Grand schisme d'Occident...

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Message  Louis Dim 04 Aoû 2013, 2:58 pm

Élection de Grégoire XII.
Ses négociations avec Pierre de Lune
pour la réunion ne paraissent pas sincères.


(suite)

Il y a toute apparence qu'il en usait alors avec sincérité et qu'il avait un vrai dessein de faire finir le schisme; car, après ses repas, s'entretenant familièrement avec ses domestiques, il leur disait souvent que, pour certain, il ne tiendrait pas à lui qu'on ne travaillât à la réunion, en quelque lieu et à quelque distance de Rome qu'il fallût aller pour la faire ; que, si on manquait de galères ou de bâtiments convenables pour l'y transporter, il serait prêt à entrer dans un esquif ou dans une chaloupe pour s'y rendre ; que, s'il fallait faire le voyage par terre, le manque de chevaux et de voiture ne l'arrêterait pas, et qu'il marcherait le bâton à la main 2.

De plus, afin de donner des preuves publiques de la droiture de ses intentions pour la paix, il écrivit à Benoît, son concurrent, à ses cardinaux, à tous les rois, princes, républiques et universités du Christianisme, qu'il était disposé à se démettre du pontificat si, Benoît s'en démettant aussi, on donnait aux cardinaux de l'une et l'autre obédience la liberté de s'assembler pour élire en commun un troisième Pontife, que tous les membres du corps de l'Église auraient pour chef. Léonard Arétin, secrétaire de Grégoire, assure avoir écrit lui-même ces lettres 3.  

Mais, lorsqu'il fut question de s'acquitter de toutes ces belles promesses, et Grégoire, et Benoît, qui, dans ses réponses, avait aussi paru très-disposé à la cession, ne voulurent plus tenir parole et ne firent que se jouer de la crédulité des princes et des peuples, en la manière qui suit.

Les deux prétendants…

______________________________________________

2 Id., ibid., n. 13. — 3  Id., ibid.,  n. 14.
 
A suivre : Efforts des anciens cardinaux des deux obédiences pour procurer la réunion. Ils tiennent le concile de Pise et élisent Alexandre V, qui meurt peu après.

_________________
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Message  Louis Lun 05 Aoû 2013, 6:45 am

Efforts des anciens cardinaux des deux obédiences
pour procurer la réunion.
Ils tiennent le concile de Pise
et élisent Alexandre V, qui meurt peu après.

Les deux prétendants convinrent de Savone, ville maritime dans le voisinage de Gênes, pour le lieu du congrès. Benoît s'y rendit, avec ses cardinaux, au temps marqué. Grégoire, commençant à prendre goût au gouvernement, ou plutôt ayant plusieurs neveux qui n'avaient pas encore fait leur fortune, fit paraître beaucoup de répugnance à prendre le chemin de Savone. Il s'avança pourtant jusqu'à Sienne, d'où, après quelques mois de séjour, il se rendit à Lucques, et Benoît à Porto-Vénéré. Mais il n'y eut pas moyen de les faire approcher plus près l'un de l'autre, pendant que, pour en imposer, ils faisaient semblant de négocier par leurs envoyés touchant les assurances qui étaient à prendre, dans la conjoncture 1.

Cependant Grégoire fit une promotion de quatre cardinaux, entre lesquels deux de ses neveux. Cette promotion, faite contre le serment qu'il avait prêté de ne mettre aucun nouveau sujet dans le sacré collège, acheva de convaincre tout le monde, surtout les cardinaux de son obédience, que tout ce qui se passait entre lui et Benoît n'était que collusion et artifice. Ainsi chacun prit son parti à cet égard : la France, celui de la neutralité, dans lequel presque toutes les autres nations chrétiennes entrèrent par la suite ; les cardinaux des deux obédiences, qui s'étaient réunis à Livourne, prirent le parti d'un concile général, qu'ils indiquèrent à Pise 2.

Benoît, ayant appris la résolution adoptée en France touchant la neutralité, employa, dans une de ses lettres au roi, les prières et même les menaces pour l'en faire désister ; mais cela n'empêcha pas qu'elle ne fût publiée, avec ordre d'arrêter Benoît partout où l'on pourrait le prendre. Sur la nouvelle qu'il en eut à Porto-Vénéré il prit la fuite vers l'Espagne. Y étant arrivé et y ayant appris que les cardinaux des deux obédiences, qui s'étaient unis, avaient indiqué un concile à Pise, il en indiqua un lui-même à Perpignan et créa seize cardinaux à cette occasion.

Les Pères qui formaient le concile de Perpignan…

___________________________________________

1 Th. de Niem, l. 3, c. 28. Sommier, t. 6. — 2 Labbe, t. 11, p, 2114, 2140, 2146.

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Message  Louis Lun 05 Aoû 2013, 11:22 am

Efforts des anciens cardinaux des deux obédiences
pour procurer la réunion.
Ils tiennent le concile de Pise
et élisent Alexandre V, qui meurt peu après.


(suite)

Les Pères qui formaient le concile de Perpignan étaient au nombre d'environ vingt-six. Benoît voulait avoir leur sentiment sur ce qu'il avait à faire dans l'état déplorable où était l'Église. La division s'étant mise parmi eux, ils se séparèrent sans rien conclure, à la réserve de dix-huit, qui, dans une dernière séance, supplièrent Benoît de considérer que, pour parvenir à mettre l'union dans l'Eglise, la voie de la renonciation était préférable à toutes les autres. Ils lui conseillaient d'offrir de la prendre, non-seulement au cas que son adversaire la prît aussi ou qu'il vînt à mourir, mais encore au cas qu'il fût déposé ; qu'il donnât plein pouvoir à des députés de sa part pour traiter et terminer cette affaire, jusqu'à la renonciation inclusivement; qu'il mît ordre à ce qu'après sa mort, si elle arrivait avant la réunion, le schisme ne pût continuer. Ces avis étaient sages ; Benoît les agréa et les accepta par un acte public qu'il souscrivit et fit souscrire par l'assemblée 1.

Grégoire, de son côté, voulut aussi opposer un concile à celui que les anciens cardinaux des deux obédiences avaient indiqué à Pise ; il déclara qu'il se tiendrait dans la province d'Aquilée ou dans l'exarchat de Ravenne, dont le lieu serait désigné dans un autre temps. Ce fut la ville d'Udine, au diocèse d'Aquilée, qu'il marqua pour cette assemblée 2. Peu après il créa neuf cardinaux, ou même dix.

Cependant les anciens cardinaux des deux obédiences réunies avaient fixé la tenue du concile de Pise pour le 25 mars 1409 ; ils y avaient fait citer les deux prétendants; en même temps ils avaient envoyé dans toutes les cours des princes chrétiens les prier de ne plus tenir le parti ni de l'un ni de l'autre et de protéger le concile qui allait mettre fin au schisme.

Plusieurs grands personnages étaient d'avis qu'on ne pouvait point tenir de concile général sans l'autorité du Pontife romain.; mais les cardinaux réunis prétendirent que, sans donner aucune atteinte au droit, on le pouvait dans le cas présent:

1° parce qu'il n'y avait point de Pape certain ;

2° parce que ni l'un ni l'autre des prétendants ne pouvait convoquer une assemblée qui fût générale, n'étant ni l'un ni l'autre reconnu généralement pour Pape;

3° parce que, le Saint-Siège étant vacant, comme il était censé l'être dans le doute où l'on se trouvait relativement au vrai Pontife, il appartient aux cardinaux d'en élire, un qui soit certain ;

4° parce qu'il n'était pas question de rien décider touchant la foi, mais seulement de détruire un schisme auquel les deux prétendants mêmes avaient consenti qu'on mît fin, avec promesse et serment qu'à cet effet ils se démettraient de la dignité douteuse dont ils étaient revêtus.

La plus grande partie des évêques et des princes chrétiens approuvèrent ces raisons, et le concile commença dans l'église cathédrale de Pise au jour, déterminé par les cardinaux réunis.

Il s'y trouva…

________________________________________________

1 Id., t. 11, p. 2109 et seqq. — 2 Raynald, ann. 1408, n. 67.

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Message  Louis Mar 06 Aoû 2013, 7:12 am

Efforts des anciens cardinaux des deux obédiences
pour procurer la réunion.
Ils tiennent le concile de Pise
et élisent Alexandre V, qui meurt peu après.


(suite)

Il s'y trouva d'abord quinze cardinaux; leur nombre s'accrut dans la suite jusqu'à vingt-deux, et même jusqu'à vingt-quatre, selon quelques auteurs. Les patriarches titulaires d'Alexandrie, d'Antioche, de Jérusalem, et celui de Grade ou d'Aquilée y assistèrent, avec cent quatre-vingts archevêques et évêques, environ trois cents abbés, et presque autant de docteurs en théologie. Les rois des Romains, de France, d'Angleterre, de Sicile, et plusieurs autres princes souverains y avaient leurs ambassadeurs.

Dans les premières sessions, après les prières et les: cérémonies accoutumées, on cita les deux prétendants au souverain pontificat, savoir Pierre de Lune, dit Benoît XIII, et Ange Corrario, dit Grégoire XII, à ce qu'ils eussent à comparaître au concile, y dire leurs raisons et subir le jugement qui serait rendu en conséquence. Comme, après ces citations juridiques, ils ne parurent point, ni personne de leur part, on les déclara contumaces, et les promoteurs du concile requirent qu'ils fussent privés l'un et l'autre de la dignité papale ; que leurs adhérents fussent dépouillés de tous leurs emplois, offices et bénéfices ; que les réfractaires fassent abandonnés au bras séculier, et que les princes et les peuples fussent déclarés libres et détachés de leur obédience.

Le concile nomma ensuite des commissaires pour faire les informations et entendre les témoins qui devaient déposer contre.les prétendants. Le procès étant instruit, et le rapport en ayant été fait dans le concile en diverses séances, on prit un délai convenable pour porter le jugement.

Il fut prononcé le 5 juin par le patriarche d'Alexandrie, en présence d'une grande multitude de peuple qui était entrée dans l'église cathédrale, dont on avait laissé les portes ouvertes. Il portait que Pierre de Lune, dit Benoît XIII, et Ange Corrario, dit Grégoire XII, étaient des schismatiques et des hérétiques obstinés; qu'ils s'étaient écartés de la foi et rendus coupables des crimes énormes de parjure et de violement de vœux; que par là ils s'étaient rendus indignes de toute dignité et s'en étaient privés et dépouillés eux-mêmes; que le saint concile les rejetait aussi et les en privait, déclarant le Saint-Siège vacant, les princes et tout le peuple fidèle dégagés de leur obédience, défendant à toutes sortes de personnes, sous peine d'excommunication, de leur prêter faveur ou secours, et les livrant aux puissances séculières, eux et leurs adhérents, pour être réprimés et châtiés, s'ils refusaient d'obéir ; qu'il cassait et annulait toutes les procès dures, sentence, privations et dépositions faites par leur autorité, de même que les promotions de cardinaux qu'ils avaient faites depuis le 3 mai et le 5 juin de l'année
précédente 1.

Dans les sessions suivantes on prit des mesures pour procéder à l'élection d'un nouveau Pape…

___________________________________

1 Labbe, t. 11, p. 2126. 2

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Message  Louis Mar 06 Aoû 2013, 4:29 pm

Efforts des anciens cardinaux des deux obédiences
pour procurer la réunion.
Ils tiennent le concile de Pise
et élisent Alexandre V, qui meurt peu après.


(suite)

Dans les sessions suivantes on prit des mesures pour procéder à l'élection d'un nouveau Pape, et le concile en donna le pouvoir aux cardinaux des deux obédiences qui s'étaient réunis pour extirper le schisme, déclarant toutefois qu'il ne prétendait rien innover ni déroger au pouvoir du sacré collège touchant l'élection du Pontife romain.

Les cardinaux, au nombre de vingt-quatre, étant donc entrés en conclave, élurent pour souverain Pontife le cardinal Pierre de Candie, de l'ordre des Frères mineurs, qui prit le nom d'Alexandre V. Cette élection se fit le 26 juin 1409. Un auteur contemporain, Théodoric de Niem, qui vivait à la cour de ce Pontife, rapporte qu'il était né dans l'île de Candie, sous la domination des Vénitiens, et qu'étant au lit de la mort, dans un discours touchant qu'il fit à ses domestiques, il leur déclara qu'il n'avait jamais connu son père, ni sa mère, ni aucun frère ou parent, mais que, comme, dans son enfance, il mendiait son pain dans cette île, un religieux italien, de l'ordre de Saint-François, l'avait retiré auprès de sa personne, lui avait enseigné le latin, et, lorsqu'il avait été dans un âge compétent, lui avait fait prendre l'habit de l'ordre, et, voyant en lui un beau naturel, l'avait amené en Italie. Cet auteur ajoute que, quand il eut fait ses humanités, on l'envoya étudier à Oxford, en Angleterre, d'où il vint à Paris; il s'y rendit très-habile en philosophie et en théologie et reçut le bonnet de docteur. De retour en Italie il se fit connaître de Jean Galéas Visconti, duc de Milan, par le crédit duquel il devint successivement évêque de Plaisance, de Vicence, de Novare, et enfin archevêque de Milan. Le Pape Innocent VII le fit cardinal-prêtre en 1405. Il avait environ soixante-dix ans lorsqu’il fut élu Pape lui-même 1.

Le premier usage qu'il fit de son autorité pontificale fut de déclarer que les cardinaux des deux obédiences ne feraient qu'un seul sacré collège, et d'approuver toutes les procédures, jugements et règlements qu'ils avaient faits depuis leur union contre les deux prétendants. Il révoqua, au contraire, et annula toutes les censures portées contre quelque communauté ou quelque particulier que ce pût être par les Pontifes prétendus durant le schisme. Il confirma néanmoins toutes les provisions de bénéfices, les ordinations et les consécrations faites par les mêmes prétendants, à l'égard des personnes qui adhéreraient au présent concile, pourvu que l'administration en eût été faite d'une manière canonique et légitime.

Il indiqua la célébration d'un concile général pour le mois d'avril de l'année 1412...

_______________________________________________

1 Th. de Niem, 1,3,  de Schism. c. 52.

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Message  Louis Mer 07 Aoû 2013, 6:49 am


Efforts des anciens cardinaux des deux obédiences
pour procurer la réunion.
Ils tiennent le concile de Pise
et élisent Alexandre V, qui meurt peu après.

(suite)
Il indiqua la célébration d'un concile général pour le mois d'avril de l'année 1412, remettant à en indiquer le lieu un an avant sa tenue. Il déclara que ce concile ne serait que la continuation de celui de Pise, qui serait censé seulement suspendu jusqu'au temps marqué pour en reprendre et poursuivre les séances 1

Les erreurs de Wiclef ayant pénétré jusqu'en Bohême, un prêtre appelé Jean Hus s'en déclara le défenseur et le patron, et attira dans son parti tous les ecclésiastiques libertins ou mécontents de leur sort. L'archevêque de Prague fit le procès à ce novateur et fit brûler publiquement plus de deux cents volumes de la composition de Wiclef, que Jean Hus avait traduits en langue vulgaire. Celui-ci, continuant à soutenir et à répandre sa doctrine impie, fut dénoncé au Saint-Siège, et Alexandre V le condamna comme hérétique, avec ordre de le poursuivre en cette qualité et de l'arrêter avec tous ses adhérents, pour en tirer une punition exemplaire 2.

Par les intrigues de ce Jean Hus les nations saxonne, bavaroise et polonaise, furent dépouillées des droits dont elles jouissaient dans l'université de Prague, conjointement avec les Bohémiens. Les docteurs et les autres membres de l'Université qui étaient de ces trois nations se retirèrent pour la plupart à Leipsick, et, sous l'autorité de Frédéric le Belliqueux, margrave de Misnie, ils y fondèrent une célèbre académie, à laquelle Alexandre V accorda des privilèges 3.

Les meilleurs historiens s'accordent à dire que,  sauf  le reproche que lui fait un d'eux d'aimer un peu trop la bonne chère, Alexandre V avait toutes les grandes qualités requises dans un souverain Pontife ; qu'il était irrépréhensible dans ses mœurs, savant, prudent, généreux, charitable, intrépide et ferme dans l'exécution de ses bons desseins. Il avait résolu de travailler de toutes ses forces à réunir les Grecs avec l'Église latine, à ce que les bénéfices ecclésiastiques ne fussent donnés qu'à ceux qui en seraient dignes, à détruire la simonie, à faire observer les saints canons, à extirper absolument le schisme, à procurer la paix entre les princes chrétiens, à bannir le vice et à établir le règne de la vertu 1. Il faisait concevoir sur tout cela de grandes espérances dans l'Église, et il avait déjà commencé d'agir lorsque la mort l'enleva de ce monde, dans la ville de Bologne, où il avait passé de Pise, dans la soixante-onzième année de son âge, après dix mois et huit jours de pontificat. Il était attendu à Rome et il avait promis aux Romains de s'y rendre au plus tôt; mais il en fut empêché par les troupes du roi Ladislas, qui occupaient les chemins. Le bruit courut qu'il était mort de poison 2.

Pendant la célébration du concile de Pise Ange Corrario ou Grégoire XII…

_______________________________________________________________

1Labbe, t. 11, p. 2210 et seqq. — 2 Raynald, ann, 1409, n. 89.— 3 Calvisius, ad ann. 1409. — 1 Sommier, Hist. dogmatique du Saint-Siège, l. 12, t. 6. Oldoinus Ægïd. Viterb., Sigon., Platina, Blondus et alii. Raynald, ann. 1410, n. 17, avec la note de Mansi. — 2 S. Antonin, tit. 22, c. 5, § 3. Monstrelet, l. I, c. 62.
 
A suivre : Concile d’Udine, tenu par Grégoire XII.

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Message  Louis Mer 07 Aoû 2013, 2:19 pm

Concile d’Udine, tenu par Grégoire XII.

 Pendant la célébration du concile de Pise Ange Corrario ou Grégoire XII tint celui qu'il avait indiqué à Udine, au diocèse d'Aquilée. Il y eut peu d'évêques ; ceux mêmes des Etats de Venise n'avaient pas voulu s'y trouver, parce que la république, encore que Grégoire fût né son sujet, voulait adhérer au concile de Pise, qui cherchait à abolir le schisme, plutôt qu'à celui d'Udine, qui ne tendait qu'à le continuer. Dans cette assemblée d'Udine Grégoire fit publier un écrit par lequel il déclarait qu'il était dans la résolution de renoncer à la papauté pourvu que ses deux adversaires y renonçassent de même; qu'à cet effet il remettait à la volonté de Robert, roi des Romains, de Ladislas, roi de Sicile, et de Sigismond, roi de Hongrie, le choix du lieu où il se trouverait avec Pierre de Lune et Pierre de Candie, pour faire solennellement leur renonciation ; qu'au refus de ce moyen il demandait que ses adversaires consentissent à la tenue d'un concile général où ils se trouvassent en personne avec lui, afin de s'en tenir à ce qui serait décidé touchant leur sort; enfin que les trois princes susdits auraient plein pouvoir pour l'exécution de tous ces articles 3. Mais on regarda ces propositions de Grégoire comme celles qu'il avait faites captieusement par le passé, et on s'y arrêta d'autant moins qu'il y apposait des conditions impraticables, savoir le congrès des trois prétendants et le concours de trois rois ennemis jurés entre eux.

Au temps de la mort d'Alexandre V le sacré collège était composé de vingt-trois cardinaux…

_____________________________________________________

3 Th. de Niem, 1. 3, c. 45.
 
A suivre : Les cardinaux de l’obédience d’Alexandre V lui donnent pour successeur Jean XXIII. Ses premières actions.

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Message  Louis Jeu 08 Aoû 2013, 6:39 am

Les cardinaux de l’obédience d’Alexandre V
lui donnent pour successeur Jean XXIII.
Ses premières actions.

Au temps de la mort d'Alexandre V le sacré collège était composé de vingt-trois cardinaux ; il s'en trouva dix-sept à Bologne en état d'entrer au conclave, dans lequel, le quatrième jour, Balthasar Cossa, cardinal diacre du titre de Saint-Eustache, d'une illustre maison de Naples, fut choisi pour souverain Pontife. Il fut aussitôt installé dans la chaire pontificale sous le nom de Jean XXIII. Quelques écrivains l'accusent de s'être servi de moyens obliques pour parvenir au pontificat, comme d'avoir employé l'autorité du roi Louis d'Anjou, la violence et les menaces des troupes qu'il tenait à Bologne, où il était légat ; d'avoir distribué de l'argent aux cardinaux pauvres, et de s'être nommé lui-même à la papauté sans que personne eût osé lui contredire 1. Mais, dans tout ce qu'on lui objecta au concile de Constance, il est seulement dit à cet égard, en termes généraux, qu'il avait si bien su faire qu'il avait été élu Pontife romain.

Paul des Ursins, général des troupes de l'Église romaine, avait trouvé les moyens de retirer Rome de la tyrannie du roi Ladislas, et de la remettre sous la domination de son souverain légitime. Jean XXIII y fit son entrée la veille de Pâques de l'année 1411, et, après avoir béni les étendards militaires de l'Église romaine, il les mit entre les mains du roi Louis d'Anjou et de Paul des Ursins, général de la sainte Église, en les envoyant contre Ladislas, son ennemi. L'armée pontificale remporta une victoire complète sur celle de Ladislas, qui fut obligé de prendre la fuite, sans espérance de pouvoir redresser ses affaires; mais les vainqueurs, ne profitant pas de leur avantage, lui donnèrent le temps de se relever et de causer au Saint-Siège les maux dont il sera parlé dans la suite.

Dans les entrefaites Jean XXIII fit trois promotions de cardinaux, quatorze dans la première et un dans chacune des deux autres. Ils étaient généralement tous personnages de distinction et de mérite ; les plus connus sont Pierre d'Ailly, archevêque de Cambrai, Gilles Deschamps, évêque de Coutances, et François Zabarelle, évêque de Florence.

Les ennemis du roi Ladislas lui ayant donné le temps de respirer après sa défaite, il en profita pour remettre sur pied des troupes, avec lesquelles il ferma les avenues du royaume de Naples à Louis d'Anjou, qui, ne trouvant pas lieu de remédier aux troubles d'Italie, prit le parti de retourner en France. Ladislas commençait à se rejeter sur les terres de l'Église ; mais, épouvanté d'une croisade que Jean XXIII publia contre lui, il fit avec lui une paix simulée, dont l'une des conditions fut d'entrer dans son obédience en renonçant à celle de Grégoire XII. Celui-ci, qui s'était réfugié à Gaëte, sous la tutelle de Ladislas, fut obligé de chercher un autre protecteur, qu'il trouva à Rimini ; Charles Malatesta, son ancien ami, qui en était seigneur, l'y reçut à bras ouverts.

Jean XXIII crut alors avoir trouvé le temps propre pour tenir le concile…

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1 Platina. Maucler. Bergom. Th. de Niem.

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Message  Louis Jeu 08 Aoû 2013, 4:38 pm

Les cardinaux de l’obédience d’Alexandre V
lui donnent pour successeur Jean XXIII.
Ses premières actions.  


(suite)

 Jean XXIII crut alors avoir trouvé le temps propre pour tenir le concile qu'il avait indiqué à Rome la première année de son pontificat ; il le tint en effet l'an 1412 et au commencement de 1413. Quelques prélats s'y rendirent de différentes provinces de l'Église, lorsqu'on eut nouvelle que la paix faite avec Ladislas rendait les chemins libres. Le Pontife y publia un décret par lequel tous les ouvrages de Jean Wiclef furent condamnés au feu ; mais, comme ce concile n'était pas composé d'un nombre de prélats suffisant pour terminer la quantité d'affaires importantes dont il était question, Jean XXIII le prorogea à un temps plus commode.

Ladislas n'avait fait la paix avec le Pontife romain que pour mieux se mettre en état de lui faire la guerre avec plus d'avantage. A cet effet, il rassembla tout à coup ses troupes, à la tête desquelles s'étant rendu devant Rome il y fut introduit par les intelligences qu'il y avait. On ne saurait exprimer les cruautés et les profanations qu'il y commit. Il s'empara ensuite de tout l'État de l'Église et il espérait se rendre maître de toute l'Italie ; mais la mort ne lui en donna pas le temps : elle l'enleva de ce monde le 8 août 1414. Jean XXIII eut beaucoup de peine à se tirer de Rome et à échapper aux mains de cet usurpateur. Il se retira d'abord à Florence, ensuite à Bologne, et, après quelques négociations entre lui et l'empereur Sigismond, il s'aboucha avec ce prince à Lodi, où, le 9 décembre 1413, il publia l'indication du concile de Constance pour le 1er novembre de l'année suivante 1.

Pendant que l'Église se donnait tous ces mouvements pour remédier aux maux du schisme…

______________________________________________

1 Raynald. Bzovius.
 
A suivre : Commencement de saint Antonin.

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Message  Louis Ven 09 Aoû 2013, 6:01 am

Commencement de saint Antonin.

Pendant que l'Église se donnait tous ces mouvements pour remédier aux maux du schisme, Dieu lui formait deux illustres saints dans l'humilité du cloître.

Un Frère prêcheur, le bienheureux Jean-Dominique, restaurateur de la vie régulière en Italie et en Sicile, achevait de bâtir son nouveau monastère de Fiésole, près de Florence. C'était vers l'an 1403. Un enfant de treize ou quatorze ans, petit de taille et grêle de complexion, se présente à lui, il demande à être reçu dans le monastère au nombre des religieux.

Le bienheureux Jean-Dominique lui trouve de l'esprit et un beau naturel ; mais, le voyant si jeune et si frêle, il lui conseille d'attendre quelques années. Cependant il lui demande à quelle étude il s'appliquait. L'enfant répond qu'il lisait volontiers le décret de Gratien.

« Eh bien ! reprit le bienheureux Jean-Dominique, quand vous saurez tout le décret de Gratien par cœur, vous n'aurez qu'à revenir, et vous serez reçu dans l'ordre. » C'était une manière honnête de le congédier.

Au bout de l'année le jeune homme se présente au bienheureux Jean-Dominique pour subir son examen ; il savait par cœur tout le décret de Gratien et répondit sans faute à toutes les questions qu'on put lui faire. Cette fois il est accueilli avec empressement et reçoit aussitôt l'habit de Frère prêcheur. Ce jeune homme ou cet enfant se nommait Antonin, c'est-à-dire le petit Antoine, à cause de sa taille.

Saint Antonin, né à Florence en l'an 1389, sur la fin du pontificat d'Urbain VI, était fils de Nicolas Forciglioni et de Thomassine, tous deux très-considérés parmi leurs concitoyens, autant par leur piété que par l’antiquité de leur noblesse. Le grand-père du saint, nommé Nicolas Pierrozi, avait été secrétaire de la ville de Florence et quatre fois proconsul de la république, Ce qui lui donnait un rang distingué et une grande autorité. Mais rien sans doute n'a plus illustré cette maison que d'avoir produit un saint aussi célèbre.

Comme il était l'enfant unique…

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Message  Louis Ven 09 Aoû 2013, 3:38 pm

Commencement de saint Antonin.

(suite)

Comme il était l'enfant unique de son père et de sa mère ils mirent d'autant plus de soin à lui donner une éducation chrétienne ; mais l'enfant parut formé à la vertu avant de pouvoir la connaître. Plein de pudeur et de modestie, toujours docile aux saintes instructions, il ne montra d'inclination que pour la piété, d'horreur que pour le vice. Ennemi dès lors de l'oisiveté et de tous les vains amusements de l'enfance, la lecture de quelque bon livre, la conversation avec des personnes qui lui parlaient de la religion ou des victoires des martyrs faisaient ses plus chères délices. Son attrait pour la prière n'était pas moins remarquable. Lorsque, après les exercices de l'école, il n'était point enfermé dans sa maison, on était sûr de le trouver dans l'église, plus ordinairement dans une chapelle de la Vierge, ou devant une image du crucifix qu'on visitait avec une vénération particulière, dans l'église de Saint-Michel, appelée du Jardin, à cause du lieu où elle se trouvait.

Soit que le jeune disciple de Jésus-Christ se renfermât dans son oratoire ou qu'il fût devant les autels, il demeurait à genoux, prosterné contre terre, avec une persévérance qui surprenait tout le monde. Appliqué en même temps à l'étude, il y fit des progrès considérables, et on n'en était pas surpris en lui voyant faire un si saint usage des talents qu'il avait reçus de la nature. Un esprit aisé, vif, pénétrant, une mémoire heureuse, et autant d'assiduité que d'amour pour le travail, tout cela en fit un savant et le rendit habile dans un âge où les autres ont à peine commencé d'apprendre les éléments des sciences.

Mais, quelle que fût sa passion pour l'étude des lettres, elle n'égalait point son ardeur pour acquérir la science du salut. Dans toutes ses prières il ne demandait, pour ainsi dire, autre chose à Dieu, sinon que, par sa grâce, il daignât l'éloigner de toute occasion de péché, conduire ses pas, et lui apprendre à faire toujours sa volonté. Dès son enfance il avait souhaité se consacrer au service du Seigneur, et, pendant qu'il faisait de sages réflexions sur l'état de vie qu'il devait embrasser pour travailler plus sûrement à son salut et se rendre utile au prochain, il eut le bonheur d'entendre souvent les prédications du bienheureux Jean-Dominique de Florence et d'être témoin des grands exemples de vertu qui le faisaient admirer des peuples. C'est à lui que le jeune Antonin s'adressa, comme nous l'avons vu, pour être reçu dans l'ordre de Saint-Dominique.

Le fervent novice dissipa bientôt toutes les craintes où on était de le voir succomber aux rigueurs de la discipline régulière. Son courage lui donna des forces, et, comme il recevait toujours de nouvelles grâces, à mesure de sa fidélité, en peu de temps il fit bien du chemin dans les voies de la perfection. Il parut en toutes choses, non-seulement le plus humble, le plus obéissant, le plus recueilli, mais aussi le plus égal dans les pratiques austères de la régularité. Ses abstinences, ses veilles, l'amour de la pauvreté, l'application et l'assiduité à la prière, tout cela le faisait déjà considérer de ses frères comme un modèle.

Le sacrifice qu'il fit pour toujours de sa liberté par la profession religieuse…

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Message  Louis Sam 10 Aoû 2013, 7:06 am


Commencement de saint Antonin

(suite)
Le sacrifice qu'il fit pour toujours de sa liberté par la profession religieuse le rendit encore plus vigilant sur lui-même et le sacerdoce augmenta sa piété. On ne le voyait jamais à l'autel que trempé de ces douces larmes que le saint amour faisait couler de ses yeux. On eut beau modérer ses austérités, sa vie ne fut qu'un exercice continuel de pénitence. Sain ou malade il couchait toujours sur la dure. On eût dit qu'il n'avait point de corps, tant il l'avait soumis à l'esprit pour le faire servir à tout ce qui pouvait le conduire à une haute sainteté. Il venait de perdre en quelque manière le saint religieux qui lui servait de guide et de père : Jean-Dominique de Florence, devenu archevêque de Raguse et cardinal, avait été obligé de s'arrêter auprès du Pape Grégoire XII ; mais son absence ne fit qu'exciter davantage la vigilance et l'émulation de son fidèle disciple. Il était entré dans toutes ses vues et il remplit parfaitement ses desseins. Ce que le premier avait commencé avec succès pour rendre à plusieurs maisons de son ordre leur première beauté, le second parut en état de le continuer et de le porter à la dernière perfection. La vertu suppléant à l'âge, quoique fort jeune, saint Antonin fut choisi pour gouverner le couvent de la Minerve, à Rome, et il fit paraître tant de sagesse, de prudence, de modération, dans ce premier emploi, qu'on l'élut successivement prieur à Naples, à Gaëte, à Cortone, à Sienne, à Fiésole et à Florence. Dans toutes ces différentes maisons Antonin rétablit ou affermit la régularité, en y renouvelant l'esprit de ferveur, l'amour de la prière et de l'étude, et le zèle dans l'exercice du ministère apostolique.

La sollicitude du gouvernement et toutes les occupations qui en sont la suite …

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Message  Louis Sam 10 Aoû 2013, 3:16 pm


Commencement de saint Antonin.

(suite)

La sollicitude du gouvernement et toutes les occupations qui en sont la suite ne l'empêchaient pas de remplir lui-même les fonctions de l'apostolat ; il prêchait souvent, et il prêchait toujours avec fruit, parce que la sainteté de sa vie donnait un nouveau poids à ses discours. Les peuples et les savants montraient le même empressement à le suivre ; l'onction de ses paroles attirait les uns et l'abondance de sa doctrine faisait plaisir aux autres. Les ouvrages qu'il publiait quelquefois, fruits précieux de ses veilles, augmentaient encore sa réputation ; il était consulté de tous côtés par les théologiens et les canonistes, et on suivait avec confiance ses décisions.

Devenu vicaire général d'une célèbre congrégation composée de divers couvents, tant de la province de Rome que de celle de Sicile, qui avaient embrassé une plus étroite réforme, le serviteur de Dieu s'appliqua avec un soin incroyable à cultiver, à étendre et à perfectionner tout le bien que ses prédécesseurs avaient introduit dans ce sanctuaire de la piété, et, à leur imitation, c'était moins par l'autorité du commandement ou par la sagesse des ordonnances que par la vertu de l'exemple qu'il inspirait à ses frères la fidélité à toutes les pratiques de la règle.

D'autant plus humble qu'on l'élevait davantage, il commençait toujours la visite des monastères par l'exercice des offices les plus humiliants et les plus abjects. On voyait ordinairement le vicaire général confondu avec les derniers des frères dans le même travail; la ferveur seule le distinguait, et cette ferveur parut quelquefois aller trop loin.

Malgré la rigueur des saisons et l'épuisement de ses forces, il continuait avec la même sévérité ses jeûnes et faisait ses longs voyages à pied. Ces continuelles fatigues contribuèrent à ruiner sa santé, affaiblie d'ailleurs par des maladies qui l'avaient conduit plus d'une fois aux portes de la mort. Dans les intervalles les moins critiques il était travaillé d'une fièvre quarte ou d'une espèce de phthisie qui le desséchait entièrement ; mais son esprit, soutenu par la grâce de Jésus-Christ et par la considération de ses souffrances, ne se trouvait jamais plus fort que dans les plus grandes infirmités. Dieu l'avait toujours élevé au-dessus de ses maux, et ce qui épuisait son corps servait à purifier davantage sa vertu, à éprouver sa fidélité et à le mettre en état de continuer ses services à son ordre et à l'Église 1.

Tel était saint Antonin, que plus tard nous verrons archevêque de Florence, sa patrie.

Le bienheureux Jean-Dominique…

_______________________________

1 Touron, Hist. des Hommes illustres de l'ordre de Saint-Dominique, t. 3. Acta SS. , 2 mai.
 
A suivre : Le bienheureux Jean-Dominique, Frère prêcheur.

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Message  Louis Dim 11 Aoû 2013, 7:06 am


Le bienheureux Jean-Dominique, Frère prêcheur.
Le bienheureux Jean-Dominique était né dans la même ville, vers l'an 1360. La fortune n'avait point favorisé ses parents ; mais, dans une condition obscure ou fort médiocre, ils se distinguaient par une solide piété, qu'ils inspirèrent de bonne heure à leur fils. Comme ils avaient besoin du travail de ses mains, ce jeune homme, âgé déjà de dix-huit ans, avait à peine appris les éléments de la grammaire lorsqu'il se présenta au couvent de Sainte-Marie-Nouvelle pour demander l'habit de Saint-Dominique. On le refusa d'abord, tant à cause de son incapacité, de son ignorance, de sa difficulté à parler, que parce qu'il était nécessaire à ses parents. Il ne se rebuta point et revint plusieurs fois à la charge. On finit par accorder à sa persévérance ce que l'on croyait pouvoir refuser encore à son mérite.

Cependant un religieux des plus graves et des plus anciens de la communauté prédit dès lors que ce jeune homme, dont on faisait si peu de cas, serait un jour l'appui de son ordre, l'ornement de sa patrie et un illustre défenseur de l'Église.

Le fervent novice justifia la prédiction. En changeant d'état on eût dit qu'il avait changé d'esprit et de cœur; il parut un homme nouveau. Tout le temps de son noviciat se passa dans une ferveur extraordinaire et toujours soutenue. Ami du silence, de la retraite, de l'oraison, on le trouvait partout le même, recueilli, modeste, docile, obéissant, attentif aux besoins de ses frères, toujours prêt à les prévenir et à leur rendre les petits services qui pouvaient dépendre de lui. Sans le vouloir il prit un tel ascendant sur l'esprit de tous, ou plutôt sa vertu leur donna une si haute idée de son mérite, qu'après avoir commencé de l'aimer comme un sujet de grande espérance ils finirent par le respecter presque comme leur maître dans la pratique des observances régulières.

Les progrès de Jean-Dominique dans l'étude des sciences ne parurent pas moins surprenants que ses progrès dans la vertu. A beaucoup de pénétration, de vivacité et de justesse d'esprit, il joignait une mémoire si prodigieuse qu'il n'oubliait jamais ce qu'il avait une fois appris. Résolu de n'accorder à son corps que ce qu'on ne peut absolument refuser à la nature, il mangeait peu et dormait encore moins. Fuyant le sommeil presque autant que l'oisiveté, tout ce que ses exercices de piété ou de pénitence pouvaient lui laisser le loisir, il l'employait à la lecture des bons livres, surtout à la méditation des saintes Écritures. S'il donna la préférence aux ouvrages des Pères, il ne négligea pas ceux de l'antiquité profane ; aussi devint-il en peu de temps habile philosophe, profond théologien ; il n'ignora ni les mathématiques, ni le droit canon. Ce qu'on doit particulièrement admirer, c'est que, dans l'acquisition de toutes ces sciences, il ne fut aidé que de la grâce. Comme un autre saint Augustin, tout ce qu'il avait lu il l'avait appris et compris par lui-même, sans le secours d'aucun maître.

Saint Antonin avance ce fait sur le témoignage même du serviteur de Dieu…

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Message  Louis Dim 11 Aoû 2013, 4:28 pm


Le bienheureux Jean-Dominique, Frère prêcheur.


(suite)

Saint Antonin avance ce fait sur le témoignage même du serviteur de Dieu, et il cite ses ouvrages comme la meilleure preuve de la solidité aussi bien que de l'étendue de son érudition. Nous en trouvons une autre de son humilité dans le refus constant qu'il fît de prendre le degré et le rang de docteur. Quelques instances que fissent pour cela ses supérieurs et ses amis, il s'excusa toujours avec tant de modestie qu'on aima mieux le laisser dans les humbles sentiments qu'il avait de lui-même que d'employer le commandement pour lui faire accepter cette marque d'honneur, qui, dans le fond, n'ajoute rien au mérite. Dès les premières années qu'il passa dans le cloître, et avant que de s'adonner à l'exercice des fonctions apostoliques, ce saint homme ne donnait quelque relâche à son esprit que par le travail des mains ; après avoir vaqué à l'oraison et à l'étude il s'occupait quelquefois à écrire des livres de chœur, que l'on conserve encore précieusement dans le couvent de Saint-Dominique à Fiésole.

Après avoir imité le silence de Jésus-Christ et s'être nourri le premier du pain de sa parole, il commença de l'annoncer aux autres. S'y dévouant par obéissance, n'ayant en vue que la gloire de Dieu et le salut des âmes, il y parut toujours infatigable, jusqu'à prêcher quatre ou cinq fois dans un même jour pour contenter le pieux empressement des peuples. Suivant la remarque de saint Antonin, il ne citait presque jamais en chaire ni les philosophes, ni les poètes, ni les auteurs profanes, quoique ce fût assez la coutume ou le mauvais goût du siècle; mais, tout rempli de l'esprit de Dieu et parfaitement versé dans les saintes Écritures, Jean-Dominique y puisait, comme à une source de vie, les eaux salutaires dont il abreuvait les âmes altérées. Il attaquait avec force les vices publics et ménageait toujours les personnes, même les plus vicieuses. En un mot, ce que dans le même temps saint Vincent Ferrier faisait en France et en Piémont, le bienheureux Jean-Dominique le faisait en Toscane.

Les Florentins furent les premiers qui profitèrent...

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Message  Louis Lun 12 Aoû 2013, 6:22 am

Le bienheureux Jean-Dominique, Frère prêcheur.  

(suite)

Les Florentins furent les premiers qui profitèrent des leçons de sainteté, des avertissements ou des menaces de leur prophète. Pendant plusieurs carêmes il leur expliquait tous les matins tantôt l'Évangile, tantôt le psautier ou quelque autre livre de l'Ancien Testament, et il faisait des épîtres de saint Paul le sujet ordinaire de ses discours du soir. On ne se lassait point de l'écouter, et il ne pouvait se lasser lui-même de faire admirer partout les miséricordes infinies de notre Dieu, les richesses de sa grâce, la divinité et l'excellence de la religion de Jésus-Christ. C'est de là qu'il prenait plus ordinairement un juste sujet de condamner l'ingratitude des mauvais chrétiens et la corruption de leurs mœurs. Les plus libertins ne pouvaient résister à la force de ses paroles, mais changeaient tout à coup de vie. A Lucques, à Pise, à Venise et à Rome, il prêcha avec le même succès qu'à Florence. Il en bannit les scandales et les vices publics, tout ce qui déshonorait la religion ou pouvait troubler la tranquillité des peuples et la paix des familles. Il fit fermer ou déserter les lieux de débauche et remit en honneur plusieurs pratiques de piété qu'on avait trop longtemps négligées. Grand nombre de personnes quittèrent le monde pour mieux assurer leur conversion.

Dans la vue de seconder cette heureuse impulsion de la grâce Jean-Dominique fonda plusieurs nouveaux monastères et rétablit la régularité dans plusieurs anciens. Deux causes principales y avaient porté le relâchement. Vers le milieu du quatorzième siècle tous les ordres religieux perdirent leurs meilleurs sujets au service des pestiférés; ceux qui les remplacèrent après la contagion en prirent prétexte de mener une vie moins austère. Survint le grand schisme d'Occident, qui relâcha d'une manière déplorable tous les liens de la subordination ; mais le Seigneur n'oublia point son Église; il y suscita plusieurs hommes puissants en œuvre et en paroles ; de ce nombre fut le bienheureux Jean-Dominique.

Grégoire XII finit par le nommer archevêque de Raguse, puis cardinal et légat dans les pays du Nord. Le cardinal de Raguse, car tel fut dès lors son nom, n'en pressa pas moins son bienfaiteur à tout sacrifier pour la paix de l'Église, et nous le verrons y travailler avec succès au concile de Constance1.

___________________________________________________

1 Touron, Hist. des Hommes illustres de l'ordre de Saint-Dominique, t. 3. Acta SS. , 10 juin.
 
A suivre : Commencement de saint Laurent Justiniani.

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Message  Louis Lun 12 Aoû 2013, 3:53 pm


Commencement de saint Laurent Justiniani.
Dans le même temps la ville et république de Venise admirait les commencements de saint Laurent Justinien, qui devait être son premier patriarche. La famille des Justiniani est célèbre non-seulement à Venise, mais à Gênes, dans le royaume de Naples, dans l'île de Corse et dans l'île de Chio ou Scio. Celle de Gênes a possédé la seigneurie de Chio par le don qu'en fit, l'an 1363, l'empereur Andronic à Pierre Justiniani, général des armées de terre de la république de Gênes. Les Justiniani de Venise rappellent par leur histoire les Fabius de l'ancienne Rome.

L'an 1156 la république vénitienne envoya, sous le commandement du doge Vital Michiéli, une flotte formidable contre l'empereur grec Manuel ; tous les Justiniani, au nombre de cent, montèrent sur cette flotte. L'expédition, qui eut d'abord de grands succès, finit par de grands revers. Tous les Justiniani périrent, soit par la peste, soit par le fer ou les ruses de l'ennemi. Venise voyait avec douleur cette illustre maison près de s'éteindre ; il n'en restait que quelques vieillards et un jeune homme appelé Nicolas, mais qui avait embrassé la vie monastique. Le doge Vital, au nom de la république, obtint du Pape Alexandre III que Nicolas fût relevé de ses vœux pour empêcher l'extinction de sa famille, et il lui donna en mariage sa propre fille unique, nommée Anne. Dieu bénit leur union; ils eurent neuf enfants, six garçons et trois filles. Nicolas, se voyant une si nombreuse postérité, rentra dans son monastère, après avoir bâti un couvent où Anne, son épouse, embrassa de son côté la vie religieuse. Ils moururent tous deux en odeur de sainteté. C'est d'eux que descendait, à la huitième génération, saint Laurent Justinien.

Il naquit à Venise en 1380, de Bernardo Justiniani, qui tenait un rang distingué parmi la première noblesse de la république. Sa mère se nommait Quirina et sortait d'une maison non moins illustre que celle de son père. A l'âge de vingt-quatre ans Quirina demeura veuve avec cinq enfants, trois garçons et deux filles. Elle ne se remaria point, mais s'appliqua tout entière à élever sa famille dans la crainte et l'amour de Dieu, priant nuit et jour, portant le cilice avec une chaîne d'airain, domptant sa jeunesse par les jeûnes et les veilles, se montrant toujours miséricordieuse et bienfaisante envers les pauvres, et apprenant à ses enfants, tant par ses paroles que par son exemple, à faire volontiers l'aumône. Toute sa famille, notamment ses trois fils, Laurent, Marc et Léonard, se montre digne d'une si sainte mère.

Laurent surtout, dès ses premières années se distingua par des mœurs parfaites…

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Message  Louis Mar 13 Aoû 2013, 7:06 am


Commencement de saint Laurent Justiniani.


(suite)

Laurent surtout, dès ses premières années se distingua par des mœurs parfaites. Rien de plus beau ni de plus aimable, se plaisant avec les personnes plus âgées, facile avec ses égaux, caressant avec ses inférieurs. Du reste, une certaine grandeur d'âme, qui aspirait sans cesse à de grandes choses. Le jeu ne l'amusait point, comme les autres enfants; mais la sagesse divine le portait à quelque chose de grand. Sa mère Quirina craignant que cette ardeur juvénile ne vînt à l'égarer et à lui faire ambitionner les honneurs du monde plus qu'il n'était convenable : « Laisse-moi, disait-elle à son fils laisse-moi cette folie; cet orgueil-là ressent l'enfer. » Laurent, souriant comme par plaisanterie, lui disait : « Ne craignez point, ma mère ; vous me verrez un grand serviteur de Dieu. » Il le disait comme par enfantillage mais Dieu l'accomplit peu après.

Voici comme lui-même raconte cette merveille dans un ouvrage de piété intitulé le Bouquet d'Amour : …

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Message  Louis Mar 13 Aoû 2013, 2:43 pm


Commencement de saint Laurent Justiniani.


(suite)

Voici comme lui-même raconte cette merveille dans un ouvrage de piété intitulé le Bouquet d’Amour : « Venez, ô vous qui cherchez la paix, qui aimez le bien immuable, qui avez jusqu'ici travaillé en vain, qui êtes accablé sous l'amour de ce monde périssable ! Venez, dis-je, et je vous raconterai gratuitement combien de choses Dieu a faites à mon âme. Je vous communiquerai, pour la gloire de Dieu et votre avancement, ce que j'ai perçu secrètement dans le plus intime de mon cœur. J'étais un temps semblable à vous, cherchant avec un désir inquiet et bouillant la paix dans les choses extérieures, sans la trouver. Enfin, prévenu par la grâce  divine, pendant que je travaillais ainsi, une personne très-belle, plus resplendissante que le soleil, plus odoriférante que le baume daigna m'apparaître ; j'ignorais absolument son nom. Elle s'approcha d'un visage gracieux, et d'une voix douce me dit :

« O jeune homme, qui devez être aimé en moi, pour- quoi répandez-vous votre cœur, et, poursuivant la paix, vous dispersez-vous dans une multitude de choses ? Ce que vous cherchez est en moi ; ce que vous désirez, je vous le promets et vous le garantis, si cependant vous voulez m'avoir pour épouse. »

A la parole de cette personne, je le confesse, mon cœur défaillit et je fus transpercé du trait de son amour. Une certaine joie inaccoutumée remplit mon âme, et tout ce qui est au dedans de moi fut inondé d'une spirituelle allégresse. Dans cet état, comme je souhaitais beaucoup savoir son nom, sa dignité, sa naissance, elle ajouta qu'elle s'appelait et qu'elle était la Sagesse de Dieu, qui, dans la plénitude des temps, pour la réconciliation des hommes, a pris la forme humaine, et, invisible auparavant avec le Père, a pris de sa Mère la nature visible, afin d'être plus facile à aimer. Lorsque j'y eus consenti avec une joie immense, elle me donna le baiser de paix et s'en alla, et alors, et depuis, la flamme de son amour s'est accrue, le souvenir en est resté vivant, l'abondance de sa douceur persévère. C'est donc elle que j'aime comme mon épouse, c'est elle que j'embrasse comme mes délices, c'est par elle que j'ai goûté de quelque façon le bien de la paix que je cherchais auparavant. C'est pourquoi je vous exhorte tous avec confiance à courir à elle, sachant qu'elle reçoit avec beaucoup de joie tous ceux qui s'en approchent, qu'elle les enivre du breuvage de la paix, si bien qu'ils ne peuvent plus avoir soif 1. »

Voilà comment saint Laurent Justinien raconte lui-même cette divine apparition de sa jeunesse. Il avait alors dix-neuf ans.

Frappé de cette merveille il s'en ouvrit à Marin, son oncle maternel…

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1 Fasciculus amoris,  c. 16.

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Message  Louis Mer 14 Aoû 2013, 10:23 am


Commencement de saint Laurent Justiniani.

(suite)
Frappé de cette merveille il s'en ouvrit à Marin, son oncle maternel. C'était un saint et savant prêtre, qui était chanoine régulier de la congrégation de Saint-Georges, dite d'Alga, parce que le monastère était dans une petite île de ce nom, éloignée d'un mille de Venise. Cet habile directeur présageait quelque chose de grand du jeune homme et le voyait résolu à la vie la plus parfaite ; il voulut néanmoins éprouver encore la force de son corps et de son âme. Il lui conseilla donc, sans rien changer à l'extérieur, de s'essayer secrètement à ce que la vie religieuse a de plus austère. Laurent obéit et commença de coucher la nuit sur des monceaux de bois ou sur la terre nue. Sa mère s'en aperçut bientôt, et, craignant qu'il ne considérât point assez les difficultés de la vie religieuse, elle voulut mettre à l'épreuve sa résolution ; elle entre prit de le marier, et lui choisit à cet effet une fille à la fois belle, noble et riche. Laurent, ayant reconnu que sa mère et ses frères conspiraient contre lui, entra en jugement avec lui-même devant son crucifix ; il se représenta, d'un côté, tous les biens de la fortune, la noblesse, les magistratures, les honneurs, une femme, des enfants, de l'argent, et les plaisirs de toute espèce ; d'un autre côté les jeûnes, les veilles, le chaud, le froid, le renoncement à soi-même; puis, s'interrogeant comme un juge, il se dît : « Considère bien, Laurent, ce que tu prétends faire. Crois-tu pouvoir souffrir tout ceci et mépriser tout cela? » Alors, jetant les yeux sur la croix du Sauveur, il s'écria : « C'est vous, Seigneur, qui êtes mon espérance; c'est là que vous avez placé mon refuge immanquable. » Aussitôt il quitte sa mère, ses frères, les richesses et les honneurs, et court prendre l'habit chez les chanoines réguliers de la congrégation de Saint-Georges d'Alga.

Il n'y trouva point d'austérités qu'il n'eût déjà pratiquées, et ses supérieurs furent obligés de modérer l'activité de son zèle à cet égard. Malgré sa jeunesse il l'emportait sur tous ses frères par la rigueur de ses jeûnes et par la longueur de ses veilles. Jamais il ne se permettait de récréation qui ne fût utile; il prenait de sévères disciplines ; il ne se chauffait point, même dans les plus grands froids ; il ne mangeait que pour soutenir son corps et ne buvait jamais hors de ses repas. Lorsqu'on lui proposait de boire, sous prétexte que la chaleur était excessive ou qu'il était accablé de fatigue, il avait coutume de faire cette réponse : « Si nous ne pouvons supporter la soif, comment pourrons-nous supporter le feu du purgatoire ? » Cette disposition à souffrir produisit en lui une patience invincible dans toutes les épreuves. Pendant son noviciat…

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Message  Louis Mer 14 Aoû 2013, 1:44 pm


Commencement de saint Laurent Justiniani.


(suite)

… Pendant son noviciat il lui vint au cou un mal pour la guérison duquel il fallut employer le fer et le feu. Le moment de l'opération étant arrivé, il rassurait de la sorte les spectateurs qui tremblaient : « Pourquoi craignez-vous ? Pensez-vous que je ne puis recevoir la constance dont j'ai besoin de Celui qui sut non-seulement consoler, mais délivrer même des flammes les trois enfants jetés dans la fournaise ? » Il souffrit l'opération sans laisser échapper aucun soupir et en ne prononçant que le nom de Jésus. Il montra dans la suite le même courage, lorsqu'on lui fit une incision douloureuse. « Coupez hardiment, disait-il au chirurgien qui tremblait ; votre instrument n'approche pas des ongles de fer avec lesquels on déchira les martyrs. »  

Il arrivait toujours le premier aux exercices publics et il en sortait le dernier. Matines finies, il ne suivait point les frères qui allaient se reposer, mais il restait dans l'église jusqu'à prime, qui se disait au lever du soleil. Rien ne le flattait plus que de pouvoir pratiquer l'humilité ; les bas emplois étaient ceux qu'il choisissait de préférence, et il portait toujours les plus mauvais habits de la communauté. Il obéissait aussitôt que le moindre signe lui manifestait la volonté du supérieur. Dans les entretiens particuliers il sacrifiait son jugement à celui des autres ; il cherchait en tout la dernière place, autant qu'il le pouvait faire sans affectation. Quand il allait quêter dans les rues il cherchait toutes les occasions de s'attirer le mépris et les railleries des gens du monde. Ayant un jour été dans un endroit où l'on ne pouvait manquer de le tourner en ridicule, son compagnon le lui fit remarquer ; mais il lui répondit avec tranquillité : « Allons hardiment quêter des mépris. Nous n'avons rien fait si nous n'avons renoncé au monde que de parole ; il faut en triompher aujourd'hui avec nos sacs et nos croix. »


Il savait que les humiliations acceptées et souffertes avec joie sont le plus sûr moyen de remporter une victoire complète sur soi-même et…

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Message  Louis Jeu 15 Aoû 2013, 6:14 am

Commencement de saint Laurent Justiniani.

(suite)
Il savait que les humiliations acceptées et souffertes avec joie sont le plus sûr moyen de remporter une victoire complète sur soi-même et de détruire ce fonds d'orgueil qui est en nous un des principaux obstacles à la vertu. Il comprenait encore combien il est avantageux de ne pas se contenter de celles que la Providence envoie et d'y en ajouter de volontaires, pourvu toutefois qu'on le fasse avec prudence et que l'on évite tout ce qui pourrait sentir l'affectation. Dans le cours de ses quêtes il se présentait souvent à la maison où il était né ; mais il n'y entrait point ; il restait dans la rue et demandait l'aumône à la porte. Sa mère n'entendait jamais sa voix sans être attendrie; elle avait beau recommander à ses domestiques de lui donner avec prodigalité, il ne recevait que deux pains ; après quoi il souhaitait la paix à ceux qui l'avaient assisté et il se retirait comme s'il eût été étranger. Le magasin où était la provision annuelle de la communauté étant devenu la proie des flammes, il dit à un frère qui se lamentait : « Pourquoi avons-nous fait vœu de vivre dans la pauvreté ? Dieu nous a fait cette grâce afin que nous puissions la ressentir. » C'était ainsi qu'il découvrait son amour pour les humiliations et les souffrances, et qu'il pratiquait toutes les vertus qui en sont les suites et qui en font le principal mérite.

Dès qu'il eut renoncé au monde il s'accoutuma tellement à se rendre maître de sa langue qu'il ne disait jamais rien pour se justifier ou s'excuser. Ayant été un jour accusé en chapitre d'avoir transgressé un point de la règle, il garda le silence, malgré la fausseté de l'accusation. On doit encore remarquer qu'il était alors supérieur ; il quitta sa place ; puis, ayant fait quelques pas, les yeux baissés, il se mit à genoux, demanda pardon aux frères, et pria qu'on lui imposât une pénitence. L'accusateur en eut tant de confusion qu'il alla se jeter aux pieds du saint, déclarant qu'il était innocent, et se condamna hautement lui-même. Laurent redouta si fort la dissipation que, depuis le jour de son entrée dans le monastère jusqu'à celui de sa mort, il n'entra dans la maison paternelle que pour assister sa mère dans ses derniers moments.

Quelque temps après sa retraite il fut exposé à une rude épreuve de la part d'un de ses anciens amis…

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Message  Louis Jeu 15 Aoû 2013, 5:02 pm


Commencement de saint Laurent Justiniani.


(suite)
Quelque temps après sa retraite il fut exposé à une rude épreuve de la part d'un de ses anciens amis, qui occupait une des premières places de la république et qui était arrivé depuis peu de l'Orient. Celui-ci s'imagina qu'il viendrait à bout de lui faire changer de dessein et il résolut d'employer tous les moyens possibles pour y réussir. Il prit donc la route du monastère de Saint-Georges, accompagné d'une troupe de musiciens, et on lui permit d'entrer à cause de sa dignité. Lorsqu'il aperçut Laurent il fut extrêmement frappé de sa modestie et de sa gravité, et l'étonnement où il était lui fit garder quelque temps le silence. A la fin, s'étant fait violence, il lui dit tout ce que l'amitié peut inspirer de plus tendre pour l'engager à entrer dans ses vues. Comme ce moyen ne lui réussissait point, il eut recours aux reproches et aux invectives, qui n'eurent pas plus de succès. Lorsqu'il eut fini de parler, le saint fit un discours si touchant sur la mort et sur les vanités du monde que son ami, touché d'une vive componction, était hors de lui-même. Il en vint au point que, rompant sans différer tous les liens qui le retenaient dans le siècle, il résolut d'embrasser l'état pour lequel il n'avait eu que du mépris. Il prit l'habit à Saint-Georges, fit son noviciat avec une ferveur qui ne se démentit point dans la suite, devint l'objet de l'admiration et de l'édification de toute la ville, et mourut enfin de la mort des justes.

Saint Laurent fut élevé au sacerdoce, dont il était si digne par ses vertus. L'esprit de prière et de componction dont il était doué à un si haut degré, la connaissance qu'il avait des choses spirituelles et des voies intérieures de la piété le mettaient en état de travailler avec beaucoup de fruit à la sanctification des âmes. Les larmes qui lui échappaient dans ses exercices, et surtout pendant la célébration de la sainte messe, faisaient une vive impression sur les assistants et réveillaient leur foi ; il fut aussi favorisé de divers ravissements.

Ayant été élu malgré lui général de son ordre…

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Message  Louis Ven 16 Aoû 2013, 6:06 am


Commencement de saint Laurent Justiniani.


(suite)
Ayant été élu malgré lui général de son ordre il le gouverna avec une sagesse admirable ; il en réforma la discipline, au point qu'il en fut regardé depuis comme le fondateur. Dans ses discours tant publics que particuliers il parlait de la vertu avec une telle onction que tous les cœurs en étaient attendris. Il animait les tièdes, il remplissait les présomptueux d'une crainte salutaire, il inspirait de la confiance aux pusillanimes et les portait tous à la ferveur. Sa maxime ordinaire était qu'un religieux doit trembler au nom de la moindre transgression. Il recevait peu de sujets dans son ordre, et il éprouvait longtemps ceux qu'il jugeait dignes d'être admis. Il se fondait sur ce que la perfection et les devoirs de l'état religieux sont pour peu de personnes, et que ce n'est pas toujours dans le grand nombre que se trouvent la ferveur et l'esprit essentiel à la religion. Il est aisé de comprendre que, s'étant fait de pareils principes, il examinait scrupuleusement tous les postulants.

La première chose qu'il exigeait de ses disciples était une humilité profonde; il leur enseignait que cette vertu non-seulement purifiait l'âme de tout orgueil, mais qu'elle lui inspirait le vrai courage, en lui apprenant à ne mettre sa confiance qu'en Dieu. Il la comparait à une rivière qui est basse et tranquille en été, mais qui est haute et profonde en hiver. « L'humilité, disait-il en suivant la même comparaison, garde le silence et ne s'élève point dans la prospérité, tandis que dans l'adversité elle est haute, magnanime, remplie de joie et d'un courage invincible. Il n'y a rien, continuait-il, où les hommes soient plus exposés à se méprendre ; peu connaissent ce que c'est que cette vertu ; elle n'est possédée que de ceux à qui Dieu l'a donnée par infusion, en récompense de leurs efforts redoublés et de l'esprit de prière qui était en eux. L'humilité qui s'acquiert par des actes répétés n'est qu'une préparation à celle-ci, quoique nécessaire et indispensable ; aussi est-elle toujours aveugle et imparfaite. L'humilité infuse éclaire l'âme dans toutes ses vues ; elle lui fait voir clairement toutes ses misères et lui en donne le sentiment ; elle lui communique cette vraie science qui consiste à connaître que Dieu seul est tout et que nous ne sommes rien. »

Durant les guerres et les calamités publiques il exhortait les magistrats et les sénateurs à se bien pénétrer d'abord de leur bassesse, parce que cette disposition était la plus propre à attirer sur eux les regards de la miséricorde divine.

Depuis le temps où il reçut la prêtrise jusqu’à la  mort il…

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Message  Louis Ven 16 Aoû 2013, 4:10 pm


Commencement de saint Laurent Justiniani.

(suite)
Depuis le temps où il reçut la prêtrise jusqu’à la  mort il ne manqua jamais de célébrer la messe tous les jours, à moins qu'il n'en fût empêché par la maladie. Il disait à ce sujet qu'on avait bien peu d'amour pour Jésus- Christ quand on ne tâchait pas de s'unir à lui aussi souvent qu'on le pouvait. Il inculquait fréquemment cette maxime qu'il y aurait autant de folie à prétendre à la chasteté en menant une vie molle, oisive et sensuelle, qu'il y en aurait à vouloir éteindre le feu en jetant de l'huile dessus. Il ne cessait de rappeler aux riches l'obligation où ils étaient de faire l'aumône s'ils voulaient se sauver. On ne trouvait point dans ses discours de pensées étudiées, mais il y régnait une onction de laquelle on ne pouvait se défendre 1.

Voilà comment, par les Laurent Justinien de Venise, les Antonin de Florence, les Vincent Ferrier d'Espagne, et autres âmes d'élite, l'Esprit de Dieu entretenait et ranimait dans l'Église la vie et l'unité intérieure, tandis que les évêques, les rois et les peuples, mus par le même Esprit, travaillaient à y rétablir l'unité extérieure.

Depuis le concile de Pise la chrétienté était...

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1 Acta SS., janvier. Godescard, 5 septembre.
 
A suivre : Étendue des trois obédiences.

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