui-ci le repousse rudement, le traite d'hypocrite et d'imposteur, et finit par lui dire avec colère qu'il ne le tromperait pas, comme il en avait déjà trompé tant d'autres assez simples pour se laisser séduire. Un vrai zèle supporte l'humiliation et le mépris, comme il reçoit la gloire et le succès. Celui du Père ne se rebuta point; et le plaisir de souffrir quelque chose pour JÉSUS-CHRIST modérait la douleur qu'il ressentait de voir tant d'obstination dans cet hérétique.
Semblable à un médecin éclairé et charitable qui, sans s'étonner des injures que lui dit son malade, choisit le temps le plus favorable pour lui donner les remèdes propres à le guérir : avertissements, assiduités, services et surtout prières ferventes, il employa tout pour toucher le cœur de ce misérable. Le lendemain de l'enterrement du dernier Hollandais converti, il retourne à celui sur qui il n'avait pu rien gagner encore. Mais ses prières avaient déjà obtenu ce que toutes ses paroles n'avaient pu faire. Dès que l'hérétique l'aperçut : « Ô mon Père! » s'écria-t-il d'un air vivement touché, « mon Père, venez à moi ; » en même temps il ouvre les bras pour le recevoir. Le Père y court transporté de joie, et tous les deux se tenant étroitement embrassés, ils furent quelque temps sans pouvoir se parler que par leurs larmes.
Enfin, le malade ayant poussé un profond soupir : …
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A suivre : VIII. Il entreprend la conversion des mahométans.
VII. Il vient à bout des plus obstinés par sa douceur et sa patience.(suite)
Enfin, le malade ayant poussé un profond soupir : « Écoutez, mon Père, » lui dit-il, « une chose bien étonnante. Ce Hollandais que vous fîtes hier enterrer avec tant de cérémonie m'est apparu cette nuit ; il m'a fait entendre qu'il n'y avait point d'autre route de salut que celle que vous enseignez, et que par elle seule lui et tous ses compagnons se sont sauvés. Il m'a ensuite repris très sévèrement de toutes mes iniquités à votre égard, en m'ordonnant de vous en demander pardon et d'ajouter foi à vos paroles. Je me prosterne donc à vos pieds, mon cher Père, et je m'abandonne entre vos mains : faites de moi tout ce qu'il vous plaira pendant les deux jours que j'ai encore à vivre. Le temps est court, ne le perdons point : aidez-moi, je vous en conjure, de vos prières et de vos conseils. »
Le saint homme, au comble de ses désirs, se surpassa, pour ainsi dire, dans les soins qu'il prit de ce pécheur pénitent : c'était le fils de sa plus amère douleur, et par là même il devint celui de sa joie la plus sensible. Après avoir fait son abjuration, le malade voulut recevoir les sacrements; en les recevant, il pria le Père de ne lui point faire à son enterrement des honneurs dont ses crimes le rendaient indigne, mais de le faire jeter sans sépulture au milieu de la campagne, et ses dernières paroles furent des actes fervents de foi, d'espérance et d'amour, qui remplirent tous les assistants de consolation.
A suivre : VIII. Il entreprend la conversion des mahométans.
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Re: Saint Pierre Claver.
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VIII. Il entreprend la conversion des mahométans.
On sait que, de tous les peuples, les mahométans sont les plus entêtés dans leur secte ; les plaisirs des sens autorisés par leur loi, et la défense qu'ils ont de traiter les matières de religion autrement que par les armes, les rendent en quelque sorte incapables de conversion. Il en arrivait un très grand nombre à Carthagène, tant sur des navires marchands pour y trafiquer, que sur les vaisseaux mêmes du roi pour servir à garder les côtes. Dès que le P. Claver apprenait l'arrivée de quelque flotte chargée de Maures, il allait aussitôt les chercher, soit sur les vaisseaux, soit dans les rues, soit dans les maisons de la ville ; il tâchait de lier peu à peu amitié avec eux; s'intéressait à leurs affaires, leur demandait s'ils avaient besoin de quelque chose. En même temps il leur faisait entendre qu'ils pouvaient disposer de lui, et qu'il était prêt à les secourir en tout ce qui dépendait de ses soins. Enfin il faisait si bien, par ses prévenances et par ses services, qu'il les gagnait insensiblement à JÉSUS-CHRIST.
Parmi les pauvres à qui il avait coutume de donner l'aumône, il trouva un Turc d'un naturel si féroce, que tout autre eût désespéré de le réduire : mais le saint homme, loin de se décourager, en prit occasion de redoubler ses soins pour ce malheureux ; c'était lui qui avait toujours la meilleure part aux aumônes. Cette espèce de combat, d'insultes d'une part et de bons traitements de l'autre, dura plusieurs années, jusqu'à ce qu'enfin le mahométan, vaincu par la douceur et la patience du P. Claver, vint le trouver, se fit instruire, reçut le baptême et devint aussi humble et aussi doux qu'il avait été jusque-là fier et intraitable.
Un Maure, âgé de soixante ans, étant tombé dangereusement malade, ses compagnons, qui craignaient qu'il ne pût résister au zèle de l'apôtre de Carthagène, allaient tous les jours le voir, pour l'encourager à demeurer ferme dans les erreurs de sa secte. En ayant été averti, le gouverneur D. Pierre de Zapata le fit transporter dans sa maison où le P. Claver se rendit aussitôt ; à peine lui eut-il parlé que le malade s'adoucit ; il demanda le baptême, et reçut avec lui la santé de l'âme et du corps en même temps. Le gouverneur, qui connaissait son opiniâtreté et qui lui servit de parrain, attesta qu'une pareille conversion, avec toutes ses circonstances, ne pouvait être que miraculeuse.
Elle fut suivie d'une autre encore plus singulière…
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Re: Saint Pierre Claver.
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VIII. Il entreprend la conversion des mahométans.(suite)
Elle fut suivie d'une autre encore plus singulière. Un habitant des environs de Carthagène avait chez lui un Maure d'un caractère fort doux, fort attaché à sa secte, mais qui lui était d'un grand service. Plus attentif au salut de son esclave qu'à ses propres intérêts, le maître l'exhortait souvent à se faire chrétien. Après bien des tentatives inutiles, il l'emmena au P. Claver ; et, dès la première vue, le Maure prit la résolution de se convertir. Peu de jours après, il témoigna qu'il avait à la vérité un désir sincère de recevoir le baptême, mais qu'il serait auparavant bien aise d'apprendre à lire et à bien parler l'espagnol, pour se mettre mieux au fait de notre religion. Le Père approuva ce dessein, et l'ayant trouvé aussi instruit au bout de deux mois que s'il y eût employé plusieurs années, il comprit que Dieu voulait se servir de lui pour procurer sa gloire.
En effet, un de ses frères était arrivé à Carthagène sur la même flotte que lui, sans que ni l'un ni l'autre en eussent eu connaissance. Au bout de quelque temps, ils se rencontrèrent dans la ville ; et l'aîné, qui était déjà converti, voulant rendre son cadet doublement son frère par les liens de la même foi, lui parla avec beaucoup de force de la grâce que Dieu lui avait faite en l'appelant à la vraie religion. Celui-ci, aussi surpris qu'indigné d'un tel discours, lui répondit avec mépris qu'il n'avait qu'à vivre à sa façon, mais que pour lui, étant né musulman, il voulait mourir bon musulman. Le chrétien alla aussitôt raconter son aventure au P. Claver, et lui témoigner le peu d'espérance qui lui restait de gagner son frère. Le saint homme lui promit d'avoir recours à Dieu et le pria de lui amener ce frère le plus tôt qu'il lui serait possible. L'occasion s'en présenta bientôt. Le chrétien l'ayant rencontré peu de jours après, lui dit qu'il n'y avait personne à Carthagène à qui il eût autant d'obligation qu'au P. Claver, et que leurs intérêts devant être communs, il le conjurait de venir avec lui le remercier de ses bienfaits. Le mahométan, qui était rusé et défiant, répondit qu'il ne pouvait regarder comme un bienfait ce qui était un attentat contre sa loi. Attiré cependant peu à peu par tout ce qu'on lui dit des vertus et de la bonté du saint missionnaire, il se décida à aller le trouver.
Le Père, comme s'il eût entendu leur conversation, aborda le musulman avec une douceur angélique ; et, pour ne le pas effaroucher, affecta même de ne lui point parler de religion. Après l'avoir tendrement embrassé, il lui demanda comment il se trouvait à Carthagène, quel traitement il recevait de son maître et à quel emploi on l'occupait. Faisant ensuite tomber adroitement le discours sur son frère, il lui fit de grands éloges de ses bonnes qualités, lui représenta la consolation qu'il goûtait dans la nouvelle religion qu'il avait embrassée, et l'exhorta enfin à participer à son bonheur. Le Maure l'écoutait tranquillement, étonné lui-même de sa propre patience. Le Père, le voyant déjà ébranlé, lui présente tout à coup un crucifix, lui parle avec force, et lui ordonne de se jeter sans différer entre les bras d'un Sauveur qui avait tant fait et tant souffert pour son salut. Frappé comme d'un coup de foudre, le musulman se prosterne en tremblant, et promet au saint homme de revenir au plus tôt le voir. Le Père, croyant en avoir assez fait pour une première fois, le laissa aller. Depuis cette entrevue, le Maure eut bien des tentations à surmonter, et le démon fit tous ses efforts pour le retenir sous son empire ; mais enfin la grâce triompha et, peu de temps après, il reçut le baptême avec de grandes marques de foi et de piété.
Le Père dut souvent acheter plus chèrement ses conquêtes…
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Re: Saint Pierre Claver.
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A suivre : IX. Ses travaux dans les prisons.
VIII. Il entreprend la conversion des mahométans.(suite)
Le Père dut souvent acheter plus chèrement ses conquêtes ; et on ne saurait dire tout ce que lui coûta l'opiniâtreté presque invincible de ces mahométans. Il fut vingt-deux ans entiers avant que de trouver accès dans l'âme d'un forçat turc qu'il avait entrepris de convertir ; il l'avait presque abandonné; mais, ayant appris que le malheureux était à l'extrémité, il alla le retrouver et lui parla cette fois avec tant de force et d'efficacité, qu'il l'amena à demander le baptême. « Il n'y a point d'autre loi que celle de JÉSUS-CHRIST, dans laquelle je veux vivre et mourir, s'écria le néophyte. Maudite soit la loi du faux prophète Mahomet, aussi bien que tous ceux qui la suivent. »
Il employa trente ans à combattre l'obstination d'un autre Turc qui servait dans la maison du gouverneur, et il n'en triompha qu'après un prodige singulier. Cet homme étant allé couper du bois sur les montagnes voisines, vit ou crut voir en songe la Reine du ciel, qui, en lui montrant le P. Claver, lui dit d'un ton sévère : « Pourquoi ne fais-tu pas ce que celui-ci te dit ? Pourquoi ne te convertis-tu pas ? » La vision disparut, et la première personne qu'il rencontra en revenant fut le Père lui-même, qui à son ordinaire le pressa de se convertir. Ébranlé, il changea de couleur ; mais il ne se rendit pas encore et passa rapidement son chemin sans faire semblant d'entendre ce qu'on lui disait. Il fallut un nouveau prodige de charité pour dompter ce naturel féroce. Vers le même temps on condamna un criminel à mort, et comme il ne se trouvait point d'exécuteur, on voulut obliger le Turc à en faire l'office. Celui-ci ne pouvant s'y résoudre, s'enfuit et se retira au château de Sainte-Croix, sous la protection de quelques personnes puissantes. On le découvrit bientôt et on le força à faire l'exécution, pour laquelle il avait tant de répugnance que, sans un peu de biscuit trempé dans le vin que le Père lui donna avec beaucoup de bonté, il serait tombé en faiblesse. Mais la tendresse, la charité, le zèle du serviteur de Dieu à l'égard du criminel même, qu'il était chargé d'assister à la mort, portèrent le dernier coup au cœur du musulman. Persuadé enfin que la loi que professait un si saint homme était la seule véritable, il vint, dès le soir même de l'exécution, se jeter à ses pieds et se mettre entre ses mains. Peu de jours après il fut baptisé dans la cathédrale avec toute la solennité possible.
Il serait impossible de dire combien le P. Claver convertit de mahométans ; mais ce qu'on peut assurer, c'est que presque aucun de ceux qui de son temps vinrent à Carthagène, ne put résister à l'esprit de Dieu qui agissait en lui. Peu content d'aller les chercher dans le lieu de leur demeure, il prenait après le repas les clefs du portier, pour avoir occasion de gagner quelque âme à Dieu. C'était une de ses récréations les plus ordinaires; et comme parmi les pauvres à qui il donnait à manger, il se trouvait souvent des hérétiques ou des musulmans réduits à la dernière misère, en les soulageant dans leur faim et dans leur soif, il avait la consolation de rassasier celle qu'il avait lui-même de leur salut. Il les servait le plus souvent à genoux, et ces malheureux, touchés de son humilité et de sa douceur, entraient enfin dans tous les sentiments qu'il s'efforçait de leur inspirer.
A suivre : IX. Ses travaux dans les prisons.
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Re: Saint Pierre Claver.
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A suivre : X. Il assiste plusieurs criminels à la mort; ses succès dans ce ministère.
IX. Ses travaux dans les prisons.
Son zèle n'eût pas été satisfait, si quelque misérable lui eût échappé. Il trouva donc le moyen de pénétrer dans les cachots les plus profonds et les plus abandonnés. Quand il allait visiter des prisonniers, il les excitait à la patience et au repentir de leurs crimes; et lorsqu'il les trouvait suffisamment disposés, il les confessait comme pour mourir. Ayant banni des prisons les jurements, les inimitiés et les querelles, il avait chargé un des prisonniers les plus dociles de l'informer exactement de tous ceux qui retomberaient dans ces sortes de fautes, pour leur en faire une sévère correction. La prière s'y faisait tous les jours en public, et le soir tous les prisonniers s'assemblaient pour réciter les litanies de la sainte Vierge. Il avait plus d'attention encore pour ceux qui étaient retenus dans les cachots: il allait s'y renfermer avec eux et ne les quittait point qu'il ne leur eût donné quelque consolation.
Il n'est aucune espèce de service qu'il ne s'efforçât de rendre à ces malheureux. Non content d'avoir chargé un vertueux licencié, nommé Jean Sanchez, de se faire spécialement leur protecteur, il allait lui-même trouver, tantôt les procureurs et les greffiers, pour les engager à expédier promptement les affaires de ceux qui languissaient dans la prison, tantôt les avocats les plus habiles, pour les exhorter à prendre leur cause en main, tantôt les juges mêmes, pour les conjurer de terminer au plus tôt les procès, sans faire attendre si longtemps des misérables. Dans les causes criminelles, il se contentait de demander simplement tout ce qui ne blessait pas absolument la justice. S'il apprenait qu'un criminel était l'objet de poursuites de la part d'un particulier, il allait chez celui-ci pour l'engager à se désister, et ne manquait pas de lui représenter qu'il y avait beaucoup plus de risque pour lui à poursuivre une vengeance qui pourrait lui devenir funeste, qu'il n'y en avait pour le coupable à subir une peine qui pouvait lui devenir méritoire.
A suivre : X. Il assiste plusieurs criminels à la mort; ses succès dans ce ministère.
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Re: Saint Pierre Claver.
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X. Il assiste plusieurs criminels à la mort; ses succès dans ce ministère.
On ne peut douter qu'il n'eût une grâce singulière pour adoucir aux criminels leur sentence de mort. Dès que quelqu'un d'eux était condamné, on l'envoyait chercher. Il accourait sans différer, embrassait le criminel avec tendresse, et lui mettant son crucifix entre les mains:« Ah! mon cher frère, lui disait-il, voici la planche que Dieu vous offre dans votre naufrage; et il n'y a point pour vous d'autre moyen d'échapper à la tempête. Que je serais heureux si je pouvais, comme vous, savoir l'heure de ma mort ! Nous devons tous aboutir au même terme, un peu plus tôt, un peu plus tard ; qu'importe après tout? »
Il lui apprenait ensuite à faire une confession générale; et comme il ne manquait jamais de porter avec lui des instruments de mortification, il l'engageait à joindre une pénitence volontaire à celle qu'on lui faisait subir de force.
Le jour destiné à l'exécution, il rassemblait tous les prisonniers, récitait un évangile en mettant la main sur la tête du criminel, leur disait la messe et leur faisait chanter les litanies de la sainte Vierge à l'intention de ce malheureux. Il y ajoutait une exhortation si pathétique, qu'il arrachait des larmes de tous les yeux. S'approchant ensuite de son patient, il l'engageait à demander pardon aux autres prisonniers, à se recommander instamment à leurs prières et même à leur faire lui-même quelque instruction, s'il était en état de la faire. Arrivé au lieu du supplice, il lui faisait baiser tous les échelons du gibet, comme autant de degrés qui devaient le conduire au ciel: il arrosait d'eau bénite, et le criminel, et l'instrument de son supplice: quand il le voyait faible et abattu, il lui essuyait le visage avec son mouchoir; il lui faisait prendre du biscuit, des rafraîchissements et quelque liqueur propre à le conforter: il n'est, en un mot, aucun secours qu'il ne se mît en devoir de lui procurer. L'exécution finie, il faisait entonner solennellement des prières pour l'âme du mort, par la musique de la cathédrale qu'il avait soin de faire venir à ce dessein : il se retirait enfin si convaincu du bonheur de presque tous ceux qu'il assistait, qu'un jour en parlant de quelques personnes qui avaient livré un criminel entre les mains de la justice: « Dieu leur pardonne, dit-il, mais ils ont assuré le salut de cet homme, au risque de se perdre eux-mêmes. » Aussi la plupart regardaient-ils comme une grâce de mourir entre les mains du saint homme. Les plus indomptables devenaient doux comme des agneaux, dès qu'il leur parlait ; et au lieu de leurs emportements ordinaires, on n'entendait plus que leurs soupirs et que le bruit des disciplines sanglantes qu'ils se donnaient avant que de sortir de la prison pour être exécutés.
Un capitaine espagnol ayant été condamné au feu, comme faux-monnayeur, demanda le P. Claver…
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Bienheureux l'homme qui souffre patiemment la tentation, parce qu'après avoir été éprouvé, il recevra la couronne de vie, que Dieu a promise à ceux qui l'aiment. S. Jacques I : 12.
Louis- Admin
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Re: Saint Pierre Claver.
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X. Il assiste plusieurs criminels à la mort; ses succès dans ce ministère.(suite)
Un capitaine espagnol ayant été condamné au feu, comme faux-monnayeur, demanda le P. Claver pour se mieux préparer à paraître devant Dieu. Quelque temps avant sa condamnation, le saint homme avait déjà su si bien le disposer à la mort que, le jour même qu'on lui prononça sa sentence, il écrivit sur son livre de prières ces paroles si touchantes: « Ce livre est à l'homme le plus heureux du monde : la justice livre son corps à la mort, pour sauver son âme. Je prie celui entre les mains de qui il tombera de me recommander à la divine miséricorde. J'ai péché, ô mon Dieu! et je mérite, non une seule mort, mais mille: ma plus grande douleur est de n'en avoir pas une aussi forte que je devrais l'avoir, après toutes les offenses que j'ai commises contre vous. »
Il devait être étranglé avant que d'être jeté au feu : la corde rompit au premier tour; le Père, le voyant tomber à terre, courut à lui et le prit entre ses bras. Tandis qu'il le tenait le visage tendrement serré contre le sien, l'exécuteur passa une autre corde au cou du criminel ; ce qui fît dire à des religieux venus eux aussi pour assister le condamné que le Père avait contracté une irrégularité.
« A la bonne heure, répondit Claver animé d'un saint zèle, pourvu qu'à ce prix, je sauve une âme: mais non, je ne puis être irrégulier pour une telle action. »
La corde s'étant rompue une seconde fois, le Père fit encore la même chose; et quoique, par ces efforts redoublés, le visage du patient fût devenu hideux à effrayer ainsi qu'il parut un moment après, le saint homme ne cessa point de l'embrasser et de lui parler, jusqu'au moment où il expira dans les sentiments les plus chrétiens. Un des religieux qui avaient été présents, frappé de son zèle, de sa charité et de l'extrême pauvreté qui paraissait dans toute sa personne, s'écria dans un transport d'admiration : « Voilà un vrai religieux, et qui nous apprend à l'être! »
Le comte de Castel-Mayor, accusé d'avoir voulu se rendre maître de Carthagène, fut arrêté par ordre de la cour, et conduit au château de Sainte-Croix : mais il trouva bientôt le moyen de s'enfuir vers deux navires portugais escortés de deux autres vaisseaux hollandais venus sur les côtes pour favoriser son dessein. Cependant un sergent et un autre Portugais, ayant été soupçonnés d'avoir contribué à l'évasion, furent condamnés à passer par les armes. Pour se décharger eux-mêmes, ils en avaient faussement accusé d'autres. Le P. Claver les détermina à se rétracter avant l'exécution. Dès qu'ils furent tombés par terre, voyant qu'ils respiraient encore, il courut à eux pour les soutenir dans leurs bonnes résolutions ; et il ne les quitta point, tant qu'il leur resta un souffle de vie.
Souvent on l'a vu chargé d'assister seul plusieurs criminels à la fois…
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Re: Saint Pierre Claver.
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A suivre : LIVRE QUATRIÈME.
X. Il assiste plusieurs criminels à la mort; ses succès dans ce ministère.(suite)
Souvent on l'a vu chargé d'assister seul plusieurs criminels à la fois et même jusqu'à trente, sans que rien pût ralentir la vivacité de son zèle ni qu'aucun d'eux résistât à ses charitables remontrances. Cinq nègres fugitifs ayant été repris, furent tous condamnés à mort pour servir d'exemple aux autres. Le P. Claver ne manqua pas d'aller secourir ses chers esclaves; et après les avoir confessés, il les disposa à mourir chrétiennement. Un d'entre eux, qui était encore païen, touché de l'exemple de ses compagnons et plus encore de la charité du saint missionnaire, voulut se convertir à la foi et demanda le baptême. Ainsi la justice humaine fut pour lui la source précieuse de la miséricorde divine, et dans sa condamnation même il trouva son salut.
Quand il était malade, et même dans la dernière infirmité qui le conduisit au tombeau, le Père Claver se faisait porter aux prisons pour ne pas abandonner des malheureux dont seul il savait venir à bout. Il y fut un jour appelé pour un Maure que l'arrêt de sa condamnation, avait rendu furieux; dès la première fois qu'il lui parla, il sut si bien l'adoucir et le laissa si disposé à souffrir la mort en punition de ses crimes, que quand d'autres religieux vinrent ensuite pour l'assister jusqu'au lieu du supplice, ils le trouvèrent qui se déchirait le corps à grands coups de discipline, ne soupirant plus qu'après le moment où il espérait aller voir son Dieu.
Les plus obstinés scélérats ne résistaient pas à l'esprit de Dieu dont il était animé. Un Espagnol, depuis longtemps si pauvre et si abandonné qu'il ne savait quel parti prendre, trouva enfin un asile dans la maison d'un vertueux capitaine qui le traita comme son fils. Peu de jours après, ce malheureux portant l'ingratitude et la barbarie jusqu'aux derniers excès, assassina son bienfaiteur et emporta tout l'argent qu'il put trouver dans la maison. Dieu ne laissa pas un tel crime impuni : l'assassin tomba bientôt entre les mains de la justice, qui le condamna à mort. Il apprit sa sentence en désespéré: mais à peine le P. Claver se fut-il approché de lui, que ses cris et ses fureurs changèrent en soupirs et en sanglots. Avant que d'être exécuté, il demanda les plus cruels supplices comme une grâce; et dans tout le temps qu'il vécut encore, il donna de si vives marques de repentir et de douleur, que sa mort arracha des larmes à ceux-mêmes que son crime avait le plus irrités.
A suivre : LIVRE QUATRIÈME.
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Re: Saint Pierre Claver.
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LIVRE QUATRIÈME
Il semble qu'il y ait eu, dans ce qu'on a rapporté jusqu'ici, de quoi occuper le zèle, et épuiser les forces de vingt ouvriers évangéliques ; mais Claver suffisait à tout. Au milieu des fatigues excessives que lui causait le soin des malades, des hérétiques et des prisonniers, il n'oubliait jamais les nègres. Outre ceux qui ne font, pour ainsi dire, que débarquer à Carthagène, et qu on distribue ensuite dans toute l'Inde, il y en a un très grand nombre qui demeurent dans la ville, pour le service des particuliers, ou qui sont répandus dans le territoire d'alentour, pour y être employés aux travaux domestiques. Ces derniers forment différentes petites peuplades gouvernées par les Espagnols: ils ont d'autant plus besoin d'attention et de secours, qu'ils sont plus éloignés de tout commerce avec les chrétiens des villes; ce furent aussi ceux dont le saint missionnaire prit le plus de soin. Il eût bien voulu les conquérir tous à JÉSUS-CHRIST, au moment même de leur débarquement, et avant qu'ils fussent dispersés aux environs de Carthagène; mais il manquait souvent de bons interprètes; et c'est ce qui arrêtait malgré lui son zèle et ses travaux apostoliques.I. Il trouve de quoi acheter des interprètes ; manière dont il les forme, ses soins pour eux.
Pour remédier à cet inconvénient, il avait appris la langue d'Angola, qui est la plus facile et la plus étendue de toutes. Mais elle ne lui suffisait pas, pour tant de nations différentes ; d'ailleurs les interprètes qu'il gageait à Carthagène lui faisaient souvent défaut, soit par leur propre négligence, soit par la dureté intéressée de leurs maîtres qui les lui refusaient. Il prit donc le parti d'acheter des nègres pour le service de la maison, dans l'espérance d'en faire peu à peu des interprètes habiles et laborieux. Il fallait pour ce dessein des ressources que le collège n'était pas en situation de lui fournir: mais Dieu lui fit trouver des aumônes abondantes, et sembla même autoriser son zèle en ce point par des événements qui tiennent du miracle. Ayant appris qu'un marchand de ses amis était sur le point de partir pour la traite des nègres, il lui remit une somme d'argent pour acheter trois esclaves des plus dociles et des plus capables d'instruction, en l'assurant que Dieu ne l'abandonnerait pas, et que cet argent devant servir à la conversion d'une infinité d'âmes, pourrait être la cause de son salut à lui-même.
Le commencement du voyage fut assez heureux…
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Re: Saint Pierre Claver.
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I. Il trouve de quoi acheter des interprètes ; manière dont il les forme, ses soins pour eux.(suite)
Le commencement du voyage fut assez heureux pour le marchand, mais quand il fut à la vue des côtes de Guinée, il s'éleva tout à coup une si furieuse tempête, que les galions du roi, sur l'un desquels il s'était embarqué, furent dispersés en un moment, et que celui qui le portait alla donner avec impétuosité contre un rocher. Déjà le navire était à moitié brisé, on avait jeté à la mer une partie de la charge, et l'équipage cherchait inutilement à se tirer de ce péril. Dans cette extrémité, le marchand se ressouvient de l'argent que le P. Claver lui avait confié ; il se dépouille de tout, ne conservant autour de lui que le linge où il avait enfermé ce trésor, et plein de confiance en Dieu et dans les mérites de son serviteur, il se lance au milieu de la mer.
Malgré tous les efforts qu'il faisait pour se sauver à la nage, il se voyait sur le point d'être englouti par les flots, lorsqu'il aperçut tout à coup une monstrueuse écaille de tortue que la Providence semblait lui envoyer, comme autrefois elle envoya une baleine pour sauver le prophète Jonas: il résolut de s'en servir comme d'une espèce d'esquif pour gagner le rivage; et après avoir été pendant plusieurs heures le jouet de la fureur des vents et de la mer, il aborda enfin sain et sauf, mais absolument dénué de tout, et n'ayant pour toute ressource que l'argent du P. Claver. La tentation était délicate, vu l'état déplorable où il se trouvait réduit, mais sa fidélité fut plus grande encore, et il aima mieux s'exposer à manquer du nécessaire, que de manquer à exécuter la commission dont il était chargé. Il acheta les trois nègres qui lui parurent les plus habiles et les plus intelligents, et il ne douta point que si l'argent même du saint homme avait été son salut dans son premier voyage, l'usage qu'il venait d'en faire ne fût sa sauvegarde à son retour. C'est ce qu'il écrivit lui-même au P. Claver, avant que de partir pour Carthagène. Il ne se trompa pas dans son espérance, et Dieu, content de sa fidélité, lui fut fidèle à son tour. Son voyage fut heureux, ses travaux furent bénis du ciel ; et en peu d'années il devint plus riche qu'il ne l'avait été.
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Ce fut ainsi qu'avec le secours de la Providence, le zélé missionnaire parvint à avoir sept nègres tous de différentes
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langues : mais que de soins et que de peines ne lui fallut-il pas encore pour les instruire et les former à instruire les autres! Il était souvent obligé…
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Re: Saint Pierre Claver.
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I. Il trouve de quoi acheter des interprètes ;
manière dont il les forme, ses soins pour eux.(suite)
…Il était souvent obligé d'employer plusieurs jours de suite pour apprendre à quelques-uns d'entre eux à faire seulement le signe de la croix. Il avait destiné à leur instruction quotidienne un temps déterminé, il n'y manquait jamais, et en consacrait la plus grande partie au dernier arrivé: il avait soin de les occuper tous à un travail proportionné à leurs forces; et le petit profit qui pouvait en revenir à la maison lui servait ensuite, ou à en acheter d'autres, ou à soulager les infirmes et ceux qui étaient hors d'état de travailler.
Sérieux et mélancolique par caractère, avec eux il était toujours gai et ouvert. Sans cesse attentif à leurs besoins, il leur demandait souvent s'ils étaient contents dans la maison, s'ils étaient bien traités et s'ils ne manquaient de rien. Quand ils étaient malades, la désolation de son cœur se peignait sur son visage : non content de les secourir en tout ce qui dépendait de lui, il avait recours aux plus habiles médecins ; et quoiqu'il ne leur parlât jamais de ses propres infirmités, pour ses chers interprètes il les sollicitait jusqu'à l'importunité. Un de ces malheureux étant affligé d'une fistule dont l'infection le rendait insupportable à tout le monde, le P. Claver, avec la permission de ses supérieurs, le logea dans sa propre chambre, et le coucha dans son lit. Tous les jours il lui portait lui-même à manger, il pansait ses plaies, le nettoyait, lui donnait tous les remèdes propres à le soulager; et pour être plus en état de le secourir, il couchait à terre au pied de son lit. Il le garda ainsi pendant quatre mois entiers : ce qu'il fit pour celui-ci, il le faisait pour les autres à l'occasion.
Tous ne répondaient pas toujours à sa tendresse: il y en eut un, entre autres, qui, pendant plusieurs années, lui fit souffrir une espèce de martyre continuel: mais quoi qu'il pût faire à son égard, jamais le saint homme pensa, ni à le renvoyer, ni même à s'en plaindre à qui que ce fût; le regardant comme une occasion précieuse que Dieu lui ménageait, pour exercer sa patience et pour épurer sa vertu, il s'était fait une loi de lui marquer une affection particulière ; dans toutes les affaires les plus importantes il prenait ses conseils, il lui confiait tout ce qui l'intéressait le plus ; et il ne se vengea de ses duretés que par des soins plus empressés.
On a vu ailleurs quelle était son affliction quand…
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Re: Saint Pierre Claver.
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A suivre: II. Ses missions aux environs de Carthagène.
I. Il trouve de quoi acheter des interprètes ;
manière dont il les forme, ses soins pour eux.(suite)
On a vu ailleurs quelle était son affliction quand il perdait quelque nègre: mais quand la mort lui enlevait un de ses interprètes, il était désolé, jusqu'à avoir besoin de consolation, et il recevait avec une extrême sensibilité les compliments de condoléance qu'on a coutume de faire en ces occasions. Il leur faisait faire des obsèques magnifiques, et il y invitait un grand nombre de prêtres et de religieux étrangers. Dans les enterrements de nègres, il avait coutume de dire lui-même la messe : mais quand il s'agissait de ses interprètes, sa douleur lui étouffait la voix, il n'avait plus de force que pour porter la croix ; et durant tout le service on le voyait fondre en larmes.
Ce fut avec le secours de ces hommes formés de sa main, qu'il exerça la plus grande partie de ses fonctions apostoliques auprès des autres nègres, et que ses travaux furent couronnés de tant de succès. On ne sait pas précisément combien il en baptisa : ce qui est certain, c'est que le nombre en fut très considérable. Un religieux l'ayant interrogé sur cet article, quelque temps avant sa mort, il lui répondit qu'il lui semblait en avoir baptisé plus de trois cent mille : mais comme son humilité le portait toujours à diminuer le nombre de ses bonnes œuvres, des gens dignes de foi ont assuré qu'il en avait baptisé au moins quatre cent mille. Quel triomphe dans le ciel, quand un ouvrier évangélique y entre accompagné de tant de mérites, précédé ou suivi de tant de milliers d'âmes à qui il a ouvert l'entrée de cet heureux séjour!
A suivre: II. Ses missions aux environs de Carthagène.
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Louis- Admin
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Re: Saint Pierre Claver.
II. Ses missions aux environs de Carthagène.
Malgré tous les soins qu'il prenait des pauvres esclaves, jamais il ne croyait en faire assez, pour remplir auprès d'eux tout son apostolat. Les missions d'après Pâques succédaient ordinairement aux occupations laborieuses du carême, et on eût dit qu'il y reprenait de nouvelles forces. Quelque temps qu'il fit, il s'y rendait toujours à pied, sans que ni les pluies, ni les orages, ni les chaleurs excessives pussent retarder un moment ses courses apostoliques. Le salut des âmes lui tenait lieu de nourriture, et il demeurait sans jamais rien prendre jusque vers l'heure de midi où il disait la messe.
Muni de tous les pouvoirs des ordinaires, pour absoudre les cas réservés, pour réhabiliter les mariages invalides et pour exercer toutes les autres fonctions d'un missionnaire, il se mettait en marche sans autres provisions que sa confiance en la Providence. Il prenait avec lui un interprète nègre, à qui il obéissait comme à son supérieur, et avec qui il partageait son petit bagage, consistant en ornements nécessaires pour dire la messe et en quelques chapelets, ou autres petits objets de dévotion à distribuer. Il lui fallut en mille occasions franchir des montagnes escarpées, grimper sur des rochers tout hérissés d'épines, traverser des ravines pleines de boue et de grandes marres d'eau: mais tout cela ne faisait qu'augmenter son courage, et redoubler sa reconnaissance pour ceux qui voulaient bien lui donner le moyen de travailler ainsi pour la gloire de son Dieu et le salut de ses frères.
Un jour, prêt à se mettre en route dans un temps d'orage et par des chemins affreux, il alla demander à un supérieur ecclésiastique les pouvoirs qui lui étaient nécessaires, et les ayant obtenus, à son retour il alla lui rendre les plus humbles et les plus sincères actions de grâces, comme si effectivement toute la grâce eût été pour lui et qu'on ne dût lui avoir aucune obligation de ses peines. L'ecclésiastique lui ayant alors demandé comment il s'était trouvé dans sa mission : « Fort bien, répondit-il en souriant, car le fruit a été grand, et le travail proportionné au fruit. » Aussi avait-il été souvent obligé de marcher ayant de l'eau et de la boue jusqu'aux genoux, et de se frayer un chemin au travers des broussailles et des épines qui avaient ensanglanté ses pieds, ses mains et son visage.
Dès qu'il était arrivé au lieu de sa mission, s'il y avait quelque chapelle ou oratoire, il y entrait, pour demander à Dieu la grâce de le seconder dans son travail : sinon, il se mettait à genoux au pied d'une grande croix qu'il faisait planter au milieu de la cour ; et là il implorait avec ferveur JÉSUS-CHRIST crucifié pour le salut de tant d'âmes qui couraient risque de se perdre, faute d'instruction et de secours. Ensuite, après avoir humblement salué tout le monde, s'il y avait dans la maison quelques nègres malades ou accablés de vieillesse, il se rendait à leurs loges pour leur donner des rafraîchissements, ou leur administrer les sacrements, en cas de nécessité. En passant ainsi de loge en loge, il cherchait la plus mauvaise et la plus pauvre pour y faire sa demeure.
Aux approches de la nuit…
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